Lemegeton

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Lemegeton
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Le Sceau de Salomon apparaissant dans l'ouvrage.

Le Lemegeton Clavicula Salomonis, ou la petite clé de Salomon, ou simplement Lemegeton, est un traité de magie rituelle, anonyme, en anglais, de la seconde moitié du XVIIe siècle. Il s'agit, dans sa version complète, d'une compilation et d'une refonte de cinq textes, prêtés au roi d'Israël Salomon, ayant auparavant circulé de façon indépendante. Ce recueil participe d'une longue tradition d'œuvres (avec notamment le Testament de Salomon, les Clavicules de Salomon, le Grand grimoire, etc.) décrivant ce roi comme un sorcier ayant reçu à l'origine ses pouvoirs de Dieu[1],[2],[3],[4].

Titre[modifier | modifier le code]

Le titre Lemegeton Clavicula Salomonis, ou la petite clé de Salomon reprend celui d'un autre texte, ayant circulé sous différentes formes et en différentes langues depuis le XVe siècle, la Clavicula Salomonis (La petite clef de Salomon, aussi connu en français comme la ou les Clavicule(s) de Salomon). En anglais, ces deux ouvrages sont parfois distingués comme The Key of Salomon et The Lesser Key of Salomon (pour le Lemegeton).

L'origine et la signification du mot « Lemegeton » sont inconnues[5] ; Joseph Hagan Peterson pense qu'il s'agit d'une invention de l'auteur due à son ignorance du latin, « Lemegeton Clavicula Salomonis » étant censé être traduit par « The Lesser Key of Salomon »[6].

Manuscrits[modifier | modifier le code]

Les principaux manuscrits datent de la seconde moitié du XVIIe siècle et se trouvent à la British Library de Londres[7] :

  • Sloane Ms. 3648 (1655).
  • Sloane Ms. 2731 (1686).
  • Sloane Ms. 3805 (1685).
  • Sloane Ms. 3825 XVIIe – XVIIIe siècle.
  • Harley Ms. 6483 (1712).

Contenu[modifier | modifier le code]

L'ouvrage est en cinq parties : la Goetia qui décrit 72 démons et le rituel pour les invoquer ; la Theurgia Goetia avec des esprits en partie bons et en partie mauvais ; l’Ars Paulina qui décrit les esprits et anges qui gouvernent les heures du jour et les signes du zodiaque, tels que supposément découverts par l'apôtre Paul après avoir été enlevé au ciel ; l’Ars Almadel (du nom de son présumé auteur arabe) qui décrit vingt esprits bienveillants du zodiaque ; et l’Ars Notoria, qui est un mélange de prières et de mots magiques permettant la communion avec Dieu et la connaissance des sciences humaine et divine (ce dernier texte est absent de certains manuscrits).

Origines[modifier | modifier le code]

En 1531, Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim dans son de incertitudine et vanitate omnium Scientiarum et artium (De l'incertitude, vanité et abus des sciences), place dans une liste de livres de magie : l’Ars Almadel, l’Ars Notoria et l’Ars Paulina. Avec le titre du chapitre de l'ouvrage d'Agrippa Theurgia, et celui du précédent Goetia, on a les titres des cinq parties du Lemegeton[6].

La Goetia (= goétie, terme grec désignant la magie avec une connotation péjorative, par opposition à theurgia = théurgie) contient la description de 72 démons que le roi Salomon aurait invoqués puis emprisonnés dans une urne de laiton scellée par des symboles magiques, et qu'il aurait ensuite obligés à travailler pour lui. Le texte explique comment fabriquer une urne similaire et détaille les formules magiques afin d'appeler ces démons en toute sécurité. La liste de démons reprend pour l'essentiel celle du Pseudomonarchia daemonum de Johann Weyer, en appendice de son De Praestigiis Daemonum (1563), traduit en anglais par Reginald Scot. Mais l'ordre des démons est différent, et le rituel est plus élaboré que les simples invocations de Weyer[8]. Les autres sources de la Goetia sont la Steganographia de Johannes Trithemius (vers 1500) et l’Heptameron de Pietro d'Abano, pour les rituels[9].

La Theurgia Goetia s'inspire de près du premier livre de la Stéganographie de l'abbé Trithème, écrite vers 1500, et qui circula de façon importante sous forme de manuscrits avant sa première publication en 1608, et dans laquelle les sceaux magiques et les conjurations sont en fait des exemples d'écritures codées[10]. Le livre II de la Stéganographie a fourni les noms des esprits de l’Ars Paulina, les sceaux zodiacaux étant repris des Sept Livres de l'archidoxe magique de Paracelse, traduits en anglais par Robert Turner en 1656.

L’Ars Almadel, cité par Agrippa et par Trithème, se trouve également dans les versions en hébreu de la Clavicula Salomonis (Mafteach Shelomoh), dont les plus anciens manuscrits datent également de la fin du XVIIe siècle. Il s'agit de la reprise avec d'importantes modifications d'un traité de magie médiéval (dont les plus anciens manuscrits sont aussi connus sous le nom d’Almandal[11].

L’Ars Notoria, enfin, est un traité ayant circulé sous différentes formes depuis le XIIIe siècle, attribué à Salomon et Appolonius de Tyane[12]. Les plus anciens manuscrits contenaient des figures qui ne furent reproduites par la suite, notamment la version latine imprimée vers 1620, qui fut traduite en anglais et imprimée en 1657 par Robert Turner. C'est cette version qui est reprise dans les manuscrits du Lemegeton qui contiennent l’Ars Notoria.

1re section : Ars Goetia[modifier | modifier le code]

Buer, le 10e esprit, qui enseigne la philosophie naturelle et morale (illustration par Louis Le Breton du Dictionnaire Infernal)

Une édition révisée de l’Ars Goetia est publiée en 1904 par Samuel Mathers et Aleister Crowley : The Goetia: The Lesser Key of Solomon the King. L'ouvrage devient un élément clef du système magique d'Aleister Crowley.

  1. Roi Bael
  2. Duc Aguarès
  3. Prince Vassago
  4. Marquis Samigina
  5. Président Marbas
  6. Duc Valefor
  7. Duc Amon
  8. Duc Barbatos
  9. Roi Paimon
  10. Président Buer
  11. Duc Gusoyn
  12. Prince Sitri
  13. Roi Byleth
  14. Marquis Leraje
  15. Duc Eligos
  16. Duc Zepar
  17. Comte/Président Botis
  18. Duc Bathin
  19. Duc Saleos
  20. Roi Purson
  21. Comte/Président Morax
  22. Comte/Prince Ipos
  23. Duc Aim
  24. Marquis Naberius
  25. Comte/Président Glasya-Labolas
  26. Duc Bune
  27. Marquis/Comte Ronove
  28. Duc Berith
  29. Duc Astaroth
  30. Marquis Forneus
  31. Président Foras
  32. Roi Asmodée
  33. Prince/Président Gaap
  34. Comte Furfur
  35. Marquis Marchosias
  36. Prince Stolas
  37. Marquis Phenex
  38. Comte Halphas
  39. Président Malphas
  40. Comte Raum
  41. Duc Focalor
  42. Duc Vepar
  43. Marquis Sabnock
  44. Marquis Shax
  45. Roi/Comte Vine
  46. Comte Bifrons
  47. Duc Vual
  48. Président Haagenti
  49. Duc Crocell
  50. Chevalier Furcas
  51. Roi Balam
  52. Duc Alocer
  53. Président Caym
  54. Duc/Comte Murmur
  55. Prince Orobas
  56. Duc Gremory
  57. Président Ose
  58. Président Amy
  59. Marquis Orias
  60. Duc Vapula
  61. Roi/Président Zagan
  62. Président Volac
  63. Marquis Andras
  64. Duc Flauros
  65. Marquis Andrealphus
  66. Marquis Cimeries
  67. Duc Amdusias
  68. Roi Bélial
  69. Marquis Decarabia
  70. Prince Seere
  71. Duc Dantalion
  72. Comte Andromalius

2e section : Ars Theurgia Goetia[modifier | modifier le code]

L’Ars Theurgia Goetia (ou Art de la Théurgie Goétique) est la seconde partie de la Petite clef de Salomon. Le texte détaille les noms, caractéristiques et sceaux des 31 esprits aériens (appelés chefs, empereurs, rois et princes) que le roi Salomon aurait invoqués et confinés, les protections contre eux, les noms de leurs esprits serviteurs (appelés ducs), les rituels pour les invoquer, ainsi que leur nature, qui est à la fois bonne et mauvaise.

Leur rôle est de découvrir et faire connaître les choses cachées, les secrets de toute personne, et d'obtenir, transporter ou faire ce qui leur est demandé tant qu'ils sont confinés dans un des quatre éléments (le feu, l'eau, l'air et la terre). Ces esprits sont présentés selon un ordre complexe dans l'ouvrage et l'orthographe de leurs noms varie selon les éditions.

3e section : Ars Paulina[modifier | modifier le code]

L’Ars Paulina (ou Art de Paul) est la troisième partie de la Petite clef de Salomon. Selon la légende, cet art aurait été découvert par l'apôtre Paul mais le livre le présente comme l'art paulien du roi Salomon. Il est divisé en deux chapitres.

Le premier chapitre traite des anges des différentes heures de la journée, détaillant leurs sceaux, leur nature, leurs serviteurs (appelés ducs), les relations de ces anges avec les sept planètes connues à l'époque, les aspects astrologiques appropriés pour les invoquer, leurs noms, ainsi que les rituels d'invocation pour les appeler.

Le second chapitre traite des anges qui gouvernent les signes du Zodiaque et les degrés de chaque signe, leurs relations avec les quatre éléments (le feu, l'eau, l'air et la terre), leurs noms et leurs sceaux. Ils sont appelés ici les anges des hommes car chaque personne est née sous un signe zodiacal, avec le soleil se trouvant à un degré précis.

4e section : Ars Almadel[modifier | modifier le code]

L’Ars Almadel (ou Art de l'Almadel) est la quatrième partie de la Petite clef de Salomon. Il détaille les matériaux et rituels nécessaires à la fabrication de l'Almadel, une tablette de cire où sont dessinés des symboles de protection, ainsi que des quatre bougies de même cire qui doivent y être associées.

Cette section présente aussi les anges qui peuvent être invoqués, détaillant les rituels nécessaires, et expliquant que seules des choses justes et raisonnables peuvent leur être demandées. Le texte mentionne aussi les douze princes qui les dirigent. Les dates et aspects astrologiques appropriés à l'invocation sont brièvement présentés. L'auteur affirme avoir réalisé ces invocations.

5e section : Ars Notoria[modifier | modifier le code]

L’Ars Notoria (ou Art Notoire) est la cinquième partie de la Petite clef de Salomon. Le texte affirme que cet art a été révélé par le Créateur à Salomon par l'entremise d'un ange.

Il contient un ensemble de prières (certaines sont divisées en plusieurs parties) émaillées de mots kabbalistiques et magiques en diverses langues (hébreu, grec…). Il explique comment les prières doivent être prononcées et comment ces rituels permettent la compréhension de toute science. Il mentionne les aspects lunaires en relation avec ces prières. Il prétend que les prières permettent l'invocation des anges de Dieu. Selon l'ouvrage, les prières correctement récitées permettent d'accéder à la connaissance et apportent une bonne mémoire, la stabilité mentale et l'éloquence. Le texte précise ce qui doit être observé afin d'obtenir un bon résultat.

Finalement, le texte explique comment le roi Salomon a reçu la révélation de l'ange.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sources primaires[modifier | modifier le code]

Littérature secondaire[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • Boudet Jean-Patrice, Entre science et « nigromance » : astrologie, divination et magie dans l'Occident médiéval (XII-XVe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, 624 p.
  • Bremmer Jan Nicolaas et Veenstra Jan, The Metamorphosis of Magic from Late Antiquity to the Early Modern Period, Leuven, Peeters, 2002, 317 p.
  • Davies Owen, Grimoires : A History of Magic Books, Oxford, Oxford University Press, 2010, 368 p.
  • Iafrate Allegra, The Long Life of Magical Objects : A Study of the Solomonic Tradition, Penn State University Press, 2020, 248 p
  • Kieckhefer Richard, Magic in the Middle Ages, Cambridge ; New York, Cambridge University Press, 1989, 219 p.
  • Lecouteux Claude, Histoire légendaire du roi Salomon, Paris, Imago, 2020, 269 p.
  • Lecouteux Claude, Le livre des grimoires. De la magie au Moyen Age, Paris, Imago, 2002, 300 p.
  • Sallmann Jean-Michel (dir.), Dictionnaire historique de la magie et des sciences occultes, Paris, Librairie générale française, 2006, 832 p.
  • Servier Jean (dir.), Dictionnaire critique de l'ésotérisme, Paris, Presses universitaires de France, 1998, 1449 p.
  • Torijano Pablo A., Solomon the Esoteric King : from King to Magus, Development of a Tradition, Leyde ; Cologne ; Boston, Brill, 2002, 333 p.
  • Van den Toorn Karel et alii (éd.), Dictionary of Deities and Demons in the Bible, Leyde ; Boston, Brill ; Grand Rapids ; Cambridge, William Eerdmans, 1999, 960 p.
  • Véronèse Julien, L’« Ars notoria » au Moyen Âge : introduction et édition critique, Florence, Sismel - Del Galluzzo, 2007, 309 p.

Articles[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Torijano Pablo A., Solomon the Esoteric King : from King to Magus, Development of a Tradition, Leyde ; Cologne ; Boston, Brill, 2002, 333 p.
  2. Paul André, « Livres dits de Salomon », Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 10.02.2020.
  3. Owen Davies, Grimoires : A History of Magic Books, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 14.
  4. Shalev-Eyni Sarit, « Solomon, his Demons and Jongleurs : the Meeting of Islamic, Judaic and Christian Culture », Al-Masaq. Journal of the Medieval Mediterranean, 18, 2006, p. 145-160.
  5. Butler Elizabeth Marian, "The Solomonic Cycle", in Ead., Ritual Magic, University Park, The Pennsylvania State University Press, 1979, p. 65.
  6. a et b The Lesser Key of Solomon : Lemegeton Clavicula Salomonis. Detailing the Ceremonial Art of Commanding Spirits Both Good and Evil, Peterson Joseph Hagan (éd.), York Beach, Weiser, 2001, p. XI.
  7. Robert Mathiesen, « The Key of Solomon : Towards a Typology of the Manuscripts », Societas Magicas Newsletter, no 17,‎ (1-9)
  8. The Lesser Key of Solomon : Lemegeton Clavicula Salomonis. Detailing the Ceremonial Art of Commanding Spirits Both Good and Evil, Peterson Joseph Hagan (éd.), York Beach, Weiser, 2001, p. XIII-XIV.
  9. The Lesser Key of Solomon : Lemegeton Clavicula Salomonis. Detailing the Ceremonial Art of Commanding Spirits Both Good and Evil, Peterson Joseph Hagan (éd.), York Beach, Weiser, 2001, p. XIV.
  10. The Lesser Key of Solomon : Lemegeton Clavicula Salomonis. Detailing the Ceremonial Art of Commanding Spirits Both Good and Evil, Peterson Joseph Hagan (éd.), York Beach, Weiser, 2001, p. XV.
  11. Veenstra Jan, "The Holy Almandal. Angels and the Intellectual Aims of Magic", in Bremmer Jan Nicolaas et Veenstra Jan, The Metamorphosis of Magic from Late Antiquity to the Early Modern Period, Leuven, Peeters, 2002, p. 210-211.
  12. Véronèse Julien, L’"Ars notoria" au Moyen Âge : introduction et édition critique, Florence, Sismel - Del Galluzzo, 2007, 309 p.