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DARY
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DARY en 1969, photo d’Alain MAROUANI, photographe de Barclay
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Photographie de Alain OGUSE
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Dans l’année 1967, la Scala avait pris sa vitesse de croisière et il y eut, cette année là, une recrudescence de chanteurs. Nous avions, tant soit peu, « officialisé » le lieu, en construisant une petite scène pour le café-théâtre, qui allait ouvrir vers la fin de l’année, En attendant, cela mettait en valeur nos apprentis vedettes, qui, avec le secours d’un projecteur, « s’y voyaient déjà », comme la chanson d’AZNAVOUR! Après pas mal de périodes successives, oû s’étaient illustrés les classiques, les flamencos, les sud américains, voire les israéliens ou les russes..j’en passe, une bande s’était naturellement formée, comprenant, en gros, GERMINAL, Bernard LAVILLIERS, Gérard THOMAS, Francis MOZE et quelques autres. Dary fut en quelque sorte, le meneur en déconnomanie et joyeusetés diverses! Je me souviens d’un inénarrable « frou frou » qu’il chantait avec une voix de soprano! C’est drôle, à part, peut être LAVILLIERS, personne ne semblait penser au succès ou à la gloire future!
Jusqu’au jour oû Bertrand CASTELLI, metteur en scène de « Hair », célèbre comédie musicale de l’époque, est venu me demander de lui « fournir » un max de chanteurs-guitariste-aux-cheveux-longs.car il désirait remonter cette comédie musicale à Paris!
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Carqueiranne, juin 2009
Chère Denise, cher Jacky
Pour le récit de ma vie, j’ai joint l’extrait de l’excellent livre de Christian STALLA »Un cabaret rue Mouffetard », éditions l’harmattan. Christian, avec ma collaboration, me consacre un chapitre entier! J’ai été touché, très ému des commentaires de l’auteur et ma modeste personne a ressenti une fierté très compréhensible!
Donc, à mon tour d’apporter ma pierre (en forme de pavé de mai 68!) à la construction du site « la Scala retrouvée ». Un endroit cher à mon coeur, gravé à jamais dans ma mémoire. Période d’une folle jeunesse débridée, au jour le jour, mais bien plus lucide qu’il n’y parait au premier abord.
A la relecture des écrits de GERMINAL, je ne peux que confirmer ses paroles. GERMINAL, mon ami, mon frère, amitié inaltérable de toute une vie…et ce n’est pas fini! On se revoit toujours régulièrement.
Dary et Germi à Montauban
Je vais adopter, moi aussi, une sorte d’inventaire à la Prévert, de ce lieu d’amitiés, de délires, laboratoire de bonnes et.. de moins bonnes idées, de création, de fête, de drague et la rencontre de personnages dignes d’une bande dessinée ou d’un roman écrit au coeur d’une nuit très Mouffetard le soir!
D’abord, vous saluer, Jacky et Denise, les maîtres du lieu…gentillesse, humour, patience, un regard moitié fraternel, moitié paternel. Vous aviez créé une ambiance que j’ai trop peu retrouvée ailleurs!
Attention, je risque d’être bavard!
Tout d’abord, c’est un peu grâce à la Scala, si au printemps 1969, ma vie fut bouleverséeet et que je suis passé d’une ombre (relative) à la lumière (toute aussi relative!) De retour d’un séjour dans mon Jura natal, Jacky me dit: »Il y a un message pour toi. La production américaine de Hair (dont les médiatiques auditions se déroulaient depuis des mois) veut t’engager. » (En fait, comme je le dis plus haut, Bertrand CASTELLI, le metteur en scène, était venu me voir… Note de Jacky.) J’ai cru à une blague, mais devant l’insistance de Jacky et de Karine, (du Requin Chagrin, oû je me produisais aussi ), je me suis décidé. Bien sûr, j’étais très réticent de « bosser » tous les soirs ! (On m’avait déjà proposé Evariste et d’autres.) Gérard PALAPRAT et moi, fouillons nos fonds de poches de nos derniers francs et prenons un taxi devant l’horloge de la Chope Contrescarpe. Des files de gens attendaient devant le théatre de la Porte Saint Martin. A la surprise générale, nous fûmes auditionnés en priorité et engagés sur le chant (et sur le champ!) Plus tard, j’ai appris que c’est Hervé WATTINE (premier rôle, décédé depuis) qui m’avait entendu délirer à la Scala, avec ma voix de Castafiore sur le retour (Frou frou, Berthe Sylva). Dans Hair, un rôle et une chanson sur mesure m’attendaient. Dans son livre, Christian STALLA résume très bien cet épisode qui a changé ma vie…pour toujours!
Quelques personnages et anecdotes dans mon inventaire:
Michel NOIRRET. Il avait fait des disques. Respect. Et extrème gentillesse!
Francis MOZE, qui allait devenir le fameux bassiste de MAGMA et Catherine LARA. Je me souviens des heures qu’il a passées avec LAVILLIERS et GERMINAL et Jacky SCALA, à apprendre les accords de la bossa nova qui arrivaient à nos oreilles!
La « Bûche« , dit le « nègre blanc »et ses étranges et interminables poèmes. Un peu notre barde d’Asterix!
Daniel GUICHARD. Je le côtoyais chez Barclay Neuilly, oû je préparais un disque. Daniel avait sorti un double 45 tours, mais ramait dur et bossait dans un bureau (photocopies et menus travaux) pour faire bouillir la marmite.Il m’avait demandé des bons plans pour faire la manche.Un soir, à la Scala, il m’a offert son disque. Très médiocre et dépassé! Cest grâce aux conseils de Monsieur Francis LEMARQUE, que Daniel a changé son répertoire et mis sa voix magnifique en valeur, dans un style français populaire, très titi parisien, avec le succès mérité qu’il a connu.
Le Père DUVAL, « la calotte chantante » de Brassens, soupait souvent chez les MIMINES (inoubliables copines) et me demandait tout le temps: « Eh, le jurassien, chante moi « le coeur gros » d’Hugues AUFFRAY ». A chaque « chapeau », il mettait la somme symbolique de 1 franc. A la Scala, longues conversations avec un curé artiste, dont les chansons ont bercé mon enfance « catho! » Il était ravi que je lui chante ses chansons, comme « J’ai joué de la flute sur la place du marché« . et « l’inoubliable« . S’il n’a pas eu, « bonnes gens », des paroles sur le deuil, qui me sont encore précieuses à l’heure actuelle, je sais, néanmoins, qu’il a connu une fin de vie difficile, ce cher Aimé DUVAL!
Anne VANDERLOVE, la très belle fille de « Ballade en novembre« . J’entends encore son rire sonore et tonitruant, un soir, oû, en grande forme, j’ai vraiment déliré, avec GERMINAL et compères! On inventait des gags, je faisais seul un duo d’opérette de Théodore Bothtrel, avec les deux voix. Pour la femme, avec mes longs cheveux, je me faisais des couettes à la Sheila! Ce n’étaitpas triste, cette « bonne amie à Quimperlé »!
Rodolphe, « le petit gros », fan et imitateur de Jacques SAMMY et amoureux transi de la belle et prude VICTORIA, chanteuse américaine, protégée de Francis LEMARQUE. « Roro », le marginal, le mystérieux, ex tôlard, à la double ou triple vie! Il m’appelait affectueusement : »nounours », car je chantais avec une voix de bébé « bonne nuit, les petits »: « Moi, je dors avec nounours dans mes bras », avec mes couettes à la Sheila! Nous nous sommes souvent croisés dans nos vies. Même à Noël, dans ma famille. J’avais coutume de lui dire: « Si je ne te vois plus, soit tu es mort, soit tu es en tôle. » Il y a longtemps que je n’ai plus de ses nouvelles.
Jacques SAMMY. Quand on parle de Rodolphe, on pense à SAMMY. L’éternel troubadour, qui avait son idolâtre imitateur: Roro! « Tu n’es qu’un petit garçon, voila, mon frère! »A mon arrivée à Paris,en 1966, SAMMY, déjà bien en place, m »a conseillé, épaulé, me donnant les bonnes adresses, pour chanter. En 2009, SAMMY, le dernier des troubadours Mohicans est toujours au quartier et chante ous les week-ends. Nos retrouvailes régulières sont toujours plaisantes et je ne peux que louer sa fidélité, sa disponibilité et sa pêche de petit garçon, voila!
Francis LEMARQUE. Deux ados venaient souvent à la Scala: Danielle et son frère. Ils nous annoncent: » Germinal, Dary, demain, nos parents viennent vous écouter. »Nous avons cru à une banale conversation, jusqu’au soir annoncé. Divine surprise: » on vous présente nos parents, madame et monsieur Francis LEMARQUE!! » Yeux grands ouverts, fiers de connaître un tel personnage, d’une grande humilité et d’une grande gentillesse. Je me souviens qu’il voulait me prendre « Près de l’eau, près de la Fontaine », écrite avec Evariste, chantée par moi, à l’Olympia, à la finale des Relais de la Chanson Française, en 1968. J’ai refusé…et n’ai rien fait, par la suite, de cette chanson. Dommage, mais quelle rencontre inoubliable!
Vitold, un cas à part! Adepte des échecs, sur lesquels il sommeillait, parfois!(Toujours! Note de Jacky). Le port altier d’un vieil aristocrate slave. Barbe blanche, bien taillée, fume cigarette au bord des lêvres. En regardant de près cet homme, d’une grande prestance, on devinait un col de chemise élimé et jauni, un costume au drap fripé, rapé, défraîchi. Mais quelle allure, quelle classe! J’ai tout compris, le jour oû je l’ai croisé, sortant de « chez lui », angle rue Lanneau et rue des Carmes. Son Altesse Vitold sortait de son immeuble, dans une cour remplie de gravats et de pans de murs effondrés. Il squattait là, digne et princier, parmi les immondices!
Au début de « Hair », printemps 1969, j’ai habité avec mon ami Gérard THOMAS, dit « joli coco », (j’y reviendrai), au 41 de la rue Descartes. Enfin, du confort! Luce, jolie rousse, très marlène JAUBERT, partageait ma vie. Vitold, en parfait gentleman, lui offrit un coffret de produits cosmétiques de beauté. A l’examen, tous les tubes, à moitié entamés, avaient été trouvés dans les poubelles, qu’il devait inspecter la nuit! Très touchés mais très amusés, discrètement, les produits de beauté sont retournés dans les poubelles qu’ils n’auraient jamais du quitter. Seul le geste compte.
Ce mystérieux personnage romantique a disparu peu d’années après. (Toute la Scala lui a payé, par souscription, des funérailles royales, concession à perpétuité et tout et tout! Note de Jacky).
Bernard LAVILLIERS. Je serai assez bref. GERMINAL en a bien parlé.Un talent certain, un être humain contestable et, en tous cas, une biographie très romancée! Par pudeur, je n’ironiserai pas sur sa vie présumée, mais, devant ses récits médiatiques, je ne peux que sourire. Je préfèrel’artiste à l’homme. Bref!
Comment ne pas évoquer ma garde rapprochée. Je garde le meilleur, GERMINAL, pour la fin.
Patrice, mon frère, étudiant T.P.E.à Maubert. En discret et amusé, il venait souvent. Observateur attentif, il photographiait à tout rompre et à même filmé mon premier tyournage tv, avec J.P. Mirouze et un essaim de jolies danseuses dans les jardins des Tuileries. (Frou frou, bien sûr). Il continue à mettre « Hair » sur pellicules. Il a vu 94 fois le spectacle, jamais un soir identique. Mais, heureusement, il ne payait pas ses places, qui étaient très chères! Grâce à lui, il me reste des documents de l’époque.
Alain OGUSE Talentueux photographe, depuis installé dans le sud ouest. Lui, aussi, a mitraillé les soirées Scala.
Michel GENTON, mon compère, mon talentueux guitariste, surnommé, en toute injustice, « l’ordure! » Etudiant, au collier de barbe bien soigné. Il venait en 2 chevaux depuis Bourg la Reine, pour m’accompagner dans les restaurants, avec, parfois, MOZE, à la basse. Nous partagions les fruits de la « manche ». Certains soirs, n’ayant pas envie de chanter, je le dédommageais, pour qu’il rentre chez lui. C’était un peu notre tête de turc « gentillette ». Chacune de nos bétises lui était de suite attribuée, lui, le sérieux de la bande! A chaque fois, on soupirait: « Ah, ce GENTON, quelle ordure! » Même son père, amusé et retrouvé à Carqueiranne, m’a dit: « je me présente, je suis le père de l’ »ordure! »
Antoine TAMAYO, « Théophile », le poète maudit, né en camp de concentration, en Allemagne. Père espagnol, mère russe. A mon adolescence, je l’avais croisé, avec LAVILLIERS, dans les rues du vieux Lyon. On s’est retrouvés à de nombreuses ocasions. Disparu trop tôt!
Gérard THOMAS, dit : »joli coco ». (Moi, c’était « le dahu »! Note de Jacky). C’est moi qui lui ai donné ce surnom, rapport à une carte postale, reçue pour son anniversaire. Il m’a rejoint dans Hair, avec GERMINAL. Nos vies se sont souvent croisées jusqu »au point que la même maladie nous a frappés, moi, opéré en 93, je suis considéré comme tout à fait guéri. Lui se bat toujours avec courage et on partage nos expériences avec un humour précieux et nécessaire! Pour l’anecdote très symbolique, Quand la Scala a fermé, c’est lui , l’habitué et son épouse qui ont racheté le local, pour en faire une boutique originale de cadeaux, appelée « AZIMUT »! Je l’ai, d’ailleurs, aidé, avec émotion, à faire les travaux . Mon coeur bat toujours très fort quand je repasse au 4 de la rue Lacépède. tant de souvenirs se bousculent!!
Toutes les musiques du monde. Je dois aussi parler de cette ambiance très world Music qui rêgnait.avant l’heure, à la Scala. Citons les sud américains de la bande à Gabriel ZURINI et de chez Pâris ZURINI, son père qui tenait le restaurant végétarien mitoyen. Boulou, le fils de Mathelot FERRE, neveu du grand Django! Son talent était déjà affirmé et équivalant à sa grande gentillesse. Et tous ceux qui venaient au banc d’essai de la Scala, présenter leurs nouvelles chansons. Beaucoup du Petit Conservatoire de Mireille, dont GERMINAL et moi faisions partie. Citons Martine NEVERS et son cheveu sur la langue, le talentueux Yvan DAUTIN, l’humour poétique de Jean Noël DUPRE. Nous étions très proches jusqu’à sa maladie et son décès en 2008. L’inévitable et éternel Jean Edouard, le virtuose guitariste Claude PRECHAC et tant d’autres!
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Dary, Germi et Alain BRICE en 1979, presqu’ile de Giens
GERMINAL, la belle âme. Amitié sans faille depuis plus de quarante ans! On s’est connus chez Mireille et retrouvés au quartier. Je lui ai fait connaître la Scala. Nombreuses aventures musicales, ensemble, à Paris, dans le Jura et l’été, sur la Côte. La folie, les folies. Je l’ai surnommé, à juste titre, « le technicien », plutôt « le technichien ». Surnom qu’a bien mérité ce roi de la drague, ce spécialiste des jeunes filles en fleur ou pas! Incomparable! Germinal parle si bien de nos folles escapades. Plus de quarante ans après, nous nous retrouvons régulièrement, soit à Montauban, soit à Carqueiranne Et sous les yeux amusés de Josiane, sa compagne et de Gaelle, ma fille on retrouve très vite les deux garnements que nous avons été et…. que nous sommes toujours, à plus de 60 berges! Deux garnements un peu ridés, aux longs cheveux grisonnants et riantde leurs blagues, de leurs jeux de mots souvent à 2 balles! Et comme aux plus beaux jours, planent quelques avions, réservés toujours aux…. initiés! En tout cas, une belle histoire humaine qui me réchauffe toujours autant le coeur. Et je ne parle pas du talent intact de chanteur de l’oiseau! Il chante toujours aussi bien « Laissez entrer le soleil »qu’on chantait ensemble dans Hair, il y a quarante an! Moi, ma voix a « mué »..par la force des choses et des aléas de la vie!!
Dary et Gaelle, sa fille, en 2008
Dans les photos que j’envoie, il y a ma fille Gaelle, née en 1972, rencontre de « Hair »! Une métisse, comme beaucoup d’enfants nés à cette période. L’avenir de l’Homme!!! Demain, l’homme sera métisse ou ne sera pas! Gaelle a mis les pieds dans la marmite artistique, toute petite, déjà! (Les chiens ne font pas des chats). Elle aussi, dès quinze ans, a créé sa bande dans le milieu musical et cela fait vingt ans que ça dure! Et quand je les vois se réunir, toujours en fête, en chansons, en danse, je me dis que la vie est un éternel recommencement! Et c’st tant mieux!
Un grand moment, le 13 janvier2006, J’ai fêté mes soixante ans à la Méthode, pleine comme un oeuf. Il y avait, divine surprise, tous les vieux soldats, GERMINAL, Jean Noël DUPRE, Jean Marc FABIEN, Jean EDOUARD et les formidables musiciens, Roland GODARD (pianiste de Bobby LAPOINTE) et Clovis, (les Haricots Rouges). A tous les potes, les vieux du quartier, s’est joint l’équipe à Gaelle. Tous ces talents, générations confondues, m’ont fait un superbe cadeau.
Encore deux détails: la photo, que Jacky a conservée de la Scala (quelle fidélité!), est signée Alain MAROUANI, photographe de Barclay. J’ai retrouvé Gilbert HENNEVIC. Il va contacter Jacky pour le site. Voila!
Un garnement de 63 ans embrasse très très affectueusement deux gamins de quatre vingt berges!
CARPE DIEM DARY.
Carqueiranne, juin 2009