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Les Derniers Valois

23 janvier 2024

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Andelot

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19 septembre 2022

Autres représentations


Portraits gravés du roi en armure

 

Henri III (BnF)Henri III (BnF)Henri III (BnF)Henri III (BnF)

 

 Source et localisation : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica ; Gallica ; Gallica

 


Portraits gravés en médaille

Henri-III_Bm_193105077Henri-III_Bm_G3FrMHenri-III_Bm_M2208Henri-III_Bm_M2207Henri-III_Bm_M2206


Source et localisation : (Londres, British museum) ; (Londres, British museum) ; (Londres, British museum) ; (Londres, British museum) ; (Londres, British museum)

 Autres portraits peints (XVIe-XVIIe, voire XIXe siècle)

 

Quesnel_Portrait_of_Henri_Valois Portrait d'Henri III attribué à Quesnel et conservé au musée national de Varsovie (source de l'image : Wikimedia commons)

 

 

 

 

Henr-III_metmuseumPortrait d'Henri III conservé au Metropolitan museum of art de New York et attribué à un peintre français de la fin du XVIe siècle.

La disposition de la coiffure et la forme de la fraise appartiennent à la mode vestimentaire des dames. Le contexte de production de cette image mériterait d'être connu.

 

 

 

 G_Henri_III_Frick_collectionPortrait d'Henri III vendu par Christie's le 18 novembre 1927 (source de l'information : Frick Digital Collections)

 

 

 

 

 

Coutau-Bégarie_2019Portrait d'Henri III vendu par Coutau-Bégarie le 24 mai 2019 (source de l'image : Gazette Drouot)

 

 

 

 

 

 

Henri III (Bussy-Rabutin)Portrait d'Henri III peint au XIXe siècle pour le château de Bussy-Rabutin (source de l'image : Regards)

Le tableau a été commandé au XIXe siècle pour compléter la galerie des illustres du château de Bussy-Rabutin (département de Côte d'Or). La galerie date du XVIIe siècle, mais elle a été réaménagée et complétée deux siècles plus tard.

Le portrait d'Henri III semble reprendre en partie la gravure de Wierix, car le roi porte le lambda en pendant d'oreille, ce qui n'est pas courant.

 

 


Portraits au crayon

 

 Henri-III_Henri III-bibliotheque

 

Source des images et localisation des oeuvres  : Paris, Conservatoire national des arts et métiers ; Collecta (Paris, Bibliothèque nationale de France)

 


Représentations non "pourtraict"  d'Henri III

 

Le Roy de FranceReprésentation du "roi de France" dans la série Habits de France de la Collection Gaignières, vers 1581-1586

Source de l'image : Collecta (Paris, Bibliothèque nationale de France)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AnjouReprésentation d'Henri III  dans le Terrier de la seigneurie de Besse-en-Chandesse, conservé au musée Condé, vers 1574-1579

Source de l'image : Booksopenedition.org ; ou Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé)

 

 

 

 

 

 

traite_charite_chretienneReprésentation d'Henri III dans le Traité de la Charité chrétienne, conservé à la fondation des princes Czartoryski à Cracovie

Source de l'image : Henri III mécène: des arts, des sciences et des lettres, p. 45.

 

 

 

 

 

 


 

 

Les portraits d'Henri III en diaporama dans une vidéo postée sur You tube :

 

 

19 septembre 2022

Scènes religieuses, de genre ou d'histoire


Messe de la Ligue, musée des BA de RouenL'Office solennel à l'avènement d'Henri III dit La Messe de la Ligue, peint vers 1574 par Herman Van Der Mast, et conservé au musée des beaux-arts de Rouen

Source de l'image : Plateforme Ouverte au Patrimoine (localisation : Rouen, musée des Beaux-arts)

L'oeuvre n'a pas encore dévoilé sa véritable identité. On ignore encore le contexte de sa production qui permettrait de comprendre le message politique donnée à cette représentation allégorique exceptionnelle.

La peinture réunit une scène religieuse (le Christ sortant du tombeau) et une réunion internationale regroupant de façon fictive de grands princes catholiques. Le contexte est celui de la Contre-Réforme ; l'enjeu est d'affirmer l'unité des catholiques autour d'un article de foi fondamental : la présence réelle (de Dieu) dans le pain consacré. La peinture est clairement un manifeste religieux et politique contre les protestants qui rejettent cette croyance.

L'apparition du Christ ressuscité pendant l'office eucharistique est un thème iconographie assez répandu à la Renaissance. Il est connu sous le nom de Messe de Saint Grégoire. La scène associe la représentation d'une messe à une vision mystique du Christ sortant du tombeau.

Autour de l'autel sont représentés des célébrités politiques des années 1570. Il ne s'agit pas de représenter un évènement particulier, car ces personnalités n'ont jamais été réunies ensemble. L'image se veut symbolique.

Messe de la LigueA droite, sont représentés plusieurs personnages de la cour de France. Certains portraits n'ont pas trouvé leur identité, mais d'autres sont facilement reconnaissables, comme le roi Henri III (revêtu de son manteau de sacre fleur-de-lysé et bordé d'hermine) et derrière lui, son frère le duc d'Alençon.

Devant le roi, se tient l'empereur Maximilien habillé à l'antique en imperator ; c'est le seul personnage à pouvoir prétendre la préséance sur le roi de France 1. Derrière, sont représentées des personnalités qui ne peuvent être que des seigneurs de la très haute noblesse. Certains sont facilement identifiables comme le duc de Guise.

L'identité des autres personnalités peuvent être déduites par l'ordre de préséance et confirmées par les portraits. Le barbu à côté du roi, est probablement le duc de Montpensier. En tant que prince du sang, Montpensier est un chef catholique des plus importants à la cour. Il est notamment connu pour son intransigeance ; on sait aujourd'hui qu'il fut l'un des ordonnateurs du massacre de la Saint-Barthélémy ; sa présence parmi ces hauts seigneurs catholiques serait sensée.

Plus haut, se trouvent probablement le prince de Mantoue, Louis de Gonzague, duc de Nevers, principal conseiller du roi 2, et à côté de lui, probablement, le duc de Mayenne, le frère cadet du duc de Guise, qui avait déjà manifesté son soutien à l'Église en allant combattre les Ottomans. Les autres personnalités sont nécessairement des princes, sinon des Grands du royaume. Très étonnant, est la figure placée dans l'ombre entre le roi et Alençon. Il pourrait s'agir du roi de Navarre (catholique jusqu'en 1576), dont on aurait voulu minimiser l'importance du fait de son ancienne appartenance religieuse.

Pendant un temps, le tableau avait été titré Messe de la Ligue, mais ce mouvement politique aussi connu sous le nom de Sainte-Union, n'existait pas encore à cette date. L'oeuvre montre pourtant que très tôt les élites catholiques s'étaient s'associés pour organiser leur défense. La cour d'Henri III est ici inscrite dans ce projet. On y associe de grands seigneurs français avec des princes européens catholiques comme l'empereur (pourtant très libéral sur le plan religieux) ou encore, sur le côté gauche, le pape Grégoire XIII. L'oeuvre représente donc bien une ligue, c'est-à-dire une association d'hommes. Les intentions personnelles du commanditaire restent à découvrir.

 

Henri III_LouvreHenri III à genoux en prière au pied de la Croix.

Source : Agence photographique de la Rmn (Paris, musée du Louvre) ; Jean Guiffrey, La peinture au musée du Louvre: Ecole Française, Paris, illustration, 1923 (localisation : Paris, musée du Louvre)

C'est un tableau du musée du Louvre qui avait disparu pendant la Seconde guerre mondiale. En 2014, il est réapparu dans une vente aux enchères. Lorsque j'avais présenté cette oeuvre en 2007, je n'avais mis en illustration que la photographie en noir et blanc du catalogue du musée de 1923 (image ci-dessous à droite). Depuis, le tableau a réintégré les collections du Louvre.

Henri III était un homme très pieux, surtout dans les dernières années de sa vie. Sa foi très profonde l'amenait parfois à s'isoler du monde et à se retirer dans des couvents. Pendant plusieurs jours, la cour n'avait plus de nouvelles de lui.

Henri III au pied du calvaire, musée du LouvreHenri III considérait que les malheurs qui s'abattaient sur son royaume était causés par ses péchés. De la même manière que Jésus est mort sur la croix pour le Salut du monde, il considérait qu'il devait offrir ses souffrances à Dieu pour le Salut de ses sujets. Les ossements humains, placés sur le tableau au pied de la croix (mememto mori) rappellent l'évanescence du monde physique et l'égalité de l'homme devant la mort. Henri III, agenouillé, revêtu de son manteau d'hermine semé de fleur de lys, s'humilie devant Dieu.

On remarquera que les deux seules représentations d'Henri III en habit de sacre - connues à ce jour en peinture - le sont alors qu'il est agenouillé devant le Christ (celle-ci et la précédente).

Le roi Henri III a laissé le souvenir d'un homme excentrique ayant une très haute opinion de lui-même ; soucieux des protocoles, il a sacralisé son quotidien en obligeant les courtisans à le saluer - à distance respectable - comme le vrai représentant de Dieu sur terre. Mais ces peintures rappellent qu'il est aussi un homme de religion qui s'efforce par pénitence de se rabaisser.

Procession_&_habit_des_penitents_[Il n'existe pas de représentation du roi en bure de moine, mais assurément c'est un vêtement qu'il prisait occasionnellement. Une image peut illustrer cet attrait pour la pénitence, c'est la gravure de la procession des pénitents blancs (ci-contre). Il s'agit d'une confrérie fondée par le roi réunissant les grands seigneurs de sa cour. Caché sous une cagoule, le roi participe à la marche rédemptrice qui le rapproche de Dieu. Il est le pénitent qui porte une croix à droite.

Assurément, Henri III est un homme de contraste et c'est sans doute ce qui a laissé ses contemporains assez dubitatifs.

Source de l'image : Gallica (Bibliothèque nationale de France)

 


Henri III présidant la 1ère cérémonie de l'ordre duSaint_EspritLa Création de l'ordre du Saint-Esprit, peinte en enluminure par Guillaume Richardière d'après une oeuvre d'Antoine Caron.

Source : Agence photographique de la Rmn (localisation : Chantilly, musée Condé)

L'image illustre la première cérémonie de l'ordre du Saint-Esprit fondé par Henri III en 1578. La scène représente la réception de l'un de ses membres les plus éminents : Louis de Gonzague, duc de Nevers.

Nevers est l'ancien mentor du roi, et son principal conseiller politique ; même si le duc a perdu de son influence au fil du temps, il reste l'un des plus gros piliers du règne. Nevers est un prince italien, élevé au sein de la famille royale, comme compagnon d'enfance des petits princes Valois. Marié à Henriette de Clèves, héritière du prestigieux duché de Nevers, Louis de Gonzague est l'un des plus Grands à la cour, même si le duc de Montpensier, prince du sang, lui a violemment disputé ce statut, par une altercation et une querelle que le roi a eu peine à calmer. 

L'oeuvre est une enluminure peinte sur l'évangéliaire de l'ordre. Elle a été faite d'après une peinture d'Antoine Caron, exposée en son temps à Paris au couvent des Augustins. Ce couvent était le siège de l'ordre, le lieu où le roi réunissait ses chevaliers. Comme d'autres tableaux présents aux Augustins, l'oeuvre originale a été détruite par la Ligue parisienne après l'assassinat du duc de Guise en 1588 3.

Sur le tableau sont représentés d'autres personnages importants du règne. Sur la droite, on observe la figure dominante du cardinal de Bourbon, prince du sang (le futur Charles X de la Ligue), le cardinal de Guise (le futur "martyr" de la Ligue). Le haut dignitaire qui tient le livre est Hurault de Cheverny, garde des sceaux et futur chancelier.

Livre_armorial_des_escriptz_13r_BnFMalgré les destructions de la Ligue, le trésor de l'ordre a été en partie préservé et se trouve aujourd'hui exposé au musée du Louvre. Il comprend des colliers, des manteaux et la masse d'arme tels qu'ils sont représentés sur cette enluminure.

Parmi les oeuvres laissées par l'Ordre, se trouve également le livre armorial 4, conservés à la Bibliothèque nationale de France. L'ouvrage contient tous les blasons des chevaliers de l'ordre, ainsi que quelques représentations figurées dont cette vue de l'église des Augustins où se déroulaient les cérémonies (image ci-contre à droite).

Livre_armorial_des_escriptz_BnFCe livre contient également une image du roi revêtu de sa tenue (image ci-contre à gauche).  La qualité n'est pas à la hauteur de la précédente car ni les traits du visage, ni les proportions ne sont très bien respectées. Mais ce qui est intéressant est que cette image est contemporaine à la fondation de l'ordre en 1578 ; et cela se voit du point de vue de la mode, ou plutôt de la physionomie du roi. Henri III n'est pas encore touché par l'alopécie ; son bonnet est dissimulé par des cheveux soigneusement frisés et relevés en hauteur.

Dix ans plus tard, le peintre Jean Rabel a peint le roi avec la même tenue. La peinture originale a été détruite, mais l'image est restée par la gravure qu'en a fait Thomas de Leu (première estampe ci-dessous à gauche). L'image est plus tardive car comme tous les derniers portraits du roi, le bord du bonnet est aligné avec le front du roi.

Source des images : Gallica (Bibliothèque nationale de France) ; Gallica (Bibliothèque nationale de France) ; Gallica ; Gallica ; Gallica

Rabel_Henri-III_BnFLeu_Henri-III_Onb2Ano_Henri-III_BnF9Ano_Henri-III_BnF11

 

 


Pavane à la cour - Louvre Le mariage de Joyeuse, VersaillesPavane à la cour d'Henri III, autrefois intitulé Bal donné pour le mariage du duc Anne de Joyeuse et de Marguerite de Lorraine-Vaudémont

Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Versailles, collection du château) ; (Paris, musée du Louvre)

L'oeuvre existe en deux versions ; la plus grande est conservée à Versailles (ci-dessus à gauche) et la seconde qui est sa réplique est au Louvre (ci-dessus à droite). Bien qu'elle soit souvent attribuée à Hiéronymous Francken, peintre flamand installé à Paris, aucune source, ni analyse stylistique ne permet de le confirmer 5.

L'image inaugure unPavane à la cour d'Henri IIIe série de représentation de bals aristocratiques qu'on retrouvera dans la peinture flamande au début du XVIIe siècle (notamment via le fils de Hiéronymous, Frans Francken).

Elle illustre la vie festive à la cour d'Henri III où sont donnés plusieurs fois par semaine fêtes, bals et mascarades. Sous le dernier Valois, la cour de France reste la première cour d'Europe ; les ambassadeurs étrangers en ont laissé des témoignages tantôt amusés, admiratifs ou circonspects. Le roi en personne danse régulièrement avec sa reine et les dames de sa cour, appréciant autant les soirées officielles organisées au palais du Louvre que les fêtes privées organisées dans les hôtels particuliers de la capitale. 

Au centre du tableau, se tient un duo dont l'habillement peut faire penser qu'il s'agit d'un couple de jeunes mariés. Jusqu'à récemment, il était admis que le tableau représentait les noces d'Anne de Joyeuse l'un des plus célèbres favoris du roi. Le 18 septembre 1581, celui-ci épousait à Paris la propre soeur de la reine Louise, Marguerite de Lorraine. Ce mariage célébré pendant plusieurs jours est l'un des évènements historiques du règne d'Henri III, car le faste déployé à cette occasion n'a pas d'équivalent dans le XVIe siècle français pour ce type de mariage.

Depuis, l'oeuvre a fait l'objet d'une nouvelle analyse de la part des spécialistes (notamment à l'occasion d'une exposition réalisée à Fontainebleau sur l'art de la fête à la cour des Valois en 2022). Plusieurs incohérences ont été soulignées au niveau de l'identification traditionnelle des personnages 6.

Pavane à la cour d'Henri IIISi le roi et les membres de sa famille sont aisément identifiables (on y voit débout à gauche, sa nièce Christine, et assises à sa droite, sa mère Catherine de Médicis et à sa gauche son épouse Louise de Lorraine), il restait un doute sur la présence du favori. 

Anne de Joyeuse ne serait pas représenté au centre mais à côté du roi, la main posée sur le siège royal (ce qui fait sens au regard de sa position de principal favori et de beau-frère du roi). Sa présence au premier plan fait pendant à celle de l'autre favori du moment, le duc d'Epernon ; Jean-Louis de Nogaret est en effet représenté à droite des Guise (Henri de Guise et son frère le duc de Mayenne).

Le couple placé au centre pourrait être des figures de fantaisie mais rien n'interdit d'y voir un vrai couple de mariés. Les mariages à la cour étaient fréquents. Il reste à trouver l'identité des mariés.

A l'occasion de cette nouvelle analyse, le tableau a été réintitulé Pavane à la cour d'Henri III. Ce nouveau titre a l'intérêt de renvoyer au sujet central du tableau - un couple en train de danser - et fait écho à un tableau similaire conservé au Louvre, représentant lui aussi une danse à la cour de Valois (ci-dessous).

 

Bal à la cour d'Henri IIII (Louvre) Branle à la cour d'Henri III conservé au musée du Louvre

Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Paris, musée du Louvre)

Cette représentation de la cour d'Henri III n'est pas sans similitude avec le tableau précédent. On y retrouve les mêmes figures de fantaisie (la dame assise représentée de dos), mais le roi est désormais représenté debout et les musiciens sont placés sur une estrade dans le fond.

Henri III et Catherine de Médicis (extrait)Le tableau était autrefois identifié sous le nom de Bal du duc d'Alençon, mais ce dernier est absent du tableau. A cette époque, le frère du roi est auprès de sa soupirante anglaise, la reine d'Angleterre. La soeur du roi, Marguerite de Valois est également absente du tableau ; elle se trouve alors à Nérac, à la cour de son mari, le roi Navarre.

Le roi, représenté debout à gauche au premier plan, est revêtu du costume en vogue à l'époque dont la panse qui transforme le bas du pourpoint en pointe et le boulevart porté sur les hanches.

Pour la datation de la scène, on peut remarquer que le duc de Mayenne, situé derrière le roi, porte le collier de l'ordre du Saint Esprit. Le tableau est donc postérieur à 1582, date d'entrée de Mayenne dans l'ordre. On retrouve au premier plan les personnalités observées sur le tableau des noces du duc de Joyeuse, vu précédemment. Derrière le roi, se tient le duc de Mayenne, Christine de Lorraine, nièce du roi, Catherine de Médicis, sa mère et sur le côté, le duc de Guise. Il est possible que le tableau ait été peint par le même artiste (avec les mêmes interrogations concernant le peintre flamand Hieronymous Francken).

Il existe d'autres tableaux de ce genre. Mais contrairement à Pavane et à Branle, les personnages représentés sont des anonymes (illustrations ci-dessous).

Bal à la cour des Valois (Rennes, musée des Beaux-arts) Bal à la cour des Valois (Blois)Source des images : Agence photographique de la Rmn (Rennes, musée des Beaux-arts) ; Webmuseo, Bridgeman art library (Blois, musée des Beaux-arts)

 

 

 

 

  


Le 23 et 24 décembre 1588, le roi fait assassiner le duc Henri de Guise et son frère le cardinal Louis de Lorraine. Les faits se déroulent au château royal de Blois, pendant la session des États généraux. C'est un évènement historique majeur, car il marque le point de départ d'un déchaînement de violence qui aboutira à la mort du roi. Le duc de Guise n'était pas seulement un prince, il était aussi un homme politique très populaire, et un homme de parti très puissant. Son assassinat révulsa une partie de la société catholique et provoqua l'édition d'un très grand nombre d'imprimés hostiles au roi. Parmi eux, se trouvent des gravures qui racontent le récit de ces évènements historiques. En voici quelques unes tirées du recueil du chroniqueur et collectionneur Pierre de L'Estoile Les belles Figures et Drolleries de la Ligue (numérisé et mis en ligne par la BnF dans Gallica) :

 

Les_belles_Figures_et_Drolleries_Etats_Generaux_2v2L'assemblée des États généraux à Blois, sous l'autorité du " perfide Henry de Vallois "

L'image représente une séance des États généraux que le roi préside. Henri III siège sur son trône, encadré par les deux princes lorrains. Il s'agit d'une représentation simplifiée car les deux Guise sont mis en avant au détriment des autres princes et officiers de la Couronne ; sur les 4 secrétaires d'État, seuls d'eux entre eux sont représentés attablés au pied du roi.

Les_belles_Figures_et_Drolleries_Etats_Generaux_2Henri III est placé au-dessus de tous. Il est mis en valeur parce qu'il est le roi. La présence de son sceptre et de son manteau royal rappelle sa nature sacrée. C'est là encore une figuration symbolique car le roi était habillé en tenue civile pendant les séances des États généraux.

Habillés d'un manteau bordé d'hermine (mais sans leur couronne ducale), les deux princes lorrains sont représentés comme des pairs de France, et donc comme les garants de la royauté.

 

Au fond de l'image, les deux princes sont représentés de dos, agenouillés devant l'autel où un prêtre dit la messe. Ils sont représentés en tant que princes catholiques. Ils reçoivent d'un prêtre l'hostie consacrée signe de leur adhésion à la foi catholique, mais également de leur participation au sacrifice du Christ, préfiguration de leur propre sacrifice.

Malgré qu'il soit revêtu d'une personnalité sacrée, Henri III est désigné comme le traitre. Le reste de la gravure montre l'assassinat des princes catholiques. Elle dénonce le viol fait par le roi des voeux prononcés au moment de son sacre, celui de protéger la religion catholique ; il devient parjure. Le message de la gravure anticipe les appels de la Ligue à destituer le roi, voire à le faire assassiner.

 

Les_belles_Figures_et_Drolleries_Etats_Generaux_Anne_Este_2Henri III montre à la duchesse de Nemours, les cadavres de ses fils assassinés.

La gravure met en scène Anne d'Este, la mère des deux princes assassinés.

Anne est une grande dame de la cour et un membre de la famille royale. Par sa mère, elle est la petite-fille du roi Louis XII. Henri III est son cousin germain.

Anne est surtout connue pour être l'épouse et la mère des ducs de Guise. Elle est la veuve éplorée de François de Guise, le chef charismatique des catholiques, assassiné par un protestant pendant la première guerre de religion. L'auteur de la gravure utilise son image de victime pour apitoyer son public. La tragédie est d'autant plus importante pour Anne que le meurtre se déroule dans le château de son grand-père. Avant qu'il ne devienne château royal, le château de Blois était la demeure personnelle de Louis d'Orléans, futur Louis XII.

 

Les_belles_Figures_et_Drolleries_Etats_Generaux_Anne_Este_3Sur l'image, le roi lève la main pour signifier sa mise en arrestation. Anne sera effectivement assignée à résidence après l'assassinat de ses fils 7. Incarcérée dans un premier temps à Amboise, elle sera finalement relâchée deux mois plus tard. Elle rejoindra alors Paris où elle animera la résistance contre le roi avec les autres membres de sa famille.

Dans le fond, à droite, les gardes emmènent les autres chefs de la Ligue. A gauche, les gardes préparent le feu de cheminée pour brûler les corps.

 

 

Les_belles_Figures_et_Drolleries_Etats_Generaux_Chefs_ligueurs_2Le roi montre les cadavres aux chefs de la Ligue

La gravure met en scène trois des principaux chefs de la Ligue arrêtés par le roi. L'assassinat des princes lorrains fut suivi de plusieurs arrestations politiques.

En tête est représenté le vieux cardinal de Bourbon. Charles de Bourbon est le premier prince du sang catholique. Premier dans l'ordre de succession, il est l'héritier du roi imposé par la Ligue (par l'exclusion des princes protestants). A la mort d'Henri III, Charles de Bourbon, quoique toujours séquestré, sera reconnu roi par les ligueurs sous le nom de Charles X.

Les_belles_Figures_et_Drolleries_Etats_Generaux_Chefs_ligueurs_3A ses côtés se trouve l'archevêque de Lyon, Pierre d'Epinac qui est l'une des têtes pensantes de la Ligue. C'est de sa main qu'aurait été rédigé le programme d'action politique retrouvé sur le corps du duc de Guise après son assassinat 8.

Le troisième prince est un jeune homme de 17 ans. C'est le prince de Joinville, le fils du duc assassiné. Il est le nouveau duc de Guise.

Comme dans la gravure précédente, le roi est montré en train de présenter les cadavres, ici décapités, des deux lorrains. Sa cruauté est inspirée par le duc d'Epernon, représenté en diable tenant un soufflet.

L'image est fictive, sans réalité historique. Un roi n'a pas rencontré ceux qu'il a fait arrêter, pas plus qu'il n'a participé à une quelconque exhibition macabre.

 

 

Henri _3_drolleries89Le roi ordonne de brûler les restes du duc de Guise et du cardinal de Lorraine

L'exécution des deux princes lorrains a suscité une immense émotion dans le royaume. Considérés comme martyrs de la foi catholique, ils ont aussitôt fait l'objet d'une vénération populaire.

Si le roi ordonne de brûler leurs corps, c'est pour éviter que la Ligue ne les récupère pour en faire des reliques. L'année précédente, la soeur des Guise Catherine-Marie duchesse de Montpensier, avait lancé une grande campagne de propagande en faveur de sa cousine Marie Stuart que la reine d'Angleterre avait fait exécuter. La duchesse de Montpensier avait encouragé l'organisation de manifestations dans les rues de Paris pour commémorer à grand renfort d'images, la mort de la reine d'Écosse et la faire reconnaître comme martyre catholique.

Henri _3_drolleries29L'image est une mise en scène dramatique qui ne correspond pas à la réalité. Henri III n'a pas assisté à la mise en pièce macabre des princes de Guise. Or ici, le roi supervise en personne et en grande dignité, au dépeçage des corps et à leur destruction. Bien que le roi ne soit pas représenté de façon caricaturale, l'image contribue à sa diabolisation. Cette décision de faire brûler les corps est aussi sacrilège que le meurtre en lui-même, car la crémation est contraire à la foi chrétienne.

Henri III est entouré d'un courtisan et d'un homme de loi, censés représenter les "mauvais" conseillers. L'entourage du roi est autant dénoncé que celui-ci. A travers lui, sont visés les intrigants parvenus et arrivistes, mais aussi les politiques, ces hommes de raison prêts à accepter que l'État fasse des compromis avec l'ennemi (les protestants) pour favoriser la paix et le bien du royaume.

 


Notes

1. Il a été proposé d'identifier cette figure au cardinal de Granvelle (Fêtes et Crimes à la Renaissance..., 2010, p. 111).

2. Il pourrait encore s'agit du duc Charles III de Lorraine ou du duc Jacques de Savoie-Nemours (mais ces derniers sont plus âgés et le duc de Lorraine, en tant que souverain ne pouvait être relégué au dernier plan). 

3. Frédéric HUEBER, Antoine Caron, peintre de ville, peintre de cour (1521-1599), Presses universitaires François Rabelais, 2018, p. 279

4. Livre armorial des escriptz et blasons des armes des chevalliers commandeurs de l'Ordre et milice du Sainct-Esprit, institué... le dernier jour de décembre 1578, par Martin COURTIGIER, sieur de la Fontaine, hérault d'armes de Sa Majesté

5. Oriane BEAUFILS, Vincent DROGUET (dir.), L'art de la fête à la cour de Valois [exposition, château de Fontainebleau, 2022], Fine éditions d’art, 2020, p. 272

6. Oriane BEAUFILS, Vincent DROGUET (dir.), op. cit., p. 263-264

7. Nicolas Le Roux, Un régicide au nom de Dieu : l'assassinat d'Henri III, 1er août 1589, Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », 2006, p. 174.

8. Nicolas Le Roux, Un régicide au nom de Dieu : l'assassinat d'Henri III, 1er août 1589, Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », 2006, p. 158.

Article initialement publié en fév. 2021

19 septembre 2022

Derniers portraits du règne


Henri III (BnF)Portrait au crayon d'Henri III attribué à Etienne Dumonstier et aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France

Source des images (et localisation) : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Agence photographique de la Rmn (Le Mans, musée de Tessé) ; La Gazette Drouot (Vente du 29 septembre 2020)

Le dessin est centré sur le visage du roi, tourné exceptionnellement vers la gauche. A la façon dont la toque est placée au-dessus du front on peut affirmer que ce portrait est plus tardif que celui de Chantilly (voir article précédent). Le couvre-chef cache désormais les cheveux, faisant apparaître au niveau du front un début d'alopécie.

Quand on sait l'importance du paraître à la cour d'Henri III, la dissimulation des cheveux est significative de l'évolution de la physionomie royale. Dans les années 1580, les cheveux sont censés être relevés en hauteur au-dessus du front et brossés en arrière. Cette représentation du roi n'est pas un arrangement trompeur. Elle témoigne de façon réaliste de son évolution physique à trente ans passés.

Henri III, vente de Drouot (2020)Henri III (musée de Tessé)A ce dessin, peuvent se rattacher deux peintures, l'une est conservée au musée de Tessé du Mans (ci-contre, image de gauche), et l'autre a récemment été vendue aux enchères (ci-contre, image de droite).

Elles se distinguent du dessin, par la broche en forme d'étoile et l'absence de perle suspendue. Il semblerait que dans le courant du règne, les portraits du roi aient abandonné les pendants d'oreille.

 

Henri III par Leu (National Gallery of Art)Henri III par Leu (Princeton)Il est possible que ce soit ce dessin qui ait servi de modèle à Thomas de Leu pour son portrait gravé du roi. On peut leur trouver deux points communs : l'alignement de la toque sur la ligne du front, faisant disparaître les cheveux, et l'absence de la seconde boucle d'oreille (ci-contre).

Source des images (et localisation) : (Musée d'Art de l'université de Princeton) ; (Washington, National Gallery of Art)

 

Henri III par Gaultier (BnF)Henri III par Granthomme (BnF)C'est aussi le modèle vraisemblablement repris en 1588 par Gourdelle, dans sa série dite des ligueurs (ci-contre, image de gauche). Dans son sillage, Léonard Gaultier propose une version du roi en fraise (ci-contre, image de droite). Ces gravures témoignent du succès de ce genre, à une période où le conflit politique opposant la Ligue au roi s'intensifie.

Source des images (et localisation) : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica (Paris, BnF) ; 2e version : Gallica (Paris, BnF).

   

 

Henri III par Dumonstier (Sotheby's)Portrait du roi Henri III attribué à l'atelier de Dumonstier lors d'une récente vente aux enchères

Source des images (et localisation) : Wikimedia commons (Hampel, vente du 11 avril 2013 à Munich) ; Sotheby's (vente du 15 juin 2021 à Paris)

Il s'agit d'un très beau portrait du roi récemment apparu dans une vente aux enchères. C'est un évènement que de tels portraits inédits et d'une telle beauté puissent encore être découverts sur le marché de l'art.

Le tableau a été vendu en 2013 chez Hampel ; il était alors attribué au peintre François Quesnel ; puis en 2021, il est vendu chez Sotheby's et rendu à Dumonstier et son atelier (voir la notice rédigée avec l'aide de l'historienne Alexandra Zverava).

Le tableau a probablement été peint dans les années 1580. La présence du collier de l'ordre du Saint-Esprit permet de le dater de façon certaine à une date postérieure à 1578. Mais l'âge du roi qui peut se deviner aproximativement au vieillissement des traits, devrait orienter les recherches vers une datation plutôt tardive, vers 1585.

Ce tableau reprend un portrait en pied aujourd'hui conservé au Kunsthistorisches museum de Vienne  (ci-dessous).

Henri III (KHM)Le portrait en pied est toujours intéressant pour appréhender la mode d'une époque. Malgré le caractère sombre du costume, on devine au niveau du bas ventre, l'énorme panseron qui, à la manière du costume de Polichinelle,  rendait le pourpoint déformé.

La cape très courte cache des manches ballonnées. Sur son coté gauche, est brodée la croix de l'ordre du Saint-Esprit.

Le portrait en pied est un genre qui se développe en France dans la seconde moitié du XVIe siècle et plus particulièrement sous le règne d'Henri III. Si un certain nombre de portraits en pied du roi devait exister,  beaucoup d'entre eux ont disparu du fait des destructions et des autodafés organisés par la Ligue. Après l'assassinat du duc de Guise, les portraits du roi ont été publiquement détruits. Ont ainsi disparu son portrait que la reine Catherine possédait en son palais parisien, ou encore celui en costume de l'ordre du Saint-Esprit, conservé au couvent des Grands Augustins.

La plupart des portraits en pied qui subistent aujourd'hui ne sont que des copies tardives. L'un des exemples les plus éloquents est celui commandé par le duc d'Epernon à la fin des années 1590 pour son château de Cadillac, alors en construction (ci-dessous, 3e portrait à droite) ; le roi est rhabillé à la mode de l'époque (son col dit pelle à tarte a les dimensions de la tendance des années 1590). Plus intéressant est l'exemplaire du musée des Beaux-arts de Troyes qui reprend avec quelques modifications vestimentaires (toujours au niveau du col), celui du musée du Kunsthistorisches (ci-dessous, au milieu).

Source et localisation de l'image : (Vienne, Kunsthistorischesmuseum)

Henri III (localisation inconnue) Henri III (musée des BA de Troyes)

 Henri III (Château de Cadillac)

Source des images (et localisation) (de gauche à droite) : Akg images (Paris, Musée du Louvre)  et sa notice sur a base du musée ; Henri IV et la reconstruction du royaume, colloque, Pau, 1989 (Troyes, musée des Beaux-arts) ; Regards, Centre des Monuments historiques (Cadillac, Château des ducs d'Épernon)

 

 

 

Henri-III (musée du Louvre)Portrait d'Henri III autrefois attribué à François Quesnel1 et aujourd'hui exposé au musée du Louvre

Source de l'image (et localisation) : (Paris, musée du Louvre)

Ce portrait représente le roi dans la dernière partie de son règne, soit vers 1585. Henri III a maintenant la trentaine passée. Son chapeau est désormais placé au sommet du front à cause d'une calvitie de plus en plus importante.

Le roi arbore le ruban bleu au bout duquel pend la croix de l'ordre du Saint-Esprit.

Ce portrait illustre le style sevère adopté par le roi dans les dernières années de son règne. Le chapeau, le manteau et le pourpoint sont complètement noirs. Hormis celui de la toque, aucun bijou ne vient égayer la face grave du roi.

Devant l'absence d'héritier mâle et la montée de l'obscurantisme religieux (la Ligue), Henri III traverse une période de remise en question qui le conduit à mener une vie de dévotion intense. Les années 1580 constituent également le début de la Contre-réforme catholique en France, marquée par la quête d'une spiritualité intérieure. Plus que jamais le roi s'engage dans une vie austère, faite de pénitence qui lui vaudra le surnom de roi-moine.


Henri III (BnF)Portrait au crayon d'Henri III conservé à la Bibliothèque nationale de France

Ce dessin d'Henri III est le dernier réalisé de son vivant. Il a été attribué par l'historienne Alexandra Zvereva à Étienne Dumonstier.

Il représente le roi à la fin de son règne, marqué par le soulèvement  de la Ligue et la fuite de la capitale. Henri III n'a que 38 ans environ, mais sur le dessin, il paraît plus âgé. Ses traits sont marqués, et la calvitie est à un stade avancée. Comme sur la peinture du Louvre, elle apparaît sur les golfes temporaux que la toque peine à cacher.

Henri III (château d'Azay-le-Rideau)Source des images (et localisation) : Gallica (localisation : Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Plateforme ouverte du patrimoine ou Collection du Château de Versailles (Château d'Azay-le-Rideau)

  

 

 

 


 

 

Notes

cartel_Henri III_Louvre 1. L'attribution de ce tableau au peintre Quesnel n'est plus d'actualité ; le musée du Louvre lui a retiré ce titre. Le cartel actuellement en place (2023) l'attribue à un Peintre anonyme.

Article initialement publié en 2020.

19 septembre 2022

Henri III - Etienne Dumonstier


Henri III (Offices de Florence)Portrait du roi en miniature conservé au musée des Offices de Florence

Source de l'image : Polo museale florentino (Florence, musée des Offices)

Ce très beau portrait marque le point de départ d'une nouvelle iconographie. L'image du prince mondain est abandonnée au profit d'une figure beaucoup plus sobre. Le changement de style est radical. Au lieu de la grande fraise en dentelle, le roi porte autour du cou un petit col rabattu ; son habit noir ne présente ni crevés, ni galons dorés apparents ; la poitrine n'est ornée que par le collier de l'ordre du Saint-Esprit que le roi a fondé en 1578. 

A partir de cette date et jusqu'à sa mort en 1589, cette nouvelle iconographie sera la seule autorisée par le roi. A l'exception de quelques variantes, il n'y aura pas d'autres modèles, seulement la réactualisation régulière de celui-ci.

He Portrait de Henri IIISur  l'estampe éditée en 1580 par Jean Rabel (gravée par Thomas de Leu), le roi arbore encore un col rabattu très étroit (image ci-contre). Du point de vue de la mode, cette forme correspond au début du règne. Car au fur et à mesure des années, la tendance vestimentaire pousse les pointes du col à se déployer en pointe sur les côtés. Vers 1600, le déploiement sera tel que le col s'étendra au-dessus des épaules. De fait, il est possible de dater les portraits en fonction de la taille et la forme du rabat. Sur les exemples présentés ci-contre, les portraits présentent des rabats encore très discrets.

L'oeuvre de Rabel a été reproduite plusieurs fois. D'après Isabelle Hanquet 1, elle serait la reproduction d'une peinture aujourd'hui perdue qui servait de pendant à un portrait de la reine Louise. Le lien avec la miniature des Offices ci-dessus reste à établir. Malgré quelques différences, les deux images sont très proches.

Ano_Henri-III BnF1_v1

Comme le rappellent les historiens, ce type d'oeuvre d'art est une image officielle, c'est-à-dire que c'est l'image que le roi veut qu'on ait de lui, et ici, l'intention est de montrer l'image d'un roi administrateur, d'un chef d'état.

Avant qu'il ne devienne un article de mode, et ne prenne des formes excentriques, le col rabattu est un marqueur de sobriété et de gravité. Sur les portraits du troisième quart du XVIe siècle, les gentilhommes de la cour portent principalement la fraise. Sous Charles IX, le col blanc ne se remarquait que sur les portraits des religieux, des hommes de lettres ou de science (cette tendance s'inversera sous le règne d'Henri III). Mais ici, le roi n'apparaît plus comme un prince mondain, ni comme un roi de guerre (il n'est pas représenté en armure comme nombre de ses contemporains). Il apparaît comme un "homme de bureau", ce qu'Henri III était assurément au quotidien. Contrairement à d'autres qui préferaient le grand air et la chasse, Henri III était un homme d'intérieur, autant soucieux de gouverner l'Etat que de l'organisation des modes de gouvernement et de ses représentations (notamment par l'organisation d'une étiquette très stricte).

Ano_Henri-III BnF2_v1Cette nouvelle image du roi apparaît à une époque de restauration de l'autorité monarchique. Après trois années de règne plutôt calamiteuses, le jeune roi cherche à redorer son blason. Avec les états généraux de 1576 et la sixième guerre de religion, Henri III parvient à imposer une paix suffisamment stable pour réformer son administration, et affermir son pouvoir. Cette nouvelle image s'inscrit dans cette politique de reconquête de souveraineté.

Le portrait a été utilisé dans de nombreuses gravures ornées dans le pur style Renaissance, avec un cadre illustré de motifs foisonnants et souvent symboliques (images ci-contre et ci-dessous).

 

Gaultier_1580_Henri-III_BnFVoir également « Thomas de Leu et le portrait français de la fin du XVIe siècle»,, in Gazette de beaux-arts, octobre 1961 et Alexandra Zvereva, « Il n’y a rien qui touche guères le cœur des simples personnes que les effigies de leurs princes et seigneurs ” : la genèse du portrait de Henri III », in Isabelle de Conihout, Jean-François Maillard et Guy Poirier (dir.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, PUPS, 2006, pp. 56-65.

 

 

Ano_Henri-III_BnF5_copieSource des images  : (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica ; Gallica ; (Londres, British Library) ; Gallica ; Gallica ; (New York, Metropolitan Museum of Art, 1588) ; Gallica

 

 

Ano_Henri-III_BnF4 - CopieAno_Henri-III_Les_Singuliers_et_Nouveaux_Portraicts_Met-MsmPortrait_de_Henri_III_enAno_Henri-III_British-Library Entry_of_HIII_and_Louise_into_Orleans

 

 

 


 

 Ano_Henri-III_BnF7_1587Ano_Henri-III_BnF6_1586Source des images : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica

 

 

 

 

 

Henri III (musée Condé)Portrait au crayon d'Henri III aujourd'hui conservé au musée Condé de Chantilly et attribué par l'historienne Alexandra Zvereva au peintre Etienne Dumonstier 2

Source de l'image : Plateforme Ouverte au Patrimoine ou Agence photographique de la Rmn (localisation : Chantilly, musée Condé)

Le dessin n'est pas sans rappeler la miniature de Florence vue précédemment. La différence se situe principalement au niveau du rabat qui est, sur le dessin, plus large et déployé. Du point de vue de la mode, c'est la forme qui s'impose dans les années 1580.

Il est donc fort probable que ce dessin ne soit que la réactualisation du modèle précédent. Ceci expliquerait notamment pourquoi les cheveux sont moins développés sur ce dessin. Les portraits de jeunesse d'Henri III présentent toujours une coiffure soignée et surelévée au-dessus du front ; ce n'est plus le cas dans ce modèle-là. Le dessin présente un roi plus âgé.

Par ailleurs, la particularité de ce portrait est que le roi porte un pendant d'oreille qui a la forme de la lettre grecque λ (lambda) qui correspond à la lettre L en alphabet latin.

LambdaCette forme curieuse est supposée être une marque d'estime envers la reine Louise de Lorraine que le roi aimait sincèrement. Selon la thèse d'Isabelle Haquet, rien n'interdit de penser que le roi ait donné à ce pendant d'oreille un deuxième sens, qui serait caché et compréhensible uniquement des initiés. Comme son grand-père François Ier, et nombre de ses contemporains, Henri III était pétris d'ésotérisme chrétien ; le lambda serait ici le symbole du Logos, le Verbe divin, donc le Christ, que le roi, en bon chrétien, entendait incarner sur terre en devenant le réceptacle de l'Esprit Saint3. L'image du roi est donc celle d'un "roi-Dieu". Isabelle Haquet va plus loin encore en proposant d'interpréter chaque détail du portrait comme un symbole : la broche au diamant placée au centre de la toque serait la marque scintillante de la divinité incarnée ; la plume disposée autour de cette broche serait le symbole du feu du Saint-Esprit ; les trois aigrettes qui s'élèvent au-dessus de la toque rappellent la Trinité, etc.

La thèse est fort séduisante, car on sait qu'en plus, d'avoir un goût certain pour la spiritualité, le roi avait l'esprit philosophe. Dans la continuité de la politique de ses prédécesseurs, Henri III protégeait les intellectuels en décalage avec leur temps comme Giordano Bruno.

ChristiesIl ne semble pas exister de peinture connue qui reprend le dessin de Chantilly avec exactitude. L'original peint par Dumonstier semble perdu ; seules des copies ou des variantes subsistent. Et il en existe un certain nombre. La diffusion de l'image royale dans les années 1580 est à l'origine d'une production très importante de portraits.

Je vous en propose une gamme ci-dessous. Certains d'entre eux sont des copies tardives d'époque Henri IV ou Louis XIII. Ils sont reproduits de château en château dans les galeries de portraits. Il faut alors les prendre pour ce qu'ils sont, à savoir des interprétations parfois fort éloignées du modèle initial (la copie d'une copie).

Ces reproductions sont si nombreuses qu'il s'en vend de temps en temps dans les maisons de vente aux enchères.

Les plus fidèles reproduisent le pendant en forme de lettre λ (1ère ligne de portrait ci-dessous). Elles sont probablement les plus contemporaines du dessin original. Les autres, moins talentueux dans la reproduction des détails, font sauter le pendant.

Source de l'image : Christie's (vente du 2 avril 2003 à New York)

Henri III (palais Pitti)Henri III, château de VersaillesHenri III de France, Château du Wavel à CracovieVente de Tajan, 2013Source des images (1ère ligne) :  (Florence, palais Pitti) ; Agence photographique de la Rmn (Versailles, musée du château; Wikimedia commons (Cracovie, Château du Wavel) ; La Gazette Drouot (Tajan, vente du 26 juin 2013 à Paris)

Henri III, musée CondéVente de Millon, 2007Vente de Drouot, 2011Vente de Pousse Cornet Valoir, 2020Source des images (2e ligne) : Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; La Gazette Drouot (Vente du 23 mars 2007, chez Millon) Drouot (Vente du 09 juin 2011 à Paris) ; Pousse Cornet Valoir (Vente du 8 novembre 2020 à Blois)

Henri III (musée Carnavalet)Henri III, musée Condéfrançois-clouet-portrait-of-king-henry-iii-of-franceHenri III (Vasari Auction)Source des images (3e ligne) : (Paris, musée Carnavalet) ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Artnet.fr ; Vasari Auction (vente du 15 mars 2014 à Bordeaux)

 

Henri III (Bnf)Henri_III_BnFHenri III (Metropolitan museum)

Dumonstier_Henri_III_ArtCurial_20212Il existe encore d'autres portraits de ce type, mais sous forme de miniature, comme celles insérées dans le livre d'heures de Catherine de Médicis (ci-contre, premières images à gauche).

Source des images : (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; (New York, Metropolitan museum of art) ; Artcurial (Vente du 9 juin 2021 à Paris)

 

 

Wierix_1647_Henr-III_RCPortrait d'Henri III sculpté en 1585 par le graveur anversois Johannes Wierix

Source des images  (Dessin de Johannes W.) : (Cambridge, The Fitzwilliam museum) ; (The Royal Collection). Source des images  (Dessin de Jerôme W.) : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; (Londres, British Museum) ; (The Royal Collection)

Ce chef-d'oeuvre témoigne de la virtuosité technique des hommes du nord. Le tirage conservé par The Royal Collection, a été édité en 1647, mais d'après la matrice gravée en 1585. Elle reprend avec beaucoup de précision le dessin de Dumonstier à l'exception que le pendant en forme de lambda (λ) n'a pas été représenté. L'observation de la marque blanche présente sur le revers du col laisse supposer que le lambda avait été dessiné et gravé sur la matrice, puis effacé. Pourquoi cet effacement ?

Selon Isabelle Hanquet, il n'existe pas de témoignage contemporain pour certifier que le roi portrait un lambda en pendant d'oreille. Sa présence sur le portrait officiel serait seulement symbolique.

Wierix_Henri-III_BnF - CopieLe pendant λ n'apparaît finalement sur aucune estampe, car c'est la gravure de Johannes Wierix qui va servir de modèle aux autres publiées après lui.

Parmi ses copieurs, se trouve son propre frère Jérôme (ou en latin Hiéronymus). Les deux estampes ne doivent pas être confondues (image ci-contre). Jérôme Wierix a repris la gravure de son frère, mais avec beaucoup moins de rigueur. Son dessin présente un visage plus idéalisé et par conséquent moins réaliste. Par ailleurs, Jérôme commet l'erreur de reproduire la troisième boucle d'oreille, alors que le lambda avait été effacé sur la matrice de la première. Henri III se retrouve donc affublé de trois boucles d'oreille, dont deux à vide.

Gaultier_Henri-III_1587_Royal_collGaultier_Henri-III_BnFEn France, le portrait de Wierix a été repris avec moins de réussite par Léonard Gaultier. Le graveur français a été jusqu'à reproduire l'erreur de son modèle par la représentation de la troisième boucle, celle où devait pendre le lambda (λ).

Source des images : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; (The Royal Collection) ; (The Royal Collection)

 

Rabel_1587_Henri-III_OnbAno_Henri-III_BnF_serieWierix_1586_Henri-III_BnF_v2L'oeuvre a servi utérieurement dans d'autres projets de publication. L'image d'Henri III est parfois utilisée dans des séries de portraits, portraits des rois de France, ou portraits des hommes illustres de son temps.

Source des imagesGallica ; (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Gallica ; (Österreichische Nationalbibliothek)

 

 

Henri III, musée NarodowePortrait d'Henri III peint par Etienne Dumonstier et aujourd'hui conservé au musée Narodowe de Poznan (en Pologne)1

Source de l'image : Château royal de Blois (localisation: muzeum Narodowe)

Le plus notable des portraits tirés du dessin de Dumonstier est celui du musée Narodowe en Pologne. Le cadre est élargi à la taille, faisant apparaître les mains du roi.

La peinture de Narodowe se distingue du dessin de Chantilly de plusieurs façons : la broche de la toque a la forme caractéristique d'une étoile à 8 branches ; le pendant d'oreille en forme de lettre λ (lambda) a disparu ; le col blanc est plus large.

La peinture a donc peut-être été tirée à partir d'un autre dessin de Dumonstier, et probablement plus tardif, si on considère l'extension du rabat comme un élément de datation.

Henri III, musee GranetCes élements distinctifs se retrouvent sur deux autres peintures, dont la copie réalisée au XVIIe siècle pour la galerie des illustres du château de Beauregard (ci-contre à droite).  

Source des images : Bridgeman Images (Aix, musée Granet) ; (Château de Beauregard)

 

 

 

 


 

Notes

1. Isabelle HAQUET, L’énigme Henri III, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2012

2. Pour l'attribution du portrait et celui traditionnellement attribué à Quesnel voir la notice rédigée par Alexandra Zvereva in Fêtes et crimes à la Renaissance : La cour d'Henri III, Paris, Somogy, 2010, p. 82.

3. Isabelle HAQUET, Op. cit., 2012, p.

Article initialement publié en nov. 2020.

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19 septembre 2022

Henri III - Jean Decourt


Henri III vers 1576, Kunsthistorisches museumPortrait représentant Henri III au début de son règne, établi d'après un dessin de Jean Decourt1

Source de l'image : Europeana (localisation : Vienne, Kunsthistorisches museum)

Le tableau est aujourd'hui conservé dans les collections du Kunsthistorisches museum de Vienne ; il faisait probablement partie de la galerie de portraits de l'archiduc Ferdinand. Ce prince de la maison des Habsbourg, amateur d'art et contemporain d'Henri III avait constitué une importante collection de portraits d'hommes et de femmes illustres de son temps, qui existe encore aujourd'hui.

Cette représentation d'Henri III n'est qu'une copie mais son existence aujourd'hui permet de se faire une idée de l'original peint par Decourt aujourd'hui perdu. Le portrait aurait pu être tiré vers 1575-1576 ; il témoigne de l'iconographie d'Henri III au tout début de son règne. 

Le roi porte encore ce collier chargé de perles, à trois rangs, si caractéristique des années 1570, mais selon la mode du temps, la toque disparaît à l'arrière de la tête, derrière une coiffure relevée en hauteur au-dessus du front. L'ancienne mode de la longue moustache effilée n'est plus de mise, le roi porte un très léger bouc et une barbe rase. Au niveau du costume, il porte par-dessus le pourpoint, un collet clair, simple et uni, dépourvu de galons d'or (ce qui n'est pas sans rappeler le portrait de François d'Anjou, peint à la même époque, voir ici).

Henri III, portrait vendu chez Piasa

Lyon_6e_-_Musée_d'art_contemporain_-_Les_nombreuses_vies_et_morts_de_Louise_Brunet_-_Portrait_d'Henri_III_(vers_1580)fLe portrait de Vienne présente des points communs avec plusieurs autres portraits du roi, montrant ainsi que le portrait perdu de Jean Decourt, avait été diffusé comme portrait officiel.

C'est également ce portrait qui fut utilisé en Flandre pour la conception de la tapisserie des Valois aujourd'hui conservée à Florence (voir ci-dessous).

Plus intéressant est le portrait vendu aux enchères chez Piasa en 2003 (première image de gauche). Le tableau a été redécoupé dans un format ovale, mais sa facture, dans le rendu du visage, est de meilleure qualité que le tableau de Vienne. Les traits du roi y sont davantage reconnaissables. Le tableau serait-il sorti de l'atelier de Jean Decourt ? Malheureusement, l'oeuvre a été vendue par Piasa sous une autre identification ; le catalogue de vente ne fait pas apparaître le nom d'Henri III 2. A sa décharge, en 2003, l'iconographie du derniers Valois était peu étudiée et encore peu connue.

Jean_Decourt_ChristiesPortrait d'Henri III en pied vers 1576Sur deux petites peintures (ci-contre), le roi est représenté en pied. L'une d'entre elle, le représente de façon fictive en compagnie de sa famille (sa mère, son épouse Louise, et leurs prédécesseurs, Charles IX et Elisabeth).

Source des images : Piasa (vente du 27 juin 2003, à Paris) ; Wikimedia commons , voir aussi Pierre-Gilles Girault et Mathieu Mercier (dir.), Fêtes & Crimes à la Renaissance. La cour d'Henri III, Somogy éditions d'art, 2010, p. 83 (Lyon, Musée historique des hospices civils) ; Christie's (Vente du 16 novembre 2023)  ; The Saleroom (vente du 06 mars 2014, à Harrogate)

 

 

Henri III dans le Jeu de la quitaine

Portrait d'Henri III dans « Le jeu de la quitaine », l'une des pièces de la tapisserie des Valois, conservée au musée des Offices, à Florence

Source de l'image : Akh-images et Wikimedia commons (localisation : Florence, musée des Offices)

Le roi est revêtu d'un costume à l'antique (la cuirasse et les bottines des empereurs romains). Tel un nouveau César, le pied à l'étrier, Henri III s'apprête à parader devant ses sujets. Peut-être va t-il participer au jeu de la quintaine, représenté sur le fond de la tapisserie.

Le portrait utilisé pour le visage du roi est celui fixé par le peintre Jean Decourt au début du règne (voir les portraits ci-dessus). Outre les traits du visage, on y retrouve les mêmes formes et agencements de la fraise et de la coiffure.

Avec ses jambes musclées et sa pause martiale, le roi dégage une image virile qui tranche avec les portraits fraisés et les représentations austères que laissera plus tard le peintre Etienne Dumonstier. Contrairement à ses deux frères aînés, tous les deux passionnés par la chasse, Henri III n'était pas un sportif. A la vie en pleine nature, le roi préférait la vie de cour et la vie urbaine.

Le jeu de la quintaine, tapisserie des Valois, musée des OfficesEn revanche, le costume romain porté  par le roi accrédite le goût des Valois pour le travestissement ; comme le faisait son père Henri II, Henri III entretient une cour festive, où alternent carnavals, mascarades, et bals masqués.

A ce titre, les huit pièces de la tapisserie des Valois aujourd'hui conservées à Florence, constituent un témoignage exceptionnel de la vie sous Henri III. Probablement commandée à l'intention de Catherine de Médicis, elle illustre la diversité des jeux à la cour et la magnificence inculquée par la reine-mère à ses enfants : faire danser et jouer la noblesse de France pour lui faire oublier ses guerres fratricides. Conformément à la tradition du néo-platonisme médicéen, les fêtes sont pour la Couronne l'occasion de marquer les esprits et de purifier les coeurs par la Beauté.

 

Henri III et Louise de LorrainePortrait du roi et de la reine Louise dans « Fontainebleau », l'une des pièces de la tapisserie des Valois, conservée au musée des Offices, à Florence

Source des images :  E. Cleland, M. Wieseman, Renaissance Splendor Catherine de’ Medici’s Valois Tapestries, Yale University Press, 2019 et Scala archives (Florence, musée des Offices)

Les joutes nautiques de Fontainebleau, tapisserie des Valois (musée des Offices)Le roi et la reine sont représentés sur un fond représentant le spectacle nautique donné douze ans plus tôt, à Fontainebleau en 1564. La tapisserie reprend un dessin d'Antoine Caron, fait à cette occasion.

Pour le portrait du roi, elle reprend le prototype de Jean Decourt.       

 

Henri III par Nicholas Hilliard

Portrait d'Henri III peint en miniature par Nicholas Hilliard vers 1577 (d'après Jean Decourt ?)

Source de l'image : Philip Mould et company ; Localisation de l'oeuvre : collection privée

La miniature appartient à une collection privée. A sa mise en vente en 2013, elle était identifiée comme une oeuvre du XIXe siècle 3. Mais dans un article du Burlington Magazine paru en 2019, des chercheurs dévoilent sa véritable identitée. L'oeuvre est attribuée à Nicholas Hilliard, célèbre peintre anglais qui séjourna à la cour de France de 1576 à 1578.

Cette miniature est donc contemporaine de celle que le peintre anglais fit de la princesse Marguerite de Valois. Et à l'instar de celle-ci, Hilliard réalise un portrait très idéalisé où la ressemblance physique est moins recherchée que l'esthétique d'ensemble.

L'article du Burlington Magazine propose d'y voir la source des portraits précédemment présentés 4. De nombreux points communs les rapprochent (costume, pose du modèle, direction du regard). Pourtant, il faut se rendre à l'évidence ; Hilliard adoucit tellement les traits de son modèle qu'on peine à le reconnaître. Les singularités du visage d'Henri III ne sont pas patentes, notamment au niveau des yeux et des muscles zygomatiques ou buccinateur.

Les copies qui nous sont parvenues du portrait de Decourt présentent des traits plus réalistes, et surtout une proximité entre elles qui les font rattacher à la même généalogie. Le lien entre le travail de Hilliard et celui de Decourt reste donc à établir.

 

Henri III vers 1578Portrait d'Henri III dont l'auteur et la localisation reste à préciser

Source de l'image : E. Bourassin, Pour comprendre le siècle de la Renaissance, Paris, Tallandier, 1990

Par les traits et le costume, ce portrait se rattache au modèle produit par Decourt. Il en est probablement la réactualisation (reprise d'un modèle ancien par la mise à jour du costume, en l'adoptant à la mode du moment). Comme dans les précédents portraits, le roi porte un pourpoint clair et des colliers de perles à trois rangs. Le roi porte une fraise très large qui fait dater le portrait vers la fin de la décennie, entre 1578 et 1580 environ.

Cette peinture est l'un des derniers témoins de cette première période iconographique, la dernière étape avant le changement iconographique voulu par Henri III au milieu de son règne.

 Henri III, copie par GaignèresCette image est à rapprocher d'un portrait en pied aujourd'hui disparu, mais conservé en copie par un dessin du collectionneur Roger Gaignières (ci-contre).  Le tableau se trouvait au couvent des feuillants qu'Henri III avait fondé en 1587 à Paris. Le dessin en fournit une restitution assez maladroite. Le roi arbore toujours le même habit (habit clair et colliers de perle à trois rangs), mais la tête est assez mal faite. Le rapprochement de ce dessin avec le portrait peint permet de se faire une idée du portrait original.

C'est le dernier portrait de ce style. A partir de 1580, le roi se fait représenter dans un costume plus sobre.

Source de l'image : Gallica (localisation : Bibliothèque nationale de France)

 


Henri III (Karlsruhe)

Enrico III (Musée des Offices)Miniature du roi Henri III conservée au palais Pitti de Florence (Italie) d'après un dessin de Jean Decourt conservé à la Kunsthalle de Karlsruhe (Allemagne).

Ce très beau portrait est autrement plus réaliste que celui peint à la même époque par Nicholas Hilliard. Il représente le roi vers 1578 à une époque où le raffinement de la mode atteint son paroxysme : les cheveux sont relevés au-dessus du front après avoir été ondoyés et frisés ; la toque, placée à l'arrière de la tête, est agrémentée de plumes et d'aigrettes ; les oreilles sont décorés des pendants de perle et le visage est posé sur une grande fraise, présenté aux courtisans comme sur un plateau de fruits.

Cette image du roi fraisé a depuis toujours alimenté sa légende, celle d'un roi maniéré, indolent et débauché régnant sur une cour violente et dégénérée ; associer les excès de la mode à cette image était pourtant une erreur, car la mode d'Henri III était la même que celle de la cour d'Angleterre. Les courtisans d'Elisabeth Ière étaient habillés de la même façon.

Henri II par GaultierPar ailleurs, il faut rappeler que les excentricités de la cour d'Henri III n'ont rien à envier aux tendances extravagantes de la cour de Louis XIII (avec ses pourpoints fleuris et ses grands cols de dentelle) et de celle de Louis XIV (avec ses grappes de rubans et ses grandes perruques bouclées).

Cette image négative d'Henri III et de sa cour tire son origine des moqueries du peuple peu habitué à de tels caprices vestimentaires. L'opinion publique aurait préféré un roi militaire qui écrasa de sa force les hérétiques huguenots. A la place, ils avaient un roi raffiné et mondain. Les pamphlets et libelles écrits contre Henri III jouèrent un grand rôle dans son impopularité. Ils explosèrent en grand nombre à la fin de son règne et contribuèrent à sa chute.

La miniature des Offices peut être mise en relation avec une estampe de Léonard Gaultier (image ci-contre) et une autre d'après Jean Rabel (image ci-dessous à droite) et une miniature récemment vendu sur le marché de l'art anglais (image ci-dessous à gauche)

Henri III par Jean RabelHenri III (vente chez John Nicholsons)Source des images  et localisation des oeuvres,: (Karlsruhe, Kunsthalle) ; ? (Florence, palais Pitti) ; Henri III mécène : des arts, des sciences et des lettres, p. 70 (Paris, Bnf) ;  Invaluable.com (John Nicholsons Fine Art Auctioneer & Valuer, Vente du 22 mai 2020 à Haslemere) ;  (Paris, Bibliothèque nationale de France)

 

 

 


Notes

1. Sur l'origine de ce portrait, voir Pierre-Gilles Girault et Mathieu Mercier (dir.), Fêtes & Crimes à la Renaissance. La cour d'Henri III, Somogy éditions d'art, 2010, p. 83.

2. Le portrait est présenté comme étant le portrait présumé d'un gentilhomme d'Henri IV, Martin du Hardaz, capitaine des chasses du roi.

3. William Aslet, Lucia Burgio, Céline Cachaud, Alan Derbyshire and Emma Rutherford, « An English artist at the Valois court : a portrait of Henri III by Nicholas Hilliard » in The Burlington Magazine, February 2019, p. 103.

4. Ibid, p. 107.

 

Article initialement publié en mai 2007, modifié en octobre 2016, en mai 2018, en avril 2019.

19 septembre 2022

L'avènement au trône de France (1574)


Henri III, MetzPortrait en émail d'Henri III, attribué à Bernard Limosin et aujourd'hui conservé au musée de Metz

Source de l'image : Exposition Fête et Crimes à la Renaissance: la cour d'Henri III de 2010 (localisation de l'oeuvre : Metz, musée de la Cour d'Or)

Ce très beau portrait en émail a retrouvé son identité à l'occasion d'une exposition consacrée à Henri III par le château de Blois en 2010 1. Une ancienne attribution l'identifiait au roi Charles IX. C'était évidemment une erreur ; les traits d'Henri III y sont aisément reconnaissables. 

Henri monte sur le trône de France à la mort de son frère le 30 mai 1574. Le portrait en émail n'est pas daté, mais il pourrait représenter le roi à ce moment clé de sa vie. Du point de vue de la mode et de la physionomie, il se situe chronologiquement entre le portrait de Chantilly peint par Decourt vers 1570/72 (vu dans l'article précédent) et les portraits du début du règne (à voir dans l'article suivant). 

Henri d'Anjou, Victoria and Albert museumPlusieurs portraits présents dans les collections européennes sont probablement contemporains à ce portrait. Les trois qui sont présentées ci-contre et ci-dessous, résultent d'un seul et même modèle mais diffèrent du dessin de Decourt.

Comme pour le portrait  précédent en émail, les oeuvres ne sont pas datées ; elles pourraient tout aussi bien représenter le roi de Pologne en 1573 que le roi de France en 1574

La fraise est représentée plus large que sur les portraits précédents, mais plus étroite que les portraits du début du règne. Du point de vue de la mode, on peut donc chronologiquement placer ces images entre ces deux périodes, quand le duc d'Anjou devient roi ou s'apprête à le devenir. Le portrait du roi avec la plume rouge et son collier de perle est parfois attribué à Bartolomeo Passarotti (ci-dessous à gauche). Peut-être est-ce un portrait tiré lors du séjour italien d'Henri III.

Henri d'Anjou par Passarottiritratto di Enrico, museo stibbertOn peut également remarquer l'improbable rangée de boucles d'oreille dans le portrait du musée Stibbert (ci-contre, à droite). Cette surenchère de bijoux, peu crédible, interroge quant à son origine et son authenticité.

Source des images : Albert and Victoria museum ; Bridgeman Images (Collection privée) ; Catalogue des Offices (localisation : Florence, museo Stibbert) ;

 

 

Henri III à VenisePortait du roi dans L'Arrivée d'Henri III à Venise peint par Andrea Vicentino vers 1593 et conservé au Palais des doges à Venise.

Le tableau représente l'accueil triomphal réservé à Henri III par les Vénitiens le 18 juillet 1574.

Quand il apprend la nouvelle de la mort de son frère, Henri III se trouve encore dans son royaume de Pologne. Le nouveau roi n'a aucune hésitation sur le choix à faire entre les deux trônes qui sont à lui. Il doit rejoindre la France au plus vite.

S'il choisit de faire le voyage de retour par l'Italie, c'est que lors de sa précédente traversée de l'Allemagne, il avait essuyé nombre de remontrance et de "leçons" de la part de ses hôtes protestants (à cause de l'indignation suscitée par le massacre de la Saint-Barthélemy). Sa sécurité était plus garantie s'il passait par l'Italie malgré la présence importance de l'ennemi espagnol.

Le séjour italien va durer deux mois pendant lesquels les cérémonies vont se succéder les unes après les autres. La plus importante et la plus grandiose est sans commune mesure celle que lui offrent les Vénitiens le 18 juillet 1574.

DFD7043_dip_Andrea-Vicentino_Arrivo-a-Venezia-del-re-Enrico-III_Sala-Quattro-Porte_Palazzo-Ducale_me ce passage vénitien, il subsiste plusieurs tableaux dont celui-ci qui orne encore le palais des doges. Il représente l'accueil fait au roi par le doge Alvise Ier Mocenigo.  Le roi est en habit noir car il porte encore le deuil de son frère. La médaille de l’ordre de Saint Michel qui orne sa poitrine est le seul bijou de son habit.

La foule se presse autour du cortège ; les Vénitiens se sont déplacés en grand nombre pour apercevoir le roi. La ville s'est donnée les moyens pour recevoir le roi Très Chrétien avec faste. Son entrée à bord du Bucentaure est saluée par des salves d'artillerie et parmi les innombrables décorations, un arc de triomphe éphémère a été dressé sur son passage.

Source de l'image : (Venise, Palais des doges) ; liens vers les gravures : INHA ; Gallica

s61a-palma-il-giovane-il-ricevimento-di-enrico-iii-a-ca-foscariL'évènement a tellement marqué la Cité qu'on en peint encore des représentations une génération plus tard. Palma le jeune livre ainsi vers 1595 un tableau représentant le roi arriver au palais Foscari, qui est la demeure vénitienne où il séjourna. Le tableau semble s'inspirer de l'oeuvre de Vicentino, mais ici, le peintre met davantage en valeur les personnages ; à droite du doge sont notamment représentés deux personnalités importantes de l'entourage du roi (représentés en habit noir). Il s'agit au premier plan d'Alphonse d'Este, duc de Ferrare, le cousin italien du roi et au second plan, de Louis de Gonzague, duc de Nevers qui est son principal conseiller politique et le frère du duc de Mantoue.

L'oeuvre existe en plusieurs versions, dont l'une est aujourd'hui conservée à Dresde et l'autre au château d'Azay-le-Rideau.

Source de l'image : Canal Grande di Venezia (localisation : Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister ; Château d'Azay-le-Rideau, voir la notice du Centre des Monuments nationaux sur la base Regards)

 

 

Portraits d'Henri III peints d'après un dessin que Le Tintoret aurait exécuté sur le vif à Venise

Henri III

Henri_III_Budapest

Source de l'image de gauche : Conihout (et al.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, PUPS, 2006 (localisation : Venise, palais des doges)

Source de l'image de droite : (Budapest, musée des beaux-arts)

 

Le séjour à Venise fut l'occasion pour Henri III de découvrir le savoir-faire exceptionnel de ses artisans et de rencontrer les grands maîtres vénitiens de son temps. Il rencontra ainsi le vieux Titien dans sa maison, il découvrit les palais de Palladio et se fit portraiturer par Le Tintoret.

La petit histoire dit que Le Tintoret avait dressé le portrait du roi à son insu. Pendant l'une de ses apparitions publiques à Venise, le peintre l'avait croqué en catimini. Quelques jours après, il fut présenté au roi avec le tableau terminé. Ceci ne manqua pas de surprendre Henri III. On sait d'après un document d'archives que suite à cette rencontre, le roi commanda au Tintoret trois autres tableaux 2. Par ailleurs, il est vraisemblable que plusieurs portraits étaient été commandés par les Vénitiens pour commémorer la visite du roi. Actuellement, l'un de ces portraits se trouve toujours au palais des doges, un autre est conservé à Budapest. On peut penser qu'il en existe dans d'autres collections encore non formellement identifiés. La diffusion du portrait royal par la gravure, montre que celui-ci rencontra un grand succès.

 

Vecellio_Henri-III _1574_RC2Portrait d'Henri III gravé par Cesare Vecellio pendant le séjour du roi à Venise

Source et localisation de l'image : The Royal Collection

Selon la notice de la Royal Collection, où cette gravure est conservée, il s'agit d'une oeuvre réalisée dans un délai très court puisqu'elle a été publiée deux semaines seulement après l'entrée du roi à Venise. Comme pour Le Tintoret, il s'agit d'attirer l'attention du roi sur le savoir-faire vénitien, mais aussi de faire partager le plus rapidement l'actualité majeure du moment.

Le portrait n'est pas sensationnel ; c'est pourtant l'un des tout premiers d'Henri III imprimés et diffusés. Il donne du roi une image très curieuse. L'artiste italien n'a pas retranscrit l'habit avec fidélité car il semble l'avoir interprété selon le goût italien. Par maniérisme, le cou est allongé et le bonnet semble aussi volumineux que la tête. Le résultat donne à la figure un caractère plutôt précieux.

Henri IIILa gravure de la Royale Collection serait le seul exemplaire susbsitant connu à ce jour. Il  existe toutefois une variante en allemand dont les tirages se retrouvent dans plusieurs collections européennes (ci-contre). Cette variante a été tirée la même année, preuve en est de son succès en Europe. Celui-ci montre l'engouement suscité par l'avènement du nouveau roi de France.

Arnaud Du Ferrier l'ambassadeur de France à Venise l'évoque dans une lettre à Catherine de Médicis :" Il [le roi] a donné une si grande espérance de sa grandeur et contentement à tout le monde que chacun a voulu avoir un portrait pour si mal fait que ce soit" 4.

L'image a ensuite été reprise de façon maladroite dans d'autres variantes ou dans des frontispices d'ouvrages 3 (série de portraits ci-dessous).

Compositioni Volgari e Latine fatte da diversi, nella venuta in Venetia di Enrico IIIZenoni_Domenico_Henri-III_1574_GallicaAno_Henri-III_BnF19v2

Oselli_Henri-III_RCSource et localisation des images (de gauche à droite) : ScalaArchives ou Gallica ou Österreichische Nationalbibliothek ; La Malcontenta ; Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France)Gallica (BnF) ; The Royal Collection

 


Heinrich III (Dresde)Henri_III_Gallica2Henri_III_GallicaVoir également SKDmuseum (Dresde, Münzkabinett) ; Gallica ; Gallica ;


 

 

 

 

Liefrinck_Henricus_III_ChantillyPortrait en pied d'Henri III imprimé par Hans Liefrinck

Source et localisation de l'image : (Chantilly, musée Condé)

C'est finalement un artiste du nord de l'Europe qui propose le portrait gravé le plus vraisemblable. Dans cette estampe de Liefrinck, les traits d'Henri III sont plus reconnaissables et les formes de la fraise ou de la toque sont plus authentiques.

L'imprimeur anversois maintient toutefois une composition assez classique ; la pose du roi renvoie aux portraits en pied de Charles IX ; la main est posée sur une chaise et un rideau sert de décor.

Par ailleurs, l'habit porté par le roi est à la mode des années 1570, or ce style est déjà en train de passer. A la cour de France, la mode est très changeante, et cette image du roi sera vite bonne à être oubliée (les cheveux seront relevés par-devant la toque, la fraise allongée en plateau, le pourpoint aiguisé au panseron, et le haut-de-chausses raccourci, puis applati).

 

Henri_III_v2Portrait d'Henri III probablement peint vers 1574 

Source de l'image : Bonhams (Vente du 14 septembre 2022 à Londres)

Ce portrait exceptionnel est apparu sur le marché de l'art en 2022. La notice l'attribue à l'école de Clouet mais peut-être vaudrait-il plutôt l'attribuer à celle de Jean Decourt.

La question de la datation est la même que pour les portraits peints vus précédemment. Le roi est ici représenté dans une mode qui est celle du milieu de la décennie. La fraise continue de se développer et de s'élargir de façon évasée (dans une forme qui se voyait déjà sur le portrait de Charles IX à Versailles). Il est probable que ce portrait ne représente pas Henri le duc d'Anjou, mais Henri roi au moment de son départ en Pologne, ou plus vraisemblablement après son retour en France en septembre 1574. 

Le degré de luxe avec lequel le prince est habillé renvoie aux témoignages de ses contemporains sur la préciosité du roi.

Monté sur le trône à l'âge de 23 ans seulement, Henri III est critiqué dès le début de son règne pour son indolence et sa frivolité. Henri III traîne au lit le matin, aime se parer avec éclat et montre une santé plutôt médiocre qui rend perplexe les observateurs étrangers sur les capacités du jeune homme à régner.  

Elevé dans la tradition humaniste propre aux Valois, Henri maîtrise l'art de s'exprimer en public. Mais sa capacité à paraître en société cachait difficilement la faiblesse de son caractère ; les plus médisants disaient que c'était de la sottise, les autres que c'était de la bonté. Henri III était un homme doux de tempérament, mais inexpérimenté et influençable. Bien que sa mère l'exhortait à se placer au-dessus des partis et à aimer tous ses sujets quels qu'ils soient, Henri III montrait une certaine perméabilité aux malignités de la cour.

Portrait équestre d'avènement d'Henri III vers 1574-1575Portrait équestre du roi Henri III probablement peint à son avènement vers 1574

Source de l'image : Agence photographique de la Rmn (localisation : Chantilly, musée Condé)

Après plusieurs mois d'absence, Henri III est de retour en France. Il a traversé les Alpes et a rejoint la cour venue à sa rencontre à Lyon. Ce tableau de petite taille se rapporte peut-être à cette période.

Le mur en ruine pourrait évoquer l'état de misère dans lequel se trouve le royaume, après plusieurs années de guerre civile. Le roi apparaît devant le mur comme celui qui va le faire oublier. A l'avènement d'Henri III, la France se trouve être encore en plein conflit ; le roi a pardonné à son frère François et à son beau-frère le roi de Navarre qui avaient comploté contre lui durant son absence, mais les protestants continuent de résister dans de nombreuses régions.

Pour abattre ses ennemis, Henri III opta d'emblée pour une politique de fermeté. Il tenta de soumettre les rebelles du Languedoc et du Dauphiné en lançant une double offensive diplomatique et militaire. Mais ce fut un échec ; il n'y avait pas assez d'argent dans les caisses de l'Etat pour soutenir l'effort de guerre. Dès le commencement, son règne s'annonçait difficile.

La datation que je propose pour ce portrait repose sur les mêmes dispositions vestimentaires et physionomiques que le portrait précédent. Henri III porte un costume qui fait la transition entre la mode de son règne et celle de son prédécesseur.

La physionomie juvénile du roi renforce la datation proposée. Son visage est exactement le même que celui des portraits du début du règne (voir article suivant). La richesse du costume quadrillé de perles, est la marque d'un moment important. En ce milieu des années 1570, il n'y a que l'avènement du roi qui puisse lui donner l'occasion de se faire représenter ainsi.

 

Henri-III_HavardMédaille réalisée par Duprè d'après une oeuvre de Germain Pilon réalisée pour l'avènement d'Henri III sur le trône de France

Source de l'image et localisation de l'oeuvre : Havard Art Museum ; voir l'exemplaire du British museum ; Gazette Drouot (Crait-Muller, vente du 5 février 2021)

Ce portrait fait apparaître le changement de mode qui s'opère au tout début du règne d'Henri III. La toque disparaît derrière la tête, la plume qui l'orne est déplacée au centre dans l'axe du visage et la fraise s'élargit.

Dans l'histoire du costume, ce portrait montre la transition entre deux modes, celle de la cour de Charles IX et celle de son successeur Henri III.

C'est un élement de datation important pour comprendre ce portrait en bronze, car il appartient à une série de médaillons dont l'attribution à Germain Pilon est régulièrement remise en cause. Faute de pouvoir dater précisément l'oeuvre, les historiens ont émis plusieurs hypothèses qui en font une production  ultérieure (sous Henri IV) 5. Or, la perfection de concordance entre l'habit représenté et la mode de l'époque montre qu'il s'agit bien d'une oeuvre du début du règne de Henri III. Compte tenu du cadre contraignant que représente la surface d'un médaillon, c'est une prouesse artistique que d'être parvenu à créer ce réalisme documentaire. Un artiste du XVIIe siècle n'aurait jamais pu faire ce travail, à défaut de connaissance de l'histoire du costume.

 

Le sacre d'Henri III par Caron (musée Le Vergeur)Le sacre d'Henri III à Reims, crayon d'Antoine Caron conservé au musée Le Vergeur à Reims

Source de l'image et localisation : (Reims, Musée Le Vergeur)

La scène représente la communion du roi au corps du Christ, alors qu'Henri III est déjà oint et revêtu de sa couronne et de son manteau d'hermine à fleur-de-lys. Dans le contexte des guerres de religion, cette image entend rappeler qu'en France, le roi est catholique. Ce ne sont ni son onction, ni son couronnement qui sont représentés, mais sa soumission au Seigneur Rédempteur représenté par le Saint Sacrement. 

Cette image en dit long sur ce qu'est la monarchie française et comment Henri III entend montrer l'importance qu'il donne à la tradition.


Notes :

1. L'hypothèse d'une date de création vers 1575 est formulée par Pierre-Gilles Girault ; Fêtes et crimes à la renaissance : la cour d'Henri III, Paris, Somogy, 2010, p. 84.

2. P. CHAMPION, Henri III, roi de Pologne, Paris, Grasset, 1951, p. 84. 

3. Voir Anna Bettoni, « Les coronationi de Pietro Buccio et le passage du roi en Vénétie; 1574 », in Isabelle de Conihout, Jean-François Maillard et Guy Poirier (dir.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, PUPS, 2006, pp. 110-120

4. P. CHAMPION, Henri III, roi de Pologne, Paris, Grasset, 1951, p. 97. 

5. L'attribution à Germain Pilon de la série de médaille en bronze des Valois est régulièrement remise en question. G.BRESC-BAUTIER (dir.), Germain Pilon et les sculpteurs français de la Renaissance, Paris, La documentation française, 1993, p. 47, 146-153.

 Article modifié en octobre 2012, en août 2018, en 2021

19 septembre 2022

Le duc d'Anjou (1570)


Portrait au crayon d'Henri de France, duc d'Anjou, dessiné par Jean Decourt vers 1570 et sa version en peinture conservée à Chantilly

Source des images et localisation des oeuvres : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France), voir également Exposition Dessins de la Renaissance de 2004 ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé)

Henri d'Anjou (BnF)Anjou (Chantilly)

Duc d'Anjou en 1566, lieutenant général du royaume en 1567, Henri devient à seize ans, le commandant suprême de l'armée royale. Ce portrait a probablement été fait à l'époque de la troisième guerre de religion (1568-1570), quand le jeune prince s'illustre en remportant sur les protestants les batailles qui firent sa renommée, à Jarnac et à Moncontour. A cause d'une inscription erronée, placée en haut à droite sur le dessin et en bas sur le tableau, on a longtemps cru à tort que le dessin représentait le duc d'Alençon, son cadet. Les deux frères ne se ressemblaient pas, il est impossible de voir dans ce portrait les traits caractéristiques du duc d'Alençon qui possédait un visage (et un nez) moins gracieux 1.

 

Henri d'Anjou (BnF)Portrait en pied d'un prince en armure dessiné d'après François Clouet

Source de l'image et localisation : Gallica ou Exposition Dessins de la Renaissance de 2004 (Paris, Bibliothèque nationale de France)

Malgré une inscription - tardive - identifiant ce prince à François de Valois, ce dessin est aujourd'hui présenté comme étant Henri d'Anjou 2. Il peut être rapproché des portraits envoyés à la reine d'Angleterre en 1571. Depuis quelques temps, Catherine de Médicis projetait de marier l'un de ses fils à Elisabeth Ière. Ces dessins devaient lui permettre de mieux apprécier l'allure de ses prétendants. L'histoire veut qu'Elisabeth n'ait pas trouvé le visage très bien fait. Dans une lettre à son ambassadeur en Angleterre, Catherine de Médicis avait précisé que le portrait avait été tiré rapidement. François Clouet qui en est l'auteur avait privilégié la représentation de la taille plutôt que le portrait du visage.

Le projet de mariage n'alla pas plus loin que cet échange de portraits. La reine Elisabeth restait indécise à l'idée de se marier, et Anjou était nourri de préventions à son égard ; Elisabeth était de confession protestante et elle avait 18 ans de plus que lui. On en resta là.


 

Anjou (Chantilly)Portrait du duc d'Anjou peint d'après Decourt et conservé au musée Condé à Chantilly

Ce tableau est plus tardif que le précédent, car le duc d'Anjou porte ici une pilosité plus développée. Peut-être, est-ce un tableau peint vers 1572, à l'époque du mariage controversée de sa soeur avec le protestant Henri de Navarre ?

A 20 ans, le duc d'Anjou est déjà considéré comme une personnalité politique importante de la cour.  Il se forme déjà contre lui un groupe d'opposant qui conteste son ascension. Le roi lui-même est jaloux des lauriers de son frère cadet. Leur entente est mauvaise et pour les séparer, leur mère Catherine envisage d'installer Anjou sur un trône européen. A défaut de l'Angleterre, ce sera la Pologne. En attendant, c'est à lui qu'est confié le commandement de la grande armée chargée d'assiéger la ville de La Rochelle. Malgré les moyens déployés, ce sera un échec.

On peut s'interroger sur le costume sombre que porte le jeune prince. Cette sobriété vestimentaire fait penser aux portraits italiens d'Henri, quand le nouveau roi, de passage dans la péninsule, portera le deuil de son frère Charles.

Homme (Anjou), Bergé, 2013Comme il s'agit de son premier portrait officiel en tant qu'adulte, il est possible que d'autres portraits similaires existent dans les collections et réapparaissent un jour sur le marché de l'art (exemple ci-contre, avec cette peinture vendu chez Bergé en 2013, sous le titre de Portrait d'homme).

Source des images et localisation : Agence nationale de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Bergé (Vente du 10 juin 2013 à Paris)

 

 

 

Le roi de Pologne sur la fresque peinte au Vatican par Vasari A la même époque, Vasari peint le visage du futur Henri III sur les murs du palais du Vatican. Anjou est représenté au parlement de Paris assis entre ses deux frères François et Charles. Il s'agit de la fresque murale qui commémore le massacre de la Saint-Barthélemy (extrait de la fresque peinte à la Sala Regia en mai 1573).

Source de l'image et localisation : Wikimedia common (Rome, palais du Vatican)

 

 

Henri-III_BnF - CopiePortrait du duc d'Anjou peint vers 1572-1573 dans le livre d'Heures de Catherine de Médicis

Source de l'image et localisation : (Paris, Bibliothèque nationale de France)

Alors que tous les enfants de la reine-mère sont représentés dans le livre d'heures accompagnés de leur époux ou épouses (excepté François d'Alençon qui n'a jamais été marié), Henri est représenté célibataire. 

Le fait qu'Henri soit représenté seul permet de dater l'ensemble de ces miniatures à une période antérieure à 1575, date de son mariage avec Louise de Lorraine.

En tant que prince de la maison de France, Henri est revêtu du manteau fleur-de-lysé bordé d'hermine. Il porte la couronne ducale composée d'un cercle orné de fleurons. Le fait qu'elle soit fermée permet de supposer qu'à cette date, Henri est déjà élu roi de Pologne.


Ano_1573_Henri-roi_de_Pologne_BnFv2

Portrait d'Henri roi de Pologne

Source de image et localisation : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France)

Le duc d'Anjou est occupé d'assiéger La Rochelle quand il apprend le 28 mai 1573 qu'il a été élu roi de Pologne.

Dix mois plus tôt, la dynastie des Jagellons s'était éteinte ; le roi polonais Sigismond-Auguste II était décédé à 51 ans sans descendance ni héritier mâle. Il revenait désormais à la diète polonaise, constituée des grandes maisons nobles du royaume, de choisir un nouveau roi. Un appel à candidature était lancé parmi les grands princes d'Europe.

Par anticipation, Catherine de Médicis avait déjà proposé au roi polonais l'offre de marier Henri à la princesse Anna, soeur et héritière de Sigismond. La mort de ce dernier avait interrompu les négociations, mais l'idée qu'Henri devienne roi par ailliance courait déjà à la cour de Pologne.

L'élection se termina après plusieurs semaines de palabres  ; le 11 mai 1573, Henri était élu. L'affaire n'était pas gagné d'avance à cause de la colère qu'avait suscité l'annonce du massacre de la Saint-Barthelemy. C'est l'ambassadeur envoyé par la France, Jean de Monluc, qui parvint par ses talents d'orateur à convaincre la diète polonaise de chosir le candidat français.

Extrait de la tapisserie des ValoisL'ambassade extraordinaire envoyée par les Polonais est accueillie à Paris le 19 août 1573. Il s'ensuit des festivités réalisées avec le faste caractéristique de la cour des Valois.

De cette ambassade polonaise, il existe une représentation dans la tapisserie des Valois (musée des Offices de Florence). L'une des tentures représente la fête donnée le 14 septembre en l'honneur des Polonais au jardin des Tuileries. La scène se déroule suite à l'entrée officielle du roi de Pologne dans la ville de Paris. La reine-mère qui est l'organisatrice du spectacle est représentée assise en train de regarder des couples danser.

Trois personnages en train de danser, extrait de la tapisserie des ValoisLe fait que le siège royal soit vide à coté d'elle peut nous faire penser que Charles IX fait partie de ces danseurs (Charles IX n'apparaît pas dans la tapisserie des Valois qui ne représente en portrait que des membres de la famille royale vivants au moment de la confection de la tapisserie). Dans ce cas, les deux autres personnages masculins qui l'accompagnent au milieu de la cour ne peuvent être que ses frères. On pourrait alors se demander si le danseur le plus à droite ne serait pas le roi de Pologne (le traitement de son visage est semblable à celui qu'il a dans la tenture suivante).

Journey,_from_the_Valois_Tapestries2Sur la tapisserie du Voyage, le roi de Pologne est plus clairement identifiable au centre de la composition. La scène représenterait son départ pour la Pologne. Il serait précédé des Polonais et suivi d'un immense cortège composé des membres de sa maison et de celles de ses proches qui l'accompagnent à la frontière. La tapisserie reprend un dessin d'Antoine Caron.

Source des images et localisation: Wikimedia (Florence, musée des Offices)

 

Henricus_Valesius_D_G_Poloniae_BnF_v2Cette tapisserie du voyage renvoie à une autre image du prince à cheval. Il s'agit d'une estampe d'origine allemande 3 représentant le roi voyageant entouré de ses pages (image ci-contre).

Après avoir quitté Paris le 28 septembre et fait un détour par Fontainebleau, la cour arriva seulement le 16 novembre à Nancy. Dans la capitale ducale, plusieurs festivités furent organisées par le beau-frère de la famille Charles III de Lorraine. Enfin, le 2 décembre, arrivé à la frontière, le roi de Pologne fit ses adieux a sa mère et à sa soeur 4.

Il restait au roi à traverser l'Allemagne. Il y rencontra plusieurs de ses homologues ; l'électeur palatin Frédéric III le Pieux, l'archevêque électeur de Mayence et le landgrave de Hesse, Guillaume IV. Il fut également accueilli à Francfort, ville libre de l'Empire, et à l'abbaye de Fulda, capitale spirituelle de l'Allemagne catholique 5. C'est probablement pour garder un souvenir de ce passage, considéré comme historique, que cette gravure a été éditée.

Source des images et localisation: Gallica (Paris, BnF)

 

 

 


Notes :

1. Alexandra ZVEREVA, Le cabinet des Clouet au château de Chantilly. Renaissance et portrait de cour en France, Nicolas Chaudun, collection « Éditions Nicola », 2011, p. 157 dont la publication permet de corriger le précédent catalogue du musée (A. CHATELET, F-G.PARISET, R. de BROGLIE, Chantilly, musée Condé ; Peintures de l’école française, XVe- XVIIe siècles, Paris, RMN, 1970).

2. J. ADHEMAR, Les Clouet et la cour des rois de France, de François Ier à Henri I, [exposition], Paris, BnF, 1970, notice 41.

3. Oriane BEAUFILS, Vincent DROGUET (dir.), L'art de la fête à la cour de Valois [exposition, château de Fontainebleau, 2022], Fine éditions d’art, 2020, p. 78 (notice de l'oeuvre)

4. Pour un récit du voyage, voir Pierre CHAMPION, La jeunesse d'Henri III, tome II, Paris, Grasset, 1972, p. 293-306.

5. Pour un récit du voyage, voir Pierre CHEVALLIER, Henri III : roi shakespearien, Paris, Fayard, 1985, p. 209-214.

Article modifié en avril 2021

19 septembre 2022

Le duc d'Angoulême puis d'Orléans


Alexandre Edouard (BnF)Portrait au crayon d'Alexandre Edouard duc d'Angoulême vers 1552

Le futur Henri III naît au château de Fontainebleau le 19 septembre 1551. Il est le sixième enfant du roi Henri II et de son épouse Catherine de Médicis. On lui donne alors comme prénom celui d'Alexandre Édouard (il a pour parrain le roi Édouard VI d'Angleterre, et son premier prénom fait référence à Alexandre le Grand, l'un de ces héros de la Grèce antique prisés à la Renaissance).

Il existe plusieurs portraits de lui étant petit. L'un d'entre eux est un dessin du musée Condé qui le représente malade, la tête posée sur un coussin (ci-dessous à gauche). Le dessin est de la main de Germain Le Mannier, le portraitiste affecté aux enfants royaux. Le garçon n'est pas identifié par une inscription, mais les historiens semblent y reconnaître le futur Henri III 1.

Alexandre Edouard (Chantilly)

Alexandre Edouard (BnF)Source des images et localisation des oeuvres : Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Agence photographique de la Rmn (Chantilly, musée Condé) ; Gallica ou Banque d'images de la BnF (Paris, Bibliothèque nationale de France)

 

 

 

    

Présumé Alexandre Edouard (British museum)Portrait traditionnellement identifié à Charles-Maximilien, conservé au British museum et attribué à François Clouet

Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Londres, British museum)

Bien que le modèle soit identifié par une annotation comme étant le prince Charles-Maximilien, c'est-à-dire le futur Charles IX, l'historienne Alexandra Zvereva attribue ce portrait au prince Alexandre-Edouard, futur Henri III 2.

Le petit prince porte encore le béguin pour bébé. Il est probable qu'il soit encore revêtu de sa robe d'enfant. Par-dessus cette robe, il est habillé d'un col blanc de forme pointue, rabattu sur un col de fourrure.

 

 

Alexandre Edouard (Berlin)Portrait en buste d'un jeune prince vers 1555

Source de l'image et localisation de l'oeuvre : (Saatliche museen zu Berlin)

Le même souci d'interrogation se pose pour ce buste anonyme conservé au musée de Berlin. C'est une sculpture de terre cuite attribuée à l'école de Germain Pilon. Selon la notice du musée, elle était autrefois ornée d'une plume et de pierres précieuses. Il s'agit donc d'une oeuvre rare ayant appartenu à un prince de la cour. L'identité du jeune homme n'est pas mentionnée, mais le buste représenterait l'un des fils d'Henri II. Sans certitude, le musée de Berlin propose d'y voir les traits du futur Henri III.

 

 

Portrait d'Alexandre Edouard, duc d'Orléans, dessiné au crayon par François Clouet vers 1561, et sa version en peinture

Le duc d'Orléans (Berlin)Le duc d'Orléans (collection privée)

A l'avènement de Charles IX, à la fin de l'année 1560, Catherine de Médicis demande à François Clouet de réaliser le portrait de ses quatre plus jeunes enfants. Le cabinet des estampes et dessins de Berlin possède le dessin original représentant le futur Henri III 3 (ci-dessus à gauche).

Alexandre Edouard est ici représenté en tant que duc d'Orléans, titre qu'il a pris à son frère, quand celui-ci est devenu roi. Le jeune prince porte le même type de costume que Charles IX sur ses portraits. Cette ressemblance et la proximité de leur âge (ils ont un an de différence) explique que les deux garçons aient parfois été confondus d'un tableau à l'autre.

Alexandre Edouard (Rochdale Art Gallery, Lancashire)Alexandre Edouard (BnF)Le portrait au crayon, sa version peinte et leurs différentes copies sont aujourd'hui éparpillées dans différentes collections.

Source des images et localisation des oeuvres : Agence photographique de la Rmn (Berlin, Kupferstichkabinett) ; Gallica (Paris, Bibliothèque nationale de France) ; Klei.org (collection privée) Bridgeman art library (Touchstones Rochdale Art Gallery)

 

 

 

Charles IX, Marguerite et Henri (extrait)Extrait d'un tableau représentant la famille royale vers 1561

Source de l'image : L. Dimier, Histoire de la peinture de portrait en France au XVIe siècle, G. Van Oest, 1924

Sur ce tableau peint d'après Clouet, le duc d'Orléans est représenté à droite en compagnie de son frère le roi Charles et de sa sœur Marguerite. Il a entre dix et onze ans.

A partir de cette époque, le duc d'Orléans et sa soeur Marguerite ne quittent plus le roi. Ils sont présents à ses cotés à toutes les grandes cérémonies de la monarchie auxquelles ils sont désormais systématiquement associés. Dans le cadre troublé des guerres de religion, il est important pour l'État de les exposer pour témoigner qu'en dépit de la jeunesse du roi, la famille royale est une force (par le nombre) et que son avenir, ainsi que celui de la Couronne, est assuré (le duc d'Orléans étant l'héritier du trône).

Alexandre Edouard participe ainsi à tous les grands grands évènements historiques du règne (états généraux, colloque de Poissy, etc.).

Etats-généraux de1561Il est par conséquent représenté dans différentes images qui illustrent ces évènements. Dans la gravue représentant les États généraux de 1561 (Localisation de  la gravure : Gallica), il est figuré assis à coté du roi en symétrie avec sa soeur.

Gage d'avenir de la Couronne, le duc d'Orléans accompagna également le roi durant le grand voyage qu'il fit à travers la France de 1564 à 1566. C’est au cours de son passage à Toulouse, alors qu'il faisait sa confirmation, qu''Alexandre Édouard changea de prénom. En mémoire de son mari bien-aimé, Catherine de Médicis lui donna celui d'Henri 4.

 


Notes.

1. Alexandra ZVEREVA, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, Paris, 2011, p. 302-303.

2. Alexandra ZVEREVA, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, Paris, 2011, p. 303. Voir la copie du XVIIIe conservée à la BnF et celle conservée au musée d'art et d'archéologie de Senlis sur la Base Joconde.

3. Alexandra ZVEREVA, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, Paris, 2011, p. 366-367.

4. Pierre CHEVALLIER, Henri III : roi shakespearien, Paris, Fayard, 1985, p. 68.

Article publié une première fois en mai 2007

19 septembre 2022

Les portraits d'Henri III (1551-1589) Henri III

Les portraits d'Henri III (1551-1589)

 

Croix de l'ordre du Saint EspritHenri III est le dernier roi de la dynastie des Valois. Son règne de quinze ans marque l'apogée des splendeurs de la cour sous la Renaissance, mais également l’apogée des violences religieuses. Alors qu'il assiégeait la ville de Paris qui s'était soulevée contre lui, il meurt assassiné par un moine fanatique.

Henri III est un homme difficile à saisir. Depuis le XVIe, siècle, sa personnalité intrigue 1. Monté sur le trône à l'âge de 23 ans seulement, il est critiqué dès le début de son règne pour son indolence et sa frivolité. Bien que soucieux de ses devoirs de chef d'État, il n'était pas l'homme providentiel attendu par les Français après 15 années de guerre civile. Henri III était un homme doux et débonnaire, davantage porté à la temporisation plutôt qu'à l'action. De son vivant, il laisse de lui une image très contrastée ; d'un coté, il préfigure le Roi-soleil par le souci permanent qu'il a de mettre en scène Sa Majesté, de l'autre coté, il est un roi moine, inaccessible et adepte du secret. 

Ayant perdu à sa mort l'estime d'une grande partie de ses sujets, son nom est raillé autant par les protestants que par les catholiques. De ce mépris, est née une image historiographique très déformée qui n'a été que très récemment remise en perspective

L'étude de son iconographie est également une voie de recherche récente 2. Aujourd'hui encore, il reste de nombreuses zones d'ombre à éclaircir sur le contexte de production de ses portraits. Grâce à ces études, il est aujourd'hui possible de dépasser les clichés moqueurs qui représentent parfois Henri III comme une créature efféminée aux fraises burlesques. A travers son iconographie, on peut voir l'évolution de sa physionomie et saisir le passage d’un roi original, soigneux de sa personne, à un prince dévot et philosophe.

Galerie de portraits d'Henri III

 

 

 

   

L'iconographie d'Henri III est présentée sur ce blog en six parties :

I] Portraits de jeunesse

II] Portraits du roi


Notes

1. Voir Nicolas Le Roux, La faveur du Roi : mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 2001, p. 341.

2. Son iconographie a fait l'objet d'une thèse en 2012 (Isabelle HAQUET, L’énigme Henri III, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2012) et aujourd'hui encore ses portraits sont progressivement réattribués, notamment grâce aux travaux d'Alexandra Zvereva. La dernière exposition qui lui était consacrée s'est tenue en 2010 à Blois (Fête et Crimes à la Renaissance: la cour d'Henri III ; https://www.canalacademies.com/emissions/carrefour-des-arts/fetes-et-crimes-a-la-renaissance-la-cour-dhenri-iii)

Article publié une première fois en mai 2007

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