Blessés à vie par des balles en caoutchouc

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Proche-OrientBlessés à vie par des balles en caoutchouc

Des dizaines de Palestiniens ont été blessés par ces munitions supposées non-létales. Un adolescent a même trouvé la mort en 2014.

Avec son crâne couvert de points de suture, Ahmed Abou al-Homs gardera à vie les séquelles des blessures infligées par les balles en caoutchouc tirées par des policiers israéliens à Jérusalem. Cet adolescent de 13 ans est l'un des nombreux Palestiniens à porter les traces irréversibles d'un nouveau type de projectiles utilisés depuis environ deux ans en cas d'émeutes ou de heurts à Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la ville annexée et occupée par Israël.

Le 6 janvier dernier, Ahmed Abou al-Homs rend visite à sa soeur lorsqu'il se retrouve pris dans des affrontements entre Palestiniens et policiers israéliens. Il est atteint par une balle en pleine tête. Lorsqu'il se réveille de 45 jours de coma, un bout de son crâne a disparu et, avec lui, une partie de ses capacités.

«Avant, Ahmed était un garçon intelligent, vif et dynamique», se rappelle son oncle Mehdi. «Aujourd'hui, il peut seulement marcher, et pas très longtemps. Il a du mal à s'exprimer et à se souvenir des choses». Quant à lire et écrire, il n'en est plus capable. Trop faible pour sortir jouer avec ses amis, il passe le plus clair de son temps assis dans sa maison d'Essaouiya, un des quartiers agités de Jérusalem-Est.

Tué par une balle en caoutchouc

Les forces israéliennes ont l'autorisation depuis le 1er janvier 2015 de recourir, à Jérusalem-Est seulement, à des balles de modèle 4557, selon Nesrine Aliane, avocate auprès de l'Association pour les droits civiques en Israël (ACRI). Dans les faits, elles ont commencé à en faire usage dès juillet 2014 dans un contexte d'escalade qui devait culminer avec la guerre dans la bande de Gaza, précise-t-elle.

Plus lourd que le précédent modèle utilisé, ce projectile ressemble à un champignon rond et noir d'environ six centimètres de haut et trois de diamètre, formé d'un coeur en plastique dur. Plus d'une trentaine de Palestiniens ont été blessés par des balles 4557 et 14 d'entre eux ont perdu un oeil, selon Me Aliane.

En septembre 2014, Mohammed Sonoqrot, 16 ans, a succombé aux blessures infligées le 31 août par une de ces balles, pourtant supposées être non-létales. «Il est mort parce que la balle avait été tirée de très près et dans la tête», souligne Nesrine Aliane. La police a refermé le dossier faute de preuves, selon l'ACRI.

«Utilisées de manière irresponsable»

Les organisations de défense des droits de l'Homme mettent en cause les conditions dans lesquelles sont utilisées ces balles, pourtant censées limiter les dégâts humains. Tirées à au moins 10 mètres dans les jambes, elles provoquent une douleur violente et dissuasive, mais sans laisser a priori de traumatisme irréparable.

«Leur usage est extrêmement encadré», souligne Sari Bashi, de l'ONG Human Rights Watch. «Il est interdit d'en tirer sur des personnes âgées, des femmes enceintes ou des enfants. On ne peut presser la détente qu'après avoir visé et identifié la personne visée, et en direction des jambes, jamais plus haut».

Mais, dans les faits, «elles sont utilisées de manière irresponsable», assure-t-elle. «A Jérusalem-Est, nous constatons que la police a recours à la force quand ce n'est pas nécessaire ou alors en fait un usage excessif». De plus, «elle ne prend pas les précautions nécessaires pour protéger les enfants».

Emploi justifié par Israël

Luba Samri, porte-parole de la police israélienne, justifie l'emploi de ces balles par «le devoir qui est celui de la police de protéger la vie et l'intégrité physique des citoyens» face à des «menaces pouvant tout à fait provoquer la mort», comme les jets de pierres ou d'engins incendiaires. Elle invoque aussi la nécessité pour les policiers de se protéger eux-mêmes. La porte-parole souligne que le recours aux armes supposées non-létales doit être «raisonnable, avec modération et le souci de causer le minimum de dégâts».

Pourtant Nafez al-Damiri, 55 ans, paie cher d'avoir reçu en plein visage une balle de caoutchouc alors qu'il s'était abrité dans une épicerie lorsque des heurts avaient éclaté dans le camp de réfugiés de Chouafat en juillet 2015. Sourd et muet, ce couturier ne pouvait compter avant sa blessure que sur ses yeux, raconte sa femme Ghada. Aujourd'hui, il a un oeil de verre, n'ose plus sortir de chez lui et ne travaille plus. Son épouse a dû renoncer à son travail pour pouvoir s'occuper de lui. (nxp/afp)

(NewsXpress)

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