Le PORTRAIT DU LUNDI Louis Uberti et la santé du monde

La mondialisation, il connaît. Il s’applique personnellement la formule et n’envisage pas d’autre cadre pour ses activités. Branché yoga et diététique, le Colmarien d’adoption Louis Uberti a créé à 75 ans une entreprise qui carbure au vinaigre de cidre. À la veille de fêter ses 90 ans, le voilà parti pour sauver le monde de la pollution de l’air.
Pierre Maenner - 15 juin 2015 à 05:00 - Temps de lecture :
 | 
Bientôt 90 ans et des projets plein la tête : Louis Uberti n’en finit pas de s’engager « dans tout ce qui est rayonnement ». Photo L’Alsace/Hervé Kielwasser
Bientôt 90 ans et des projets plein la tête : Louis Uberti n’en finit pas de s’engager « dans tout ce qui est rayonnement ». Photo L’Alsace/Hervé Kielwasser

Louis Uberti est né un 18 septembre à 5 h du matin à Cologne, entre Bergame et Brescia, en Italie. « À 10 h, on enterrait mon grand-père paternel, Luigi Lancini, un grand propriétaire terrien qui durant sept ans avait été garde du roi. À cheval il suivait le roi d’Italie, il fallait qu’il voie toujours la tête du roi, qu’il dépassait d’une tête. Grand, les yeux bleus, il venait peut-être d’Autriche. Au rang de mes aïeux figure aussi l’un des 10 000 Lombards de la campagne de Russie… » Les parents Uberti, Victorio et Giulia, ont eu quatre garçons et deux filles. « Je suis le cinquième. Il ne reste que la benjamine, Elsa, née à Kembs, elle a 82 ans et habite Rixheim ».

« Après la Première Guerre, mon père a ouvert une carrière, ça marchait bien jusqu’à ce que Mussolini arrive. Il a voulu faire de lui le chef des fascistes de Cologne, vers 1927. Mon père a refusé. Il aimait bien le roi. Il est parti pour Côme et a pris un train pour Bâle. En Alsace on construisait l’usine hydroélectrique de Kembs sur le canal. Grâce à l’ambassade de France, sa famille l’a rejoint au début des années 1930. » Le jeune Luigi grandit à Kembs. « Puis on a été réfugiés à Mont-de-Marsan. En 1940, une lettre de la Kommandantur : mon père obligé de revenir pour remettre en route la centrale que les Français avaient fait sauter ! On est revenus avec lui. En tant qu’Italiens, on était un peu protégés. »

« Apprenti coiffeur, boucher, électricien… »

« Mes parents m’appelaient ‘le docteur’, depuis toujours je voulais être médecin, je m’intéressais aux plantes » , surligne Louis Uberti. « L’Arbeitsamt m’a d’abord envoyé comme apprenti coiffeur à Lörrach, puis j’ai été boucher dans la banlieue de Lörrach, puis électricien à Saint-Louis, dans une usine qui construisait des pièces d’avion. Puis comme tout le monde j’ai été réquisitionné pour creuser des tranchées. » Embarqué dans l’histoire avec la 1re Armée, il va jusqu’au Bodensee et au Tyrol. « J’étais chauffeur du commandant Daboval. Comme j’avais 1,83 m, ils m’ont pris pour les grands défilés. J’ai défilé à Berlin, à Belgrade, à Zagreb, à Varsovie, à Paris… » Une fois démobilisé, il est promu chauffeur pour le consulat de Hollande à Bordeaux. « C’est là que j’ai fait la connaissance d’un missionnaire, il ne pouvait pas repartir en Inde et m’a initié au yoga. En 1947, j’ai pris des cours de diététique et de perfectionnement au yoga. En 1950, je cherchais ma voie à Sainte-Marie-aux-Mines, j’ai rencontré une femme que j’ai mise enceinte. On est partis aux USA. J’étais chef de fabrication dans une grande usine à papier du New Jersey, j’ai enseigné pour la première fois le yoga à Atlantic City. Ma femme a divorcé, elle est restée aux USA, ma fille aussi, devenue professeur. J’ai là-bas quatre petits-enfants et à peu près quatre arrière-petits-enfants. Moi, je suis revenu avec deux valises chez mes parents à Mont-de-Marsan. »

Fin des années 1960, Me Uberti se pose à Colmar comme professeur de yoga. Cela fait à présent 43 ans qu’il est marié avec Brigitte Vol, inspecteur du trésor, retraitée : « Ses parents avaient une manufacture de couteaux à Nogent. On a 22 ans de différence. Elle est née l’année où j’ai commencé le yoga. »

« Si je suis légèrement de la droite… »

Cela fait aussi 40 ans que Lou Uberti publie des livres pour le bien-être, en autoédition (Ed. Cédady) ou chez un éditeur ad hoc (Ed. de l’Onde). « Les bienfaits des vinaigres, plantes et chicorée soluble » , qui démarre pour lui l’aventure du vinaigre, en est à sa 20e édition. Il est l’auteur d’un « Jésus Marie je vous aime » , des aimants sur la couverture. D’un « Sorti du corps » dans lequel il relate une expérience du « médium inné » qu’il dit être. Dans « C’est pour demain camarade Alsacien » , « L’Alsace mon berceau, la Russie mon tombeau » et « La belle Strasbourgeoise de Sibérie » , il reprend des histoires véridiques qu’on lui a confiées. Ce n’est pas tout. À la veille de la présidentielle de 2012, il s’est fendu d’un petit livre de conseils à l’intention de Sarkozy : « Foncez président ». « Homme libre, je n’ai jamais été d’aucun parti » , soutient-il. « En 1940 à Mont-de-Marsan, parmi des gens massés devant une librairie qui tous pleuraient, j’avais entendu la voix de de Gaulle. Si je suis ainsi légèrement de la droite, c’est parce que cette voix m’a marqué. »

« Je ne peux pas dire que je suis croyant, je suis catholique non pratiquant. Le jour de la communion, dans les Landes, j’étais caché dans la forêt. Je suis engagé dans tout ce qui est rayonnement. Je vois les religions de l’intérieur, par les trois centres principaux du corps que sont la digestion, le cœur et le cerveau, ces trois éléments qui forment l’être humain et tout ce qui s’ensuit. Personne ne peut dire : je suis dans le vrai. Je prends toutes les religions dans la même longueur. Ce qui arrive maintenant, c’est comme des troubles de digestion, je le prévoyais déjà il y a 30 ans. »

Le souvenir du vinaigre du Vermont

Il le répète : sa raison de vivre, c’est la santé, la sienne et celle du monde en général. « Quand je me suis engagé dans l’infanterie de marine, je n’avais jamais bu un verre de vin. J’ai fumé, mais le tabac ne m’a jamais intéressé. Je ne m’intéresse qu’à la santé. Il y a juste les femmes. J’ai eu de belles aventures quand j’avais 40 ans. » Son souci : ses yeux. « Je n’ai jamais porté de lunettes de soleil, à mon époque c’étaient les zazous qui en portaient. » Question sport : « La marche, un peu de ski de fond. Les voyages, j’aime pas trop. » Grand adepte du vélo, il nourrit un projet de circuit cyclable à la découverte des casemates le long du Rhin.

En 2000, à 75 ans, Louis Uberti a créé la société Mondial Uberti’s. Du Vermont il avait rapporté le souvenir du vinaigre de pomme. À son tour il élabore un vinaigre riche de 34 extraits végétaux, et le livre qui l’accompagne : « Les bienfaits des vinaigres, plantes et chicorée soluble ». Prospérant dans une zone artisanale à Colmar, sa société doit déménager à Sainte-Croix-en-Plaine en juillet, et à partir de là développer ses commandes à l’étranger, « Dubaï, Londres, Nürnberg et compagnie ».

Les Uberti font des séjours à Nice où leur fille Ariane, dite Soraya, qui gère aujourd’hui l’affaire, possède un studio. « Tous les jours, balade à pied jusqu’à Villefranche. Les sapins me rappellent les Vosges. J’adore les Vosges et ces coins magnétiques que sont le Brézouard, les Bagenelles, où je ressens toutes les énergies. » Toujours aimanté par de nouvelles causes, le Colmarien a entrepris de lancer « SOS Air pur » : un magazine international dont il envisage déjà une édition France, une édition USA, une édition Afrique, en vue de rassembler des idées pour assainir l’atmosphère de la planète. « Un message universel » , dit-il. Il ne recule devant rien : après le label Mondial Uberti’s, ses prospectus jettent les bases d’une nouvelle doctrine. Baptisée, en toute humilité, « l’ubertisme ».