Danse

Bhavya Kumaran à la Music Academy

2023-07-27 14:18+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XXII

Je ressuscite ce blog après une très longue interruption. Bien sûr, il y a eu le COVID, qui a pour un temps réduit significativement les opportunités d'assister à des spectacles. Toutefois, la raison principale de cette interruption est liée à ma prise de conscience de plus en plus affirmée du caractère extrêmement problématique du style de danse bharatanatyam qui est actuellement le résultat d'un processus d'appropriation culturelle qui s'est fait au cours du dernier siècle au détriment de la caste des praticiens et praticiennes originels de cette forme de danse. Une de mes lectures les plus instructives sur ce processus est le livre Celluloid Classicism de Hari Krishnan à propos duquel j'ai écrit ce compte-rendu mis en ligne sur Narthaki, qui est le portait Internet de référence sur le bharatanatyam (et plus généralement les danses “classiques” indiennes) ; cependant, les articles qui y sont publiés sont généralement complètement vides d'un point de vue esthétique et ne font qu'appuyer le discours dominant.

J'ai acquis la conviction que mes aspirations esthétiques en tant que spectateur étaient parfaitement alignées avec la volonté politique que les artistes héréditaires de bharatanatyam soient mieux représentés. En effet, j'ai souvent observé des récitals de grandes interprètes qui, plutôt que de s'associer à des artistes héréditaires compétents pour composer des séquences techniques de danse, ou ne serait-ce que de puiser dans le répertoire traditionnel de jatis qu'elles ont appris auprès de leurs maîtres héréditaires (nattuvanars), préfèrent commander des compositions rythmiques à des percussionnistes. J'ai plusieurs fois été horrifié par le caractère anti-musical de certaines de ces créations. J'ai eu le sentiment que cela participait d'une entreprise de destruction de la musique et de la danse.

Mes seules satisfactions avec ce style viennent de mon apprentissage avec le maître héréditaire Kuttalam M. Selvam, et des très rares occasions d'assister à des récitals, où, sans que les artistes héréditaires soient forcément physiquement présents, leur apport esthétique est un minimum audible ou visible.

Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2023-07-26 à 18:00

Bhavya Kumaran

Sowmya Kumaran, nattuvangam

Murali Parthasarathy, chant

Vedakrishnaram, mridangam

B. Muthukumar, flûte

?, violon

Alarippu (Mishra Chapu Tala)

Jatiswaram (Raga Saveri, Rupaka Tala)

Varnam “Nadani azhaithtuva...” (Raga Kambhoji, Adi Tala)

Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)

Javali (Raga Khamas, Rupaka Tala), composition de Patnam Subramaniam Iyer

Tillana (Raga Hindolam, Adi Tala), composition de Dandayudhapani Pillai

J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Bhavya Kumaran en août 2022 lors de sa participation au festival Spirit of Youth de la Music Academy auquel j'assiste très régulièrement depuis 2015. Elle avait alors obtenu le deuxième prix (derrière le très méritant Shabin Bright) et a été réinvitée pour un récital de la HCL Series. J'avais beaucoup apprécié ce récital qui m'avait semblé être comme une capsule temporelle donnant une certaine indication de ce que pouvait être la danse bharatanatyam il y a 30 ou 40 ans. En effet, la mère de la danseuse, Sowmya Kumaran, a appris la danse initiallement auprès de l'artiste héréditaire Jayalakshmi Arunachalam, puis a émigré aux États-Unis, y a enseigné à sa fille Bhavya, en maintenant manifestement un grand soin dans la préservation de la forme traditionnelle du récital Margam, du vocabulaire des adavus et des particularités du style de Thanjavur. Cela reste bien sûr problématique, mais il s'agit manifestement de personnes qui comprennent la valeur de la contribution esthétique des artistes héréditaires.

Le récital de ce soir a été de très grande qualité. J'ai été agréablement surpris que le programme commence par deux types de pièces qui tendent à disparaître des programmes : Alarippu et Jatiswaram. Comme dans tout le reste du récital, la complète maîtrise technique de la danseuse est évidente. Les comptes de la danse restent modérément complexes et plutôt en vitesse moyenne, ce qui permet de bien apprécier les moindres mouvements ornementaux de la danseuse. Une des particularités de certains maîtres originaires de Thanjavur (comme Guru Herambanathan Pillai) apparaît dans le Jatiswaram et sera aussi visible dans le Varnam : chaque korvai est précédé d'une ligne complète de mouvements de tête (attami) qui procurent une respiration bienvenue dans les chorégraphies.

Toutefois, ce récital n'est pas exactement ancré dans la même tradition que celui auquel j'avais pu assister en 2022. En effet, la pièce principale du récital, le Varnam “Nadani azhaithtuva...”, ainsi que les deux pièces de pur abhinaya suivantes ont été enseignées par la danseuse Lavanya Ananth, qui fait partie des rares artistes qui respectent très fidèlement la forme du Margam. Tout en gardant certaines spécificités du style originel de la danseuse, la chorégraphie comporte des jatis très jubilatoires de la tradition Vazhuvoor, dont le magnifique jati off-beat “ta ri tatana ta ri tajono...” composé par Vazhuvoor Ramiah Pillai : le décalage volontaire entre les ononatopées récitées et les pas de danse sont très bien mis en valeur par la danseuse. Les motifs de Tattu Muttu sont relativement complexes, notamment par l'utilisation de triolets (tishra-nadai), mais restent très musicaux. Les sections d'abhinaya de la première partie du Varnam développent selon le schéma traditionnel l'évolution du sentiment amoureux de l'héroïne pour le dieu Muruga. Le Pallavi évoque une jeune héroïne qui s'émerveille de la vue de Muruga, et qui souhaite l'épouser. Elle croit sentir sa présence, mais ce n'est qu'une illusion. L'Anupallavi met en scène le sentiment de séparation amoureuse de l'héroïne, qui entretemps a grandi. Il est très appréciable que la chorégraphie se focalise résolument sur les sentiments de l'héroïne, allant ainsi à contre courant de la tendance actuelle qui consiste à narrer de multiples exploits du dieu concerné sans rapport évident avec le texte chanté.

Les deux pièces d'Abhinaya qui ont suivi ont été enseignées par Lavanya Ananth, et s'inscrivent dans le style de Kalanidhi Narayanan. Chacune des deux pièces commence ainsi par un prélude accompagné par le percussionniste et les instruments mélodiques avant que le texte de la composition musicale ne se fasse entendre. J'ai particulièrement apprécié le caractère espiègle du Javali dans lequel l'héroïne, touchée par les flèches de Kama, ne peut retenir son sentiment amoureux pour Venkateshwar.

Le récital s'est conclu par un très beau Tillana dédié à Shiva (composé par le nattuvanar K. N. Dandayudhapani Pillai).

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Anusha Cherer à la Maison de l'Inde

2019-11-02 16:03+0100 (Paris) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2019-10-08

Anusha Cherer, danse bharatanatyam

Bhavana Pradyumna, chant carnatique, nattuvangam

Venkat Krishnan, mridangam

Charles Parameshwaralingam, violon

Dr M. Balamuralikrishna, compositions

Sivaselvi Sarkar, Rama Vaidyanathan, Vidhya Subramanian, Anusha Cherer, chorégraphies

Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), chorégraphie de Sivaselvi Sarkar

Varnam “Omkara” (Adi Tala, Raga Shanmukhapriya)

Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)

Thillana (Adi Tala, Raga Kadana Kuthuhalam)

Mangalam

(Full disclosure: Le spectacle dont je rends compte ici a été organisé par la chanteuse Bhavana Pradyumna avec qui j'ai eu plusieurs fois l'occasion de collaborer sur plusieurs spectacles.)

Depuis qu'elle s'est installée à Paris il y a quelques années, la chanteuse carnatique Bhavana Pradyumna organise tous les ans un événement Nritya Naada où des compositions de danses sont présentées. La première édition en 2016 était consacrée au répertoire de M. S. Subbulakshmi, la deuxième en 2017 (à laquelle je n'ai pas assisté) au compositeur-chorégraphe Madurai Muralidharan, la troisième en 2018 au compositeur et violoniste Lalgudi Jayaraman. L'édition 2019 est consacrée aux compositions de Dr. M. Balamuralikrishna que j'eus le privilège d'entendre lors d'un très bref mais néanmoins inoubliable concert en 2013.

Il faut souligner cette initiative, puisque depuis le désengagement du Théâtre de la Ville et du Musée Guimet des danses classiques indiennes, il est devenu très rare d'assister à des récitals complets de danse bharatanatyam qui soient accompagnés de musiciens. Comme lors de l'édition 2018 de Nritya Naada, c'est un Margam relativement fourni qui est interprété par les musiciens et par la chanteuse.

Certaines des compositions de Dr. M. Balamuralikrishna sont devenues des classiques du répertoire dansé. C'est le cas d'un certain nombre de ses Thillanas ainsi que du Pushpanjali en Raga Arabhi qui fait partie de ce programme. J'avais déjà entendu parler de son Varnam Omkara parce qu'une danseuse que je connais très bien avait envisagé de le danser, mais je ne l'avais jamais vu sur scène.

Pour ce programme avec musiciens, la danseuse est Anusha Cherer dont j'avais déjà apprécié le travail lors de précédents récitals en 2015 et 2018. Le programme commence par le Pushpanjali “jhem jhem tanana” chorégraphié par Sivaselvi Sarkar, le guru de la danseuse, qui l'avait déjà interprété lors de son dernier récital au Centre Mandapa. C'est un réel plaisir d'entendre et de voir cette danse interprétée de façon très musicale.

Anusha Cherer ©Laurent Lo
Anusha Cherer ©Laurent Lo

La pièce principale du récital est le Varnam “Omkara” en Raga Shanmukhapriya et Adi Tala. Le programme ayant été préparé en très peu de temps (deux semaines), la danseuse a utilisé des jatis qu'elle avait déjà dansés lors de son précédent récital au Centre Mandapa. J'ai en particulier reconnu le tri-kala sur le thème “Ta di nutadimi ta di nutadimi ta nutadimi ta takundari kitataka” extrait d'un autre Varnam chorégraphié par Rama Vaidyanathan, la composition rythmique étant probablement due au défunt Karaikudi Sivakumar. Ses jatis sont en général très complexes, et j'avoue n'avoir que très rarement réussi à clapper le tala lors que j'ai entendu ses jatis lors de spectacles... Ici, la récitation et les thalams sont assurés par la chanteuse Bhavana Pradyumna dont la récitation m'a semblé très régulière dans ces jatis. Fait rare en France, les arudis sont bien exécutés ! Le texte du poème fait l'éloge de celui qui représente la musique qui est issue du son primordial Om. La ligne d'Anupallavi fait plus spécifiquement référence à celui qui porte la flûte (Krishna), et le Muktayi évoque sans ambiguité Vishnu sous la forme de Padmanabha. Ces lignes de texte ont été très bien interprétées par la danseuse.

Le temps de répétition très court pour ce récital s'est à mon avis un peu fait sentir dans l'exécution de la deuxième moitié du Varnam. La deuxième moitié d'un Varnam est en général exécutée à un tempo supérieur, ce qui rend plus difficile l'exécution des séquences techniques et rend quasiment impossible la parfaite intelligibilité du sens du texte exprimé par la danse. La deuxième moitié de ce Varnam est particulièrement complexe rythmiquement parlant, puisque les Ettugada Swarams (ainsi que les paroles associées) ne commencent pas au début du cycle, mais off-beat, et se reconnectent avec une ligne de Caranam, qui si, elle, démarre bien sur le premier temps, présente quelques petites difficultés rythmiques. En principe, les phrases chorégraphiques de ces Swarams devraient donc commencer off-beat, ce qui n'est pas facile à danser... Je ne saurais dire qu'elle était exactement l'intention, mais j'ai senti une certaine hésitation de la danseuse au démarrage de ces Swarams. Je sais à quel point c'est difficile ! mais il aurait été souhaitable que la chanteuse aux thalams et le percussionniste donnent des indications rythmiques plus claires pour permettre à la chanteuse de démarrer plus facilement au bon moment. J'ai été néanmoins impressionné par le démarrage parfaitement off-beat de la danseuse lors des très-redoutables Tatti Metti de la dernière phrase d'Abhinaya ! Par ailleurs, dans cette deuxième partie de Varnam dans laquelle des parties du corps de Vishnu sont comparées à un lotus, j'ai particulièrement apprécié la poésie de la description de la Nature dans le troisième Ettugada Sahitya. Malgré les imperfections de cette performance, qui sont très excusables en raison des courts délais de répétition, j'ai apprécié de pouvoir voir en France un Varnam dansé avec des musiciens.

La pièce suivante n'est pas une composition de Balamuralikrishna : il s'agit de l'Ashtapadi “Yahi Madhava”, extrait du Gita-Govinda de Jayadeva. J'ai eu de nombreuses occasions de le voir représenter. À chaque fois, c'est une expérience différente. Dans le style odissi, j'avais apprécié l'interprétation de Mahina Khanum en 2015 dans une chorégraphie de Kelucharan Mohapatra transmise par Madhavi Mudgal que j'ai eu l'occasion de voir interpréter cette pièce cet été à Delhi. Anusha Cherer a appris cette pièce lors d'un stage avec la danseuse Vidhya Subramanian. De même que dans la version de Kelucharan Mohapatra, la chorégraphie met en scène non seulement les reproches adressés par Radha à Krishna qui sont contenus dans le texte, mais aussi des réponses quelques peu fantaisistes de Krishna qui tente de donner une explication alternative à la présence de marques sur son corps qui trahissent son infidélité. Par exemple, il prétend que les griffures laissées par les ongles de l'autre résultent d'une chute dans les ronces alors qu'il essayait de cueillir des fleurs pour Radha (qui le met en défaut parce qu'il ne les a pas apportées !). Comme dans son précédent récital, j'ai été impressionné par l'Abhinaya d'Anusha Cherer.

Il se trouve que ce n'est pas la première fois que je vois une danseuse française danser cette pièce transmise par Vidhya Subramanian. Ainsi, j'ai aussi eu deux fois l'occasion de voir Iran Farkhondeh très bien danser cette pièce. Je suis donc très étonné par le contraste radical entre les interprétations de ces deux danseuses. Le scénario est le même dans les deux cas, mais l'incarnation est me semble-t-il complètement différente. Le point de vue d'Iran Farkhondeh était me semble-t-il d'incarner le personnage de Radha pendant toute la durée de la pièce, ce qui extrêmement difficile à interpréter puisque lorsque Krishna fait ses réponses, la danseuse ne peut se transformer en Krishna : elle doit continuer à incarner Radha et ne peut nous faire comprendre le discours de Krishna qu'à travers la réaction de Radha à ces paroles. Le seul sentiment exprimé est celui de la colère froide de Radha. Au contraire, dans l'interprétation d'Anusha Cherer, si le point de vue principal est résolument celui de Radha, la danseuse devient clairement Krishna quand il répond aux reproches de Radha. J'ai apprécié cette interprétation qui permet une réconciliation future entre Radha et Krishna : on sait bien qu'ils vont se réconcilier ! D'ailleurs, dans l'interprétation d'Anusha Cherer, à la fin de la pièce, quand Radha se détourne de Krishna, on sent qu'elle hésite quelque peu.

Le récital s'est conclu par un très joyeux Tillana de Balamuralikrishna. Il faut féliciter la personne qui a présenté les pièces pour avoir réussi à prononcer le nom du Raga Kadana Kuthuhalam sans la moindre hésitation ! J'ai particulièrement apprécié la complicité entre la chanteuse et le violoniste dans l'interprétation de cette composition très connue. J'ai pris beaucoup de plaisir en voyant Anusha Cherer interpréter cette pièce. Le moment le plus irrésistible que je retiens est celui, en début de pièce, où elle a interprété de somptueux Mai Adavus avec le mudra Tripataka.

Anusha Cherer dansera avec ses élèves à Paris le 14 décembre.

Venkat Krishnan, Aniruddha & Bhavana Pradyumna, Charles Parameshwaralingam, Anusha Cherer
Venkat Krishnan, Aniruddha & Bhavana Pradyumna, Charles Parameshwaralingam, Anusha Cherer

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Anuya Rane au Centre Mandapa

2019-10-21 09:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2019-09-27

Anuya Rane, bharatanatyam

Mallari (Raga Gambhira Nattai, Mishra Triputa Tala)

Alarippu (Tishra Ekam Tala)

Jatiswaram (Raga Chakravakam, Tishra Ekam Tala, composition du Thanjavur Quartette)

Varnam “Moham aginen inda velaiyil” (Raga Karaharapriya, Adi Tala, composition de Dandayudhapani Pillai)

Nindastuti (Rupaka Tala)

Thillana (Raga Revati, Adi Tala, composition de Madurai N. Krishnan)

J'avais déjà eu l'occasion de voir Anuya Rane danser lors d'un spectacle avec Vaibhav Arekar au Musée Guimet en 2013. Cette fois-ci, elle a interprété en solo un Margam, un récital de format traditionnel, devant un public malheureusement trop peu fourni dans la salle du Centre Mandapa.

Anuya Rane
Anuya Rane

Le récital a commencé par un Mallari en Mishra Triputa (11 temps), dans un enregistrement chanté par Preethy Mahesh, incluant diverses vitesses y compris le tishra nadai. La danseuse évoque la procession d'une divinité. La danse technique est musicale, mais dans cette pièce, la danseuse est parfois quasiment debout pour exécuter des mouvements que l'on imaginerait davantage exécutés en demi-plié.

Le récital se poursuit avec l'Alarippu à trois temps. La chorégraphie de la danseuse utilise des éléments de la chorégraphie traditionnelle, comme des mouvements d'épaules et des yeux, exécutés en grand, prenant le contre-pied de l'opinion généralement admise actuellement visant à les rendre aussi petits que possibles. L'utilisation de l'espace par la danseuse comporte quelque originalité, comme lorsqu'elle utilise des mouvements en diagonale ou n'utilisant qu'une seule main à la fois. La composition rythmique présente aussi une surprise dans la construction du jati de l'Alarippu qui ne se finit pas ici par l'habituel motif croissant tadinginatom-takatadinginatom-takadikutadinginatom, mais qui l'inclut dans une triple formule en accordéon : la formule croissante habituelle est dite une fois à l'endroit, puis une fois à l'envers (en décroissant), et une dernière fois à l'endroit de façon légèrement différente (tadin-ginatom)(takatadin-ginatom)(takadikutadin-ginatom).

Après cette entrée en matière, la première pièce véritablement substantielle est un Jatiswaram traditionnel composé par le Thanjavur Quartette. Je ne connaissais cette composition en Raga Chakravakam que par un opportun effet Zahir, mon professeur m'en ayant parlé quelques jours auparavant. Dans cette pièce, j'apprécie la simplicité des marches de transition effectuées avec épaulement, la beauté des passages techniques, très bien exécutés, et très clairs rythmiquement.

La pièce principale du récital est le Varnam “Moham aginen inda velaiyil” en Raga Karaharapriya et Adi Tala composé par le Nattuvanar Dandayudhapani Pillai. Avant que la composition proprement dite ne commence, pendant l'Alap, la danseuse incarne l'héroïne qui dans un rêve croit apercevoir Shiva. À son réveil, elle comprend que ce n'était qu'une illusion. Comme dans le Jatiswaram, la partie technique de la danse est très maîtrisée par la danseuse, toujours exacte rythmiquement, y compris dans les motifs rapides des arudis ponctuant la fin des Jatis. Dans cette version du Varnam, il y a une double ration de Jatis. En effet, entre la première et la seconde ligne du Pallavi intervient habituellement le deuxième Jati d'un Varnam, mais ici, au lieu d'un jati, il y en a eu deux à la suite, et de même avant chacune des autres lignes de textes de la première partie du Varnam, comme le font certaines écoles de bharatanatyam. Dans le Pallavi, l'héroïne exprime à quel point elle est intoxiquée, alors qu'elle est touchée par les flèches de Kama. La danseuse a été très musicale pendant tout le récital, et son Abhinaya m'a plu, mais j'ai trouvé dommage que les frappes de pieds aient été aussi violentes quand il s'agissait d'exprimer que l'héroïne était atteinte par les flèches florales de Kama. Dans l'Anupallavi, la chorégraphie met en scène la danse de Shiva-Nataraja dans le temple de Chidambaram et l'héroïne demandant à son amie que le dieu vienne l'enlacer. Plus loin, elle se plaint du mal que lui fait la lumière reflétée par la Lune. Dans la deuxième partie du Varnam, l'héroïne souffre de la séparation. De façon intéressante, une des lignes de texte fait écho au rêve qui avait été mis en scène pendant l'Alap. Il n'y avait pas eu de Tattu Muttu dans la première partie du Varnam. Les lignes de textes de la deuxième moitié ont inclus des Tattu Muttu, qui étaient très en place rythmiquement, mais malheureusement pas suffisamment accentués à mon goût, ce qui est étonnant puisque les frappes étaient très bien appuyées dans les beaux passages techniques de ce Varnam.

La composition suivante est un Nindastuti, dans lequel une dévote semble critiquer de façon ironique le dieu Shiva. Elle prétend ne faire que rapporter les commérages que les gens font à propos de lui. La danseuse avait déjà interprété cette pièce lors du récital avec Vaibhav Arekar. Il ne porte qu'un quart de Lune, et même pas la Lune toute entière. C'est un mendiant, qui mange les restes des repas des autres. Il n'a pas d'endroit où poser son deuxième pied. Sa monture (le buffle) lui donne une démarche ridicule. Comme dans le Varnam, l'Abhinaya de la danseuse est très convaincant !

Le récital s'est conclu par le Tillana en Raga Revati et Adi Tala composé par Madurai N. Krishnan. J'ai apprécié de voir cette composition dansée dans un tempo plus raisonnable que dans la chorégraphie différente que je connais.

Il est devenu rare que l'on voie à Paris un Margam aussi complet et bien exécuté. Merci beaucoup à la danseuse pour ce récital !

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Shreema Upadhyaya à la Music Academy

2019-08-31 17:28+0300 (Helsinki) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIX

(Full disclosure: le jour de ce récital, j'ai eu le plaisir de déjeuner en tête-à-tête avec le guru de la danseuse, Praveen Kumar, qui souhaitait me rencontrer depuis longtemps. Il ne m'a alors pas donné d'informations à propos de ce récital que je ne connusse déjà, comme le choix du Varnam et du Javali. Après le récital, il m'a demandé de lui envoyer mon feedback. Le billet qui suit est essentiellement une adaptation en français des observations que je lui ai envoyées, et qu'il a beaucoup appréciées !)

Depuis 2015, j'essaye de faire en sorte d'être à Chennai au début du mois d'août afin d'assister au festival Spirit of Youth qui se tient dans la petite salle de la Music Academy. Tous les soirs du 1er au 10 août, de jeunes musiciens et danseurs de moins de 25 ans se produisent. Un jury très discret assiste à toutes les représentations et décerne des prix qui sont formellement remis lors de la soirée d'inauguration du Festival de la Music Academy en janvier. Cette fois-ci, j'ai assisté à sept des dix récitals de danse. Je reviens ici sur le récital qui m'a le plus marqué, celui de Shreema Upadhyaya, disciple de Guru P. Praveen Kumar (Bangalore).

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2019-08-03

Shreema Upadhyaya, bharatanatyam

Sri. P. Praveen Kumar, nattuvangam, chorégraphies

Sri. Karthik Hebbar, chant

Sri. Gurubharadwaj, mridangam

Sri. Aniruddha, violon

Shloka, suivi de “Gajamukha...” (Raga Mayamalavagaula, Adi Tala), composition de Vadiraja Swami

Alarippu (Khanda Chapu)

Navarasa Shloka, poème d'Adi Shankaracharya

Varnam “Rupamu Juchi” (Adi Tala, Raga Todi), composition attribuée à Muthuswami Dikshitar

Javali “Sako Ninna Sneha” (Mishra Chapu Tala, Raga Kapi), composé par Venkatagiri Shastri

Kirtana “Ododi Vandhen Kanna” (Adi Tala, Raga Dharmavati), composé par Ambujan Krishna

Thillana (Adi Tala, Raga Thillang), composé par Lalgudi G. Jayaraman

Après une invocation chantée de Ganesh, le récital a commencé par un Alarippu en Khanda Chapu qui m'a semblé superbement dansé. J'ai aussi particulièrement apprécié la récitation par Praveen Kumar qui dans cet Alarippu comme dans les jatis du Varnam utilise différentes types d'intonation, parfois plus douce, parfois plus forte que la normale.

La danseuse a poursuivi avec un Shloka “Sharada...” dédié à la Déesse, principalement en tant que Saraswati. Le choix d'interprétation consiste à incarner l'émerveillement (adbhuta) suscité par celle qui porte la vina.

Shreema Upadhyaya
Shreema Upadhyaya
(Les photographies ont été prises lors d'un précédent programme.)

La pièce princiale du récital a été le Varnam “Rupamu Juchi” qui est, peut-être faussement, attribué à Muthuswamy Dikshitar, qui n'a jamais rien composé pour la danse. En effet, cette composition n'est pas prévue pour la danse puisque la deuxième partie de ce Chauka Varnam ne comportait initialement que des Ettugada Swarams en plus de la ligne de Caranam. Les paroles (Ettugada Sahitya) ont été composées par le musicien Tiger Varadacharya dans les années 1930 à la demande de Rukmini Devi Arundale. Depuis, ce Varnam fait partie du répertoire de Kalakshetra, et au cours de ce festival Spirit of Youth, j'ai eu l'occasion de voir une autre danseuse interpréter ce Varnam de façon probablement rigoureusement conforme à la volonté de Rukmini Devi, cf. plus bas...

La chorégraphie interprétée par Shreema Upadhyaya est celle de son guru Praveen Kumar. J'ai particulièrement apprécié la musicalité des passages techniques : Jatis et Swarams, tous magnifiquement chorégraphiés et dansés. Dans les Tirmanams, Praveen Kumar utilise des intervalles de silence (karvais) plus longs que ne le font la plupart des chorégraphes. Il est facile d'aider la danseuse en remplissant le vide musical avec des frappes des thalams (cymbales), mais Praveen Kumar ne l'a pour ainsi dire pas fait, son élève étant parfaitement capable de tenir les silences en reprenant exactement là où il le faut. Visuellement, les chorégraphies m'ont semblées très belles, notamment par l'utilisation d'adavus relativement peu utilisés, comme les Nattadavus doublés ou les adavus n'utilisant qu'une main (comme ceux introduits par Muthuswamy Pillai). Mon plus grand plaisir est venu du contraste entre les différentes vitesses dans les mouvements. Par exemple, le troisième Jati était essentiellement en vitesse moyenne, mais depuis cette vitesse, la danseuse pouvait accélérer ou au contraire ralentir les mouvements. Au contraire, le deuxième Jati a commencé à une vitesse exquisement lente, et les mouvements se sont accélérés vers la fin. J'ai apprécié la musicalité de la danseuse, capable de produire de beaux contrastes d'intensité sonore pour les différents pas : c'était particulièrement délectable dans le quatrième Jati dans laquelle la danseuse accentuait la deuxième syllabe des ta-TAI-tai-ta (Vishru/Marditha) adavus. L'architecture rythmique de ce dernier Jati de la première moitié du Varnam était particulièrement intéressante puisque le premier bloc conclusif comportait des séries de "tadiginatom" (précédés de karvais), le deuxième bloc était fait de "dikutadiginatom" et le dernier bloc de "takadikutadiginatom". Aussi, dans toute la danse pure, j'ai apprécié la beauté de l'inattendu (visuel ou rythmique), qui pouvait arriver à tout moment, quoique plus particulièrement à la toute fin des Jatis.

J'ai apprécié l'Abhinaya de la danseuse dans ce récital : très claire et expressive, sans maniérisme ni sur-ornementation. Au début du Varnam, l'héroïne admire Shiva. Il porte le croissant de Lune, la peau de tigre, etc. Elle cherche à se rapprocher de lui. Plus loin, elle craint son indifférence ou sa colère, lui qui a réduit en cendres Kama. Dans la première ligne de l'Anupallavi, la danseuse interprète de façon remarquable deux Sancharis, l'un évoquant le jeune Markandeya et l'autre le rôle de Shiva en tant que Nilakantha lors du barattage de la mer de lait. J'ai apprécié que ces Sancharis ne soient pas excessivement dramatisés. Par exemple, pour le premier Sanchari, elle ne joue que le rôle de Markandeya : elle ne montre pas Yama, le dieu de la Mort, venu mettre un terme à la vie du garçon. Elle suggère seulement brièvement la douleur de Markandeya. Ce n'est pas un combat terrible et très long comme je l'ai déjà vu (et cela m'a parfois très impressionné). Je souscris complètement à ce choix esthétique, qui demande certes une attention soutenue des spectateurs, mais qui permet aussi de ne jamais perdre de vue le sens du texte. C'était magnifiquement fait, mais il va sans dire qu'il y a quelques années je n'aurais rien compris à ce qui se jouait là ! (L'investissement du chanteur Karthik Hebbar est à noter, puisqu'il a chanté les Sancharis, ce qui est assez rare à Chennai, le violoniste ou flûtiste prenant habituellement le relais pour ces développements.)

La deuxième ligne de l'Anupallavi nomme Shiva sous le nom de Tyagaraja, sa forme résidant à Tiruvarur, où je ne suis malheureusement pas encore allé. En voyant l'abhinaya de la danseuse, je me suis demandé s'il n'y avait pas quelque ironie dans la frustration de l'héroïne, puisqu'une toute petite partie du corps de Tyagesha y est visible...

Dans la deuxième moitié du Varnam, s'il y a une chose que je retiendrai, c'est le sublime Arudi que la danseuse a exécuté la toute première fois. Cette ponctuation intervient à la fin des Swarams. Rythmiquement, cela devrait ressembler à quelque chose comme ça :

Arudi

La série de “dit ta -“ rapides était exécutée avec des frappes de pieds en Araimandi, alors que les mains de la danseuse étaient liées au-dessus de sa tête. La conclusion de l'Arudi au milieu du cycle avec les trois dernières syllabes “di di ta” (en vert ci-dessus) se faisait sans mouvements de pieds, uniquement avec un délicat mouvement d'épaule. C'était sublimement exécuté. Pour ponctuer tous les Swarams suivants, la danseuse a refait le même Arudi, mais au lieu de terminer avec uniquement trois mouvements d'épaules, elle a en même temps fait aussi trois frappes de pieds. Cela m'a fait croire que l'intention était de faire à la fois des mouvements d'épaules et de pieds pour conclure l'Arudi de la deuxième moitié du Varnam. J'ai alors cru que la première version dansée (sans les pieds, uniquement les mouvements d'épaule) était une erreur, mais une erreur tellement sublime que cela méritait à mon avis d'être la façon correcte d'exécuter cet Arudi, et Bingo ! quand je m'en suis émerveillé auprès du chorégraphe, il a confirmé que c'était en fait son intention de conclure uniquement avec des mouvements d'épaule...

Dans le Javali dans lequel l'héroïne est en colère avec son amant qu'elle soupçonne d'être infidèle, j'ai apprécié l'aptitude de la danseuse à bien caractériser les différents personnages. Dans toutes les parties d'Abhinaya de ce récital, y compris la composition d'Ambujam Krishna dans laquelle l'héroïne cherche Krishna, qu'elle trouve finalement, j'ai aimé l'aisance avec laquelle la danseuse pouvait suggérer beaucoup sans utiliser le moindre mouvement ou position des mains, mais en utilisant uniquement les yeux ou des micro-mouvements du corps.

Shreema Upadhyaya

Le Thillana a été un pur régal pour moi. J'ai été amusé par le caractère créatif de la seconde série de Mai Adavus dans laquelle la danseuse fait faire un tour et demi à ses bras tenus, comme si une roue tournait. Contrairement à ce que suggère la description, c'était très élégant, comme tout ce qu'a dansé Shreema Upadhyaya. Je me suis particulièrement délecté d'un adavu que j'ai rarement eu l'occasion de voir (auquel je donne le nom de crocodile-mouth-opening ta-tai-tai-ta).

De tous les spectacles que j'ai eu l'occasion de voir cet été en Inde, c'est sans doute celui qui m'a le plus satisfait. Bravo à Shreema Upadhyaya et à son guru Praveen Kumar pour ce merveilleux moment !

Les résultats du concours Spirit of Youth 2019 sont tombés cette semaine. Mes favories étaient Shreema Upadhyaya et Shruthipriya R, mais le jury a préféré Bristy Rani (disciple de Sheejith Krishna) et n'a accordé que le deuxième prix à Shruthipriya R.

Voici très brièvement mes impressions sur les participants que j'ai vus :

  • 2019-08-01, Sneha Mahesh (disciple de Priya Murle) : n'étant pas un grand admirateur du guru, je n'ai pas assisté au récital de cette danseuse, dont je crois me souvenir avoir assisté à l'arangetram ;
  • 2019-08-02, Shruthipriya R. (disciple de Nithyakalyani Vaidhyanathan et Bragha Bessel) : magnifique récital, chorégraphies très musicales, superbe technique d'Abhinaya ;
  • 2019-08-03, Shreema Upadhyaya (disciple de Praveen Kumar) : cf. ci-dessus ;
  • 2019-08-04, Raksha Devanathan (disciple de Indu & Nidheesh) : je n'ai pas assisté à ce récital ;
  • 2019-08-05, Kalaisan Kalaichelvan (disciple de A. Lakshmanaswamy) : j'ai particulièrement apprécié l'Abhinaya très mûr de ce jeune danseur, les chorégraphies très musicales et belles d'A. Lakshmanaswamy, l'utilisation d'une composition d'Alarippu de Muthuswamy Pillai, mais la technique du danseur, qui est pourtant très bonne, présente des faiblesses, notamment au niveau du tala, par rapport à d'autres participants. Très étrangement, le percussionniste Nellai D. Kannan jouait presque systématiquement à contretemps des pas de danse, accentuant par exemple la dernière syllabe “mi” dans les séries de “takadimi” dans les Tattu Muttu ;
  • 2019-08-06, Smrithi Krishnamoorthy (disciple d'Anitha Guha) : je n'ai pas assisté à ce récital ;
  • 2019-08-07, Tanima Bardhan (disciple de Pranab Das) : très bien fait dans le carcan esthétique kalakshetrien, mais rien d'original dans ce que j'ai vu. La danseuse a interprété le même Varnam “Rupamu Juchi”, mais en suivant semble-t-il très-scrupuleusement la vision esthétique de Rukmini Devi Arundale. La technique est impeccable, et les chorégraphies techniques sont musicales, mais sans aucune surprise. Chaque phrase d'Abhinaya est répétée à l'identique deux fois (pas une fois à droite, puis une fois à gauche, ou une fois avec une main, puis une autre fois avec deux mains, non, vraiment tout est identique...). Chaque mot du texte est très clairement exprimé, mais les phrases ne semblent pas faire sens dans leur globalité. Je suis parti après le Varnam ;
  • 2019-08-08, Krishnalaxmi (disciple de Jayanthi Subramanian) : très jeune danseuse, qui montrait des signes de fragilité pendant la représentation. L'Abhinaya n'est pas aussi mûr et nuancé que chez d'autres danseuses, par exemple dans son interprétation de Yaro Ivar Yaro, quand la danseuse incarnant Rama fait les mudras évoquant la beauté de Sita, on ne comprend pas si Rama s'adresse à elle pour lui faire un compliment, s'il le pense seulement en lui-même, ou bien s'il partage son émotion avec ses amis, etc. Dans les Jatis, j'ai beaucoup aimé le style de récitation très nuancé de Jayanthi Subramanian dont les chorégraphies (à l'exception du Thillana) m'ont semblés très musicales. Contrairement au 5 août, le percussioniste Nellai D. Kannan m'a fait beaucoup plaisir, et visiblement son accompagnement a aussi plu au guru de la danseuse ;
  • 2019-08-09, Bristy Rani (disciple de Sheejith Krishna) : Sheejith Krishna est un chorégraphe qui a parfois des idées de génie. Par le passé, j'ai vu quelques unes de ses très belles chorégraphies. Dans le Varnam “Innum en manam...“ (Raga Charukeshi, Adi Tala) composé par Lalgudi G. Jayaraman, dont j'ai appris une autre chorégraphie, je n'ai pas aimé les Jatis qui sont hyper-longs et hyper-compliqués. Le thème du Trikala Jati devrait comporter 4 cycles rythmiques en première vitesse, le dernier étant en tishra-gati (triolets). Après que les trois vitesses ont été exécutées, le Jati bascule résolument vers le tishra-gati. À la toute fin, je soupçonne qu'il y a eu un peu de Sankirna-gati (subdivisions en neuf). La danseuse se sortait relativement bien dans ces chorégraphies techniques, mais c'était à mon avis loin d'être aussi brillant que chez d'autres danseuses... L'Abhinaya ne m'a pas particulièrement marqué : trois semaines après, je n'en ai aucun souvenir. Je suis parti à la fin du Varnam. Je comprends mal comment le jury a pu la classer première, mais le jury est souverain : bravo à la gagnante !
  • 2019-08-10, Akshaya Arunkumar (disciple de Shobana Bhalchandra) : Je n'y suis allé que pour que mon professeur de danse à Paris, qui était de passage à Chennai, puisse voir le style Dhananjayan dont le guru de la danseuse a été l'élève. À mon initiative, nous sommes partis après le Varnam (Raga Anandabhairavi, Adi Tala) composition du Thanjavur Quartette.

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Kalpana au Centre Mandapa

2019-06-22 14:11+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2019-04-11

Kalpana, bharatanatyam

Emmanuelle Martin, chant carnatique

Venkat Krishnan, mridangam

Offrande de fleurs et Shloka “Mūṣikavāhana” (Raga Natai, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)

Muruga Kautwam (Raga Shanmukhapriya, Chatushra Ekam Tala, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)

Jatiswaram (Raga Vasanta, Rupaka Tala, composition du Thanjavur Quartette, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)

Kalaitooki (Raga Harikamboji, Adi Tala, composition de Marimuttu Pillai, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)

Kṛṣṇakarṇāmṛtam (Shloka) “Rāmo nāma babhūva” (Ragamalika, poème de Bilvamangala, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)

Kriti “Sukhi Evaro” (Raga Kanada, Adi Tala, composition de Tyagaraja)

Tillana (Raga Shankarabharanam, Adi Tala, composition de Pooci Srinivasan Iyengar, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)

Annapūrṇāstotram (deux shlokas) (poèmes d'Adi Shankaracharya, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)

J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de voir danser Kalpana (notamment en 2015, 2017). Je respecte son parcours auprès de ses gurus V. S. Muthuswamy Pillai et Kalanidhi Narayanan, et son travail de professeur qui lors de spectacles de ses élèves m'a permis de voir des chorégraphies de Muthuswamy Pillai et de son fils Kuttalam M. Selvam : j'avais déjà eu l'occasion de voir ce style chez Mallika Thalak, Nancy Boissel, Ofra Hoffman, mais ce fut un récital d'élèves de Kalpana qui en 2015 qui me fit franchir le pas et envisager sérieusement de recevoir l'enseignement de Guru Kuttalam M. Selvam à Chennai, auprès de qui je prends des cours plusieurs semaines par an depuis. Je lui suis donc reconnaissant pour cela ainsi que pour quelques unes de ses initiatives, comme par exemple une Master-class avec Malavika Klein, la doyenne des danseuses et danseurs de bharatanatyam en France, à laquelle j'ai eu le privilège de pouvoir participer.

Je voudrais rappeler que si je suis ici souvent critique sur certains aspects de récitals auxquels j'assiste, il ne s'agit aucunement d'attaques personnelles : je tente de rendre compte de mon expérience esthétique, qui relève de mon ressenti lors d'un spectacle tout en étant indissociable de connaissances progressivement acquises au fil des années sur la forme artistique. Ainsi, certaines de mes remarques sont plutôt objectives puisque l'on peut considérer qu'elles reposent sur des faits (est-ce que les pas de danse sont exécutés de façon musicale ?) et d'autres sont plus subjectives (place d'une pièce comme Eppadi manam dans le répertoire). Sur ce qui est de nature plutôt objective, il peut m'arriver de me tromper (et je revendique le fait d'écrire mes billets avec une clarté suffisante pour qu'il soit au moins possible de pointer une erreur factuelle), et sur ce qui est plus subjectif, il peut exister plusieurs opinions, et je serais ravi de discuter de tels différends esthétiques.

Ce double préambule ayant été fait, venons-en au récital du 11 avril. J'aurais sincèrement aimé apprécier ce récital, mais je n'ai pas pu le regarder sans éprouver un certain malaise.

La première double pièce du récital était accompagnée par la chanteuse Emmanuelle Martin pour qui j'ai la plus grande admiration. Cependant, j'ai peu goûté la première chorégraphie intitulée Offrande de fleurs qui m'a semblé très austère, quasiment funèbre, à l'exact opposé de l'atmosphère pleine de vie habituellement créée par un Pushpanjali. Cette offrande était accompagnée d'un Alap, donc sans pulsation rythmique régulière, et la chorégraphie consistait principalement en une salutation aux points cardinaux entrecoupée de longs moments d'immobilité. La danseuse a ensuite interprété le Shloka Mūṣikavāhana dédié à Ganesh, celui dont le véhicule est une souris.

Les trois pièces suivantes utilisaient des musiques enregistrées dans lesquelles on pouvait entendre le magnifique chanteur Madurai T. Sethuraman. Dans le Muruga Kautwam et encore plus particulièrement dans le Jatiswaram, j'ai été très gêné par le manque de musicalité dans l'interprétation des passages techniques. Pour moi, le bruit des pas fait partie intégrante de la composante musicale de la danse bharatanatyam, et il ne s'agit pas là de frapper tous les pas comme une brute. Au minimum, les mouvements doivent être exécutés en rythme, mais je pense qu'idéalement, on devrait pouvoir entendre la composition rythmique des enchaînements rien qu'en écoutant les pas. Le génie du chorégraphe Muthuswamy Pillai réside à mon avis autant dans sa façon particulière de créer des adavus et d'utiliser l'espace que dans la complexité de ses compositions rythmiques. Je ne peux apprécier ce dernier aspect quand les mouvements de pieds “diditai” sont escamotés ou à peine esquissés, et toujours inaudibles. La plupart du temps, les pas ne sont pas du tout frappés, et pour certains adavus, certains pas qui devraient être accentués sont silencieux et d'autres bizaremment plus frappés. Cela m'aurait peut-être moins perturbé si mon placement m'avait permis de voir les pieds de la danseuse à tout moment, mais cela m'a procuré une sensation vraiment très étrange de dissonance cognitive entre les motifs rythmiques que je percevais dans la musique enregistrée, les mouvements de bras que je voyais et les pas que j'entendais ou non. Pour moi, c'est une frustration énorme : le génie du chorégraphe n'est pas avec nous pendant la représentation. Cela dit, c'est un aspect du bharatanatyam qui pose problème avec beaucoup de praticiens de cette danse en France...

La pièce Kalaitooki a certainement été la pièce la mieux réussie dans ce début de ce récital. La pièce évoque Shiva, qui a le pied levé, lorsqu'il danse au temple de Chidambaram. Il est le père de Muruga. C'est aussi Ardhanarishwara ; il porte la Ganga et la Lune. Sa danse est accompagnée par le tambour de Nandi, Narada, les thalams de Brahma, etc. Le texte et la chorégraphie évoquent aussi l'apparition de Shiva sous la forme d'une colonne de lumière infinie dont Vishnu et Brahma furent mis au défi d'atteindre une extrémité. La chorégraphie représente Vishnu tentant de rejoindre le bas, mais semble-t-il pas la tentative de Brahma d'atteindre le haut.

J'avais déjà eu l'occasion de voir Kalpana danser la pièce suivante “Rāmo nāma babhūva” deux fois à la suite. Il était agréable ici d'entendre Emmanuelle Martin plutôt qu'une musique enregistrée : c'est ce qui m'a procuré le plus de plaisir dans ce récital. Néanmoins, l'accompagnement au mridangam par Venkat Krishnan m'a semblé assez étrange dans cette pièce, puisqu'à certains moments il a introduit une pulsation régulière alors que cela ne servait à mon avis ni le discours musical ni la chorégraphie. Le musicien, très bon rythmicien, a peu d'expérience avec la danse, et le rôle du mridangam dans un Shloka n'a rien à voir avec le rôle habituel d'un percussionniste lors d'un récital de chant, puisqu'il s'agit plus ou moins de créer des effets qui soulignent de façon relativement discrète certains points-clefs de la chorégraphie. L'interprétation de Kalpana m'a paru très convaincante dans ce poème dont la chorégraphie évoque l'histoire de Rama jusqu'à l'enlèvement de Sita. Il y a bien eu quelques maladresses, comme des transitions parfois un peu floues entre les différents chapitres. Aussi, alors que Yashoda raconte l'histoire de Rama à son fils adoptif, j'ai trouvé assez peu claire l'intervention du jeune Krishna qui semble tenter de venir au secours de Rama : je ne vois pas comment on est censé comprendre que c'est Krishna qui intervient. Pour le reste, la pièce m'a semblé très bien interprétée.

La récital s'est poursuivi par l'interprétation d'une composition de Tyagaraja par Emmanuelle Martin, s'enchaînant avec un solo élaboré de Venkat Krishnan au mridangam.

Jusqu'ici, en termes de pièces de danse accompagnées par de la musique interprétée en direct, le récital avait comporté deux Shlokas comme “Mūṣikavāhana” et “Rāmo nāma babhūva”. Les pièces de ce type ne nécessitent pas un travail énorme de mise en place dans la relation entre la danse et la musique : il s'agit surtout pour la chanteuse d'être attentive à préserver le flot de la danse sans le brusquer ni le ralentir. C'est une tâche tout autre de mettre en place une pièce combinant la danse et la musique dans un cadre rythmique précis comme dans un Thillana, ce qui a été le cas ici. Par rapport aux autres pièces de danse pure, Kalpana frappe souvent ses pas de façon beaucoup plus forte et plus nette. Néanmoins, dans les parties conclusives des enchaînements, là où le rythme est le plus intéressant, ses pas se font malheureusement beaucoup plus hésitants, et tombent parfois manifestement à côté. La composition qui est semble-t-il de Pooci Srinivasan Iyengar a un Pallavi qui commence par (nadr) dim dim tana dhirana..., avec les syllabes nadr qui sont prononcées en anacrouse (avant le premier temps). Le manque de clarté des phrases conclusives a fait que je n'ai pas réussi à savoir si l'intention était de finir les enchaînements juste avant le premier temps, ou bien juste avant l'anacrouse. La partie d'Abhinaya du Thillana dédiée à Padmanabha a été omise. À la place, des séquences accompagnées d'onomatopées rythmiques récitées ont été interprétées. Il est très dommage que le percussionniste n'ait pas été en mesure de jouer et réciter ces parties tout en regardant la danseuse : il avait constamment le nez dans ses notes. Bref, le travail de répétition n'a pas été optimal pour cette pièce ; si l'orchestre avait également comporté une personne jouant des thalams (nattuvangam artist), le résultat aurait sans doute été plus convaincant, parce que le rôle de cette personne est entre autres de faire le lien entre la danse et les autres musiciens...

Le récital s'est conclu par deux Shlokas dédiés à la Déesse extraits de l'Annapūrṇāstotram, semble-t-il “Nityānandakarī...” et “Urvī sarvajaneśvarī bhagavatī...” dont j'avais déjà eu le plaisir d'apprécier les interprétations de Shakuntala (en 2011 et à d'autres reprises entretemps).

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Mythili Zatakia au Centre Mandapa

2019-05-15 12:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2019-05-14

Mythili Zatakia, danse bharatanatyam

Sandhya Pureccha, chorégraphies

J'ai assisté au récital de bharatanatyam de Mythili Zatakia (24 ans) un peu par hasard. N'ayant aucune information particulière sur la danseuse, ce qui m'a décidé à venir est sans doute que son Guru Sandhya Pureccha est une disciple d'Acharya Parvati Kumar (1921-2012) de Mumbai qui fut aussi le premier guru de Sucheta Chapekar qui est le guru de mon professeur Jyotika Rao et avec qui j'ai eu la chance d'apprendre aussi directement à Pune. Acharya Parvati Kumar est notamment connu pour avoir réintroduit dans le répertoire du bharatanatyam des compositions en marathi attribuées au roi Serfoji II qui régna à Thanjavur de 1798 à 1832 et qui est contemporain des célèbres membres du Thanjavur Quartette dont les compositions constituent le socle du répertoire de la danse bharatanatyam.

J'allais assister à ce récital en me disant que peut-être Sandhya Pureccha aurait transmis à son élève des compositions extraites des Nirupanas attribués à ce roi Serfoji. Quand la danseuse s'est avancée pour faire son Namaskar, la salutation traditionnelle, j'ai apprécié la force de sa frappe, mais dès l'instant où la première musique enregistrée a retenti, j'ai été affligé par l'esthétique musicale sirupeuse, qui sera constante pendant tout le récital : harmonies saturées des synthétiseurs, kitchissime extrême des chants qui étaient semble-t-il en sanskrit pour la plupart, tendance à une bhajanisation de pacotille de textes d'inspiration dévotionnelle (Vakratunda..., Ekadanta..., Panchakshara stotra sur le mantra Om Namah Shivaya, etc.).

S'il y a de quoi être consterné par l'esthétique musicale de ce récital, je l'ai été encore davantage par l'absence complète d'idée chorégraphique en termes de danse pure. Certains passages expressifs ou narratifs, en particulier dans le Panchakshara stotra “Nagendra Haraya”, étaient tout à fait raisonnables. Pour le reste, je n'ai vu qu'une danseuse pratiquer quelques adavus (enchaînement de base) en première vitesse, sur des multiples de quatre temps. C'était d'un ennui total. Aucune des règles esthétiques que les maîtres de danse se doivent de respecter n'ont été appliquées... Les phrases chorégraphiques doivent suivre une certaine grammaire et comporter certaines ponctuations. Il n'y avait rien de tout cela : aucun polyrythme, aucune séquence conclusive (Tirmanam) digne de ce nom, des Tattu Muttu qui ne sont pas chorégraphiés de façon correcte par rapport à la musique, etc. Toutes les pièces étaient sur le même modèle. Malgré le caractère simpliste des chorégraphies et la faible vitesse d'exécution, la danseuse m'a semblé très peu musicale, de nombreuses frappes de pieds tombant très à côté. Néanmoins, il y avait quelques petits détails intéressants dans la façon d'exécuter certains adavus, comme par exemple une accentuation très particulière de la deuxième frappe dans les Ta-tai-tai-ta (aussi appelés Marditha ou encore Vishru adavus). Cependant, j'ai peu apprécié le port de tête très narcissique et hautain de la danseuse dans l'exécution de ses pas.

Il m'est souvent arrivé d'assister à des récitals de bharatanatyam et de ne pas être satisfait pour diverses raisons plus ou moins subjectives qui pourraient néanmoins faire l'objet d'un débat esthétique, mais jamais je n'ai été à ce point consterné par une telle absence d'idée chorégraphique. La personne qui a mis en espace ce spectacle n'est pas un chorégraphe de bharatanatyam. Il a été annoncé que les chorégraphies avaient été faites par Sandhya Pureccha avec la participation de la danseuse. Si c'est le cas, cela disqualifie complètement ce guru à mes yeux, et la danseuse n'est alors pas vraiment responsable de ces choix esthétiques. Si les chorégraphies sont principalement dues à la danseuse, il faudrait qu'elle prenne conseil auprès de personnes qualifiées... (Après avoir posé la question à la danseuse, celle-ci prend l'entière responsabilité de ces chorégraphies.)

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Chennai, Jour 15/16 : Medha Hari, Rama Vaidyanathan

2019-01-09 09:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-05 à 10:00

Medha Hari, danse bharatanatyam

Jayashree Ramanathan, nattuvangam

K. Hariprasad, chant

Ramshankar Babu, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

J. B. Sruthi Sagar, flûte

Ardanari Stotram (Ragamalika, Adi Tala), mis en musique par K. Hariprasad

Varnam “Intha Kopamelara” (Raga Thodi, Adi Tala), composition de Pandanallur Meenakshisundaram Pillai

Kirtanam “Eppaddi Manam Thunindhadho” (Raga Huseini, Mishra Chapu), composition d'Arunachala Kavirayar

Javali “Merakadu Lechi ra ra” (Raga Thodi, Adi Tala)

Thillana (Raga Purvi, Rupaka Tala), composition de T. Vaidyanatha Bhagavathar

La danseuse Medha Hari a pour l'essentiel présenté des pièces de compétition. Le but semble être de faire un maximum de pas en un minimum de temps. C'est assez impressionnant, mais cela me laisse de marbre. Il me semble que dans le première pièce sur Ardhanarishwara qui s'enchaînait à un Pushpanjali, la danseuse a utilisé une alternance entre Chatushra- et Khanda-nadai Adi Tala. Dans certains mouvements et positions de la danseuse, disciple d'Anita Guha, il me semble reconnaître une influence du kuchipudi.

Dans le Varnam, ce sont aussi des jatis de compétition, commis par le percussionniste. Il y a beaucoup trop de changements de “nadai”. Malgré la présence de la géniale Jayashree Ramanathan au nattuvangam, je n'ai pas réussi à apprécier ces jatis. Dans le Varnam en télugu, je n'ai pas réussi à comprendre qui était l'objet de l'amour de l'héroïne. Il est semble-t-il nommé dans l'Anupallavi : Ṣaṇmukharājeśvara. Il ne s'agissait pourtant pas de Muruga (qui a six têtes). J'ai été rassuré quand la personne qui a enseigné le sens du texte à la danseuse (Jitendra Hirschfeld) m'a expliqué qu'il s'agissait d'un zamindar qui avait commandé ce Varnam au Nattuvanar Pandanallur Meenakshisundaram Pillai pour un spectacle de musique de chambre. J'ai davantage apprécié la deuxième partie du Varnam dans laquelle la danseuse a inséré entre chaque Swaram/Sahitya non pas seulement une ou deux répétitions de la ligne de Caranam pour faire des marches lui permettant de se replacer, mais un nombre plus important de répétitions qui lui donnaient le temps d'élaborer de différentes manières autout des flèches florales lancées par Kamadeva. À chaque fois, c'était une délicieuse respiration avant d'attaquer la section suivante.

La danseuse a ensuite interprété le Padam “(Y)eppaddi manam...” transmis par Bragha Bessell et typique de la tradition de Kalanidhi Narayanan (j'ai vu au moins deux autres de ses disciples l'interpréter : Lavanya Ananth, Kalpana Métayer). Je persiste dans mes réticences à propos de cette pièce dans laquelle Sita reproche à Rama de l'abandonner pour accomplir son exil en forêt. La danseuse l'a montrée en train de pleurer toutes les larmes de son corps. Elle montre aussi Sita en train de rappeler à Rama le serment fait pendant leur mariage. À part les pleurs vraiment excessifs, la danseuse a me semble-t-il bien interprété la chorégraphie en accord avec l'intention du poète, mais pour moi, cette vision est une fiction, puisque la Sita du Ramayana de Valmiki (ou de Tulsidas) est beaucoup plus forte : elle dit immédiatement à Rama qu'elle va le suivre dans la forêt et il n'a pas son mot à dire, ce sera ainsi et puis c'est tout. Il s'agit d'un des rares moments du Ramayana où véritablement Sita exerce sa volonté de façon autonome, je trouve dommage de l'effacer quasi-complètement. Dans la chorégraphie, Sita supplie pour ainsi dire Rama d'accepter qu'elle le suive. Elle retire ses bijoux, salue les aînés et s'en va avec Rama.

La ligne de Pallavi du Thillana conclusif utilise des Swaras au lieu d'onomatopées. L'interprétation musicale et la chorégraphie peut peut-être s'analyser comme une sorte de rubato : le rythme de certaines répétitions est modifié, quelque passage de la phrase étant ralenti et d'autres accélérés. Dans le Caranam, les noms des sept notes de la gamme sont chantés. La danseuse se montre alors très convaincante dans la représentation des dieux et animaux associés à ces notes.

Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-05 à 18:00

Rama Vaidyanathan, danse bharatanatyam

S. Vasudevan, nattuvangam

K. Venkateshwaran, chant

Sumod Sreedharan, mridangam

Viju Sivanand, violon

Kirtana “Perum Kovil Konda” (Raga Sri, Mishra Chapu Tala), composition du Thanjavur Quartette

Kirtana “Pannagendra Sayanam” (Ashtaragamalika, Rupaka Tala), composition de Swati Thirunal

Padam “Emakko Chiguruta Dharampal” (Raga Thilang, Mishra Chapu Tala), composition d'Annamacharya

Javali “Ne nethu sahichu ne” (Raga Paras, Adi Tala), composition de Pattabhiramayya

Shloka “Vāgarthāviva saṃpṛktau vāgarthapratipattaye । jagataḥ pitarau vande pārvatīparameśvarau ॥” (Kalidasa) suivi de l'Ardhanarishwara Ashtakam (Adi Shankaracharya, mis en musique par O.S. Arun en Raga Megh et Adi Tala)

En soirée, je suis retourné à la Music Academy pour le rétical de Rama Vaidyanathan, que j'avais déjà vue il y a cinq ans. La voir en 2013 avait été pour moi une expérience très intense. Cinq ans plus tard, j'ai beaucoup évolué en tant que spectateur. Il est évident que Rama-akka a présence scénique hors du commun, et sa technique de danse pure est assez superlative (par exemple, quel araimandi !). Elle fait un certain nombre de choses qui pour des raisons esthétiques évidentes devraient être considérées comme excessives en termes de répétition ou dans l'intensité des mouvements ; et pourtant, cela fonctionne, et uniquement parce que c'est Rama Vaidyanathan.

La première pièce doit être une de ses chorégraphies récentes. Elle présente quelques points communs avec la première pièce qu'elle avait dansée il y a cinq ans. Sur des onomatopées très simples comme Tom-tatom-takita, elle décrit la géométrie très carrée de l'enceinte du temple de Brhadishwara à Thanjavur. Puis, alors que la composition musicale du Thanjavur se faire entendre, la description du temple se poursuit, avec toutes les références artistiques qu'il peut comporter et qui procurent l'émerveillement du personnage féminin. L'interprète s'incarne en danseuse qui effectue une prière pour bénir ses grelots. Elle admire les sculptures sur les piliers, celle de Nandi. En prenant l'atmosphère musicale du temple pour inspiration, elle souhaite aussi acquérir des connaissances musicales lui permettant de maîtriser le rythme et la mélodie : le chanteur (magnifique) chante alors un Swaram ou un Thanam. Si la technique de la danseuse est impressionnante, les passages rythmiques sont un véritable supplice pour moi, parce qu'il y avait vraiment trop de “dissonance rythmique” entre le cycle rythmique Mishra Chapu utilisé par la composition mélodie et la rythmique des pas de danse composée par Dr. Sridhar Vasudevan. Je me suis d'abord demandé s'il y avait une intension de faire quelque chose de rythmiquement affreux et qui deviendrait esthétique à la fin de la pièce, l'héroïne devenant réellement inspirée par le temple, mais le rythme est resté discordant jusqu'à la fin.

J'ai beaucoup aimé la pièce suivante, qui a été la pièce principale du récital : “Pannagendra Sayanam”. Cette pièce fait partie du répertoire de Rama Vaidyanathan depuis un certain temps déjà (j'ai d'ailleurs déjà vu Nehha Bhatnagar la danser en 2015). Il s'agit d'une composition de Swati Tirunal (dont on peut lire une traduction). Les huit parties sont séparées par un Jati ou des Swarams dont j'ai apprécié la construction rythmique relativement musicale (si l'on excepte les pas très off-beat exécutés au début de chacun d'entre eux) : certaines séquences conclusives avaient une construction traditionnelle et une régularité telles que je pouvais anticiper la structure des phrases chorégraphiques et donc apprécier encore davantage leur réalisation. L'héroïne fait l'éloge de Padmanabha et hésite entre l'amour et la dévotion. Parmi les très beaux moments, je retiendrais l'idée chorégraphique utilisée pour suggérer la comparaison entre la beauté de Vishnu et celle de Kama : en faisant face au public dans une position typique de Vishnu (mains en Tripataka), elle fait un lent demi-tour (à moins que ce ne soit un tour complet) et se métamorphose en Kama, puis rembobine le film à l'envers pour redevenir Vishnu. Il s'agit d'un des quelques trésors d'idées chorégraphiques intéressantes que j'ai remarquées dans ce récital.

J'ai trouvé intéressante la pièce suivante. Dans ce Padam “Emakko Chiguruta...”, un groupe de femmes médisent à propos d'une autre. Il y a peut-être une ambiguité sur le sens précis du texte. Le leitmotiv chorégraphique de la pièce consiste à représenter une de ces femmes écrire ostensiblement une lettre en regardant la coupable. Celle-ci a-t-elle écrit une lettre d'amour ? La chorégraphie suggère astucieusement que sa relation charnelle laisse sur elle des traces, comme si une lettre d'amour était écrite sur son propre corps. Les traces de poudre rouge sur son corps suggèrent qu'elle a pris entre ses bras la statue de l'Être aimé. Ou bien la statue était-elle en hauteur et de la poudre est retombée sur elle alors qu'elle essayait de l'atteindre pour lui appliquer la poudre. La rougeur de ses yeux est expliquée par l'action de déraciner ses yeux qu'elle avait plantée sur Lui. La comparaison poétique est magnifiquement faite avec l'action de planter un arbre, puis de le déraciner en le faisant trembler, ce qui tend à en faire tomber les juteux fruits.

Dans le Javali “Ne nethu sahichu ne”, la danseuse représente une héroïne trahie par son amoureux. Son sentiment de jalousie est insurmontable. La rupture semble définitive.

La danseuse a magnifiquement conclu son récital avec une de ses pièces à succès : Ardhanarishwara. L'Ashtakam d'Adi Shankaracharya est précédé d'un Shloka de Kalidasa sur l'union entre Shiva et Parvati. Une séquence de danse pure est insérée dans laquelle la danseuse utilise alternativement uniquement sa main droite pour représenter Shiva sur un accompagnement rythmique d'onomatopées ou uniquement sa main gauche pour représenter Parvati avec un Swaram comme accompagnement mélodique. Sur chaque des lignes du poème, le contraste est très bien mis en valeur entre Shiva et Parvati.

Dans ce récital, j'ai particulièrement aimé les pièces “Pannagendra Sayanam” et “Ardhanarishwara”, qui ne sont pas des chorégraphies récentes de Rama Vaidyanathan. C'est évidemment une très grande artiste, mais j'aurais aimé que les chorégraphies élababorent davantage autour des émotions de personnages humains, ce qui pour moi la condition pour être véritablement touché par cette danse.

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Chennai, Jour 14/16 : Meera Sreenarayanan, Bilwa Rajan, A. Lakshmanaswamy, Methil Devika

2019-01-05 08:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 10:00

Meera Sreenarayanan, danse bharatanatyam

Indira Kadambi, nattuvangam

Bijeesh Krishna, chant

Charudutt, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Sujith Naik, flûte

Jitendra Hirschfeld, conseiller artistique pour “Dānikē”

Shloka (d'Adi Shankara) & Narasimha Kavuttuam (Khanda Chapu)

Padavarnam “Dānikē...” (Raga Todi, Rupaka Tala), composition de Sivanandam (Thanjavur Quartette), chorégraphie de la danseuse

Padam “Choodare” (Mishra Chapu Tala, Raha Sahana), composition du Kshetrayya, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan

Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Ragamalika), chorégraphie d'Indira Kadambi

Thillana (Raga Tillang, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman, chorégraphie de Smt. Narmada

Les matinées du festival de la Music Academy sont réservées aux interprètes de la jeune génération. La première à se lancer a été Meera Sreenarayanan, qui avait obtenu le prix Spirit of Youth 2015 ex-aequo avec Sudharma Vaithiyanathan. Après un Shloka et un Kavuttuam consacré à Narasimha dans lequel la danseuse a pour ainsi dire tout le temps gardé les yeux grand ouverts, on est entré dans le vif du sujet...

Dans mon billet précédent à propos du Varnam en Anandabhairavi dansé par Shweta Prachande hier, j'avais mentionné que l'objet du désir de l'héroïne pouvait être un roi et non pas un dieu. C'est ce qui a été très explicitement fait dans l'interprétation de ce Varnam.

Ce Varnam “Dānikē...” a été créé par la danseuse courtisane Mannargudi Meenakshi à la cour du roi marathe Sivaji II de Thanjavur (qui régna entre 1832 et 1855). La grande salle de la Music Academy remplace en quelque sorte la cour du roi Sivaji II et la danseuse Meera Sreenarayanan joue en quelque sorte le rôle de Mannargudi Meenakshi qui jouait plus ou moins son propre rôle en intercédant auprès du roi pour le convaincre de l'amour d'une autre femme. (Note ajoutée le 2019-02-10 suite à un échange avec Nrithya Pillai : les experts ne sont pas tous d'accord sur le fait que la créatrice du Varnam soit Mannargudi Meenakshi. Ceci importe néanmoins peu pour la lecture du reste de ce billet.)

La chorégraphie de ce Varnam tente de reconstruire l'atmosphère détendue qui pouvait régner dans ces récitals de cour. La danseuse gardera pendant toute la pièce une attitude extrêmement séductrice envers le roi (qui n'est autre le public de 2019). Néanmoins elle obéit à l'étiquette de la cour. Ainsi, la danse a commencé par un Salaam. Les interactions de la danseuse avec les musiciens sont très convaincantes, puisque même quand elle semble leur donner des ordres (en indiquant le tempo qu'elle souhaite), on a vraiment l'impression qu'elle est aux commandes. (J'ignore quelle part de liberté la danseuse s'est gardée pour improviser dans certains passages, en particulier, les Arudis étaient absolument délicieuses en termes d'interactions entre la danseuse et les musiciens, comme si ces derniers découvraient en direct son intention.) Dans le Pallavi, Meera/Mannargudi essaye de convaincre le roi de rejoindre l'autre femme, qui cherche à s'unir à lui ; on retrouve l'imagerie habituelle avec des fleurs et des abeilles, mais c'est beaucoup plus intense ici. Dans l'Anupallavi, le roi est décrit comme dévot de Shiva. Un certain nombre de rituel shivaïtes sont exécutés et on reconnaît l'apparition du roi, qui en bon guerrier, vient semble-t-il faire bénir son épée. Et au cours de cette cérémonie, son regard semble attiré par une femme... Il est suggéré que le roi est aussi une adorateur des arts, qui récompense les artistes qui lui plaisent : à un moment donné de la chorégraphie, c'est tout comme si le public avait offert une bague très précieuse à Meera Sreenarayanan. Le sentiment amoureux se développe encore davantage dans la deuxième partie du Varnam.

Cette pièce était un véritable délice en matière d'Abhinaya. La danse pure m'a moins convaincu. Une des raisons est que c'est la danseuse elle-même qui a composé et chorégraphié les jatis. J'ai beaucoup aimé le premier, mais les autres ne m'ont pas semblé très musicaux (beaucoup d'allers-retours en Tishra-nadai et de longs intervalles de silences) ; suivre le tala me semblait quasiment impossible. La danseuse a une très grande netteté dans ses marches rapides debout qui m'ont semblé de nature à impressionner le roi. En araimandi, il y a moins de contraste entre les frappes de pieds : on n'entend pas vraiment la musique de ses pas. Je n'ai pas non plus aimé le style de récitation d'Indira Kadambi dont la voix n'était de toute façon pas suffisamment amplifiée.

L'impression générale est d'avoir assisté à une grande matinée. La standing ovation qu'a reçu la danseuse à la fin du spectacle suggère que le public est peut-être prêt à accepter ce type de danse qui met l'accent sur la séduction et le sentiment amoureux. Espérons que cette danseuse continuera et donnera à d'autres l'idée d'explorer cette magnifique tradition des danseuses de cour (qui connaissaient la musique, la poésie, les langues, la danse...). Si j'avais déjà eu l'occasion d'avoir un aperçu sur cette tradition lors de la journée Temple, Court, Salon, Stage. Crafting Dance Repertoire in South India à Paris en 2015, je suis très heureux d'avoir vu ce Varnam. Pour monter cette pièce, la danseuse a été aidée par Jitendra Hirschfeld avec qui j'ai souvent eu l'occasion de discuter de la danse et de son histoire. Je suis très content du succès de cette performance. Pour en savoir plus sur “Dānikē...”, lisez son blog, et en particulier A Love Affair with Dānikē.

Le récital s'est poursuivi avec un magnifique Padam de Kshetrayya. La danseuse n'a souvent eu besoin que de ses yeux pour exprimer les paroles déplaisantes qu'un groupe de femmes échangent au détriment d'une autre femme qui aurait perdu tout sens de la respectabilité en tombant amoureuse de Krishna.

J'ai joyeusement détesté l'interprétation de la danseuse dans l'Ashtapadi “Yahi Madhava”. Tout m'a semblé terriblement surjoué...

Si la chorégraphie des séquences de danse pure m'a semblé manquer de musicalité dans le Varnam, je me suis réconcilié sur ce point avec la danseuse dans le Thillana qui a été chorégraphié par Smt. Narmada, guru d'Indira Kadambi.

Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 11:30

Bilva Raman, danse bharatanatyam

KP Rakesh, nattuvangam

Vedakrishnaram, mridangam

G. Srikanth, chant

Easwar Ramakrishnan, violon

J. B. Sruthi Sagar, flûte

Alarippu (Tishra Ekam Tala)

Swarajati (Rupaka Tala, Raga Huseini), composition de Merattur Venkatarama Shastri

Viruttam (Ragamalika), chorégraphie de Bragha Bessell

Javali “Marubari” (Raga Kamas, Adi Talam), chorégraphie de Bragha Bessell

Tillana (Raga Dhanashri, Adi Tala, composition de Swati Tirunal et Lalgudi Jayaraman), chorégraphie de Leela Samson

Après un petit café à la cantine de la Music Academy, le spectacle suivant était donné par une disciple de Leela Samson, Bilwa Raman, dont la silhouette longiligne portait un costume rose et vert fluo de très kalakshetrienne facture. Elle a commencé son récital par l'Alarippu traditionnel en trois temps, très bien exécuté. Dans la pièce principale (Swarajati en Huseini), j'ai pris beaucoup de plaisir à écouter les musiciens, en particulier le chanteur G. Srikanth que je n'avais pas entendu depuis longtemps. Pour le reste, c'est de la danse typiquement Kalakshetra, complètement fossilisée, mais néanmoins très bien exécutée. (Le thème du Trikala-jati était Ta - jam - - - ta ka jam - - - ta ka di mi ta kun da ri ki ta ta ka.)

La pièce suivante dans laquelle une mère montrait semble-t-il sa dévotion à la Déesse m'a semblé d'un ennui total. Dans le Javali “Marubari”, la danseuse a montré plus d'émotions que ne le font d'habitude les danseurs Kalakshetra, mais le sentiment amoureux n'était pas assez présent à mon goût. La danseuse a conclu son récital avec le classiquissime Thillana en Dhanashri. La danse pure en était assez agréable, mais les gestes manquaient de finition dans le Caranam, en particulier quand la danseuse représentait Padmanabha.

Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 18:00

A. Lakshmanaswamy, danse bharatanatyam

Sudharma Vaithiyanathan, nattuvangam

K. Hariprasad, chant

Nellai D. Kannan, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

T. Sashidhar, flûte

Jatiswaram (Ragamalika, Mishra Chapu Tala), composition du Thanjavur Quartette

Varnam “Intha Chala Melane” (Adi Tala, Raga Nalinakanthi), composition de Meera Seshadri

Yaro Ivar Yaro (Raga Bhairavi, Adi Tala), composition d'Arunachala Kavi Iyer

Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Behag, Mishra Chapu Tala, poème de Jayadeva mis en musique par K. Hariprasad)

Thillana (Raga Mandari, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette

J'ai adoré ce récital de A. Lakshmanaswamy. Il a magnifiquement bien interprété une chorégraphie très traditionnelle du Jatiswaram en Mishra Chapu et Ragamalika du Thanjavur Quartette. Dans cette chorégraphie très musicale, sa danse pure semble magnifique. Les adavus très classiques sont magnifiquement ornementés. Il y à la fois une netteté dans les mouvements de mains et une délicate douceur dans le regard et les petits mouvements latéraux de la tête. (Au mridangam, Nellai D. Kannan a eu un jeu beaucoup plus extraverti que lors du récital de Sudharma dans lequel il avait été sublimement introspectif. L'accompagnement qu'il a fait ce soir me semble moins correspondre à l'esthétique de la danse.)

La pièce principale du récital a été un Varnam dans lequel ce n'est pas une héroïne qui cherche à s'unir à un homme (que ce soit un dieu ou un roi...), mais c'est un homme (Shiva lui-même) qui cherche à reconquérir Parvati qui s'est détournée de lui. C'est donc le sakha (ami de Shiva) qui va servir d'intermédiaire avec Parvati. Mais celle-ci reste indifférente. Il avait été annoncé que Shiva serait représenté dans sa forme résidant au temple de Mylapore (Kapalishvarar). La légende locale est connue de tous les spectateurs (y compris moi), donc je me suis délecté du magnifique Sanchari de l'Anupallavi dans lequel pour justement s'être détournée de Shiva en regardant des paons, Parvati reçoit une malédiction : elle est transformée en paonne. J'ai aussi beaucoup aimé le dernier Ettugada Sahitya qui raconte l'épisode dans lequel Ravana tente de casser l'arc de Shiva pour pouvoir épouser Sita. Comme elle est effrayée à l'idée de l'épouser s'il réussit l'épreuve, Shiva semble la rassurer en lui faisant comprendre que Ravana ne peut pas réussir. Plutôt que de la jouer en mode comique en tournant le moustachu Ravana en ridicule, le danseur a mis l'accent sur l'interaction en pensée entre Sita et Shiva. (Cette épisode qui est souvent représenté dans la danse n'est en fait pas dans le Ramayana, mais cette épisode a été intégré dans la tradition ultérieure.)

Il est à noter que dans le Varnam, les jatis étaient de Muthuswamy Pillai. J'ai particulièrement aimé le Trikala avec quatre vitesses (y compris une vitesse en Tishra-nadai), sur le thème Ta - dit - ta ka na ka jum - dit - ta ka na ka jum - ta ka na ka jum - ta kun da ri ki ta ta ka .

Les deux pièces de pur Abhinaya qui ont suivi ont été d'une beauté rare. Sans utiliser le moindre artifice, en toute simplicité, il a donné vie à ses personnages. Dans Yaro Ivar Yaro, le poète imagine le premier regard échangé entre Rama et Sita, dans un épisode qui n'est au passage ni dans le Ramayana ni dans le Ramcaritmanas. La balle lancée par Sita ou une de ses amies tombe d'une plate-forme et s'arrête près de Rama, qui relève la tête et tombe immédiatement amoureux de Sita. Le danseur a véritablement su créer une atmosphère dans laquelle plus rien ne semble exister si ce n'est ses personnages, et plus particulièrement Rama.

Le vrai point culminant du récital a en fait été Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (déjà magnifiquement interprété par Neena Prasad il y a quelques jours de cela). Il l'a dansé en étant assis (ou avec au moins un genou à terre) pendant toute la pièce. Magnifique interprétation !

Le récital s'est conclu par un délicieux Thillana en Raga Mandari du Thanjavur Quartette.

Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 19:45

Methil Devika, mohiniattam

Gayatri, nattuvangam

Jamaneesh Bhagavatar Kottayam, chant

Kallekulangara Unnikrishnan, mridangam

Surya Narayanan, flûte

Baiju Rajeeth, vina

Sajith Pappan, edakka

Cholkettu “Tam Tam Tat Tomga” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala), composition de Surya Narayanan

Desi Padam “Ullili Unnikkoru” (Ragamalika, Talamalika), composition de Kavalam Shrikumar

Après un aussi magnifique récital de bharatanatyam, j'ai hésité à rester pour le récital de mohiniattam de Methil Devika. Par rapport aux merveilleux Thomas Vo Van Tao et Neena Prasad vus précédemment dans ce style, toute la danse de Dr. Methil Devika m'a paru anecdotique. Sa danse pure n'a pas la suprême élégance habituelle du style mohiniattam et sa technique d'Abhinaya m'a semblée manquer de subtilité. Je m'en sentais presque mal physiquement, et je me suis enfui le plus discrètement que j'ai pu entre deux pièces.

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Chennai, Jour 13/16 : Padma Srirangan, Samyuktha R., Shweta Prachande

2019-01-04 07:56+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-03 à 09:00

Smt. Padma Srirangan, danse bharatanatyam

R. Vijay Madhavan, nattuvangam

Murali Parthasarathy, chant

N. Sriram, mridangam

Ganesan, violon

Mallari (Raga Gambhira Nattai, Rupaka Tala)

Varnam “Manavi...” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala)

Padam (Rupaka Tala)

Tillana (Adi Tala)

La indian fine arts society présente de jeunes interprètes en matinée. Il s'agit aussi d'un concours, le jury de trois personnes étant placé sur trois chaises séparées des autres au premier rang. Je suis venu ce jour-ci puisque je connais un tout petit peu le guru, Vijay Madhavan, qui développe sa propre méthode de notation de la danse bharatanatyam (Natyagraphy). Dans la danse de sa disciple, je reconnais certains aspects caractéristiques du style de Chitra Visweswaran et je reconnais même certains phrases chorégraphiques que j'ai apprises avec Arupa Lahiry lors de mon dernier séjour à Delhi. Parmi les adavus typiques, je reconnais le Salute adavu (dans la série des Ta-tai-ta-ha).La danseuse est extrêmement souriante (peut-être un peu trop), mais il y a un certain manque de netteté, en particulier dans les mouvements du haut du corps. (Il est possible qu'avec le temps le style de Chitra Visweswaran ait évolué vers une géométrie plus stricte du corps : comme il est un de ses plus anciens disciples, le style qu'il enseigne ne correspond peut-être plus avec le style de Chitra-akka telle qu'il est représenté par les membres actuels de la Chidambaram Dance Company.) J'apprécie néanmoins le style de récitation de Vijay Madhavan (qui cependant ne regarde pas la danseuse pendant les jatis...). Le premier jati du Varnam était très étonnant parce qu'il y avait très très peu de syllabes et donc de longs silences entre chacune d'entre d'elles. L'Abhinaya de Padma Srirangan m'a paru relativement bien habité dans le Varnam dédié à Shiva. Elle m'a semblé très convaincante dans son premier Sanchari dans lequel en bougeant l'index de la main en Tāmracūḍa, l'héroïne nourissait un oiseau qui pourrait lui servir de messager.

The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-03 à 10:10

Samyuktha R., danse bharatanatyam

Priya Karthikeyan, nattuvangam

Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna

Varnam “Innam en manam” (Raga Charukeshi, Adi Tala, composition de Lalgudi Jayaraman)

Padam (Raga Bihag, Adi Tala)

Thillana (Raga Khamas, Adi Tala), composition de Patnam Subramanya Iyer

Mangalam

Juste après, j'ai assisté au récital d'une danseuse encore plus jeune et très athlétique. Elle est capable d'une très grande vitesse, mais sa technique de pieds est vraiment défectueuse : beaucoup de pas sont à peine esquissés, elle fléchit beaucoup trop les genoux quand elle fait des marches ; c'est un véritable massacre technique quand elle exécute les marches à reculons en préparation des passages techniques du Varnam. Dans les jatis, elle semble retenir sa respiration. Je n'aime ni les chorégraphies techniques ni le style de récitation de Priya Karthikeyan. L'Abhinaya est très scolaire : c'est particulièrement flagrant quand la danseuse prend des poses. C'était néanmoins un vrai plaisir pour moi d'entendre le Varnam en Raga Charukeshi composé par Lalgudi Jayaraman. (Du coup, comme le Pallavi et l'Anupallavi sont présentés chacun en entier plutôt que découpés en deux comme dans la plupart des autres Padavarnams, la chorégraphie contenait une double ration de Jatis : à peine le premier était terminé qu'elle enchaînait le deuxième après un ou deux cycles d'une transition quelque peu incongrue.)

Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2019-01-03 à 16:30

Shweta Prachande, danse bharatanatyam

KP Rakesh, nattuvangam

Sakthivel Murugananthan Subramaniam, mridangam

Preeti Mahesh, chant

M. Srikamani, violon

“Om Sharavanabhava” (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Ghatam Dr. S. Karthick

Varnam “Sakiye Inda Velaiyil...” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette

Ashtapadi #19 “Priye Cāruśīle” (Raga Mukhari, Khanda Chapu Tala)

Thillana (Adi Tala, Raga Behag), composition de Dr. M. Balamuralikrishna

Kirtana “Ksheerabdi Kanyakaku Sree Maha Lakshmikini” (Raga Kurinji, Khanda Chapu Tala), composition d'Annamacharya (?)

Dans l'après-midi, j'ai assisté à un très beau récital de Shweta Prachande, que j'avais déjà vue il y a cinq ans (et il y a quelques jours pour une lec-dem).

La première pièce est une composition du percussionniste Ghatam Dr. S. Karthick qui était présent pendant la performance de cette pièce. Dédiée à Muruga, elle alterne chant et passages poétiques récités. La pièce est extrêmement complexe d'un point de vue rythmique (on entend et on voit en particulier beaucoup de pas basés sur le nombre 5). Le texte fait entendre un certain nombre de noms de Muruga, comme Guha ou Kartikeya.

La pièce principale, qui est aussi celle qui m'a procuré le plus grand plaisir a été le Varnam traditionnel “Sakiye Inda Velaiyil...” en Raga Anandabhairavi composé par le Thanjavur Quartette. La chorégraphie est aussi très traditionnelle, puisqu'elle est due à A. Lakshmanaswamy (avec qui travaillait autrefois Priyadarshini Govind, guru de Shweta Prachande). Dans sa danse technique, la danseuse a appliqué les principes dont elle avait fait la démonstration avec Apoova Jayaramana lors de leur lec-dem à la Natya Kala Conference. La chorégraphie de A. Lakshmanaswamy étant fixée, il est néanmoins possible de l'interpréter d'une façon personnelle : un même adavu peut être exécuté avec différentes intentions. Il est possible d'utiliser plus ou moins l'espace, de faire des mouvements staccato ou au contraire avec un phrasé très étendu (comme dans le troisième Jati). Le premier Jati (Trikala) est une variation sur un Tirmanam traditionnel de la Vazhuvoor bani dont le thème est Kun - ta ri ta - - - ku kun ta ri tai - - - ku kun ta ta kun ta ta ka ta kun ta ri ki ta ta ka. La première vitesse a été magnifiquement bien exécutée, avec un sens esthétique certain combinant force et douceur. Dans la composition rythmique de ce Tirmanam, la fin a été légèrement modifiée pour que le Tirmanam se conclue avant que le texte de la première ligne du Pallavi ne démarre. (Dans cette version, le texte reprend sur le et entre le deuxième et le troisième temps.) Dans le deuxième Jati, j'ai aimé une séquence de Khudita Metti Adavus dans lesquels la danseuse explorait les différentes directions de l'espace. Dans les Tattu Muttu, je reconnais les motifs rythmiques qu'utilisent Chitra Visweswaran et A. Lakshmanaswamy (une série de takadimi, puis une série de takadimi off-beat).

Dans ce Varnam chorégraphié par A. Lakshmanaswamy, j'ai retrouvé la même qualité dans la construction du discours chorégraphique que dans le récital de Sudharma Vaidyanathan qui est sa disciple. Il serait vain de chercher à résumer ce discours. Je retiens particulièrement les Sancharis des deux lignes de l'Anupallavi. Dans la première ligne, la danseuse décrit une magnifique ville (qui n'est semble-t-il pas nommée explicitement) où se trouve un temple et où la divinité est portée en procession. La danseuse a montré de façon assez spectaculaire les roues du chariot et s'est montré très convaincante en montrant les hommes qui tirent sur les cordes pour le mettre ne mouvement. Dans la deuxième de l'Anupallavi, le texte évoque la conque et le disque de Rajagopalan (Vishnu) devant lequel l'héroïne s'émerveille. De façon très pertinente, la danseuse développe un Sanchari relatant un épisode dans lequel Vishnu utilise ce disque. Il s'agit de l'histoire de de l'éléphant Gajendra attaqué pendant son bain par un crocodile. J'ai déjà vu des danseurs développer le bain de l'éléphant et l'attaque du crocodile dans des productions déraisonnables, le rôle protecteur de Vishnu devenant anecdotique. L'interprétation de Shweta Prachande m'a semblé très pertinente, efficace et émouvante puisque l'élément important en a été l'intervention de Vishnu. Après avoir montré de façon relativement brève l'attaque du crocodile, elle a représenté Vishnu qui entend l'appel à l'aide de Gajendra, et qui intervient pour le sauver. Grâce à son expression faciale, j'ai beaucoup apprécié la sérénité intérieure qui se dégageait dans sa représentation de Vishnu. La danseuse a représenté de façon intéressante le nom Rajagopalan en montrant un gardien de troupeau de la main gauche et en représentant une couronne avec la main droite. (Ceci me rappelle que lors d'une conférence à Paris, Tiziana Leucci avait expliqué que le nom de Rajagopalan était à double sens, puisqu'à l'époque de la composition de ce Varnam, ce nom pouvait désigner soit Krishna (Vishnu) soit le roi de Mysore ?). Dans la deuxième moitié du Varnam, la ligne de Caranam est représenté à la fois sous forme de Swaram et sous forme de texte “Pangana mayile...” (ce qui n'est pas le cas dans toutes les versions). L'héroïne est touchée par les flèches de Kama...

La danseuse a magnifiquement interprété le dix-neuvième Ashtapadi “Priye Charu”. Radha s'est montrée indifférente, voire hostile envers Krishna, et le poème nous fait entendre les paroles de Krishna pour reconquérir Radha. La danseuse avait indiqué dans sa présentation de la pièce que le poème (et aussi la chorégraphie) se plaçait du point de Krishna. La seule critique que je pourrais faire est que la danseuse n'a pas à mon avis assez caractérisé le personnage de Krishna. Sans forcément le représenter avec ses attributs habituels (flûte, plume de paon, etc.), je pense qu'il aurait été souhaitable d'adopter des postures un peu plus masculines pour bien faire comprendre que c'est un homme qui s'exprime, et qu'ainsi c'est bien Krishna qui souhaite que le doux pied de Radha se pose sur sa tête.

Après avoir interprété un Thillana composé par Dr. M. Balamuralikrishna et dont la chorégraphie était très exigeante, plutôt qu'un traditionnel Mangalam, la danseuse a choisi me semble-t-il une très apaisante composition d'Annamacharya consacrée à la Déesse sous le nom de Mahalakshmi. Un des détails remarquables de la chorégraphie réside dans la façon dont la danseuse a représenté sans la montrer la poitrine de la Déesse évoquée par le texte : elle s'est tout simplement mise de dos, sans doute pour éviter toute référence érotique qui ne siérait point à la représentation de ce Kirtana.

J'espère de pas avoir à attendre cinq ans supplémentaires pour assister à nouveau à un récital de cette danseuse dont le travail me semble admirable.

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Chennai, Jour 12/16 (deuxième partie) : Sruthi Natanakumar & K. Kalyanasundaram

2019-01-03 13:53+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-02 à 16:30

Kum. Sruthi Natanakumar, danse bharatanatyam

K. Kalyanasundaram, nattuvangam

Smt Vidya Harikrishna, chant

Vedakrishnaram, mridangam

Kannan, violon

?, flûte

Thorayamangalam “Jaya janaki ramana...”

Padavarnam (Raga Shankarabharanam, Adi Tala)

“Sabaapathikku” (Rupaka Tala, Raga Abogi ?), composition de Gopalakrishna Bharati

Thillana (Raga Atana, Adi Tala), composition de Ponniah Pillai

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Le frissonomètre a atteint d'irrésistibles sommets aujourd'hui lors du récital de Kum. Sruthi Natanakumar, disciple et petite-fille du Nattuvanar Guru K. Kalyanasundaram dont la famille est installée à Mumbai depuis les années 1940. (Sa famille et celle de K. P. Kittappa Pillai sont les représentants les plus éminents du style dit de Thanjavur, mais je ne sais pas très bien ce que cela veut dire puisque les styles de Kittappa et de Kalyanasundaram sont me semble-t-il aussi différents l'un de l'autre qu'ils ne le sont des autres styles..)

Le maître est un personnage très attachant. Juste avant que le récital commence, un (autre) homme très âgé est entré. Je n'ai pas entendu son nom, mais il fait semble-t-il comme lui partie d'une famille traditionnelle. Guruji (Kalyanasundaram) s'est approché de lui, avec ses jambes de 86 ans. Guruji s'était exprimé jusque là en tamoul, et quand il m'a vu au deuxième rang, il m'a demandé sans formalité en anglais “Does my tamil bother you?” et dans quelle mesure je comprenais le tamoul, j'ai répondu en hindi “Thora thora”, dont il a délicieusement donné une traduction tamoule.

La première pièce est Thodayamangalam, un ensemble de cinq compositions dédiées à Vishnu (sous la forme de Rama ou de Krishna) qui sont dans différents talas (Khanda Chapu, Mishra Chapu, Rupaka, Adi, m'a-t-il semblé) et qui sont séparées par des Tirmanams. C'est un plaisir immense pour moi d'entendre la voix de Kalyanasundaram récitant les onomatopées des passages rythmiques. La danseuse est précise rythmiquement et j'apprécie la douceur qu'il y a chez elle dans le haut du corps : ses positions de bras et de mains sont très précises, mais elle les exécute de façon gracieuse, pas du tout militaire.

La pièce principale a été un Padavarnam en Raga Shankarabharanam et Adi Tala. Guruji a pas mal parlé (en tamoul et un tout petit peu en anglais par égard pour moi !) pour présenter les pièces. Pour celle-ci, il a dit dans le langage de la musique plus qu'en tamoul que le texte commençait après “Ta ki ta”, autrement dit que dans la première moitié du Varnam les paroles commencent sur le et après le deuxième des huit temps d'Adi Tala. Il a aussi expliqué qu'il utilisait des combinaisons de syllabes traditionnelles, comme “ta-dit-dit-ta”. En entendant et en voyant ses Tirmanams, il apparaît évident que cet homme est un génie, tout simplement... Bien d'autres mridangistes et chorégraphes utilisent le même type d'ingrédients pour construire leur tirmanams, mais K. Kalyanasundaram est un des très rares à savoir faire de la bonne cuisine... Le troisième Tirmanam a été entièrement en usi (à contretemps). Assez souvent, certaines courtes formules conclusives ont été jouées en tishra-nadai (à l'échelle d'un temps du cycle ou de la moitié d'un temps). La plupart des Nattuvangam artists ralentissent quand ils basculent en tishra-nadai, mais Guruji a une maîtrise absolue de la régularité de la pulsation (Kalapramanam). Bien que la danse soit rythmiquement très complexe, je n'ai eu aucune difficulté à suivre le tala pendant l'ensemble du récital.

L'étroitesse du créneau horaire ne permettait pas de très longs développements dans l'Abhinaya : les lignes d'Ettugada Sahitya n'ont été interprétées qu'une seule fois (en Tattu Muttu). Il y a néanmoins eu un délicieux Sanchari pour la deuxième ligne du Pallavi dans lequel l'amour de l'héroïne pour la divinité lui fait perdre le goût pour la musique, etc. Les chorégraphies ne montrent le plus souvent que l'héroïne. Ici, c'était comme un dialogue entre l'héroïne et son amie (sakhi), qui tente tout pour lui faire retrouver le goût des choses. Celle-ci prépare un verre de lait, mais l'héroïne le refuse. Dans le lit de fleurs, elle tombe sur une épine. Plus loin, dans son sommeil, elle voudrait rêver, mais c'est un cauchemar qu'elle fait.

Pendant l'ensemble du récital, la sonorisation de la chanteuse n'était sans doute pas bien réglée, contrairement à celle du Nattuvanar : je n'arrivais pas à distinguer les consonnes dans le chant de Vidya Harikrishna, ce qui m'a rendu quasiment impossible d'entendre les mots chantés. En particulier, je n'ai pas réussi à bien rentrer dans la pièce suivante sur Shiva, dans sa forme résidant à Chidambaram. Bref, je n'ai pas toujours réussi à bien distinguer l'intention dans certains passages expressifs. La danseuse semblait très convaincante dans son interprétation, mais je n'arrivais pas à distinguer le sens. Cela dit, je préfère me perdre parfois et me sentir subjugué par le spectacle comme cela a été le cas lors de ce récital, plutôt que d'assister un spectacle en ayant le sentiment de voir toutes les ficelles...

(Guruji a fait à un moment une remarque sur sa façon de chorégraphier les Tattu Muttu, ces passages dans lequels la danseuse interprète le texte tout en effectuant des motifs rythmiques précis avec les pieds. Pendant tout le récital, les motifs rythmiques des Tattu Muttu ont été beaucoup plus complexes que ce que l'on voit d'habitude (beaucoup de takadimi, parfois un peu de takita à la fin des phrases, ces motifs étant construits en général indépendamment de la prosodie du texte). Dans le style de Kittappa Pillai (qui était aussi de la Thanjavur bani), la prosodie du texte prime sur le tala : les contours rythmiques des Tattu Muttu épousent les contours des mots, et comme les mots ont des durées musicales différentes, les motifs rythmiques peuvent sembler très complexes, mais comme ils sont extrêmement musicaux, ils sont d'autant plus agréables à danser. Dans la mesure où la sonorisation imparfaite m'empêchait de bien distinguer les consonnes dans le chant, je ne saurais dire si Guruji suit le même principe associant de façon harmonieuse poésie, musique et danse.)

Le récital s'est poursuivi avec un sublime Thillana. Je me suis particulièrement délecté lors des Mai adavus dans lesquels la danseuse a montré une maîtrise complète des contretemps, la plupart des séquences commençant usi (off-beat). Un véritable festin rythmique !

Je me perds un peu dans mes notes, mais la danseuse a dû conclure son récital par une courte pièce dédiée à Muruga.

Pendant ce récital d'après-midi, plusieurs fois j'ai cru mourir de plaisir ! Avec la programmation folle à Chennai, j'aurais bien pu aller à un ou deux autres récitals dans la foulée, mais j'ai préféré rester sur le sentiment de plénitude apporté par Sruthi & K. Kalyanasundaram.

This is a translation of the above review in French.

Today, my goosebumps-meter has reached irresistible heights during the recital by Kum. Sruthi Natanakumar, disciple and grand-daughter of Nattuvanar Guru K. Kalyanasundaram, the family of whom settled in Mumbai in the 1940s. (His family and the family of K. P. Kittappa Pillai are the most eminent representatives of the Thanjavur style (or bani), but I am not sure what it means exactly as I feel that Kittappa's and Kalyanasundaram's styles are as different from each other than they are from the other styles.)

The maestro is a very engaging and charming person. Just before the recital started, another older man entered. I did not understand his name, but it seems he also belongs to a traditional family of artists. Guruji (Kalyanasundaram) approached him, with his 86-year old legs. Guruji had spoken only in tamil until then, but when he saw me sitting in the second row, he casually asked me in English “Does my tamil bother you?” and to what extent I would understand tamil, I answered in hindi “Thora thora”, which he deliciously translated into tamil.

The first item was Thodayamangalam, which is a set of five compositions dedicated to Vishnu (under the form of Rama or Krishna). They are in differents talas (Khanda Chapu, Mishra Chapu, Rupaka, Adi, as it seemed to me) and they are interspersed with Tirmanams. It has been an immense delight for me to listen to Kalyasundaram when he was reciting the shollukattus. The dancer is rhythmically very precise and I like very much the softness in her upper body movements: her positions of arms and hands are very precise, but she performs them in a very gracious manner, not at all in a military style.

The main item was a Padavarnam in Raga Shankarabharanam and Adi Tala. In order to introduce the items, Guruji spoke a lot (in tamil and a little bit in English out of regard for me!). For this item, he said not exactly in tamil but in the language of music that the sahitya would start after “Ta ki ta”, which means that in the first half of the Varnam, the lyrics would start on the "and" after the second of the eight beats of Adi Tala. He also explained that he would use combinations of traditional syllabes like “ta-dit-dit-ta”. By watching and listening to his Tirmanams, it seems obvious to me that this man is a genius. Many other mridangists or choreographers are using the same sort of ingredients in order to construct their tirmanams, but K. Kalyanasundaram is one of the very few who know how to cook good cuisine... The third Tirmanam was entirely in usi (i.e. offbeat). Quite often, it seemed to me that some concluding rhythmic formulas were done in Tishra-nadai (at the small scale of only one beat, or even half a beat!). Many nattuvangam artists slow down a little bit the tempo when they switch to Tishna-nadai, but Guruji has an absolute mastery over the regularity of the pulse (Kalapramanam). Although the dance was rhythmically very complex, I did not feel any difficulty to follow the tala during all the recital.

Unfortunately, the shortness of the dance slot did not allow long elaboration in the Abhinaya: the Ettugada Sahitya lines have been performed only once (in Tattu Muttu). However, the dancer exquisitely performed a Sanchari for the second line of the Pallavi. Because of her love for the God, the Nayika loses her taste for music, etc. Most choreographies would show only the Nayika. Here, it was interestingly staged as a dialogue between the Nayika and the Sakhi who is trying all her best to make the Nayika recover her taste for all the beauty in life. The sakhi would prepare a glass of milk, but the heroin would refuse it. In a bed of flowers, she would find only a thorn. Later, in her sleep, she would like to dream, but she is only doing a nightmare.

During the recital, the tuning of the microphone was good for the Nattuvanar, but not for the singer; then, I was not able to distinguish the consonants in the beautiful singing of Vidya Harikrishna. This prevented me from understanding some words in the sahitya. In particular, I could not enter properly into the following item on Shiva, in his form residing in Chidambaram. In short, I could not fully get the intention in the expressive sections. The dancers seemed very convincing in her interpretation, but I could not follow the meaning. However, I prefer being sometimes lost and overwhelmed by the dance as it has been the case in this item, rather than attending programmes where I would feel I understand everything and that I could pull all the narrative strings myself.

(At some point, Guruji made a remark about his way of choreographying the Tattu Muttu, these segments where the dancer interprets the sahitya while executing specific precise rhythmic footwork.) During all the programme, I have felt that the Tattu Muttu patterns have been much more complex than what we usually see (which is lots of takadimi, sometimes some takita in second half of sahitya lines, i.e. patterns that are usually constructed independently of the prosody of the text). As I have been taught by Sucheta Chapekar (guru of my teacher in Paris), in the style of Kittappa Pillai (also from the Thanjavur bani), the prosody of the text is more important than the tala: the rhythmic contours of the Tattu Muttu follows the contours of the words, and as the words have longer or shorter musical lenghts, the rhythmic patterns of the Tattu Muttu may seem very comlpex, but as they are extremely musical, they are a real pleasure to perform. Because the microphone of the vocalist was not properly tuned, I could not properly distinguish the consonants in the singing. Then, I am not able to say whether the principles following by Guruji are the same as Kittappa's in their way of bringing together in a harmonious manner the poetry, the music and the dance.)

The recital continued with a sublime Thillana. I have particularly enjoyed the Mai adavus during which the dancer proved a full mastery over off-beats: most of these sequences started usi. An authentic rhythmic delight!

I am a little bit lost in my notes, but it seems the dancer ended her recital with a short item on Muruga.

During this afternoon recital, several times it was as if I was about to faint or die from the intense aesthetic pleasure I was feeling! Due the crazy schedule of performances in Chennai, I could have attended one or two other recitals just after this one, but I preferred staying with this sentiment of fullness brought by Sruthi & K. Kalyanasundaram.

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Chennai, Jour 12/16 (première partie) : Rashmi Menon

2019-01-02 22:12+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-02 à 15:15

Rashmi Menon, mohiniattam

Shloka “Gajananam...” (Raga Shanmukhapriya)

Kirtana (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Papanasam Sivan

Dasavatar (Ragamalika, Adi Tala), extrait du Gita-Govinda

Histoire de Kuchela (Raga Shri, Adi Tala)

“Krishna ni en ariyala...” (Ragamalika/Talamalika), poème de Sudatakumar

Je divise en deux le compte-rendu de la journée, parce que même si les deux récitals étaient l'un à la suite de l'autre au même endroit, cela n'aurait aucun sens de les regrouper.

Le premier récital vu cet après-midi était celui de la danseuse de mohiniattam Rashmi Menon (qui pratique aussi le kuchipudi et le bharatanatyam). Ses gurus de Mohiniattam ont été Kalamandalam Kalyanikutti Amma, puis Kalamandalam Kshemavathy. Elle se perfectionne en Abhinaya auprès de Bragha Bessel.

Le costume et le style d'Abhinaya est typique des formes de théâtre dansé du Kerala, mais à part cela, rien ou presque n'indiquait qu'il s'agissait de mohiniattam puisque la jeune danseuse n'a me semble-t-il pas exécuté le moindre adavu : il n'y a eu aucun véritable passage de danse pure dans tout le récital.

L'Abhinaya de la danseuse n'est pas très élaboré. À part dans la toute dernière pièce que je n'ai pas regardée avec beaucoup d'attention, j'ai l'impression d'avoir compris presque de 100% de l'intention narrative, qui me semble globalement manquer de subtilité. La musique enregistrée obéit à une esthétique qui n'est pas vraiment la mienne, puisqu'il y avait d'assez horribles sons de sitar ou de vina au début de chaque pièce. Après le Shloka sur Ganesh et la première pièce dédiée à Shiva, la danseuse a représenté les 10 avatars (canoniques) de Vishnu. Krishna a été montré comme protecteur de Draupadi. Buddha et Kalki ont été représentés, ce qui n'est pas extrêmement courant dans les représentations de Dasavatars.

Dans une pièce relatant la rencontre entre Kuchela et Krishna après de longues années de séparation, le personnage de Kuchela n'apparaît que de façon anecdotique. Il s'agit surtout pour la danseuse de développer un épisode à la gloire de Krishna au travers de son apparition indiscutablement spectaculaire à Arjuna quand il lui enseigne la Bhagavad-Gita. La représentation de Krishna comme cocher d'Arjuna ne m'a pas semblé très convaincante, et globalement les personnages sont insuffisamment caractérisés à mon goût.

La dernière pièce contenait une étrange combinaisons de talas, le motif récurrent étant en Tishra-nadai Adi Tala.

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Chennai, Jour 11/16 : Music Academy

2019-01-02 12:20+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2019-01-01 à 08:00

Anugrah Lakshmanam Group

Devotional Music

J'ai assisté à la clôture de la conférence de la Music Academy. Il n'y avait pas grand monde pour ce bilan. Il y a d'abord eu un mini-concert de bhajans par l'Anugrah Lakshmanam Group. Ils ont chanté des compositions dans différents Talas habituels comme Adi, Mishra Chapu, Rupaka, mais aussi dans des Chapu Talas très originaux. Un d'entre eux était à 16 temps découpés en 5+5+2+2+2. Un autre était à 8 temps découpés en 3+2+3.

Le bilan a ensuite été fait par V. Sriram qui avait fait le chairman pendant les lec-dems. Puis, le mridangiste Sangita Kalanidhi Umayalpuram K. Sivaraman a complimenté l'équipe organisatrice. D'autres personnes sont intervenues, y compris dans le public pour poser des questions et formuler des suggestions pour les années futures. La conclusion a été faite par la chanteuse Aruna Sairam, qui n'était alors que Sangita Kalanidhi designate, et qui depuis hier après-midi est officiellement devenue Sangita Kalanidhi, le plus haut titre existant dans le monde de la musique carnatique.

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Chennai, Jour 10/16 : Neena Prasad

2019-01-01 12:12+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-31 à 19:30

Neena Prasad, mohiniattam

Sharanya, nattuvangam

Madhav Namboodiri, chant et compositions musicales

Ramesh Babu, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Solkattu (Khanda Triputa Tala, Raga Hamsadhwani)

Prabandham “Panjajakshana” (Rupaka Tala, Raga Todi)

Padavarnam “Mate Ganga Tarangini” (Mishra Chapu Tala, Raga Kamboji)

Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Pantuvarali, Adi Tala, poème de Jayadeva)

Thillana (Adi Tala, Raga Bihag)

Mangalam

Comme la veille, j'ai pu voir la subtile beauté du mohiniattam, avec cette fois-ci le guru de Thomas Vo Van Tao : Dr. Neena Prasad. Les musiciens de la veille ont été rejoints par le violoniste Easwar Ramakrishnan et une élève de la danseuse (Sharanya ?) a joué le nattuvangam. Dans tout ce récital, j'ai apprécié la très grande musicalité de la danseuse et son immense talent dans l'art de l'Abhinaya.

Elle a commencé son récital par un Solkattu dans lequel elle a inséré un Shloka d'une Upanishad sur le guru.

La deuxième pièce représente la procession de la divinité du Temple Padmanabhaswamy de Trivandrum. La chorégraphie représente notamment les porteurs ainsi que la foule des dévots qui cherchent à apercevoir le dieu. Certains se mettent sur la pointe des pieds. D'autres font grimper leur enfant sur leurs épaules. Une dame courbée par le grand âge ne peut semble-t-il que le voir en pensée.

Depuis des années, j'espérais voir un Varnam sur le thème de Ganga. Ce souhait a enfin été exaucé. Cette pièce a initialement été enseignée à la danseuse par Guru Kalamandalam Sugandhi, et elle a été remise en musique par le chanteur Madhav Namboodiri. Je crois que c'est la première fois que je vois un Varnam en Misra Chapu. Un des passages rythmiques (le deuxième il me semble) utilisait beaucoup de contretemps entre les temps forts du cycle et les pas de danse. Les lignes de texte représentent chronologiquement la descente de la rivière Ganga, des cieux jusqu'à la Terre grâce à l'intervention de Bhagiratha pour permettre l'accomplissement des derniers rites pour les 60000 fils du roi Sagara, et enfin pour devenir une rivière sacrée dans laquelle les dévots de baignent rituellement. Après que la rivière a été faite prisonnière de la chevelure de Shiva, le moment le plus délectable a été pour moi la scène de jalousie de Parvati, dont Shiva est tombé amoureux et qu'il ne veut plus relacher.

Le point culminant de récital – et à ce jour le point culminant de ce séjour en Inde en tant que spectateur – a été son interprétation du dernier Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana”. Tout simplement sublime !

Le récital s'est conclu par un Thillana dont le Caranam était consacré à Krishna, celui qui porte la flûte (Murali).

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Chennai, Jour 9/16 : Thomas Vo Van Tao

2018-12-31 08:11+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Art on the Terrace, Chennai — 2018-12-30 à 18:30

Thomas Vo Van Tao, mohiniattam

Neena Prasad, nattuvangam

Madhav Namboodiri, chant

Ramesh Babu, mridangam

Solkattu (Mishra Triputa Tala, Raga Gambhira Nattai)

Varnam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam)

Panchakshara Stotram “Nāgendrahārāya” (Adi Tala, Raga Purvikalyani)

Thillana (Rupaka Tala, Raga Tillang), composition de Madhav Namboodiri

Mangalam

Comme lors de quelques autres très rares spectacles extraordinaires auxquels j'ai eu la chance d'assister, je pourrais résumer mes impressions avec l'unique mot Fantabullissime !, mais je vais développer davantage.

D'abord formé au bharatanatyam, Thomas Vo Van Tao s'est tourné vers le mohiniattam il y a une petite dizaine d'années environ. Il se forme auprès de son Guru Dr. Neena Prasad qui dirigeait le récital de ce soir, donné sur une terasse à Besant Nagar, au Sud de Chennai. L'orchestre a été magnifique. Une des particularités du mohiniattam par rapport au bharatanatyam est que dans la pièce principale (Varnam) les parties techniques de la première moitié ne sont pas accompagnées d'onomatopées rythmiques (Jati) comme dans le contexte du bharatanatyam, mais elles sont accompagnées par le texte (Sahitya) de la composition. En l'absence d'un autre instrument mélodique, c'est forcément au chanteur de répéter les lignes de texte, et il l'a remarquablement fait en changeant l'intention dans chaque répétition du texte, notamment en en modifiant la mélodie. Le percussionniste a bien fait deux ou trois petites acrobaties, mais il était magnifiquement tourné vers l'esthétique de la danse : quand l'art de l'expression l'exigeait, il savait mettre en valeur une pause ou pose dans la chorégraphie. (Note : dans ce récital de mohiniattam, et comme cela devrait aussi plus souvent être le cas en bharatanatyam, les poses ne sont jamais mortellement immobiles, elles sont pleines de vie.)

Après un magnifique Namaskar (commençant par un très beau demi- ou trois-quarts-de-plié à la seconde), la première pièce est un Solkatu. Il s'agit d'onomatopées rythmiques chantées sur un rythme assez complexe à 11 temps, chaque temps comptant en fait pour deux, donc on peut le considérer comme un cycle à 22 temps. La composition et la danse sont faites à différentes vitesses, y compris en utilisant des subdivisions en trois des 22 temps, ce qui demande de répéter trois fois la phrase chantée pour faire un nombre entier de cycles avant de passer à une autre vitesse. La technique de danse de Thomas Vo Van Tao est superbe et très musicale. Il danse magnifiquement bien, en toute simplicité. Les contacts de pieds avec le sol sont moins rapides que dans la danse bharatanatyam, mais ici le corps tout entier est constamment en mouvement, ce qui permet aux spectateurs d'apprécier certes les différentes positions du corps mais aussi et surtout le mouvement entre les positions.

La pièce principale est un Varnam dédié au dieu Rama. Dans le Pallavi, après une introduction et un passage rythmique (accompagné par le chant), le danseur développe un épisode extrait du Mahabharata. Il est heureux que le danseur ait présenté cet épisode avant de danser la pièce. Je ne sais pas s'il figure dans toutes les éditions intégrales du Mahabharata. Lors d'un des voyages d'Arjuna, il serait allé à Rameshwaram et aurait rencontré le singe Hanuman qui le met au défi de constuire un pont tout comme l'armée des singes avait construit un pont pour rejoindre Lanka. Hanuman détruit d'un coup de pied le pont de flèches construit par Arjuna. Un deuxième essai est accordé, mais cette fois-ci, avec un brahmane comme témoin. Alors qu'il grandit pour détruire le pont, Hanuman renonce à le détruire parce qu'il sent que le brahmane le met lui aussi à l'épreuve : le brahmane ne peut être que Rama en personne.

Je n'ai pas bien compris le sens de l'Anupallavi qui n'a pas été développé, si ce n'est qu'il était question de Kama. Il est important de savoir que les mouvements de mains sont assez différents entre le bharatanatyam et le mohiniattam... Dans ce style, l'expression est aussi ornementée de très nombreux micro-mouvements, notamment au niveau du visage (sourcils, petits mouvements latéraux et la tête, etc.). Après un élégant Muktayi Swaram et la section d'Abhinaya associée, le tempo accélère légèrement pour la deuxième moitié du Varnam. La ligne de texte du Caranam contient très distinctement le nom de Gautama, ce qui m'a permis de comprendre immédiatement que c'était l'histoire d'Ahalya qui serait explorée. Alors que son mari Gautama était allé se rafraîchir à la rivière, Indra prend son apparence pour séduire Ahalya. Quand Gautama rentre, il comprend ce qui s'est passé et les maudit. Ahalya est transformée en pierre et retrouve la vie quand bien plus tard Rama la touche du pied. (Si je n'avais pas entendu le mot Gautama dans le texte, je n'aurais compris qu'il s'agissait de l'histoire d'Ahalya qu'à la toute fin de la séquence ! C'est vraiment par chance que j'ai pu apprécier les nuances de cette interprétation.) La structure de la suite du Varnam est comparable à ce qui se fait en bharatanatyam. On trouve ainsi des passages rythmiques accompagnés d'une mélodie solfiée (Ettugada Swaram), puis sur la même mélodie un texte est chanté (Ettugada Sahitya), un petit nombre de fois, la dernière étant en Tattu Muttu. Comme il n'y a pas véritablement de place pour l'élaboration, le sens est beaucoup plus fugitif. Je me souviens simplement que le dernier semblait être sur le thème de l'amour, évoqué notamment par des lèvres de lotus.

Ce Varnam et la pièce qui suit ne font sans doute pas partie du répertoire de mohiniattam le plus traditionnel. Cette forme de danse est quasi-exclusivement pratiquée par des femmes. Quelques interprètes masculins portant le costume féminin interprètent aussi cette danse de l'enchanteresse qui aborde le plus souvent le sentiment amoureux d'un point de vue féminin. D'après ce qu'une de ses condisciples m'a confié, Thomas Vo Van Tao est le premier danseur masculin qui a à son répertoire des pièces de mohiniattam qui se placent résolument du point de vue masculin (comme dans le Varnam) ou qui abordent d'autres thèmes. Il faut vraiment féliciter Thomas Vo Van Tao et son guru Dr. Neena Prasad pour ce travail.

La pièce qui suit est une représentation dansée du Panchakshara Stotram “Nāgendrahārāya” (d'Ādi Śaṅkarācārya) basé sur le mantra (Om) Namah Shivaya. Après un Shloka introductif, les cinq parties de la pièce sont la mise en musique de vers commençant par l'une des cinq syllabes du mantra. Le sens de chacun des cinq vers est montré dans la danse de façon extrêmement claire et surtout très belle. Je ne vais pas développer puisque sinon je serais obligé de citer intégralement le poème.

Ce superbe récital s'est terminé par un Thillana et un Mangalam.

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Chennai, Jour 8/16 : Kalyani Ganesan, Aruna Sairam, Sudharma Vaithiyanathan, TM Krishna

2018-12-30 00:47+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-29 à 08:05

Vidushi Kalyani Ganesan

Chittaswarams composed by Vainikas

J'ai assisté aux deux exposés de la session matinale de conférences à la Music Academy. Le premier discutait des Chittaswarams (séquences de notes solfiées) composées par des Vainikas (c'est-à-dire des musiciens qui jouent de la vina). La viniste Kalyani Ganesan est accompagnée de ses élèves qui chantent les exemples donnés. Un certain nombre d'entre eux viennent de Muthuswamy Dikshitar et des musiciens de sa lignée, parmi lesquels l'auteur du Sangita Sanpradaya Pradarshini. L'exposé était en tamoul, mais les textes projetés sur un écran étaient en anglais. Un exemple amusant était une mélodie en palindrome pour la composition Kamala bajane (Raga Kedaram, Adi Tala) de Muthuswamy Dikshitar.

Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-29 à 09:05

Aruna Sairam, chant

Ragavendra Rao, violon

Vaidyanathan, mridangam

The impact of Bhajana Sampradaya on Carnatic Music

La salle était pleine parce que l'exposé suivant était confié à Aruna Sairam, qui va recevoir le premier janvier le titre de Sangeetha Kalanidhi. Elle a discuté de la tradition de chant de bhajans, dans laquelle la communauté d'auditeurs participent en chantant dans un cadre dévotionnel, contexte qui s'oppose a priori au concert, où la musique est jouée dans but purement esthétique. Elle a donné de nombreux exemples de compositions, et aussi d'échanges entre ces deux traditions. Par exemple, elle a suggéré que les Chapu-talas viendraient d'une pratique de compositions jouées à vitesse rapide dans un cadre dévotionnel.

Narada Gana Sabha, Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-29 à 13:45

Sudharma Vaithiyanathan, danse bharatanatyam

A. Lakshmanaswamy, nattuvangam, chorégraphies

K. Hariprasad, chant

Nellai D. Kannan, mridangam

Kalaiarasan Ramanathan, violon

Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna

Varnam “Samiyai Azhaittu” (Raga Khamas, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette

Shloka “Rāmo nāma babhūva...”

Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)

Javali (Raga Paras, Adi Tala)

Tillana (Raga Desh, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman

Mangalam

Premier grands frissons de la saison pour moi en matière de récital de danse solo. J'avais déjà assisté à un récital de la danseuse Sudharma Vaithiyanathan en 2015 lorsqu'elle avait eu le premier prix ex-aequo du Festival Spirit of Youth. Tous les paramètres sont au plus haut : les chorégraphies de son guru A. Lakshmanaswamy sont magnifiques (et très musicales), le chanteur K. Hariprasad et le violoniste Kalaiarasan sont excellents et le percussionniste Nellai D. Kannan est tout simplement sublime ! La technique de la danseuse est magnifique : il n'y a pas un mouvement qui soit fait à moitié.

Après un Pushpanjali, la danseuse a interprété un des Varnams les plus dansés (celui en Khamas du Thanjavur Quartette) dédié à Sundareswarar, la forme de Shiva résidant à Madurai. Très beau premier Jati avec d'assez longs silences (karvais) avant de reprendre certains mouvements. La danse est très élégamment ornementée, avec un très beau phrasé : rien n'est mécanique, même quand la danseuse doit alterner rapidement entre la position debout et le grand-plié. Dans l'Abhinaya, l'élaboration est magnifique. Par exemple, la première ligne du Pallavi est d'abord jouée uniquement avec les yeux. Puis, la danseuse suit le mot-à-mot du texte tout en donnant vie aux personnages : l'héroïne implore son amie d'aller transmettre son message à Shiva. Cette présentation du texte est répétée à de nombreuses reprises, sans jamais ennuyer puisqu'il y a toujours des variations significatives d'une fois sur l'autre. Et alors seulement, la danseuse développe un Sanchari : touchée par les flèches de Kama, elle perd l'appétit et le sommeil, et supplie son amie d'aller trouver Shiva pour qu'il vienne. Ensuite viennent les Tattu Muttu (partiellement à contretemps), des marches en arrière, une pause, puis des marches en diagonales avant de démarrer le Jati suivant. Je connaissais déjà le deuxième puisque j'ai vu Geoffrey Planque le danser dans un autre Varnam. Plus loin, l'héroïne demande au grand Shiva, beau comme la Lune de ne pas rester indifférent. La grandeur de Shiva est le thème de cette partie puisqu'un Sanchari développe la légende de la colonne de lumière en laquelle Shiva s'était manifesté : il avait défié Vishnu et Brahma d'en trouver les extrémités, mais aucun n'avait réussi. La chorégraphie ne représente que la tentative de Vishnu qui s'en va vers le bas de la colonne, en vain. Le troisième Jati utilise beaucoup l'espace scénique et utilise astucieusement des contretemps. Dans l'Anupallavi, on est dans la ville de Madurai et l'héroïne s'émerveille du temple qui s'y trouve. La chorégraphie représente ses différents gopurams, le bassin de lotus, le Shiva-lingam et celle aux yeux de lotus (Meenakshi). Plus loin, elle cherche l'union avec Shiva. L'héroïne se donne des airs de timide, mais son amour est trahi par ses yeux, et on la voit aussi préparer un lit de fleurs... Le Muktayi Swaram est très élégant. Le texte associé semble évoquer les pieds de lotus de Shiva et le dieu de l'Amour. La deuxième moitié du Varnam tourne autour du sentiment amoureux provoqué par les flèches de Kama, suggéré par le butinement des abeilles et le son des couples d'oiseaux. À la fin du dernier Ettugada Swaram, la danseuse exécute un formidable saut en avant typique de la tradition Vazhuvoor. Souffrant de la séparation, l'héroïne demande finalement à un oiseau de transmettre son message à Shiva.

Ensuite, la danseuse a magnifiquement bien interprété trois pièces de pur Abhinaya. La première était un Shloka “Rāmo nāma babhūva...” extrait du Krishna-katha. Magnifiques doubles cordes du violiniste dans l'introduction de la pièce dans laquelle Yashoda essaie de coucher Krishna, mais il demande qu'elle lui raconte une histoire. Il ne veut pas d'une histoire d'oiseaux ou de lion, mais il est partant pour l'histoire de Rama. La narration va de la naissance de Sita jusqu'à son enlèvement par Ravana. D'une part, la danseuse doit incarner les différents personnages du Ramayana, et d'autre part elle doit souvent revenir au rôle de Yashoda qui est une conteuse pour Krishna. Elle ne peut montrer les réactions de Krishna qu'au travers du regard de Yashoda. Quand Krishna prend peur alors que Sita vient d'être enlevée, Yashoda le rassure en lui disant que cela se finit bien (ce qui, au passage, est un peu discutable..) Finalement, elle le berce et il ferme les yeux.

Le récital s'est poursuivi avec l'Ashtapadi “Yahi Madhava”. Radha prépare un lit de fleurs et une guirlande pour Krishna, mais elle l'attend en vain toute la nuit. Quand il arrive, elle lui fait des reproches. Elle remarque par exemple une marque sur ses lèvres, mais il prétend avoir mangé des baies. Les griffures sur son corps s'expliquent par le frottement des branches de la forêt qu'il a traversée. Qu'il arrête ses paroles mielleuses (je traduis ici littéralement la chorégraphie) ! Elle finit par détruire son lit de fleurs.

Je n'ai pas absolument tout compris au Javali (Raga Paras/Adi Tala) qui a été interprété de façon très sarcastique ! À la fin, l'héroïne qui vient de recevoir une flèche florale de Kama se retourne et renvoie la fleur à l'envoyeur !

Le récital d'une heure et demie s'est terminé par un beau Thillana et un Mangalam.

Sri Mutha Venkatasubbarao Concert Hall, Chennai — 2018-12-29 à 19:00

TM Krishna, chant

Dr. R. Hemalatha, violon

Praveen Kumar, mridangam

Delhi Sairam, mridangam

BS Purushothaman, kanjira

Il s'agit de l'unique concert de TM Krishna pendant la saison des concerts. Ses concerts ne ressemblent pas du tout à ceux des autres musiciens. D'un concert à l'autre, il ne se ressemble pas non plus à lui-même : c'est toujours très différent. Il a élaboré des Alap et chanté des compositions utilisant des tempis très lents. Il ne clappe pas vraiment le Tala, ou s'il le fait, c'est souvent plus confusogène qu'autre chose. Même les connaisseurs avaient beaucoup de mal à suivre, et y compris les autres musiciens : il a semble-t-il un peu chambré les percussionnistes quand ils les a complètement perdus au début d'une des compositions.

Il s'agissait d'un concert caricatif en faveur du chœur d'enfants Nalandaway. Les jeunes musiciens ont rejoint le maître à la fin du concert pour interpréter plusieurs compositions, dont un mix entre deux Thillanas en Adi Tala et Raga Khamas (compositions de Pooci Srinivasan Iyengar et de Lalgudi Jayaraman), et pour conclure, une composition de Rabindranath Tagore.

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Chennai, Jour 7/16 : Jyotsna Jagannathan

2018-12-28 23:24+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-28 à 19:30

Jyotsna Jagannathan, danse bharatanatyam

S. Srilatha, nattuvangam

Murali Parthasarathy, chant

Ramesh Babu, mridangam

Smt. K. P. Nandhini, violon

Muthu, flûte

Nandichol (Tishra Triputa Tala), composition de Ramesh Babu

Varnam (Adi Tala), composition de K. Hariprasad

Padam (Mishra Chapu Tala), composition d'Aditya Prakash d'après un poème de Surdas

Thillana (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composition de Pooci Srinivasan Iyengar

Récital dans lequel tout est fait pour être joli, mais pour moi sans émotion. C'est une des premières représentations de danse que je vois lors de ce séjour pour laquelle la salle est très bien remplie, le Who's who du bharatanatyam étant aussi très bien représenté.

Ancienne disciple de Guru A. Lakshman Swamy, Jyotsna Jagannathan travaille maintenant avec Malavika Sarukkai et Bragha Bessel. La première pièce est un Nandi-chol. La récitation par S. Srilatha sera magnifique pendant tout le récital. Il y a quelque chose dans sa façon de réciter qui fait que l'on continue à bien sentir la pulsation principale même pendant les passages les plus complexes. Je n'ai ainsi eu aucun problème à suivre le cycle rythmique pendant le passage en Tishra-nadai et le retour en Chatushra. La chorégraphie est délicieuse, mais je ne comprends pas l'intérêt de cette pièce si ce n'est qu'elle remplit un quart d'heure dans le créneau. La fin est toute mignonne puisqu'après avoir joué du mridangam, Nandi la monture de Shiva reçoit de celui-ci le tambour Damaru et commence à jouer avec...

La pièce principale est dédiée à Ranganatha (Vishnu). Il s'agit d'un Varnam composé par le chanteur K. Hariprasad. Le Trikala Jati est très bien chorégraphié, même si je n'apprécie pas la première vitesse qui est beaucoup trop mécanique. Dans la première ligne du Pallavi, l'héroïne cherche le bras protecteur de Vishnu. Cela donne l'occasion à la danseuse de faire pas moins de cinq courts Sancharis autour des bras de Vishnu et de son rôle de protecteur, un autour de la conque et du disque qu'il porte, un autre autour de la montagne Govardhana qu'il avait soulevée, un autre autour de Draupadi, sauvée dans l'épisode de la partie de dés, un dernier autour de l'éléphant Gajendra, et encore un autre que j'allais oublier à propos du Rasalila, Krishna tenant les gopis par la main. Plutôt que d'émouvoir de façon irrésistible, cela fait un peu collection d'images... Très beau deuxième Jati en Tishra nadai. Le quatrième était en Chatushra-nadai, avec parfois de tous petits passages d'un seul temps en Tishra-nadai. Dans la deuxième moitié du Varnam, l'héroïne souffre de la séparation et cherche l'union avec lui. Dans un des passages expressifs, l'héroïne semble demander à un oiseau d'aller transmettre son message à Vishnu dans les trois mondes. Malgré la présence scénique de la danseuse et des lumières très étudiées, je suis resté de marbre pendant la performance. Dans sa technique, elle est parfois légèrement en avance sur la musique et surtout il n'y a pas suffisamment de contrastes dans ses frappes de pieds (il faut regarder ses pieds ou écouter les thalams pour savoir si elle fait des motifs de 4 ou de 3 dans les Tattu Muttu). Son demi-plié est plutôt un quart-de-plié : dans de nombreux gestes techniques, on ne sait pas si elle est censée être debout ou en demi-plié...

Le Padam est très joli, mais il ne donne pas suffisamment à faire ressentir des émotions humaines. On commence par l'image de Rama traversant une forêt inhospitalière (belles doubles cordes dissonantes par la magnifique violoniste KP Nandhini dont le micro était malheureusement mal réglé). Tout dans la Nature rappelle à Rama le souvenir de Sita : ses yeux dans les antilopes, son visage dans la Lune qu'il aperçoit à travers le feuillage des arbres, etc.

Le récital s'est terminé par un Thillana en Adi Tala dédié à Padmanabha qui présentait la particularité de commencer sur le huitième temps, ce qui produit un effet de surprise lorsque les différents enchaînements se terminent...

Pas de Mangalam pour conclure le récital. Cela fait bizarre, une fin aussi abrupte !

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Chennai, Jour 6/16 : Natya Kala Conference (Day #2), Disciples de Swamimalai K. Suresh

2018-12-28 00:50+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 10:20

Aravinth Kumarasamy (Apsara Arts)

The Modern Dance Ensemble

La deuxième journée de la Natya Kala Conference a commencé par une projection d'un film sur Mrinalini Sarabhai, commenté par Sunil Kothari. Je n'y suis pas allé parce qu'il avait déjà présenté ce film à Paris. Le premier exposé a été fait par Aravinth Kumarasamy qui crée des productions de danse avec la compagnie Apsara Arts à Singapour. Il a expliqué son processus de création, les différents types de personnes à réunir en équipe suivant la taille des projets. Il a montré quelques extraits vidéos montrant diverses techniques scénographiques : comme des piliers qui sont déplacés sur scène, l'utilisation de projection vidéo ou de lumières pour créer une certaine esthétique. Il a aussi expliqué comment la forme de danse bharatanatyam pouvait être adaptée pour tenir compte des particularités culturelles de l'Asie du Sud-Est.

Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 11:05

Apoorva Jayaraman, danse bharatanatyam

Shweta Prachande, danse bharatanatyam

Millennial Adavus

La présentation était plus intéressante que le titre. Apoorva & Shweta, deux excellentes disciples de Priyadarshini Govind ont présenté leur approche des adavus : comment les rendre contemporains ? Trois ingrédients : Intention, Innovation, Inspiration. Le plus évident dans leur danse est qu'elles mettent une intention particulière quand elles exécutent un adavu dans un contexte donné. Apoorva sourit et utilise beaucoup les yeux. La palette de Shweta est moins immédiatement impressionnante, mais elle paraît plus riche. Parmi les innovations, il ne s'agit pas forcément de créer de nouveaux adavus, mais de les combiner différemment. Ainsi, elles ont montré comment utiliser dans un jati des mouvements habituellement utilisés comme transition après la conclusion d'un Korvai dans un Jatiswaram. Une combinaison particulièrement impressionnante a consisté à effectuer un tour complet tout en exécutant un tarikitatom. Une autre façon d'innover consistait à créer des enchaînements utilisant des positions connues qui habituellement ne se suivent pas.

Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 11:55

Mrs Akhila Krishnamurthy

Srinidhi Chidambaram

Ms S. Janaki

Nrithya Pillai

Smt Tulsi Badrinath

Caste, Gender, Privilege and their Roles in the Bharatanatyam landscape: A panel discussion (moderated by Sri V Sriram)

Cette discussion est restée au niveau des généralités, sans véritablement rentrer dans le fond du sujet, beaucoup trop large. La partie la plus intéressante est bien sûr venu de Nrithya Pillai qui a partagé le ressenti de sa famille de praticiens héréditaires de la danse. Quand elle apprenait la danse toute petite, on lui disait “This is not for us.” : nous pouvons enseigner, mais pas danser en public. Je l'avais déjà entendue développer davantage sur ce sujet lors d'une conférence en août dernier, et je me disais alors qu'il serait intéressant qu'elle puisse faire le même exposé dans un lieu tel que la Natya Kala Conference.

Actuellement, le problème principal semble être qu'au moins en début de carrière, les danseurs et danseuses doivent payer pour se produire. Il n'y a pas de procédure transparente pour sélectionner les danseurs.

Vipanchee, R. K. Swamy Auditorium, Chennai — 2018-12-27 à 19:30

Kum. Ananya, Kum. Akshara, Kum. Kirtana, danse bharatanatyam

Swamimalai K. Suresh, nattuvangam, chant

T. Sashidhar, flute

M. Dhanamjayan, mridangam

Invocation “Jayasuda pori...” (Khanda Chapu Tala)

Mallari (Raga Ganapanchaka, Mishra Triputa Tala)

Pada-varna “Deva Munivar...” (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman

Viruttam “Kunitha puruvamum...” / Kirtana Sadanandatandavam (Raga Marudari, Adi Tala)

Thillana (Raga Surutti, Tisra-gati Adi Tala), composition d'Oothukkadu Venkata Kavi

Mangalam

Pour la première fois de ma vie, j'ai vu un Nattuvanar diriger un récital de bharatanatyam. De même que son grand-oncle S. K. Rajarathnam Pillai, Swamimalai K. Suresh dirige et chante. Quel plaisir à écouter !

Toutes les pièces sont exécutées par trois de ses disciples. Les danseuses sont relativement jeunes ; l'exécution n'était pas toujours absolument parfaite, mais elles sont toutes très musicales dans leur danse. Kumari Akshara est particulièrement douée.

Le style de Swamimalai K. Suresh comporte quelques aspects particulièrement Vazhuvoor, mais je vois dans ces chorégraphies dans enchaînements que je n'avais jusqu'à maintenant vus que chez Kuttalam M. Selvam et son père Muthuswamy Pillai.

Dans le Mallari à 11 temps, le rythme des pas est très complexe puisqu'il ne suit ni le tala ni les shollus : on a en quelque sorte une polyrythmie à trois voix.

Le Varnam m'a semblé délicieux. Il s'agit d'une composition de Lalgudi Jayaraman, dont Swamimalai K. Suresh a été un disciple. Le sens du texte est relativement clair dans la gestuelle des danseuses, même si parfois je ne comprends pas tout à fait le sens global de chaque ligne. Les dieux et sages vénèrent le pied de Jagannath. Dans de courts Sancharis, les trois danseuses représentent plusieurs exploits de Vishnu, notamment la libération d'Ahalya (une représentant Ahalya, et les deux autres Rama et Lakshmana). Dans la deuxième ligne, je comprends l'idée que Vishnu protège et que son épouse est Lakshmi. Dans l'Anupallavi, on célèbre les pieds de Vishnu et un Sanchari développe l'histoire de l'avatar du Nain (Vamana). Enfin, il est question de la montagne où il réside (Venkatagiri) et de ses yeux de lotus. Dans cette première moitié de Varnam, les jatis et le Muktayi Swaram sont magnifiquement récités ou chantés, et chorégraphiés avec un grand sens musical et une utilisation intéressante de l'espace. Ainsi, dans le Muktayi Swaram, les danseuses utilisant beaucoup les diagonales, et font des séries de quatre quarts de tour. Dans toute la pièe, les Arudis sont délicieuses de simplicité ; les Tattu Muttu suivent des motifs un peu plus complexes, mais néanmoins très agréables. L'Abhinaya est beaucoup moins développé dans la deuxième moitié du Varnam. À la fin, on trouve une représentation de l'apparition indiscutablement spectaculaire de Krishna à Arjuna.

La pièce suivante est dédiée à Shiva. La partie rythmique commence par un Jati dans lequel les danseuses n'utilisent pas les mudras utilisés normalement dans la danse pure mais elles représentent à la place les divers attributs de Shiva. Cela se fait assez régulièrement, mais il était intéressant d'en voir une version à trois. Plusieurs élégantes séquences rythmiques ont été insérées dans la composition qui exprime l'émerveillement devant la danse de Shiva.

La dernière pièce du récital est un Thillana en Tishra-nadai Adi Tala (avec une séquence en Chatushra-nadai à la fin). La chorégraphie avait à mon goût le niveau de complexité rythmique idéal : ni trop simple, ni trop compliquée, juste ce qu'il faut de polyrythmie pour qu'on sente un peu de frottement entre la danse et la musique sans pour autant être complètement perdu.

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Chennai, Jour 5/16 : Natya Kala Conference (Day #1), Aruna Sairam, Narthaki Nataraj

2018-12-26 23:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 10:30

Ms Mahati Kannan

The Karanas Decoded

Après mon cours de bharatanatyam, je file au Krishna Gana Sabha pour assister à une partie de la matinée du premier jour de la Natya Kala Conference. J'arrive vers la fin de la présentation de Mahati Kannan qui a étudié les Karanas dans les sculptures, y compris dans d'autres régions de l'Asie que l'Inde.

À peine me suis-je assis que je l'entends prononcer le nom du peintre Edgar Degas et des termes de ballet : grand jeté, grand battement. Une version indienne de ces mouvements est présentée. À l'invitation de CV Chandrashekar, Mahati Kannan fait la démonstration d'un Swaram utilisant uniquement des tours (de différentes sortes, parmi lesquelles il y avait des sortes de fouettés et aussi des tours avec les genoux à terre.)

Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 11:30

Ms Sanjukta Wagh

Manodharma in Kathak and Dance Theatre

La danseuse de kathak Sanjukta Wagh intervient ensuite pour une démonstration sur l'improvisation. Elle explique comment en quelques mois au Trinity Laban Conservatoire de Londres elle a repensé sa pratique de la danse. Elle a cherché à explorer l'improvisation qu'elle pouvait admirer dans d'autres formes d'art, comme la musique dhrupad.

Elle a présenté trois extraits sur le thème de Gandhari accompagnée par un guitariste et par son propre chant. Les deux premiers était de pur Abhinaya. Ses mouvements étaient très simples, mais l'intensité qui s'en dégageait m'a semblé assez sublime. Le troisième était un passage rythmique dans lequel elle incarne Gandhari portant le bandeau qui l'a rend aveugle.

Elle a interprété aussi une composition en Ektal sur un poème soufi penjabi de Shah Hussain “Ghum ghum carakhra”.

Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 12:15

Sri V. Balagurunathan

Sri Guru Bharadwaj

Smt Meenakshi Srinivasan

Sri Swamimalai Suresh

Smt Pavithra Srinivasan

Jathis - the long and short of it: A panel discussion (moderated by Priya Murle)

J'étais principalement venu pour cette discussion entre danseurs, percussionnistes et un nattuvanar. L'organisatrice de la conférence Srinidhi Chidambaram a introduit le sujet avec des commentaires assez acides à propos de l'évolution des jathis vers de plus en plus de longueur, de plus en plus de complexité, au détriment de la musicalité. Chacun des intervenants a présenté son opinion sur les Jathis, certains s'exprimant uniquement en tamoul... Le percussionniste Guru Bharadwaj a expliqué dans quelle mesure les shollus variaient entre le mridangam, le tavil et les jathis en bharatanatyam. L'idée la plus importante m'a semble-t-il été énoncée par Swamimalai Suresh qui a dit que ce qui comptait c'était la musicalité... Meenakshi Srinivasan était aussi de cet avis, mais qu'il fallait aussi prendre en compte le contexte (quel Varnam et où ?) dans lequel s'insère le jati pour produire le Bhava adapté ; par ailleurs, autant visuellement qu'en termes d'onomatopées, le jathi doit utiliser un vocabulaire cohérent, comme une sorte de thème et variations.

Une controverse générale s'est répandue à propos de la question de savoir qui est-ce qui dirige la danse, en particulier pendant les silences (karvais) ? Cela faisait suite à une remarque de la danseuse Meenakshi Srinivasan qui pensait que dans ce cas c'était à la danseuse de diriger et aux musiciens de suivre. Beaucoup d'autres, et Guru Bharadwaj en premier pensaient très fortement que ce qui compte c'est que tout le monde soit en même temps en rythme (kalapramanam). (Personne n'a pensé à dire qu'il est possible pour le nattuvangam artist et/ou le mridangiste de remplir un peu les silences pour faciliter la perception des bons intervalles de temps.) Srinidhi Chidambaram a insisté sur le fait qu'il fallait inciter les jeunes danseurs à aller assister à des concerts pour mieux comprendre la musique carnatique...

Parmi les questions du public, Nrithya Pillai a demandé à Swamimalai Suresh de réciter un jati spécifique qui est particulièrement intéressant pour les longs intervalles de silence qu'il contient. L'artiste qui est le petit-neveu de S.K. Rajaratnam Pillai s'est exécuté et en a aussi récité un deuxième. C'étaient de véritables gourmandises auditives !

Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2018-12-26 à 16:00

Aruna Sairam, chant

Vittal Ramamurthy, violon

J. Vaidyanathan, mridangam

Dr S. Karthik, ghatam

Bien qu'elle ait pas mal toussoté entre les pièces, très beau concert de la grande Aruna Sairam, qui va très bientôt recevoir le titre de Sangeetha Kalanidhi par la Music Academy. Elle a commencé par un Varnam en Khanda Ata Tala (14 temps). Plus loin, alors même que je regardais le portrait de Shyama Shastri accroché à droite dans les hauteurs du T. T. K. Auditorium, elle a annoncé qu'elle allait chanter Brovavamma Tamasa... (Raga Mahnji, Misra Chapu Tala) de ce compositeur. La pièce principale a été un Ragam-Thanam-Pallavi en Khanda Chapu à la fin duquel les deux percussionnistes ont fait un beau Tani Avarthanam.

Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-26 à 19:00

Narthaki Nataraj, danse bharatanatyam

Kaushik Champakesan, nattuvangam

Nandini Sai Giridhar, chant

Nag Sriram, mridangam

Srilaksmi Ramani, violon

Devraj, flûte

Chidambaram Thiruppugazh (Raga Gambhira Nattai, Chatushra Ekam Tala)

Kirtana “Devi Mina Netri” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composition de Shyama Shastri

Pada Varnam “Mohamana” (Raga Bhairavi, Rupaka Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)

Kriti “Kanna vendum” (Raga Surutti, Adi Tala), composition d'Arunachala Kaviraya

Padam “Enako Munako” (Raga Abheri, Tisra-nadai Adi Tala)

Padam (Ragamalika, Khanda Chapu Tala)

Mangalam

C'est un fort beau Margam de deux heures qu'a présenté Narthaki Nataraj (que j'avais déjà vue en 2013).

Le première pièce est un hommage à Muruga aux six visages. La façon d'exécuter les mouvements de danse pure n'est pas la plus raffinée ou stylisée qui soit, et les pieds manquent parfois un peu de précision (on sent aussi que l'orchestre n'a pas beaucoup répété et que le mridangam en fait dix mille fois trop). Comme dans tout le récital, la danse pure sera fait en vitesse moyenne, conformément à ce qu'enseignait K.P. Kittappa Pillai, le guru de la danseuse. Il n'y a aucune volonté de virtuosité. Par contraste avec ce qui se fait habituellement de nos jours, c'est extrêmement agréable à écouter et à regarder. Les mouvements expressifs de la danseuse sont extrêmement beaux et semblent être d'un autre temps.

Après une pièce introductive dédiée à Muruga et un kirtana de Shyama Shastri dédié à la Déesse aux yeux de poisson, Narthaki Nataraj a interprété le Varnam “Mohamana”, un grand classique. Je l'avais vu en août dans une chorégraphie de Rama Vaidyanathan qui avait pour ainsi dire enlevé tout l'aspect amoureux de la pièce. C'est donc avec un grand plaisir que j'ai apprécié cette interprétation (d'une chorégraphie de K.P. Kittappa Pillai). L'héroïne enamourée de Tyagesha (Shiva) perd le sommeil et l'appétit. Elle ne peut supporter les sons de la nature. Plus loin, l'amie de l'héroïne n'en peut plus de devoir transmettre des lettres entre l'héroïne et Tyagesha : au bout de quelques allers-retours, elle est épuisée. Ensuite, la ville de Thiruvarur est évoquée avec un éloge des arts (sculpture, musique) et un court développement d'une légende selon laquelle les roues d'un char avaient tué une vache et pour expier sa faute, le pilote avait sacrifié son fils. Enfin, l'héroïne cherche l'union avec celui qui chevauche le buffle. Plus loin, il y a eu une transition interminable du percussionniste : la danseuse au milieu de la scène s'est mise à clapper le tala pour ne pas se perdre avant de commencer la deuxième partie dans laquelle l'héroïne est touchée par les flèches de l'Amour et souffre de la séparation avec Tyagesha. Le chant des oiseaux la fait souffrir. La nuit, elle est ardente. Elle brûle d'amour à cause de la lumière de la Lune.

Le récital s'est terminé par trois pièces de pur Abhinaya. Le premier mettait en scène Shurpanakha décrivant la belle Sita à Ravana.

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Chennai, Jour 4/16 : Srekala Bharath

2018-12-25 22:30+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-25 à 19:00

Srekala Bharath, danse bharatanatyam

Padma Raghavan, nattuvangam

Dhanamjayan, mridangam

Preeti Mahesh, chant

M. Srikamani, violon

Invocation (Rupaka Tala)

Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna

Viruttam

Muruga Kavuttuam

Swarajati (Adi Tala, Raga Kamboji), composition du Thanjavur Quartette

Padam “Jagadhodharana” (Raga Kapi, Adi Tala, composition de Purandaradasa)

Javali (Adi Tala, Raga Kamas)

Thillana (Adi Tala, Raga Paras), composition de Pooci Srinivasan Iyengar

Kriti “Omkara Akarini” (Adi Tala, Raga Lavangi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna

Mangalam

Chroniquette express. Le récital de danse auquel j'ai choisi d'assister ce soir était celui de Srikala Bharath (disciple de KJ Sarasa, dont elle enseigne le style Vazhuvoor à Chennai). Elle a interprété un Margam de forme traditionnelle. La danseuse m'a semblé très en difficulté dans sa danse pure au début du récital. On n'entendait pas ses pieds (ce qui lui permettait de ne faire parfois qu'un pas sur deux). Cela s'est un peu amélioré par la suite, notamment dans le Swarajati en Raga Kamboji et Rupaka Tala du Thanjavur Quartette. Elle a très bien représenté les ornements de Shiva (peau de tigre, serpents...) qui au lieu d'effrayer l'héroïne la ravissent. Elle a aussi élégamment montré la jalousie de l'héroïne pour Parvati qui ne fait qu'un avec Shiva dans sa forme Ardhanarishwara. Quelques autres beaux moments dans l'Abhinaya de la danseuse, notamment dans Jagadhodharana, mais pas de grands frissons...

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Chennai, Jour 3/16 : Skaandam par la Chidambaram Dance Company (Chitra Visweswaran)

2018-12-24 23:08+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Depuis que je suis arrivé à Chennai, comme lors de mes séjours précédents, je prends des cours avec Master Kuttalam M. Selvam. Après mon deuxième cours de la journée, où il a commencé à m'enseigner l'Abhinaya d'un Shabdam consacré à Muruga, je me suis rendu au Brahma Gana Sabha pour assister à un programme thématique consacré à ce dieu. Les premiers spectacles de danses vus hier et avant-hier ne suivaient pas le modèle traditionnel du Margam (même en version réduite : il faut au minimum un Varnam, un Padam et un Thillana). Je me sentais en manque de Margam, et je n'osais espérer être satisfait avec un programme thématique dont les formats varient beaucoup. Non seulement, j'ai été satisfait sur ce point, mais le frissonomètre a grimpé très haut !

Brahma Gana Sabha, Sivagami Pethachi Hall, Chennai — 2018-12-24 à 19:00

Chidambaram Dance Company

Chitra Visweswaran, Priyadandapani, Vidhya Anand, Jai Queheni... (danse bharatanatyam)

R. Visweswaran, Lalgudi Jayaraman, etc. (musique)

Skaandam (Chitra Visweswaran)

Murali Parthasarathy, chant

Sukanya, nattuvangam

Venkat Subramaniam, mridangam

Tyagaraja, flûte

Sai Ganesh, vina

Dans le style de danse bharatanatyam, rares sont les chorégraphes qui parviennent à mettre en scène de façon intéressante des groupes. La seule exception que je connaisse est Chitra Visweswaran dont j'ai pu apprécier plusieurs productions : Anubhuti vu à Paris en 2013, Meera: The Soul Divine dont j'ai assisté à la création en juillet 2016 à Chennai. Je suis légèrement biaisé puisque lors de mes séjours à Delhi, je prends des cours avec une de ses disciples, mais les chorégraphies solo de Chitra Visweswaran sont excellentes et quand il s'agit de groupes elle est tout simplement géniale.

Le programme présenté ce soir au Brahma Gana Sabha est intitulé Skaandam (dieu aussi connu sous les noms de Kartikeya, Muruga, Guha, Kumara, Shanmukha, Subramanya, etc.). Après la récitation d'un mantra et d'une composition, le programme proprement dit a commencé par un Shloka sanskrit dédié à Muruga et dansé par Chitra Visweswaran. La danseuse développe élégamment la représentation du paon, la monture de Skanda.

Le Shloka s'enchaîne avec un Pushpanjali initialement dansé par huit danseuses de la Chidambaram Dance Company parmi lesquelles je reconnais Vidhya Anand et Jai Queheni. L'utilisation de l'espace par le groupe est magnifiquement bien reglé. Il s'agit alors de mettre en scène le combat entre les dieux et les démons, principalement sous la forme de quatre duels mettant chacun en opposition deux danseuses qui se défient l'une l'autre. La tournure des événements change radicalement quand une neuvième danseuse (Priyadandapani) entre en scène dans le rôle de Skanda. Il lutte, et assez étrangement, tue un éléphant et un tigre. La pièce se termine par un alignement de huit danseuses et à peu près autant de paires de bras représentant Skanda devant lequel se tient une danseuse faisant le paon. Un peu plus loin, en forme de transition, deux dévotes s'émerveillent en rappelant à leur souvenir celui qui est né de façon miraculeuse au bord de la rivière Ganga.

Le spectacle se poursuit avec un magnifique Varnam de Lalgudi Jayaraman (Raga Nilambari, Adi Tala). Il est interprété par neuf danseuses dans différentes configurations. Les passages techniques sont superbes. Les chorégraphies me semblent très musicales et toutes les danseuses savent utiliser les contrastes entre force et douceur dans leurs mouvements. Rarement une première vitesse d'un Trikala Jati ne m'a semblé aussi délectable ! La première ligne du Pallavi comporte le plus long développement sur la naissance de Skanda. Les dieux viennent voir Shiva pour lui demander d'avoir un fils qui pourra vaincre les démons. On voit aussi la rencontre de Shiva et Parvati, cette dernière prenant soin de lui alors qu'il est en méditation ; il réduira en cendres Kama quand celui-ci perturbera son ascèse. Plus loin, six nourrices s'occupent de l'enfant à six têtes et douze bras. Les motifs rythmiques des Tattu Muttu sont délicieux avec la moitié d'entre eux qui sont sur les temps et l'autre moitié qui est décalée, ce qui procure une sensation assez particulière. Le deuxième Tirmanam, dansé à trois, est particulièrement beau puisque la plupart des mouvements sont faits à contretemps par rapport aux syllabes récitées. Plus loin, la chorégraphie évoquera la dévotion à Skanda ainsi que sa monture. Assister à la deuxième moitié du Varnam a été un pur plaisir !

À peine le Varnam terminé, Chitra Visweswaran entre en scène pour une double pièce d'Abhinaya (dans les talas Adi Tala et Mishra Chapu). Le sens général de cette pièce m'a complètement échappé si ce n'est qu'à la fin son personnage s'émerveille en voyant Skanda aux 6 têtes et 12 bras. Par exemple, je n'ai pas compris pourquoi la danseuse avait évoqué très longuement un jeu de balle ? Cela dit, dans sa façon de faire les mouvements, on ne peut qu'admirer la maîtrise absolue de son art par l'interprète.

La programme se conclut par un Thillana très élaboré, commencé par Chitra Visweswaran, et poursuivi par ses disciples.

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Chennai, Jour 2/16 : K. Sadgurucharan, Mythili Prakash, Shijith Nambiar & Parvathy Menon, A Thillana Medley

2018-12-24 00:19+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-23 à 08:05

Vidwan K. Sadgurucharan

Panchamukhi Tala Avadhana

Pendant le festival de la Music Academy, des lecture-demonstrations sont organisées tous les matins dans la petite salle. Un des titres qui avait attiré mon attention était celui du mridangiste Vidwan K. Sadgurucharan.

Il a expliqué le concept de Panchamukhi Tala Avadhana. Il s'agit d'une performance consistant à clapper simultanément différents talas avec différentes parties du corps (cinq s'il s'agit de Panchamukhi et six s'il s'agit de Sanmukhi). Il a expliqué que des traductions télugu de textes sanskrits anciens contenaient des descriptions de telles performances par les dieux Shiva, Vishnu et Brahma. La première performance historiquement attestée date de 1914 par Narayana Dasu. Vidwan K. Sadguducharan a expliqué les différentes façons d'exécuter cela.

Le point culminant de la présentation fut sa démonstration de l'Ishwara Panchamukhi Tala Avadhana. Il a chanté une composition de Tyagaraja qui est originellement en Adi Tala, donc huit temps dont chacun est subdivisé en quatre ce qui fait 32 pulsations (rapides) par cycle rythmique. Dans sa performance, alors qu'il était assis sur une sorte de banc, il a frappé du pied gauche toutes les trois pulsations rapides (Tishra), du pied gauche toutes les neuf pulsations (Sankirna), de la main gauche toutes les sept pulsations (Mishra), de la main droite toutes les quatre pulsations (Chatushra) et toutes les cinq pulsations (Khanda), il faisait un mouvement simultané des deux épaules. Après le mouvement simultané des cinq parties du corps sur la toute première pulsation, il faut attendre 1260=4×5×7×9 pour que les cinq cycles indépendants se rejoignent à nouveau. Tout le monde n'est pas capable de clapper une pulsation de façon régulière. La plupart des gens arrivent à néanmoins à le faire. Je fais partie de ceux qui arrivent à clapper certaines combinaisons de deux pulsations plus ou moins indépendantes comme (3,4), (3,9), (3,6), (5,10), (7,14). Là il s'agissait d'un véritable prodige consistant à le faire pour le quintuplet (3,4,5,7,9) tout en chantant une composition en Adi Tala (sur un cycle de 8×4=32 pulsations, nombre qui ne divise pas 1260, ce qui nécessita une petite manipulation à la toute fin).

Cinq musiciens réputés avaient été conviés pour vérifier que la performance ne comporterait pas d'erreur : chacun devait surveiller une des cinq parties du corps. Quand ils se sont tous levés à la fin de la performance, le public a fait de même et Aruna Sairam, qui commente chacune des lec-dems en tant que Sangeetha Kalanidhi designate, s'est réjouie que l'on trouve encore des génies dans la musique carnatique aujourd'hui.

Voici cette performance en notation Benesh :

Notation Benesh d'Ishwara Panchamukhi

Le musicien a également fait une performance de Sanmukhi Tala Avadhana en clappant Adi Tala en six vitesses différentes (chaque vitesse étant deux fois plus rapide que la précédente). Il l'a fait en chantant un Varnam en Chatushra et Tishra-nadai.

Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 17:00

Mythili Prakash, danse bharatanatyam

D. Punaya, chant

Jayashree Ramanathan, nattuvangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Mohan Krishnamurthy, mridangam

The Dichotomy of the Goddess

J'ai assisté aux trois programmes de la soirée conclusive de la conférence Natya Darshan organisée par Priya Murle. La première performance est de Mythili Prakash, disciple de sa mère Viji Prakash et dont la mentor actuelle est Malavika Sarukkai.

La danseuse a présenté un Daru Varnam en Raga Kamas et Adi Tala de Harikesanallur Muthiah Bhagavatar, intitulé Māte malayadhvaja.....

Mythili Prakash a une technique de danse très élégante, tout en étant à la fois précise dans les lignes et le rythme. La pièce joue du contraste entre la douceur féminine et la vigueur de la Déesse en tant que combattante (impression de déjà vu avec le programme d'hier de Malavika Sarukkai...). En effet, le programme s'intitule The Dichotomy of the Goddess, et ce thème avait été introduit par des gestes des deux mains en Pataka dans une introduction présentant différentes images de femmes autour des mantras Ya Devi Sarva Bhuteshu et Ayi Girinandini Nanditamedini, qui eux-mêmes faisaient suite à une prière à celle qui était comparée de nombreuses manières à la fleur de lotus (Kamala). Dans l'unique ligne de Pallavi, la Déesse est la fille de la Montagne et la mère de Ganesh et Guha (Skanda). La danseuse élabore autour du thème de la femme-mère jouant avec ses enfants, les couchant, puis avec celui de la femme-amante. De façon à généraliser le propos à toutes les femmes, la chorégraphie contient peu de références précises à la Déesse en particulier, si ce n'est qu'elle a un fils ayant une tête d'éléphant. Dans l'Anupallavi et dans le Jati correspondant (en Tishra-nadai), la chorégraphie fait contraster d'une part la lenteur, la douceur, la femme séductrice, les beaux cheveux et d'autre part la vitesse, la brutalité des armes, la force guerrière, les cheveux défaits.

La pièce semble s'arrêter une première fois sur une femme en situation de détresse. Dans sa deuxième moitié, la structure du Varnam est quelque peu malmenée, les onomatopées se superposant parfois à la ligne de Caranam, les Swarams n'étant pas toujours dansés, et les arudis ne se finissant pas toujours au point prescrit, mais juste après. La danse va s'arrêter une autre fois, avec un passage accompagné du nattuvangam (bâton) pour le combat entre Mahishasura, le démon en forme de buffle, et la Déesse. De façon étrange, après cette victoire, le Varnam se finit sur une femme dans une situation de désespoir total.

Je ne suis pas vraiment convaincu par le concept autour de cette pièce ; les parallèles et oppositions ne me semblent pas très pertinents dans le cadre de cette composition musicale. La danse est élégante, mais émotionnellement le frissonomètre n'est pas monté très haut. Il est par ailleurs étonnant que la danseuse n'ait utilisé que 45 minutes de son créneau qui faisait plus d'une heure !

(Indépendamment de la danseuse, il m'a été difficile de me concentrer, les ouvreurs n'arrêtant pas de faire la police pour que les gens s'installent à une place qui corresponde au prix de leur billet ; ils faisaient entrer les retardataires auxquels ils montraient le chemin avec une puissante lampe, etc.)

Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 18:15

Shijith Nambiar & Parvathy Menon, danse bharatanatyam

D. Punaya, chant

Parthasarathy, nattvangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Karthikeyan Ramanathan, mridangam

J'ai en général peu d'affinités avec le style Kalakshetra, mais après la pause, le couple de danseurs Shijith & Parvathy a présenté un très beau programme. J'avais déjà eu l'occasion de voir une de leur disciple l'année dernière (elle avait eu le deuxième prix du festival Spirit of Youth). J'ai particulièrement apprécié la danse de Shijith Nambiar, dont l'Abhinaya m'a semblé très convaincant, même s'il s'agit davantage de description que d'incarnation, le seul sentiment humain véritablement représenté étant la dévotion.

Le programme a commencé par un magnifique Alarippu en Adi Tala dont la phrase de première vitesse occupait deux cycles, soit seize temps répartis en 16=7+9. Il s'agissait en fait d'un medley entre l'Alarippu et une composition dédiée à Shiva. Sur la phrase introductive ressemblant à Tat tai tai yum... répétée de nombreuses fois, Shijith joue le rôle du dévot de Shiva incarné par Parvathy Menon. Puis, la danse pure intervient. Que l'Alarippu soit en Adi Tala donne la sensation d'assister à un Trikala Tirmanam comme dans un Varnam. La pièce enchaîne avec la composition musicale dédiée à Shiva. Les danseurs se transforment en dévots qui entrent dans le temple de Shiva. C'est typiquement de l'Abhinaya Kalakshetra, mais c'est très bien fait. La phrase initiale de l'Alarippu revient en conclusion alors que les deux danseurs ont repris leurs rôles initiaux.

Les danseurs ont dansé un Jatiswaram en Ragamalika et Misra Chapu. Il est habituellement attribué au Thanjavur Quartette, mais il a été ici annoncé comme étant de Swati Tirunal, avec en outre la présence de paroles dédiées à Padmanabha sur la mélodie des Swarams. Dans l'interprétation, des shollus se sont parfois superposés à la mélodie, ce qui est assez étrange. La technique des deux danseurs est excellente. La chorégraphie comporte de nombreuses trouvailles, que ce soit en termes d'adavus ou en termes de duo (un des Swarams a ainsi été interprété plus ou moins en canon ou sous forme de questions et réponses). J'apprécie beaucoup les passages rythmiquement complexes quand ils sont à vitesse modérée. Leur capacité à exécuter des mouvements très rapides (frappes, tattu muttu) est impressionnante, mais il y a à mon avis, et c'est un travers typiquement kalakshetrien, une utilisation excessive des subdivisions des temps du cycle rythmique Misra Chapu. Ainsi, si certains passages sont impressionnants de virtuosité, il est regrettable qu'une véritable bataille ait lieu entre la mélodie de la composition rythmique et le rythme des pas de danse. Au contraire, plutôt que de se combattre, les deux devraient concourir au plaisir esthétique.

Le récital s'est poursuivi par une interprétation du vingt-troisième Ashtapadi Kṣaṇam Adhunā extrait du Gita-Govinda. La mise en musique par Rajkumar Bharati en Ragamalika et Misra Chapu n'est pas de nature à créer une atmosphère permettant aux émotions les plus subtiles de s'exprimer. Pourquoi donc insérer des Swarams ? et des frappes rythmiques ? S'il n'est pas complètement évité, le caractère érotique est assez largement laissé de côté. Je retiens surtout la préparation des deux amants, Shijith interprétant Krishna nouant son dhoti, mettant une plume de paon dans ses cheveux, se massant avec de la pâte de santal, etc. Plus loin, il lancera des flèches florales.

Le récital s'est conclu sur un Ardhanarishwara en Khanda Chapu et Brindavani Sarang (raga hindustani) également mis en musique par Rajkumar Bharati d'après des vers de Shankaracharya et des textes tantriques. Je ne retiens pas grand'chose de cette pièce plutôt descriptive si ce n'est le leitmotif chorégraphique constitué par l'association d'une main du danseur et de la danseuse pour former le mudra représentant le Shiva-linga.

Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 19:30

Sanatkumar, Athul Balu, Vishnu Bhasi, Sudarshini Iyer, Manaswini Korukkai, Sivasri, Ananthashree, Jai Queheni, Arul, danse bharatanatyam

Destination: The Self, A Thillana Medley

KP Rakesh, chorégraphie

Sri Kasi, nattuvangam

Nandini Anand Sharma, chant

Easwar Ramakrishnan, violon

KP Ramesh Babu, mridangam

La soirée s'est terminée par un medley de Thillanas (en Rupaka Tala, Adi Tala en Chatushra- ou Tishra-nadai et divers ragas) interprété par neuf jeunes danseurs. Il s'agit d'une chorégraphie commandée spécialement à KP Rakesh de Kalakshetra, dont Priya Murle a étrangement annoncé qu'il était un Nattuvanar (terme strictement réservé aux membres des familles héréditaires qui pratiquent l'art du nattuvangam) représentant le style de Balamma (?!??), alors qu'il a été formé à Kalakshetra.

La chorégraphie était agréable à regarder. Les séquences rythmiques sont plutôt musicales et utilisent bien le groupe de danseurs (entre 3 et 9 présents sur scène à un instant donné). Dans le groupe, j'ai particulièrement apprécié la délicieuse danse de Jai Queheni, disciple de Chitra Visweswaran.

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Chennai, Jour 1/16 : Malavika Sarukkai

2018-12-22 22:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII

Je suis arrivé cet après-midi à Chennai après une relativement courte correspondance à l'aéroport de Delhi. Au guichet de l'immigration, pour la première fois en dix-huit entrées, on me demande ce que je viens faire en Inde. Vous venez pour un camp de méditation ou de yoga ? Ah non, pas vraiment, je viens pour la saison de musique et danse. Et, vous pouvez le prouver ? Euh, oui, coup de bol, j'ai un billet pour un concert le 29 décembre. Et à part ça ? Par exemple ce soir je vais voir Malavika Sarukkai. Comment vous épelez ce nom ? Comment dire, il y a pleins de spectacles tous les jours, je ne vois pas trop l'intérêt de vous donner toute la liste...

En sortant de l'aéroport à pieds, je mets un peu plus de temps que d'habitude pour trouver la station de train Tirusulam pour rejoindre rapidement le centre de Chennai d'où je prendrais un rickshaw pour rejoindre l'appartement où je vais séjourner à Alwarpet. Arrivé au carrefour de la Music Academy, le pilote de rickshaw s'apprête à tourner dans la direction opposée ! Heureusement, je pourrai faire office de copilote jusqu'à l'arrivée.

L'appartement où je suis est stratégiquement placé à proximité du Narada Gana Sabha, du Brahma Gana Sabha et de la Music Academy. À peine arrivé, je repars pour la salle de spectacle où se déroule le festival du Brahma Gana Sabha.

Brahma Gana Sabha, Sivagami Pethachi Hall, Chennai — 2018-12-22 à 19:00

Malavika Sarukkai, danse bharatanatyam

Murali Parthasarathy, chant

Nellai Balaji, mridangam

Malavika Sarukkai est certainement une des danseuses de bharatanatyam les plus connues. Je ne l'avais jusqu'à maintenant jamais vue en spectacle. Elle a assurément une présence scénique impressionnante. L'art de l'expression (Abhinaya) n'est pas vraiment son point fort. D'un point de vue strictement narratif ou descriptif, ce qu'elle fait est impressionnant (mais un peu exagéré), mais en termes émotionnels, je reste vraiment sur ma faim. Son point fort est son assez extraordinaire travail sur le rythme (pour lequel elle a été aidée par le percussionniste MS Sukhi dans sa pièce principale). Ses frappes sont extrêmement vigoureuses, et on entend ainsi assez bien le jeu rythmique auquel elle se livre. Ces pas sont insérés en permanence dans son Abhinaya, dans des proportions qui malheureusement détournent l'attention vers le rythme au dépens du sens.

Après le mantra Om Namah Shiva et une composition en Khanda Chapu (à moins que ce ne soit Khanda-nadai Adi Tala) commençant par Prabhu... qui évoquait les divers attributs de Shiva (le croissant de Lune, la Ganga, les cheveux défaits, le cercle de feu, son épouse, le lingam, etc.), elle a interprété une pièce principalement rythmique faisant se succéder jatis et swarams. À la fin de chaque séquence, un Arudi est exécuté qui marque le cinquième temps, puis, ô surprise, marque aussi le septième temps après des frappes virtuoses, et deuxième surprise, marque aussi parfois le premier temps du cycle suivant.

La pièce principale aborde le thème de Mahishasuramardini, à savoir du triomphe de la Déesse contre le démon Mahisha. Le texte est extrait du Devi-mahatmya (qui fait partie du Markandeya-Purana), des extraits que j'ai eu l'occasion de lire il y a quelques mois lorsque j'ai réalisé la notation Benesh d'une chorégraphie de Sucheta Chapekar qui aborde aussi ce thème (de façon beaucoup plus brève). La pièce repose sur le contraste entre d'une part la brutalité de ce démon et la fureur de la Déesse combattante et d'autre part la beauté et la délicatesse de la Déesse dans ses formes plus apaisées. Le corps de lotus de la Déesse, ses beaux seins d'une part, et d'autre part elle porte aussi le trident, chevauche le tigre. La représentation de la fureur n'est pas très subtile. Ainsi, par exemple, la danseuse a traversé la scène de l'arrière vers l'avant en mode Déesse chevauchant un tigre qui sautait en mode sauterelle (on est ni dans la stylisation d'une intention ni dans l'imitation naturaliste du tigre ; je ne sais pas très bien où on est...). La Déesse ne sait pas très bien dans quelle main tenir son arc. Parmi les métamorphoses du démon Mahisha, la chorégraphie représente sa transformation en éléphant. Certes il s'agit d'un éléphant surexcité, mais la vitesse des mouvements de la danseuse ne permet pas de croire qu'il s'agit véritablement d'un éléphant. La pièce se conclut par une longue prière adressée à la Déesse. Il y a un gros travail rythmique dans cette pièce et une volonté d'impressionner (qui a manifestement fonctionné sur le public), mais alors que ma vénérable voisine me confiait This was something!, je ne pouvais que répondre It's special....

La danseuse interprète ensuite le classique Krishna Ni Begane. Le très jeune Krishna suscite l'émerveillement de sa mère adoptive Yashoda. Les mouvements expressifs de la danseuse sont très convainquants. C'est du travail bien fait, mais je ne suis nullement ému par l'essentiel de la pièce, qui est bien sûr agrémenté de très nombreuses frappes de pieds, surtout quand Yashoda admire les grelots de Krishna. Le plus beau moment a été à la fin quand, en ouvrant la bouche, Krishna révèle à sa mère qu'il est Vishnu et qu'il ne fait qu'Un avec tout l'Univers.

Suit l'Ashtapadi “ललितलवङ्ग dans lequel l'interprète représente le printemps de nombreuses manières, en agrémentant la description d'un formidable jeu rythmique, mais on passe pour ainsi dire presque complètement à côté des sentiments que ce printemps suscite chez les bouvières. Les sentiments humains ne seront présents que lors de la sortie de scène de la danseuse qui alterne alors entre une femme amoureuse et un homme qui la suit.

J'aurais eu une opinion extrêmement mitigée de ce récital s'il n'y avait pas eu le Thillana de Lalgudi Jayaraman (Raga Mohanakalyani/Adi Tala). Ce fut véritablement une merveille. Cette composition rythmique, que j'ai eu l'occasion d'entendre à Paris il y a quelques semaines de cela, présente une particularité rythmique intéressante : les phrases musicales ne commencent pas sur le premier temps, ce qui n'est en soi pas rare, mais elles commencent une moitié de temps avant le premier temps. Les phrases chorégraphiques doivent alors en principe aussi commencer avant le premier temps et se finir juste avant le même endroit, ce qui procure une sensation assez unique quand la danse est interprétée de façon très musicale quand l'a fait Malavika Sarukkai.

Le récital s'est conclu avec Vande Mataram et une ultime violente frappe de pieds sur le dernier temps de la composition.

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Anusha Cherer au Centre Mandapa

2018-12-02 07:22+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2018-11-29

Anusha Cherer, danse bharatanatyam

Pushpanjali (Adi Tala, Ragaa Arabhi), chorégraphie de Sivaselvi Sarkar

Krishna Kavuttuam (Adi Tala), chorégraphie de Lavanya Ananth

Varnam (Adi Tala, Raga Reethi Gowla, composition de Vadivelu), chorégraphie de Rama Vaidyanathan

Ashtapadi #12 “नाथ हरे (Mishra Chapu Tala, Raga Vasanthi), chorégraphie de Bragha Bessell

Tillana (Adi Talam, Raga Brindavani, composition de Dr. M. Balamuralikrishna)

J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Anusha Cherer en 2015. J'avais alors été particulièrement impressionné par la musicalité de sa danse. Bien que centrées sur le thème de Shiva & Shakti, les pièces de ce récital avaient été extrêmement techniques. Son récital du 29 novembre 2018 au Centre Mandapa se rapproche davantage du format traditionnel du Margam et a permis d'apprécier plus en profondeur son travail.

Anusha Cherer est très certainement une des toutes meilleures danseuses de bharatanatyam en France. Certaines aspects que l'on peut apprécier dans ce style de danse étaient tous réunis au cours du récital : expressivité dans l'Abhinaya, musicalité dans les frappes de pied, araimandi (demi-plié), etc. Parfois, certaines maladresses ou très légères faiblesses pouvaient bien apparaître à un moment donné dans l'un ou l'autre de ces aspects, mais globalement, le récital m'a semblé très satisfaisant. Il est évident que la danseuse a beaucoup travaillé pour préparer un récital et donner le meilleur d'elle-même autant dans les aspects les plus athlétiques, virtuoses et rythmiques, que dans son Abhinaya.

À propos de la présentation des pièces, il est dommage que les noms des compositeurs et chorégraphes et les ragas n'aient pas été annoncés. (Merci à la danseuse de m'avoir communiqué ces informations, qui ont été ajoutées ci-dessus.)

Le Pushpanjali met en valeur la précision rythmique de la danseuse. La première phrase musicale répétée se finissant par un silence, les premières phrases chorégraphiques se terminent par une pose plutôt que par la ponctuation habituelle, ce qui est assez étonnant. La pièce se termine par un éloge du dieu Ganesh.

La deuxième pièce est un Krishna Kavuttuam dont l'orchestration me paraît quelque peu surchargée, surtout au début. En tant que Kavuttuam, cette pièce est étonnamment longue. Elle évoque plusieurs légendes autour de Krishna, principalement sous la forme de passages narratifs combinés à des pas techniques accompagnées d'onomatopées chantées. Celui qui a un visage de lotus et aime manger du beurre a soulevé le mont Govardhana, dompté le serpent Kaliya, vaincu Kamsa. La chorégraphie met aussi en scène la vision extraordinaire de Yashoda quand elle demanda à son fils adoptif d'ouvrir la bouche tandis qu'elle le soupçonnait d'avoir mangé de la terre.

La pièce centrale du récital est un Varnam en Adi Tala dédié à Padmanabha (Vishnu). Quand la danseuse se place au fond de la scène dans une position neutre avant que la pulsation entre dans la musique, elle semble déjà incarner l'héroïne, qui n'a que ses yeux pour exprimer la distance qui la sépare de Padmanabha. Pendant toutes les marches préparatoires aux trois tirmanams présents dans la première partie du Varnam, la danseuse est impressionnante de précision rythmique. Le premier Tirmanam (Tri-kala) est sur le motif “Ta di nutadimi ta di nutadimi ta nutadimi ta dimita kitataka” et comporte un passage en tishra-nadai. Quand la première ligne du Pallavi reprend (et plus tard pour chacune des lignes de la première moitié du Varnam), la danseuse exécute avec une extrême conviction une formule rythmique élaborée qui se finit étrangement non pas sur le cinquième temps ni sur le premier temps du cycle, mais semble-t-il quelque part entre le sixième et le septième temps, ce qui est très inhabituel, mais qui semblerait ici guidé par la présence en un endroit particulier du cycle d'un point d'appui dans le texte chanté. La musicalité de la danseuse était très agréable à entendre dans les Tattu Muttu exécutés de façon très gracieuse avec le haut du corps et avec des contrastes appropriés de nuances dans les frappes de pieds : il n'est pas nécessaire de regarder les pieds pour savoir si les frappes vont par groupes de 4 ou de 3, ce qui est loin d'être le cas avec toutes les danseuses. Les mêmes remarques s'appliquent très largement dans les phrases rythmiques composant les Tirmanams, à l'exception des phrases conclusives dans laquelle la danseuse semblait parfois plus en difficulté. En effet, dans ces formules élaborées, la dernière frappe (diditai) des tarikitatom ou ginatom adavus était systématiquement silencieuse et pas toujours exactement en place rythmiquement ; quand plusieurs de ces adavus se suivaient, la musique des tirmanams en était à mon avis altérée au point d'empêcher à l'euphorie créée par le début de la séquence d'atteindre son climax.

Pour la première ligne du Pallavi, la danseuse est rapidement passée à un Sanchari dans lequel l'héroïne compare Padmanabha à un arbre qui serait pour elle comme un pilier. Je ne sais pas si j'aurais compris la métaphore si elle n'avait pas été expliquée dans la présentation de la pièce. Néanmoins, la danseuse représente de façon très belle et extrêmement développée l'arbre des racines jusqu'aux feuilles les plus hautes. Après le deuxième tirmanam tout en Tishra-nadai, tous les sens de l'héroïne sont submergés par les sensations procurées par Padmanabha : le son de ses pas, son odeur de pâte de santal, le goût de sa bouche. Si chacuns de ces trois sens est traité successivement de façon fort élégante, je trouve dommage que la présence de Padmanabha reste pour ainsi dire implicite. S'agit-il effectivement de Lui dont véritablement l'héroïne entend les pas, sent le parfum ou embrasse la bouche ? Ou bien de façon plus sage, s'agit-il de sensations de sa vie ordinaire qui lui rappellent Sa présence ? Dans l'Anupallavi, le dieu de l'Amour atteint l'héroïne de ses traits floraux. Ardente, elle est submergée par son feu intérieur.

La deuxième partie du Varnam commence par un Tirmanam extrêmement rapide et brillamment exécuté. Les Arudis et Tattu Muttu seront exécutés avec encore plus de conviction que dans la première partie ! La danseuse sera parfois en avance au démarrage de certaines séquences techniques (Swaram), mais c'est sans importance par rapport à la joie que procure l'ensemble de cette deuxième partie. L'héroïne voudrait être l'épouse de Padmanabha (celui dont un lotus émerge du nombril). Sans Vishnu, elle se sent comme un poisson dépérissant dans une mer asséché.

Le programme se poursuit ensuite avec une pièce de pur Abhinaya, le douzième Ashtapadi “नाथ हरे”, qui a été magnifiquement bien interprété. En relisant le poème de Jayadeva, je suis encore davantage critique sur la façon dont la pièce a été présentée. Je pense que dans la présentation des pièces de bharatanatyam, il faudrait faire une distinction claire entre ce que dit le texte qui est chanté et ce qui relève de l'imagination du chorégraphe. Il n'est peut-être pas indispensable de traduire toutes les lignes du texte, au moins celles qui donneront lieu aux plus grands développements. Par ailleurs, pour guider les spectateurs, pour ce qui n'est pas évident à discerner, on peut indiquer comment tel ou tel thème sera traité. Sinon, à mon avis, confondre le texte et son interprétation, c'est tuer la poésie. Par exemple, alors qu'elle trébuche dans la forêt, elle croit que c'est Krishna qui lui attrape la jambe, alors que ce n'était qu'une liane. C'est plus ou moins ainsi qu'a été présentée la deuxième strophe et le refrain “Râdhâ courant vers Toi, en hâte et désespoir, trébuche en ces taillis, titube et tombe. / Hari, Seigneur, vois donc comme elle souffre en sa retraite !” (traduction de Jean Varenne). Peut-être aurais-je apprécié encore davantage l'interprétation dansée si seulement la version poétique du texte avait été présentée ? De même, il n'était peut-être pas nécessaire de présenter d'autres éléments un peu triviaux de la chorégraphie (comme Râdhâ soulevant les jupes de ses amies pour voir si Krishna s'y trouve). Le seul regret que j'ai par rapport à la danse en elle-même est que la pulsation délicieusement irrégulière du cycle rythmique Mishra Chapu a été complètement absente de la danse. La musicalité a aussi son importance dans les pièces de pur Abhinaya : les pas n'ont pas vocation a être fixés à l'avance, mais c'est toujours mieux quand les pas, regards et accents dans la gestuelle s'accordent parfaitement avec la musique. Il est vrai que très peu d'interprètes en sont capables, même en Inde, mais c'est un plaisir de spectateur assez indiscriptible quand c'est le cas.

Ce très beau récital s'est conclu par un joyeux Tillana dédié à Krishna.

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Geoffrey Planque au Gymnase (Lille)

2018-02-12 19:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Le Gymnase, Lille — 2017-06-24

Geoffrey Planque, bharatanatyam

A. Lakshman Swamy, chorégraphies

Sabine Pandaredattil, chorégraphie du Padam

Jatiswaram (Raga Saveri, Rupaka Tala)

Purvanga du Varnam “Saami naan undan adimai enruulagamellam ariyume” (Adi Tala, Raga Natakuranji), composé par Papanasam Sivan

Padam (Raga Behag, Adi Tala)

Thillana (Raga Revati, Adi Tala), composé par Madurai N. Krishnan

En juin dernier, j'ai passé une journée à Lille pour assister à un récital de danse bharatanatyam par un danseur masculin, Geoffrey Planque. Élève de Sabine Pandaredattil, il est devenu depuis 2013 le disciple de Guru A. Lakshman Swamy, un des chorégraphes parmi les plus intéressants actuellement dont j'avais déjà pu apprécier le travail lors d'un magnifique récital de son élève Sudharma Vaithiyanathan à Chennai en 2015. Il avait d'ailleurs fait connaissance avec le style d'A. Lakshman Swamy lorsque celui-ci était venu avec ses élèves à Paris pour participer à un spectacle de la danseuse Priya Venkataraman (j'y étais aussi !).

Le récital fait partie du festival sab kuch milega. À l'approche de la salle du Gymnase, un grand drapeau indien me fait comprendre que je suis sur la bonne direction. Le récital de danse est précédé par un solo du sitariste Arnaud Eurin qui a interprété de façon très élaborée et habitée Raga Desh, puis Raga Kalavati.

Geoffrey Planque
Geoffrey Planque ©Baptiste Muzard Photographe

Le récital de Geoffrey Planque commence par un Jatiswaram en Raga Saveri et Rupaka Tala. Pratique assez rare actuellement, le danseur semble tracer des lignes au sol lors des frappes qui précèdent le très court passage accompagné d'onomatopées (Jati). Dès le début de cette pièce de danse pure, je comprends immédiatement que ce récital va me procurer beaucoup de plaisir de spectateur ! La technique du danseur est exceptionnellement bonne. Il n'y a pas un mouvement qui ne soit pas fait à 100%. Son demi-plié est très bon, et quand il frappe le talon sur le côté, sa jambe est impeccablement tendue. Les mouvements de tête et de bras sont très nets. Il fait aussi preuve d'une grande souplesse quand certains mouvements imposent de poser un genou au sol et son phrasé est superbe quand dans un enchaînement il met en valeur la première vitesse, c'est-à-dire la vitesse lente des mouvements chorégraphiques. Dans le Vazhuvoor bani, une des grandes familles stylistiques du bharatanatyam, il est de coutume d'agrémenter d'un ou plusieurs sauts la formule conclusive d'un enchaînement. Il y en eut quelques uns dans ce récital, notamment dans le Jatiswaram. Un autre saut de ce type fut particulièrement jouissif (peut-être était-ce dans la pièce suivante) et il me fait penser au saut légendaire de Nijinski à la fin du Spectre de la Rose à propos duquel le chorégraphe Michel Fokine écrivait : On a écrit tant et plus sur Le Spectre. Beaucoup de choses vraies sur l'interprétation prodigieuse de Karsavina et de Nijinski et sur la poésie de l'ensemble. Mais aussi beaucoup de choses inventées et exagérées à propos du dernier bond de Nijinski. Les applaudissements qui suivirent son « envol » par la fenêtre ne furent pas causés par la hauteur de ce saut, mais parce qu'il était la conclusion d'une danse éthérée, légère et poétique, immensément difficile à interpréter que Nijinski exécuta de façon magnifique.. Ici non plus, ce n'est pas forcément le saut en lui-même qui déclenche l'émotion et l'admiration, mais il vient davantage parachever le sentiment de contentement que la séquence de danse avait installée.

Dans la musique enregistrée des pièces chorégraphiées par A. Lakshman Swamy, on entend le chant de K. Hariprasad, un des musiciens les plus appréciés lors des récitals de bharatanatyam à Chennai. L'entendre chanter le Varnam “Saami naan undan adimai enruulagamellam ariyume” en Raga Natakuranji, Adi Tala, composé par Papanasam Sivan était à elle seule une raison presque suffisante pour faire le déplacement à Lille. D'un point de vue musical, il s'agit d'un des plus beaux Varnam du répertoire. Il est très souvent représenté. J'ai vu de nombreuses chorégraphies de cette pièce. Le texte évoque l'adoration du dieu Shiva. Dans la globalité de la composition, on ne peut ignorer le sentiment amoureux qu'éprouve l'héroïne pour le dieu ; c'est particulièrement clair dans la deuxième partie Uttaranga du Varnam. Certaines interprétations effacent complètement l'aspect amoureux et le transforment en dévotion religieuse : cela m'avait passablement agacé quand j'avais vu Renjith & Vijna dans ce Varnam. D'autres m'ont semblé beaucoup plus intéressantes comme celles de Navia Natarajan au Centre Mandapa le 14 juin 2016, ou entretemps, de la très jeune S. Bhagyalakshmi au Festival Spirit of Youth à la Music Academy à Chennai le 1er août 2017.

À un danseur masculin, je ne ferais pas le reproche de n'avoir pas doué le héros qu'il incarne de sentiments amoureux pour Shiva, et ce d'autant plus que seule la première partie Purvanga du Varnam a été interprétée lors de ce récital. Les passages expressifs de cette danse sont très réussis. Le texte tamoul est rendu parfaitement intelligible par sa gestuelle et son expression qui n'ont rien de scolaire : tout est très habité. La première ligne du Pallavi donne lieu un développement (Sanchari) autour de la dévotion pour Shiva. La deuxième ligne évoque celui qui est mi-homme mi-femme et qui est le maître des cinq éléments, auquel le dévôt dit en suppliant “Ne sois pas indifférent”. Dans l'Anupallavi, la première ligne évoque le contentement procuré par la récitation des noms de Shiva tandis que la deuxième ligne Natanamadum sevadi... évoquant son pied dansant est illustrée par plusieurs très courtes séquences techniques. Le Muktayi Sahitya décrit les divers ornements (cheveux, croissant de Lune, rivière Ganga) de celui qui danse à Chidambaram. Une certaine poésie poésie se dégage de l'ensemble de cette première partie de Varnam.

J'éprouve une certaine admiration pour le chorégraphe. Sa récitation des syllabes dans les jatis n'est pas absolument métronomique (son tempo fluctue sensiblement pendant certaines séquences rythmiques, ce qui est un obstacle pour apprécier en tant que spectateur les aspects rythmiques les plus subtils lors d'un visionnage unique sur une musique enregistrée). Cependant, sa diction et son phrasé sont assez exceptionnels, ce qui rend l'écoute très agréable. Ses chorégraphies techniques à la fois très belles et très ancrées dans la tradition sont superbement interprétées par Geoffrey Planque. (Voir cet extrait sur YouTube, qui doit être le troisième Jati du Varnam. À la fin de la vidéo, les pas de danse basculent en Tishra nadai, c'est-à-dire en subdivisions ternaires.).

Le danseur a ensuite interprété un Padam sur un rythme vif évoquant les exploits du jeune Krishna. Huitième fils de Devaki. Il devait être tué par Kamsa qui voulait se prémunir de la malédiction qui devait causer sa perte, mais son père Vasudeva parvint à sauver le nouveau né. La chorégraphie représente Vasudeva portant Krishna lors de sa traversée de la rivière Yamuna qui s'était séparée en deux par miracle. L'enfant sera ensuite élevé par Nanda et Yashoda, fera quelques bêtises, comme grimper pour voler du beurre, avant de vaincre Kamsa. La chorégraphie de Sabine Pandaredattil est très lisible, mais laisse peu de répit au danseur et aux spectateurs, tant les épisodes s'enchaînent à grande vitesse !

Le récital se conclut par un magnifique Tillana en Raga Revati et Adi Tala composé par Madurai N. Krishnan. Il est dédié à la Déesse Bhuvaneshwari, la Reine de l'Univers, qui est partout et ressemble au souffle vital ; elle offre un raz-de-marée de bénédiction, celle qui est vénérée par le compositeur Krishnadasa. (Il se trouve qu'entretemps, j'ai moi-même appris à Delhi auprès d'Arupa Lahiry une autre chorégraphie de ce Tillana due à Chitra Visweswaran.)

J'espère avoir prochainement de nouvelles occasions de voir ce danseur exceptionnel, qui a très récemment fait ses débuts sur scène à Chennai !

(Voici un lien vers son site aksalab.)

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Armelle et Kalpana au Centre Mandapa

2017-06-19 23:00+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

J'ai pris un certain retard dans la rédaction de comptes-rendus de spectacles. À l'occasion de la rédaction de celui concernant le récital d'Armelle Choquard et Kalpana, je reviens rapidement aussi sur celui donné il y a environ un an au Centre Mandapa par Kalpana et deux de ses élèves (Fanny et Iran).

Centre Mandapa — 2016-06-05

Kalpana, Iran Farkhondeh, Fanny Wiard, bharatanatyam

V. S. Muthuswamy Pillai, chorégraphies

Kalanidhi Narayanan, chorégraphie du Javali

Sangeeta Isvaran, chorégraphie du Padam “Yaare Kaagilum”

Alarippu (Tisra Ekam Tala) dansé par Kalpana

Muruga Kautwam (Raga Shanmukhapriya, Chatushra Ekam Tala) dansé par Fanny

Varnam “Sakiye Inda Velaiyil...” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala) dansé par Iran

Padam “Yaare Kaagilum” (Raga Begada, Mishra Chapu Tala) dansé par Fanny

“Kalai Tooki” (Raga Harikamboji, Adi Tala) dansé par Fanny

Javali “Smara Sundaranguni” (Raga Paras, Adi Tala) dansé par Kalpana

Tala Vadyam (Panch-nadai Adi Tala) dansé par Kalpana, Fanny & Iran

Après une prière chantée Mahaganapati Manasa (Muthuswami Dikshitar), Kalpana a interprété l'Alarippu (Tishra Ekam). Muthuswamy Pillai a beaucoup innové en composant de nouveaux Alarippus et surtout en en proposant des chorégraphies extrêmement créatives qui s'écartent radicalement du vocabulaire habituellement utilisé pour ce type de pièces. Cependant, la chorégraphie de cet Alarippu utilisant la composition traditionnelle en Tishra Ekam est on ne peut plus traditionnelle, tout au plus utilise-t-il quelques diagonales et quelque motif rythmique particulier dans la phase de découpage de l'espace en troisième vitesse. Dans l'interprétation de Kalpana, j'apprécie particulièrement le phrasé étiré dans la première vitesse de la séquence utilisant les Kuttadavus.

Fanny a interprété ensuite un Kautwam dédié à Muruga, le fils de Shiva reconnaissable aux mudras Shikhara et Trishula. La danseuse ne paraît pas absolument à l'aise dans ses toutes premières frappes, mais la situation s'arrange très rapidement et j'apprécie particulièrement les adavus à une seule main caractéristiques du style de Muthuswamy Pillai. La monture de Muruga, le paon, est représentée dans ce Kautwam, mais les mouvements sont beaucoup plus martiaux que dans une version que j'ai pu observer dans la salle de danse du fils du chorégraphe, M. Selvam, dans laquelle les mouvements du paon étaient suggérés par une délicieuse ondulation des bras de son élève.

Je reviens maintenant sur la pièce principale de ce récital, le Varnam en Raga Anandabhairavi “Sakiye Inda Velaiyil” dansé par Iran. En dehors de rares spectacles de danseuses indiennes visitant le Centre Mandapa (et autrefois le Musée Guimet), on a rarement l'occasion de voir à Paris un Varnam aussi bien interprété ! La composition est attribuée au Thanjavur Quartet (mais je ne me risquerai pas à préciser lequel des quatre frères l'a composé : les sources divergent). Sans même parler des compositions rythmiques (tirmanams) de Muthuswamy Pillai, ce Varnam présente une particularité rythmique qui en fait une exception parmi les compositions de musique carnatique : le texte de la composition ne commence pas sur le premier temps. (C'est le deuxième Varnam que je vois qui présente cette particularité, après “Manavi Chekonaradha” (Raga Shankarabharanam) dansé par Lavanya Ananth.) Dans certaines versions de ce Varnam en Anandabhairavi, le texte des différentes parties du Pallavi et de l'Anupallavi commencent entre le deuxième et le troisième temps. Dans celle-ci, le texte commence sur le deuxième temps. Ainsi, les quatre premiers passages rythmiques (tirmanams) se finissent juste avant le deuxième temps. Habituellement, les tirmanams sont introduits par une formule rythmique comme “Dhalan-gu takadiku takatadi kitatom-” qui se finit juste avant le premier temps, là où commence le tirmanam. Cette règle, que je croyais absolue, trouve une exception dans ce Varnam, puisque Muthuswamy Pillai fait commencer les quatre premiers tirmanams non pas sur le premier temps, mais sur le deuxième temps. (Ainsi, le “Dhalangu” ne s'étend pas sur les septième et huitième temps, mais sur le huitième et le premier temps.) Je conjecture donc que ces Tirmanams n'ont pas été composés spécialement pour ce Varnam par Muthuswamy Pillai, mais qu'il a plutôt recyclé des Tirmanams composés préalablement en Adi Tala pour des Varnams qui ne présentaient pas la particularité rythmique de ce Varnam en Anandabhairavi. Ces tirmanams, dont j'ai pu étudier en détail la composition rythmique entretemps, sont magnifiquement architecturés. Les deux premiers commencent avec des subdivisions binaires des temps (Chatushra nadai), puis basculent en Tishra-nadai (subdivisions en trois ou six). Le troisième jati “Ta dit ta gadim dim kitataka...” est une véritable merveille : sa formule conclusive commence en Chatushra-nadai et se finit en Tishra-nadai. Comme cette formule est répétée trois fois, on trouve au cours de la récitation de nombreux allers-retours entre Chatushra-nadai et Tishra-nadai, ce qui est un procédé rare à l'intérieur d'un Tirmanam. La construction de ce Tirmanam donne une certaine idée du génie de Muthuswamy Pillai... Je regrette cependant qu'à chaque fois qu'il bascule en Tishra-nadai, il ralentisse aussi légèrement le tempo de la pulsation principale. Ce type d'irrégularité dans le tempo est pour moi un frein pour apprécier dès le premier visionnage l'essentiel de la beauté rythmique des compositions, mais très rares sont les interprètes qui parviennent à conserver une régularité métronomique quand ils passent de subdivisions des temps en quatre à des subdivisions en trois et inversement. Contrairement aux précédents, le quatrième jati est entièrement en Chatushra-nadai, mais cette fois-ci les subdivisions en huit des temps sont par moments regroupés en trois, ce qui est du plus bel effet. Le Charana jati possède aussi une architecture magnifique tout en Tishra-nadai.

L'interprétation de ce Varnam par Iran a été magnifique. Mon expérience de spectateur a cependant été perturbée par ce qui m'a semblé être un problème dans la sonorisation : les parties mélodiques étaient parfaitement écoutables, mais la voix de Muthuswamy Pillai était difficilement audible dans les Tirmanams. En particulier, les formules introductives “Dhalan-gu takadiku takatadi kitatom-” étaient essentiellement inaudibles, ce qui est très problématique pour pouvoir apprécier le rythme des compositions lors de la première écoute. Il est possible que cela ait gêné aussi la danseuse, puisque que parmi les très rares éventuels défauts dans son interprétation, il m'a semblé, mais je peux me tromper, que ses marches en arrière à contretemps précédant les Tirmanams n'étaient pas synchronisées avec la musique.

Dans la première partie du Pallavi, l'héroïne est séparée de son amant. Sa souffrance est notamment illustrée par le fait qu'elle ne supporte plus le parfum des fleurs. Son amie ne l'aide pas. Dans la deuxième partie, elle exhorte son amie à aller lui dire de venir. Ce n'est peut-être pas dans cette section du texte de la composition, mais la chorégraphie décrit la ville céleste de son amant. Dans la première partie de l'Anupallavi, on s'émerveille de la beauté de la ville de Rajanagar où réside Rajagopalan dont la deuxième partie de l'Anupallavi évoque le disque et la conque, attributs de Vishnu. J'ai apprécié l'engagement émotionnel de la danseuse dans les sections expressives. Le plus beau moment du Varnam a sans doute été pour moi le Tattu Muttu du Muktayi Sahitya “Nagarikamighavum...”. Il s'agit d'une partie hybride puisque les pieds exécutent des mouvements rythmiques et le haut du corps exprime les émotions du personnage. Il est fréquent que l'aspect rythmique prenne légèrement le dessus par rapport à l'expression des sentiments dans ce type de séquences, mais dans les autres Tattu Muttu de ce Varnam, et tout particulièrement dans celui-ci, la danseuse était complètement immergée dans le personnage. Tout en exécutant des mouvements de pieds sur place, les gestes de l'héroïne cherchant l'union avec son amant étaient accompagnés de mouvements du torse d'une exceptionnelle intensité émotionnelle. Je ne crois pas avoir jamais vu chez d'autres interprètes quoi que ce soit de comparable. (Le seul point technique que je pourrais éventuellement critiquer est le faible degré d'ouverture des pieds, et ce d'autant plus que l'on avançait dans le Varnam, la fatigue s'accumulant. Je ne suis pas du tout pour un en-dehors parfait (180°) comme ceux des danseurs de ballet, ce qui est à la longue dangereux pour les genoux pour une danse comme le bharatanatyam qui comporte de nombreuses frappes de pieds. Ici, on était souvent très proche d'une ouverture naturelle (90°), ce qui est un excès inverse.)

Dans la deuxième grande partie du Varnam, le tempo s'accélère. Dans l'alternance entre passages expressifs et techniques, j'ai particulièrement apprécié que dans la danse pure, on ne perde jamais complètement de vue les sentiments de l'héroïne. Celle-ci est frappée par les flèches de Kamadeva. Pendant la nuit, alors qu'elle est séparée de son amant, son sommeil est perturbé par le bruit d'un oiseau. Elle supplie encore son amie d'aller le chercher pour qu'ils soient réunis, afin de pouvoir chanter ensemble ?!

Mes souvenirs de deux des pièces suivantes Yaare Kaagilum, Smara Sundaranguni sont trop lointains et imprécis pour que j'en rende compte. En revanche, la pièce “Kalai Tooki” dansée par Fanny m'a semblé absolument sublime. Son interprétation est un magnifique équilibre entre la danse technique et l'intensité émotionnelle dans l'évocation des divinités. On trouve là un juste sens du détail et des micro-mouvements. Il ne s'agit pas exactement d'une pièce narrative. Il y a bien un personnage, qui est un dévot, mais la danse s'arrête un instant sur les émotions qui le traversent. Il exprime l'émerveillement qu'il ressent en pensant à Shiva, dans sa forme qui réside à Chidambaram, dansant le pied gauche levé. La chorégraphie évoque son fils Muruga, son tambour Damaru, la rivière Ganga qui s'écoule de son chignon, sa peau de tigre, sa monture Nandi, etc. La pièce inclut aussi l'épisode mythologique dans lequel Vishnu et Brahma cherchent en vain l'extrémité de la colonne de lumière en laquelle Shiva s'était transformé.

Le récital s'est conclu par une redoutable pièce de danse pure interprétée par les trois danseuses, intitulée Tala Vadyam et dont les différentes sections utilisaient des subdivisions des temps en 4, 3, 7, 5 ou 9.

Ailleurs : Sunil Kothari.

Centre Mandapa — 2017-05-14

Armelle et Kalpana, bharatanatyam

V. S. Muthuswamy Pillai, Kalanidhi Narayanan, Sucheta Chapekar, chorégraphies

Shloka “Gururbrahmā” dansé par Armelle & Kalpana

Ganapati Kautvam (Chatushra Ekam Tala) dansé par Armelle & Kalpana

Sarasvati Kautvam (Rupaka Tala, composition de Sucheta Chapekar) suivi de Māta Sarasvatī (Raga Saraswati, Chautal, composition de Prabha Atre), dansé par Armelle

Jatiswaram (Raga Yedukula Kamboji, Adi Tala) dansé par Kalpana

Varnam (Raga Anandabhairavi, Adi Tala) dansé par Armelle

Krishnakarnamritam “Ramo Namo Bhabhuva” (Ragamalika) dansé par Kalpana

Kirtana (Raga Shanmugapriya, Rupaka Tala) dansé par Kalpana

“Kalai Tooki” (Raga Yedukula Kamboji, Adi Tala) dansé par Armelle

Shloka “Nityanandakari” (Raga Mohana) dansé par Armelle & Kalpana

Les danseuses Armelle Choquard et Kalpana, qui ont toutes les deux été disciples de Muthuswamy Pillai et Kalanidhi Narayanan ont présenté un récital commun. Le programme inclut aussi des pièces de Sucheta Chapekar dont Armelle est depuis devenue la disciple.

Le récital commence par une prière chantée dédiée à Ganesh ; je crois reconnaître la magnifique voix du chanteur du Varnam en Anandabhairavi dont il a été question plus haut. Les deux danseuses entrent ensuite en scène, Armelle en costume rouge et Kalpana en bleu pour le Shloka “Gururbrahmā”. Je n'avais vu Armelle qu'en 2015 lors d'un stage à Paris avec Sucheta Chapekar qui nous avait transmis l'Abhinaya-Pada “Aghaṭita saye śivalīlā”. C'est donc la première fois que je la vois danser lors d'un spectacle. J'apprécie son incarnation sobre dans cet hommage au guru.

Les deux danseuses interprètent ensuite à un tempo modéré Ganapati Kautvam, une chorégraphie de Muthuswamy Pillai, qu'elles récitent toutes les deux dans une sorte de jeu de questions et réponses. J'admire particulièrement la récitation d'Armelle dont l'intonation sonne très indienne.

Armelle interprète ensuite deux pièces enchaînées dédiées à la Déesse Sarasvati. La première est une magnifique chorégraphie de Sucheta Chapekar qui est aussi l'auteure de cette courte composition purement rythmique en Rupaka Tala (6 temps), puisque conformément à la tradition Thanjavur, le Kautvam n'est pas chanté, mais récité. Si ses mouvements du haut du corps sont magnifiques, dans l'exécution des adavus sur les onomatopées et dans l'illustration des attributs de Sarasvati sur le court texte en marathi, on sent malheureusement des hésitations qui rendent la pulsation des frappes de la danseuse quelque peu irrégulière dans cette pièce. À cette pièce dont la musique s'inscrit dans le contexte carnatique habituel à la danse bharatanatyam s'enchaîne une autre pièce dédiée à Sarasvati (et en Raga Sarasvati) venant de la musique du Nord de l'Inde. Cette composition Māta Sarasvatī est l'œuvre de la chanteuse hindustani Prabha Atre. Sucheta Chapekar appréciait cette composition et décida de la chorégraphier. Il existe plusieurs versions de cette chorégraphie. Celle que j'ai apprise avec elle à Pune est un बंदिश की सरगम (Bandish ki sargam), c'est-à-dire une pièce comportant un certain nombre de séquences solfiées (Sargam) insérées dans cette composition (Bandish), ce qui fait de ce type de pièce un homologue du Jatiswaram dans le format de récital développé par Sucheta Chapekar. La version dansée par Armelle n'inclut pas de passage de danse pure et se concentre donc sur l'aspect Bandish, sur un rythme à douze temps (Chautal ou Ektal) ; en plus des Sthayi et Antara, sa version inclut une troisième strophe que je ne connaissais pas et qui commence par “Mayura Vahini”. Les mouvements du haut du corps de la danseuse sont très beaux, j'apprécie particulièrement sa façon de montrer que Sarasvati a une voix aussi douce que le miel sur “Va Devi Madhubashani”. Cependant, je suis assez déçu par les frappes de pieds qui interviennent lorsque le texte est récapitulé en Tattu Muttu s'enchaînant avec une formule rythmique semblable à un Arudi. Je ne saurais dire si les frappes de pieds étaient au bon endroit musical, parce les frappes manquaient de force et étaient toutes sensiblement de la même intensité. En tant que spectateur, je considère que les Tattu Muttu doivent davantage s'entendre que se voir. Quand on fait “Takadimi Takadimi Tai tai didi tai” comme sur la phrase “Mata Sarasvati Devi”, il faut que l'on entende un accent particulier sur la syllabe Ta dans Takadimi. C'est particulièrement important parce que suivant les principes qui lui ont été enseignés par K. P. Kitappa Pillai, Sucheta Chapekar chorégraphie les Tattu Muttu en suivant la prosodie du texte chanté, et c'est particulièrement frappant dans la phrase Sakala Gyani Vidya Dani dont le Tattu Muttu associé est une série de quatre Takita, un pour chaque mot. Je ne dis pas qu'il faille tout frapper comme une brute, mais il me semble important d'accentuer certaines frappes pour préserver une composante esthétique essentielle de ces Tattu Muttu.

Kalpana a dansé un Jatiswaram. Dans les diagonales qui sont tracées dans les séquences de transition, j'ai particulièrement apprécié le jeu sur le regard, consistant parfois à regarder dans la direction indiquée par la main, ou contraire dans la direction opposée à ce qu'on attendrait. La séquence d'introduction de ce Jatiswaram est étonnamment longue, et le Tirmanam (la seule section de la pièce qui n'est pas chantée, mais récitée) intervient assez tardivement par rapport à ce qu'on voit habituellement dans ce type de pièces. Malheureusement, comme dans le Varnam discuté dans la première partie de ce billet, la voix enregistrée de Muthuswamy Pillai était essentiellement inaudible. Je ne pouvais me fier qu'au son des cymbales et je me suis surpris à un moment donné à entendre très distinctement un motif utilisant des groupes de 5 subdivisions qui ne correspondait pas à ce que je voyais au niveau des pieds. Dans certains adavus exécutés à grande vitesse, le regard de la danseuse ne suivait plus la main, ce qui est assez perturbant à regarder, notamment dans le premier Kuttadavu (le remplacer par la version à une seule main de cet adavu règlerait le problème). Cependant, ce type de pièce est très difficile et exige une grande endurance et, Kalpana faisant preuve d'une grande assurance, son interprétation restait très convaincante.

Armelle a ensuite interprété un Varnam en langue marathi en Raga Anandabhairavi et Adi Tala (ce n'est pas le même que dans la première partie de ce billet). Comme Armelle l'expliquera très bien quelques semaines plus tard lors d'une journée d'étude du projet DELI, le texte de la composition fait dire à l'héroïne qu'elle est satisfaite par Krishna, mais dans la chorégraphie de Sucheta Chapekar, le sens dévie progressivement, et il faut comprendre tout le contraire. Dans le plus beau développement du Varnam (sur la même ligne de texte), l'héroïne souhaite que Krishna lui rapporte une fleur, mais il lui rapporte en fait l'arbre tout entier qu'il installe dans son jardin. Elle est ravie, mais au bout d'un moment, elle remarque que quelques fleurs tombent dans le jardin de la voisine... Les passages expressifs de ce Varnam étaient très beaux et la danseuse a fait preuve d'une très élégante technique dans les Tirmanams. Cependant, ses frappes de pieds perdaient en qualité lors de l'exécution de l'Arudi qui sert de transition entre un Tirmanam et la phrase suivante. Malgré la fatigue engendrée par l'exécution de Tirmanams difficiles, il faudrait réussir à garder un peu d'énergie pour exécuter la formule rythmique complexe qu'est l'Arudi avec vigueur et enthousiasme. Là, les frappes étaient tellement peu marquées que je n'ai pas réussi à savoir avec certitude quand est-ce que cet Arudi se finissait. (Cela dit, à part moi, je ne pense pas que la réponse à cette question intéresse grand'monde, donc ce n'est pas bien grave...)

Kalpana a ensuite interprété une pièce dans laquelle Yashoda essaye d'endormir Krishna en lui racontant l'histoire de Rama. Sita est trouvée par Janaka dans un sillon qu'il creuse dans la Terre. Vishvamitra, le guru de Rama, l'emmène à Mithila pour qu'il participe au Svayamvar de Sita : seul celui qui pourra soulever l'arc de Shiva que possède Janaka pourra l'épouser. Plus tard, influencée par la bossue Manthara, Kaikeyi, une des épouses du père de Rama, le force à envoyer Rama en exil pour que son propre fils Bharata soit nommé prince héritier à la place de Rama. L'exil a commencé : Rama, son épouse Sita et son frère Laksmana sont dans la forêt. L'histoire se poursuit jusqu'à l'enlèvement de Sita par Ravana. Kalpana a magnifiquement interprété cette pièce... deux fois. La pièce proprement dite est accompagnée de Shlokas en sanskrit (une forme musicale dans laquelle il n'y a pas de pulsation régulière). Préalablement, Kalpana a présenté la pièce, mais la présentation a probablement été aussi longue que l'interprétation de la pièce elle-même. La première fois, elle a utilisé sa voix (en français) pour raconter l'histoire qu'elle interprétait en même temps avec des mouvements de tout le corps et en utilisant l'espace de la scène. Il s'agissait d'une interprétation en mode Sutradhar, comme un conteur. C'était extrêmement convaincant ! J'ai trouvé dommage que la pièce soit réinterprétée à nouveau, sa voix étant remplacée par la musique enregistrée des Shlokas sanskrits. N'ayant plus à raconter l'histoire par la parole, Kalpana était alors davantage dans l'incarnation des personnages, donc il s'agissait bien d'une interprétation différente de la première. Cependant, en tant que spectateur, je pense qu'il aurait été plus intéressant (et moins répétitif) d'aller jusqu'au bout de la logique et d'interpréter cette pièce en ne donnant que la version avec voix en français.

Kalpana a ensuite interprété un Kirtana dédié à la Déesse. Je n'ai pas été totalement convaincu par l'interprétation des passages expressifs dans cette pièce dévotionnelle. Les poses adoptées par la danseuse étaient vraiment très belles, mais il manquait à mon goût peut-être un tout petit peu de liant pour que cet aspect de la pièce prenne complètement forme. La pièce étant de Muthuswamy Pillai, la chorégraphie a comporté une proportion très importante de danse pure !

Armelle a ensuite dansé “Kalai Tooki”. C'était tout simplement fantabullissime ! Un grand moment d'émotion devant la beauté de cette évocation de Shiva. (Ce n'est qu'en rédigeant la première partie de ce billet que j'ai pris conscience que j'avais déjà vu cette pièce, cf. plus haut.)

Ce beau récital s'est conclu par un Shloka dédié à Annapurna, la forme de la Déesse qui réside à Kashi (Varanasi) et qui enlève la peur chez ses dévots.

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Vidhya Subramanian au Théâtre du Soleil

2017-04-26 10:06+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Salle de répétitions du Théâtre du Soleil — 2017-03-23

Vidhya Subramanian, bharatanatyam

Bhavana Pradyumna, chant

“Jaya Jaya Devi” (Raga Valachi, Adi Tala, composition de Swati Tirunal)

“Jagadhodharana” (Raga Kapi, Adi Tala, composition de Purandaradasa)

“Nagendra Haraya” (Ragamalika, Khanda Chapu Tala, composition d'Adi Shankara)

Javali “Era Ra Ra” (Raga Kamas, Adi Tala, composition de Patnam Subramanya Iyer)

“Chikkavane Ivanu” (Ragamalika, Adi Tala, composition de Purandaradasa)

Javali “Indendu” (Raga Surutti, Mishra Chapu Tala, composition de Subbarama Dikshitar)

Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Mishra Khamaz, Mishra Chapu, poème de Jayadeva)

“Rajarajeshwari Ashtaka Tillana” (Ragamalika, Talamalika, composition de Rajkumar Bharati sur un texte d'Adi Shankara)

“Dignified restraint is the hallmark of abhinaya. Even in the best of laughter there is a restraint on the mouth mouvement; even in the height of wonderment there is a limit to the opening of the eyes; even in the white heat of amourous sporting, the dancer has no use for movements of the torso but gestures only through the face and hands. It is this decency, decorum, and dignity that help to impart to bharata natyam its divine character... The divinie is divine only because of its suggestive, subtle quality. In abhinaya, though the artist and the audience have the direct inward experience of the divine, the outward expression which is responsible for creating that experience is only suggestively and subtly so.”

(Guhan, S. (comp. and ed.), Bala on Bharatanatyam, cité p. 101 de Balasaraswati, Her Art & Life de Douglas M. Knight Jr.)

Je n'avais jamais mis les pieds au Théâtre du Soleil avant la fin de l'année dernière. J'y suis retourné plusieurs fois depuis et il convient de noter que parmi toutes les salles de spectacle que j'aie fréquentées en Europe ou en Inde, il s'agit certainement de celle où les spectateurs sont le mieux accueillis. La dernière fois, la personne qui s'occupait de la buvette était un comédien qui avait autrefois participé à un stage avec Kalanidhi Narayanan ; plusieurs décennies plus tard, il en gardait toujours un souvenir émerveillé.

Ce soir, un peu plus d'un an après le décès de Kalanidhi-mami, célèbre enseignante de l'art de l'Abhinaya, sa disciple Vidhya Subramanian présentait un récital en son hommage. Si l'interprétation de Vidhya Subramanian a certainement beaucoup évolué depuis son apprentissage avec elle, il est dommage que le programme et la présentation des pièces n'aient pas précisé clairement quelles étaient les chorégraphies transmises par Kalanidhi.

Lors de ses précédents récitals à Paris, j'avais déjà eu l'occasion de voir danser Vidhya Subramanian au Musée Guimet. J'avais alors été particulièrement impressionné par son interprétation de l'Ashtapadi “Sakhi He”. J'attendais le meilleur de ce récital. Si certains moments ont été très beaux, d'autres m'ont laissé plus perplexe, notamment parce que le spectacle ne se passait pas que sur l'espace scénique, mais un peu aussi dans les gradins...

J'ai particulièrement apprécié les deux premières pièces du récital. La première est une invocation à la Déesse, précédée du Shloka “Saraswati Mahabhage” qui fait plus spécifiquement référence à Sarasvati. Elle est représentée jouant de la vina, apportant la connaissance. Elle a des yeux de lotus. Plus loin, pour évoquer ses grands yeux, la chorégraphie les compare semble-t-il à des yeux de poisson. L'interprétation de la danseuse comporte des pas intéressants comme des ronds de jambe à terre et utilise l'espace de façon assez créative puisque la danseuse est parfois de dos. Le Shloka s'enchaîne avec la composition de Swati Tirunal Jaya Jaya Devi (qui commence en ussi, le texte commençant après le premier temps). La danseuse adopte alors une pose caractéristique de la Déesse. Si la chorégraphie suggère les sept notes de la gamme indienne pour représenter Sarasvati, ce n'est alors qu'un des aspects de la Déesse. Les Dieux lui rendent hommage. Parmi eux, Padmanabha (Vishnu) revêt une importance particulière. Le serpent sur lequel il est couché est montré de façon très impressionnante. Vishnu est aussi représenté avec sa conque et son disque, ainsi qu'en Krishna, le jeune vacher, qui n'est autre que l'Être suprême.

La plus belle pièce du récital a été à mon avis Jagadhodharana, une composition de Purandaradasa. La danseuse interprète tour à tour le jeune Krishna et Yashoda, sa mère adoptive. L'expression de la danseuse se métamorphose de façon saisissante pour passer d'un personnage à l'autre. La première transformation de la danseuse de Krishna en Yashoda m'a semblé particulièrement extraordinaire. Comme la danseuse l'a expliqué en introduisant la pièce, la chorégraphie associe les exploits des différents avatars de Vishnu à des situations anodines entre Yashoda et l'enfant Krishna. L'avatar du poisson (Matsya) suggère une comparaison des yeux de Krishna à ceux d'un poisson. L'avatar de la Tortue (Kurma) porta une montagne pendant le barattage de la Mer de Lait tout comme Yashoda porte Krishna sur son dos. L'Homme-Lion (Narasimha) boit le sang du démon Hiranyakashipu tout comme Krishna se délecte de fromage blanc. La colère de Yashoda (ou de Krishna ?) est comparée à celle de Rama Jamadagnya (Parashurama). Ces séquences sont représentées du point de vue de Yashoda qui s'émerveille innocemment en pensant à Krishna. Plus loin, Krishna est celui que l'on ne peut pas décrire et dont on ne peut mesurer l'étendue. La danseuse développe aussi l'épisode mettant en scène Kaliya. Ce serpent qui infeste les eaux d'un étang ne fait pas peur à Krishna. Yashoda supplie son fils de ne pas y aller, mais Krishna y va quand même et attrape le serpent. Ensuite, pour évoquer sa grandeur, la démarche de Krishna est comparée à celle d'un éléphant. La chorégraphie revient à la situation de jeu entre Yashoda et Krishna. Ils jouent à la balle, ils se tapent les mains. Enfin, Krishna s'allonge sur le flanc de Yashoda qui, amoureusement, le voit fermer les yeux. Dans cette pièce et dans cette toute dernière séquence, l'art de l'Abhinaya de la danseuse m'a semblé magnifique. Ses mains étaient souvent animés de micro-mouvements. Les moindres parties de son corps participaient à l'évocation des sentiments de Yashoda. (Dans la dernière ligne du texte, j'ai été étonné d'entendre Vishnu évoqué sous le nom de Vittala, un nom que je n'ai vu utiliser que dans le Maharashtra, mais il semble que ce mot fasse ici partie de la signature “Purandara Vittala” du compositeur Purandaradasa.)

La pièce suivante est Nāgendra Hārāya. Le texte d'Adi Shankara fait l'éloge de Shiva en s'appuyant sur les cinq syllabes du mantra ॐ नमः शिवाय. Chacune des cinq strophes commence par une des syllabes nā-ma-śi-va-ya et se finit par une référence à cete syllabe. L'entrée en scène de la danseuse se fait sur un rythme à huit temps. La danseuse évoque Shiva qui boit le poison lors du barattage de la Mer de Lait, qui est orné de serpents et porte une peau de tigre. Des offrandes de fleur sont faites à sa forme abstraite du Shivalingam. Le rythme à cinq temps de la composition en Khanda Chapu s'installe ensuite. Chaque strophe est précédée d'une section de danse pure. Divers attributs de Shiva sont représentés comme les cendres sur son corps, son tambour Damaru, sa gorge bleue. Il est vénéré par des sages comme Vaśiṣṭha. Il porte la Lune. Le feu est dans son troisième œil. Ses cheveux sont défaits. Cette pièce est efficace. Dans sa présentation, la danseuse avait indiqué que chaque syllabe du mantra était associé à un des cinq éléments et que par exemple. Je ne suis pas absolument certain que cette référence ésotérique soit particulièrement éclairante pour apprécier la pièce, le lien entre chaque strophe et l'élément correspondant n'ayant rien d'évident...

La danseuse a ensuite interprété trois pièces d'Abhinaya accompagnée par l'excellente chanteuse Bhavana Pradyumna. Il est à mon goût dommage qu'il n'y ait pas eu un accompagnement rythmique, même discret, pendant ces pièces ; cela aurait permis de mettre davantage en valeur la musicalité de la danseuse. Pendant la présentation de ces pièces, j'ai été très étonné que la danseuse dise à propos des Javali : “no deep connotation”. Ces poèmes décrivent l'amour de façon plus explicite, mais il s'agit néanmoins d'un amour avec un dieu, et je lisais dans la biographie de la grande danseuse Balasaraswati qu'elle interprétait les poèmes érotiques avec la même ardente dévotion que dans des pièces purement dévotionnelles. Cette assertion “no deep connotation” de Vidhya Subramanian à propos des pièces qu'elle allait interpréter m'a quelque peu inquiété, mais j'avoue que je ne m'attendais pas au spectacle qui a été donné, en coproduction avec une partie du public.

Dans Era Ra Ra de Patnam Subramanya Iyer, l'héroïne est assise. Elle se pare de boucles d'oreilles, de colliers, bracelets... Quand elle voit l'homme passer, elle l'invite à la rejoindre. Kamadeva l'a transpercée de ses flèches. L'archer s'attaquera plus loin à l'homme (qui n'est autre que Vishnu), lui qui est beau et a des yeux de lotus. Finalement, le souhait de l'héroïne est exaucé.

Dans cette pièce et dans les deux suivantes, la danseuse a peut-être parfois été à la limite du surjeu, mais je ne dirais pas que son interprétation ait été vulgaire. Pourtant, une partie complètement désinhibée du public n'a cessé de rire bruyamment et de glousser bêtement à la moindre allusion érotique. J'ai trouvé cela particulièrement consternant et très irrespectueux envers l'artiste et le reste du public. C'est d'autant plus honteux si on tient compte des transformations sociales qui ont eu lieu au cours du siècle dernier dans le milieu de la danse bharatanatyam. Pour simplifier, le discours dominant a été que les danseuses appartenant à des familles traditionnelles étaient pour ainsi dire des prostituées et que leur danse était vulgaire ; il fallait assainir la danse, pour la rendre respectable et susceptible d'être dansée par des jeunes filles de bonne famille. Cette transformation sociale étant pour ainsi dire achevée (il ne reste aujourd'hui que très peu de gurus appartenant à des familles traditionnelles). Il est bien paradoxal qu'aujourd'hui, des spectateurs et spectatrices se comportent aussi vulgairement en assistant à un récital d'une danseuse indienne de haute caste.

La pièce suivante a donné lieu à de pareils débordements du public, qui cette fois-ci pouffe en assistant à la représentation de ce qui, s'il ne s'agissait du personnage divin de Krishna, serait qualifié d'agressions sexuelles. Dans ces conditions, il m'a été difficile de me concentrer sur l'espace scénique, tant la danse était occultée par le spectacle lamentable venant des gradins. (Je ne sais pas comment l'interprète a ressenti cela. Dans un texte, elle écrit : “The joy of performing sringara in a sensitive, intelligent and aesthetic manner is to be shared and experienced by an equally sensitive, intelligent and aesthetically nurtured spectator.”.)

Dans Chikkavane Ivanu, les gopis assemblées se plaignent des méfaits de Krishna, qui n'est qu'un enfant. L'une raconte qu'il lui a demandé comment on faisait les enfants. Une autre dit qu'alors qu'elle venait chercher de l'eau, il lui a bloqué la route pour l'enlacer et qu'il lui a cassé son pot d'eau. Une autre raconte qu'il lui a touché les seins tandis qu'elle barattait du beurre. La dernière avoue qu'elle a rêvé de lui, et qu'il est réellement venu, puisqu'elle l'a trouvé à ses côtés à son réveil.

La danseuse a ensuite interprété le Javali “Indendu”, qui est une des pièces les plus dansées du répertoire. Elle l'avait déjà dansé au Musée Guimet en 2014, je n'y reviens pas en détail. Je note simplement la belle musicalité de l'interprétation de la danseuse dont les pas marquaient régulièrement les temps forts du cycle rythmique à sept temps Mishra Chapu. Parmi les danseuses qui arrivent à exprimer de façon habitée les sentiments de l'héroïne dans une pièce d'Abhinaya, bien peu arrivent à concilier un abandon nécessaire à l'interprétation et une conscience profonde du cycle rythmique. C'est une qualité que j'ai très rarement observée chez les danseuses. C'était moins évident dans les deux pièces précédentes, mais dans celle-ci, c'était flagrant.

Des récitals de Vidhya Subramanian au Musée Guimet, je retenais surtout son interprétation magnifique de l'Ashtapadi “Sakhi He”. J'aurais aimé être autant ému par son interprétation de “Kuru Yadu Nandana”, le dernier Ashtapadi du Gita-Govinda, mais pour moi, la magie n'a pas opéré. Vu l'état d'esprit dans lequel j'étais, cela ne pouvait de toute façon pas fonctionner sur moi...

Le récital s'est conclu par Rajarajeshwari Ashtaka Tillana, une pièce utilisant une musique nouvelle associant un poème d'Adi Shankara dédié à la Déesse (Shri Rajarajeshwari, la Reine des Reines) et un Tillana. La composition musicale est due à Rajkumar Bharati. La pièce est assez impressionnante, mais elle souffre à mon goût d'une trop grande complexité rythmique. La structure est tellement complexe qu'il y a vraiment de quoi s'y perdre. La pièce est en Ragamalika, c'est-à-dire qu'elle utilise une guirlande de ragas : les différentes sections de la pièce sont dans des ragas différents. Cette pièce est aussi en Talamalika, ce qui en fait une rareté. En général, il existe au moins deux façons différentes d'entendre le mot Talamalika. Si on l'interprète de la même façon que dans Ragamalika, cela pourrait signifier que différentes sections de la pièce seraient dans des cycles rythmiques (talas) différents : je connais ainsi un Alarippu dont la première partie (debout) est en Tishra Ekam, la partie accroupie en Chatushra Ekam et dernière partie en Mishra Chapu. Dans une autre interprétation dont j'avais appris l'existence lors d'une magnifique lecture demonstration de T. S. Sathyavathi, il s'agit de créer un nouveau cycle rythmique de la façon suivante : un cycle rythmique (ou avartana) dans un tel Talamalika est constitué de la juxtaposition de cycles rythmiques appartenant à plusieurs talas. (Par exemple, si on appliquait ce principe en juxtaposent un cycle en Tishra Ekam (3 temps) et un cycle en Chatushra Ekam (4 temps) pour fabriquer un Talamalika, on obtiendrait globalement un cycle à sept temps, qui ressemblerait beaucoup à Tishra Triputa qui est un rythme à 7=3+2+2 temps.) Il me paraît plausible que ce Tillana utilise cette forme-là de Talamalika, mais je ne saurais dire exactement comment il est composé (si ce n'est qu'il y avait un peu de Khanda Chapu). Ce mélange de talas et l'alternance entre la danse pure et les passages évoquant Shri Rajarajeshwari relèvent d'une certaine innovation de la part du compositeur et de la danseuse. Je salue cette créativité, mais au-delà de la satisfaction immédiate apportée par certains instants de la chorégraphie, la complexité structurelle de cette pièce m'a malheureusement davantage tourmenté qu'émerveillé.

Ailleurs : Hiten Mistry.

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Deepa Chakravarthy au Musée Guimet

2016-11-27 13:15+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2016-10-28

Deepa Chakravarthy, mohiniyattam

Murali Parthasarathy, chant

M. S. Sukhi, mridangam

Sunil Kumar, flûte

Isabelle Anna, voix off

Invocation “Pari Pari Ne Padame” (Raga Hamsadhvani, Adi Tala, composition de Balamuralikrishna)

Shloka समुद्रवसने देवि

Solkattu (Adi Tala, Raga Jog, composition de M. S. Sukhi)

Kamakshi Svarajati కామాక్షి అమ్బా అనుదినముమరవకనే (Raga Bhairavi, Mishra Chapu Tala, composition de Shyama Shastri)

Padam അലര്‍ശരപരിതാപം (Raga Surutti, Mishra Chapu Tala, composition de Swati Tirunal)

Tillana (Raga Dhanashri, Adi Tala, composition de Swati Tirunal et Lalgudi Jayaraman)

Après ses deux magnifiques récitals au Centre Mandapa en mai, je n'aurais raté pour rien au monde le récital de mohiniyattam de Deepa Chakravarthy au Musée Guimet le 28 octobre dernier.

Le programme a commencé par un Alap de la flûte suivi de l'invocation de Ganesh Pari Pari Ne Padame composée par Balamuralikrishna (qui est décédé le 22 novembre 2016 à Chennai...). Il est à mon avis dommage que la sonorisation de la flûte se soit accompagnée d'un écho (et même deux échos, puisque j'ai eu l'impression d'entendre trois fois chacune des phrases jouées par le flûtiste). Peut-être s'agit-il là d'une volonté du musicien de reproduire avec un seul instrument ce qui résulte habituellement de l'interaction entre deux musiciens : dans un récital de chant carnatique accompagné par un violon, les phrases improvisées par le chanteur sont répétées immédiatement par le violoniste. Cette sensation peut être simulée par un écho, mais le procédé me paraît artificiel et ne correspond pas à une esthétique que je voudrais valoriser.

Après cette introduction musicale, la danseuse est entrée en scène dans son costume blanc, vert et orange doré pour une invocation de la Déesse Terre. Cette invocation a commencé par l'allumage d'une lampe à l'avant-scène et par une salutation adressée aux quatre coins cardinaux. L'ampleur de la démarche de la danseuse est magnifiée par de majestueux relevés sur demi-pointe. L'invocation proprement dite à la Déesse Terre est interprétée sur le Shloka Samudravasane Devi, la Déesse, épouse de Vishnu, qui est ornée de l'Océan, et auprès de laquelle on veut se faire pardonner des blessures qu'on lui inflige en foulant le sol de ses pieds.

La danseuse interprète ensuite un Sollukattu, qui est un type de danse spécifique au Mohiniyattam. Il s'agit d'une pièce de danse pure accompagnée d'onomatopées comme “Ta dim jonotakadim” qui sont chantées mélodieusement par le chanteur (et non pas seulement récitées). Les mouvements sont relativement lents par rapport au bharatanatyam : chaque mouvement s'étend sur une durée plus longue, mais cela n'est en rien ennuyeux puisqu'à chaque instant, la danseuse est totalement investie dans son action. C'est particulièrement évident pour le haut du corps, mais si les mouvements des jambes prennent aussi un certain temps quand il s'agit de tendre/plier une jambe ou de monter sur demi-pointe, les instants où un pied touche le sol sont très nets, parfaitement en rythme.

La danseuse interprète ensuite la pièce principale de son récital, dédié à Kamakshi. Comme je l'indiquais dans le billet précédent, il s'agit de celui des trois Svarajati composés par Shyama Shastri (1762-1827) qui soit en Raga Bhairavi et Misra Chapu Tala. Dans le répertoire des danses du Sud de l'Inde, les Svarajati les plus connus suivent une structure très proche de celle des Varnam. Shyama Shastri a mis au point un autre type de composition, aussi appelé Svarajati, et qui d'après ce que je lis dans le livre A Southern Music de TM Krishna, pourrait avoir été inspiré par les Nirupanas qui sont des récitals sur un thème unique interprétés par une danseuse soliste à la cour des rois marathes de Thanjavur : dans le livre Korvayanche Sahityache Jinnas édité par la Sarasvati Mahal Library de Thanjavur, on trouve des compositions formant ces Nirupanas, certaines entre elles sont nommées Svarajati. Le Kamakshi Svarajati de Shyama Shastri suit effectivement la même structure. Il est formé d'un Pallavi qui est comme un refrain et de huit Charanams. Dans cette forme musicale, chaque Charanam est d'abord chanté sous forme de Svaras (c'est-à-dire que le chanteur chante en prononçant le nom des notes), puis après une répétition du Pallavi, le texte du Charanam est chanté en utilisant la même mélodie. À la fin d'un Charanam, on répète le Pallavi et on passe au Charanam suivant. Dans ce Svarajati, il y a huit Charanams de longueur croissante et ils ont la particularité de commencer successivement par les huit Svaras de la gamme ascendante : Sa, Ri, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni, Sa.

Voici une tentative de traduction du texte de la pièce principale du récital de Deepa Chakravarthy :

(Pallavi) Déesse Kāmākṣi ! Me souvenant à jamais que Ton pied de lotus est mon seul refuge, je place ma foi en Toi, Déesse de Kanchi.

(Charanam 1) Mère, Tes dents sont comme des fleurs de jasmin et Tes yeux comme des lotus. Protège-moi.

(Charanam 2) Ton cou a la forme de la conque et tes tresses sont sombres comme des nuages annonçant la pluie.

(Charanam 3) Ton visage ressemble à la Lune. Tes seins ont une forme harmonieuse et Ta démarche est celle de l'éléphant. Ton pied est vénéré par Brahma, Vishnu et Shiva. Tu es l'auspicieuse Shankari. Veuille résoudre mes problèmes rapidement. Mère, écoute ma prière.

(Charanam 4) Tu es la plante qui exauce les vœux. Tu es un sanctuaire de compassion, Toi qui est bienveillante. Ô fille de la Montagne, protège-moi ! N'ai-je pas pris refuge en toi ? Exauce-mes vœux sans attendre.

(Charanam 5) Efface mes péchés et donne-moi la force de vénérer ton pied de lotus pour toujours. N'es-Tu pas la purificatrice ? N'entends-tu pas ma supplication ? Pourquoi es-Tu indifférente ? Écoute ma prière, Mère.

(Charanam 6) Tu détruis le Mal. Les Veda affirment que Tu exauces les désirs de la multitude de dévots qui se pressent à tes pieds pour Te supplier et que Tu fais preuve de bienveillance envers tous.

(Charanam 7) Entourée d'êtres célestes, Tu résides dans la forêt Kadamba. Tu tiens un lotus dans la main. Les arrogants démons Te craignent comme le lion craint l'éléphant en rut. Tu fais fondre l'affliction de Tes dévots. Tu accordes l'opulence à ceux qui méditent sur ta gloire infinie. Maintenant, donne-moi refuge !

(Charanam 8) Sœur de Shyamakrishna ! Tu enchantes Shiva ! Souveraine suprème ! Vishnu, Shiva et les autres sont-ils seulement capables de mesurer l'étendue infinie de ta gloire ? Je suis ton fils. N'éprouves-Tu pas d'affection pour moi ? Devi, pourquoi es-Tu indifférente ? Protège-moi maintenant, Shri Bhairavi !

(Traduction approximative d'après cette traduction anglaise.)

Le thème de cette pièce est purement dévotionnel. Le dévot implore la divinité, il n'y a pour ainsi dire aucun sous-entendu amoureux, contrairement à beaucoup de Varnam du répertoire. Lors d'autres récitals (par exemple celui-ci), j'ai souvent été gêné par l'absence de l'aspect amoureux dans la danse alors qu'il était présent dans le texte ; ici, il est absent du texte, donc je ne vais pas me plaindre du fait qu'il n'ait pas été ajouté dans la danse !

Fait rare, j'avais eu la possibilité de lire le texte du Svarajati avant d'assister à ce spectacle (Full-disclosure: La danseuse m'avait invité à déjeuner chez elle lors de mon dernier séjour à Chennai et elle m'avait parlé de son projet de danser cette composition à Paris.). Ce texte est très étoffé et est énoncé à une vitesse relativement rapide, ce qui peut poser des difficultés d'interprétation puisqu'il n'est pas possible de montrer dans la gestuelle chacun des mots du texte : dès la première occurrence du texte, il faut parfois interpréter ou synthétiser l'essence du message textuel. Ainsi, plutôt de multiplier les gestes pour respecter à tout prix le mot à mot au risque de paraître confuse à cause de la vitesse, Deepa Chakravarthy a heureusement préféré prendre un certain recul et cherché à illustrer le sens du texte de façon plus simple mais réfléchie.

La composition musicale a été interprétée pour ainsi dire de la même façon qu'elle le serait lors d'un concert vocal. Le Pallavi a été répété plusieurs fois (en raison de l'exploration de l'octave inférieure que le Pallavi contient, il est heureux que la composition ait été chantée par un homme). Le nom de la Déesse Kāmākṣi (dont les yeux inspirent l'amour) a été représenté en utilisant certaines caractéristiques de la gestuelle du style mohiniyattam (et des autres styles du Kerala). L'amour est en effet représenté par deux mains à plat qui se rejoignent l'une au dessus de l'autre devant le corps de la danseuse dans une combinaison qui rappelle celle qui est utilisée dans le bharatanatyam pour représenter un poisson. Ce mot est le seul sur lequel le sentiment amoureux ait été présent dans cette pièce, puisque sinon la pièce est entièrement dévotionnelle. Le seul refuge du dévot réside dans le pied de la Déesse. Le Pallavi alterne ensuite avec les différents Charanams présentés d'abord sous forme de Svara. Une exquise formule rythmique servait d'introduction à chaque Svara pendant lequel la danseuse interprétait de très belles séquences de danse pure de longueur croissante (la sixième séquence, celle qui commençait par la note Dha, m'a semblé particulièrement sublime). Chaque Svara était suivi d'une formule rythmique pendant que le chanteur reprenait le Pallavi. Sur le mot Amba de la composition, la danseuse posait le talon devant et se penchait vers l'avant en montrant ce pied, ce qui me semblait correspondre au souhait du dévot de prendre refuge au pied de la Déesse. La mélodie du Svara était ensuite réutilisée pour l'interprétation du texte du Charanam correspondant. Le texte était illustré une première fois par la danseuse, puis une deuxième fois en utilisant des Tattu Muttu, c'est-à-dire que pendant que le sens du texte est illustré par la gestuelle de l'interprète, les pieds exécutent des motifs rythmiques précis. Cette technique est comparable à celle du bharatanatyam, mais elle diffère dans la mesure où les pieds sont écartés. Ces mouvements de pieds sont moins rapides qu'en bharatanatyam, mais ils sont néanmoins exécutés avec précision et netteté. Chaque Charanam est ainsi chanté deux fois au total avant que le Pallavi soit repris et enchaîné avec le Svara suivant.

Comme je l'ai écrit plus haut, la densité du texte fait que l'interprète doit néanmoins prendre une légère distance avec son côté littéral, mais la structure que je viens de décrite laisse finalement peu de place à l'élaboration au delà du sens littéral du texte. Cependant, cela ne m'a pas gêné puisque c'était tellement bien et justement fait que l'interprétation de Deepa Chakravarthy m'a semblée passionnante à regarder pendant toute la pièce. La danseuse a parfois montré la Déesse, mais elle a aussi représenté des sentiments humains, comme la dévotion, et aussi l'émerveillement du dévot admirant les qualités physiques de la Déesse qui sont décrites dans les trois premiers Charanams. Dans les enregistrements de ce Svarajati que j'ai écoutés, les chanteurs utilisent le dernier Charanam pour montrer leurs qualités d'improvisation. Cela a aussi été le cas dans cette représentation dansée. Ainsi, par rapport au schéma que j'ai décrit précédemment, le dernier Charanam a fait exception puisque sa première ligne a été répétée de nombreuses fois et la danseuse l'a utilisée pour élaborer au delà du sens littéral du texte. Cette ligne contient la signature du compositeur Shyama Shastri. Cela a donné lieu d'une part à une représentation de Krishna (identifié à Vishnu, frère de Kāmākṣi) et d'autre part à celle du compositeur-poète auteur de cette composition. La danseuse a ensuite fait un développement à partir du mot Shivashankari du texte : en faisant preuve de quelque ruse, Parvati parvient à entourer le cou de Shiva d'une guirlande de fleurs. Après ce développement, le huitième Charanam a été chanté en entier et repris en Tattu Muttu avant que la pièce ne se termine avec la reprise du Pallavi mettant en scène le dévot de la Déesse qui est finalement représentée avec les deux mains dans le mudra Pataka.

Il y a un aspect très intéressant qu'il faut mentionner dans l'aspect théâtral de la danse de Deepa Chakravarthy. Chez beaucoup d'interprètes, quand il s'agit par exemple de suggérer l'émerveillement, le danseur regarde loin devant lui, comme si la chose à admirer se trouvait en dehors de l'espace scénique. Par son placement et son regard, Deepa Chakravarthy nous fait au contraire imaginer que l'objet de l'admiration de son personnage est placé en un endroit précis de la scène. Bien qu'il soit invisible, il semble bien davantage présent que lorsqu'il faut l'imaginer en dehors de l'espace scénique.

Lors des récitals parisiens de la danseuse en mai dernier, le sentiment amoureux avait été présent dans la pièce principale. Ici, au contraire, le sentiment amoureux a pour ainsi dire été absent du Svarajati. Il est heureux que Deepa Chakravarthy ait choisi d'interpréter ensuite le Padam “Alarśaraparitāpaṃ” composé par Swati Tirunal (1813-1846) qui aborde le thème amoureux de la séparation. Après un Alap du chanteur, l'entrée en scène se fait sur un rythme à quatre temps. L'héroïne cueille une fleur et est comme transportée par son parfum. Quand la composition sur un rythme à sept temps commence, l'héroïne souffre de la séparation et la chorégraphie développe les moments où Kama lui a lancé ses flèches. Le dieu de l'amour est reconnaissable à la combinaison de mudras qui lui est caractéristique dans le style mohiniyattam. On le voit choisir très méliculeusement les fleurs qui vont orner les flèches qu'il va lancer à l'héroïne alors qu'elle est en train de se rafraîchir le visage et d'arranger ses cheveux. La séquence suivante est une des plus belles de tout le récital. L'héroïne compare sa situation à celle d'une fleur de lotus dont le soleil se détourne parce qu'il s'est couché dans l'Océan. La lumière quoique faible donne quelque espoir à la fleur d'éclore. Les pétales s'ouvrent très lentement, mais la lumière s'avère insuffisante et la fleur fane. Plus loin, l'héroïne souffre de la séparation, elle croit entendre la flûte de son bien aimé (qui est sans doute Krishna), mais il ne s'agit que de chants d'oiseaux amoureux. Le butinement des abeilles lui est aussi insupportable. Dans un développement, la danseuse représente l'héroïne plongée dans un rêve. Elle imagine que son amoureux vient lui toucher le menton (la technique d'acteur utilisée pour suggérer cela est assez stupéfiante), mais quand elle se réveille, il a bien sûr disparu. Dans la dernière séquence, l'héroïne brûle de la seule lumière de la Lune. L'interprète a ensuite suivi le conseil que se refilent entre elles les danseuses indiennes avant de faire un récital en France : During your performance in Paris, you have to write a letter.. En effet, l'héroïne demande à son amie de transmettre une lettre à son amoureux. Le moment de l'écriture de la lettre a été d'une exquise espiéglerie et d'une rare intensité !

Le récital s'est terminé par le célébrissime Tillana en Raga Dhanashri et Adi Tala composé initialement par Swati Tirunal et dont la version connue actuellement est due à Lalgudi Jayaraman. La première partie de la composition semble faite uniquement d'onomatopées, mais il s'agit en réalité d'un texte autoréférentiel évoquant la danse accompagnée d'onomatopées ! La deuxième partie évoque Padmanabha (Vishnu), la divinité à laquelle la plupart des compositions de Swati Tirunal rend hommage. Ce Tillana fait aussi partie du répertoire de bharatanatyam. La composition était chantée ici dans un tempo délicieusement lent, très significativement plus lent qu'il n'est habituellement joué dans le contexte du bharatanatyam. Comme dans tout le récital, cette relative lenteur permet aux spectateurs d'apprécier encore davantage la perfection du mouvement dans l'interprétation très intense de Deepa Chakravarthy.

Deepa Chakravarthy
Deepa Chakravarthy

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Planning de fin octobre 2016

2016-10-27 19:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Théâtre — Culture indienne — Planning

Au cours du week-end de la Toussaint, il y aura à Paris (ou pas loin) deux événements exceptionnels liés aux danses classiques de l'Inde, et tout particulièrement du Kerala :

Deepa Chakravarthy (mohiniyattam) au Musée Guimet les 28 et 29 octobre 2016

Deepa Chakravarthy
Deepa Chakravarthy

En juin dernier, j'avais eu l'occasion de voir la danseuse Deepa Chakravarthy pour ses deux récitals au Centre Mandapa. Cela avait été pour moi une expérience de spectateurs absolument extraordinaire notamment grâce à sa capacité d'interpréter les moindres gestes avec une intensité extrême : de minuscules et lents gestes produisaient une impression énorme.

Entretemps, j'ai eu l'occasion de la rencontrer à Thiruvanmiyur (Sud de Chennai) où elle réside. Pour son programme au Musée Guimet les 28 et 29 novembre, elle va réintroduire dans le répertoire du mohiniyattam le Swarajati Kamakshi en Raga Bhairavi et Mishra Chapu Tala composé par Shyama Shastri (1762-1827), un des trois compositeurs de la Trinité carnatique (avec Tyagaraja et Muthuswamy Dikshitar). Neena Prasad, guru de Deepa Chakravarthy, a reconstruit la chorégraphie de Kalamandalam Krishnan Nair qui fut dansée exclusivement par Shanta Rao (1930-2007). Neena Prasad enseigne cette chorégraphie à ses élèves avancés, mais en raison de la complexité extrême de cette pièce, personne n'a encore jamais tenté de l'interpréter sur scène. Deepa Chakravarthy sera la première à essayer ! (Pour écouter cette composition interprétée par le chanteur TM Krishna, suivre ce lien. Une notation est disponible à cette adresse. Une traduction complète du texte vers l'anglais est disponible à cette autre adresse.)

Renseignements pratiques sur le site du Musée Guimet.

La Grande Nuit du Kutiyattam au Théâtre du Soleil du 31 octobre (18h) au 1er novembre (9h)

Kutiyattam

De grands épisodes inspirés des épopées indiennes seront présentés par la troupe d'acteurs-danseurs, chanteurs et musiciens de Kerala Kalamandalam. Je n'ai jamais eu l'occasion d'assister à une représentation de Kutiyattam, et mes expériences avec les formes voisines de théâtre-dansé originaires du Kerala comme le Kathakali sont très limitées. Cela peut intimider vue la durée du spectacle sur toute une nuit (avec un certain nombre d'entr'actes !), de la même façon qu'une représentation d'un opéra grand par sa longueur peut aussi intimider le mélomane.

Une des difficultés pour le spectateur de certaines danses indiennes comme le bharatanatyam est que le texte des compositions et les chorégraphies ne font bien souvent que de très subtiles et brèves allusions à des épisodes mythologiques (certaines pouvant se réduire à un unique geste). De ce que je crois comprendre, du fait de l'étirement dans le temps des représentations, les formes de théâtre du Kerala se donnent au contraire la possibilité de développer à l'extrême les détails des épisodes épiques, et donc de les voir à la loupe plutôt que sous forme d'esquisses. Cette Grande Nuit est une occasion unique de s'immerger dans cet univers théâtral.

Renseignements pratiques sur le site du Théâtre du Soleil.

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Vite-dit de Chennai (été 2016)

2016-08-25 20:14+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Je suis maintenant à la fin de mon quinzième séjour en Inde. Après quelques jours à Delhi, je suis allé à Chennai où j'ai pris des cours de bharatanatyam avec Kuthalam M. Selvam (adavus et nattuvangam) et Arupa Lahiry (avec qui j'avais déjà pris des cours à Delhi et qui se trouvait aussi à Chennai pour répéter un spectacle de son guru Chitra Visweswaran). J'ai ensuite passé dix jours à Pune pour prendre des cours avec Sucheta Chapekar, et je finis mon séjour à Delhi pour pratiquer le chant dhrupad avec Nirmalya Dey.

Pendant les trois semaines passées à Chennai, j'ai vu des spectacles de qualité variable. Je vais commencer par rendre compte brièvement de certains d'entre eux, et reviendrai plus en détails sur quelques autres.

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2016-07-16

Sharmila Biswas, concept, chorégraphie, design, danse odissi

Srijan Chatterjee, composition musicale

Lakshmi Parthasarathy Atreya, danse bharatanatyam

Amrita Lahiri, danse kuchipudi

Shashwati Garai Ghosh, danse odissi

Monami Nandy, Tri Paul, Ankita Kulabhi, Rohini Banerjee, danse odissi

Dhaneswar Swain, Bijaya Kumar Barik, Guru Bharadwaj, composition rythmique

Antra-Yatra

Il s'agissait de la création d'une production Antar-Yatra censée évoquer le monde intérieur des danseuses. La production dirigée par Sharmila Biswas (odissi) met en scène trois danseuses solistes (bharatanatyam, kuchipudi, odissi), un corps de ballet de quatre danseuses, et bien sûr Sharmila Biswas. Le spectacle m'a semblé globalement raté. Les costumes (trois pour chacune des solistes !) et la scénographie sont les points forts de la production. Sinon, aucune émotion particulière ne parvient à s'exprimer.

La seule scène de groupe un peu réussie est interprétée par Sharmila Biswas et le corps de ballet : il s'agit du barratage de la mer de lait. L'avatar de la Tortue, le mont Mandara, ainsi que les dieux et démons y apparaissent. Parmi les fruits de ce barratage, on trouve les danseuses célestes (Apsaras), expertes dans tous les arts. Plus loin, il est fait référence aux auspicieuses devadasis (Nityasumangali...).

Les trois solistes se succèdent ensuite. Parmi elles, les danseuses de kuchipudi et de bharanatyam se distinguent particulièrement à mon goût. Amrita Lahiri (kuchipudi) apparaît dans une scène dans laquelle une jeune femme se prépare (bijoux, etc.) et joue avec Krishna au bord de la Yamuna. La séquence la plus intéressante intervient avec Lakshmi Parthasarathy Atreya (bharatanatyam) qui interprète une version déstructurée d'un Tillana. La musique est d'abord extrêmement dissonnante. Les mouvements de la danseuse sont hésitants, et puis la danse prend progressivement forme, évoquant la nature, tandis que la musique devient de plus en plus harmonieuse pour devenir un des Tillana (Adi Tala) du répertoire. La séquence de la soliste d'odissi et du corps de ballet m'a semblée absolument inintéressante, et surtout trop longue. Elle mettait en scène la poursuite de l'antilope dorée par Rama : absolument rien sur ce qui se passe avant (le caprice de Sita), pendant (Lakshmana laissant Sita toute seule, l'arrivée de Ravana) ou après (la colère de Rama quand il voit que Sita a disparu). Rama tient son arc et court après l'antilope dorée (mudra Mrigashirsha), et c'est tout...

Après un fort bel intermède musical par Srijan Chatterjee (dont j'ignore s'il était en playback, le reste de la musique étant enregistrée...), les trois danseuses reviennent pour massacrer l'ashtapadi “Sakhi He” extrait du Gita-Govinda de Jayadeva. La composition musicale n'était pas dans le tala ni le raga habituel, mais ce qui était le plus gênant était que les danseuses n'ont absolument pas suivi le texte du poème. Le pire a été un contre-sens sur le mot Keshi (un démon ennemi de Krishna) qui a été très-ostensiblement représenté comme s'il signifiait Keshava (le Chevelu, un des noms de Vishnu). Il faut imaginer toutes les danseuses et le corps de ballet tourner sur scène en montrant Krishna avec une énorme tignasse de cheveux...

La scénographie, la scène du barratage de la mer de lait et le Tillana mis à part, le seul attrait de la soirée a été son côté mondain, avec quelques remarques et questions très polies posées aux artistes par Anita Ratnam, C. V. Chandrashekhar ou Leela Venkataraman.

Ailleurs : Leela Venkataraman.

Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2016-07-17

Vidwan T. G. Murugavel, nagaswaram

Mallari

Magnifique lecture-demonstration sur le Mallari, la forme musicale utilisée lors les processions dans les temples ou ailleurs par des joueurs de nagaswarams (hautbois indien). Une impressionnante collection d'anches pendouille de l'instrument. Un des accompagnateurs a le rôle de marquer le tala avec ses talams (cymbales). Les rythmes étaient en effet très complexes. Certains Mallari étaient en Adi Tala (8 temps), mais d'autres étaient en Mishra Chapu (7 temps rapides), Sankirna Triputa (9+4=13 temps), Khanda Triputa (5+4=9 temps). À la demande du public (peu nombreux) de cette démonstration (prononcée en tamoul...), le musicien a interprété avec son instrument une célèbre composition : Bho Shambho (Adi Tala) ; cela avait de la gueule...

Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-18 à 19:30

Prarthana Subhalakshmi, danse bharatanatyam

Padmini Krishnamurthy, nattuvangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Radha Badri, chant

Devraj, flûte

Rammohan, mridangam

Ce récital par une très jeune danseuse a magnifiquement commencé par un sublime Alap du violoniste Easwar Ramakrishnan (et par le flûtiste). Le guru et la danseuse (style Pandanallur) viennent de Muscut (Oman). La danseuse s'embrouille un peu dans les pas de son Pushpanjali en Hansadhwani Raga et Misra Chapu ; elle a cependant le bon réflexe : elle met ses mains en Anjali devant elle en attendant que la mémoire lui revienne. Après un Shloka Gajanam, elle interprète un Varnam sur Ganesh (“Varanamukhava”, Raga Nattakurunji, composé par Golapakrishna), cela doit être la première fois que j'en vois un. Après un magnifique Alap du violoniste, la danseuse a dansé son Trikala Tirmanam qu'elle a conclu, comme les autres jatis, par une formule rythmique des pieds pendant laquelle, procédé rare, elle illustre le sens du poème évoquant notamment la tête de Ganesh. Parmi les passages narratifs développés dans ce Varnam, la danseuse a fort bien interprété l'épisode qui vaut à Ganesh d'avoir une tête d'éléphant : défendant à quiconque d'entrer chez sa mère Parvati, il a refusé le passage à Shiva, qui lui a coupé la tête, etc. Elle a aussi représenté l'amour maternel d'Uma (Parvati) pour Ganesh en évoquant la conception par la seule Parvati de son enfant. Le Javali (Adi Tala) évoque les espiégleries de Krishna, qui veut aller s'occuper des vaches, mais qui va aussi faire des misères aux gopis... Le récital s'est conclu par un Tillana en Raga Chandrakauns ayant une complexité rythmique inhabituelle puisqu'il utilisait un cycle rythmique en Adi Tala dont les huit temps étaient subdivisés en cinq (Khanda-nadai) ; le poème évoquait Ganesh et Shiva. La jeune danseuse sourit peut-être un peu trop dans les passages expressifs, mais, compte tenu de son âge, son Abhinaya m'a semblé assez bon.

Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-20 à 19:30

Varshini Murali, danse bharatanatyam

Padmini Krishnamurthy, nattuvangam

Nandini Anand, chant

Easwar Ramakrishnan, violon

Deux jours plus tard, c'est encore une disciple de Padmini Krishnamurthy (elle-même disciple de Ranganayi Jayaraman). La danseuse est à peine plus âgée que la précédente. Elle semble un peu plus tendue. Après un Shloka dédié à Ganesh, elle commence son récital par un Pushpanjali en Adi Tala : la chorégraphie est magnifique et très inventive. Elle interprète ensuite un peu maladroitement le Vishnu Kavuthwam (Raga Nattai, Chatushra Ekam Tala). Dans cette version, chaque ligne de texte est d'abord récitée une première fois et pour la reprise, le texte est chanté et la danseuse exécute des mouvements rythmiques des pieds (Tattu-Muttu). Le Varnam est Sakhiye Indha Jalam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam) de Dandayudhapani Pillai. L'héroïne offre des cadeaux à son amie pour la convaincre d'aller chercher Vishnu ; elle souffre, elle ne peut plus manger, etc. Dans la deuxième grande partie, la danseuse développe l'épisode dans lequel Vishnu vient sauver l'éléphant Gajendra qui était attaqué par un crocodile. La danseuse interprète ensuite un poème de Swati Tirunal (Adi Tala) Chaliye Kunjana mettant en scène Krishna et les gopis au bord de la Yamuna. Le récital s'est conclu par un Tillana dédié à Rama en Raga Desh et Adi Tala.

Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-21 à 19:30

Gayathri Rajaji, bharatanatyam

Sri. K. Hariprasad, chant

Sri. R. Narayanan, nattuvangam

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Gayathri Rajaji quand elle avait participé à la tournée de la Chidambaram Dance Company de Chitra Visweswaran au Musée Guimet en 2013. Pour compléter l'effectif constitué par ses disciples, la chorégraphe avait alors fait appel à des danseurs formés dans un autre style. Gayathri Rajaji est en effet une disciple d'Adyar K. Lakshman (style Kalakshetra). Après le décès de celui-ci, elle se forme actuellement auprès de Leela Samson, qui était présente lors de ce récital, tout comme le maître C. V. Chandrasekar.

Le programme commence par une invocation de Ganesh “Bhajamanasa Vighneshwara” (Adi Tala) dans laquelle le chanteur a inséré de nombreux passages en Swaram. Le thème du récital est Krishna. La danseuse commence par le Shloka “Kasturitillakam”. Malgré un accompagnement musical superbe (chant de Hariprasad et Easwar Ramakrishnan au violon), le frissonomètre reste proche du zéro absolu. Le haut du corps de la danseuse est plus expressif que chez le plupart des danseurs Kalakshetra, mais elle se semble pas tout à fait à l'aise dans son corps. Sa position en demi-plié araimandi n'est pas très bien tenue ; lors de certaines frappes, le corps devient un peu instable, presqu'asymétrique. Dans le Jatiswaram du Thanjavur Quartet (Raga Kalyani, Sankirna Chapu), les mouvements de pieds semblent un peu mous ; il y a un manque de netteté.

Le Varnam Sakhiye Inda Velayil (Raga Anandabhairavi, Adi Tala) du Thanjavur Quartet est dédié à Krishna, celui qui porte la conque et le disque. La danseuse a manifestement des possibilités en Abhinaya, qui vont plus loin que ce que font habituellement les danseurs Kalakshetra, mais j'aimerais qu'elle s'y abandonne encore un peu plus. Les passages rythmiques sont correctement exécutés, mais le Varnam suit une structure étrange. Le premier long jati (à trois vitesses) mis à part, les jatis viennent par paires dans cette chorégraphie : le troisième jati vient immédiatement après le deuxième, le cinquième juste après le quatrième, etc. Je n'ai vu cette structure que chez quelques danseurs Kalakshetra. Une particularité de cette composition du Thanjavur Quartet est que le texte de la composition ne commence pas sur le premier temps ; ainsi, les jatis ne se finissent pas juste avant le premier temps comme c'est en général le cas, mais juste avant le deuxième temps du cycle rythmique. Le manque de développement dans l'Abhinaya est contrebalancé par une exégération du temps consacré à la danse pure, ce qui rend l'ensemble du Varnam complètement déséquilibré à mon goût. L'héroïne est impressionnée par la ville et le temple de Krishna, qui est représenté comme Vishnu-Padmanabha, en bouvier, ou avec la conque et le disque. La danseuse développe l'épisode dans lequel Vishnu sauve l'éléphant Gajendra d'un crocodile. Elle évoque aussi celui dans lequel Krishna soulève le mont Govardhana, mais c'est beaucoup trop bref pour être intéressant.

Le point culminant du récital a été l'interprétation du très classique Padam “Indendu” (Raga Suruti, Mishra Chapu) que la danseuse a travaillé avec Bragha Bessel. L'interprète m'y a semblé beaucoup à l'aise et convaincante. L'héroïne demande à Krishna de s'en aller : “Aurais-tu des yeux de poisson ? Tu ne vois pas que ma rue est bien plus étroite que celle de ma rivale ?”. Elle referme sa porte et se retire, en hésitant un peu, se retenant de changer d'avis. Si seulement Bragha Bessel pouvait étendre son influence pour que les danseurs Kalakshetra développent davantage l'Abhinaya tout au long du récital, et pas seulement dans les Padam...

Le récital s'est terminé par un Tillana en Adi Tala chorégraphié par Adyar K. Lakshman et se concluant par une évocation de Krishna et des gopis.

Dharma Paripalana Sabha, Sri Kanchi Mahaswamy Anantha Mandapam, Adyar — 2016-07-22 à 19:15

Gopika Varma, mohiniattam

Il y a quelques semaines à Paris, j'avais été émerveillé par les récitals de mohiniattam de Deepa Chakravarthy. J'ai eu le privilège de déjeuner chez elle lors de mon séjour à Chennai ; je lui disais que si je pouvais sans problème assister à un récital de bharatanatyam tous les jours, ce ne serait pas possible pour le mohiniattam : certains interprètes de ce style parviennent à atteindre une telle excellence et à procurer de telles émotions, qu'il me paraissait absolument nécessaire que les expériences de spectateur soient plus espacées dans le temps, d'une part pour pouvoir prendre à chaque fois pleinement conscience de ce caractère exceptionnel, et d'autre part pour que ne pas être totalement blasé en regardant après des spectacles d'autres styles...

Sachant que Gopika Varma a été un des gourous de Deepa Chakravarthy, je me suis rendu à Adyar pour assister à son récital dans une salle voisine d'un fort beau temple de Padmanabha. La salle était assez peu remplie ; pour expliquer cela, la danseuse a invoqué le Kabali effect, du nom du film tamoul qui envahissait alors les écrans de Chennai. L'orchestre est composé d'un chanteur, d'un flûtiste et de trois percussions : nattuvangam (cymbales), mridangam et un tambour joué par un homme debout et qui donnait une teinte particulière à la musique.

Je n'ai pas grand'chose à dire sur le récital, si ce n'est que le style mohiniattam, par sa lenteur, explore le mouvement comme aucune autre danse classique indienne ne le fait. La première pièce était en Rupaka Tala, une invocation de Ganesh dont la monture est la souris. Elle a interprété ensuite un Kirtana de Swati Tirunal (probablement Shri Kumara Nagaralaye en Adi Tala et Raga Atana) en relation avec l'histoire du temple de Kumaranaloor, qui devait être initialement un temple de Kumara, mais qui est un temple de la Déesse (cf. cette page Wikipedia). Le Dasa Varnam est dédié à Vishnu et évoque différents épisodes épiques dans lesquels le Bienheureux est devenu un serviteur (Dasa). Je ne les ai pas tous compris (et si je les ai compris, je n'ai pas forcément vu le lien avec le thème). Un épisode évoquait Shabari, qui avant de donner des baies à Rama, les avaient goûtées... Un autre évoquait l'avatar du Nain. Dans un autre, Krishna portait Radha et ainsi les marques de pieds qu'il laissait étaient plus profondes, attirant la suspicion des autres gopis... Le récital s'est terminé par un prière en Rupaka Tala.

Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2016-07-23

Namrata Venkatesan, bharatanatyam

Parvathi Ravi Ghantasala, nattuvangam

Smt. Nandini, chant

Sri. Hari Babu, mridangam

Sri. Srinivasan, flûte

Sri. Dorai, violon

Ce récital interprété par une danseuse au costume rose flashy est dédié à Vishnu. Il commence par une invocation chantée Balakrishna Padamala. Après un mini-Pushpanjali, la danseuse interprète une composition de Swati Tirunal “Gopala pahima” dédié au Maître des sept collines (Venkateshwar). La pièce comporte des passages de danse pure rythmiquement complexes. La danseuse évoque très brièvemenet l'épisode dans lequel Yashoda demande à Krishna d'ouvrir la bouche, parce qu'elle le soupçonne d'avoir mangé de la boue : l'Univers entier lui apparaît. Le programme se poursuit avec le même Varnam que celui que j'ai vu trois jours plus tôt : Sakhiye Indha Jalam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam). Un des jatis utilise l'espace d'une façon qui me rappelle le style de M. Selvam. Vers la fin du Varnam, la danseuse développe magnifiquement bien l'épisode de l'éléphant Gajendra sauvé par Vishnu. Le texte mentionne l'intervention de Krishna pour protéger Draupadi et la défaite de Ravana par Rama, aidé de Hanuman, mais l'évocation dansée, bien réalisée, est malheureusement trop courte. La danseuse interprète ensuite une pièce sur le jeune Krishna Bhavayami Gopalabulam (Raga Yamuna Kalyani, Khanda Chapu). La pièce la plus intéressante du programme est peut-être “Kandai kandai Sitai” (Raga Bageshri, Tisra-nadai Adi Tala). Elle raconte le voyage en éclaireur de Hanuman à Lanka. Sita déprime dans le bois d'aśoka, elle pense même à se suicider. Hanuman l'en dissuade et lui montre l'anneau que Rama lui a donné. L'interprétation pose à mon avis quelques problèmes : les personnages ne sont pas suffisamment caractérisés, par exemple, quand la danseuse joue le rôle de Hanuman, seules ses mains indiquent qu'elle joue un singe ; si on se fiait uniquement à son expression, on pourrait penser qu'elle est toujours en train d'interpréter Sita. Le récit en flash-back a une structure un peu étrange ; on ne sait pas très bien à quel niveau du récit on se situe. Hanuman est-il en train de raconter son voyage à Rama ? Le climax est atteint quand Hanuman se grandit avant de s'élancer au-dessus de l'Océan (le chant se transforme alors en une répétition du nom Rām). Le programme se conclut avec “Bhaja Govinda” composé par Adi Shankara.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2016-07-27 à 19:00

Smrithi Chanjeevaram, danse bharatanatyam

Ce récital est sans doute le moins intéressant de ceux que j'ai vus pendant mon séjour à Chennai, la technique de la danseuse étant assez moyenne. Les musiques étaient enregistrées. Après un Pushpanjali en Adi Tala dans laquelle la danseuse explore les quatre directions (elle est parfois de dos), elle évoque l'histoire de Ganesh, le fils de la Déesse Gauri, dont Shiva coupera la tête, etc. Vient ensuite un poème sur la Déesse Lalita Bhubaneshwari..., dont la monture est le tigre. Le Varnam en Adi Tala et Raga Nilambari est dédié à Muruga, dont le paon est la monture. L'héroïne lui dit en substance : Viens, je suis comme une fleur sans soleil.. Le Javali en Adi Tala qui suit met en scène les espiègleries du jeune Krishna et le récital se conclut par un Tillana (Adi Tala, Raga Madhuvanti) qui est dédié à Krishna.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-02

Subashri Sashidharan, danse bharatanatyam

Smt. S. Divyasena, nattuvangam

Smt. K. P. Nandini Sai Giridhar, chant

Sri. G. Ram Shankar Babu, mridangam

Sri. K. Ganeshan, violon

Sri. J. B. Sruthi Sagar, flûte

Mallari (Raga Gambhira Nattai, Khanda Triputa, composé par B. P. Hari Babu)

Virutham (Ragamalika, texte de Kumaraguru Swami)

Pada Varnam “Mohamana” (Raga Bhairavi, Rupaka Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)

Javali “Indendu” (Raga Suruti, Mishra Chapu)

Ododi Vanden (Raga Dharmavati, Adi Tala, composé par AMbujam Krishna)

Shankara Shrigiri Nathaprabhu (Raga Hamsanandi, Adi Tala, composé par Swati Tirunal)

Thillana (Raga Behag, Adi Tala, composé par Dr. Balamurali Krishna)

Entre le 1er et le 10 août se tenait à la Music Academy de Chennai le festival-concours Spirit of Youth (réservé à des interprètes de moins de 25 ans). L'an dernier, j'y avais vu l'extraordinaire Sudharma Vaithiyanathan. Cette année, je n'ai vu que trois récitals, qui sans être absolument époustouflants étaient tous de très bonne qualité.

La technique de la danseuse Subashri Sashidharan au costume rouge et blanc est assez impressionnante : son demi-plié est très bas, ses ginatoms sont magnifiques dans le Mallari, son travail sur le regard aussi. Son Abhinaya n'est pas tout-à-fait aussi convaincant ; ses gestes sont parfois un peu brusques. Le Viruttam (forme musique du Shloka, mais en langue tamoule) évoque diverses idées sans que je comprenne le sens global : Padmanabha, le protecteur de l'Univers, Brahma, les quatre Veda, le son, Saraswati à la vîna, etc. Au cours du récital, l'accompagnement musical est quelque peu déséquilibré. La chanteuse Nandini est magnifique, mais le mridanguiste attire beaucoup trop l'attention à lui. Le bien-nommé flûtiste Sruthi Sagar produit des sons qui parfois me paraissent sublimes et parfois me semblent affreux ; c'est vraiment étonnant. La progression thématique du Varnam composé par le Thanjavur Quartet et dédié à Brihadishwara est on ne peut plus traditionnelle. Un jati accompagné du seul mridangam (sans onomatopées rythmiques) développe un peu trop longuement l'intervention de Kama. Dans le Padam composé par Ambujam Krishna, l'héroïne est tout à son adoration de Krishna, mais le Shrinraga (Amour) est malheureusement complètement absent de l'interprétation de la danseuse. Le programme se poursuit avec le classique Indendu et une vive évocation de Shiva comme dieu dansant dans un poème de Swati Tirunal : chose rare, pour évoquer sa danse, l'interprète utilise des sauts avec réception en cinquième position (pieds croisés). Le récital s'est conclu par un Tillana composé par Balamurali Krishna magnifiquement introduit par un Alap du flûtiste.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-03

Sivasri Skandaprasad, danse bharatanatyam

Smt. Roja Kannan, nattuvangam

Sri. K. Hariprasad, chant

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Bhajamanasa Vighneshwara Manisham (Adi Tala)

Shloka “Gajanam”

Alarippu (Tishra Dhruvam, composé par Adyar K. Lakshman)

Jatiswaram (Raga Hemavati, Misra Chapu, composition du Thanjavur Quartet)

Varnam “Manavi” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)

Azhaga Azhaga (Raga Suddha Dhanyasi, Khanda Chapu, composé par Ambujam Krishna)

Sogasu (Misra Chapu)

Thillana (Raga Behag, Tisra-nadai Adi Tala, composé par Lalgudi G. Jayaraman)

La guru de la danseuse a eu pour maîtres Adyar K. Lakshman et Kalanidhi Narayanan. Sivasri Skandaprasad avait 10 ans quand elle a fait son arangetram en 2007. Je n'ai pour ainsi dire pas pris de notes pendant ce récital. La danseuse a un Abhinaya plus mûr que celui de la danseuse du récital de la veille. L'accompagnement musical est parmi ce qui se fait de mieux (chant, violon, mridangam). Le chanteur K. Hariprasad est dans un bon jour (magnifiques Alap avant le Varnam et le premier Padam). L'accompagnement du mridangam est merveilleux de délicatesse. Il est heureux que je me sois souvenu de la structure du Tala Dhruvam pour comprendre que Tishra Dhruvam était le nom d'un cycle en 3+2+3+3=11 temps ; sinon, j'aurais moins apprécié l'Alarippu ! Le chorégraphie du Jatiswaram m'a semblé peu musicale. Dans le Varnam (le même que Lavanya Ananth avait dansé en août 2015), l'héroïne est tout à son émerveillement (adbhuta). Un épisode est particulièrement développé : alors qu'il était en route pour les noces de sa sœur Meenakshi à Madurai, Vishnu sauve l'éléphant Gajendra de la morsure d'un crocodile. Les Tattu Muttu de la danseuse sont particulièrement intéressants et virtuoses.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-04

Vidhun Kumar, danse bharatanatyam

Smt. V. Mythili, nattuvangam

Sri. K. Hariprasad, chant

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Sri. T. Sasidhar, flûte

Shri Maha Ganapathe Surapathe (Raga Nattai, Adi Tala, composé par Mayooram Vishwanatha Shastri)

Alarippu avec Thiruppugazh (Misra)

Varnam “Konchum Sadangai” (Raga Latangi, Adi Tala, composé par Madurai R. Muralidharan)

Dhyaname Taruve (Raga Amritavarshini, Adi Tala, composé par Ambujam Krishna)

Kana Vendamo (Raga Sriranjani, Rupaka Tala, composé par Papanasam Sivan)

Thillana (Raga Valaji, Adi Tala, composé par Madurai R. Muralidharan)

Le danseur porte un dhoti jaune, et un affreux collier (je ne remercie pas ma voisine d'avoir attiré mon attention sur ce fait !). Dans sa pièce introductive, il impressionne par son regard porté au loin (peut-être un peu trop haut) et par les fentes qu'il exécute. Ce danseur ne cherche pas à imiter les danseuses ! Sa technique de pied est parfois un peu brouillone : certains pas rapides passent à la trappe. Son corps est quelque peu asymétrique : dans les positions qui devraient être symétriques, son bras gauche est souvent un peu plus bas que le bras droit. J'apprécie néanmoins beaucoup son Alarippu. Au cours de ce séjour, je me suis rendu compte qu'il y avait en réalité souvent bien plus de différences entre danseurs d'un même style (ou bani) qu'entre danseurs de styles différents. Ce danseur a été formé dans le style Thanjavur, et pourtant, j'ai eu l'impression de distinguer des détails caractéristiques du style Vazhuvoor, comme le fait de sauter avant le dernier tarikitatom d'une série.

La danse pure de ce danseur est très agréable à regarder, mais son Abhinaya ne parvient pas à me convaincre. Le danseur illustre très littéralement le sens du texte du Varnam dédié à la forme de Shiva résidant à Chidambaram. La seule émotion qu'il utilise est celle de l'émerveillement. Il évoque assez clairement certains des cinq éléments (Panchabhuta) associés à Shiva : l'air, l'eau, le feu... Rythmiquement parlant, la chorégraphie est étrange parce que l'arudi, la formule conclusive suivant les jatis qui se termine usuellement sur le cinquième ou le premier temps (dans le cas d'Adi Tala) se finisait ici sur le septième temps !? La fin du Varnam est quelque peu répétitive et je me surprends à remarquer des détails stylistiques, comme les marches en arrière à la Kalakshetra (sans épaulement, en laissant traîner le talon devant).

La composition d'Ambujam Krishna qui est jouée est Rama Stuti “Dhyaname Taruve”. Tous les sages et musiciens méditent sur Rama. La chorégraphie évoque brièvement le voyage de Hanuman à Lanka. Tout d'abord, il saute par dessus l'Océan. Fait prisonnier de Ravana, sa très longue queue s'enroule pour former un siège depuis lequel il est plus haut que Ravana. Plus loin, il met le feu à Lanka avec sa queue enflammée. Un autre épisode en rapport à Rama est évoqué, peut-être s'agit-il d'une référence au batelier Guha, considéré comme le premier dévot de Rama.

Le Padam “Kana Vendamo” est la seule pièce dans laquelle le danseur a tenté d'exprimer d'autres émotions que la dévotion et l'émerveillement. On comprend qu'il veut exprimer des choses, mais le sens global reste tout à fait mystérieux.

Le récital se conclut par un Tillana dédié à la Déesse sous le nom de Matangi.

Le spectacle était en partie gâché par l'attitude de la guru V. Mythili qui semblait se fichtre royalement de ce que faisait le danseur. Elle était complètement en mode automatique : à aucun moment elle ne le regardait, elle paraissait ne s'intéresser qu'aux onomatopées rythmiques qu'il fallait bien qu'elle récite.

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Mavin Khoo au Musée Guimet

2016-07-14 18:00+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XV

Auditorium du Musée Guimet — 2016-05-20

Mavin Khoo, bharatanatyam

Bhavana Pradyumna, chant

Prathap Ramachandra, mridangam

Jyotsna Srikant, violon

Songs of the Blue Lord

Fin mai, Mavin Khoo, qui est aussi chorégraphe de danse contemporaine, s'est produit au Musée Guimet pour un programme de bharatanatyam. J'y suis allé par curiosité, n'appréciant guère le style de danse pure de son guru Adyar K. Lakshman (dont les chorégraphies me paraissent excessivement virtuoses). Comme il appartient à une lignée issue de l'école Kalakshetra dont je déteste joyeusement l'Abhinaya (art de l'expression), je me méfiais encore davantage.

J'avoue avoir été agréablement surpris. Mavin Khoo est assurément un grand artiste. Il a tenté beaucoup de choses au cours de son programme ; certaines audaces m'ont semblées un peu folles, certaines tentatives ont à mon avis échoué, mais il est agréable de voir un artiste essayer de se dépasser ainsi. Sa danse pure est euphorisante, son Abhinaya est très bon (un des meilleurs que j'aie eu l'occasion de voir chez des danseurs masculins), mais il ne parvient cependant pas à m'émouvoir.

J'étais également venu au Musée Guimet pour la musique. Après avoir chanté les notes Sa-Pa-Sa, la chanteuse Bhavana Pradyumna a débuté le programme en interprétant magnifiquement trois shlokas : वक्रतुण्ड (Vakratuṇḍa) en hommage à Ganesh, या देवी सर्वभुतेषु (Yā Devī Sarvabhuteṣu) dédié à la Déesse et कस्तूरीतिलकं ललाटपटले (Kastūritilakaṃ Lalāṭapaṭale) à Krishna. L'accompagnement du violon était aussi remarquable.

Le programme de danse proprement dit a commencé ensuite. Il ne suivait pas la forme habituelle. Il s'agissait en gros d'un Varnam (en Adi Tala) dans lequel étaient insérées diverses compositions dédiées à Krishna. Le cycle rythmique s'interrompait au début de chaque séquence pour permettre à la chanteuse de prononcer une traduction du texte poétique qui allait suivre. (Il s'agissait peut-être du Varnam “Vanajalakshi” en Raga Kalyani ?) Le danseur a les mains complètement peintes en rouge. Il commence par le Trikala Jati, le premier passage rythmique qui utilise les trois vitesses (et un passage en triolets), qu'il conclut avec une longue formule rythmique. Dans la première séquence, le texte évoque les yeux de lotus (de Krishna, d'après la présentation). Dès le début, je comprends que Mavin Khoo n'a pas les défauts de beaucoup de danseurs Kalakshetra qui répètent exactement les mêmes gestes à de nombreuses reprises sans même changer de placement. Ici, la première ligne du texte a été montrée trois fois, de face, vers la droite puis vers la gauche, avec des gestes différents à chaque fois. L'héroïne ne peut souffrir la séparation. Coquette, elle se prépare à le recevoir, mais elle s'endort. Dans son rêve, elle l'entend frapper, Krishna l'enlace. Quand elle se réveille, elle comprend sa déception. La séquence se termine par d'assez complexes Tattu Muttu (combinaison de frappes de pieds et d'expression par le haut du corps).

Après un passage rythmique très virtuose, le danseur évoque celui qui est le fils de Vasudeva et de Devaki. Il suscite l'émerveillement en soulevant le mont Govardhana afin de protéger les bouviers des pluies déclenchées par Indra.

La danse pure de Mavin Khoo est particulièrement euphorisante dans le passage technique suivant. La formule conclusive utilise de façon intéressante des séries de tarikitatom (mouvement ressemblant un peu au style de nage crawl...) ; ils étaient en effet interprétés en accelerando, une fois en vitesse lente, une fois en vitesse moyenne et une fois en vitesse rapide.

La première partie du Varnam se conclut avec l'émerveillement de l'héroïne et ses prières devant Krishna qui est porté en procession en palanquin, avec tambours, tampura, nagaswaram, lancers de fleurs, danseuses... Si Mavin Khoo n'a globalement pas eu de difficulté particulière à évoquer des personnages féminins au cours du récital, sa représentation des danseuses accompagnant la procession m'a semblé très sommaire, un peu prosaïque.

L'Ashtapadi Sakhi He est inséré ensuite dans le programme. J'ai été content d'y reconnaître le Raga Shuddha Sarang (et Tala Mishra Chapu) dans le chant de Bhavana Pradyumna. Mavin Khoo a choisi de rester assis pendant toute la durée de cette composition. C'est un choix très audacieux, agréable à voir parce que relativement rare, mais je pense que c'était trop audacieux de sa part. Je sais à quel point cette pièce peut être extraordinaire (cf. le récital de Vidhya Subramanian). Je sais aussi l'émotion intense que peuvent susciter certaines interprètes quand elles font de l'Abhinaya assises (je garde un souvenir émerveillé de Yashoda Thakore dans un tel “exercice”). Je dis que c'était bien tenté de la part de Mavin Khoo qui bénéficiait pourtant d'un grand soutien musical dans cet essai, mais il a malheureusement échoué à m'émouvoir.

On revient ensuite semble-t-il au Varnam, avec en tout cas un passage rythmique très compliqué en Adi Tala. La danse évoque la souffrance de l'héroïne. La lumière diffusée par la Lune la brûle comme si elle était directement touchée par les rayons du Soleil. Ses pleurs sont comme une rivière. Les flèches florales de Kamadeva la font souffrir. Mavin Khoo évoque très bien l'archer Kamadeva, qui prépare les fleurs qu'il va lancer. Cependant, l'épisode m'a semblé démesurément long et répétitif. Avec son arc, il fait des dizaines de fois le tour de la scène avec des formules rythmiques diverses (sans doute très largement improvisées : il n'y avait d'ailleurs pas de nattuvanar dans ce programme !). Au bout d'un temps qui m'a semblé interminable (et malheureusement accompagné uniquement par le violon : j'aurais globalement préféré que le chant soit un peu plus présent), comme c'est souvent le cas, Kamadeva ne tire pas de flèche avec son arc, mais il lance tout simplement la fleur sur sa victime. C'est magnifique quand c'est bien fait, mais il m'a semblé que c'était raté (entre autres parce que le danseur était à ce moment-là dans un coin mal éclairé de la scène...).

Ensuite, l'héroïne veut écrire une lettre à Krishna, mais son amie ne veut pas la lui porter.

Bhavana Pradyumna interprète ensuite une composition de son guru Chitravina Ravikiran en Misra Jhampa Tala (7+1+2=10 temps) dédié à celui qui est le maître des trois mondes dont le dévot demande la bénédiction. Cette composition est interprétée par Mavin Khoo qui reste cette fois-ci debout pendant toute son interprétation. Ce choix provoque en moi les mêmes réticences que plus haut : à mon avis, en utilisant tout son corps, l'interprète parviendrait à émouvoir bien davantage.

Deux autres compositions en Adi Tala et en Chatushra Ekam concluent le récital. Que peut-on bien Lui offrir ? Des fleurs, de l'eau, des gâteaux ? Non, ce n'est pas assez bon pour Lui ! La dernière composition représente Krishna comme bouvier, fils de Vasudeva et Devaki. Le récital s'achève par un accelerando, le danseur finissant à plat ventre.

Après avoir été beaucoup applaudi, le danseur explique qu'il a oublié une danse. Il interprète alors un passage rythmique utilisant progressivement les trois vitesses et qui est uniquement composé de Mandi Adavus (dans lesquels on fait des fentes ou pose un genou par terre). C'est impeccablement exécuté, à une vitesse frénétique. À l'image de tout le programme : c'est impressionnant, un tout petit peu show-off, mais cela ne m'émeut absolument pas.

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Deepa Chakravarthy au Centre Mandapa

2016-06-15 14:23+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2016-05-05

Deepa Chakravarthy, mohiniattam

Invocation au Dieu Vishnu

Jatiswaram (Adi Tala)

Varnam (Raga Charukeshi, Adi Tala)

Ashtapadi “ललितलवङ्ग

Thillana (Tishra Adi Tala)

Je n'ai eu qu'une poignée d'occasions de voir de la danse mohiniattam, mais il ne fait nul doute que Deepa Chakravarthy est une très grande interprète. Son art de l'expression est absolument extraordinaire. Je ne suis pas certain qu'une seule autre danseuse indienne (tous style confondus) m'ait fait éprouver de telles émotions pendant toute la durée d'un récital.

Le jeudi 5 mai, elle a commencé son récital par une invocation au dieu Vishnu, tel qu'il est représenté au temple de Trivandrum, un temple dont l'entrée est défendue aux non-hindous. Cette invocation prenait la forme musicale du Shloka, c'est-à-dire que texte est chanté sans qu'il y ait de pulsation rythmique régulière : le texte remplace les onomatopées utilisées habituellement dans l'Alap. Au cours de ce Shloka de quelques minutes (et dans lequel la vînâ se fait entendre, un instrument que l'on entend rarement dans les autres styles de danses classiques indiennes), la danseuse m'a semblé faire preuve de qualités expressives très intenses et en tous points comparables à ce que les danseuses les plus expérimentées (de bharatanatyam) tentent d'exprimer, sans toujours y parvenir, dans le Varnam qui est la pièce la plus élaborée du répertoire. Le thème était en effet comparable à ceux des Varnam les plus traditionnels : il s'agit du parcours spirituel d'une héroïne jusqu'à la vision de la divinité dans son sanctuaire. La danseuse disciple de Gopika Varma et Neena Prasad a commencé par représenter l'arrivée de l'héroïne près du temple dont elle admire les sculptures. Quand la porte du temple s'ouvre, c'est l'émerveillement. J'attendais le moment où la divinité lui apparaîtrait. Sachant que la divinité est adorée dans le temple de Trivandrum sous le nom de Padmanabha, je me préparais bien sûr à voir une représentation de Vishnu allongé sur le serpent Shesha. J'en ai déjà vu de très nombreuses représentations dans la danse, mais celle qui a été proposée ici était nouvelle pour moi. En demi-plié, les pieds écartés, la danseuse a commencé à montrer le serpent Adi Shesha avec ses deux mains, puis le haut de son corps, du torse à la tête, s'est mis à tourner délicatement, tandis que l'expression de la danseuse se métamorphosait pour faire apparaitre Vishnu couché sur le serpent. Cette transformation est une des choses les plus extraordinaires qu'il m'ait été donné de voir. La suite de la chorégraphie exprime que Vishnu règne sur l'Univers et a pour épouse Lakshmi.

La suite du récital suit un format semblable à ce qui se fait dans le bharatanatyam (Margam). En effet, après la mort du roi Serfoji, certains des membres du Thanjavur Quartet qui ont mis au point le format du Margam ont rejoint d'autres cours royales. L'aîné Chinnayya est allé à Mysore à la cour de Krishnaraja III, Vadivelu a rejoint celle de Swati Tirunal (Travancore) où il a participé à réforme du style mohiniattam. La pièce suivante a ainsi été un Jatiswaram en Adi Tala. Les mouvements suivent une structure habituelle utilisant les trois vitesses : des séquences de mouvements sont d'abord exécutées en vitesse lente, en vitesse moyenne puis en vitesse rapide. Les mouvements ne sont jamais aussi rapides que dans le bharatanatyam, mais ce n'est en aucun cas un problème pour moi. Quelle que soit la vitesse, les mouvements de pieds sont extrêmement précis. Les pieds touchent toujours le sol à un instant précis du cycle rythmique (la danseuse n'a d'ailleurs pas peur de faire du bruit avec ses frappes) tandis que la posture générale du corps évolue de façon très continue. Il serait parfois difficile de dire précisément quand le mouvement des bras commence ou finit précisément : très lents mais très intenses, ils semblent ne jamais devoir se terminer. Bref, la technique de la danseuse est aussi sublime que son Abhinaya.

La structure formelle du Varnam est très voisine de son équivalent dans la danse bharatanatyam. On y trouve aussi une alternance entre passages narratifs ou expressifs et passages de danse pure (qui sont ici accompagnés d'un chant et non pas de la récitation de syllabes rythmiques). Le thème est tiré du Bhagavata-Purana.

Le Varnam commence par l'émerveillement d'Usha, la fille de Banasura, alors que lui apparaît en rêve Aniruddha, fils de Pradyumna et donc petit-fils de Krishna. Après le premier passage rythmique, l'interprète évoque la beauté d'Aniruddha, qui a l'éclat de la Lune, une démarche noble et qui est orné de bijoux et d'une ceinture. L'Abhinaya de la danseuse est très fin. Pour représenter l'émerveillement de l'héroïne, la danseuse exécute avec une sublime lenteur certains mouvements minuscules : les mouvements des yeux qui montent légèrement, tout comme le buste, alors que les talons montent d'un ou deux centimètres. L'interprétation est tellement intense que l'impression produite par ces petits mouvements est gigantesque.

Usha's Dream (Raja Ravi Varma)
Usha's Dream (Raja Ravi Varma)

Après un passage rythmique, la séquence suivante met magnifiquement en scène en flash-back l'apparition d'Aniruddha dans le rêve d'Usha. Il apparaît entouré de fleurs de lotus et s'approche d'elle. Elle est allongée. Il l'ensorcelle alors qu'elle dort. Elle se réveille enivrée avec le parfum du lotus qu'il a laissé en l'embrassant. L'interprétation de cette scène a été sans doute le point culminant du récital. S'ensuit un passage technique dont le chant est composé de notes solfiées.

Pour retrouver les sensations de son rêve, Usha demande à son amie Chitralekha de faire un portrait du jeune homme qui lui est apparu. Chitralekha commence par dessiner Vasudeva (le père de Krishna), mais Usha n'en veut pas (la danseuse utilisant intelligemment des pirouettes pour passer d'un personnage à l'autre). Alors, Chitralekha revient à son ouvrage et dessine cette fois-ci Krishna. La plume de paon qu'elle dessine nous fait comprendre qu'il s'agit de Krishna, mais le texte chanté faisait aussi ressortir assez clairement les noms des héros représentés par Chitralekha. Usha ne veut pas non plus de Krishna. Chitralekha efface la plume de paon moquée par Usha et dessine Aniruddha, ce qui rend enfin Usha heureuse.

Le Varnam bascule ensuite dans sa deuxième grande partie (plus courte que la première) dont les parties dansées sont plus vives et accompagnées de notes solfiées. Comme en bharatanatyam, ces séquences sont ponctuées rythmiquement par une formule Ardi. Plus loin, une phrase reprise en Tattu Muttu (mouvements rythmiques des pieds) exprime le désir d'union de l'héroïne avec Aniruddha, celui dont le visage a l'éclat de la Lune. À la fin, plus personne, pas même Chitralekha, ne la retient d'aller le rejoindre.

La danseuse a ensuite interprété un Ashtapadi extrait du Gîta-Govinda de Jayadeva. Il s'agissait du troisième qui est intitulé Lalita Lavanga. L'interprétation de la danseuse m'a semblé être une traduction plus claire du texte sanskrit que ne l'est la traduction française (confuse) de Gaston Courtillier. Voici la première ligne du texte dans la bien meilleure traduction de Jean Varenne :

Souffle le vent du Malaya,
caressant tendrement les feuilles
et les fleurs de girofle ;
et l'on entend, dans les taillis,
la note basse des abeilles
et l'appel du coucou.
(Traduction de Jean Varenne, éditions du Rocher/Unesco)

Cette phrase a été reprise plusieurs fois par la danseuse en Tattu Muttu. L'interprétation était telle que j'avais l'impression de comprendre le texte sanskrit de façon aussi claire que dans la traduction ci-dessus. La pièce exhale la beauté de la nature propice aux émois amoureux. Il y est question de couples d'oiseaux, de biches, de paons, du parfum des fleurs, de jeux d'eau, des flèches florales que lance Kamadeva. Submergée par ses sentiments, l'héroïne supplie le dieu de l'Amour de ne pas la frapper davantage. La danse pure était intelligemment associée à cette pièce expressive.

Ce superbe récital se conclut par un Tillana très bien architecturé dans le cycle rythmique Tishra Adi Tala utilisant des subdivisions ternaires. La plupart des Thillanas utilisant des subdivisions binaires, cette composition permettait de mettre en valeur des variations rythmiques différentes. Le texte final de la composition est un hommage au dieu Muruga, fils de Shiva.

Centre Mandapa — 2016-05-06

Deepa Chakravarthy, mohiniattam

Invocation au Dieu Shiva (Adi Tala)

Solkattu (Adi Tala, composition de M. S. Sukhi)

Varnam (Raga Charukeshi, Adi Tala)

Padam (composition de Swati Tirunal)

Thillana (Raga Revati, Adi Tala)

Le lendemain, la danseuse a proposé un programme dont toutes les pièces, à l'exception du Varnam, étaient différentes. Elle a commencé par une invocation à Shiva, de nature plus technique que celle de Vishnu proposée la veille. La composition utilise un texte d'Adi Shankara (Shiva Panchakshara Stotram ?). De son troisième œil, il a réduit en cendres Kamadeva. C'est un yogi. Les serpents et le feu sont ses ornements. La chorégraphie représente aussi la rivière Ganga, le buffle Nandi et le lingam. Des fleurs semblent tomber du ciel. Le texte fait aussi référence aux sages Vasishta et Gautama. La composition rythmique a comporté une section de Swaram (utilisant des notes solfiées).

La pièce suivante a été une pièce de danse pure Solkattu dont la musique est constituée d'onomatopées rythmiques. Un étrange écho était présent dans l'Alap introductif (au lieu qu'un violon réponde à la voix comme cela se fait habituellement en musique carnatique, la voix se répondait à elle-même...).

Après le Varnam tout aussi magnifiquement interprété que la veille, la danseuse a poursuivi son récital avec un Padam sur un thème peu original. L'héroïne y est séparée de Padmanabha. Elle en souffre ; la nourriture ne lui inspire que le dégoût. Elle se prépare pour le recevoir, mais elle doute qu'il reviendra.

La danseuse a conclu son deuxième récital par un Tillana en Adi Tala qui présentait une certaine complexité rythmique et qui rendait hommage à la Déesse Sarasvati.

Ce deuxième récital m'a semblé à peu près aussi remarquable que le premier ; j'ai particulièrement aimé revoir le Varnam. J'ai toutefois préféré le premier programme qui mettait à mon avis mieux en valeur les qualités de la danseuse dans l'art de l'expression.

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K. P. Yeshoda au Centre Mandapa

2016-05-27 11:15+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2016-05-03

K. P. Yeshoda, bharatanatyam

Nataranjali (chorégraphie de VP Dhananjayan)

Shri Cakraraja (Ragamalika)

Varnam “Svami ni manam irangi” (Adi Tala, Ranjani Raga, composition de Papanasam Siva, chorégraphie de Rukmini Devi Arundale)

Jagan Mohanane Krishna (Ragamalika, Adi Tala, composition de Purandaradasa, chorégraphie de Krishnaveni Lakshmanan)

Padam (Raga Ahari, Mishra Chapu)

Javali “Yera Rara...” (Adi Tala)

Thillana (Adi Tala)

La danseuse K. P. Yeshoda est pour ainsi dire inconnue du Grand Oracle Omniscient. Avant la date de son récital, je n'avais trouvé que cette vidéo qui ne m'incitait pas particulièrement à fuir. N'escomptant pas de très grandes émotions de la part de danseurs formés dans le style Kalakshetra (une école située près de Chennai), à part la curiosité, je n'avais aucune raison particulière de venir, mais si même moi, je ne venais pas, qui donc viendrait au Centre Mandapa ? Effectivement, très peu de spectateurs sont venus assister au récital de bharatanatyam de K. P. Yeshoda au Centre Mandapa. Sa tante Katherine Kunhiraman, veuve du danseur de kathakali K. P. Kunhiraman, était présente.

J'ai écrit ici beaucoup de mal (et pensé encore plus) à propos de Kalakshetra, de l'institution, de son discours, et dans une certaine mesure du style de cette école (dans la danse pure et surtout dans l'Abhinaya). Pour ce qui est des aspects purement artistiques, mon opinion négative résulte de mon expérience de spectateur avec un certain nombre d'interprètes de ce style. Mon opinion serait sans doute un peu différente si je n'avais vu que des interprètes ayant les qualités de K. P. Yeshoda. Elle fait preuve d'une très belle technique Kalakshetra. Tout est propre dans ses mouvements. Rien ne semble exagéré. Cela reste néanmoins de la technique Kalakshetra. Ainsi, je continue à être perturbé par la façon peu naturelle dont les yeux se dirigent vers la main tendue sur le côté sans vraiment la regarder (mettez-vous debout, tendez vos bras sur les côtés à la hauteur des épaules, essayez de regarder votre main droite en gardant la tête parfaitement droite, fermez l'œil droit : en principe vous ne voyez plus la main droite, n'est-ce pas ?). Ce récital ne m'a pas fait devenir un admirateur du style Kalakshetra, mais au moins, au cours de ce récital, quand il m'a semblé observer des choses étranges ou perturbantes dans la danse pure, je n'ai eu aucun doute : il s'agissait de caractéristiques du style Kalakshetra et non d'erreurs techniques de la part de la danseuse. Tout au plus, la danseuse restait parfois en demi-plié là où la chorégraphie demandait vraisemblablement de descendre en grand plié. Toutefois, en matière d'Abhinaya, si l'interprétation est plus qu'honnête et très sincère, on reste toujours dans le carcan émotionnel du style Kalakshetra : il n'y a rien qui puisse véritablement m'émouvoir et dans toutes les pièces, de nombreuses phrases seront répétées à l'identique par la danseuse.

Après un Shloka et une composition musicale dédiés à Ganesh, la danseuse a commencé son récital par une offrande dansée intitulée Nataranjali. La chorégraphie évoque Shiva. Elle met particulièrement en valeur la Lune et la rivière Ganga s'écoulant de ses cheveux. Il s'agit cependant principalement d'une pièce de danse pure dans laquelle la danseuse utilise de très beaux phrasés dans ses mouvements lents, une capacité rarement observée dans le style Kalakshetra. Dans ses Tattu Muttu (frappes de pieds accompagnant le texte chanté), elle utilise la technique de son école selon laquelle le genou droit est devant (pied parallèle) tandis que le genou gauche est sur le côté (en dehors).

La danseuse a chorégraphié elle-même la pièce suivante Shri Cakraraja qui rend hommage à la Déesse, qui porte le disque, et qui est aussi la Déesse de la connaissance et des arts. La chorégraphie évoque ainsi les quatre Vedas, la musique et la danse, en représentant la Déesse comme épouse de Nataraja. L'hommage à la Déesse est suggéré par le rituel de l'offrande de feu associée au jeu des tambours et des hautbois. Sur son nom de Kameshwari, la chorégraphie évoque le dieu de l'Amour Kamadeva. Après une expression du dégoût (je n'ai pas saisi le contexte), la pièce se termine dans l'apaisement.

La pièce principale du récital est un Varnam chorégraphié par Rukmini Devi. Le premier jati intervient sans aucune introduction. La chorégraphie (qui se répète encore à l'identique) évoque ensuite Muruga en utilisant les mudras caractéristiques de ce fils de Shiva (Shikhara et Trishula). Les sections expressives suivantes montreront l'héroïne souffrant de la séparation de celui dont la monture est le paon. À la toute fin, l'héroïne dit simplement à Muruga : Viens !.

La pièce suivante Jagan Mohanane Krishna était déjà au programmme de Hiruthiga Vigithan en octobre dernier. La chorégraphie évoque les avatars de Vishnu. Deux épisodes sont particulièrement développés. Le premier montre Vamana, le Nain (cinquième avatar de Vishnu), qui parvient à vaincre Bali par la ruse. Il est en effet venu demander au roi démonique un terrain qu'il pourrait délimiter en trois pas, ce que Bali accepte, puisque Vamana est un nain... Ce nombre de pas était suffisant à Vishnu pour parcourir les trois mondes et enfoncer Bali dans le monde souterrain en lui marchant sur la tête lors du troisième pas. La chorégraphie ne représente me semble-t-il que les deux premiers pas de Vishnu. Ce qui est très dommageable à la présentation est que la séquence dans laquelle la danseuse représente ces deux pas est répétée à l'identique... L'autre épisode est celui du barattage de la mer de lait dont je me souviens particulièrement du rôle du serpent Vasuki.

La danseuse interprète ensuite un Padam en langue malayalam de Maharaja Swati Tirunal, chorégraphié par la danseuse. L'héroïne attend son bien aimé. Elle se remémore un passé heureux. Touchée par les flèches de Kamadeva, elle brûle d'amour pour Padmanabha (Vishnu) : la lumière la fait souffrir. Elle se prépare pour lui : elle prend un bain, choisit les meilleurs vêtements, etc, pour finalement aller au temple.

Le programme se poursuit avec le même Javali qu'avait dansé Hiruthiga Vigithan. La pièce me semble encore une fois très répétitive, et l'atmosphère caractéristique de ce type de danse est malheureusement absente. Le contenu érotique des Javali et le contexte de leur composition (qui fait l'objet d'un beau chapitre dans le livre Unfinished gestures de Davesh Soneji) va tellement contre les principes moraux promus par l'idéologie Kalakshetra que je ne parviens pas à comprendre pourquoi les Javali figurent au répertoire transmis par cette institution...

Le récital s'est conclu par un Tillana utilisant de façon très progressive les trois vitesses d'exécution des mouvements. La partie linguistique de la composition est un hommage à Rukmini Devi, fondatrice de Kalakshetra. La partie expressive correspondante était assez peu lisible : je n'ai compris qu'il était question d'elle que parce que son nom était prononcé à la fin du poème.

Ce billet s'est transformé en cours de rédaction en une critique du style Kalakshetra. Je voudrais cependant réaffirmer la sincérité et la qualité du travail de K. P. Yeshoda. Bien davantage que d'autres élèves de Kalakshetra que j'ai vues, c'est une excellente ambassadrice du style de cette école. Son récital met ainsi en lumière de façon éclatante les caractéristiques de ce style, qu'elles soient positives ou négatives à mes yeux...

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Le festival de danses indiennes “Mouvements émouvants” 2016

2016-05-22 19:20+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Au cours de la semaine du 18 au 24 avril s'est tenue la deuxième édition du festival de danses classiques indiennes “Mouvements émouvants” organisé par la danseuse odissi Mahina Khanum. L'événement a pris des proportions plus importantes que lors de la première édition. On a retrouvé les stages d'initiation aux différentes danses classiques indiennes. J'ai participé à ceux de mohiniattam, sattriya et odissi. La durée de chaque stage a été rallongée à 1h30, ce qui permet d'entrer un peu plus en détail dans les particularités de chaque style. J'ai aussi participé au stage d'initiation à la musique carnatique avec la magnifique chanteuse Bhavana Pradyumna que j'avais déjà eu le plaisir d'entendre lors du récital de Renjith & Vijna au Musée Guimet (et entretemps, j'ai eu le privilège d'être accompagné par son chant pour danser une pièce de bharatanatyam lors d'un récital d'élèves de ma professeur Jyotika Rao).

Au programme, il y eut aussi une visite commentée du Musée Guimet et une projection du film L'œil au-dessus du puits de Johan Van Der Keuken, auxquelles je n'ai pu assister. La plus grande nouveauté de cette édition a été la journée d'études à l'auditorium de l'Inalco le 18 avril. Il s'agissait de retracer l'histoire de la pratique des danses indiennes en France. Il a été fait mention à plusieurs reprises des servantes des dieux ou devadasis — une troupe de bayadères fit une tournée en Europe dans les années 1830, provoquant parfois la déception des spectateurs européens qui préféraient voir les imitations orientalisantes de quelque danseuse classique comme Fanny Elssler ou Marie Taglioni plutôt que les authentiques danseuses indiennes — mais ce n'était pas le sujet de cette journée qui mettait résolûment l'accent sur les pratiques des danses indiennes par des Françaises (ou plus généralement des Européennes), la pionnière étant Simkie (Simone Barbier). Avant Simkie, mais bien après les nombreux ballets romantiques sur les thèmes indiens (le plus célèbre étant La Bayadère de Marius Petipa), d'autres danseuses avaient tenté de construire leur propre style de danse à partir de diverses sources, comme des sculptures. Certaines d'entre elles n'ont apparemment pas été sans influence sur le développement de la danse moderne en Europe dans la première moitié du XXe siècle. Plusieurs figures furent évoquées par Tiziana Leucci, Irene López Arnáiz et Ananda Ceballos : Nyota Inyoka, Djemil Anik, Mata-Hari, Tórtola Valencia, etc.

Simkie a été la première Française à aller en Inde apprendre la danse indienne et à danser avec Uday Shankar (voir le film Simkie Paris-Delhi qui a été projeté à la fin de la journée), mais elle accepta de prendre Amala Devi comme élève et celle-ci enseigna par la suite le bharatanatyam à Paris pendant longtemps.

Les moments les plus intéressants et émouvants de la journée ont été à mon avis ceux pendant lesquels se sont exprimées plusieurs générations d'artistes non universitaires ayant fait de longs séjours en Inde pour y apprendre la danse classique auprès de maîtres de danse. Si le style kathakali a été évoqué par Milena Salvini qui était représentée par sa fille Isabelle Anna, il a surtout été question du bharatanatyam. Lors d'une session de la conférence, Malavika, Maïtreyi et Kalpana ont évoqué leurs parcours. Il était particulièrement émouvant d'entendre la doyenne Malavika raconter le sien, notamment auprès de son premier maître Kanchipuram Elappa Mudaliyar, et ses premières rencontres avec Padma Subrahmanyam. Beaucoup de membres de l'assistance, moi y compris, ont découvert Maïtreyi, délicieusement pince-sans-rire.

Kalpana et Maïtreyi, ainsi que Tiziana Leucci, ont eu pour guru Muthuswamy Pillai. La génération suivante a été représentée par Ofra Hoffman qui est disciple de son fils Selvam. Dans les interventions de Tiziana Leucci, Maïtreyi et Ofra Hoffman, il fut particulièrement question de la douloureuse transformation sociologique de la pratique et de la transmission du bharatanatyam au cours du XXe siècle, bref de l'appropriation culturelle de cette danse autrefois réservée aux devadasis par les respectables Indiens de bonne famille et du rôle particulier qu'a joué l'institution Kalakshetra de Chennai dans ce processus et dans la falsification de l'histoire qui y est associée ; on pourra par exemple visionner le film de propagande Kalakshetra: where dance is worship. Pour plus de détails, lire notamment les livres Bharatanatyam: a reader et surtout Unfinished gestures de Davesh Soneji (dont le registre de langue très soutenu en anglais est charmant).

Mouvements émouvants
Tarikavalli (bharatanatyam), Isabelle Anna (kathak), Mahina Khanum (odissi), Karunakaran (kathakali), Meena Kanakabati (sattriya), Lila (mohiniattam)

Salle Adyar — 2016-04-22

Meena Kanakabati, sattriya

Karunakaran, kathakali

Isabelle Anna, kathak

Tarikavalli, bharatanatyam

Mahina Khanum, odissi

Lila, mohiniattam

Tarikavalli (bharatanatyam)
Tarikavalli (bharatanatyam)

Le spectacle du festival “Mouvements émouvants” s'est tenu dans la belle salle Adyar que je découvrais. La première danseuse à monter sur scène a été Tarikavalli, qui a peut-être été choisie cette année parce qu'en tant que disciple d'Amala Devi, elle-même élève de Simkie, elle faisait le lien avec cette pionnère de la pratique des danses indiennes en France. Lors de la première édition du festival, la performance de Kalpana en bharatanatyam avait été irréprochable et l'art de l'expression y avait été très fin et habité : sa conception du personnage féminin y était cependant trop différente de la mienne pour que j'y souscrivisse entièrement. Cette année, la prestation de Tarikavalli m'a malheureusement semblé un cran en dessous, et pas au même niveau d'excellence que ce qu'ont proposé les autres interprètes. Elle a commencé par danser un Alarippu. Quand cela a été annoncé, j'ai espéré un instant qu'il s'agisse de celui à 9+4=13 temps (Sankirna-jâtî Triputa Tala) chorégraphié par son dernier maître US Krishna Rao (une chorégraphie que le montage de cette vidéo ne permet pas vraiment d'apprécier). En fait, il s'est agi du classiquissime Alarippu à trois temps que tous les apprentis danseurs de bharatanatyam rencontrent à un moment ou à un autre. Il y avait des choses intéressantes dans cette version, notamment l'utilisation de l'espace, les proportions des mouvements par rapport au sol étant plus grandes qu'il n'est donné à voir habituellement. Le travail sur les mouvements d'épaules et du regard étaient également très précis, quoique le port de tête paraisse souvent un peu crispé à cause de mouvements du cou un peu trop vers l'arrière. En revanche, j'ai été gêné par le fait que la danse ne collait pas toujours très bien à la musique : il m'a semblé que la danseuse était souvent en avance sur le rythme. Par ailleurs, mais c'est beaucoup plus subjectif, il est des styles à l'intérieur du bharatanatyam que j'apprécie davantage que d'autres. Dans l'Alarippu particulièrement, je n'aime pas la façon de faire des danseurs formés au style Kalakshetra : certains de leurs mouvements me semblent exagérés. Le style Pandanallur que pratique Tarikavalli est celui à partir duquel le style Kalakshetra s'est développé. Dans la danse de Tarikavalli, certains mouvements que je trouve déjà exagérés dans le style Kalakshetra sont amplifiés encore davantage. Ainsi, à plusieurs reprises, la danseuse se penche énormément vers l'avant, ce qui fait que dans la troisième grande partie de l'Alarippu, elle se retrouve littéralement à balayer le sol avec sa main. Plus l'amplitude des mouvements est grande, plus la difficulté de la danse augmente, mais dans le cas présent, cela n'ajoute aucun agrément supplémentaire à mes yeux, bien au contraire.

La deuxième pièce interprétée par Tarikavalli alternait séquences de danse pure et passages évoquant les divinités (que ces passages soient accompagnés d'un Shloka ou d'un texte chanté ou prononcé en rythme). La présentation enregistrée de cette pièce était malheureusement inaudible, et donc incompréhensible. Le Shloka évoquait semble-t-il les arts et la connaissance, en représentant l'écriture, la musique (avec la vînâ), la sculpture et la danse. Sur le mot Keshava (le Chevelu), la danseuse représentait la flûte de Krishna. Les parties expressives étaient plutôt convaincantes, mais ce type de pièce et cette interprétation en reste malheureusement au niveau de l'évocation des dieux. La danse pure ne m'a pas convaincu, la danseuse y semblant en difficulté. Le rythme marqué par les pieds ne m'a pas paru très net pendant les séquences de Tattu Muttu qui récapitulent le texte chanté en combinant des mouvements signifiants du haut du corps et des frappes de pieds.

Mahina Khanum (odissi)
Mahina Khanum (odissi)

Les deux pièces dansées par Mahina Khanum ont été à mon goût le point culminant du spectacle. La première pièce de danse odissi qu'elle a interprétée a été le quatrième Ashtapadi Candanacarcita (चन्दनचर्चित) extrait du Gîta-Govinda de Jayadeva. Le thème est plus léger que celui de Yahi Madhava qu'elle avait magnifiquement bien interprété l'année dernière. Les gopis, amoureuses de Krishna, se souviennent des bons moments passés avec lui. Elles décrivent amoureusement le bouvier joueur de flûte dont le corps est enduit de pâte de santal et agrémenté de bracelets, d'une ceinture, etc. L'atmosphère joyeuse est rehaussée par de nombreux mouvements de danse s'appuyant sur le rythme et utilisant des frappes de pieds. Les postures de la danseuse mettent en valeur ses qualités techniques ; par exemple, sa façon de poser le pied en demi-pointe (et pas à moitié, si j'ose dire) est remarquable. L'interprétation est subtile et raffinée ; il n'y avait ainsi aucune vulgarité dans la description d'une gopi à la généreuse poitrine.

La deuxième pièce qu'elle a interprétée est un Shankara Pallavi, une pièce de danse pure dont la musique est dans le Raga Shankara. Cette composition est très développée et me semble utiliser une très large palette d'enchaînements techniques alliant une précision dans les mouvements de pieds à l'élégance du haut du corps. Dans certaines positions utilisant la posture courbe Tribhang, je retiens notamment l'alternance entre l'en-dehors et l'en-dedans dans l'ouverture de la jambe. Certains mouvements étaient aussi exécutés dans la position plus carrée Chowk, qui était parfois utilisée pour des pirouettes. D'un point de vue rythmique, la composition a comporté des passages utilisant des subdivisions du temps en trois plutôt que deux ou quatre. Une superbe pièce de danse pure !

Bravo à Mahina Khanum pour avoir fait preuve d'autant de qualités, autant dans ses interprétations impeccables de ces deux pièces de danses que dans l'organisation de tout ce festival !

Isabelle Anna (kathak)
Isabelle Anna (kathak)

J'apprécie beaucoup le travail d'Isabelle Anna que j'avais déjà eu l'occasion de voir danser au Musée Guimet il y a quatre ans. La première composition (semble-t-il en Tintal), un poème d'amour dans lequel on pouvait effectivement entendre le mot Mohabat : Un mot d'amour est peu de choses si tu le gardes secret.. Elle alterne séquences expressives et passages de danse pure. La première séquence expressive représente des jeux amoureux secrets. Dans la deuxième, l'héroïne est frappée par des flèches d'amour. Dans la troisième, elle prononce ces mots d'amour. Cette pièce met aussi beaucoup en valeur les aspects techniques de la danse kathak, notamment des frappes de pieds extrêmement rapides.

Sa deuxième pièce, dans le style moghol, est présentée comme un triple hommage au sultan qui pourrait être dansé par trois interprètes différentes, mais qui est ici évidemment représenté par une interprète unique, assimilée à la favorite du sultan qui comparerait notamment la beauté du sultan à celle de la Nature. Les passages de danse expressive sont malheureusement trop brefs pour pouvoir être véritablement appréciés. J'avoue même n'avoir pas complètement compris le chapitrage de la pièce, l'aspect triple de l'hommage au sultan n'étant pas tout à fait évident. J'ai bien distingué parfois le Salam adressé par la favorite au sultan, mais ce n'est pas l'Abhinaya que je retiendrai de cette performance, la pièce utilisant la danse pure dans de bien plus grandes proportions.

Si je reste un peu sur ma faim du point de vue du côté expressif de la danse, dont Isabelle Anna est une des très rares interprètes de kathak ayant réussi à m'émouvoir par ce moyen, je retiendrai surtout la qualité de sa performance dans la technique du kathak.

Meena Kanakabati (sattriya)
Meena Kanakabati (sattriya)

Lors de la première édition du festival, ma plus grande découverte avait été celle du style sattriya pendant la performance de Soazic Lelan. L'été dernier, à Delhi, au IGNCA, j'ai pu assister à une projection du film d'Emmanuelle Petit Dans les brumes de Majuli commentée par Sunil Kothari et suivi d'une démonstration par Bhabananda Barbayan et sa disciple Gargi Goswami (dont on peut voir des extraits dans cette vidéo). Ce style est pour moi d'une beauté quasiment insoutenable. J'étais donc très heureux que ce style soit à nouveau représenté par Meena Kanakabati, qui est une disciple de Bhabananda Barbayan.

J'ai été très ému par la première pièce qu'elle a dansée, puisque je retrouvais l'émerveillement que me procure ce style de danse, malgré les légères difficultés qu'éprouvait la danseuse pour rester en rythme. En effet, Meena Kanakabati est sourde. Elle ne perçoit que certaines vibrations. Cette première chorégraphie évoquait les mouvements du paon. Le caractère délicat et aérien de cette pièce fait qu'elle y avait de moins bons repères rythmiques. Je me suis donc davantage concentré sur les mouvements élégants du haut du corps. Il m'a semblé que dans cette chorégraphie, le regard précédait les mouvements de mains qui alternaient entre les mudras Hamsasya et Alapadma. La façon dont la main s'ouvre progressivement, doigt après doigt, est très délectable !

La deuxième pièce Sri Krishna Namah est semble-t-il la même que celle qu'avait déjà présentée Soazic Lelan l'an dernier. Le rythme y étant plus marqué, Meena Kanakabati y est plus à l'aise. Pour cette pièce, elle est passé d'un costume masculin au costume féminin qu'elle porte sur la photographie ci-dessus. Comme la première, cette pièce comporte beaucoup de mouvements stylisés extrêmement élégants (dont une séquence assez longue a étonnamment été interprétée dos au public), mais c'est surtout un éloge du dieu Krishna, celui qui a des yeux de lotus (cf. photo ci-dessus), qui est le fils de Vasudeva et qui a tué Kaṃsa.

S'il n'y avait eu les petits décalages dans la première pièce, à aucun moment je n'aurais pu soupçonner que l'interprète était sourde. J'espère avoir d'autres occasions de revoir cette interprète dans un programme complet. Elle organise un festival dans la région de Montpellier du 1er au 19 juin 2016, suivre ce lien pour plus de détails. Au cours de ce festival, elle créera le spectacle Citrāṅgadā, inspiré d'une pièce de Tagore (qui tirait lui-même son sujet du premier livre du Mahābhārata).

(Une interview de Meena Kanakabati sera mise en ligne prochainement sur le site Dansomanie.)

Karunakaran (kathakali)
Karunakaran (kathakali)

Mon expérience de spectateur est assez limitée en matière de kathakali. J'en ai vu à Kochi en 2006, puis l'an dernier à Chennai lors lors du festival Svanubhava à Kalakshetra. Les acteurs de kathakali suscitent évidemment mon admiration, mais il ne s'agit pas du style de danse classique indienne que j'apprécie le plus. Ayant lu un certain nombre de textes mythologiques de l'Inde, j'arrive souvent à apprécier la narration d'un épisode tiré des épopées ou des Puranas, y compris quand c'est la première fois que je le vois représenté sur scène et que cela n'a pas été annoncé lors de la présentation du spectacle (il m'arrive aussi parfois d'être complètement perdu !). Dans les styles très dansés comme le bharatanatyam, un épisode est parfois évoqué par un unique mot dans le texte chanté. Les interprètes se contentent souvent d'y faire référence en faisant un unique geste. J'apprécie davantage quand ces épisodes sont développés (voir par exemple les billets suivants à propos de bharatanatyam : Srithika Kasturi Rangan, Gayatri Sriram, Valérie Kanti Fernando, etc.). Le niveau de détail que l'on peut observer dans les représentations de kathakali est beaucoup plus poussé, ce qui peut poser d'autres difficultés. Quelques réticences me retiennent donc d'apprécier cet forme d'art autant que d'autres. Une difficulté est que la rareté de cet art est un frein à l'apprentissage approfondi des codes permettant de l'apprécier véritablement. En bref, je ne me sens pas prêt à faire le même effort que je ne l'ai fait avec le style bharatanatyam : la tâche me semble beaucoup plus ardue avec le kathakali. L'effort intellectuel que cela me demanderait serait sans doute disproportionné par rapport aux émotions que je pourrais en tirer ensuite lors de représentations de kathakali. En effet, s'il est vrai, qu'en apparence, l'acteur de kathakali est recouvert de la tête aux pieds de divers ornements (costume, maquillage, bijoux...) et s'il fait preuve de qualités exceptionnelles dans l'utilisation des moindres parties du visage dans l'art de l'expression, il n'est pas là pour faire beau ou pour séduire : il n'y a semble-t-il aucune volonté particulière de styliser ou esthétiser les mouvements pour les rendre plus agréables aux yeux des spectateurs (de ce point de vue-là, on est à l'extrême inverse du mohiniattam qui est aussi originaire du Kerala !). L'acteur de kathakali joue et exprime des émotions, mais il raconte aussi beaucoup (à un niveau de détails dans lequel on peut parfois s'égarer). Le risque est grand de se retrouver perdu dans un tunnel de perplexité, comme d'autres formes d'art peuvent en produire. Ainsi, les récits dans les opéras de Wagner pourraient paraître ennuyeux, mais ils sont sublimés par la musique (quand elle est bien jouée !). De grands efforts m'ont été nécessaires pour apprécier la musique de Wagner, le bharatanatyam ou la musique dhrupad, mais ces efforts ont été pour moi un moyen de déclencher un très grand plaisir de spectateur ; je ne vois pas comment à court ou moyen terme, je pourrais arriver à des résultats comparables avec le kathakali...

L'épisode représenté par Karunakaran est un des exploits du tout jeune Krishna qui fait face aux diverses épreuves qu'il doit accomplir avant de tuer le démon Kaṃsa : celui de la Délivrance de Pūtanā, qui est raconté notamment dans le dixième livre du Bhāgavata Purāṇa (dont je ne dispose que d'une mauvaise traduction anglaise). Il est raconté aussi dans le Harivaṃśa (où la démonique Pūtanā ne se transforme pas en une belle jeune femme, mais a l'apparence d'un oiseau, tandis que le tout jeune Krishna dort, abrité par un chariot) :

20. Et voici que la nourrice du Bhoja Kaṃsa, bien connue sous le nom de Pūtanā, se montra au parc à l'heure de minuit sous la forme d'un gros oiseau.
21. Elle se percha sur l'essieu du chariot en poussant sans arrêt de profonds rugissements de tigre, et en laissant couler un lait trop abondant.
22. Alors que tout le monde était endormi au parc, en pleine nuit, elle présenta à Kṛṣṇa son sein : Kṛṣṇa y téta, aspira en même temps ses souffles vitaux et se mit à crier. La démone ailée s'était effondrée sur le sol amputée d'un sein.
(Chapitre 50 de L'enfance de Krishna, André Couture, Presses de l'Université Laval, traduction du chapitre 5 du Viṣṇu Parva du Harivaṃśapurāṇam)

La performance obéit à certains codes du kathakali. Ainsi, le personnage de Pūtanā est initialement caché derrière un rideau avant d'apparaître.

L'ogresse Pūtanā s'est métamorphosée en une attrayante femme. Elle éprouve un émerveillement quand elle arrive au village où se trouve Krishna, qui n'est alors qu'un bébé. L'endroit est tellement magnifique que même le serpent Śeṣa serait incapable de le décrire. Elle admire aussi l'étincelant palais de sept étages qui s'y trouve (ce qui a de quoi étonner dans ce contexte pastoral). Les différents détails de la gestuelle et de la danse correspondant à cette situation étaient individuellement très clairs, mais sans la présentation qui avait été faite de la scène, j'aurais été incapable de donner un sens à ce que je voyais.

Après cette description, l'acteur incarne résolûment le personnage de Pūtanā et exprime son dilemme. Elle hésite entre l'amour maternel sincère qu'elle éprouve en voyant Krishna et la tentative de meurtre qu'elle s'apprête à commettre. Va-t'elle l'allaiter pour le nourrir ou pour l'empoisonner ? Du point de vue des conventions théâtrales, j'ai eu du mal à décider avec certitude si le personnage accomplissait véritablement les actions qui étaient montrées ou s'il s'agissait d'une projection imaginaire dans un futur qui serait conditionné à l'un ou l'autre des choix que ferait finalement Pūtanā. En effet, la scène dans laquelle elle tente d'empoisonner Krishna est rejouée, et cela ne se passe pas exactement comme prévu. Elle entre, referme la porte, prend ostensiblement le poison dans un pan de son sari et allaite Krishna. Elle se met à transpirer, se sent mal, ses membres sont engourdis. Elle ne peut plus lâcher Krishna. Pūtanā reprend son apparence démonique et est libérée alors que Vishnu lui apparaît.

Cette performance m'a semblée très intéressante, et ce d'autant plus que le fait que les styles kathakali et mohiniattam originaires du Kerala soient présentés au cours d'un même spectacle permettait d'en apprécier les points communs et les différences. Je ne me suis ennuyé à aucun moment et j'ai eu le sentiment que le public autour de moi était scotché par le jeu de Karunakaran.

Lila (mohiniattam)
Lila (mohiniattam)

Après l'entr'acte, est venu le tour de Lila d'interpréter une pièce dans le mohiniattam. La danseuse a remplacé Brigitte Chataignier qui s'était blessée. La pièce qu'elle a dansée est à la gloire de Shiva. Elle suggère l'émerveillement devant la danse de Shiva, qui tient le tambour Damaru (ou Dundubhi) dans la main. La chorégraphie m'a semblée quelque peu répétitive, le très lent mouvement de rotation du haut du corps associé au mouvement de la main tenant le tambour revenant un peu trop souvent à mon goût. Le regard de la danseuse me semblait manquer parfois d'une intensité qui lui aurait permis de maintenir davantage l'attention des spectateurs. L'interprète faisait parfois du lip sync avec le texte de la composition musicale, ce qui ne fait à ma connaissance pas partie du style. La prestation est toutefois d'assez bonne qualité, et c'est un vrai plaisir de pouvoir apprécier le caractère gracieux de ce style si rarement dansé à Paris. Parmi les thèmes en rapport avec Shiva qui sont évoqués dans la chorégraphie se trouvent notamment la rivière Ganga, les instruments de musique comme la vina, la flûte de Vishnu ou encore l'ektara du sage Narada (?), à moins qu'il ne s'agisse du tampura. Elle représente aussi les claps du cycle rythmique ou encore l'écriture (de façon générale à moins qu'il ne s'agisse de rendre hommage au compositeur de la pièce). La pièce a aussi comporté quelques passages de danse pure délicieusement lents. Parmi les particularités rythmiques, la pièce a comporté quelques séquences utilisant des subdivisions en trois (triolets) et vers la fin, je me suis étonné à reconnaître les cinq types de décomposition du temps, puisque les dernières séquences (parfois très brèves) m'ont semblé utiliser successivement et de façon très nette les nombres 4, 3, 5, 7 et 9.

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Renjith & Vijna au Musée Guimet

2015-10-21 10:32+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2015-10-10

Renjith Babu & Vijna Vasudevan, bharatanatyam

C. V. Chandrasekar, chorégraphie du Varnam

Indira Kadambi, chorégraphie de l'Ashtapadi et du Javali

Mavin Khoo, nattuvangam

Bhavana Pradyumna, chant

Prasanth Pranavanathan, mridangam

Jyotsna Srikant, violon

Anusha Cherer, voix off

Shloka

Pushpanjali (Adi Tala), composé par K. S. Balakrishna

Varnam “Saami naan undan adimai enruulagamellam ariyume” (Adi Tala, Raga Natakuranji), composé par Papanasam Shiva

Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)

Javali (Adi Tala, Raga Kamas)

Bhajan (Adi Tala), composé par C. V. Chandrasekar

Avant leur récital au Musée Guimet, j'avais déjà vu danser Renjith et Vijna, mais séparément : Vijna lors d'un workshop avec C. V. Chandrasekar à Kalakshetra et Renjith lors d'un récital solo à Delhi au cours d'un festival consacré aux danseurs masculins.

Renjith & Vijna
Renjith & Vijna

Mes impressions sur ce récital en duo sont assez semblables à celles que j'avais eues en voyant Renjith en solo. Bien que les chorégraphies ne m'aient pas paru géniales, ils sont tous les deux très solides en danse pure, mais les aspects expressifs de leur danse ne m'ont absolument pas ému (comme j'en ai malheureusement l'habitude avec les danseurs ayant appris à Kalakshetra ou avec des maîtres associés à ce style). Mes plus grandes satisfactions sont venues des musiciens, et tout particulièrement de la chanteuse Bhavana Pradyumna et de la violoniste Jyotsna Srikant. Cette dernière est une formidable accompagnatrice, toujours attentive à ce que font les danseurs. La chanteuse a bien commis quelques couacs (notamment un départ raté à la fin d'un des jatis du Varnam), mais je les lui pardonne très volontiers tant elle a su créer une atmosphère musicale pendant tout le récital, notamment par ses majestueuses improvisations au début des pièces dansées.

Le récital a commencé par une invocation de Shiva ayant la forme musicale d'un Shloka. S'ensuit un Pushpanjali dans lequel la danse pure est exécutée par le couple de danseurs de façon synchronisée ou avec quelques variations. Ils enchaînent avec le Shloka “Angikam Bhuvanam Yasya” sur Shiva. La chorégraphie évoque les étoiles, le feu, la Lune, le tambour Damaru, les cheveux, l'antilope, Parvati, etc.

Le Varnam est le même que celui que j'avais vu dansé par Renjith à Delhi. La musique était alors enregistrée. Cette fois-ci, j'ai apprécié énormément l'Alap de la chanteuse. Que la pièce soit interprétée par un couple de danseurs la rend à mon avis plus intéressante. Il est par exemple possible d'observer des différences de posture dans certains passages de transition : Vijna tient ses mains au niveau des hanches à l'arrière du corps tandis que Renjith adopte une posture plus masculine, les deux mains sur les côtés en Ardhachandra. Dans les passages de danse pure, les deux exécutent des mouvements synchronisés, avec quelques variations de placement. Dans les passages expressifs, ils ont parfois tous les deux un rôle de dévôt : l'une prépare des guirlandes de fleurs tandis que l'autre trace trois lignes horizontales sur le lingam. Juste après, ils sont semble-t-il tous les deux associés dans la forme androgyne Ardhanarishwara de la divinité. Les deux dévôts implorent celui qui a la gorge bleue (Nilakantha) d'entendre leurs prières ; ils lui écrivent une lettre... Plus loin, le rôle de Shiva-Nataraja sera assuré par Renjith tandis que Vijna prendra celui de la dévôte ; la chorégraphie met en scène l'adoration du pied du dieu dansant. Plus loin, les deux danseurs montrent la chevelure de Shiva, le serpent, la Lune, la rivière Ganga. Au cours de la première grande partie du Varnam, les mouvements de danse ont comporté quelques ronds de jambe à terre et même des mouvements de jambe en l'air dans l'évocation du Seigneur de la Danse. Dans les séquences de danse pure, on a pu voir les redoutables Sharakkau Adavus et de façon très intéressante, un passage comportait un jeu de questions et réponses entre les deux danseurs.

Dans la deuxième partie Charanam du Varnam, le tempo s'accélère et le mot Satchidananda du texte revient souvent. La ligne de texte suivante évoque le temple de Chidambaram où réside Shiva-Nataraja. La dévôte poursuivant son chemin spirituel, il s'ensuit une évocation de la beauté de Shiva. À la fin du Varnam, la prière de la dévôte (Vijna) est exaucée et Renjith prend la pose de Shiva-Nataraja.

Les aspects narratifs ou évocateurs du Varnam ne m'ont pas toujours semblés très clairs. L'émotion amoureuse était étrangement absente dans la représentation dansée de ce Varnam. Il était davantage question d'une pure dévotion (bhakti), qui est restée trop sobre à mon goût. À défaut de voir l'expression du sentiment amoureux, j'aurais au moins apprécié que l'émerveillement soit représenté de façon plus convaincante. De ce point de vue-là, les Varnam sur Shiva interprétés par Lavanya Ananth et la jeune Sudharma Vaithiyanathan à Chennai récemment m'ont semblé beaucoup plus passionnants !

Les deux pièces qui suivent sont des pièces d'Abhinaya que les danseurs ont appris auprès d'Indira Kadambi. Bien que celle-ci soit une disciple de Kalanidhi Narayanan, je n'avais pas été particulièrement enthousiasmé par le récital de ce guru d'Abhinaya au Centre Mandapa. La première des deux pièces est l'Ashtapadi “Yahi Madhava”, interprété par Vijna. La seule image que je retiens est celle de Radha qui repousse Krishna en remarquant la présence de quelque cheveu trahissant son infidélité. La danseuse a certainement un certain talent pour l'Abhinaya, mais malgré le magnifique accompagnement musical de la violoniste et de la chanteuse, je n'ai pas été très ému par cette interprétation, beaucoup moins passionnante que ne l'avait été Mahina Khanum quand je l'avais vue interpréter le même Ashtapadi. L'autre pièce d'Abhinaya a été un Javali interprété par Renjith. Il joue le rôle d'une jeune femme à qui quelque médisante prête une relation amoureuse. Dans ce Javali, la narration m'a semblé beaucoup manquer de clarté. Par exemple, quand un personnage joue aux osselets au début (puis renverse tout à la fin sous l'effet de la colère), on ne sait pas très bien de qui il s'agit. Néanmoins, on comprend que la jeune femme avoue s'être bien rendue une fois chez l'homme à propos duquel on jase, mais elle se défend d'être allée plus loin. Cette pièce m'a semblée beaucoup moins satisfaisante que la précedente.

Les deux danseurs ont ensuite interprété un Bhajan en hindi. Il s'agit d'un dialogue amoureux entre Radha et Krishna. Cela a été à mon avis la pièce la plus satisfaisante du programme, mais elle ne m'a pas non plus excessivement enthousiasmé : sympa, sans plus. Krishna joue à la balle avec ses amis (quoique j'aie cru un instant qu'il était en train d'essayer d'attraper un pot de beurre). Radha porte une cruche d'eau et subjugue Krishna. Celui-ci lui tourne autour, mais elle est méfiante. Ne serais-tu pas ce jeune voleur de beurre fils du bouvier Nandagopala ? Mais, écoute-moi, enfin ! Caramba, yé souis démasqué... Ne serais-tu pas celui qui utilise un lance-pierres pour faire tomber des pots de beurre accrochés en hauteur ? Le sentiment amoureux s'empare progressivement de Radha qui demande à Krishna de lui donner sa plume de paon. Elle la lui rend. Plus loin, elle demande aussi sa flûte. Dans une scène digne de l'opéra Siegfried de Wagner, elle tente de jouer de l'instrument, mais elle s'avère très maladroite. C'est drôle, mais pas autant que dans la tétralogie de Wagner lorsque je la vis à Budapest. Krishna est obligé de lui montrer comment faire, et il en profite pour la toucher... Elle lui dit de ne pas prendre sa main, parce que tout le monde pourraient les voir. Ils s'en vont alors dans les champs et voient des antilopes et des paons. Krishna orne de fleurs la chevelure de Radha. Le récital n'a pas comporté de Tillana, mais une des dernières sections de cette composition de C. V. Chandrasekar a une forme (et des paroles) proches de celle des Tillana. Le récital se conclut par un Shloka s'achevant sur les paroles Om Shanti.

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Lavanya Ananth au Narada Gana Sabha

2015-09-15 16:25+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIV

Narada Gana Sabha, Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2015-08-15

Lavanya Ananth, bharatanatyam

K. S. Sarasa chorégraphies

Sri. K. Hariprasad, chant

Smt. Nila Sukanya, nattuvangam

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Sri. Kalaiarasan Ramanathan, violon

Pushpanjali

Alarippu (Misra Chapu Tala)

Jatiswaram (Raga Vasanta, Tishra Ekam), composition du Tanjore Quartet)

Śabdam (Ragamalika, Misra Chapu Tala), composé par Adi Cinnaya Pillai (Tanjore Quartet)

Varnam “Manavi Chekonaradha” (Adi Tala, Raga Shankarabharanam), composé par Ponniah Pillai (Tanjore Quartet)

Padam (Rupaka Tala, Raga Saveri)

Javali (Rupaka Tala, Raga Kamas), composé par Patnam Subramania Iyer

Shloka

Thillana (Adi Tala, Raga Kedaram)

Avant ce récital, j'avais déjà eu l'occasion de voir danser Lavanya Ananth. La première fois avait été au Centre Mandapa en 2011, puis au Musée Guimet en 2012 et enfin au Bharatiya Vidya Bhavan à Chennai en 2013. J'avais été émerveillé les deux premières fois, mais je n'avais pas été complètement convaincu par son récital à Chennai en 2013 : je m'attendais à de l'inoubliable, c'était seulement très bien. Cette fois-ci, je m'attendais à ce que ce soit très bien, et ce fut inoubliable ! Une de mes toutes meilleurs expériences de spectateur de danse bharatanatyam.

Je connaissais la date de ce récital depuis plusieurs mois quand la danseuse était passée à Paris pour un workshop dans lequel elle enseigna le Chidambaram Natesha Kavuthwam. Son récital du 15 août tombait opportunément le dernier soir de mon séjour à Chennai : j'avais déjà prévu de partir le lendemain matin pour Pune. Lors de ce séjour à Chennai pendant les deux premières semaines d'août, j'eus l'occasion de rencontrer diverses personnes liées à la danse bharatanatyam. J'eus notamment le privilège de retravailler avec Lavanya Ananth la chorégraphie qu'elle avait enseignée à Paris. Quand je lui demandai qui seraient les musiciens qui l'accompagneraient, elle me répondit que j'en aurais la surprise le soir du récital...

Quand le rideau s'est levé, je m'attendais évidemment à voir Kalaiarasan Ramanathan (mon violoniste préféré dans le monde du bharatanatyam), mais j'ai été très agréablement surpris de voir le chanteur K. Hariprasad et le percussionniste Nellai D. Kannan. On ne peux guère trouver mieux pour accompagner un récital de bharatanatyam. Nila Sukanya, que je ne connaissais pas, sera au nattuvangam.

Le récital fait partie de la série Poorna Margam organisée par Natyarangam. L'organisatrice Janaki Srinivasan explique que rares sont les récitals respectant le format Margam traditionnel (ce n'est en effet pas possible quand la durée du récital est réduite à moins d'une heure et demie). Cela ne se voit guère que lors des Arangetram (le premier récital public solo d'une danseuse). Pour cette série de récitals, ils ont demandé à des danseuses accomplies de présenter de tels programmes pour que l'expérience de l'interprète permette au public d'éprouver pleinement la beauté de ce chemin dans le répertoire. Je remercie vivement Natyarangam pour cette magnifique expérience !

Avant l'entrée en scène de la danseuse, le chanteur avait interprété deux courtes compositions (en Khanda Chapu puis Rupaka Tala). Le récital proprement dit a commencé par un Pushpanjali, une offrande de fleurs en l'honneur de Ganesh, le texte du Shloka commençant par Mushika..., et plus loin j'ai cru entendre Maheshwara putra.

La danseuse interprète ensuite un Alarippu en Misra Chapu. La chorégraphie est tout à fait traditionnelle. Pourtant, cette version extrêmement élégante présente de nombreux détails exquis. Je retiens notamment la présence de délicats mouvements de tête sur le côté (Attami) en des endroits et à des vitesses inhabituelles, ce qui crée de jolis effets de surprise.

Le répertoire du bharatanatyam comporte me semble-t-il trois types de pièces centrées sur la danse pure : Alarippu, Jatiswaram et Tillana. Après avoir vu de nombreux récitals, je crois que le type de pièce de danse pure que j'affectionne le plus est le Jatiswaram. La chorégraphie de la pièce interprétée par Lavanya Ananth semble constituée d'adavus à 100% ou presque. Les adavus sont de petits enchaînements qui sont les briques de base de la danse pure. J'avais l'impression de les connaître, mais la magnifique interprétation de Lavanya Ananth révèle un nombre invraisemblable de détails insoupçonnés ! Certains enchaînements semblent dérivés d'adavus connus, mais avec des variations. Dans certains d'entre eux, il me semblait que c'était comme si les pas étaient exécutés à une vitesse double par rapport au haut du corps, ce qui permet à la danseuse de maintenir une certaine rapidité rythmique tout en accordant une grande importance à l'élégance des mouvements du haut du corps. Ce Jatiswaram qui utilise l'espace scénique de façon intéressante tout en présentant un harmonieux catalogue d'adavus m'a procuré beaucoup de plaisir !

J'avais déjà eu l'occasion quelques jours plus tôt de voir un Shabdam, mais ce type de pièce est extrêmement rare. Je ne comprends pas pourquoi ces pièces ont pour ainsi dire disparu du répertoire. Rien que pour le plaisir d'entendre K. Hariprasad chanter Dhalang-gutum---tadiginatom-, cela mériterait d'être représenté plus souvent ! Les sections de danse pure (superbes comme dans tout le récital) sont en effet accompagnées d'onomatopées chantées. Les parties expressives font l'éloge de Krishna. C'est un bouvier entouré de gopis (bouvières). Il tue un démon (que je n'ai pas identifié). Il soulève le mont Govardhana avec le petit doigt pour abriter les villageois déstabilisés par les pluies déclenchées par le dieu Indra. Il est semble-t-il également fait référence aux exploits d'autres avatars de Vishnu : la tortue (Kurma) et le sanglier (Varaha). La chorégraphie évoque aussi la parole, la musique et plus généralement les arts. Enfin, la chorégraphie représente celui qui a le visage et les yeux de lotus et qui porte une plume de paon.

La pièce principale du récital est un Varnam dû à Adi Ponniah Pillai (Tanjore Quartet). Il est dédié à Brihadishwarar, la divinité résidant au Grand Temple de Tanjore. Ce Varnam présente une particularité : les passages rytmiques (jatis) se terminent juste avant le deuxième temps et non pas juste avant le premier temps du cycle comme dans la plupart des Varnam. Cette curiosité rythmique mise à part, le Varnam suit une forme très traditionnelle. Il représente une héroïne dans son parcours amoureux et spirituel. L'émotion principale est celle de l'amour (Shringara) de l'héroïne pour Shiva. Dans son interprétation, il m'a semblé que Lavanya Ananth mettait en valeur l'émerveillement (Adbhuta) de l'héroïne. Dès le début du Varnam, après le premier jati, elle est émue en pensant à celui qui porte une antilope et le tambour Damaru. Après un délicieux deuxième jati, la joie s'empare de l'héroïne. Elle ouvre sa fenêtre. Les rayons du Soleil font éclore les fleurs, mais aussi le cœur de l'héroïne. Elle est atteinte par les flèches du Dieu de l'Amour.

Dans la section suivante, le texte fait référence à la ville de Thanjavur. L'héroïne qui pense à celui qui porte le feu et l'antilope et dont le lingam est orné de trois lignes horizontales s'émerveille devant le beauté et la grandeur du temple. La scène est accompagnée d'un solo du violoniste Kalaiarasan au style inimitable utilisant de nombreuses doubles cordes. L'héroïne cueille des fleurs avant d'aller au temple. La chorégraphie évoque ensuite les arts et la connaissance, peut-être en référence aux activités rituelles du temple. Il est ainsi fait référence aux percussions (mridangam et nattuvangam), ainsi qu'à la vina, un instrument à cordes pincées, un détail qui est souligné par des pizzicati du violoniste. L'héroïne entend-elle la voix des brâhmanes ? Elle entre dans l'enceinte du temple, voit le buffle Nandi qui veille sur le sanctuaire. Elle veut voir le monumental lingam de Shiva, mais c'est fermé. La porte s'entr'ouvre et l'héroïne (et le spectateur que je suis) s'émerveille devant la vision qui s'offre à elle ! Elle se met des cendres sur le front.

Dans la conclusion de la première grande partie du Varnam, l'héroïne souffre de la séparation : Shiva ne répond pas à son amour. Ensuite, dans le Caranam, on trouve notamment une référence aux cinq flèches lancées par Manmatha. Dans un des passages solfiés (Swaram) de cette section, j'ai trouvée la chorégraphie sublime et particulièrement poétique, la mélodie étant génialement chantée par K. Hariprasad. Le Varnam se conclut de façon apaisée dans le silence. Au tout dernier moment, l'héroïne sent la présence du Dieu, comme s'il venait de lui toucher l'épaule.

La pièce suivante est un Padam. Il me semble que c'était Idaivida innum vera vendumo saatchi. L'héroïne prépare des guirlandes de fleurs pendant qu'elle attend son mari. Soudain, que voit-elle ? Qu'entend-elle ? Le violon se met à émettre des sonorités très dissonantes. Quelque chose ne va pas. L'homme rentre. Elle le dispute. (Cette introduction dansée a été interprétée avant que la composition proprement dite ne commence effectivement.) L'héroïne fait des reproches à l'homme qui lui inspire le dégoût. Elle semble lui dire : Tu n'étais pas au temple ! À qui appartient donc ce cheveu ?. Dans la section suivante, la chorégraphie montre l'homme portant un trident, mais le sens ne m'a pas paru évident. L'héroïne poursuit : Je te quitte, je ne veux plus entendre tes paroles. Je ne sais si ce sens ironique est exactement celui que voulait donner la danseuse, mais l'héroïne semble dire, en voyant des griffures sur le corps de l'homme : Aurais-tu réchappé d'une attaque de crocodile ?. Elle le chasse et referme la porte. Quand elle regarde au dehors par une petite ouverture, elle le voit s'en aller chez sa rivale.

La pièce suivante est un délicieux Javali. Pendant l'introduction musicale du violoniste, une jeune femme rencontre un séduisant jeune homme qui s'amuse avec elle, lui tirant la main, etc. Il paraît perdu, alors elle lui indique le chemin. Il semble avoir le don d'ubiquité parce qu'à peine est-il parti d'un côté que l'héroïne sent sa présence de l'autre. Quand la composition musicale commence, la jeune femme semble dire à ses amies : Mes amies, que faire ? Il a un beau collier, une belle démarche. Touchée par les flèches de Kama, je suis submergée d'émotions. Puis-je résister à celui qui est peut-être Venkateshwar ?. Le thème du vertige émotionnel de l'héroïne est traité d'une façon humoristique conforme à l'atmosphère joyeuse des Javali et l'interprétation de la danseuse m'a semblée particulièrement musicale. L'héroïne semble renoncer, ses amies la traînant par la main dans une ronde, mais son regard finit par inviter le jeune homme à la rejoindre.

Le récital se conclut par un Shloka enchaîné à un Thillana. Le Shloka décrit majestueusement Vishnu-Narayana de la tête aux pieds. Il est difficile de rendre compte des moindres détails de cette description. Je crois me souvenir que le texte le présente comme Suryaspati (maître du Soleil ?). Quand ses yeux sont décrits, ceux-ci sont comparés au Soleil (Surya) et à la Lune (Chandra). (Cette comparaison est plus courante pour les yeux de Shiva, mais cette association se trouve aussi dans l'iconographie vishnouïste quand Vishnu apparaît sous sa forme suprême Vishvarupa.)

Ce magnifique Shloka s'enchaîne avec un Thillana évoquant également Vishnu qui apparaît couché sur l'Océan cosmique. Comme toutes les autres pièces du récital, ce Thillana a été chorégraphié par K. J. Sarasa, le guru de Lavanya Ananth (style Vazhuvoor). Précédemment, la danseuse n'avait dansé ce Thillana qu'une seule fois : lors de son Arangetram !

Il n'y a rien dans ce récital que je n'aie adoré. Le raffinement de la danse dans ses moindres détails m'a procuré un grand plaisir. Une part significative de mon contentement est venu des musiciens, et tout particulièrement du chanteur K. Hariprasad et du violoniste Kalaiarasan : quand ils interprétaient les compositions dansées bien sûr, mais aussi quand ils prenaient le temps d'élaborer de longs développements mélodiques entre les différentes pièces. Il y avait là à mon goût davantage d'émotion ou de bhava que dans bien des récitals de musique carnatique...

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Sudharma Vaithiyanathan à la Music Academy

2015-08-24 22:50+0530 (पुणे) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIV

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2015-08-10

Sudharma Vaithiyanathan, bharatanatyam

Sri. A. Lakshmanaswamy, nattuvangam, chorégraphies

Sri. K. Hariprasad, chant

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Sri. Easwar Ramakrishnan, violon

Sri. ?, flûte

Invocation de Ganesh

Alarippu (Tisra Triputa), composé par Muthuswami Pillai

Sangeetha Devathe (Adi Tala, Raga Malavagowla), composé par Ambujam Krishna

Sabdam (Misra Chapu Tala, Raga Kambhoji), Tanjore Quartet

Varnam “Sami Ninnekori” (Rupaka Tala, Ragamalika), composé par Ponniah Pillai (Tanjore Quartet)

Padam “Yedukittanai Modi” (Rupaka Tala, Raga Suruti), composé par Marimutha Pillai

Javali “Itu Sahasamulu” (Adi Tala, Raga Saindhavi), composé par Swathi Tirunal

Thillana (Adi Tala, Raga Kamas), composé par Patnam Subramanya Iyer

Pendant mon séjour à Chennai, j'ai assisté presque tous les soirs à des récitals de bharatanatyam, notamment six représentations du festival Spirit of Youth organisé dans la petite salle de la Music Academy. De jeunes danseuses (20-25 ans environ) s'y sont produites. Les danseuses ont toutes un bon niveau, mais parmi les six que j'ai vues, trois danseuses se sont particulièrement distinguées à mon avis : Sneha Narayan, Radhe Jaggi et Sudharma Vaithiyanathan. Le récital de cette dernière m'a semblé absolument exceptionnel à tous points de vue. On atteint des sommets rarement observés lors de récitals de danseuses plus expérimentées.

Dans la série de représentations à laquelle j'ai assisté à la Music Academy, ce récital est le seul qui ait commencé par la traditionnelle invocation chantée de Ganesh, le fils d'Uma, magnifiquement chanté sous la forme d'un Shloka par K. Hariprasad (qui par la suite n'a malheureusement pas chanté d'Alap comme il l'avait fait en octobre dernier au Musée Guimet). L'accompagnement musical sera d'excellente qualité lors de ce récital.

Après son Namaskar, la danseuse a interprété un Alarippu composé par Muthuswami Pillai. Cette composition est en Tishra Triputa Tala (j'en ai demandé la confirmation à son fils Selvam), mais la façon dont les bols sont prononcés entretiennent une ambiguité. En l'entendant, on a du mal à savoir si c'est Tishra Triputa ou Misra Chapu (les deux talas ayant la même structure en 7=3+2+2, mais à des vitesses différentes), la composition étant ainsi faite que l'on peut clapper l'un ou l'autre des deux talas sans éprouver de sentiment d'instabilité rythmique. Lors de ce récital, les chorégraphies seront toutes du Guru A. Lakshmanaswamy. Je les ai trouvées particulièrement musicales, sans la complexité rythmique excessive que l'on observe parfois. Cet Alarippu reprend essentiellement la chorégraphie traditionnelle des Alarippu, avec quelques petits ajouts, dont un m'a semblé être un emprunt ou une référence au style de Muthuswami Pillai et de son fils Selvam : une façon de découper l'espace en utilisant le mudra Tripataka.

L'Alarippu s'enchaîne avec Sangeetha Devathe, une composition de la défunte Ambujam Krishna à laquelle le festival est dédié : tous les récitals comportent une de ses compositions. La danseuse fait preuve d'une suprême élégance dans son évocation de Sarasvati, qui porte la vîna et dont le son est exquis. La chorégraphie évoque aussi Brahma et Vishnu-Narayana couché sur l'océan cosmique.

La pièce suivante est un Shabdam, ce qui est tout à fait exceptionnel. J'ai assisté à une centaine de récitals de bharatanatyam, mais ce n'est semble-t-il que la deuxième fois que je vois un Shabdam dans ce style. Ce type de pièces a pour ainsi dire disparu du répertoire et c'est bien malheureux... La pièce comporte une alternance entre passages expressifs et passages de danse pure qui sont accompagnées par des onomatopées chantées. La chorégraphie est extrêmement musicale : elle suit fidèlement la structure du cycle rythmique Misra Chapu. Atteinte par les flèches florales de Kama, l'héroïne cherche l'union avec celui qui a des yeux de lotus, mais dès qu'elle a l'impression de s'en approcher, celui dont je n'ai pas deviné l'identité disparaît...

La pièce principale du programme m'a semblée merveilleuse. Ce Varnam est dû à Adi Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet). De forme extrêmement traditionnelle, il est quasi-intégralement conçu autour du parcours de l'héroïne jusqu'au sanctuaire de Brihadishwarar (temple de Thanjavur). Il est très rare que je sois ému par ce type de Varnam (cf. cet autre billet), mais l'interprétation de la danseuse m'a paru tout simplement extraordinaire. L'héroïne s'émerveille en pensant au lingam de Shiva, celui qui porte le feu et une antilope. Il porte aussi le tambour Damaru. La Lune et le Soleil sont ses yeux. Elle cherche l'union avec lui. L'attend-elle toute la nuit ? La lumière du Soleil semble faire éclore les fleurs. Plus loin, dans la forêt ou au bord de la rivière, la nature s'épanouit. L'héroïne fait ses prières et se dirige vers Thanjavur, la ville où réside Brihadishwarar. Elle est émue en envoyant le grand temple. Elle entre dans son enceinte, voit le buffle Nandi qui se tient près de la porte. Arrivée devant la porte, elle l'ouvre prudemment et s'émerveille irrésistiblement devant la grandeur du lingam de Shiva auquel elle offre des fleurs. Toute cette scène m'a semblée d'une intensité émotionelle rare. La danseuse n'effectue pas de grands gestes, mais elle semble à 100% dans son rôle qu'elle incarne avec finesse mais sans affectation. On oublie complètement qu'elle est une scène de spectacle. C'est comme si on se trouvait à Thanjavur... L'héroine veut ensuite séduire ce Brihadishwarar, elle semble dire : Toi qui monte Nandi, vient à moi.. Dans cette première grande partie du Varnam, les passages narratifs ont alterné avec des passages de danse pure (jatis) magnifiquement chorégraphiés et superbement interprétés. Avant chaque jati, la danseuse semble tracer un losange au sol, ce que je n'avais vu faire jusqu'à présent que par des disciples de Master Selvam, fils de Muthuswamy Pillai. Le style de danse pure présente des points communs avec le style de ce dernier, notamment l'usage d'adavus n'utilisant qu'une seule main. J'ai aussi apprécié le fait d'exécuter une pirouette à la toute fin des jatis. La danseuse décale sa tête sur les côtés (attamis) de la plus élégante des façons qu'il m'ait été donné de voir (l'exact contraire de ce que j'ai vu à Delhi récemment). La seconde partie Caranam du Varnam comporte une évocation de la musique, mais elle exalte surtout le sentiment amoureux de l'héroïne, très émue. Atteinte par les flèches de Kama, elle brûle d'amour pour lui, elle l'admire, il est entré dans son cœur.

La danseuse interprète ensuite un Padam. L'héroïne semble éprouver des sentiments mitigés pour un homme. Viens me parler ? Non, ne viens pas ; tu parles déjà à tellement d'autres que moi. Elle cherche l'union avec celui qui fait le fier avec son arc (?), puis elle hésite et le rejette. Elle s'en va d'un pas décidé respectant la structure du cycle Misra Chapu à trois temps de durées inégales.

Dès l'entrée en scène de la danseuse dans la pièce suivante, on comprend immédiatement qu'il s'agit d'un Javali. L'atmosphère espiègle de ce type de pièce apparaît en effet dès les premiers mouvements de l'interprète. Krishna tente de séduire l'héroïne. Il l'empêche même de passer, mais elle fait semblant de ne pas l'aimer. Va voir mes amies. Moi, je ne veux pas. Certes, tu as des yeux de lotus et tu es Narayana, couché sur l'Océan cosmique, mais je te ferme la porte au nez. Ah, ah, je t'ai bien eu., semble-t-elle lui dire !

Le récital s'est conclu par un Thillana utilisant de façon très intéressante l'espace scénique. Après la première partie (de danse pure) de la pièce, l'héroïne implore Venkatesh : S'il Te plaît, paraît devant moi !.

Un immense bravo à la danseuse pour ce merveilleux récital !

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Nehha Bhatnagar au India Habitat Centre

2015-08-03 08:20+0530 (जळगांव) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIV

India Habitat Centre, Delhi — 2015-07-24

Nehha Bhatnagar, bharatanatyam

Amrit Sinha, Himanshu Srivastava, bharatanatyam

Saroja Vaidyanathan, nattuvangam, chorégraphies

Rama Vaidyanathan, chorégraphies

Satish Venkatesh, chant

Rajat Prasanna, flûte

Thanjavur R. Kesavan, mridangam

Devi Stuti (Adi Tala)

Pannagendra Shayana (Rupaka Tala)

Ta Tai En Aadvar (Adi Tala)

Mira Bhajan (Adi Tala)

Thillana (Adi Tala)

Vande Mataram

Après le récital calamiteux de Bala Devi Chandrashekar, celui de Nehha Bhatnagar ne pouvait être que meilleur. Si la jeune danseuse a indiscutablement une certaine présence scénique, je ne suis pas sorti très enthousiaste de son récital.

Le programme a commencé par un Alap à la flûte, immédiatement suivi de la projection d'un message publicitaire de Hindustan Computers Limited (HCL) qui sponsorise la série de spectacles dont fait partie le récital de Nehha Bhatnagar. Vient ensuite la cérémonie d'allumage de la lampe à laquelle est conviée quelque haut dignitaire du BJP, le parti au pouvoir ; peut-être s'agissait-il de Muralidhar Rao ?

La danseuse est une disciple de Saroja Vaidyanathan et de sa belle-fille Rama Vaidyanathan (qui est une des personnes que j'estime le plus dans la danse bharatanatyam). La musique ne sera pas de qualité exceptionnelle au cours de ce récital. La faute la plus lourde en revient au joueur de mridangam Thanjavur R. Kesavan, qui faisait son truc dans son coin sans tenir aucun compte de ce que faisait la danseuse, qu'il ne regardait pour ainsi dire jamais. La sonorisation de son instrument était de surcroît atroce. Les cymbales de Saroja Vaidyanathan étaient inaudibles, ce qui rendait les passages rythmiques de la danse particulièrement étranges. Un autre problème est venu des difficultés de Saroja Vaidyanathan à fixer clairement un tempo. Le tempo a été changé plusieurs fois et de façon très brutale au cours de certaines pièces. Dans une des pièces, je l'ai vue donner un tempo au début et puis quelques dizaines de secondes plus tard, elle a changé d'avis et fait adopter un tempo beaucoup plus rapide au chanteur : la transition a été affreuse, comme une piste audio sur laquelle on ferait une avance rapide... Ce récital a-t-il fait l'objet d'un minimum de répétitions ? Il y a vraiment de quoi se poser la question...

Quelques aspects de la technique de la danseuse me posent problème. Le plus gênant pour moi réside dans le fait qu'elle utilise très peu son torse et son cou. En particulier, elle ne regarde pas suffisamment ses mains. Seuls ses yeux se déplacent (et son cou dans les mouvements sur le côté : Attami) : le haut du corps est comme figé. Cela crée en moi un sentiment d'étrangeté, un manque de naturel. En tournant le cou, elle pourrait donner un bien meilleur impact à sa danse. Ces observations se révèlent particulièrement perturbantes quand la danseuse exécute des ginatom. Sa main ne va pas chercher derrière : elle va juste en diagonale sur le côté. En l'absence de mouvement du torse et du cou pour accompagner le mouvement, l'impression visuelle est désastreuse, surtout si l'observateur que j'étais est assis parfaitement de face. Une autre étrangeté technique dans le style de la danseuse réside dans sa façon de faire des pas sur le côté, comme si la force venait de la jambe opposée à la direction du mouvement.

Venons-en maintenant au détail du programme intitulé Passionate devotees. La première pièce est intitulée Devi Stuti. Cette pièce est très impressionnante, mais j'ai eu le sentiment que la danseuse en faisait un peu trop pour imposer la terrifiante présence de la Déesse dont la monture est le tigre. Sa danse est à mon avis un peu trop carrée, ses mouvements de cou Attami manquent de subtilité dans l'exécution. D'après ce que j'ai cru comprendre du texte, il est question de l'épisode de la Déesse tuant les démons Shumbha et Nishumbha. Quand l'interprète a représenté la Déesse jouant de la vînâ et l'exaltation du plaisir acoustique, cela ne me faisait pas vraiment envie. Plus loin, elle montre Kali avec son trident. La fin de la pièce est plus réussie : il s'agit d'une très vive et développée chevauchée.

La pièce suivante, tout comme la première, a été chorégraphiée par Rama Vaidyanathan. Il n'est pas faire injure à l'interprète de ce récital d'écrire qu'il m'est plusieurs fois arrivé de penser à quel point ces chorégraphies seraient merveilleuses si c'était Rama elle-même qui les dansait. La pièce principale du récital est attribuée au Maharaja Swathi Thirunal. Elle est donc bien évidemment consacrée à Padmanabha (Vishnu). Je n'ai pas eu l'impression que la pièce avait formellement la structure d'un Varnam, mais elle était aussi développée, les passages narratifs et évocateurs alternant avec des passages de danse pure (dont plusieurs incorporent les redoutables Sharakkau Adavus). La plupart de ces passages de danse pure, y compris au début, étaient accompagnés de Swaram (notes solfiées) plutôt que d'onomatopées, ce qui constitue une différence structurelle par rapport aux Varnam tels qu'ils sont habituellement représentés dans la danse.

Nehha Bhatnagar
Nehha Bhatnagar ©Inni Singh

La pièce est dédiée à Vishnu sous le nom de Padmanabha. Vishnu est couché sur le serpent Shesha et un lotus (Padma) émerge de son nombril (Nabha) ; c'est sur ce lotus qu'est assis Brahma. La chorégraphie présente d'intéressantes variations sur la façon de représenter Vishnu sous cette forme. Cependant, la façon qu'a parfois eu la danseuse d'adopter ces poses m'a semblé parfois quelque peu brutale, comme si elle voulait absolument s'y trouver sur le premier temps du cycle rythmique ; cette impatience me semble incompatible avec l'idée de représenter Padmanabha dans son immuable immensité. L'héroïne de la pièce souffre de la séparation avec la divinité. Il ne semble pas la regarder. Elle brûle de sa passion que lui rappellent tous ses sens. Elle est tourmentée par le parfum des fleurs. Elle se désespère quand elle observe la nature et ses couples d'oiseaux, de paons, de perruches, de perroquets, tandis que les abeilles butinent les fleurs. La danse met en scène ensuite des discussions entre les amies de l'héroïne. Après l'intervention de Kama, l'héroïne s'émerveille de Padmanabha dont elle admire la beauté, le collier, les vêtements et la démarche (qui sera plus loin comparée à celle d'un éléphant). Ses lèvres sont comparées à un fruit. L'héroïne cherche l'union avec la divinité à laquelle elle offre des fleurs et à qui elle adresse des prières.

Les trois chorégraphies qui vont suivre sont de Saroja Vaidyanathan, qui me semblera plus à son aise au nattuvangam. La première de ces trois pièces est interprétée par deux condisciples de Nehha Bhatnagar : les deux danseurs Amrit Sinha et Himanshu Srivastava. Ta Tai En Aadvar est une pièce très vigoureuse en l'honneur de Nataraja, le Seigneur de la Danse, qui fait trembler l'univers au point que même le serpent Adi Shesha est bousculé. Les danseurs interprètent certaines sections en duo de façon synchronisée (en miroir). D'autres sont interprétées par l'un ou l'autre. L'évocation met en valeur certains attributs de Shiva comme le tambour Damaru, les cheveux en chignon, la rivière Ganga ou le buffle Nandi qu'il chevauche. La chorégraphie inclut quelques sauts et de façon intéressante des ronds de jambe comportant des mouvements de hanches. Étrangement, ce dont je me souviens le mieux dans cette pièce est la clarté avec laquelle la chorégraphie exprime que le compositeur s'appelle Gopalakrishna. Beaucoup de compositions de musique carnatique se terminent par une ligne qui constitue la signature du compositeur. Quand j'ai entendu les mots Gopala et Krishna dans le texte chanté, et que j'ai vu les danseurs montrer un bouvier, j'ai eu un instant de doute parce que cela ne correspondant pas au contexte shivaïte, mais ma perplexité s'est immédiatement dissipée quand un des danseurs a représenté un joueur de tampura (et lors de la répétition de la ligne, quand l'autre danseur a montré un écrivain). C'est que le compositeur de la pièce devait s'appeler Gopalakrishna, ce que j'ai pu vérifier ensuite dans le programme qui avait été distribué.

La pièce suivante est interprétée par Nehha Bhatnagar. Il s'agit d'un Bhajan composé par Mirabaï. J'avais déjà vu une autre chorégraphie sur ce poème. Mon regard sur cette interprétation souffre donc quelque peu de la comparaison avec celle de Meenakshi Srinivasan. L'héroïne (dont il n'est pas particulièrement mis en valeur à ce stade qu'il s'agit de Mirabaï) cherche Krishna partout. Fait intéressant, la danseuse tourne beaucoup le dos au public à ce moment-là. Elle s'approche d'un étang de lotus. Dans la plus belle scène de la pièce (et de tout le récital), elle imagine qu'elle est un poisson et que Krishna va prendre son bain. Elle pourrait alors venir lui toucher les pieds. Les deux autres comparaisons m'ont semblées beaucoup moins claires. Ainsi, quand la chorégraphie représente Krishna conduisant son troupeau de bovins, il ne m'a pas du tout paru clair que Mirabaï imagine qu'elle est un coucou qui peut chanter pour Lui. Dans la dernière comparaison, elle est censée être une perle qui pourrait faire partie d'un collier. J'ai bien vu une dévôte offrir un collier à Krishna, qui apprécie le cadeau, mais je n'ai pas saisi dans l'Abhinaya de la danseuse que Mirabaï rêvait qu'elle était transformée en perle. Dans la fin de la pièce, l'héroïne cherche l'union mystique avec la divinité (qui porte une très longue flûte) et entame une danse d'extase digne des derviches tourneurs.

Le récital s'est conclu par un très beau Thillana composé par Saroja Vaidyanathan elle-même (ce qui n'a pourtant pas empêché qu'adviennent des changements de tempo intempestifs). La pièce est interprétée par la danseuse et les deux danseurs. Une section de la pièce évoque la musique. La vînâ est représentée par Amrit, la flûte par Himanshu et le mridangam par Nehha. À la fin de la pièce, les onomatopées laissent la place à un texte en l'honneur de Shanmukha, c'est-à-dire Muruga. Les trois interprètes s'organisent délicieusement pour représenter cette divinité. Amrit représente Muruga, tandis que Nehha se tient à ses côtés, figurant son épouse (ou plutôt une de ses épouses). Pour sa part, l'excellent Himanshu interprète le rôle du paon qui est la monture de Muruga. (N'en connaissant pas assez bien le texte, je ne commenterai pas la chorégraphie de l'hymne Vande Mataram qui s'est enchaîné à ce Thillana.)

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“Nrityaganga” par Sucheta Chapekar

2015-07-25 08:49+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Sucheta Chapekar, le guru de ma prof de bharatanatyam a passé plusieurs semaines en France aux mois de mai et juin. J'avais déjà eu l'occasion de la rencontrer à Pune l'année dernière. Je n'oublierai pas les nombreux moments partagés avec elle au cours de son séjour. J'ai déjà évoqué dans un billet précédent le stage dans lequel elle nous enseigna un Abhinaya-Pada sur la destruction de Tripura par Shiva sur le cycle rythmique Khanda-jâtî Ata Tala. Je n'oublierai pas non plus les cours particuliers ou semi-particuliers, qui donneront lieu à quelques perplexités : Ah, this is Tishra-jati. ― No, this is Tishra-jâtî. — Tishra-jati ? — No, jati is a different word.. Trois événements publics ont rythmé son séjour à Paris au début du mois de juin : une conférence-dansée sur le Nrityaganga à l'École normale supérieure, une autre sur des fables du Panchatantra à l'Université Paris 8 et un récital de bharatanatyam au Centre Mandapa. Je ne commenterai pas en détail son interprétation de quelques fables animalières à Paris 8, mais je reviendrai dans un futur billet sur son récital au Centre Mandapa. Je vais me concentrer ici sur sa conférence-dansée sur le Nrityaganga.

Sucheta Chapekar
Sucheta Chapekar

Le premier juin avait donc lieu une conférence-dansée dans la salle d'expression artistique du Nouvel Immeuble Rataud (NIR) de l'École normale supérieure. Cette conférence était organisée par un groupe d'élèves et anciens élèves, Indias, l'Initiative Normalienne pour le Développement des études sur l'Inde et l'Asie du Sud.

Le thème de l'exposé de Sucheta Chapekar était “Nrityaganga”. Il s'agit du style de danse qu'elle a développé, associant la danse bharatanatyam (originaire du Sud de l'Inde) et la musique hindustani (la musique classique du Nord de l'Inde). Elle en a expliqué la genèse. Elle a ainsi commencé par raconter son travail avec son premier guru, Acharya Parvati Kumar. La musique carnatique est chantée habituellement dans des langues du Sud de l'Inde comme le télougou ou le tamoul, mais elle a expliqué, tout comme l'avait fait le chercheur Davesh Soneji dans une conférence récente à l'EHESS, que la langue marathi (parlée dans la région de Sucheta Chapekar) avait une place importante dans l'histoire de la musique carnatique. En effet, au XVIIe siècle au XIXe siècle, ce sont des rois marathes qui ont régné à Thanjavur et pendant cette période, les arts se sont développés, toutes les formes et langues entrant en confluence à Thanjavur (y compris la musique classique européenne dont on trouve des traces dans les compositions Nottuswaram du grand compositeur carnatique Muthuswamy Dikshitar). Selon Davesh Soneji, les formes musicales originaires de la région Marathe auraient beaucoup influencé la musique carnatique à cette époque. Sucheta Chapekar et son guru ont utilisé des compositions de danse bharatanatyam en langue marathi dans le style carnatique datant de cette époque et conservées à la Saraswati Mahal Library à Thanjavur. Les livres et les manuscrits ne contenaient a priori que le texte et le nom des talas et ragas. En utilisant ces sources, ils ont pu rendre vie à des compositions attribuées au roi Serfoji II (ou Sharabhoji) qui régna de 1798 à 1832.

Par la suite, en travaillant avec Kitappa Pillai, Sucheta Chapekar s'est intéressée au répertoire plus ancien du roi Shahaji (1684-1712) et l'idée lui est venue de créer de nouvelles de pièces de danse bharatanatyam utilisant les formes de musique du Nord de l'Inde et des textes en marathi, hindi ou sanskrit. Elle a commencé par chorégraphier des pièces d'Abhinaya parce qu'elles posaient moins de problèmes. D'autres interprètes avaient déjà commencé à intégrer des compositions du Nord comme des Bhajan de Mirabaï, mais elle a voulu constituer un format parallèle et alternatif au format habituel Margam des récitals de danse bharatanatyam. Par exemple, l'Alarippu est remplacé par Prastar, une pièce de danse pure dont la musique s'inspire de formes de musique rythmiques pratiquées par des joueurs de pakhawaj, l'instrument à percussion qui n'est pour ainsi dire plus utilisé que dans la musique dhrupad. Parmi les principes du bharatanatyam qu'elle a voulu conserver, il y a l'idée d'utiliser les diverses formes musicales existantes, mais dans le contexte de la musique classique du Nord. Parmi les autres principes du bharatanatyam qu'elle a retenus, elle compte aussi la position assise, l'équilibre entre la danse pure et la danse expressive, le fait que les mouvements de danse utilisent autant le haut que le bas du corps. Enfin, les compositions expressives doivent mettre en scène l'amour érotique, l'amour maternel et l'amour dévotionnel. Mises ensemble de façon cohérente, de telles pièces de danses constituent une alternative au Margam. Le nom qu'elle a retenu est Nrityaganga, en référence à la rivière Ganga, qui est considérée comme sacrée dans toute l'Inde.

Lors de sa démonstration, elle a interprété cinq pièces de Nrityaganga. La première a été Māta Sarasvatī, un hommage à Sarasvatī : elle est la déesse de la parole, de la connaissance, et joue de la vînâ. Cette pièce comporte quelques courtes sections de danse pure. Les deux pièces suivantes ont été des pièces d'Abhinaya. Dans Nāhī mī bolata nāthā, une jeune femme pudique du Maharashtra se prépare à accueillir son amoureux. Quand il arrive, il la flatte par ses mots doux, mais elle fait semblant de le repousser... Dans la pièce suivante Ao Pyare, une gopi s'émerveille des qualités du jeune Krishna. Elle tente de l'attirer maternellement à elle. Elle décrit sa belle allure. Quand elle vaque à ses tâches quotidiennes, que se soit la lessive ou la traite des vaches, elle est charmée par le son de sa flûte. Cependant, quand elle essaye de s'en approcher, il s'échappe. Elle ne parviendra à l'arrêter qu'en lui donnant à manger du beurre.

En voyant ces trois premières pièces, il m'a semblé que Sucheta Chapekar utilisait davantage de frappes de pieds dans ses chorégraphies de pièces d'Abhinaya qu'on ne l'observe habituellement. En outre, j'ai eu le sentiment qu'en général elle s'appuyait de façon quelque peu différente sur le rythme qu'on ne le fait dans le bharatanatyam quand il est dansé sur de la musique carnatique. Dans la musique carnatique, le premier temps du cycle est me semble-t-il vraiment vu comme un point de départ. Dans la danse, on verra souvent des formules conclusives comme didi-tai—didi-tai—didi-tai, mais le dernier tai n'est pas sur le premier temps, il est juste à la fin du cycle précédent, ce qui permet d'enchaîner immédiatement avec une autre série de mouvements au début du cycle qui suit. Dans les pièces de Nrityaganga que j'ai vues au cours de cette démonstration, le premier temps du cycle rythmique semble être conçu comme une conclusion de ce qui a précédé. On trouve souvent une frappe très appuyée sur ce premier temps et la pose est maintenue, comme une respiration. Il me semble qu'il y a là un point commun avec ce que l'on peut observer dans le style kathak (qui utilise aussi la musique hindustani). (Il ne s'agit pour l'instant que de conjectures de ma part, cela mériterait d'être approfondi à l'avenir...)

Avant d'interpréter la pièce suivante, Sucheta Chapekar a expliqué que la partie la plus difficile de son travail a été la chorégraphie de pièces de danse pure. Une idée lui est venue en lisant un passage du Natyashastra dans lequel le narrateur fait hommage aux gardiens des huit directions (les quatre points cardinaux et les directions intermédiaires). Elle a ainsi conçu une pièce Aṣṭamaṅgala qui rend hommage à ces huit divinités représentées dans beaucoup de temples hindous. Il s'agit d'une des plus belles merveilles de chorégraphie que j'aie eu le privilège d'observer. Au cours de cette pièce d'un peu moins d'une dizaine de minutes, la danseuse part du centre de la scène et se tourne successivement dans les huit directions en commençant par l'Est (de face). Pour chacun de ces huit gardiens (Ashtadikpala), elle exécute une section de danse pure et conclut cette partie en évoquant brièvement la divinité correspondante. Les divinités ne sont pas faciles à reconnaître puisqu'elles appartiennent peut-être davantage à la religion védique qu'à la religion hindoue qui en a émergé, mais la dernière divinité évoquée est le gardien du nord-est, Īśāna (Shiva), qui est représenté comme danseur.

La démonstration s'est conclue par un magnifique Bhajan du roi Shahaji en Raga Bhairavi. Le dévôt se demande ce qu'il peut offrir à la divinité. Une guirlande de fleurs ? Non, Tu portes déjà des serpents et une guirlande de crânes. Dois-je Te faire une offrande de feu ? Non, car Tu portes le feu dans Ta main. Dois-je danser pour toi ? Non, parce que Tu es le Seigneur de la danse.

De larges extraits de la conférence sont visibles sur la vidéo ci-dessus (je vous conseille de la lire depuis cette adresse puisque le chapitrage y est visible.)

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Praveen Kumar, Renjith Babu, Bala Devi Chandrashekar

2015-07-23 12:00+0530 (दिल्ली) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIV

La danse est très présente sur les scènes à Delhi, mais je ne suis pas allé voir beaucoup de spectacles. J'ai vu le meilleur avec Praveen Kumar et le pire avec Bala Devi Chandrashekar.

India International Centre, Delhi — 2015-07-16

Praveen Kumar, bharatanatyam

Je n'ai malheureusement pas pu assister à l'intégralité de ce récital. Arupa Lahiry, avec qui je prends des cours ici à Delhi, m'avait dit qu'il fallait absolument que je voie ce danseur. Le cours que nous avions en fin d'après-midi ne nous a permis que d'assister à la fin de son récital. Nous sommes arrivés à la fin de son Varnam, apparemment centré sur la Déesse ; je n'ai pu véritablement apprécier que son travail sur la danse pure dans la fin de cette pièce principale.

Pour conclure son récital, Praveen Kumar a interprété ensuite deux pièces d'Abhinaya. Ces deux Padam m'ont semblé très intéressants dans la mesure où les thèmes narratifs ont été abordé du point de vue d'un héros, et non pas d'une héroïne. Dans le premier des deux Padam, il incarnait un homme marié qui était amoureux d'une autre femme, laquelle le rejetait. Il lui disait qu'elle avait un cœur de pierre et qu'il allait se rendre à Kashi (Varanasi) pour expier ses péchés. Dans le deuxième, le thème classique de l'amour maternel de Yashoda pour le jeune Krishna est traité de façon alternative : c'est son père adoptif (Nanda) qui lui dit : Ne va pas jouer en dehors de la maison.... Le talent de Praveen Kumar pour l'expression des sentiments des personnages qu'il incarne est exceptionnel. Ses mouvements ont une certaine lenteur, mais qu'est-ce qu'ils sont habités !

India International Centre, Delhi — 2015-07-16

Renjith Babu, bharatanatyam

Les 16 et 17 juillet se tenait au India International Centre un festival consacré à des danseurs masculins. Après Praveen Kumar, c'est Renjith Babu qui est entré en scène (accompagné d'une bande-son, contrairement à Praveen Kumar qui disposait d'un orchestre comportant notamment Subbulakshmi au nattuvangam). Il se produira en octobre au Musée Guimet en duo avec son épouse Vijna. Son programme est entièrement consacré à Shiva. Bien sûr, c'est un grand athlète, plus exactement un yogi (il enseigne le yoga). En vrai, je n'ai pas eu l'impression de voir un robot danser comme j'avais pu en avoir le sentiment sur certaines vidéos. Le haut du corps n'est pas aussi raide que sa formation dans le style Kalakshetra pouvait le laisser augurer. Cependant, les lignes du corps sont loin d'être idéales. Dans ses Tirmanam (mouvements ressemblant un peu à ceux de la nage crawl), la main suit un chemin étrange, comme s'il attrapait une balle sur le côté avant d'aller droit devant. Ce mouvement sur le côté, vraiment choquant vu de face quand le danseur le faisait en vitesse lente, disparaissait heureusement quand la vitesse accélérait.

Ce qui me gêne dans ce spectacle qui a comporté plusieurs pièces, c'est que j'ai eu l'impression de voir toujours la même chose du début à la fin. Il est possible de représenter de très diverses manières Shiva, mais tout m'a semblé monotone. N'ayant pas pris de notes, il m'est absolument impossible d'isoler après coup quelque passage qui se distingue. Les passages de danse pure m'ont certes semblé bien exécutés (le danseur intégrant les redoutables Sharakkau Adavus, ce qui est relativement rare) ; les rythmes m'ont semblés très compliqués, mais je n'ai pas trouvé très passionnant l'agencement des mouvements. Dans la deuxième partie (rapide) du Varnam, la vitesse des mouvements faisait que j'avais davantage l'impression d'assister à une démonstration sportive qu'à de la danse. Ce qui m'a le plus gêné, c'est que je n'ai nullement été ému par les aspects expressifs de sa danse. Que ce soit dans la danse pure ou dans l'expression, j'ai eu le sentiment de voir une juxtaposition un peu forcée d'éléments peu susceptible de m'émouvoir. Ce spectacle n'a pas été particulièrement désagréable à regarder, mais le frissonomètre est désespérément resté à zéro.

Ailleurs : Leela Venkataraman

India Habitat Centre, Delhi — 2015-07-22

Bala Devi Chandrashekar, bharatanrityam

Tripura: The Divine Feminine

Ce récital est sans doute le plus mauvais récital de danse bharatanatyam auquel j'aie assisté. Je n'y serai pas allé si une autre passionnée de danse indienne de passage à Delhi ne m'y avait invité ; je retiendrai davantage les personnes rencontrées ce soir-là et le restaurant parsi qui suivit plutôt que le récital de Bala Devi Chandrashekar...

Son récital est annoncé comme étant un récital de bharatanrityam. Il s'agit en effet du style introduit par Padma Subramanyam dont elle est une disciple. Le texte des compositions est tiré du Tripura Rahasya. Le thème du programme est celui de Balatripurasundari, la forme suprême de la Déesse. De trop longs discours ont précédé les différentes pièces du programme. Ces annonces étaient assez prétentieuses, l'oratrice ayant dit plusieurs fois que le travail pour chacune des pièces présentées correspondait à celui d'une thèse... La Déesse est sans doute un des thèmes les plus subtils de toute la mythologie hindoue, mais si l'on se fie au résultat observé, affirmer cela revient à déconsidérer très fortement les diplômes de doctorat ou de master.

La musique enregistrée de récitation d'un Shloka qui a retenti était beaucoup trop forte. Le son a heureusement été un peu baissé.

La danseuse a interprété une premièce pièce qui comportait semble-t-il trois parties, une sur Tripura dont elle a représenté le bindu en forme de Om, le trident (de façon peu convaincante). Plus loin, elle a représenté Amba en tant que mère. Après un Swaram (section accompagnée de notes solfiées), quelques autres noms de la Déesse ont été prononcés, comme Kali, Bhubaneshwari, etc. La Déesse a été représentée portant la conque et le disque.

Dans la pièce suivante Todaya Mangalam accompagnée du son des hautbois indiens et entrecoupée de passages de danse pure, elle continue à évoquer la Déesse qui apporte la connaissance, qui porte le trident et dont la monture est le tigre. S'ensuit un Shloka et un Alarippu hétéroclite en Tala Mallika (j'ai identifié des sections à 3, 5 et 7 temps).

Est intervenu ensuite un Javali en Adi Tala censé représenter les neuf rasas ou émotions classifiées dans l'esthétique indienne.

Une pièce essentiellement de danse pure étrangement présentée comme un dhrupad a suivi. De même que j'ai déjà eu l'occasion de le signaler, je trouve très déplorable que l'on utilise le nom dhrupad pour un type de composition qui n'a rien à voir avec la façon dont le chant dhrupad est représenté sur scène. Le récital s'est conclu avec un Mangalam un peu long...

Ce récital a bien comporté quelques moments plutôt agréables. Les seuls que je retiens sont ceux qui mettent en valeur les mouvements de hanches spécifiques du style de Padma Subramanyam. Pour le reste, cela me semble être le summum de tout ce qu'il ne faut pas faire :

  • Du point de vue conceptuel, je suis tout-à-fait pour que l'on présente les pièces au public avant de les interpréter, mais il faut trouver un juste milieu. Les explications étaient beaucoup trop longues et complètement incompréhensibles ! (Par exemple, dans le drôle d'Alarippu qui a été présenté, je n'ai pas bien vu le lien annoncé avec les signes du zodiaque et quelques autres éléments, notamment les chakras, qui avaient été péniblement énumérés avant.)
  • Les positions des mains dans les passages signifiants m'ont semblé extrêmement disgracieuses, soit qu'elles furent trop flottantes soit qu'elles furent au contraire trop forcées. La posture caractéristique de la Déesse avec deux mains en Pataka (la droite tournée vers le haut et la gauche vers le bas) semblait contrainte. Quand elle représentait semble-t-il le tigre comme sa monture, son bras était complètement tendu vers l'avant à la hauteur des épaules, ce qui est très étrange. La danseuse a souvent utilisé une pose dans laquelle une des mains était en Alapadma au-dessus de la tête. Le placement de cette main était manifestement très approximatif, puisque lorsque cette pose revenait, la main était loin de revenir à la même place. Il en allait de même pour de nombreuses autres poses...
  • La danse m'a semblé très paresseuse. Dans ses Ginatom, la main ne fait même pas semblant d'aller chercher derrière. Quand elle parvient à esquisser le mouvement, au mieux, elle va dans une des diagonales. Ce n'est pas le plus vilain reproche que l'on puisse faire (je fais largement pire !), mais toute la danse était ainsi molle. De même que dans les aspects évocateurs, il n'y a dans la danse pure aucune précision dans le placement des mains. Si ses Khuditta Metti sont plutôt gracieux au niveau des mains, ils manquent complètement de vigueur au niveau des pieds. Ce qui m'a semblé le plus choquant dans ce récital, c'est l'absence totale de tenue dans les pas marchés. Ses pas manquent totalement d'articulation : elle lève à peine les talons pour marcher. Elle ne marche pas du tout comme une danseuse...
  • Son visage est toujours souriant, le regard quelque peu crispé. Aucune émotion ne vient troubler son visage (ni le spectateur que je suis). Le seul bref moment d'Abhinaya dans ce récital n'a duré que quelques secondes lorsqu'elle a évoqué la Déesse comme une mère. Je n'ai rien contre les programmes thématiques, mais pour rendre un récital de bharatanatyam intéressant, il faut condescendre à laisser s'exprimer davantage des sentiments humains par les personnages que l'on montre. Il ne fait nul doute à mes yeux que le thème de la Déesse le permettait. Il est dommage qu'il n'y en ait pas eu davantage, et que le peu qu'il y a eu ait manqué de subtilité.

Je trouve très étonnant d'avoir eu à constater dans ce programme des défauts qui seraient immédiatement signalés à des danseurs débutants par tout professeur de bharatanatyam qui se respecte.

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Première semaine à Delhi

2015-07-21 14:00+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad — Voyage en Inde XIV — Photographies

Je suis arrivé à Delhi il y a un peu plus d'une semaine. Pendant le vol Air India 142, j'ai regardé le film Chennai Express, qui n'est pas trop mauvais. L'aventure commence au moment de monter dans un taxi prépayé pour rejoindre l'appartement où je vais résider dans le quartier de Jangpura. Le chauffeur de taxi ne sait manifestement pas du tout où cela se trouve. Il n'a pas de GPS, mais il passe un certain nombre de coups de fils pour se diriger. Je suis le trajet sur mon téléphone grâce à la carte OpenStreetMap de l'Inde que j'ai téléchargée. Une fois arrivé dans le quartier de Jangpura (qui n'est pas couvert de façon détaillée par OpenStreetMap), j'ai dû utiliser une carte Google Maps que j'avais préalablement téléchargée pour jouer au co-pilote :

Photo 001

Même quand on est arrivé, il n'est pas forcément évident pour tout le monde de savoir qu'on y est :

Photo 002

Quelqu'édile du quartier, Madame Darshana Jatav a en effet fait installer des panneaux indicateurs qui ne sont rédigés qu'en hindi. Dans d'autres rues, la fonction utilitaire a été délaissée au profit de la seule fonction promotionnelle de ces panneaux :

Photo 005

En bas de la partie bleue du panneau, à côté de रोड का नाम (c'est-à-dire : Nom de la rue), il n'y a rien écrit du tout...

Voici la vue depuis le balcon de l'appartement où je loue une chambre et dont je peux aussi profiter du grand salon :

Photo 003

Les deux premières journées ont été très pluvieuses. La rue était inondée. L'année dernière, j'avais dû acheter en urgence des chaussures au retour de Champaner où les précédentes avaient été englouties par la boue. Les lanières de ces sandales que j'avais alors achetées n'ont pas tenu à cause d'une sorte d'effet ventouse qui s'est produit alors que je marchais dans les 10 centimètres d'eau qui recouvraient la rue.

Le lendemain de mon arrivée, je suis retourné à C.R. Park, non loin du temple du Lotus, pour prendre un premier cours avec Arupa Lahiry, une disciple de Chitra Visweswaran que j'avais eu l'occasion de voir à Paris et avec qui j'avais déjà pris des cours il y a un an. Elle me donne cours dans une petite salle à l'étage de l'association des femmes de l'Est (il s'agit d'un quartier bengali : la zone entière de C. R. Park a été donnée après la Partition de l'Inde à des réfugiés venant du Bengale oriental).

Chaque cours dure environ deux heures. Le cours commence par la pratique des adavus, les mouvements de base de la danse bharatanatyam. Ils sont classés par familles. J'avais déjà appris quatre séries complètes l'année dernière (Tatta, Natta, Marditha, Khudita Metti). Je peux maintenant les exécuter à peu près correctement à une plus grande vitesse. Comme je peux prendre un cours quotidiennement avec elle, j'ai déjà pu voir quelques autres séries entières : Ta tai ta ha (aussi appelés Tatta Kudicchi Metta), Tat tai tam (Shikhara), Tirmanam, Sharakau (à ne pas confondre avec les Sharakal que j'ai vus aussi), Panch Nadai (Tatti Metti), etc. Il y a des différences plus ou moins subtiles avec le style de Sucheta Chapekar que j'apprends. La plus confusogène réside dans l'orientation des mains dans les Tatta Kudicchi Metta : il n'est déjà pas évident de savoir comment les tourner quand on n'en pratique qu'une seule version, mais c'est encore plus perturbant quand il faut en apprendre une deuxième. Parmi les éléments subtilement originaux dans le style de Chitra Visweswaran, j'apprécie les petits mouvements courbes du haut du corps parfois couplés à des accents très marqués sur certaines frappes de pieds.

Je continue à noter ces exercices dans le système de notation du mouvement Benesh que je continue à apprendre (à distance) au Benesh Institute (je me suis inscrit dans le premier module du Certificate in Benesh Movement Notation).

Photo 004

Je souhaitais apprendre une pièce de danse pure, mais Arupa m'a proposé d'apprendre Vishnu Kavuthwam, une pièce qui ne contient que très peu de danse pure. La pose initiale est celle de Vishnu couché sur l'Océan cosmique et s'ensuit une évocation des dix avatars de Vishnu (ou plutôt neuf : Matsya, Kurma, Varaha, Narasimha, Vamana, Parashurama, Rama, Balarama, Krishna). Quelques exploits sont évoqués de façon un tout petit peu plus détaillée dans cette pièce de 4-5 minutes.

La fin du cours est agrémentée de la présence de Ganesh, un percussionniste (mridangam) qui accompagne très régulièrement Arupa. Après la pause-thé suivant mon cours, ils répètent des pièces ou en élaborent d'autres selon l'envie du moment. Je suis parfois resté plusieurs heures pour assister à ce travail et cela m'a procuré beaucoup de plaisir.

Un jour sur deux environ, je me rends à Mayur Vihar pour prendre un cours de dhrupad avec Pandit Nirmalya Dey. Je continue à travailler le raga qu'il m'avait enseigné l'année dernière (Todi), mais il s'agit maintenant de rentrer plus profondément dans l'Alap, la première partie d'un râga dans laquelle on présente progressivement les notes de la gamme. Il ne me demande pas seulement d'essayer de répéter les phrases qu'il fait (et dans lesquels je perçois davantage de détails qu'il y a un an), mais aussi d'essayer de faire mes propres phrases...

Dans l'appartement, il arrive qu'il y ait des coupures d'eau à certaines heures, ce qui peut être problématique si cela tombe quand la femme de ménage passe...

La plus grande rue du quartier (Central Road) est celle où la circulation est la moins fluide. Un grand marché y a lieu le mardi. On y trouve les choses les plus inattendues. Parmi les autres visions étonnantes, en rentrant en rickshaw de la station de métro alors qu'il faisait nuit, je me suis rendu compte que l'homme portait un polo sur lequel était inscrit Dracula...

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Valérie Kanti Fernando au Centre Mandapa

2015-06-19 12:23+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2015-05-29

Valérie Kanti Fernando, danse bharatanatyam

Harikrishna Kalyanasundaram, chorégraphies

Alarippu (Ragamalika, Khandachapu Tala)

Varnam (Ashtaragamalika, Adi Tala)

Devi Stuthi “Jai Durge” (Raga Kirwani, Tishra-nadai Adi Tala)

Javali “Saramaina Matalanta” (Raga Behag, Rupaka Tala)

Thillana (Raga Sindhu Bhairavi, Adi Tala)

Une amie m'avait fait l'éloge de Valérie Kanti Fernando lorsque je me préparais à passer quelques jours à Chennai fin 2013/début 2014. Disciple de Guru Harikrishna Kalyanasundaram qui enseigne le style de Thanjavur à Mumbai, elle allait passer son arangetram quelques mois plus tard. Je ne l'avais pas rencontrée lors de ce séjour, mais j'avais retenu son nom. Quand j'ai vu qu'elle était programmée au Centre Mandapa, j'ai regardé quelques extraits d'une de ses vidéos et quand je suis arrivé au premier extrait d'Abhinaya, j'ai été transporté en une fraction de secondes dans son univers narratif. J'ai immédiatement arrêté le visionnage en me disant qu'il serait plus intéressant de la voir danser en vrai : je préfère mille fois le spectacle vivant aux vidéos ! En me dirigeant vers le Centre Mandapa, j'avais les plus hautes attentes ; je m'attendais à un récital exceptionnel. Je n'ai pas regretté le voyage ! Cela faisait longtemps que je n'avais pas été autant ému par un récital solo ! Comme je vais tenter de la décrire plus bas, la conception de la danse proposée dans ce récital est parfaitement en phase avec mes attentes en tant que spectateur. J'ai apprécié aussi l'humilité et la sincérité de la danseuse dans sa démarche.

Valérie Kanti Fernando
Valérie Kanti Fernando ©Jihane Habachi

La première pièce du récital est un Alarippu. Avant de l'interpréter, la danseuse s'est prosternée devant la statue de Shiva située sur le côté de la scène et a salué certaines directions. Sur le délicieux rythme à cinq temps (Khanda Chapu), la danseuse exécute une chorégraphie très géométrique. Les types d'expressions qu'utilisera la danseuse au cours du récital seront très variés. J'apprécie que l'on ne voie jamais la danseuse, mais toujours le personnage qu'elle incarne ; quand il n'y a pas de personnage à incarner ou d'émotion à suggérer, j'aime la façon qu'ont certaines danseuses de proposer un visage neutre, comme un masque. Dans cet Alarippu, le mot masque s'applique pour ainsi dire littéralement. Les yeux étaient les seules parties mobiles du visage. L'absence de mouvement du reste du visage, comme si la danseuse portait un masque, mettait davantage en valeur les mouvements d'yeux, qui m'ont semblé d'une précision et d'une netteté rarement observées ! Au fur et à mesure que la pièce progresse, le caractère gracieux de la danse se fait davantage sentir. (Dans sa danse pure, j'apprécie tout particulièrement son sens du legato : les frappes de pieds sont précises et acérées, mais quand la musique le permet, les mouvements de mains remplissent les silences du temps musical.)

Intervient ensuite la pièce principale du récital, le Varnam. Selon certains maîtres de danse (je pense très fortement à Padma Bhushan C. V. Chandrasekhar), la seule chose qu'il devrait être permis de faire dans un Varnam serait d'exalter les sentiments d'une héroïne dans sa relation amoureuse et dévotionnelle avec une divinité. Nonobstant le respect dû aux aînés, je ne suis pas exactement de cet avis. J'ai certes appris à apprécier ces Varnam, mais très peu de danseuses parviennent à maintenir mon attention pendant toute la durée de ces pièces très développées quand elles sont uniquement centrées sur les sentiments de l'héroïne. La plupart des chorégraphies de Varnam intègrent néanmoins quelques digressions narratives (qu'il n'est pas toujours aisé de comprendre...). Certaines s'écartent radicalement de ce schéma. Mon premier grand émerveillement en la matière était venu d'un Varnam de la danseuse Srithika Kasturi Rangan qui mettait en scène des épisodes du Ramayana.

Le Shiva Varnam interprété par la danseuse Valérie Kanti Fernando est résolument narratif. Chacune des quatre sections de la première partie du Varnam représente un épisode mythologique en lien avec Shiva. Ils sont séparés par des passages rythmiques (jati). Le premier de ces jatis est très long et très complexe, mais me semble-t-il de très bon goût ! Les jatis se terminent par une formule rythmique très élaborée, toujours la même, d'une redoutable complexité !

Le premier épisode narratif est tiré du Shiva-Purana. Il s'agit de montrer que Shiva est le Dieu suprême. Shiva se présente sous la forme d'une colonne de lumière. Brahma et Vishnu sont mis au défi : pourront-ils atteindre les extrémités de cette colonne. Ils s'en vont chacun de leur côté (Brahma prenant l'apparence d'un cygne), mais ils n'y parviennent évidemment pas.

Le deuxième épisode est plus abstrait. Il évoque la présence de Shiva sous la forme d'un yogi ou d'un érudit. C'est celui qui apporte la connaissance.

Les troisième et quatrième épisodes m'ont semblé être des merveilles de chorégraphie, de mise en scène et d'interprétation. Le troisième épisode met en scène la vie de Markandeya, un épisode que j'avais déjà vu dansé par Janaki Rangarajan. L'épisode évoque sa naissance et le destin fatal qui est prévu pour lui. Mais l'enfant est un grand dévôt de Shiva et le jour où il est prévu que le dieu de la Mort vienne le prendre, Shiva intervient pour le sauver du lacet qui allait l'étouffer. Le lacet (une sorte de lasso) est l'arme qu'utilise Yama, le dieu de la mort, pour cueillir les vies arrivées à leur terme. Ce passage m'a semblé particulièrement bien interprété. Ceci demande à la danseuse de grandes qualités expressives et une faculté de passer d'un personnage à un autre, des qualités qui doivent être couplées à une subtile mise en espace. Il faut que les spectateurs puissent saisir plus ou moins consciemment quand la danseuse interprète tel ou tel personnage, mais il faut que ce soit fait de façon suffisamment subtile pour que le lorsque la danseuse incarne Markandeya, on ait l'illusion de continuer à voir le terrifiant Yama, et inversement, quand la danseuse incarne Yama, la souffrance de Markandeya doit rester présente dans notre esprit. Quand elles sont interprétées de façon aussi remarquable, ces scènes constituent certainement ce que je préfère voir dans toute la danse bharatanatyam.

Les qualités d'interprète précédemment évoqués ont été encore davantage mises à contribution dans la représentation du quatrième épisode qui est celui du barattage de la mer de lait, un des plus beaux mythes hindous. Dans l'iconographie, il est tellement caractéristique que l'usure du temps ne peut pas l'effacer complètement, comme sur ce temple situé à quelques centaines de mètres au Sud du temple Hoysaleshwara à Halebid :

Photo 459
Barattage de la mer de lait, Temple de Shiva, Halebid

La danseuse a magnifiquement bien interprété cette scène grandiose de la mythologie. Le serpent Vasuki est enroulé autour du mont Mandara. Les dieux et les démons se sont mis de part et d'autre du serpent et tirent pendant de longues années afin d'extraire de la mer de lait l'amrita, la liqueur d'immortalité. Dans un premier temps, c'est un terrible poison qui se répand dans l'univers. Pour éviter la destruction de toute vie, Shiva doit intervenir. Il absorde tout le poison, mais le poison s'arrête au niveau de son cou en lui laissant une marque bleue. C'est ce qui vaut à Shiva le nom de Nilakantha, celui qui a la gorge bleue. (Quand le texte de certains compositions de danse utilisent ce nom, certaines chorégraphies font de très brèves références à l'absorption du poison par Shiva. J'aime ce type de références en général, et à cet épisode en particulier, mais plutôt que de le voir évoqué en un ou deux gestes, je préfère de très loin en voir des représentations très élaborées comme c'était le cas dans ce Shiva Varnam !) Dans la version présentée par la danseuse, il y avait un détail que je ne connaissais pas par mes lectures et que j'ai trouvé intéressant : quand Shiva boit le poison, son épouse Parvati intervient pour bloquer le poison au niveau de son cou.

La transition s'opère ensuite pour la deuxième grande partie du Varnam. Cela faisait un moment que j'avais intégré par mon expérience de spectateur la structure en deux grandes parties des Varnam, mais avant ce récital, je ne l'avais jamais perçue de façon aussi nette et consciente. Dans cette deuxième partie Charanam, la musique et la danse se font plus enjouées. Les jatis ou passages rythmiques ne sont plus accompagnés de syllabes rythmiques, mais par un véritable chant (n'utilisant pas de texte poétique, mais le nom des notes chantées). Ces séquences rythmiques s'insèrent d'autant plus harmonieusement dans la structure mélodique de la musique qu'ils ne sont plus délimités par les austères formules rythmiques Dhalang... ginatom comme dans la première grande partie.

Dans ce flot de musique et de danse, on perçoit l'évocation de Shiva comme Tripurantaka, celui qui a détruit la triple-ville de Tripura. La version du mythe présentée est quelque peu différente de celle que je connais par mes lectures et que par le hasard du calendrier, j'aurai l'occasion d'essayer de pratiquer avec d'autres le week-end suivant lors d'un stage avec la danseuse Sucheta Chapekar qui nous transmettra l'Abhinaya-Pada “Aghatita, Saye, Shivalila” du roi Serfoji II de Thanjavur (1799-1832), lequel met aussi en scène la grandiose scène dans laquelle Shiva détruit le triple-démon Tripurasura. Le texte de cette composition et la chorégraphie montrée par Sucheta Chapekar sont très conformes à l'iconographie :

Shiva Tripurantaka
Shiva Tripurantaka ©Clinton Steeds

Par leur ascèse, les trois démons avaient obtenu les faveurs de Brahma. Comme tant d'autres démons, ils lui ont demandé l'invincibilité. Ils ont ensuite conquis les trois mondes et se sont crus invulnérables, mais en leur accordant ce don, Brahma avait ajouté des clauses en petits caractères : ils ne pourraient être détruits que dans des circonstances invraisemblables ; en particulier, pour pouvoir être détruits, il faudrait qu'une flèche les atteigne tous les trois en une seule fois ! C'est évidemment ce qui se produira, et si Shiva aura le premier rôle dans cet exploit, tous les divinités seront de la partie. Les roues du char de Shiva sont la Lune et le Soleil. Le cocher est Brahma et les chevaux sont les quatre Veda, etc. D'une seule flèche, Shiva détruit simultanément la triple-ville de Tripura.

La version du mythe présentée dans ce Varnam chorégraphié par Guru Harikrishna Kalyanasundaram est plus métaphorique. Si j'ai bien suivi, Shiva annihile l'arrogance sans utiliser la moindre arme. Il ne s'agit pas seulement de l'arrogance des trois démons Tripurasura, mais aussi de celle de tous les dévôts. Peut-être s'agit-il là d'une influence de Patanjali auquel la chorégraphie fait allusion un peu plus loin, ainsi qu'à Vyaghrapada. Ils assistent à la danse Tandava de Shiva. Certains passages sont particulièrement impressionnants ; sauf erreur de ma part, c'est dans cette section que l'on verra la danseuse adopter quelques postures typiques de Shiva exigeant une certaine souplesse (et qu'Anusha Cherer avait aussi représentées quelques jours plus tôt). Elle exécute aussi des rotations sur les genoux, ce que je n'avais que très rarement vu.

La pièce suivante Jai Durge représente la dévotion à la Déesse sous la nom de Durga sur un rythme utilisant des subdivisions ternaires du cycle à huit temps Adi Tala. La danseuse montre Durga dans certaines postures caractéristiques et il m'a semblé reconnaître une évocation de la mort du démon Shumbha.

Le Varnam et la pièce précédente mettaient en scène des divinités ou des démons dans des scènes grandioses de la mythologie indienne. Cela reposait sur une très solide mise en scène et exigeait un certain travail d'expression du visage. Bien que ces scènes fussent très élaborées, elles n'exigeaient cependant peut-être pas tout-à-fait le même travail d'expression, du visage notamment, que celui que l'on peut observer dans des pièces de pur Abhinaya, comme certains Padams, Javalis ou Ashtapadis qui prêtent aux personnages des sentiments bien plus humains... C'est de cela qu'il s'agira principalement dans le Javali “Saramaina Matalanta” dû à Swati Tirunal que la danseuse a interprété ensuite. Comme dans beaucoup de pièces composées par ce poète, il sera question de Krishna. Près de trois semaines après ce récital, je ne me souviens pas de beaucoup de détails précis, mais je garde l'impression d'un émerveillement devant le talent d'interprétation de Valérie Kanti Fernando dans cette pièce très expressive. Une jeune femme attend son bien-aimé Krishna. Elle veille, elle allume une bougie. Elle attend toute la nuit et ne sait trop comment agir quand il arrive enfin... Peut-être lui reproche-t-elle son inconstance quand la danseuse évoque le son de sa flûte qui enchante le cœur des bergères (le texte de la composition utilise le nom Kamakoti qui prend tout son nom quand on sait que Kama signifie Amour et koti 1,00,00,000, c'est-à-dire dix millions, en tout cas beaucoup !). La chorégraphie identifie aussi très clairement Krishna à Vishnu, puisque seront notamment représentés la conque et le disque, l'aigle Garuda qui est sa monture, et le serpent Shesha.

Le récital se termine par un Tillana dont la chorégraphie comportait si je me souviens bien ce qui constitue à mon goût la plus belle image de toute l'iconographie indienne : Vishnu couché sur le serpent Shesha.

Un immense bravo et un grand merci à la danseuse pour ce récital !

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Anusha Cherer au Centre Mandapa

2015-06-12 13:45+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2015-05-19

Anusha Cherer, danse bharatanatyam

Shambhu Natanam (Khandachapu Tala)

Ananda Nadamitan Pada (Adi Tala)

Ardhanarishwara Ashtakam (Raga Megh, Adi Tala)

Jaya Durge (Adi Tala)

Shringara Lahari (Adi Tala)

Tillana (Raga Amritavarshini, Adi Tala)

Ce récital de bharatanatyam d'Anusha Cherer que je voyais danser pour la première fois n'avait pas la forme traditionnelle Margam : cela a été un récital thématique sur le thème de Shiva & Shakti. Toutes les pièces du récital ont été consacrées à ces divinités. Aucune des pièces n'était de danse pure, mais pourtant la technique a joué un rôle très important dans la plupart des pièces du récital ; les gestes signifiants évoquent divers aspects ou attributs des divinités, mais ne racontent pas véritablement d'histoire. On est davantage dans l'évocation que dans la narration. Je n'avais malheureusement pas pu assister à un autre de ses récitals il y a quelques mois qui était centré sur le thème de Krishna, pour lequel le répertoire de pièces d'Abhinaya est vaste : dans la mythologie hindoue, le personnage de Krishna apparaît bien plus terreste ou humain que Shiva... Il existe cependant dans le répertoire quelques pièces élaborées de pur Abhinaya mettant en scène Shiva ; il est par exemple possible de raconter sa rencontre avec Parvati. Il n'y a pas eu de pièce de ce type dans le récital d'Anusha Cherer. C'est a priori dommage, mais au final, cela ne m'a pas tant gêné puisque l'avant-dernière pièce du récital sera émotionnellement aussi passionnante que bien des pièces élaborées d'Abhinaya. La technique de la danseuse mise en valeur dans les pièces les plus vives révèle une exquise association entre un haut du corps élégant et une échelle d'intensité rarement observée dans les frappes de pieds. J'ai déjà eu l'occasion d'être presque horrifié par des frappes de pieds uniformément violentes (cf. le récital d'odissi de Lingaraj Pradhan et Sanjukta Dutta). Dans son récital, Anusha Cherer a fait au contraire un usage intéressant de la dynamique, certaines frappes de pieds étant davantage marquées que d'autres, et ce de façon intéressante dans le contexte de la pièce interprétée. Le fait de centrer un récital sur un thème donné fait courir le risque de présenter un propos qui se répète quelque peu au cours du récital. Malgré le thème commun de Shiva et Shakti pour toutes les pièces, le récital d'Anusha Cherer a été ainsi construit que je n'ai pas éprouvé de sentiment de déjà vu pendant le spectacle.

La première pièce du récital est Shambhu Natanam chorégraphié par Vidhya Subramanian ; celle-ci l'avait d'ailleurs interprétée lors de ses récitals aux Musée Guimet. Le rythme à cinq temps est très marqué dans cette pièce, les pieds répétant souvent les pas correspondant aux syllabes ta-ka-ta-ki-ta. J'ai été étonné par une partie du texte de présentation décrivant Shiva comme destructeur des trois mondes : la chorégraphie et le texte le décrivent semble-t-il davantage en destructeur de la triple ville de Tripura.

La pièce suivante évoque joyeusement Shiva. Comme dans la pièce précédente, les mouvements du haut du corps sont très souvent accompagnées de frappes de pieds Tattu Muttu utilisant cette fois-ci quatre subdivisions plutôt que cinq. Shiva est représenté en yogi, avec sa chevelure et sa peau de tigre. On le voit aussi écraser le démon de l'ignorance Apasmara. Le chant de son épouse Parvati est comparé à celui d'un oiseau. Dans le détail de la chorégraphie, j'ai particulièrement apprécié un très élégant rond de jambe à terre se terminant en pirouette. La pièce s'est terminée sur une pose exigeant une certaine souplesse. Dans une des pièces du récital, je ne sais plus si c'est celle-ci ou une autre, la danseuse a adopté une autre pose caractéristique de Shiva qui est rarement représentée : la danseuse se tient droite, la jambe gauche est tendue vers le côté (opposé) et elle attrape son pied avec sa main. Je n'avais vu cette prouesse que deux fois avant ce récital. (Les circonstances ont fait que j'ai eu dans les jours qui suivirent ce récital d'autres occasions d'observer, voir de tenter d'adopter cette position...)

Anusha Cherer
Anusha Cherer ©Gaëlle Devulder

La pièce suivante Ardhanarishwara Ashtakam a été chorégraphiée par Rama Vaidyanathan. L'introduction de l'enregistrement musical de cette pièce est une des plus belles musiques qu'il m'ait été donné d'entendre lors d'un récital de danse. Il s'agit d'un duo de flûtes. La pièce dansée met ensuite en scène un duo de personnages, Shiva et Parvati, et la danseuse passe élégamment d'un personnage à l'autre. La danse de Shiva est accompagnées d'onomatopées tandis que les sons les plus mélodieux accompagnent celle de Parvati. Ils sont unis, mais différents. Parvati porte de la poudre rouge sur le front tandis que celui de Shiva est recouvert de cendres. Le sourire de Parvati contraste avec le regard foudroyant de Shiva. L'un est le lingam, l'autre est le yoni. La pièce comporte des moments de danse extrêmement vifs !

Vient ensuite Jaya Durge (chorégraphie de Vidhya Subramanian), une pièce en Adi Tala (8 temps) mais ayant comporté une introduction rythmique en Khanda Chapu (5 temps). La pièce représente Durga comme victorieuse de Mahishasura et de Shumbha. Elle identifiée à la connaissance symbolisée par les quatre Veda. La chorégraphie évoque les armes qu'elle porte à ses huit bras. Le caractère dévotionnel de cette composition est représenté par de joyeux rites d'adoration. La pièce se termine sur une pose caractéristique de la Déesse portant le trident, un des pieds montant à la hauteur de l'autre genou (retiré).

Dans les pièces précédentes, la danseuse a fait preuve de très belles qualités d'interprétation dans des chorégraphies aux rythmes très vifs. Cependant, en général, ce ne sont pas ces pièces-là qui m'impressionnent le plus. La pièce qui va suivre et chorégraphiée par U. S. Krishna Rao n'est pas exactement une pièce de pur Abhinaya comme le sont la plupart des Padam et les Ashtapadi. Le rythme est en effet très important dans cette pièce Shringara Lahari (Adi Tala). Néanmoins, le tempo est lent et la musique méditative créée une atmosphère propice à l'exaltation des sentiments qui lient Parvati à Shiva. Cette magnifique pièce a été à mon goût la plus émouvante du récital. Parmi les détails de la chorégraphie, je retiens le chant de Parvati qui a séduit Shiva, son visage en forme de Lune et la comparaison entre ses cheveux et un essaim d'abeilles.

Le récital s'est conclut par un Tillana en Adi Tala et Raga Amritavarshini, celui-là même qu'avait interprété Vidhya Subramanian au Musée Guimet. Le texte et la chorégraphie évoquent Muruga, le fils au beau visage de Shiva et Shakti. En me relisant, je constate que je ne l'avais déjà pas trop mal compris au premier visionnage :-) mais cette fois-ci cela m'a semblé absolument limpide. La monture de Muruga est le paon, et ainsi la danse d'Anusha Cherer se métamorphose en celle d'un paon dans la fin de la pièce. Ce passage-là était absolument irrésistible !

Anusha Cherer
Anusha Cherer ©Gaëlle Devulder

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Sreyashi Dey et ses filles au Centre Mandapa

2015-06-10 15:35+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2015-05-16

Sreyashi Dey, Ishika & Kritika Rajan, danse odissi

Navadurga

Gitagovinda

Bilahari Pallavi

Mokshya

Il me semble que tous les interprètes d'odissi ou presque que j'avais vu jusqu'à ce récital appartenaient à la lignée du guru Kelucharan Mohapatra. La diversité de styles ou d'écoles qui existent dans d'autres danses classiques de l'Inde est beaucoup moins visible dans la danse odissi. Il était donc particulièrement intéressant pour moi de voir ce récital de Sreyashi Dey qui est une disciple de Guru Gangadhar Pradhan. Elle était accompagnée pour ce spectacle par ses deux filles jumelles Ishika & Kritika Rajan.

La première pièce est Navadurga : il s'agit de présenter neuf aspects de la Déesse. Je retiens surtout la forme guerrière de la Déesse soulignée par la mise en scène. La Déesse est interprétée par la mère tandis que les deux filles jumelles de Sreyashi Dey interprètent les deux démons Shumbha et Nishumbha qui sont vaincus par la Déesse. Plus loin, quand elle est présentée sous le nom de Mahishasuramardini, une des jumelles représente le tigre qui sert de monture à Durga quand elle tue Mahishasura.

Sreyashi Dey interprète ensuite une longue séquence d'Abhinaya intitulée tout simplement Gita-Govinda. Il ne s'agira pas de représenter un seul Ashtapadi de cette œuvre qui en compte vingt-quatre, mais d'en interpréter huit extraits ! C'est la première fois que je vois ça ! Il y a là une énorme différence de conception de l'Abhinaya entre l'école de cette interprète et toutes les autres que j'ai pu voir, que ce soit en odissi ou en bharatanatyam. Habituellement, une seule (ou éventuellement deux) chansons extraites du Gita-Govinda peuvent être interprétées et chacune est très élaborée, s'étendant sur une bonne dizaine de minutes, et les répétitions du texte permettent à l'interprète d'élaborer et d'exalter les sentiments de Radha. Dans ce récital, à part le refrain, chaque ligne du texte des chansons n'a été me semble-t-il été prononcée qu'une seule fois. Si je n'ai pas été autant ému que par d'autres interprétations, notamment quand la danseuse a dansé Sakhi He, j'ai apprécié son style gracieux et élégant. L'interprétation, forcément plus littérale du fait de l'absence de répétitions, m'a semblé très lisible. Cependant, j'ai davantage eu le sentiment que l'interprète racontait une histoire plus qu'elle ne l'incarnait.

Les deux filles Ishika & Kritika interprètent ensuite en duo un Pallavi en Raga Bilahari dont je me surprends à reconnaître la gamme ascendante ressemble beaucoup à celle du Raga Bhupali (hindustani). Il s'agit d'une pièce de danse pure dont la difficulté technique augmente progressivement jusqu'à devenir un déluge de virtuosité !

Ce beau récital se conclut par Mokshya, une pièce dans laquelle, si j'ai bien entendu le texte, Sreyashi Dey invoque successivement Agni (le Feu), Vayu (le vent), Surya (le Soleil), Chandra (la Lune) et Prithivi (la Terre) avant de retourner au son primordial Om.

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Jyotika Rao au Centre Mandapa

2015-05-18 15:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2015-05-07

Jyotika Rao, danse bharatanatyam, chorégraphie du Jatiswaram et du Tarana

Sucheta Chapekar, chorégraphies

Isabelle Bayard, mise en scène

Mallari (Raga Hamsadhwani, Mishra Tala)

Vinayak Dharu (Raga Hamsadhwani, Rupaka Tala)

Jatiswaram (Raga Bhairavi, Rupaka Tala)

Shiva Kautukam (Chatushra Ekam Tala)

Jakkini Dharu (Shankara Bharanam, Adi Tala)

Kone Kavada (Raga Kafi, Adi Tala)

Tarana (Raga Kedar, 8 temps)

Bhajan “Vishweswara Dharashana Kara” (Raga Sindhu Bhairavi, Rupaka Tala)

Hasard du calendier, il y avait en ce soir du 7 mai deux récitals intéressants de bharatanatyam programmés à Paris : Lavanya Ananth et Jyotika Rao. J'avais déjà eu de nombreuses occasions de voir Lavanya Ananth en récital (au Centre Mandapa, au Musée Guimet et au Bharatiya Vidya Bhavan) et lors du week-end du 8 mai j'ai participé à son stage de bharatanatyam dans lequel elle nous a transmis sa chorégraphie du Chidambaram Natesha Kavuthvam ; j'ai donc préféré aller voir ma prof Jyotika Rao au Centre Mandapa et je ne l'ai pas regretté. Ce récital n'a pas comporté de Varnam et je trouve dommage qu'il n'y ait eu qu'une seule pièce d'Abhinaya, mais ce récital a constitué une belle plongée dans le style de son guru Sucheta Chapekar et la mise en scène a été particulièrement originale ! Il faut signaler aussi que par rapport au récital précédent qu'elle avait donné au Centre Mandapa, le programme a été pour ainsi dire entièrement renouvelé. (Il va sans dire que je serai sans doute moins objectif dans ce billet que je ne pourrais l'être habituellement.)

L'aspect le plus étonnant de ce récital se trouve dans la mise en scène du spectacle. Au lieu de l'alternance habituelle entre l'introduction des pièces et les danses elles-mêmes, les pièces s'enchaînent ici continuellement. La danseuse reste en permanence en scène et les brèves présentations des pièces ne sont pas des parenthèses mais font partie du spectacle. Cette atmosphère s'est instaurée dès son entrée en scène dans le silence, suivie d'une salutation aux quatre directions diagonales avant l'interprétation de la première pièce Mallari. Comme pour un certain nombre d'autres pièces dansées au cours de ce récital, je connais la musique pour ainsi dire par cœur, soit parce que j'ai appris ces pièces, soit parce que j'ai vu d'autres élèves les danser ou les répéter. C'est le cas dans la pièce Vinayak Dharu, dont la première ligne de texte est Santosh Nritya Kari. Cette pièce développée comportant quatre séquences rythmiques utilisant des onomatopées évoque la danse de Ganesh. La première partie de la chorégraphie que j'ai apprise évoque notamment sa trompe, ses oreilles et sa défense cassée. Dans la suite, je découvre semble-t-il le miel qui s'écoule de ses tempes au clair de Lune et sur lequel les abeilles se ruent. Plus loin, on verra aussi sa ceinture en forme de serpent et la souris, sa délicieuse monture.

Après le Jatiswaram qui est une pièce de danse pure, le récital s'est poursuivi avec un ensemble de pièces dédiées à Shiva. Tout d'abord un Shloka enchaîné avec un Shiva Kautukam en marathi qui a été magnifiquement interprété ; la composition musicale porte la signature d'un des rois marathes de Thanjavur. Le Shloka évoque le contexte de la danse de Shiva pour laquelle les divinités et diverses créatures célestes se sont rassemblées et qu'elles accompagnent de leurs instruments de musique. Dans la pièce vive qu'est le Shiva Kautukam proprement dit, les quelques lignes de textes mettent en scène un dialogue dans lequel un dévôt de Shiva tente de convaincre son interlocuteur de la grandeur de Shiva. Cette pièce s'enchaîne avec Jakkini Dharu qui est un poème comportant quelques séquences rythmiques et qui évoque certains attributs de Shiva, comme son collier de crânes, son tambour Damaru, les cendres, la rivière Ganga, etc. Il m'a aussi semblé reconnaître une référence à son nom de Nilakantha lié à son rôle dans le barattage de la mer de lait.

Après cet enchaînement de pièces assez rythmées, l'unique pièce d'Abhinaya proprement dit est intervenue. Elle représente un malentendu entre deux personnages. La mise en scène joue de ce malentendu et la description des détails des situations montrées dans la chorégraphie ne sera donnée espièglement qu'à la fin de la pièce, et non pas au début ! N'ayant pas eu le temps de lire préalablement la feuille de programme, j'ai dû regarder le début de la pièce sans même savoir de quels personnages il allait s'agir. Certains mots dans le texte que j'entendais dans le texte me faisaient penser à Krishna. L'atmosphère joyeuse et résolument humaine de la situation allaient aussi dans ce sens. Une combinaison de gestes de mains suggérant que le personnage conduisait un bovin pouvait continuer à me le laisser croire, mais je me disais que cela pouvait aussi être Shiva. J'ai donc regardé le début de cette pièce sans trop savoir s'il était question d'un malentendu entre Krishna et une des gopis ou si c'étaient Shiva et Parvati qui étaient représentés. Assez rapidement, le doute ne fut plus permis et je compris que l'héroïne était Parvati, laquelle avait enfermé Shiva hors de sa maison pour plaisanter. Celui-ci venait plaider sa cause en lui rappelant ses divers exploits, mais en déformant ses propos elle faisant semblant de ne pas le reconnaître. J'ai rarement été aussi ravi de ne pas très bien saisir le sens d'une pièce d'Abhinaya...

Les deux pièces proposées en conclusion du récital sont une alternative au Tillana qui conclut habituellement les récitals de bharatanatyam. Le style Nrityaganga qu'a développé Sucheta Chapekar utilise la musique hindustani. L'équivalent du Tillana de la musique carnatique est le Tarana, mais ce dernier n'est constitué que d'onomatopées (comme l'est en général la première partie d'un Tillana). Le Tarana est donc une pièce de danse pure évocant la joie. La seconde partie (textuelle) du Tillana est ici remplacée par une autre composition musicale. Lors de ce récital, ce fut un Bhajan en l'honneur de Shiva. J'ai été ravi de voir des allusions à Vishnu dans la chorégraphie et dans le texte, sous le nom de Padmanabha.

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Alessandra, Fanny, Iran, Morgane et Kalpana au Centre Jemmapes

2015-04-22 23:25+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

J'assiste à des récitals de danses indiennes depuis presque dix ans, et ce qui m'a toujours intéressé principalement, ce sont les pièces narratives ou évocatrices d'une divinité : ces pièces-là sont d'un abord difficile pour les spectateurs (y compris en Inde), mais elles peuvent être bouleversantes, et c'est cela avant tout que je cherche en tant que spectateur de danse (ou rasika). Cependant, le travail sur l'incarnation de personnages et l'expression d'émotions ou de sentiments (Abhinaya), s'il est le plus important pour moi, n'est qu'un des aspects des danses indiennes. Une grande partie du répertoire est en effet constituée de pièces ou de passages dits de danse pure (nritta), lesquels ne visent essentiellement qu'à une certaine beauté du geste. Si ces pièces peuvent m'être agréables, elles me passionnent en général moins...

Cependant, parmi les chorégraphes dont j'ai eu l'occasion de voir le travail, les pièces chorégraphiées par Muthuswamy Pillai et son fils Kuthalam M. Selvam sont pour moi une exception. Ils ont développé un style propre extrêmement original et inventif à l'intérieur du bharatanatyam. J'ai déjà eu l'occasion de m'en émerveiller ici lors que j'ai vu Mallika Thalak ou Nancy Boissel, mais ce n'est que plus récemment, avec le recul permis par la confrontation en tant que spectateur avec des styles très variés, que j'ai pu véritablement mesurer à quel point ce style de danse pure était exceptionnel, lors d'un récital d'Ofra Hoffman, qui tout comme Mallika Thalak et Nancy Boissel est une disciple de Selvam.

La plupart des chorégraphies de danse pure que j'ai pu observer ou pratiquer s'appuyent sur une grammaire donnée par des petits enchaînements (adavus). Découpés, altérés et convenablement agencés, ils forment en quelque sorte la grammaire des pièces de danse pure. Si chaque école de bharatanatyam dispose de sa propre grammaire, une certaine façon d'exécuter tel ou tel type de mouvement, de nombreux points communs peuvent être observés. J'ignore dans quelle mesure leur style s'appuie également sur un système d'adavus, mais Muthuswamy Pillai et son fils Selvam ont intégré à leur style de danse des éléments qui, s'ils font indubitablement partie du bharatanatyam, ne sont pas autant développés dans les autres écoles.

Ainsi, dans leur style, j'apprécie particulèrement la présence de dégagés. En général, la jambe est tendue sur le côté, et contrairement à ce que l'on voit le plus souvent dans le bharatanatyam, ce n'est pas le talon qui touche le sol mais la pointe du pied (comme dans la danse classique européenne). Les dégagés sont exécutés en fondu, c'est-à-dire que la jambe d'appui est fléchie. Le mouvement est élégamment agrémenté d'une courbure du torse, ce qui donne au corps, vu de face, une sorte de forme en spirale. Un autre élément caractéristique est la présence de retirés. Contrairement, à la danse classique où cela est fait debout, l'interprète est ici en demi-plié sur une jambe où l'autre pied vient se poser au niveau du genou.

Dans leur style, certains adavus sont exécutés en mettant l'accent sur le mouvement d'une seule main. J'ai parfois senti une certaine parenté avec des adavus standards qui en principe utilisent les deux mains : les mouvements d'une main sont repris tandis que l'autre main reste immobile, sur le côté. Ceci donne peut-être un côté rustique ou rugueux à ces chorégraphies, mais pour compenser ce fait-là, il y a un remarquable travail chorégraphique pour que les enchaînements se suivent harmonieusement, et surtout, ces chorégraphes n'ont pas peur de la lenteur pour mettre en valeur le caractère gracieux des mouvements de bras, pour entrer dans le mouvement de la même façon que le style de musique dhrupad permet de rentrer dans le son... J'avais été particulièrement ému par cette magnifique lenteur en voyant le Jatiswaram en Ragamallika et Misra Chapu Tala dansé par Revanta Sarabhai dont la professeure avait appris cette chorégraphie auprès de Muthuswamy Pillai. Cette relative lenteur permet aussi de se concentrer sur le mouvement d'une seule main pendant d'assez longues séquences : ceci produit quelques moments de poésie (comme vers 2'15" sur cette vidéo de Mallika Thalak dans un Alarippu à sept temps).

Espace Jemmapes — 2015-04-15

Kalpana Métayer et ses élèves Alessandra, Fanny, Iran, Morgane, bharatanatyam

Mallari (Raga Gambheera Natai, Tala Tisra Triputa)

Shloka “Guru Brahma”

Natesha Kautwam (Raga Hamsadwani, Eka Talam)

Jatiswaram (Raga Vasanta, Rupaka Talam)

Natanam Adinar (Raga Vasanta, Ata Talam)

Padam “Sogasu” (Raga Sahana, Misra Chapu Talam)

Kirtana (Raga Karaharapriya, Adi Talam)

Javali “Marubari” (Raga Kamas, Adi Talam)

Padam “Eppadi manam” (Raga Huseni, Misra Chapu Talam/Raga Ananda Bhairavi et Sahana)

Tillana ‟Dhrupad” (Raga Purvi, Rupaka Talam)

Venons-en au spectacle de Kalpana (disciple de Muthuswamy Pillai) et de ses élèves les plus avancées (certaines ont aussi pratiqué directement auprès de Kuthalam M. Selvam). J'ai déjà fait ci-dessus l'éloge des chorégraphes. Les interprètes méritent aussi quelqu'éloge, puisque comme je le détaillerai ci-dessous, certaines pièces ont été exceptionnellement bien dansées. L'ensemble du spectacle a été à mon avis d'un niveau que l'on ne voit pas toujours dans certains récitals de danseuses très connues, y compris parmi celles qui sont réputées pour leur Abhinaya. Il faut bien sûr également louer le travail de leur professeur Kalpana qui a su les porter à ce niveau et qui, il faut le signaler aussi, a réalisé un important travail de mise en espace. Beaucoup des pièces présentées au cours du programme mettaient ainsi en scène plusieurs danseuses. Plutôt que les interprètes fassent de la danse synchronisée en rang d'Oignon comme on le voit malheureusement parfois, il est plus intéressant de travailler sur le placement, insérer des silences : une danseuse reste immobile pendant que l'autre se déplace. Par rapport à la quantité de travail fournie pour apprendre une chorégraphie, le surcoût est relativement marginal, et au-delà de la beauté esthétique des configurations qui en peuvent résulter pour les spectateurs, il y a plein de bonnes raisons de procéder ainsi. D'une part, c'est amusant à faire et crée une complicité entre les interprètes ; d'autre part, cela permet de développer le travail sur le rythme (si on doit rester immobile pendant un cycle rythmique et demi, il faut savoir être attentif à la musique et aux autres, comme dans un orchestre).

Le programme très étoffé a commencé par Mallari (chorégraphie de Kalpana). Elle avait déjà utilisé cette introduction (ou au moins une introduction semblable) au début de son programme lors du Festival “Mouvements émouvants”. Je retrouve d'étonnants ronds de jambes associés à une offrande de fleurs tandis que dans une délicieuse lenteur, la danseuse évoque Shiva en tant que danseur cosmique. Il porte une peau nouée à la taille, le tambour Damaru et se tient sur le buffle Nandi. De façon intéressante, la musique comporte des passages dans lesquels les temps ne sont plus subdivisés en deux ou quatre, mais en trois.

Guru Brahma ©Pierre Fabris
Iran, Morgane, Kalpana, Fanny et Alessandra dans Guru Brahma ©Pierre Fabris

Kalpana et ses quatre élèves interprètent ensuite Guru Brahma, un shloka très connu qui compare le guru aux trois dieux de la trinité hindoue (Brahma, Vishnu, Shiva) et même au Brahman (l'absolu). La présence de plusieurs danseuses permet d'évoquer simultanément plusieurs aspects des divinités. Ainsi, ci-dessus, il est représenté au premier plan, de gauche à droite, comme le danseur cosmique Nataraja, en Yogi et en guerrier. La pièce se conclut par la représentation de rites dévotionnels, comme l'offrande de fleurs.

La pièce suivante Natesha Kautwam est une pièce vive interprétée par Morgane et Fanny qui exécutent les mouvements de deux chorégraphies différentes dues respectivement à Muthuswamy Pillai et Selvam, et réorchestrées par Kalpana. Cette pièce contient un certain nombre d'éléments stylistiques parmi ceux décrits ci-dessus. Dans la chorégraphie interprétée par Fanny, on voit aussi d'impressionnants grands battements comme je n'en avais vu jusqu'à présent que dans la danse classique européenne, le pied se levant parfois jusqu'à la hauteur des épaules. Sur le fond, la pièce évoque Shiva armé du trident qui détruit les démons. Sa monture est Nandi, il porte le croissant de Lune, le tambour Damaru, le cordon sacré. C'est aussi un yogi au regard foudroyant...

Jatiswaram ©Pierre Fabris
Iran et Fanny dans Jatiswaram ©Pierre Fabris

Un des deux très grands moments de la soirée (et plus généralement de mon expérience de spectateur de bharatanatyam) est intervenu lorsque Fanny et Iran ont interprété un Jatiswaram, une pièce de danse pure dans laquelle le texte de la musique est constitué du nom des notes chantées. Les chorégraphies de Muthuswamy Pillai et Selvam sont génialissimes pour toutes les raisons que j'ai esquissées en préambule et elles sont magnifiquement interprétées par les deux superbes danseuses ! Dans la partie de Fanny, j'ai parfois remarqué une posture très proche de la position Tribhang du style odissi : le fait qu'un des pieds soit sur en demi-pointe sur le cou-de-pied crée une dissymétrie qui se propage vers le haut du corps, ainsi les hanches se penchent d'un côté, tandis que le torse se courbe dans l'autre sens.

La pièce suivante Natanam Adinar (chorégraphiée par Muthuswamy Pillai) fait quelque peu double emploi avec le Natesha Kautwam dansé précédemment. Il s'agit aussi d'une pièce sur Shiva comportant des passages de danse extrêmement vive accompagnée d'onomatopées qui me font penser à la forme du Kautwam. Cette pièce dansée par Morgane est précédée d'un Shloka (ou plutôt d'un Viruttam puisqu'il était semble-t-il chanté en tamoul et non pas en sanskrit). Il m'a semblé distinguer ce qui aurait pu être une élaboration autour du thème du regard de Shiva qui réduit en cendres un archer (Kama), mais en lisant après coup le texte du poème, il m'apparaît que cela illustrait plutôt la phrase Tes sourcils sont dessinés comme des arcs.... (C'était bien une histoire entre un œil et un arc, mais pas tout à fait la même...) D'autres détails sont évoquées dans la chorégraphie, comme sa bouche, sa chevelure ou les cendres qu'il s'est appliqué sur le corps et le front. Quand la musique s'est faite rythmique et que la composition Natanam Adinar proprement dire a commencé, la danseuse a évoqué des prières adressées à Shiva. Son tambour Damaru est représenté, mais l'image la plus marquante est celle de Shiva dans sa pose de danseur cosmique qui revenait comme un refrain. Cette pose apparaît très fréquemment dans la danse bharatanatyam, mais il est beaucoup plus rare que soient représentées en même temps quelques frappes du pied droit qui font trembler l'Univers (et qui écrasent la tête d'Apasmara, le démon de l'ignorance). Rien que pour cela, je suis content d'être venu. Le reste de la pièce évoquait le temple de Chidambaram (ou réside précisément Shiva dans cette forme appelée Nataraja). Je n'ai pas (encore) visité ce temple, mais il m'a semblé que la danse faisait référence à des sculptures d'Apsaras, des danseuses célestes. Plus loin, Shiva est représenté avec sa chevelure d'où s'écoule la rivière Ganga et il est aussi associé à des serpents.

La pièce suivante a été des deux grands points culminants de ce récital. Le superbe Jatiswaram était un sommet de danse pure ; le Padam Sogasu (chorégraphié par Sangeeta Isvaran) dansé par Fanny Wiard m'a semblé une merveille dans l'art de l'Abhinaya. L'héroïne est mariée. Son mari l'appelle, mais elle veut s'unir avec Krishna, le bouvier à la flûte (Venugopala comme il est dit dans le texte du poème), celui avec lequel, malgré son mariage avec un autre, elle se considère comme unie depuis son enfance (laquelle est évoquée par le nombre des années qu'elle avait à l'époque et aussi par un jeu de balle avec ses amies). Peut-être avait-elle secrètement noué ce lien alors qu'elle regardait fixement une image de Krishna ? Cet amour peut être assimilé à une forme de dévotion et comme souvent dans la danse bharatanatyam, les amants sont séparés. L'héroïne compare la situation à celle du Soleil et d'une fleur de lotus. Ils sont très distants l'un de l'autre, mais ils sont inséparables : bien que lointaine, c'est la lumière du Soleil qui permet à la fleur de s'épanouir. Elle le cherche. Elle entend le son de sa flûte. Elle croit le voir dans les pluies de la mousson. Elle veut s'unir à Lui, mais il n'est pas là. Rappelée à son triste sort par son mari, elle ne sait quel parti choisir, mais elle se tourne espièglement vers Krishna dont elle dérobe la plume de paon ! Bravo et merci à la danseuse pour toutes ces émotions !

La chorégraphie suivante (de Muthuswamy Pillai) dansée par Iran et Morgane est un Kirtana évoquant délicieusement Murugan. Choréographiquement, il s'agit d'une forme intermédiaire entre la danse pure (du Jatiswaram par exemple) et le pur Abhinaya du Padam précédent. Des pas complexes sont associés à des mouvements expressifs du haut du corps. Dans sa conférence lors du Festival “Mouvements émouvants”, Tiziana Leucci évoquait la notion de danseuse orchestre, le côté rythmique étant assuré par la moitié basse du corps tandis que la moitié haute est associée à la mélodie. Certaines pièces mettent en valeur l'un ou l'autre de ces aspects, ou les deux alternativement dans des sections bien délimitées, mais dans cette pièce-ci, si ces deux aspects ont parfois été présentés séparément, ils ont souvent paru simultanément. C'est particulièrement difficile à faire, mais les deux interprètes étaient très convaincantes, y compris dans la situation la plus extrême des Tattu Muttu dans lesquels les pieds répètent inlassablement la même suite de frappes très rapides tandis que le haut du corps exprime le sens du poème, souvent en forme de récapitulation avant d'enchaîner sur une autre section. Il était donc question de Murugan, de sa naissance extraordinaire à sa vieillesse. La tonalité de la pièce est résolument la dérision. Le poème moque joyeusement le folâtre Murugan ainsi que d'autres divinités. Murugan est le fils de la coquette Parvati qui l'a conçu en serrant dans ses bras six lotus. Le résultat est qu'il a six têtes. Je ne sais plus très bien quel sens cela avait dans le contexte, mais la chorégraphie a fait référence à Vishnu (portant la conque et le disque, et reconnaissable au mudra Tripataka) ; sous la forme de Krishna, il est représenté en bouvier qui conduit le troupeau. Le poème se moque aussi de Shiva, le père de Murugan, qui apparaissait en mendiant. La chorégraphie fait référence également à Ganesh, le frère de Murugan qui est non seulement le dieu de la guerre, mais aussi un sage dans sa vieillesse (délicieusement représentée par Iran). Après une très belle section de danse pure dont le texte est constituée du nom des notes (Swaram), cette pièce de danse se conclut dans la joie.

La pièce suivante est le Javali Marubari chorégraphié par Kalanidhi Narayanan et dansé par Iran. J'avais déjà vu cette magnifique danseuse interpréter cette pièce un an auparavant, et c'est un réel de la plaisir de la (re)voir dans une aussi belle pièce d'Abhinaya. L'interprétation est peut-être un peu moins polissonne qu'il y a un an, mais le ton reste résolument espiègle. C'est le printemps, suggéré par le butinement des abeilles, qui invite aux amours toutes les créatures, les oiseaux notamment. Une jeune femme est frappée par les cinq flèches de l'archer Kama, le dieu de l'Amour qui attaque ses sens. Elle ne peut boire le lait qui lui brûle les lèvres. Sa peau est ardente. Elle est prise d'une joyeuse ivresse. Elle dit en substance à son amoureux : Cesse de te jouer de moi. Viens, beau jeune homme. Faut-il que je te supplie ?. La pièce se conclut par un échange de regards passionné.

Kalpana a ensuite interprété le Padam Eppadi manam qu'elle avait déjà dansé lors du Festival “Mouvements émouvants”. Certains détails d'interprétation qui m'avaient semblé légèrement confus m'ont paru cette fois-ci plus clairs, cependant, bien qu'il s'agisse d'une pièce chorégraphiée par la très respectée Kalanidhi Narayanan, je n'aime pas la façon dont cette scène du Ramayana est évoquée dans ce poème et dans la danse. Même si l'interprétation était très convaincante dans l'esprit de ce poème, je n'y reconnais pas le personnage de Sita. Pour moi, ce n'est pas une pleurnicharde : elle réagit de façon bien plus forte à l'annonce de l'exil de Rama en forêt. Je ne l'ai reconnue qu'à la toute fin de la pièce quand on comprend qu'elle décide de suivre Rama dans la forêt. Ce détail apparaissant dans les toutes dernières secondes m'avait échappé la première fois ; j'y ai été très sensible cette fois-ci.

Ce magnifique récital s'est conclu par un Tillana que Kalpana a chorégraphié et fait répéter à ses élèves les plus avancées au cours des derniers mois. La structure musicale est tout à fait inhabituelle pour un Tillana. La pièce commence en effet par des notes solfiées, c'est-à-dire que la chanteuse prononce le nom des notes de la mélodie (que l'on peut entendre sur cette vidéo). Cette mélodie est très sommaire, puisqu'elle est quasiment entièrement basée sur les gammes ascendantes et descendantes du Raga Purvi : sur le moment, cela m'a fait penser à des exercices de Sargam que je pratique dans le style dhrupad, qui servent à se familiariser avec un Raga et qui comme les enchaînements ou adavus de la danse bharatanatyam peuvent être pratiqués à diverses vitesses. On entendra plus loin un texte ayant un sens, et me semble-t-il aussi des onomatopées. Le titre Dhrupad n'était pas présent sur la feuille de programme et il n'a pas été non plus prononcé lors des annonces. Cependant, Kalpana l'a indiqué en légende lorsqu'elle en a partagé une photographie, ce qui m'a intrigué. Elle aurait sans doute produit ce texte même si je n'avais pas posé la question, mais il est intéressant de lire sa réponse qui donne par ailleurs des indications sur le processus de création. Si je souscris pleinement à l'idée que le style de musique dhrupad est une recherche du son (dans la pratique matinale du Kharaj ou dans l'introduction mélodique improvisée appelée Alap) et si les exercices de Sargam basés sur la gamme font partie de l'apprentissage du chant ou de l'instrument, ils n'ont absolument pas vocation à être présentés en concert ! Les auditeurs qui auraient apprécié cette musique doivent savoir que ce n'est pas cela du tout ce qu'ils entendront s'ils vont assister à un concert de dhrupad...

Le Tillana de la musique carnatique a des cousins dans la musique hindustani sous le nom de Tarana. Ces derniers ont d'ailleurs été utilisés par Sucheta Chapekar dans le style bharatanatyam. J'ignore de quelle tradition musicale vient la composition utilisée dans le Tillana de Kalpana, mais comme elle le souligne dans son texte, il est effectivement intéressant qu'il ne soit pas dédié à une divinité, mais tout simplement à la musique. (Dans le style dhrupad, outre des compositions en l'honneur de divinités, je connais au moins deux compositions qui sont dédiées à la musique, un Tivratal en Raga Jog et un Chautal en Raga Todi ; j'en connais aussi une faisant l'éloge du vin...) Cela dit, ce n'est pas non plus unique, puisque j'ai déjà eu l'occasion d'apprécier un Tillana dansé dans le style bharatanatyam qui était dédié à la musique (cf. mon billet sur la Chidambaram Dance Company et cette vidéo dans laquelle on entend le chanteur prononcer le nom complet des notes de la gamme indienne : Shadja, Rishabh, Gandhar, Madhyam, Pancham, Dhaivat, Nishad).

Je n'ai pas grand'chose de plus à dire sur ce Tillana si ce n'est qu'il était réussi et comportait un important travail sur le placement des cinq danseuses qui partagaient une complicité évidente. Des animaux étaient évoqués dans la chorégraphie, j'ai au moins reconnu un éléphant, un buffle et des oiseaux. La chorégraphe s'est aussi inspirée des magnifiques sculptures du temple Hoysaleshwara de Halebid que j'ai eu l'occasion de visiter en 2011 et qui, s'il est consacré à Shiva, comporte des sculptures sur des thèmes mythologiques et épiques très variés, ainsi que des représentations de scènes de danse...

Photo 410
Shiva, Temple Hoysaleswara, Halebid

(Pour ma série complète de photos de ce temple à Halebid, suivez ce lien.)

Dans le texte de Kalpana signalé plus haut, elle fait aussi référence au contrepoint. Ce n'est sans doute pas un hasard si la pièce de danse contemporaine la plus bouleversante à laquelle j'aie assisté est The Fugue de Twyla Tharp...

Je ne pourrai malheureusement pas assister au spectacle de fin d'année de Kalpana et de ses élèves le 29 mai, mais n'hésitez pas à y aller. Les détails pratiques devraient apparaître sur le site de l'association Hamsasya.

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Le festival de danses indiennes “Mouvements émouvants”

2015-04-03 09:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Espace Jemmapes — 2015-03-28

Madolika, kuchipudi

Soazic Lelan, sattriya

Angela Sterzer, manipuri

Kali Chandrasegaram, kathak

Kalpana Métayer, bharatanatyam

Mahina Khanum, odissi

Kakoli Sengupta, chant

Denis Teste, sitar

Alexis Weisgerber, pakhawaj

La première édition du festival “Mouvements émouvants” s'est tenue ce week-end. Il faut saluer cette magnifique initiative de Mahina Khanum qui est parvenue à réunir à Paris des interprètes de six styles de danses classiques indiennes et à susciter un intérêt au-delà du public quelque peu cloisonné de chacun de ces différents styles. J'ai ainsi été très agréablement surpris qu'une participante des stages d'initiation du dimanche m'ait parlé du site Danses avec la plume ou des Balletonautes.

Le festival a commencé par une conférence malheureusement trop courte de Tiziana Leucci qui a présenté les danses indiennes classiques et leur histoire. J'ai eu le privilège d'être assis à côté d'elle pour lui poser des questions et former des problématiques qui invitaient à la comparaison avec la danse classique européenne (eh oui, je suis aussi balletomane...). Si l'écouter est toujours un plaisir pour moi, sur le fond, j'ai été très sensible à ses réponses, notamment sur les enjeux de transmission du répertoire comme processus vivant et dynamique dans lequel à chaque génération les maîtres de danse peuvent apporter des innovations et adapter les pièces au corps des interprètes comme le ferait un tailleur. Bref, on est à l'opposé d'autres conceptions fossilisées ou muséales...

Prière à Shiva
Prière à Shiva ©Gaëlle Devulder

(Merci à Gaëlle Devulder pour les photographies ! Cliquez sur les photos pour les voir dans une meilleure résolution.)

Le spectacle a commencé par une petite prière à Shiva réunissant les six interprètes et les trois musiciens. Il s'agit en quelque sorte d'une introduction sans chichis aux six styles qui se succéderont ensuite sous la forme de solos. Les six interprètes sont regroupés par paires. Au premier plan, Kalpana (bharatanatyam) et Madolika (kuchipudi) représentent notamment Shiva en ascète sous le nom de Yogeshwara ou soulignent la présence du croissant de Lune dans son chignon. Au deuxième plan apparaissent les danses plus sinueuses des états du Nord-Est avec Soazic Lelan (sattriya) et Angela Sterzer (manipuri). Chacune illustre avec son propre langage dansé des caractéristiques de Shiva comme le flot de la rivière Ganga. Au dernier plan, Kali Chandrasegaram (kathak) et Mahina Khanum (odissi) représentent le couple Shiva-Parvati. Elle évoque aussi très élégamment la peau enroulée autour des hanches de Shiva tandis qu'il représente Shiva en danseur cosmique avec quelques frappes de pieds et l'évocation du tambour Damaru.

Madolika (kuchipudi)
Madolika (kuchipudi) ©Gaëlle Devulder

La première à se présenter sur scène pour un solo est Madolika qui est une représentante du style kuchipudi de Vempati Chinna Satyam. (Presque toutes les autres interprètes de kuchipudi que j'ai vues appartiennent à cette lignée : Deepika Potarazu, Radha Prasanna, Shantala Shivalingappa (2007/2008, 2010, 2013) et Sandhya Raju.) Elle a interprété une des chorégraphies les plus connues de son maître : Krishna Shabdam. Dans la première partie (que je connaissais déjà pour avoir vu cette vidéo de Sandhya Raju), une jeune femme appelle son bien-aimé Krishna et se prépare à l'accueillir avec une guirlande de fleurs : Mon Cher, Viens, Toi qui est à la dynastie de Yadu ce que la Lune est à l'océan de nectar !. La structure rythmique est très particulière puisque ce vers qui passe en boucle pendant les premières minutes (Raa ra yadu vamsa sudha budhi chandra swami) n'apparaît pas à une position fixe dans le cycle rythmique Adi Tala (8 temps). La syllabe vam dans yadu vamsa est très marquée et suivant les répétitions, on l'entend sur le premier, le troisième, le cinquième ou le septième temps du cycle. Dans cette pièce très enjouée et espiègle comme doit l'être toute représentation de kuchipudi, une autre spécificité rythmique apparaît : si les temps sont le plus souvent subdivisés de façon binaire, des bouts de cycles contiennent parfois des subdivisions en trois (Tishra Nadai) marquées par des frappes de pieds, ce qui peut présenter une difficulté pour les danseurs comme me le dira le lendemain Madolika. Je n'ai pas pris de notes en assistant à cette pièce qui m'a ému. Parmi les détails que je retiens dans la deuxième partie, le combat de Krishna contre le roi Kamsa, un de ses exploits de jeunesse. La pièce se termine en accelerando et sur un passage de danse pure.

La danseuse a interprété ensuite Vande Mataram. L'enregistrement utilisé étant instrumental et dans une orchestration harmonisée à la façon européenne, je n'ai pas reconnu l'hymne patriotique indien, mais la chorégraphie ne laissait aucun doute, il s'agissait bien d'un hommage à la Déesse sous la forme de la Mère Patrie, à l'Inde en général. On y voit des lotus s'épanouir depuis la racine et il m'a semblé aussi voir une dévôte s'immerger rituellement dans le flot d'une rivière.

Soazic Lelan (sattriya)
Soazic Lelan (sattriya) ©Gaëlle Devulder

Le sattriya était le seul des huit styles de danses classiques de l'Inde que je n'avais jamais vu. Que cette danse est d'une suprême élégance ! Cela a été pour moi un des deux grands points culminants émotionnels au cours de la soirée. La pièce interprétée par Soazic Lelan a été chorégraphiée par son maître qui enseigne à Delhi.

Sur un texte contenant les mots Shri Krishna Namah la danseuse se déplace délicatement sur la scène ; les pieds étant très souvent en demi-pointe, elle pose à peine le talon, ce qui contribue sans doute à rendre encore plus harmonieuses ses majestueuses rotations. Elle évoque les fleurs de lotus et plus généralement la Nature. Parfois, on aperçoit des oiseaux s'envoler. Dans ce cadre pastoral, une prière à Krishna s'élabore. Le texte et la chorégraphie évoquent les parents biologiques et adoptifs de Krishna. On entend ainsi les noms de Vasudeva et Devaki, et plus loin celui de Nanda (et peut-être aussi celui de Yashoda). De Krishna dont la flûte est suggérée ici par les mains en mudra Simhamukha (plutôt que Mrigashirsha que j'ai vu plus souvent) sera représenté la victoire contre le roi démonique Kamsa.

S'ensuit un passage de danse pure utilisant principalement les mudras Hamsasya et Alapadma. La danse est alors un peu plus rythmée et ancrée dans le sol, mais elle conserve toute son élégance.

Paradoxalement, ce style de danse qui m'a semblé extrêmement féminin a longtemps été transmis uniquement entre moines vishnouïstes dans l'Assam.

Angela Sterzer (manipuri)
Angela Sterzer (manipuri) ©Gaëlle Devulder

La danseuse suivante a été Angela Sterzer qui a appris la danse manipuri à Imphal. Ma première expérience avec ce style avait été assez perturbante lors d'un double récital au NCPA Mumbai. La performance d'Angela Sterzer me réconcilie quelque peu avec ce style, mais il continue néanmoins de susciter ma perplexité.

La danseuse a commencé son intervention en chantant a capella une chanson sur l'état du Manipur. Ce chant aux notes légèrement ornementées m'a semblé très mélodieux.

La danse pure du manipuri est très élégante, très raffinée. Différentes parties du corps (mains, buste, yeux, etc.) ondulent harmonieusement dans des figures que certains décrivent comme serpentines ; la danseuse me les décrira le lendemain plutôt comme tournant autour de la figure du 8. Les mouvements de cous et d'yeux sont très élaborés et sans doute très difficiles à exécuter, mais ils ne sont pas très visibles, surtout à quelques mètres de distance ; le reste du visage m'a semblé moins mobile. Si du point de vue narratif ou expressif, la pièce de danse qui a été interprétée par Angela Sterzer m'a toutefois semblée plus convaincante que ce que j'avais vu à Mumbai, j'éprouve des difficultés à être ému par cet aspect de la danse qui me semblé moins développé par rapport à d'autres styles (ne serait-ce qu'en termes de la proportion du temps de la pièce qui y est consacrée par rapport à la danse pure).

Par rapport à d'autres styles de danses indiennes dans lesquels on voit immédiatement quand il y a quelque chose à comprendre, les gestes du manipuri paraissent tellement délicats qu'avant même de pouvoir comprendre l'intention, il n'est même pas tout à fait évident de saisir quels sont les moments qui vont posséder un contenu narratif. J'ai cependant réussi à en repérer quelques uns. Dans cette pièce sur l'enfance de Krishna, sa flûte est représentée par des positions de mains encore différentes de celle utilisée dans le sattriya. Les mains sont dans un mudra voisin de Hamsasya, mais dans lesquels les doigts seraient plus rapprochés. Quelques mouvements de bras suggèrent Yashoda en train de baratter le lait. Plus loin, une femme entend le son harmonieux de la flûte et son désir d'union avec Krishna sera représenté par les deux mains en Ardhapataka.

J'apprécie que cette danse ne soit pas excessivement démonstrative, puisque ce n'est pas du tout cet aspect qui m'intéresse en tant que spectateur. Si la danse a comporté des passages rapides, la relative lenteur permet d'apprécier le détail des mouvements, qui ont été extrêmement bien tenus du début à la fin. Cela dit, le contenu narratif et expressif n'est peut-être pas assez développé à mon goût pour que je puisse vraiment me passionner pour ce style, que je retournerai cependant voir volontiers.

Kali Chandrasegaram (kathak)
Kali Chandrasegaram (kathak) ©Gaëlle Devulder

S'il y a un style de danses indiennes que je n'apprécie pas, c'est le kathak. Ce style a certes une certaine élégance et très souvent une virtuosité qui affole le cœur de beaucoup de spectateurs, mais les aspects narratifs et expressifs que je privilégie m'ont toujours semblé insuffisamment élaborés pour pouvoir me bouleverser.

J'ai pourtant été sensible à la première chorégraphie utilisant un poème de Mirabai présentée par le danseur Kali Chandrasegaram. Nous sommes au printemps. Alors que la nature s'épanouit, Mirabai entend au loin le son de la flûte de Krishna. On entre alors dans une atmosphère de joyeuse dévotion religieuse (bhakti) à tous permise. Les pirouettes et les ports de bras associés, s'ils m'ennuyent en général, étaient ici on ne peut plus appropriés ! J'ai apprécié sa technique de spotting (le mouvement de cou consistant à fixer un point le plus longtemps possible pendant la pirouette).

Le danseur a enchaîné avec une pièce de danse pure chorégraphiée par Pandit Birju Maharaj, semble-t-il sur le cycle rythmique Jhaptal (10 temps). Beaucoup de frappes de pieds très rapides et de pirouettes. C'est plutôt agréable à regarder, cela ne me passionne pas particulièrement, mais pour beaucoup de spectateurs, il semble que cela ait été un des moments les plus exaltants de la soirée : il en faut pour tous les goûts !

Kalpana (bharatanatyam)
Kalpana (bharatanatyam) ©Gaëlle Devulder

Le style bharatanatyam est celui que je connais le mieux. C'est donc forcément celui pour lequel mes attentes sont les plus élevées. Si les danses de Kalpana m'ont semblé très bien et si j'eusse aimé en être bouleversé, il a manqué un petit quelque chose pour que je sois complètement convaincu.

La danseuse a commencé par une salutation et une élégante offrande de fleurs. Elle a ensuite enchaîné avec une pièce élaborée d'Abhinaya. Le poème en tamoul s'inspire du Ramayana. Rama vient d'être contraint à un exil dans la forêt et il se rend auprès de son épouse Sita pour lui annoncer la nouvelle. Du fait de ma lecture des épopées et d'autres textes mythologiques, je me suis fait une certaine image des personnages. Même si je suis quelque peu en train de revoir ma position sur la question de la fidélité aux épopées suite à des questions soulevées lors d'un exposé de Katia Légeret au Musée Guimet il y a quelques mois, je n'aime pas que l'on me représente les personnages d'une façon irréconciliable avec la conception que j'en ai : je ne reconnais plus le personnage, c'est un autre. Le personnage de Sita est souvent injustement rabaissé à celui d'une bonne épouse (dont un caprice sera à l'origine de son enlèvement et d'une guerre), mais s'il est vrai qu'elle n'est pas Draupadi, elle prouve à quelques reprises au cours de l'épopée qu'elle est capable d'une certaine détermination. Sa réaction à l'annonce de Rama est un de ses hauts faits : elle décide d'accompagner Rama dans son exil en forêt et reproche à Rama d'avoir pu ne serait-ce qu'imaginer qu'elle puisse rester sagement dans son palais à Ayodhya. Dans la version tamoule qui a été présentée, la réaction qu'a Sita en fait une femme futile, inconsciente des enjeux, capricieuse, reprochant à Rama le peu d'égards qu'il a pour elle. Bref, si j'ignore qu'elle est l'histoire de cette pièce dans le répertoire, la façon d'aborder le thème me déplaît assez franchement, et ce d'autant plus qu'elle va à rebours des approches féministes (cf. un précédent compte-tendu d'un récital de Meenakshi Srinivasan).

Ceci étant dit, la danse expressive de Kalpana est très convaincante. On voit le roi Dasharatha ordonner à Rama de s'en aller (avec son frère Lakshmana). La réaction de Sita à ces propos rapportés est de dire à Rama qu'il a un cœur de pierre et de faire référence à leur mariage (symbolisé semble-t-il par son collier). Elle lui dit en substance : À quoi bon avoir brisé l'arc de Shiva pour obtenir ma main si c'est pour que nous soyons maintenant séparés ?. La danse expressive était vraiment très bien, mais certains détails ont présenté à mon avis quelques imperfections qui sont de nature à brouiller légèrement le propos. Par exemple, le port de tête de Rama n'était peut-être pas tout à fait assez majestueux pour qu'il soit parfaitement reconnaissable quand la danse revient sur l'épisode de l'arc de Shiva. Certaines chorégraphies mettent en scène d'autres prétendants que Rama qui tous échouent. Ils sont tous très nettement caractérisés et on voit immédiatement de qui il s'agit. Dans cette pièce, un seul prétendant a semble-t-il été représenté, mais je n'ai eu la certitude que c'était Rama que lorsqu'il a réussi l'épreuve, alors qu'en principe cela aurait dû être évident, comme quand Gayatri Sriram avait développé cette scène. De même, le nom de Lakshmana est prononcé dans le texte de la composition, mais les personnages de Rama et Lakshmana n'étaient pas suffisamment caractérisés pour que je fusse certain que c'était Lakshmana ou Rama qui était représenté dans la danse à ce moment-là, alors que par exemple quand j'ai eu le privilège d'assister à des répétitions d'une pièce de groupe de disciples de Sucheta Chapekar à Pune, je voyais bien au premier coup d'œil que Yashoda incarnait Rama (merveilleusement bien !) et que c'était Mugdha qui interprétait le rôle de Lakshmana.

Ensuite, j'ai beaucoup aimé l'extrait de Tillana qui a été présenté. Il s'agissait de la partie de danse pure de cette pièce dont je ne crois pas avoir entendu précédemment la composition musicale. Le temps imparti ne permettait malheureusement pas de poursuivre avec la deuxième partie textuelle qui en principe conclut un Tillana.

(En suivant ce lien, vous trouverez des informations sur un récital qui aura lieu le 11 avril et dans lequel se produiront quatre des élèves les plus avancées de Kalpana.)

Mahina Khanum (odissi)
Mahina Khanum (odissi) ©Gaëlle Devulder

Le spectacle s'est conclu magnifiquement par une pièce d'odissi dansée par Mahina Khanum. Cela a été pour moi le point culminant émotionnel de ce festival. Comme elle l'explique dans l'interview qu'elle m'a accordée pour le site-forum Dansomanie, il s'agit d'une chorégraphie de Kelucharan Mohapatra que lui a transmise Madhavi Mudgal à Delhi. La pièce est le dix-septième Ashtapadi Yahi Madhava (करिहरि याहि माधव याहि केशव) extrait du Gîta-Govinda de Jayadeva. Mahina Khanum discute en détail de cette pièce dans la deuxième partie de l'interview citée ci-dessus. Il est extrêmement rare pour moi de connaître autant de détails sur une pièce avant de la voir représentée. J'ai pris beaucoup de plaisir à relire diverses traductions et versions. Dans mon empressement à réserver des livres lors d'une visite à la BnF, je me suis rendu compte en ouvrant l'édition de Henri Quellet que j'avais réservée qu'elle ne contenait que le texte sanskrit (et aussi une précieuse correspondance entre les diverses éditions). Le texte est tellement souple qu'il peut se prêter à de nombreuses interprétations suivant les vers qui sont inclus ou non.

La pièce commence par un long développement mélodique sans paroles. Radha se prépare à accueillir Krishna. Elle se regarde dans un miroir. Son corps est brûlant, elle cherche l'union. Elle dégage ses cheveux pour accrocher des boucles d'oreilles. Cependant, il n'est pas arrivé et quand le texte, Rajani janita... se fait entendre, elle s'endort. Quand elle se réveille, Krishna est là et elle le repousse : Va-t-en, Hari ! Va-t-en ! / Toi dont les yeux sont des lotus, / cours rejoindre la jouvencelle / qui sait si bien guérir / le mal qui Te consume ! (je cite ici la merveilleuse traduction de Jean Varenne aux éditions du Rocher/Unesco ; le texte correspondant à Toi dont les yeux sont des lotus est traduit par Ne me dis plus de paroles friponnes (resp. des mensonges) dans d'autres traductions, et c'est semble-t-il cette idée-là qui était exprimée dans la danse). Dans sa chorégraphie Kelucharan Mohapatra a ajouté une réponse de Krishna aux reproches de Radha. Quand elle observe qu'il a la bouche recouverte de khôl, il répond qu'il a mangé des baies. Quand elle remarque des griffures sur son corps, il prétend s'être écorché en tentant de cueillir une fleur pour orner le chignon de Radha. Tous ces détails étaient magnifiquement représentés dans la danse de Mahina Khanum.

J'ai beaucoup aimé le chant de Kakoli Sengupta et l'accompagnement au sitar par Denis Teste. Cela m'était d'autant plus agréable que le Raga Bhairavi est semble-t-il bien celui que je connais sous le même nom dans la musique dhrupad que je pratique ; il m'a semblé reconnaître des phrases caractéristiques dans le jeu du sitariste. J'ai particulièrement apprécié les moments dans lesquels la pulsation ne s'était pas encore insinuée. J'ai perçu le cycle rythmique utilisé (Yati ou Jati Tala) comme étant à sept temps (équivalent de Tivratal en musique hindustani ou Misra Chapu en musique musique carnatique), mais le percussionniste Alexis Weisgerber m'expliquera ensuite qu'il le concevait plutôt comme un cycle à quatorze temps parce que les phrases de la composition s'étendaient sur 14=7+7 temps.

J'avais déjà eu quelques bonnes expériences avec la danse odissi, notamment avec Arushi Mudgal au Musée Guimet, mais je n'avais jamais été autant ému par une pièce d'odissi avant de voir Mahina Khanum. (D'après mes notes, il semblerait qu'Arushi Mudgal avait alors interprété le même Ashtapadi... Dans le style bharatanatyam, Janaki Rangarajan l'avait aussi interprété il y a quelques mois au Centre Mandapa.)

Après les louanges que j'avais entendues à propos de Mahina Khanum avant de la rencontrer, et après avoir beaucoup apprécié ses réponses à mon interview, la seule chose que je redoutais était l'éventualité d'être déçu par sa danse, mais c'est tout le contraire qui s'est produit ! Ce très beau moment fait remonter singulièrement plus haut le style odissi dans mon estime.

Le lendemain étaient organisés des stages d'initiation d'une heure animés par chacun des interprètes du spectacle de la veille. Si je m'étais réveillé plus tôt, je serais volontiers allé au stage de sattriya, mais je me suis contenté des stages de kuchipudi et d'odissi. Si d'autres hommes étaient présents parmi les stagiaires, ils devaient être bien cachés, puisqu'il m'a semblé qu'il n'y avait que des femmes autour de moi. Certaines ont été très courageuses puisqu'elles ont enchaîné tous les stages (six heures avec une pause d'une heure).

Dans les deux stages auxquels j'ai participé, le cours n'avait sans doute pas la forme qu'aurait un tout premier cours débutant. Il s'est plutôt agi de montrer quelques exercices typiques dans leur diversité et de conclure par une petite esquisse de chorégraphie. Je suis étonné de l'ampleur de tout ce que l'on a pu voir pendant une heure ! Je vais essayer de rendre compte de quelques particularités stylistiques qui m'ont marqué.

Le premier stage auquel j'ai assisté a été celui de Madolika (kuchipudi). Comme un stage de bharatanatyam avait eu lieu précédemment (et dont le professeur Kalpana a fait une excellente impression sur les stagiaires avec qui j'ai discuté), elle a mis l'accent sur les pas qui sont différents de ce style voisin. La position de base est la même que dans le bharatanatyam. En demi-plié, contrairement à ce qu'il m'avait semblé observer chez certains interprètes de kuchipudi, les pieds se touchent presque. La façon de marcher n'est pas exactement celle du bharatanatyam : la manière de transférer le poids du corps vers l'avant est semble-t-il un peu différente.

Surtout, j'ai beaucoup apprécié que parmi les exercices montrés, il y en ait qui mettent en valeur les dégagés. En classique, le dégagé peut être devant, derrière ou à la seconde (sur le côté) ; en kuchipudi, la jambe tendue peut même s'en aller sur le côté opposé ! Pour m'exercer avec la notation Benesh, j'ai essayé de noter quelques uns des exercices montrés. Voici un exercice de dégagé en fondu à la seconde :

Kuchipudi
Exercice de kuchipudi en notation Benesh : dégagé en fondu à la seconde.

En araimandi (demi-plié), on commence par poser le pied droit en demi-pointe derrière l'autre pied, en cinquième (en gros, la pointe du pied droit n'est pas au centre derrière le talon gauche, mais proche du petit orteil gauche...). Sans changer de position, on fait ensuite un petit transfert du poids du corps pour frapper le pied gauche. On frappe de nouveau le pied droit derrière, mais cette fois-ci, le pied droit est derrière le talon gauche (en troisième). Enfin, et c'est là que cela devient intéressant, on effectue une frappe du pied droit en dégageant la jambe gauche sur le côté gauche (à la seconde donc). (Et on recommence la séquence de l'autre côté.)

Après quelques exercices, nous avons esquissé une petite chorégraphie comportant quelques pas, une petite offrande de fleurs et de feu.

J'ai assisté au dernier stage animé par Mahina Khanum qui m'a semblé être une formidable professeure. En tant que spectateur, je pouvais avoir l'impression que la danse odissi, utilisant des mouvements plus lents, était peut-être moins physique que le bharatanatyam, mais c'est peut-être tout le contraire !

Ce qui est particulièrement remarquable, c'est que toutes les positions sont dans une sorte d'entre deux. Mahina Khanum nous a enseigné les deux positions de base. Dans la position Chowk, la plus anguleuse des deux, les pieds sont dans une position intermédiaire entre la première et la seconde position : on est en demi-plié, et les pieds sont écartés, mais pas trop ! La jambe est rarement tendue. Quand on fait une frappe du talon, la jambe reste pliée contrairement à ce qui se pratique dans le bharatanatyam. Les bras sont aussi pliés à angles droits à la hauteur des épaules dans cette position Chowk. Un certain effort est nécessaire aussi pour rentrer les épaules. Cela n'a l'air de rien, mais rester en équilibre dans un demi-plié assez ouvert tout en gardant les bras horizontaux et en faisant travailler les épaules, cela fait dépenser de l'énergie...

L'autre position que nous avons vu est le Tribhang. Les pieds ne sont ni en troisième position ni en quatrième, mais entre les deux. Ils ne se touchent pas, mais ils ne sont pas autant éloignés qu'ils le seraient en quatrième position. Le poids du corps est sur le pied de derrière, l'autre pied étant dix-quinze centimètres devant, les deux talons étant alignés. On est toujours en demi-plié, mais le bassin est penché de façon à relever la hanche de la jambe d'appui. La courbure de la moitié haute du corps compense quelque peu celle du bassin. Partant de cette position, nous avons fait quelques exercices. Un d'entre eux se décrit très bien dans le langage de la danse classique. Supposons que le jambe d'appui soit la gauche. Le pied droit vient frapper derrière en cinquième position, puis monte en retiré tandis que le torse se tourne vers la gauche. Rond de jambe en l'air en dehors (avec la jambe en attitude : décidément, les membres sont toujours pliés !). Développé devant. Retour à la position de retiré et on pose le talon devant avant de recommencer de l'autre côté. (Le fait que le sol du studio de danse fût un peu mou et irrégulier n'aidait pas à rester en équilibre !)

(J'aime vraiment beaucoup la notation Benesh qui est très adaptée pour noter le ballet et le bharatanatyam, mais noter de l'odissi dans ce système me paraît mission impossible ! Je comprends maintenant pourquoi une doctorante sur la danse odissi à qui j'avais posé la question de la notation m'avait dit qu'il y avait eu au moins une tentative, non pas en notation Benesh, mais en notation Laban.)

Nous avons également vu une petite chorégraphie dans laquelle s'insérait certains mouvements techniques que nous avions vu.

Un grand bravo à Mahina Khanum et toutes les personnes qui ont permis à ce festival de voir le jour. J'ai trouvé ce week-end passionnant et très riche en discussions intéressantes !

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Revanta Sarabhai et Pooja Purohit au Centre Mandapa

2015-03-16 13:20+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2015-03-15

Revanta Sarabhai, Pooja Purohit, bharatanatyam

Ganesh/Kartikeya/Devi/Nataraj Kautwam

Jatiswaram (Raga Mallika, Misra Chapu Tala)

Ashtapadi “संचरदधर

Padam “Maanvizhi Kannavale”

Tillana (Adi Tala)

Out of Bounds

Ce dimanche après-midi, je n'avais a priori prévu que d'aller assister à un concert de musique de chambre de l'Orchestre Colonne, mais l'absence d'entr'acte et de bis a fait que j'ai pu sortir de la Salle Colonne suffisamment tôt pour rejoindre le Cendre Mandapa tout proche afin d'assister à un récital de bharatanatyam de Revanta Sarabhai et de Pooja Purohit.

Revanta Sarabhai est le fils de Mallika Sarabhai et donc aussi petit-fils de Mrinalini Sarabhai, légende vivante du bharatanatyam, qui à 96 ans tient toujours Ask Mrinalini le plus adorable des courriers des lecteurs.

Le danseur est relativement jeune (30 ans). Il présente en compagnie de Pooja Purohit un programme en deux parties. La première est un récital de bharatanatyam relativement étoffé, mais pas un Margam complet puisqu'il manque le Varnam. Après une courte pause, ils présenteront ensuite tous les deux Out of Bounds, une pièce de danse contemporaine très ancrée dans le langage du bharatanatyam.

Les deux interprètes sont très musicaux, mais leur technique n'est pas absolument parfaite ; il leur manque peut-être un tout petit peu de tenue dans les ports de bras pour que je sois complètement convaincu qu'ils sont à 100% dans leur danse. Ce récital m'a néanmoins semblé très intéressant par les innovations qu'il comporte, notamment dans la construction chorégraphique des duos.

Un point technique m'a frappé. Il s'agit peut-être d'une différence d'écoles, mais il m'a semblé que dans la position de base (araimandi, ou demi-plié en première position dans la terminologie du ballet), leurs deux pieds étaient très écartés (plus d'une dizaine de centimètres d'écart) alors qu'en principe, les deux pieds doivent presque se toucher. Je n'avais jusqu'à maintenant vu un tel écartement que chez des interprètes de kuchipudi.

Venons-en maintenant au détail du programme. Pooja Purohit a exécuté un Namaskar présentant des variations intéressantes par rapport aux versions les plus standard de la salutation traditionnelle. Les deux danseurs ont interprété ensuite un quadruple Kautwam. Utilisant une musique vocale mélangeant onomatopées et lignes de texte, ces pièces associent sur un rythme vigoureux la danse pure et l'évocation d'une divinité. Les deux danseurs étaient parfois présents simultanément sur scène, mais ils ont toutefois plus ou moins alterné les rôles. La première divinité représentée a été Ganesh. Est ensuite venu Kartikeya (c'est-à-dire Skanda, Kumara ou encore Murugan, le deuxième fils de Shiva). Il était représenté sur sa monture (le paon délicieusement représenté par le mudra Mayura) ou en dieu de la guerre. Le texte faisait référence à son nom Shanmukha signifiant qu'il a six têtes, mais je n'ai pas identifié ce détail dans la chorégraphie. Dans la troisième partie, il était question de Devi, la Déesse. Elle était représentée sur le tigre, avec le trident et en déesse des arts et de la connaissance (évocation de la parole, du tambour, du tampura). Dans la dernière partie, Revanta Sarabhai représentait Shiva-Nataraja. On y voyait notamment sa monture (le buffle Nandi), son tambour Damaru et le croissant de Lune.

De façon très étonnante, la pièce qui m'a le plus ému a été le Jatiswaram en Raga Mallika et Misra Chapu Tala (chorégraphié par Muthuswamy Pillai). La musique appartient très fortement au répertoire puisqu'il s'agit d'une composition du Tanjore Quartet (cf. cette vidéo d'une autre chorégraphie ; voir aussi cette notation). Décidément, j'aime vraiment beaucoup la danse pure de Muthuswamy Pillai (et de son fils Selvam) ! Quand on exécute des enchaînements rythmiques, on parle souvent de première, deuxième ou troisième vitesse, chacune allant deux fois plus vite que la précédente. Les moments les plus émouvants pour moi dans ce récital et dans cette pièce en particulier ont été ceux dans lesquels on n'était même pas en première vitesse, mais à vitesse zéro ou moins un, si on prolonge convenablement l'échelle logarithmique... Ces mouvements continus des deux danseurs étaient d'une très délectable lenteur !

La chorégraphie la plus innovante du récital est pour moi indiscutablement celle de l'Ashtapadi (extrait du Gita-Govinda). Sauf erreur de ma part, il s'agit du cinquième, intitulé संचरदधर (Sancaradadhara). Radha est jalouse des autres gopis qui batifolent avec Krishna. Radha est interprétée par Pooja Purohit. Alors qu'elle se souvient, Krishna (Revanta Sarabhai) apparaît dans ses pensées. Les jeux amoureux qui suivent sont probablement ceux de Krishna avec quelque rivale de Radha plutôt qu'avec Radha elle-même. Ces espiègles jeux sont tout-à-fait délicieux : Krishna retire le voile de la gopi qu'il l'enroule autour de sa propre tête en imitant une posture féminine, puis la gopi s'empare des ornements de Krishna, notamment sa plume de paon, et même sa flûte ! Ce n'était ni un pas de deux de ballet classique européen ni un duo de tango, mais il y avait néanmoins, chose incroyable, des contacts entre les deux interprètes. Globalement, cet Ashtapadi ne m'a pas semblé bouleversant d'un point de vue émotionnel, mais le travail sur la façon de représenter ces scènes sous la forme d'un duo me semble très intéressant. (Il est à noter que la bande son musicale utilisée possédait ici une saveur d'Inde du Nord. En effet, l'Ashtapadi était interprété comme un Bhajan ou chant dévotionnel, comme on pourrait l'entendre dans un temple, un chanteur accompagné à l'harmonium chantant les strophes qui sont ensuite répétées par un chœur.)

Poursuivant le travail de sa grand-mère Mrinalini Sarabhai qui avait introduit des thèmes contemporains dans ses chorégraphies, la pièce suivante est un Padam autobiographique conçu par Revanta Sarabhai (il est sur YouTube). Il est à Londres séparé de sa bien-aimée. Seul, il travaille sur son ordinateur. Il se souvient d'elle et de sa rencontre au cours d'une soirée arrosée. Il essaye de clavarder avec elle. Il tente de l'appeler par téléphone. Il reçoit une notification d'un email et puis, coup de théâtre, les sonneries se concrétisent en dehors du monde virtuel par le son d'une personne frappant à la porte et la danseuse Pooja Purohit entre par la porte utilisée par les spectateurs du Centre Mandapa pour monter sur la scène afin de conclure ce Padam qui, très logiquement, s'enchaîne joyeusement sur un Tillana (Adi Tala) faisant référence à Krishna. La présence de deux interprètes était utilisée de façon intéressante dans des jeux rythmiques au cours de ce Tillana (qui est peut-être le Tillana en Raga Dhanashri dont on peut voir une autre chorégraphie intéressante sur cette vidéo).

Après une pause, les danseurs interprètent Out of Bounds, chorégraphié par Revanta Sarabhai. Les deux danseurs ont abandonné le costume de bharatanatyam pour un pantalon et un haut. Ils sont pieds nus et ne portent pas de grelots de chevilles. La musique de cette pièce (qui doit comporter à peu près cinq parties enchaînées) est strictement rythmique. Les mouvements de base sont ceux de la danse bharatanatyam ; il y avait aussi de l'art martial kalarippayatt, mais j'y ai moins fait attention : j'ai plutôt vu ces mouvements-là comme des exercices d'assouplissement dans le prolongement de la danse. Dans la première section, des métronomes battent une mesure à six temps. Dans chacune des mesures, les danseurs exécutent des adavus ou d'autres unités chorégraphiques. J'y vois comme une déconstruction d'un Alarippu. La deuxième section est centrée sur les Tirmanams : on entend sans cesse les bols Tarikitatom. La troisième section (à quatre temps) est pour moi la plus saisissante. La danseuse Pooja Purohit est allongée par terre et exécute les gestes de bras correspondant aux Tatta Kudichi Metta Adavus (aussi appelés Kuttadavus dans certaines écoles). Sa tête est du côté des spectateurs, ce qui devient d'autant plus intéressant lorsque Revanta Sarabhai vient la retourner à des moments appropriés pour ne pas gêner ses mouvements de bras. Sauf erreur dans mes succintes notes, la quatrième section utilisait des onomatopées rythmiques complexes (comme dans un jati) et la cinquième utilisait une pulsation à quatre temps.

Dans son genre, cette pièce Out of Bounds m'a semblée très convaincante. Puisqu'il s'agit essentiellement de danse pure, ce n'est pas ce qui m'attire le plus dans la danse, mais il y a là une recherche chorégraphique très intéressante. J'ai eu l'occasion de voir d'autres tentatives de rapprocher le bharatanatyam et la danse contemporaine. J'ai trouvé Out of Bounds infiniment plus passionnant que la tentative d'Anita Ratnam (Neelam : mon billet d'alors n'est pas très glorieux, mais ce spectacle m'avait vraiment beaucoup agacé !). Je ne sais pas si Out of Bounds passerait à l'échelle dans une salle plus grande ou sur un format plus long, mais cela se compare aussi assez favorablement à mon goût avec les expérimentations intéressantes de Leela Samson et de sa troupe Spanda dans Disha.

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Sandhya Raju au Musée Guimet

2015-02-22 15:39+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2015-02-20

Sandhya Raju, kuchipudi

Padma Bhushan Vempati Chinna Satyam, chorégraphies

Jaikishore Mosalikanti, nattuvangam, chant, chorégraphie du Saraswathi Stuthi

Muthukumar Balakrishnan, flûte

Guru Bharadwaaj Gongala Venkata, mridangam

Sylvie Le Secq, voix off

Prière chantée à Balatripurasundari

Saraswati Stuthi

Ramayana Shabdam (Adi Tala)

Kulukaga Nadavaru (Adi Tala), kirtan composé par Annamacharya

Govardhana Giridhara (Adi Tala), Tarangam composé par Narayana Tirtha

Le style de danse kuchipudi est très peu présent en France. La dernière fois que j'en avais vu à Paris remonte à 2010. J'étais donc particulièrement intéressé par le récital de Sandhya Raju programmé à l'auditorium du Musée Guimet. Le texte de présentation du Musée Guimet en fait étrangement une disciple de Vempati Pedda Satyam, lequel était déjà décédé quand elle est née. Comme toutes les autres grandes interprètes de kuchipudi que j'ai vues (Deepika Potarazu, Radha Prasanna et bien sûr Shantala Shivalingappa que j'ai vue danser du kuchipudi en 2007/2008, 2010, 2013), Sandhya Raju est une représentante du style de Vempati Chinna Satyam (1929-2012) dont elle a été la disciple directe avant de poursuivre son apprentissage auprès de Jaikishore Mosalikanti, un disciple plus avancé de Vempati Chinna Satyam.

Le récital qui a duré un peu moins d'une heure et demie m'a semblé excellent. L'atmosphère résolument joyeuse du style kuchipudi peut surprendre par rapport au bharatanatyam qui est plus introspectif, mais la danseuse me semble avoir de grandes qualités en danse pure et en mime.

Contrairement à ce qui était annoncé, le récital n'est pas centré sur Shiva. Plutôt que de présenter ses propres chorégraphies comme elle l'a fait cette année au festival de la Music Academy (cf. ce compte-rendu dans The Hindu), elle a interprété des chorégraphies de ses maîtres. Ainsi, toutes les pièces sauf la première étaient de Vempati Chinna Satyam.

Avant d'aborder le détail du programme, je voudrais décrire quelques aspects stylistiques observés dans le récital de Sandhya Raju qui me semblent distinguer le kuchipudi du style bharatanatyam ; n'ayant vu pour ainsi dire que des interprètes de la lignée de Vempati Chinna Satyam, ces remarques ne vallent peut-être pas pour les autres écoles. Les entrées en scène ne se font pas par le côté cour, mais par le côté jardin (le côté où s'installent les musiciens). À de nombreuses reprises, la danseuse fait du lip sync, bougeant ses lèvres comme si elle articulait le texte. Dans la position assise (demi-plié, ou araimandi), les pieds sont semble-t-il plus écartés que dans le bharatanatyam, mais en fait, dans les chorégraphies présentées dans ce récital, cette position (plus ou moins l'équivalent de la première position du ballet) est très fugitive : la danse ne s'appuie pas sur cette position puisqu'elle n'apparaît pour ainsi dire que comme un état transitoire dans des enchaînements.

Un élément plus visible est la présence de dégagés (ou tendus) : il s'agit de tendre une jambe vers l'avant, l'arrière ou le côté, la pointe du pied venant toucher le sol. Ces mouvements me semblent assez peu présents dans le bharatanatyam (à l'exception notable des chorégraphies de Selvam, fils de Muthuswamy Pillai, qui insère très élégamment ce type de mouvements dans la danse pure). De façon étonnamment intéressante, dans les chorégraphies de kuchipudi qu'elle a interprétées, Sandhya Raju a très souvent fait des tendus sur le côté opposé : si c'est la jambe droite qui est tendue, la pointe du pied droit ne s'en va pas du côté droit, mais à gauche, et pas qu'à moitié ! (Si ma description n'est pas claire, regardez le début de cette vidéo Krishna Shabdam.)

Aucune des pièces présentées n'était de danse pure. Toutes les pièces avaient un contenu mythologique ou épique et la danse pure alternait avec les passages narratifs ou évocateurs. La façon de traiter les thèmes était plus légère, moins introspective qu'on ne peut le voir dans certains récitals de bharatanatyam. Toutes les pièces étaient présentées avec une certaine fraîcheur et une joie évidente de danser. Certains aspects rythmiques soulignaient le côté espiègle de la danse pure. Ainsi, si dans le bharatanatyam, il est courant de voir des séquences semblables exécutées à différentes vitesses à l'échelle d'une pièce toute entière, certains passages de danse pure présentées par la danseuse ont comporté des séquences dans lesquelles les mêmes mouvements étaient répétés immédiatement en vitesse double ou quadruple, le tout tenant dans un seul cycle rythmique, l'unité chorégraphique ainsi constituée pouvant être répétée ensuite de l'autre côté. La façon de découper en petits morceaux des enchaînements (adavus) et de les réagencer pour constituer une chorégraphie me semble donc assez différente de ce que l'on peut observer dans le bharatanatyam. Par ailleurs, peut-être n'ai-je pas suffisamment fait attention à ce détail en assistant à ce récital, mais il m'a semblé que les chorégraphies ont comporté moins de sauts que d'ordinaire dans le kuchipudi.

Enfin, une des magnifiques caractéristiques du kuchipudi réside dans les majestueuses pirouettes accompagnées d'élégants ronds de jambe.

Venons-en maintenant au détail des pièces du récital qui a commencé par une prière chantée à Balatripurasundari par Jaikishore Mosalikanti. Le maître de danse est un excellent chanteur. Chacune des pièces a été précédée d'un Alap du flûtiste.

Le première pièce dansée est un Saraswathi Stuthi, en l'honneur de la déesse de la connaissance. Elle est me semble-t-il nommée Vani dans le texte de la composition (qui a comporté des jatis et un Swaram). La Déesse est représentée jouant de la vînâ et portant très gracieusement le sari. La chorégraphie représente également la connaissance et l'écriture ; la présence d'un paon à ses côtés est mise en valeur. Quand le texte évoque Brahma, Vishnu et Shiva, la danseuse représente Vishnu-Padmanabha (couché sur le serpent Shesha) ainsi que Shiva ; les répétitions du texte lui ont permis de proposer diverses variations.

La première pièce dansée était de Jaikishore Mosalikanti. Les trois autres seront de Vempati Chinna Satyam. Le première de ces trois autres pièces est le délicieux Ramayana Shabdam racontant l'épopée du Ramayana en moins d'une dizaine de minutes ! La première strophe du texte Dasharatha Vara Kumara (?)... évoque Rama comme étant le fils de Dasharatha. La chorégraphie s'attarde assez longuement sur cette première ligne, et puis tout s'accélère. Il est question de sa mère Kausalya, et puis très vite, on est dans la forêt, et on voit l'antilope magique à cause de qui Sita sera enlevée, puis le vautour Jatayu qui racontera ce qui s'est passé à Rama. Rama rencontre ensuite Hanuman, puis on le voit semble-t-il tuer le frère de Sugriva avec qui il vient de faire alliance, et puis les singes jettent des pierres pour construire un pont vers Lanka où la guerre s'annonce avec Ravana, le démon à dix têtes. (J'ai sans doute raté quelques épisodes tant ils défilent vite.) La fin de cette pièce très vive comporte un petit jeu de questions et réponses rythmiques entre les cymbales et la danseuse, qui vers la fin semble tenir entre ses doigts de pieds un plateau en laiton imaginaire...

La pièce suivante me semble représenter la quintessence du côté espiègle du kuchipudi. La pièce utilise une musique très ancienne d'Annamacharya (qui au XVe aurait été un des premiers compositeurs de kirtans, la forme musicale privilégiée dans la musique carnatique). La danseuse commence par faire plusieurs allers-retours d'un côté de la scène à l'autre en imitant la course des hommes portant en palanquin la déesse Padmavati. Ils font preuve de trop de zèle et leur course effrénée secoue quelque peu la déesse à bord du palanquin et ses parures se mettent à tomber. Une dévôte intervient en les suppliant de ralentir leur démarche.

La pièce se poursuit par l'évocation de la déesse Padmavati et des offrandes de fleurs qui lui sont adressées. (Point technique : la déesse est représentée ici avec les combinaisons suivantes de mudras : Alapadma-Kapitta.). Le nom Padmavati renvoie peut-être à l'épithète Padmanabha de Vishnu dont elle est l'épouse. Vishnu est en effet représenté couché sur le serpent Shesha et on voit Lakshmi lui masser les pieds. Le texte utilise le nom de Venkateshwar pour désigner Vishnu (c'est le nom de la divinité résidant à Tirupati) et la chorégraphie le représente aussi portant la conque et le disque. La pièce se finit délicieusement comme elle a commencé par la course du palanquin.

La pièce principale du récital à été un Tarangam intitulé Govardhana Giridhara composé par Narayana Tirtha (fin XVIIe-début XVIIIe). Les trois thèmes narratifs tirés du Bhagavata-Purana apparaissant dans ce Tarangam sont récurrents dans les danses classiques indiennes, mais ils ont pris dans cette pièce une forme très élaborée qui a comporté des détails que je n'avais jamais vus. Les thèmes illustrent tous l'espièglerie du jeune Krishna et beaucoup des détails d'interprétation renforcent encore davantage l'atmosphère délicieusement joyeuse et légère de ce récital de kuchipudi.

La toute première image de la pièce est celle du jeune Krishna devant sauter pour attraper le pot de beurre que sa mère adoptive Yashoda avait accroché en hauteur. La pièce développe ensuite ce thème narratif. Krishna accompagne Yashoda alors qu'elle va traire ses vaches. Elle lui dit de surveiller le récipient dans lequel elle verse le lait, mais évidemment, Krishna (qui est caractérisé par sa flûte) salive et boit tout le lait. Sa mère est colère, mais elle finit par pardonner l'enfant. Parmi les détails que je n'avais encore jamais vus, j'ai apprécié la façon de mettre en scène la traite des vaches par Yashoda. Ses gestes de haut en bas des deux mains utilisant la forme féminine du mudra Katakamukha imitaient les gestes de la traite, et ces gestes étaient délicieusement synchronisés avec le rythme de la musique.

Dans le deuxième épisode, des villageoises parties remplir des cruches d'eau ne résistent pas à l'idée de se baigner dans la rivière. La danseuse incarne alors une de ces villageoises qui enlève ses boucles d'oreilles, son collier, son bijou de nez, les bracelets qu'elle porte aux poignets et aux chevilles. Elle défait son sari, puis ses cheveux, s'enduit d'onguents, s'asperge prudemment d'eau avant de se jouer joyeusement dans l'eau avec ses amies. Krishna aperçoit la scène de loin et s'empare de leurs vêtements qu'il accroche à un arbre. Après son bain, la jeune femme se sèche les cheveux et entend le son de la flûte de Krishna. Humiliée, elle ne peut qu'accéder à la demande de Krishna et elle sort honteusement de l'eau en levant les bras au-dessus de sa tête. Enfin, elle peut remettre rapidement ses habits, ses bijoux, placer sa cruche d'eau sur sa tête et s'en aller.

La chorégraphie avait déjà fait des allusions au titre Govardhana Giridhara de la composition quand ce texte avait été prononcé, mais ce thème n'est développé que dans la troisième partie de ce Tarangam. Les dimensions de la narration de cet exploit de Krishna sont pour moi inédites. La chorégraphie commence par représenter Nanda, le père adoptif de Krishna, qui s'inquiète de la sécheresse qui fait des ravages dans les troupeaux et les cultures. Il est décidé que le village de Vrindavan adressera des prières ou sacrifices à Indra, le dieu responsable de la pluie. Krishna (toujours représenté en flûtiste) intervient et dit aux villageois qu'au lieu d'adresser leurs prières à Indra, ils devraient honorer le mont Govardhana. Indra arrive sur son char céleste (tiré semble-t-il par le cheval Uccaihshravas). Il observe les villageois et se met en colère quand il comprend que ce n'est pas à lui qu'ils rendent hommage. Le dieu des nuées déclenche un terrible orage qui plonge les villageois dans le désespoir. Ceux-ci semblent comprendre que Krishna est Vishnu (mudra Tripataka). Krishna enfonce ses deux mains sous le mont Govardhana qu'il soulève et qu'il dépose sur son petit doigt (la main représentant le mont est en Alapadma et la main soulevant le mont est dans un mudra dont j'ignore le nom, s'il en a un, mais qui semble dérivé de Katakamukha, l'annulaire venant rejoindre l'index et le majeur en face du pouce, le doigt restant, l'auriculaire, étant dressé). Cet exploit de Krishna provoque la joie des villageois qui peuvent s'abriter des pluies diluviennes. La chorégraphie met encore en valeur le fait que Krishna est Vishnu (à la conque et au disque), celui qui est couché sur le serpent Shesha.

À la fin du Tarangam, la danseuse a exécuté un numéro de danse pure sur un plateau en laiton. Il s'agit d'une des caractéristiques du kuchipudi. (Je n'en ai jamais été témoin directement, mais son côté rustique est parfois augmenté par l'ajout d'un pot rempli d'eau placé sur la tête de la danseuse !) La danseuse pince les bords du plateau avec ses doigts de pieds et en faisant des mouvements de pieds appropriés, elle peut se déplacer sur scène ou tourner sur elle-même. Un jeu de questions et réponses s'instaure entre le nattuvangam et la danseuse. (Il serait intéressant de savoir si cette section est 100% répétée ou s'il y a une part d'improvisation.) Le nattuvanar dicte une séquence que la danseuse exécute immédiatement ensuite avec des mouvements de pieds et des bras. Les premières séquences s'étendent sur deux cycles rythmiques. La danse se fait de plus en plus exaltée au fur et à mesure que la durée des séquences est réduite progressivement, et après un certain nombre de divisions par deux, cela ne dure plus qu'un seul temps d'Adi Tala. (J'apprécie particulièrement ce type de questions et réponses que l'on trouve aussi entre percusionnistes à la fin de récitals de musique carnatique.)

Il est à signaler que les annonces faites en voix off avant chacune des pièces étaient très pertinentes et à mon avis de nature à faire apprécier le récital au plus large public. Par son côté résolument joyeux, la forme du kuchipudi me semble plus facile d'accès que le bharatanatyam (pour lequel je garde personnellement une préférence). Il est dommage que ce style ne soit pas davantage représenté à Paris : sans introduire de rivalités entre les différents styles, cela pourrait peut-être contribuer au contraire à élargir l'audience des autres styles classiques du Sud de l'Inde.

(Pour découvrir quelques repères historiques à propos de la danse kuchipudi, je recommande vivement cet article de la critique de danse Marina Harss fait à l'occasion d'un portrait de Shantala Shivalingappa.)

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Hiruthiga Vigithan au Centre Mandapa

2015-10-17 22:08+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2015-09-22

Hiruthiga Vigithan, bharatanatyam

Pushpanjali

Arbhuda Nartanam

Odiva

Jagan Mohanane Krishna (Adi Tala)

Baranam Ayeram

Javali “Yera Rara...” (Adi Tala)

Thillana

Dans la danse bharatanatyam, le style de l'école Kalakshetra (Chennai) n'est certainement pas celui que je préfère. Quelques aspects de la danse pure de ce style me gênent, mais ce n'est pas le plus grand reproche que je ferais à cette école : le problème principal que j'ai avec les danseurs qui y ont été formés réside dans l'absence d'émotions et le profond ennui que m'inspire souvent leur interprétation des poèmes dansés. Je n'en suis pas arrivé au point de boycotter les danseurs issus de cette école, mais je dois avouer que c'est toujours avec une curiosité quelque peu malsaine que je me confronte en tant que spectateur à ce style ; ce fut le cas pour le premier récital au Centre Mandapa de Hiruthiga Vigithan. Je n'aurai malheureusement pas beaucoup de choses positives à dire à propos de ce spectacle...

La structure du récital est particulière puisqu'à l'exception du Tillana il n'a pour ainsi dire pas comporté de danse pure. J'aurais aimé qu'il y eût une autre pièce de danse pure, que ce soit un Jatiswaram ou un Alarippu. J'aurais particulièrement apprécié de voir un Alarippu dans le style Kalakshetra pour voir dans quelle mesure sont répandus certains détails qui m'ont étonné chez d'autres interprètes... Il n'y aura pas non plus de Varnam.

La technique de la danseuse souffre d'un certain nombre de problèmes. Il faut certes féliciter la danseuse pour sa capacité à proposer un programme complet d'un peu plus d'une heure qui tienne à peu près la route. Ceci étant dit, je ne pense pas que le stress soit l'unique responsable de certaines faiblesses dans sa danse pure. Le plus choquant m'a semblé résider dans ses Ta-tai-tai-ta/Dhit-tai-tai-ta. Cet enchaînement de pas apparaissait souvent dans les poèmes dansés. La façon de l'exécuter varie beaucoup d'une école de bharatanatyam à une autre, mais ce sujet ayant été traité lors d'un workshop de C. V. Chandrasekar auquel j'ai participé récemment, je crois pouvoir dire que la façon de faire de la danseuse est très problématique. Cet enchaînement commence par une frappe sur place suivi d'un pas sur le côté. De façon systématique, la danseuse frappait sur le côté, puis faisait la deuxième frappe à peu près au même endroit avant de continuer l'enchaînement. À ce niveau, il me semble insensé qu'aucun professeur n'ait réussi à corriger ce défaut.

Le récital commence par un Pushpanjali suivi d'une évocation de Shiva qui porte le feu et une antilope, possède une chevelure hirsute, est couvert de cendres et chevauche le buffle Nandi. Il avait été annoncé qu'il y aurait aussi une évocation de la forme androgyne Ardhanarishwara, mais je ne l'ai pas remarquée, ce qui est très étonnant...

La pièce suivante évoque Ganesh et fait référence aux trois dieux Brahma, Vishnu et Shiva. Les positions de mains manquent à mon goût de fluidité. La main qui suggère la trompe du dieu à tête d'éléphant est un peu trop raide pour que l'on puisse vraiment y croire.

Le poème suivant Odiva est censé représenter l'amour maternal de Yashoda pour son fils adoptif Krishna. Dans l'Anupallavi, la chorégraphie le représente en bouvier. Dans la suite du poème, il me semble qu'un épisode fameux est représenté dans lequel Krishna mange de la terre : Yashoda le gronde, mais quand Krishna ouvre la bouche, elle s'émerveille en voyant apparaître le monde entier entre les lèvres de cet enfant. Certains détails me donnent la quasi-certitude que c'est bien l'épisode que voulait représenter la danseuse, mais le problème est que je n'en suis pas certain tant le personnage de Yashoda m'a semblé effacé dans son interprétation. Le moment où elle s'émerveille de sa vision m'a paru d'une telle froideur que je doute encore de l'intention de l'interprète. Si je n'avais pas déjà vu cet épisode dans d'autres interprétations, je n'aurais tout simplement rien compris... À la fin de la pièce, la chorégraphie évoque un autre exploit de Krishna : il souleva le mont Govardhana pour abriter les villageois des pluies torrentielles déclenchées par Indra.

Le poème suivant Jagan Mohanane Krishna (de Purandaradasa) évoque encore Krishna qui est représenté en flûtiste portant une plume de paon sur la tête (l'orientation de la main en Mayura représentant cette plume m'a semblé étrange). La pièce rend hommage à Krishna en évoquant les divers avatars de Vishnu. Il m'a semblé reconnaître Matsya (le Poisson), Kurma (la Tortue qui soulève le mont Mandara pendant le barratage de la Mer de lait), Vamana (le Nain), Parashurama (Rama à la Hache, destructeur des Kshatriyas), Rama et Kalki. Le moment où le Nain Vamana parcourt l'Univers tout entier en trois pas m'a semblé totalement non spectaculaire, au point que je doutais de ce que je voyais, tout comme dans la pièce précédente.

De manière générale, certains mouvements de la danseuse manquent de fluidité et de naturel : ils paraissent obligés. Tel pied monte au niveau de l'autre genou (en retiré), parce que c'est dans la chorégraphie, mais cela semble être la seule raison. La danseuse semble trop souvent exécuter la chorégraphie bien davantage qu'elle ne l'interprète. Elle semble trop préoccupée par les rendez-vous rythmiques à ne pas rater, au point de ne pas finir convenablement ses mouvements du haut du corps. Par exemple, quand elle évoque Vishnu, on a à peine le temps de voir ses deux mains se mettre devant au centre et elles ne sont pas encore en Tripataka que la danseuse est déjà passée à autre chose. Si les frappes de pieds se doivent d'être rythmiquement précises, une telle rigidité ne me semble pas exigée dans les mouvements expressifs du haut du corps. En l'état, le message était brouillé.

La pièce suivante Baranam Ayeram évoque Andal, une poétesse tamoule qui s'imagine fiancée à Vishnu.

L'avant-dernière pièce du récital est un Javali dans lequel l'héroïne demande à son amoureux de venir et de panser les blessures provoquées par les flèches du dieu Kama. Cette pièce n'avait pas à mon avis l'atmosphère joyeusement espiègle que se doivent d'avoir les Javali. Les caractéristiques que je n'apprécie pas dans le style Kalakshetra se retrouvent dans cette pièce. La première ligne de la composition est répétée de nombreuses fois, mais la chorégraphie ne comporte pas assez d'élaboration à mon goût : tout reste extrêmement littéral et répétitif. Par exemple, la chorégraphie a été répétée à l'identique lors des trois premières répétitions de la première ligne. La danseuse propose ensuite une variation, qui est répétée elle-même plusieurs fois, etc. Au minimum, il serait intéressant de varier un peu le placement ou de changer de côté. Quand une même séquence est répétée trois fois de suite avec une utilisation rigoureusement identique de l'espace scénique, forcément, je m'ennuye un peu... Vers la fin de la chorégraphie, la danseuse semblait consacrer quelques efforts pour que certains pas tombent en des endroits précis du cycle (sans que la composition chantée n'offre de repère évident), mais ces efforts étaient mal récompensés puisque l'exécution de ces pas allait à mon avis contre la musique, et une posture qui aurait dû paraître espiègle et décontractée paraissait au contraire crispée.

Le récital s'est conclu sur un Tillana que j'ai déjà entendu de nombreuses fois, mais je ne saurais dire dans quel raga il était. La chorégraphie évoque des instruments de musique comme le tampura, la vînâ ou la flûte. La danseuse n'avait jusque là pour ainsi dire pas exécuté de tarikitatom, ce mouvement complexe des bras (qui rappellent les mouvements de la nage crawl). La trajectoire de la main de la danseuse m'a semblée très étrange, plus curieuse encore que pour d'autres danseurs formés à Kalakshetra. Alors que je me suis lamenté du caractère littéral des chorégraphies présentées dans ce récital, dans celle-ci, j'ai été déçu par le fait que le mot Padmanabha du texte n'ait pas été accompagnée de la posture caractéristique correspondante : à chaque fois, c'était d'une autre manière qu'était évoqué Vishnu... Contrastant avec l'ensemble du récital, la salutation finale m'a semblée très élégamment exécutée.

On l'aura compris, ce n'est pas le récital de bharatanatyam le plus satisfaisant auquel j'aie eu l'occasion d'assister au Centre Mandapa.

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Vidhya Subramanian au Musée Guimet

2014-12-14 15:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2014-12-06

Vidhya Subramanian, bharatanatyam

Arun Gopinath, chant

Venkatakrishnan Mahalingam, nattuvangam

Karthikeyan Ramanathan, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Kalpana Métayer, voix off

Invocation de Ganesh “Giriraja Suta” (Adi Tala), composé par Tyagaraja

Pushpanjali (Adi Tala), composé par Madurai Muralidharan

Shambhu Natanam (Khanda Chapu Tala)

Varnam (Raga Karaharapriya, Adi Tala)

Ashtapadi (Raga Shuddha Sarang, Misra Chapu Tala)

Surdas Bhajan “मैया मोरी मैं नहिं माखन खायो (Adi Tala)

Tillana (Raga Amritavarshini, Adi Tala)

Shloka (Khanda Chapu Tala)

Pendant mon dernier voyage en Inde, j'ai beaucoup pratiqué le bharatanatyam à Kolkata, Delhi et enfin à Pune chez Sucheta Chapekar. La concentration du calendrier des spectacles de danses indiennes à Paris en cette saison a fait que depuis mon retour, j'ai assisté à une belle série de spectacles de danses indiennes (Camille, Janaki Rangarajan, Lingaraj & Sunjakta Pradhan, Meenakshi Srinivasan, Indira Kadambi, Ofra Hoffman, Gayatri Sriram), mais il n'y en aura sans doute plus beaucoup avant un certain temps. Cette série vient en effet de se terminer en feu d'artifice avec les deux récitals de Vidhya Subramanian au Musée Guimet. Si j'ai eu quelques réserves sur la représentation du vendredi, celle du samedi m'a transporté comme rarement : on était tout près des cimes que seule Rama Vaidyanathan m'avait fait connaître.

Musiciens lors du récital de Vidhya Subramanian
Karthikeyan Ramanathan (mridangam), Venkatakrishnan Mahalingam (nattuvangam), Arun Gopinath (chant), Easwar Ramakrishnan (violon)
(Merci à Morgane pour les photos et à Kalpana pour l'autorisation de les utiliser ici.)

Après être arrivés sur scène, les musiciens effectuent quelques rituels. Un d'entre eux semble prier intérieurement. Le chanteur se tourne vers ses voisins et touche les cymbales et le bois du violon. Les deux récitals ont commencé par un solo méditatif de l'excellent violoniste Easwar Ramakrishnan et après quelques vocalises dans les graves, Arun Gopinath a chanté une invocation de Ganesh, le fils de Parvati, intitulée Giriraja Suta et qui porte la signature du compositeur Tyagaraja. J'apprécie immédiatemnet la manière dont ce chanteur clappe très régulièrement le Tala (Adi). Plus loin dans le récital, dès que j'aurai un doute, il me suffira d'un coup d'œil dans sa direction pour savoir où l'on en est dans le cycle rythmique.

Il est à noter que pendant cette prière à Ganesh, il était possible d'entendre tinter les grelots de chevilles de la danseuse qui finissait de s'échauffer en coulisses ; cet accompagnement musical inattendu était d'autant plus délicieux que les frappes de pieds tombaient sur les temps du cycle rythmique.

La première pièce dansée Pushpanjali commence par une magnifique introduction mélodique du violoniste. Il gardera ce rôle lors des pièces suivantes du récital alors que cette fonction est en général partagée entre le chanteur et le violoniste. Si j'ai apprécié le chant d'Arun Gopinath, il n'a pas gratifié les auditeurs d'Alap méditatifs comme l'avait fait récemment K. Hariprasad. Toutefois, les musiciens m'ont semblé particulièrement inspirés lors de la deuxième représentation et ils manifestaient alors un plaisir évident à jouer ensemble pour accompagner la danseuse.

Venons-en maintenant à la danse interprétée par Vidhya Subramanian dans son costume orange. La première pièce Pushpanjali n'est à mon avis pas la plus intéressante du programme. La chorégraphie intègre quelques jeux de questions et réponses avec les percussions à l'échelle d'un cycle rythmique, ce qui à tout pour me plaire. Elle comporte aussi des enchaînements (adavus) très standards et on voit aussi de façon intéressante la danseuse délimiter l'espace scénique. La danseuse insère parfois des séquences de frappes de pieds extrêmement rapides. S'il s'agit essentiellement d'une pièce de danse pure, l'émotion exprimée est celle de la joie procurée par la prière.

Le Pushpanjali s'enchaîne avec une prière dédiée à Shiva utilisant très logiquement un cycle à cinq temps (Khanda Chapu). Le texte et la chorégraphie évoquent divers noms de Shiva : Rudra, Nilakantha, Mahadeva. J'apprécie tout particulièrement l'évocation du nom de Nilakantha, Shiva étant représenté en train de boire le poison. Il est aussi représenté avec la Lune dans les cheveux, les cendres, le tambour Damaru, le troisième œil, Ganga, le lingam, etc. Il est aussi semble-t-il montré en destructeur de Tripura, ce qui est plus rare. Le tempo de la pièce a été apparemment doublé subitement au cours de la pièce. Le rythme à cinq temps dont les premier, troisième et quatrième temps étaient marqués était lancé à un tempo raisonnable (×‒××‒) et puis on est passé en vitesse double avec seulement les premier et troisième temps marqués (×‒×‒‒). Vers la fin de la pièce, la danseuse prendra la pose Shiva-Nataraja tandis que le texte nomme la ville de Chidambaram où il réside.

On entre ensuite dans le vif du sujet avec un Varnam dédié à Shiva. La forme du Varnam suit très fidèlement la tradition. La danseuse s'est en effet concentrée sur les sentiments de l'héroïne contrairement à Gayatri Sriram et Meenakshi Srinivasan qui avaient récemment élaboré de longs passages narratifs dans leurs Varnam.

Lorsque les lumières éclairent la scène au début de ce Varnam, l'héroïne reconnaissable à sa posture féminine apparaît au fond de la scène. Alors que les transitions avec les passages rythmiques (jatis) me paraissent toujours incongrues, surtout au début des Varnam, je n'ai nullement été gêné ici puisque pendant les jatis de Vidhya Subramanian, la danse se fait certes plus libre, mais on ne perd jamais de vue les personnages et les sentiments de l'héroïne. Celle-ci désire s'unir au seigneur de la montagne, celui dont les cheveux sont emmêlés et qui porte une peau de tigre et une peau d'antilope. Le feu de l'amour brûle déjà en elle quand, après un premier jati un peu compliqué rythmiquement, le dieu de l'Amour, Kama intervient. Curieusement, il semble que Kama conduise un char tiré par un cheval alors que l'iconographie le représente habituellement sur un perroquet. La première flèche attaque le goût de l'héroïne qui ne peut plus apprécier la moindre nourriture. Kama ne semble pas utiliser son arc pour la deuxième flèche : il la jette avec la main et elle attaque les yeux de l'héroïne qui dormait et dont le sommeil sera troublé. La troisième attaque son sens du toucher et sa peau se met à brûler d'amour. Elle est sonnée, comme intoxiquée, par la quatrième. La cinquième flèche l'achève. Après une récapitulation de la scène qui vient d'être représentée, un nouveau passage rythmique intervient et celui-ci comporte des variations dans les subdivisions du cycle rythmique : une section avec trois subdivisions plutôt que quatre. Dans ce jati, l'héroïne est représentée heureuse de son amour pour Shiva et même un peu fière d'éprouver ce sentiment.

Cet amour prend ensuite une forme religieuse, l'héroïne se prosternant et effectuant une offrande de feu (aarti) devant la divinité. Le plateau utilisé dans ce rituel n'est pas représenté avec la main à plat (Pataka), mais en Alapadma (fleur de lotus épanouie). Une autre subtile variation avec les codes habituels apparaîtra plus loin quand sera semble-t-il représenté le lingam de Shiva : la main droite pouce tendu (Shikhara) étant posée sur une main gauche qui n'est pas à plat mais en Alapadma. (Pardon pour ces détails techniques, mais je rédige ces billets d'abord pour moi afin de garder une mémoire de ce que j'ai vu...)

Shiva paraît alors et se met à danser superbement en agitant le tambour Damaru. L'héroïne est très émue par cette vision. On arrive au point culminant de ce Varnam. Le sublime Jati qui suit représente alternativement les deux personnages : Shiva et l'héroïne.

L'héroïne veut s'unir à lui. Elle l'implore, elle veut qu'il lui parle. Alors qu'elle se maquille, elle pense à lui. Quand elle pose son tillaka sur le front, elle pense à son troisième œil. Quand elle passe ses bracelets qui tintent, elle pense aux serpents qui ornent le corps de Shiva et qui sont aussi susceptibles de les entourer tous les deux quand leurs corps sont enlacés.

La musique se fait alors plus légère et la joyeuse héroïne presque coquine. La frontière entre les passages narratifs et les passages rythmiques devient plus mince dans la mesure où les jatis sont désormais accompagnés par des notes solfiées (Swara) plutôt que par des onomatopées rythmiques. L'héroïne demande à son amie si elle doit craindre les commérages à propos de son aventure avec le Seigneur de la danse. Après une récapitulation des épisodes précédents, le Varnam se terminera espièglement par la décision de l'héroïne de ne pas avoir honte et d'enlever son voile.

Après le Varnam, la danseuse a interprété le Sixième Ashtapadi extrait du Gita-Govinda de Jayadeva exaltant l'amour entre Radha et Krishna. Il s'agit d'une pièce tout simplement extraordinaire, de celles que l'on oublie pas. Je ne pourrais la comparer à aucune autre que j'aie vue. Jamais au cours d'une pièce de bharatanatyam je n'avais eu un tel sentiment d'être plongé dans une rêverie, un temps suspendu. Radha est représentée alors qu'elle médite, revoyant en flash-back sa première rencontre amoureuse avec Krishna qu'elle raconte à son amie :

Vidhya SubramanianNotation Benesh
Vidhya Subramanian dans le Sixième Ashtapadi “Sakhi He”

(Comme je viens tout juste de commencer le cours à distance du Benesh Institute de la Royal Academy of Dance, je n'ai pas résisté à la tentation d'essayer de noter cette position en notation Benesh.)

Pour maintenir l'atmosphère poétique de rêverie, la danseuse a très judicieusement choisi de n'illustrer que les trois ou quatre premiers vers de l'Ashtapadi et plutôt que d'autres versions existantes qui auraient sans doute cassé l'atmosphère, le choix s'est porté sur une composition méditative utilisant le raga hindustani Shuddha Sarang et le cycle rythmique à sept temps Misra Chapu Tala (équivalent du Tivratal de la musique hindustani). Il n'est pas tout à fait évident de suivre les détails des gestes expressifs de la danseuse, le temps étant étiré à l'extrême et la pièce incitant à la contemplation plutôt qu'à l'analyse, mais la danseuse suit très fidèlement le texte. Par exemple, le nom utilisé pour désigner Krishna est le Meurtrier de Keśī. Dans le contexte, il aurait été envisageable d'occulter cet aspect de Krishna, mais la danseuse ne s'y soustrait pas, et si elle ne montre pas le démon en forme de cheval Keśī, elle représente néanmoins celui qui l'a envoyé, Kamsa. Il est difficile de décrire l'intensité de l'expression de la danseuse quand elle incarne le dernier vers Sur une couche de jeunes rameaux, je m'allonge et longtemps sur ma poitrine il demeure couché. Je le prends dans mes bras et le baise, et lui m'embrasse et boit mes lèves ; ô mon amie, obtiens du Meurtrier de Keçi qu'il s'ébatte avec moi ! (traduction de Gaston Courtillier). (Cet Ashtapadi peut être vu sur YouTube.)

Elle ne l'a pas interprété lors du récital de samedi, mais la veille Vidhya Subramanian a dansé après l'Ashtapadi le délicieux Javali “Indendu”. Une jeune femme amoureuse de Krishna est jalouse d'une autre. Elle vaque à ses occupations : on dirait qu'elle roule des feuilles de bétel pour mâcher du pân. Quand Krishna vient la voir, elle lui dit qu'il s'est trompé de rue et de maison. Sa rivale vit dans une plus grande rue. Comment a-t-il pu se tromper et aussi mal voir alors que c'est la pleine Lune ? La jeune femme est consciente du fait que Krishna est une incarnation de Vishnu et un de ses exploits est rappelé : celui qui lui vaut le nom de Giridhar. J'ai toutefois été étonné que Krishna soit montré en train de porter le mont Govardhan sur son dos (tel Obélix portant un menhir) plutôt qu'avec un doigt.

Une autre magnifique pièce d'Abhinaya a suivi. Le Bhajan de Surdas est intitulé Maiya mori ; il s'agit encore d'une pièce consacrée à Krishna. Cette fois-ci, il s'agit de représenter l'espiègle Krishna dans sa jeunesse. Bien que petit, il parvient avec quelqu'astuce à attraper un pot de beurre accroché en hauteur et il s'en régale avant de casser le pot. Quand sa mère Yashoda constate les dégâts, elle l'accuse. Lui, bien sûr, nie et bredouille des explications. Comme il ne parvient pas à la convaincre, il fait mine de s'en aller définitivement en emportant ses maigres possessions, mais Yashoda l'en empêche et donne l'impression de croire ses paroles. Finalement, Krishna avoue malicieusement qu'il était bien le coupable.

Le récital s'est conclu par un Tillana comportant de la très belle danse pure et une évocation des divinités sous les noms Shiva et Shakti. Il est apparemment question de la naissance d'un enfant, peut-être Muruga dans la mesure où vers la fin de la pièce la danseuse semble se métamorphoser en paon. Le Tillana s'enchaîne avec un majestueux Shloka en l'honneur de Shiva. Quelques uns de ses attributs sont évoqués, comme ses cheveux, le Croissant de Lune, son trident, etc. Après que la danseuse lui a adressé un Namaste, le récital s'est achevé dans l'apaisement. (Et quelques minutes plus tard, devant l'enthousiasme des spectateurs, les artistes se mettront à applaudir le public !)

Ailleurs : Bladsurb.

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Gayatri Sriram à la Maison de l'Inde

2014-12-01 19:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2014-11-21

Gayatri Sriram, danse bharatanatyam

Minal Prabhu, nattuvangam

Balasubramanya Sharma, chant

G. Gurumurthy, mridangam

Jayaram Kikkeri, flûte

Invocation de Ganesh “Vakratunda”

Shiva Kautwam (Khandanadai Rupaka Tala)

Ardhanarishwara (Rupaka Tala)

Varnam (Adi Tala)

Padam (Adi Tala)

Mira Bhajan (Adi Tala)

Tillana (Khandachapu Triputa Tala/Adi Tala)

J'avais déjà vu la danseuse de bharatanatyam Gayatri Sriram à Mumbai en 2011 et plus récemment au Musée Guimet. Quand elle m'a dit qu'elle allait danser à la Maison de l'Inde à l'invitation de l'Ambassade de l'Inde à Paris, je n'ai pas hésité, mais je suis arrivé très en avance pour pouvoir m'installer au deuxième rang ; la salle n'étant pas en pente et la scène pas très haute, il y avait peu de bonnes places...

Le programme commence par une invocation de Ganesh (“Vakratunda...”). La scène étant exiguë, les musiciens ne sont pas sur le côté, mais entre la scène et les spectateurs. La main droite du chanteur n'étant pas dans mon champ de vision, ce n'est pas ce soir que j'améliorerai ma compréhension des cycles rythmiques (Tala) de la musique carnatique.

Le programme est intitulé Dwitiyam (Dualité). Diverses interprétations en seront proposées dans les différentes pièces. La première est un Shiva Kautwam dont le cycle rythmique utilise des subdivisions en 5 (autrement dit, des quintolets de doubles croches). La dualité explorée ici est celle entre les fonctions créatrice et destructrice de Shiva. (Dans la Trinité hindoue, Shiva est responsable de la destruction, Brahma de la création tandis que Vishnu est le protecteur. Dans le shivaïsme, toutes ces fonctions (et deux autres) sont assurées par Shiva.) Une intéressante image récurrence de ce Kautwam associe création et destruction, Shiva tenant le tambour Damaru dans sa main droite et le feu dans sa main gauche. La pièce avait commencé par une pose représentant Shiva en ascète. Il apparaîtra aussi sous la forme d'une colonne de lumière, ce que je n'avais encore jamais vu dans la danse bharatanatyam. D'autres éléments plus courants sont montrés comme le Trident, le troisième œil (exquisement mis en valeur par la danseuse), les cendres, la Lune, Ganga et peut-être sa marque au niveau du cou.

La pièce suivante Ardhanarishwara sur une musique de M. Dikshitar avait déjà été interprétée par la danseuse au Musée Guimet. Dans mon billet d'alors, j'avais surtout évoqué les trouvailles rythmiques remarquables de cette pièce. Le thème permet aux interprètes de mettre en valeur les contrastes entre la partie droite (Shiva) et la partie gauche (Parvati) de cette forme de la divinité. Dans l'interprétation de Gayatri Sriram, on voit ainsi s'opposer les serpents qui ornent le corps de Shiva aux bijoux de Parvati, la peau de tigre au sari, les cheveux hirsutes de Shiva à ceux bien lisses de Parvati, l'attitude masculine de l'un (mudra Shikhara) à la posture féminine de l'autre (mudra Katakamukha). La fin de la chorégraphie représente aussi des instruments de musique : vînâ, tampura.

La pièce du programme que j'attendais avec le plus grand intérêt était le Varnam centré sur le personnage de Sita. Ce Varnam est très différent de celui qu'a dansé récemment Meenakshi Srinivasan au Musée Guimet. En termes de la dualité énoncée dans le titre du programme, il s'agit ici d'opposer la séparation et la convivialité. Alors qu'elle est séquestrée à Lanka par Ravana, Sita se souvient des bons moments passés avec son époux Rama. Ce Varnam est sans doute un des Varnam les plus narratifs auxquels j'aie assisté, et sans doute un de ceux que j'aie le mieux compris et appréciés. Le seul autre Varnam avec lequel je le puisse comparer est celui de Srithika Kasturi Rangan en février 2010, aussi centré sur le Rāmāyaṇa, et qui avait constitué un tournant dans mon expérience de spectateur (j'ai eu le plaisir de prendre un cours avec cette danseuse en décembre 2013). Je me suis donc délecté sans retenue des épisodes narratifs de ce Varnam : il ne s'agit pas seulement de montrer des actions, mais aussi d'exprimer les sentiments des personnages, qu'ils soient actifs ou passifs, ce que la danseuse a fait avec une certaine subtilité.

Comme le veut la forme, ces épisodes alternent avec des passages rythmiques. Le premier d'entre eux est intervenu après la mise en place de la situation dramatique et a comporté quelques éléments expressifs et narratifs. S'ils ont été impeccablemnet exécutés, je les ai globalement trouvés trop compliqués rythmiquement, avec notamment beaucoup de changements dans le Tala Adi (à 8 temps) dont les temps le plus couramment subdivisés en quatre (Chatushra-nadai) passaient fréquemment en Tishra-nadai (subdivisions en trois). C'est indubitablement impressionnant et spectaculaire, mais contrairement à d'autres ce n'est pas du tout ce que je cherche en tant que spectateur. Cela dit, cette danse comportait d'amusants clins d'œils qui ont failli me faire glousser, comme certains déhanchements de tête placés en des endroits inattendus.

Passons maintenant aux aspects narratifs de ce Varnam. Avoir été enlevée par Ravana, qui comme les autres rakshasas est évoqué par le mudra Shakata (dérivé de Brahmara) qui représente ses dents, Sita est dans le bois d'aśoka à Lanka et se souvient de Rama qui comme dans l'iconographie est reconnaissable à son arc.

Le premier souvenir qui revient à la mémoire de Sita est celui de sa rencontre avec Rama. Elle joue à la balle avec ses amies et la balle s'en va un peu trop loin, près de Rama qui ne peut l'ignorer. Il rend très humblement la balle, mais un intense échange de regards s'opère entre Rama et Sita. Immédiatement Sita se met à brûler d'amour pour lui. Gayatri Sriram a magnifiquement bien interprété ce passage. Cette scène est totalement absente du Rāmāyaṇa de Vālmīki, mais comme j'en ai ensuite discuté avec la danseuse, la tradition du bharatanatyam est telle que tout le monde considère comme allant de soi que c'est ainsi que la rencontre s'est produite. Parmi les détails remarquables de la chorégraphie, j'ai apprécié l'humilité de Rama, ainsi que la comparaison poétique de celui-ci avec la brise fraîche qui apparaît au clair de Lune.

La grande scène de ce Varnam a été le svayamvar de Sita, la cérémonie pendant laquelle un époux lui sera donné. Si, en théorie, la future mariée choisit son époux au cours de cette cérémonie, les exemples épiques la présentent comme une épreuve pour les prétendants (Arjuna, qui doit faire preuve de son habileté à l'arc pour épouser Draupadi) ou pour la mariée (Damayanti qui doit déjouer les ruses des dieux pour reconnaître Nala). L'épreuve que doivent réussir les prétendants est de tendre l'arc de Shiva qui se trouve être en possession de Janaka, le père de Sita. Le concours est annoncé au son du tambour et Sita s'inquiète en voyant les prétendants d'avoir peut-être à épouser un autre que Rama. Le premier prétendant est un démon. Le second un roi. Le troisième est Ravana que la danseuse représente avec ses dix têtes. Surestimant ses capacités, il tente de lever l'arc avec le petit doigt, puis avec deux mains, avant d'échouer lamentablement en mettant à profit les multiples paires de bras qu'il semble posséder. Rama enfin se présente, salue respectueusement l'arc, adresse une prière à Shiva et non seulement tend l'arc, mais il le brise. Heureuse de ce dénouement, Sita entoure son cou d'une guirlande de fleurs. Dans son programme Panchakanya à Mumbai, Gayatri Sriram avait déjà représenté cette scène, mais j'avais alors été quelque peu frustré que seule la réussite de Rama fût représentée. En voyant cette si délicieuse scène prendre de telles proportions dans ce Varnam, mes vœux ont été exaucés !

Vient ensuite la scène dans laquelle Sita demande à Rama de lui rapporter l'antilope dorée. Plus loin, à Lanka, elle reçoit la visite du singe Hanuman (reconnaissable au mudra Mukula) qui avait été envoyé en éclaireur avec comme signe de reconnaissance auprès de Sita un bijou donné par Rama. Sita prie pour que Rama vienne la chercher. Je n'ai pas bien compris la scène suivante dans laquelle l'héroïne exprime une sentiment de rejet ; je n'ai pas saisi où cela s'insérait au juste dans l'épopée. Sita se souvient enfin d'un combat passé de Rama contre des démons avant que le Varnam se conclue sur une lamentation de Sita dans le bois d'aśoka.

Le Padam qui intervient ensuite évoque la dualité entre l'union physique et l'union spirituelle. Radha est nostalgique de son passé amoureux avec Krishna. Ce n'était alors qu'un bouvier qui ensorcelait les filles avec sa flûte et leur faisait quelques friponneries, comme d'accrocher à un arbre leurs vêtements alors qu'elles prenaient leur bain. Cette union physique est suggérée par l'éclosion des lotus et le butinement des abeilles. Maintenant que Krishna est devenu le roi et le cocher d'Arjuna dans la guerre du Kurukshetra, Radha se sent délaissée. La scène du Padam qui représente de la meilleure façon ce basculement vers l'union spirituelle met en scène Radha assise alors qu'elle semble maquiller un jeune homme devant elle. Ce n'est qu'à la fin de la scène qu'elle semble se rendre compte, ainsi que les spectateurs, qu'il ne s'agit que d'une image de Krishna.

La pièce suivante est une merveille. Il s'agit du Mira Bhajan que Gayatri Sriram avait déjà interprété en bis lors de son récital au Musée Guimet. La version présentée alors avait été un peu raccourcie ; cette fois-ci, ce Bhajan en l'honneur de Krishna a pris des proportions plus importantes. La pièce a une forme cyclique. Elle s'ouvre et se termine avec Mirabai assise, jouant d'un instrument à corde pour accompagner son chant faisant l'éloge de Krishna. Le nom de Krishna qui est utilisé ici est Giridhar, celui qui porte la montagne. La gestuelle de la danseuse suggère donc très logiquement cet exploit du jeune Krishna : détournant les bouviers du culte d'Indra, celui-ci s'était vengé en faisant tomber des pluies diluviennes et Krishna avait riposté en procurant un abri aux villageois en soulevant le mont Govardhana d'un seul doigt ! La chorégraphie représente Mirabai tout à son adoration de la petite statuette de Krishna qu'elle possède. Après cette adorable introduction, la danseuse a enchaîné avec la scène du jeu de dés du Mahābhārata que j'avais déjà racontée dans mon compte-rendu de son récital au Musée Guimet. Le moment le plus magique reste la représentation du moment-clef où Krishna intervient pour rallonger par enchantement le sari de Draupadi que Dushasana tente d'enlever. Le plus remarquable est que la danseuse ne représente Krishna qu'une seule fois, mais l'image de la radieuse tranquilité avec laquelle il allonge le sari persiste tellement longtemps que l'on a l'impression qu'il est toujours là !

Le récital s'est conclu par le même Tillana qu'au Musée Guimet. La dualité unit cette fois-ci deux cycles rythmiques. Le Khandachapu Triputa Tala (à 5+4=9 temps) utilisé dans la danse pure alternant avec le Chatushrachapu Triputa Tala (à 4+4=8 temps, autrement dit Adi Tala) utilisé dans les lignes de Sahitya. Je n'ai toujours pas bien saisi les détails évocateurs de ce Tillana, mais il devait aussi opposer Guerre et Paix, et c'est effectivement sur le sentiment de Paix (Shanta) que la pièce s'est terminée.

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Ofra Hoffman au Centre Mandapa

2014-11-26 13:35+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2014-11-18

Kuttalam M. Selvam, chorégraphies

Bragha Bessell, chorégraphie du Javali

Ofra Hoffman, bharatanatyam

Hommage au Seigneur de Kashi

Namaskar

Kali Kautwam

Alarippu (Tishra Ekam Tala)

Varnam “Sami yei vara sholadi” (Raga Vachaspati, Adi Tala)

Javali (Raga Kamas, Adi Tala)

Tillana

J'avais déjà assisté il y a deux ans à un récital de bharatanatyam d'Ofra Hoffman au Centre Mandapa. En retournant la voir mardi dernier, je m'attendais à être le témon d'un bon récital, mais je n'imaginais pas prendre un tel plaisir de spectateur !

Ce récital intitulé நாட்டிய மாலை a débuté par trois pièces enchaînées (et même plutôt quatre). Sur une musique chantée par la légendaire M. S. Subbulakshmi, la danseuse commence par évoquer Shiva, le Seigneur de Kashi (Varanasi) où coule la Ganga. Je n'ai pas bien identifié les salutations des planètes qui étaient annoncées, mais je crois avoir bien repéré les prières de diverses créatures demandant à Shiva de leur accorder un bon réveil (nagas, sages, démons). L'évocation d'un étang de lotus et l'apparition de la Déesse ont donné lieu à de très belles images.

Avant de passer au Kali Kautwam, la danseuse a exécuté un remarquable Namaskar. Il s'agit de la salutation qu'un danseur exécute traditionnellement avant de danser et après avoir terminé. Si le canevas est toujours le même, il est intéressant d'en observer des variations d'une école à une autre. Ce Namaskar très élaboré s'insérait dans un hommage au guru et semble-t-il aussi aux trois divinités de la trinité indienne. Du Kali Kautwam, je retiens surtout les poses représentant Kali avec son trident. Il ne faut pas s'imaginer ces poses comme figées : il faut qu'elles soient habitées, ce qui était le cas ici.

La pièce qui m'a procuré le plus de plaisir a été l'Alarippu à trois temps (Tishra Ekam Tala). Il s'agit d'une pièce du répertoire immémorial : il en existe de nombreuses versions sur YouTube (voir notamment celles interprétées par Leela Samson et Dominique Delorme ; la première est très standard et la seconde est extrêmement originale). Il se trouve que je suis en train d'apprendre cet Alarippu ! Le Tala n'ayant pas été annoncé préalablement, il m'a fallu quelques secondes pour être certain que c'était le même et à partir de là, j'ai pu apprécier dans quelle mesure Ofra Hoffman revisitait cette pièce. Le nom Alarippu signifie floraison. Il s'agit traditionnellement de la première pièce qui est dansée lors d'un récital et le nom doit s'entendre métaphoriquement comme signifiant que le corps de la danseuse se met progressivement en mouvement pour s'ouvrir à la danse. L'interprétation a inclus ce sens figuré, mais aussi le sens littéral : par sa gestuelle, elle évoquait l'éclosion des fleurs et le butinement des abeilles. C'était magnifique !

En relisant mes gribouillis, il semblerait que la pièce principale ait été annoncée comme étant en Raga Vachaspati, mais à l'écoute, je crois avoir reconnu le Varnam Sami yei vara sholadi en Raga Purvi Kalyani (Adi Tala) dont on pourra lire une traduction anglaise ici. (PS: La danseuse me confirme que c'était bien le Raga Vachaspati. Il y a donc dans le répertoire des Varnams ayant des textes proches mais utilisant différents Ragas...) Je connais assez bien ce Varnam parce que ma prof Jyotika Rao l'avait interprété (dans une chorégraphie de Sucheta Chapekar) au Centre Mandapa. Deux de ses élèves (Laure et Camille) l'ont appris l'année dernière et l'ont interprété en duo en juin et plus récemment Camille l'a interprété en solo. Il m'est donc difficile de faire abstraction de certaines images que j'associe à ce Varnam comme le merveilleux lancer par Kama de cinq flèches florales différentes qui atteignent chacune un des sens de l'héroïne. Dans la chorégraphie interprétée par Ofra Hoffman, j'ai retrouvé certains de ces éléments (comme semble-t-il l'utilisation d'un oiseau comme messager auprès de Muruga). Si les émotions exprimées étaient toujours très convaincantes et si j'ai apprécié la manière de la danseuse de caractériser Muruga et l'héroïne (Muruga étant souvent représenté avec les mudras Mayura et Mushti pour suggérer qu'il monte un paon), j'aurais aimé que les aspects évocateurs et narratifs de ce Varnam soient peut-être un peu plus développés. La danse pure a en effet pris une proportion semble-t-il plus importante que d'ordinaire dans ce Varnam. Si en tant que spectateur, j'accorde en général une plus grande importance à la danse narrative ou expressive qu'à la danse pure, la beauté de la danse pure d'Ofra Hoffman est telle que je ne m'en suis nullement lassé. Les Jathis composés par Kuttalam M. Selvam sont d'une étonnante inventivité chorégraphique et ils ont été interprétés avec une très grande musicalité. Je n'ai malheureusement pas toujours réussi à suivre le Tala puisque Selvam utilise des formules introductives assez inhabituelles : je me suis habitué à Dhalan—guTakadhikuTakatadiGinatom—, Dhalan—guTakadadiGinatom— ou encore à Dhalan—guTum—tadiGinatom— (les deux derniers étants utilisés pour des rythmes à 3 ou 6 temps), mais les formules qu'il utilise dans ce Varnam me sont inconnues et j'ai parfois eu du mal à entendre où tombait le premier temps... En revanche, je me suis délecté sans aucune réserve de la figure géométrique que la danseuse traçait au sol avec ses mouvements de pieds lors des séquences préparatoires aux Jathis exécutées en fond de scène. Il s'agit là d'une originalité de Selvam. Nancy Boissel, une autre de ses disciples que j'ai interrogée à ce sujet, m'a dit que chacune de ses disciples traçait une figure géométrique qui lui était personnelle.

La danseuse a interprété ensuite un Javali chorégraphié par Bragha Bessell. Je pensais pouvoir faire l'économie de la description de cette pièce que j'ai l'impression d'avoir déjà vue, mais je n'en retrouve pas la trace... Une jeune femme fait l'éloge de son amoureux. Ses qualités sont tellement hors du commun qu'il paraît extravagant qu'il puisse exister. La chorégraphie exalte délicieusement tous ses mérites. Il est très beau, courageux, intelligent. Le roi écoute attentivement ses conseils. Quand on l'appelle, il vient immédiatement. Il est riche, et il fait tourner la tête des filles.

Le récital s'est terminé par un beau Tillana chorégraphié par Selvam sur une musique de Dr. M. Balamuralikrishna. Sauf erreur de ma part (parce que rien ne ressemble plus à un Tillana qu'un autre Tillana...), ce serait son Tillana en Raga Kathanakutuhala et Adi Tala. La pièce évoque les flèches d'amour pour Krishna que lance Kama. Krishna est représenté avec sa plume de paon. La chorégraphie comporte quelques étonnants mouvements de hanches. J'apprécie aussi l'élégance de certains mouvements de la danseuse qui étaient déjà présents dans les pièces précédentes, comme certaines de ses postures dans lesquelles une jambe est tendue, le pied posé au sol en demi-pointe.

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Indira Kadambi au Centre Mandapa

2014-11-21 10:17+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2014-10-28

Indira Kadambi, danse bharatanatyam

Muruga Kautwam

Padam (dédié au Nataraja de Chidambaram)

Padam

Devanamah (composé par Purandara Dasa)

Ashtapadi

J'ai assisté au récital de bharatanatyam d'Indira Kadambi, disciple de Kalanidhi Narayanan, laquelle est réputée pour son enseignement de l'Abhinaya, l'art de l'expression. Ce récital était d'ailleurs centré sur l'Abhinaya, la seule pièce comportant de la danse pure ayant été le Muruga Kautwam interprété au début du récital.

Si la danseuse a indubitablement des qualités expressives, je suis quelque peu resté sur ma faim. J'ai en effet eu l'occasion d'être très ému par d'autres danseuses traitant de sujets narratifs similaires, mais cette fois-ci, je n'ai pas été bouleversé.

La danseuse introduit les différentes pièces en adoptant une posture de pieds confortable (typiquement krishnaësque), un des pieds étant à plat et l'autre étant posé en demi-pointe sur le côté opposé (ce serait plus facile à décrire en notation Benesh...). La traduction en français de ses propos par la danseuse Anusha Cherer n'était peut-être pas nécessaire : je ne peux que soutenir l'initiative de présenter en détails les pièces, mais peut-être serait-il préférable de préparer en amont un texte fixé à l'avance qui ne serait dit qu'en français. (Je suis bien évidemment très-conscient des difficultés pratiques d'organisation que cela peut poser...)

La première pièce a été un vif Muruga Kautwam. La chorégraphie évoque certains des exploits de Muruga et le représente délicieusement sur sa monture, le paon.

La pièce suivante est un Padam en l'honneur de Nataraja, le Seigneur de la danse résidant à Chidambaram. La chorégraphie nous fait visiter ce temple (où je n'ai pas encore mis les pieds, donc cela reste encore un peu abstrait pour moi). Les mouvements de la danseuse évoquent les drapeaux, les sculptures, la musique rituelle (percussions et hautbois) et cinq marches que la dévôte doit franchir, chacune étant associée aux cinq syllabes du mantra sanskrit ॐ नमः शिवाय ((Oṃ) Namaḥ Śivāya), le chiffre cinq ayant une symbolique particulière dans le Shivaïsme. La dévôte souhaiterait n'être qu'une poussière aux pieds de Shiva, ou encore une fleur ou une lampe placée près de la divinité.

Le Padam suivant raconte la trahison dont est victime l'héroïne qui a envoyé son amie en messagère auprès de Murugan. Quand, au petit matin, l'héroïne aperçoit son amie rentrer toute penaude, la stupeur apparaît sur son visage. C'est la troisième fois que je vois ce thème traité dans un Padam ; j'avais été beaucoup plus impressionné par l'interprétation de Janaki Rangarajan à Chennai.

La pièce suivante Devanamah composée par Purandara Dasa m'a semblée délicieuse. Elle évoque le jeune Krishna qui promet à sa mère adoptive Yashoda de ne plus faire de bêtises, mais bien évidemment, dès qu'elle a le dos tourné, c'est plus fort que lui, il recommence. L'interprétation de l'espiègle Krishna m'a semblée très juste, mais la danseuse m'a semblée moins convaincante quand elle incarnait Yashoda. Dans l'expression des sentiments maternels de Yashoda, j'avais été beaucoup plus ému par l'interprétation de Mallika Thalak.

La dernière pièce est un Ashtapadi dans lequel Radha souffre de la séparation avec Krishna. Le texte qui a été prononcé dans la présentation et qui a été illustré dans la chorégraphie ne me semble correspondre de façon précise à aucun des poèmes du Gîta-Govinda. Celui qui me paraît être le plus proche thématiquement est le treizième Ashtapadi. Si c'est bien le cas, je trouve dommage que la présentation orale n'ait pas suivi de façon plus exacte le texte d'origine ; je n'ai rien contre l'idée que la danse développe des idées qui ne sont pas strictement contenues dans le texte, mais il faudrait à mon avis éviter de présenter le texte préalablement en faisant comme si ces idées ajoutées s'y trouvaient déjà.

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Meenakshi Srinivasan au Musée Guimet

2014-10-30 13:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes

Auditorium du Musée Guimet — 2014-10-24

Meenakshi Srinivasan, bharatanatyam

Jayashree Ramanathan, nattuvangam

K. Hariprasad, chant

V. Vedakrishnaram, mridangam

Kodampalli Gopakumar, violon

Invocation “Mahedeva Suta” (Adi Tala)

Composition de Muthuswami Dikshitar (Mishra Chapu Tala)

Varnam (Raga Mallika, Adi Tala, composé par K. Hariprasad)

Padam “Kodi Koose” (Raga Saurashtram, Adi Tala, composé par Kshetrayya)

Padam (Rupaka Tala, composé par Swati Tirunal, chorégraphie de Bragha Bessell)

Tillana (Raga Sindhu Bhairavi)

Le programme présenté par Meenakshi Srinivasan au Musée Guimet le week-end dernier a été largement renouvelé par rapport au programme centré sur Krishna qu'elle y avait présenté en février 2012. Ce programme a cependant été essentiellement le même que celui qu'elle avait dansé à Bharat Kalachar (YGP Auditorium) à Chennai en décembre 2013. Je l'ai néanmoins revu avec un grand plaisir. Elle est accompagnée par la même nattuvanar (la formidable Jayashree Ramanathan) et le même chanteur K. Hariprasad qui a fait preuve de son grand talent, et ce tout particulièrement dans les Alap très élaborés qu'il a chantés entre les différentes pièces du programme. L'orchestre comprenait aussi un violoniste et un percussionniste qui recevaient souvent des instructions de la nattuvanar, qui semblait se délecter de la danse tout autant que le public tout en étant très concentrée quand il fallait l'être.

Meenakshi Srinivasan est sans doute la danseuse de bharatanatyam la plus gracieuse parmi toutes celles que j'ai vues ! Sa danse est extrêmement féminine, elle met davantage en avant la douceur que la force. Je ne saurais dire si elle dansait déjà comme cela en 2012 ou en 2013 ou s'il s'agit d'un apport récent à son style personnel, mais dans sa danse pure, elle prolonge souvent certains mouvements latéraux par une courbure du torse sur le côté qui est d'une suprême élégance ! À vrai dire, dans les enchaînements (adavus), les courbures ne sont pas seulement des ornementations : elles paraissent faire partie intégrante de l'ensemble, comme si elles constituaient une étape à part entière dans l'adavu. Ainsi, le dernier temps de tel ou tel adavu n'est pas vide : il est rempli par une courbure du torse. Il est à noter que sa danse comporte un nombre inhabituellement élevé de sauts, mais les réceptions en sont d'une grande légèreté.

Avant de revenir sur le détail de ce superbe programme, je voudrais toutefois signaler un petit grief contre le style de la danseuse. Quand j'ai appris la série des Marditha Adavus cet été à Delhi avec Arupa Lahiry, elle m'expliquait que pour un certain adavu dans lequel les mains alternent rapidement entre les mudras Katakamukha et Alapadma quand on exécute l'adavu aux deux premières vitesses, il convenait de garder les mains en Alapadma pour la troisième vitesse : la rapidité du tempo empêche de montrer une alternance de mudras bien nets et il est préférable de mettre en valeur le caractère gracieux du mouvement global de la main. Il m'a semblé que lors du récital de Meenakshi Srinivasan, on dépassait parfois le seuil de vitesse au-delà duquel quand bien même les mudras seraient proprement exécutés, ils défileraint trop vite pour ne pas paraître un peu flous au spectateur. Je trouve cela particulièrement perturbant dans les moments où la danseuse est face au public et exécute des mouvements synchronisés des deux bras tendus vers les côtés. Plutôt que de regarder alternativement à droite puis à gauche, la danseuse regarde droit devant, ce qui amoindrit sensiblement à mon goût l'exceptionnelle impression de grâce qu'elle inspire.

Venons-en au programme proprement dit. La première représentation (vendredi) a commencé par un Alap suivi d'une invocation de Ganesh (Mahadeva Suta) ; le texte sera différent le lendemain (Pariparime Padane ?).

La première pièce dansée est une composition de Muthuswami Dikshitar évoquant Shiva et plus spécifiquement le Seigneur de la danse qui réside à Chidambaram (je le précise parce que Chidambaram apparaît dans le texte de la composition). La danse est très gracieuse. Comme je l'avais remarqué à Chennai, la danseuse s'écarte de la pratique la plus courante consistant à souligner la virilité de Shiva : elle montre Shiva sous un jour extrêmement bienveillant. Il n'inspire aucun effroi quand la danseuse représente sa chevelure, son troisième œil ou sa peau de tigre. Dans sa danse pure, je me délecte des courbures du torse et du cou que j'ai signalées plus haut ; rien que pour cela, je retournerai voir cette danseuse avec un grand plaisir ! J'apprécie de nombreux détails de son évocation de Shiva : le flot de Ganga, la marque qu'il porte à son cou et qui lui vaut le nom de Nilakantha, l'évocation de la danse associée à la connaissance, au chant et au rythme. Le passage le plus délicieux de cette pièce a sans doute été celui dans lequel la danseuse mime le jeu d'un percussionniste en actionnant un mridangam invisible.

Vient ensuite la pièce principale du programme, le Varnam consacré à Sita que la danseuse a créé en 2013 et que j'avais déjà vu à Chennai (où je n'avais pas véritablement pu l'apprécier en raison d'une grande fatigue...). La musique en Raga Mallika est du chanteur K. Hariprasad sur un texte inspiré par le Rāmāyaṇa. Les épisodes ne sont pas tous tirés du Rāmāyaṇa de Vālmīki : certains d'entre eux sont issus de l'imagination d'un poète dont je n'ai pas retenu le nom, mais vu le message féministe de ce Varnam, il s'agit probablement d'un texte contemporain.

Le Varnam s'ouvre par un magnifique lever de Soleil en forêt. Après avoir été rejetée une première fois par Rama à la fin de la guerre contre Ravana, Sita s'était infligée l'épreuve du feu pour prouver sa chasteté, mais après leur retour à Ayodhya, Rama avait davantage fait confiance à la rumeur publique qu'à son propre jugement et l'avait très lâchement abandonnée en forêt alors qu'elle était enceinte de deux jumeaux. La critique féministe que fait ce Varnam porte non seulement sur l'attitude de Rama qui abandonne Sita comme un vieux chiffon, mais en mettant en valeur les exceptionnelles qualités de Sita, le Varnam ridiculise aussi l'héroïsme viril et la divinité de Rama. La chorégraphie a semble-t-il représenté furtivement la rencontre entre le singe Hanuman venu en éclaireur et Sita qui se lamentait dans le bois d'aśoka. Celui-ci aurait pu ramener directement Sita en la portant sur son dos, mais elle avait refusé pour que Rama puisse faire preuve de ses qualités de guerrier en venant la récupérer lui-même. Le poème et la chorégraphie du Varnam vont bien plus loin puisqu'ils suggèrent que Sita (la déesse née de la Terre) aurait pu tuer elle-même le démon Ravana, mais qu'elle ne l'avait pas fait par égard pour son mari. Parmi ces épisodes dont Sita se souvient, le plus marquant se passe pendant son enfance. Elle n'était pas encore mariée à Rama qui obtiendra sa main en cassant l'arc de Shiva qu'aucun autre homme ne pouvait soulever. L'épisode se passe alors que Sita joue à la balle avec ses amies. La balle s'en va au loin et semble se coincer entre l'arc de Shiva et son support. La seule façon de récupérer la balle est de soulever l'arc... Alors qu'elle n'est qu'une toute jeune fille, elle y parvient sans difficulté avant de repartir de plus belle avec sa balle. Cette espiègle scène a été pour moi le plus irrésistible moment de ce Varnam. Parmi les autres épisodes narratifs, je crois avoir aussi reconnu, sans certitude, la scène où Sita demande à Rama de lui rapporter l'antilope dorée (qui fait partie de la ruse de Ravana pour enlever Sita). Le Varnam comporte aussi des séquences plus poétiques, comme quand Sita compare son amour pour Rama au fait qu'une fleur est inséparable de son parfum, qu'une rivière est indissociable de ses rives et que les rayons du Soleil ne peuvent exister sans l'étoile. Les passages narratifs ou évocateurs alternaient avec des passages rythmiques. Ceux-ci m'ont semblés très variés, notamment en termes de vitesse, et ne pouvaient susciter que l'admiration quand la nattuvanar prononçait rapidement trois fois de suite les syllabes Tadim-Ginatom !

Comme la forme le veut (à ce qu'il me semble), le Varnam se concluait dans la joie, ce qui s'expliquait ici par le fait que Sita, qui en tant que fille de la Terre et ayant pour cette raison un rapport particulier à la nature, avait trouvé dans la forêt un refuge qui lui plût.

(Il est à noter que la pièce avait été introduite par Meenakshi Srinivasan elle-même en français, en utilisant un vocabulaire très raffiné. Lors de la représentation de vendredi, un incident s'est produit pendant ce Varnam : la fixation des grelots de chevilles attachés à sa cheville gauche s'est rompue alors qu'elle était en fond de scène. Il est courant qu'un ou deux grelots ou boucles d'oreilles tombent, mais je n'avais jamais vu ce cas-là. De même qu'il serait impensable d'interrompre un acte d'opéra de Wagner, plutôt que d'insérer une pause pour rattacher ses grelots, la danseuse a décidé de continuer en ne portant des grelots qu'à la cheville droite jusqu'à la fin du Varnam.)

La pièce suivante, la seule que je n'avais pas déjà vue, est un Padam de Kshetrayya. En termes d'expression, il s'agit sans doute de la pièce la plus convaincante du récital. Une jeune femme se plaint à son amie : alors qu'elle se préparait à accueillir au mieux son amant, un satané coq prétentieux s'est mis à chanter au plus mauvais moment, un vrai tue-l'amour. Cela a été un vrai plaisir de voir la danseuse alterner ses expressions entre la joie de l'attente et la déception, voire la colère d'entendre le coq intervenir. Elle aura tout tenté pour l'amadouer, mais il sera un casse-pieds jusqu'au bout, la danseuse suggérant ses apparitions délicieusement avec le mudra Tamracuda.

L'avant-dernière pièce du récital ne m'a pas complètement convaincu. J'en ai cependant apprécié davantage de détails que la dernière fois. Il s'agit d'une chorégraphie de Bragha Bessell sur un poème de Swati Tirunal. Deux femmes préparent des guirlandes de fleurs, mais elles sont perturbées par le bruit d'une procession. Elles se demandent de quel dieu il peut bien s'agir. Ce n'est pas Indra puisqu'il n'a pas le corps recouvert de mille yeux, ni la Lune (Chandra) parce qu'aucune imperfection ne gâche son visage. N'ayant pas de troisième œil, ce n'est pas non plus Shiva. Le sentiment de paix qu'il inspire exclut que ce soit le Soleil (Surya). Il ne s'agit pas non plus de Kubera, le difforme dieu des richesses (c'est le seul des cinq que je n'aie pas reconnu cette fois-ci dans la chorégraphie). Quand la divinité apparaît enfin, il est vraiment dommage que le dieu (Padmanabha-Vishnu) ne soit pas plus facilement identifiable. La première fois que j'avais vu cette pièce dansée par Meenakshi Srinivasan, j'avais pensé que c'était Ganesh : les tout premiers mouvements de la danseuse au début de la pièce suggèrent les oreilles d'un éléphant et sa démarche de pachyderme. Peut-être fallait-il simplement comprendre que le cortège comportait quelques éléphants ? Un peu plus loin, le chanteur semble dire très distinctement Ganapati. Vers la fin de la pièce, quand la divinité associée à la fleur de lotus Kamala et ornée de bijoux apparaît, debout et tranquille, deux de ses attributs sont suggérés, mais les mouvements de mains sont trop rapides pour que je sois certain qu'il s'agisse bien de la conque et du disque de Vishnu. Pour ne pas laisser un sentiment de frustration chez les spectateurs, peut-être faudrait faire comme Uma B. Ramesh que j'ai aussi vue interpréter cette pièce et qui la concluait par une pose caractéristique de Padmanabha. Parmi les détails que j'ai appréciés dans cette pièce décidément très riche, je me souviens de l'évocation joyeuse des hautbois indiens (nadaswaram) qui accompagnent la procession.

Lors du récital de samedi, ce Padam a été remplacé un Meera Bhajan que la danseuse avait déjà interprété au Musée Guimet en 2012. La pose initiale et finale représente Mirabaï jouant du tampura (mais elle n'en actionne pas les cordes, c'est dommage). Elle cherche l'union avec la divinité (Krishna). Elle imagine comment elle pourrait lui être agréable si elle était un poisson, un coucou ou une perle. Elle souhaiterait par exemple n'être qu'une des perles de son collier. (Je rappelle ici que l'histoire de Mirabaï est liée à la citadelle de Chittorgarh au Rajasthan, un des lieux que j'ai préférés en Inde.)

Le récital s'est conclu par le merveilleux Tillana en Raga Sindhu Bhairavi évoquant de façon élaborée l'amour entre une héroïne et Krishna. La fin en a toutefois été légèrement différente qu'à Chennai. Il s'était alors conclu par une extraordinairissime transformation continue du personnage masculin en le personnage féminin (à moins que ce ne soit le contraire). En n'ayant pas revu de transformation d'une telle intensité émotionnelle, je mesure le privilège que j'avais eu de la voir en Inde...

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Lingaraj Pradhan et Sanjukta Dutta Pradhan au Centre Mandapa

2014-10-26 19:47+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2014-10-23

Lingaraj Pradhan, danse odissi

Sanjukta Dutta Pradhan, danse odissi

Shiva Panchak

Pallavi (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)

Abhinaya (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)

Mahakalistuti (chorégraphie de Bichitrananda)

Je me suis rendu au Centre Mandapa pour assister à un récital de Lingaraj Pradhan et de son épouse Sanjukta Dutta Pradhan. Ils représentent tous les deux le style odissi transmis par leur guru Bichitrananda. Ce style étant moins courant à Paris et à Chennai que ne l'est le bharatanatyam, mes expériences de spectateur avec la danse odissi sont plutôt rares. Je n'ai pour le moment été véritablement convaincu que par la jeune danseuse Arushi Mudgal (cf. son récital au Musée Guimet et Orfeo, par-delà le Gange), mais ce style odissi ne m'a pour ainsi dire jamais procuré les mêmes émotions que m'apportent presque toutes les représentations de bharatanatyam auxquelles j'assiste. Si la narration et l'expression des émotions me semblent en général plus élaborées que dans le style kathak, on n'atteint pas à mon avis les mêmes sommets que dans le bharatanatyam. Le style est sorti des temples depuis moins longtemps aussi et, vu de loin, il semble moins vivant d'un point de vue chorégraphique, la plupart des programmes comportant des pièces chorégraphiées par les figures tutélaires (notamment Kelucharan Mohapatra) plutôt que par les danseurs des générations suivantes. Je garde néanmoins un a priori positif sur le style odissi et ne demande qu'à être détrompé à l'avenir.

Le récital de Lingaraj Pradhan et Sanjukta Dutta Pradhan m'a semblé très spectaculaire. Alors que le style odissi est réputé plus lasya que tandava, ce récital m'a semblé au contraire beaucoup plus viril que gracieux. Les interprètes ont davantage fait preuve de leur capacité à éblouir par leur virtuosité (quelque peu brutale) que par leur faculté à émouvoir par la narration et l'expression. La virtuosité n'étant pas ce que je cherche dans la danse, ce récital m'a plutôt déplu.

La première pièce Shiva Panchak est un duo (semble-t-il sur le cycle rythmique Tivratal à sept temps). Les passages lents permettent d'apprécier les courbures de la position typique de la danse odissi. Les deux danseurs interprètent de façon synchronisée les sections de danse pure, mais leurs rôles se dissocient quand ils racontent la rencontre entre Shiva et Parvati, laquelle est aidée par l'archer Kama (qui est interprété par Sanjukta). Kama est foudroyé par le feu du troisième œil de Shiva. Cette scène a été extrêmement impressionnante, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'elle a été quelque peu surjouée, le spectaculaire primant sur l'émotion.

La pièce suivante Pallavi a été interprétée par Sanjukta. Il s'agissait de danse pure en accelerando utilisant beaucoup les mudras Mayura et Hamsasya.

La pièce la plus élaborée a été interprétée ensuite par Lingaraj. Il s'agissait d'un Abhinaya en trois parties utilisant semble-t-il le cycle à sept temps Tivratal. Le thème était donné par un prière adressée à Jagannath par le poète Salabeg (né musulman). Le poème évoquait trois épisodes liés à la divinité que l'on peut identifier à Krishna ou Vishnu. Le premier épisode était celui du l'attaque d'un éléphant attaqué par un crocodile et qui est sauvé par l'intervention de Vishnu qui tue le crocodile avec son disque. Le deuxième racontait la première partie de dés du Mahabharata, Yudishthira perdant tout, y compris lui-même et son épouse Draupadi, laquelle est traînée par les cheveux par Dushasana. Elle est la cible de gestes obscènes de la part Duryodhana et Dushasana tente de la dévêtir, mais il n'y parvient pas du fait de l'intervention de Krishna qui parvient à rallonger le sari de Draupadi au fur et à mesure que Dushasana tire dessus. Le dernier épisode évoque Prahlada, dévôt de Vishnu et fils du démonique Hiranya qui sera tué par le quatrième avatar de Vishnu, Narasimha, l'homme-lion surgi d'un pilier de son palais. Je n'ai pas été ému par l'épisode de la scène du jeu de dés qui m'arrache habituellement un abondant flot de larmes (cf. le récital de Gayatri Sriram au Musée Guimet). L'épisode lié à Hiranya était brutal, notamment parce que son éventrement par Narasimha n'était pas occulté. Le premier épisode représentait de façon intéressante l'éléphant allant s'abreuver au lac, mais la danse s'est fait très violente à partir de l'apparition du crocodile. C'était très impressionnant, mais globalement, je n'ai pas été plus convaincu par cette pièce que par les autres, les moments devant être interprétés de façon plus subtile n'étant pas aussi convaincants que les moments les plus violents.

Le récital (d'à peine plus d'une heure, ce qui est court, surtout pour un duo) s'est terminé par un duo Mahakalistuti évoquant Mahakali. Qu'il s'agisse de Mahakali plutôt que de Kali permet aux danseurs d'évoquer divers aspects de la Déesse : Kali, Durga, Narayani, Kalaratri. Je pense que cela a été la pièce la plus intéressante du récital. Représentant la déesse, Sanjukta y avait le premier rôle et était secondée par Lingaraj qui apportait des détails intéressants aux poses évoquant chacun des aspects de la Déesse. J'ignore si cette pièce a été conçue initialement pour un duo ou s'il s'agit d'un enrichissement pour duo d'une pièce antérieure pour danseur solo, mais c'est un des rares exemples de duo ou d'ensembles qui m'aient convaincu en danses indiennes.

Bref, beaucoup de technique, une volonté d'impressionner, mais un manque d'émotions à mon goût.

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Janaki Rangarajan au Centre Mandapa

2014-10-01 16:10+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2014-09-26

Janaki Rangarajan, danse bharatanatyam, chorégraphies

Kriti (composé par Muthuswami Dikshitar, Rupaka Tala)

Varnam (composé par Ponnayya Pillai, Adi Tala)

Ashtapadi

Tillana (composé par Padma Subramanyam, Adi Tala)

Après avoir assisté à plus d'une centaine de récitals de danses indiennes (presque tous de bharatanatyam), je suis encore loin d'être blasé, mais je pensais avoir une idée assez précise des types de pièces les plus à même de m'émouvoir. Je pensais n'être véritablement sensible qu'aux pièces résolument narratives, et encore faudrait-il pour cela que la narration soit suffisamment claire pour que je puisse la comprendre ! Le récital qu'a donné Janaki Rangarajan vendredi dernier au Centre Mandapa m'a démontré le contraire. Janaki Rangarajan est une artiste que j'admire (cf. mes billets sur ses récitals au Musée Guimet et au Bharatiya Vidya Bhavan) et, full disclosure, avec qui j'ai eu le plaisir de déjeuner le jour de son récital. J'ai donc été plus que ravi d'être très agréablement surpris par un récital de bharatanatyam laissant peu de place à la narration.

Les chaises en gradins de la petite salle du Centre Mandapa sont pour ainsi dire toutes occupées. Quelques uns, dont moi, se sont assis sur des coussins.

La première pièce du récital est un Kriti de Muthuswami Dikshitar dédié à Shiva dans sa forme Ardhanari : mi-homme mi-femme. La chorégraphie comporte passages de danse pure et passages évoquant la divinité. La danseuse montre alternativement ses côtés masculin et féminin. La chevelure de Shiva et son regard suscitent un peu moins l'effroi qu'ils ne le font souvent dans ce type de pièces ; les attitudes féminines de Parvati sont moins marquées aussi. L'interprète semble avoir fait le choix de ne pas exacerber à l'excès le contraste entre les deux moitiés. Les deux moitiés fusionnent harmonieusement plutôt qu'elles ne s'opposent. Parmi les détails mis en valeur, on retrouve les parures de Parvati et les cendres dont s'enduit Shiva. Je me suis cette fois-ci délecté de détails nouveaux, comme la représentation dans la gestuelle codifiée de l'épithète de Gardien des troupeaux (Pashupati) que porte Shiva. La chorégraphie renvoie aussi à plusieurs reprises à sa sagesse ascétique. Ce Kriti met aussi en scène de façon délicieuse une dévôte qui exécute des rites d'adoration du lingam.

La pièce principale est un Varnam de Ponnayya Pillai, un des membres du Tanjore Quartet (début du XIXe siècle). Comme le veut la forme, on assiste à une alternance entre passages de danse pure (jatis) et passages expressifs. Les enchaînements de mouvements constituant les Jatis semblent s'appuyer assez fermement sur les temps forts du cycle à 8 temps (Adi Tala), ce qui n'était pas le cas du Jati que j'ai noté en notation Benesh dans le billet précédent ! S'il est intéressant d'être parfois bousculé ou dérouté par des rythmes tordus, il est aussi agréable de se sentir en confiance en assistant à une pièce dans laquelle le rythme ne contribue pas à créer une tension. Les Jatis de ce Varnam ont comporté des passages exécutés à grande vitesse, mais j'ai apprécié le fait qu'il ne s'agisse pas d'une démonstration de virtuosité.

Si les Jatis étaient remarquables, c'est surtout en raison du style personnel de la danseuse. Ils comportent parfois un ou deux éléments liés au thème du Varnam, comme une référence à l'archer Kama dans le tout premier Jati ; comme j'ai toujours eu mal à ne pas trouver incongru que les Varnam commencent par un Jati, que le tout premier de ces Jatis comporte des éléments expressifs a tout pour me plaire ! Cependant, ce qui distingue véritablement Janaki Rangarajan de toutes les autres danseuses de bharatanatyam que j'ai vues réside dans sa manière de faire cohabiter dans ses enchaînements des lignes droites et des lignes courbes. Les mouvements qu'elle utilise pour cela doivent sans doute beaucoup à Padma Subramanyam, mais elle les incorpore à sa danse d'une façon très différente de son guru. J'ai particulièrement aimé sa manière de passer d'une position droite à une position courbe en utilisant un mouvement de hanches, et de revenir parfois, comme tirée par un ressort, à sa position droite initiale, créant chez moi une surprise ou un suspense du meilleur effet.

Pour l'avoir déjà vu danser, Le style de Janaki Rangarajan ne m'était toutefois pas inconnu ; ce qui a constitué ma plus grande surprise et mon plus grand émerveillement, cela a été son approche dans ce Varnam. Évitant d'introduire des digressions narratives renvoyant aux mythes liés à la divinité, elle s'est concentrée sur ce qui constitue traditionnellement le cœur d'un Varnam : le parcours émotionnel et spirituel d'une héroïne amoureuse d'une divinité. Je suis a priori plus friand des Varnam comportant des passages narratifs élaborés. Ceux qui se concentrent sur les sentiments de l'héroïne (nayika) ont tendance à m'ennuyer. Dans ce type de Varnam, très peu d'interprètes parviennent à maintenir mon attention tout du long. Cela a été le cas de Janaki Rangarajan qui a merveilleusement bien exprimé les sentiments de l'héroïne ! Ces sentiments étaient souvent soulignés par de très beaux mouvements d'yeux et de sourcils. Dans les moments les plus intenses, notamment pendant un solo de violon, la bande son exaltait encore davantage les sentiments de l'héroïne. J'y ai reconnu le style inimitable, tout en doubles cordes, du violoniste Kalaiarasan que j'ai eu le plaisir d'entendre à de nombreuses reprises lors de mon séjour à Chennai en décembre 2013/janvier 2014. Ce musicien est un accompagnateur de génie ! (Les Parisiens ont eu le privilège de l'entendre lors des récitals de Lavanya Ananth au Musée Guimet en 2012.)

Photo 013
Porte du temple Brihadeshvara, Tanjore

Mon frissonomètre est montré très haut pendant ce Varnam. Le point culminant émotionnel a été pour moi la séquence pendant laquelle l'héroïne entre dans le temple de Brihadeshvara (Tanjore). La danseuse a magnifiquement figuré les portes que l'héroïne doit franchir. Avant de s'approcher de la divinité, comme dans tout temple de Shiva (ou presque), elle doit passer devant le buffle Nandi qui veille sur le temple. Le Nandi du temple Brihadeshvara est tellement grand qu'il aurait été dommage d'écarter ce détail :

Photo 026
Nandi, Temple Brihadeshvara, Tanjore

Je me suis délecté de nombreux autres détails de la chorégraphie. Vers la fin, il m'a semblé que l'archer Kama faisait une apparition. S'il lançait bien quelques flèches florales avec son arc, la danseuse s'est permis semble-t-il quelque fantaisie en lui faisant lancer une fleur avec la main, comme s'il lançait une balle !

La pièce suivante a été un Ashtapadi extrait du Gîta-Govinda de Jayadeva. Sauf erreur de ma part, il s'agissait du 17e Ashtapadi. Dans le texte chanté, je ne parviens à reconnaître que des noms de Vishnu aussi attribués à Krishna : Keshava, Madhava. Je n'ai donc pas pu apprécier tous les détails des plaintes que Radha adresse à Krishna qu'elle soupçonne d'avoir passé la nuit avec une autre. Si le sens de certains vers était transparent en suivant la chorégraphie, comme Une trace de morsure, à ta lèvre restée, fait éclore en mon cœur la souffrance. Elle me dit, — n'est-ce pas ? — que maintenant même, uni à moi, ton corps ne se laisse pas partager. Fi, fi, va-t-en, Mādhava ; ne me dis plus, Keçava, de paroles friponnes ; poursuis celle-ci, Œil-de-Nymphéa, qui dissipe ton abattement. (traduction de Gaston Courtillier), un vers que le public a manifesté beaucoup apprécié ! d'autres plus poétiques n'ont pris sens pour moi que lorsque j'ai relu le texte, comme Du lotus de ses pieds suinte la laque qui baigne ton noble cœur ; le voici, il se montre au dehors comme enveloppé des bourgeons de l'arbre de volupté. Fi, fi, va-t-en, Mādhava.... Si j'ai beaucoup aimé le travail d'expression de la danseuse dans cette pièce, ma méconnaissance du texte a été un frein pour l'apprécier pleinement. Peut-être eût-il été judicieux de faire précéder cette pièce d'une lecture d'une traduction du poème ?

Le récital s'est conclu par un Tillana composé par Padma Subramanyam. La pose finale étant apparemment identique, peut-être s'agit-il du même que celui qu'elle avait déjà dansé au Bharatiya Vidya Bhavan ? Utilisant le cycle rythmique Adi Tala, ce Tillana utilise dans sa deuxième partie un mantra évoquant le sentiment de Paix. Il m'a semblé voir plusieurs références à Shiva dans la chorégraphie. L'attitude qu'il adoptait inspirait tranquillité et bienveillance. Dans cette pièce, comme dans les précédentes, la souplesse de la danseuse était mise à contribution. Ses pliés sont très ouverts et très stables. En grand plié, sans perdre de stabilité, elle peut se pencher vers l'avant : elle pourrait presque toucher le sol avec son front ! Le Tillana s'est conclu sur une pose extrêmement géométrique évoquant la Paix.

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La notation Benesh de la danse bharatanatyam

2014-09-23 17:40+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

(Billet mis à jour le 2 mai 2015.)

Introduite par Rudolf Benesh (1916-1975) dans les années 1950, la notation du mouvement Benesh est surtout utilisée dans la danse classique européenne, et tout particulièrement au Royaume-Uni (on pourra d'ailleurs lire à ce sujet les billets du blog Impressions danse portant sur la notation Benesh, parfois aussi appelée choréologie). Cette technique de notation n'est aucunement spécialisée dans ce style : il est possible de l'utiliser pour toutes sortes de danses. La notation ne remplace en aucun cas l'apprentissage du style et la transmission de pièces par un professeur, mais je voudrais néanmoins encourager son utilisation. La notation est évidemment un support utile pour se remémorer une pièce dont on aurait oublié certains détails, mais elle permet aussi de mieux comprendre la chorégraphie et dans le cas de la notation d'enchaînements (adavus), elle facilite également la comparaisons entre différentes écoles.

Dans ce billet, je voudrais montrer que la notation Benesh est adaptée à la notation de pièces de danses indiennes de style bharatanatyam, et tout particulièrement aux passages de danse pure. Pour cela, j'ai sélectionné un extrait de chorégraphie disponible sur Youtube :

Il s'agit d'un extrait d'un Varnam (ou plus exactement un Svarajati) apparaissant dans le DVD Rasaanubhavam de Janaki Rangarajan (qui est une de mes danseuses préférées, cf. mes billets sur ses récitals au Musée Guimet, au Bharatiya Vidya Bhavan à Chennai et au Centre Mandapa ; je la remercie de m'avoir permis d'utiliser sa chorégraphie dans ce billet). Sur la vidéo ci-dessus, à la fin d'une séquence narrative, on la voit reculer vers l'arrière de la scène et exécuter des pas préparatoires à un Jati tandis que la nattuvanar (Jayashree Ramanathan, que j'apprécie beaucoup !) prononce la suite de syllabes Dhalan–guTakadhikuTakatadhinGinatom–. Le Jati dure une trentaine de secondes sur la vidéo, de 4'42" à 5'14". Voici cette séquence écrite en notation Benesh :

Jati en notation Benesh
Jati en notation Benesh
Jati en notation Benesh (version PDF)

Je tiens à préciser que je suis débutant en notation Benesh et qu'il est donc fort probable que ce texte contienne des approximations, et peut-être même des erreurs !

Quelques signes de la notation Benesh

Le but de ce billet est d'expliquer le sens de la plupart des signes apparaissant sur la première page de cette partition. (La deuxième page comporte des signes plus complexes sortant du cache de ce tutoriel, notamment en raison des sauts que la danseuse exécute à la fin de la séquence.) De même que la musique occidentale, la notation Benesh s'inscrit sur une portée de cinq lignes (usuellement tracées en rouge). Ceci laisse la possibilité de combiner sur une même partition la chorégraphie et tout ou partie de la musique utilisée pour la danse. Même si la notation de la choréographie se suffit a priori à elle-même, j'ai préféré adjoindre ici une ligne rythmique permettant de situer dans le temps les frappes de pieds. J'ai également indiqué sur une troisième portée les syllabes prononcées par la nattuvanar Jayashree Ramanathan.

Venons-en maintenant au sujet, à savoir la portée de cinq lignes rouges ci-dessus. L'idée fondamentale de la notation Benesh est de représenter la position de la danseuse (ou du danseur) à certains instants-clefs et d'indiquer par des lignes de mouvement la façon de passer d'une position à une autre. On utilise pour cela une représentation schématique du corps de la danseuse vue de derrière. Les cinq lignes de la portée représentent successivement, en partant du bas, le sol, les genoux, la taille, les épaules et le haut de la tête comme sur la figure ci-dessous :

Représentation du corps sur une portée
Représentation du corps sur une portée, p. 19 de Reading dance de Rudolf & Joan Benesh

Commençons par voir comment sont représentées deux positions importantes du bharatanatyam. Sur la figure suivante, je n'ai représenté que les pieds et genoux :

Position assise, position debout

Les pieds sont représentés par des tirets horizontaux. Quand ils sont côte-à-côte, on obtient un tiret long comme sur les deux positions ci-dessus. La position assise (araimandi) correspond au demi-plié de la danse classique européenne, les croix (plus larges que hautes) qui représentent les genoux sont donc un peu écartées et placées plus bas que la ligne des genoux. Comme on ne représente un genou en notation Benesh que si la jambe n'est pas tendue, ils ne sont donc pas notés pour la position debout.

Approfondissons maintenant le tiret utilisé pour représenter les pieds. Voici une façon de noter un pas chassé vers la droite :

Pas chassé

Trois instants-clefs sont représentés de gauche à droite. Sur le premier, les pieds sont joints. Sur le deuxième, on voit deux tirets écartés. Pour indiquer que c'est le pied droit qui se déplace (vers la droite), on ajoute une ligne de mouvement représentant le mouvement effectué par le pied depuis la position précédente. (Ces principes s'appliqueront de la même façon aux mouvements des mains, qui sont représentées par les mêmes symboles que les pieds.) Sur le troisième instant-clef, on veut indiquer que le pied gauche vient rejoindre le pied droit. Ceci pourrait se noter comme sur le deuxième instant-clef en utilisant une ligne de mouvement, mais il est plus économique d'adjoindre au tiret correspondant au pied gauche un petit trait oblique (qui est dérivé de ce qu'on appelle le symbole de contact). (Exercice : Si le trait oblique était placé au niveau du pied droit plutôt qu'au niveau du pied gauche, à quel enchaînement de mouvements correspondrait la notation ?)

(Sur la figure précédente, j'ai utilisé une ligne de mouvement. En toute rigueur, il est plus idiomatique de représenter les pas en notation Benesh par ce qu'on appelle des lignes de locomotion. Comme leur lecture est plus difficile, j'ai préféré éviter de les utiliser ici.)

Pour le moment, les pieds sont posés à plat sur le sol. Dans l'exemple suivant, j'ai utilisé un signe spécifique (un tiret auquel un petit rond est adjoint) indiquant que c'est le talon qui touche le sol :

“di-di-tai”

Partant de la position assise, on pose le talon droit sur le côté droit (deuxième instant-clef), puis on exécute une frappe du pied gauche (notez la petite ligne de mouvement sur le troisième instant-clef) et on exécute une frappe du pied droit qui revient à côté du pied gauche (quatrième instant-clef). Cette suite de mouvements de pieds est très courante dans le bharatanatyam et est accompagnée lors de la pratique par les onomatopées rythmiques ou bols di-di-tai.

Le symbole utilisé dans le dernier instant-clef des deux exemples précédents est un symbole de fermeture indiquant le mouvement vers une position fermée, en l'occurrence pieds joints. On peut utiliser plusieurs de ces symboles à la suite pour noter des frappes de pieds, comme dans l'exemple suivant qui est le troisième Tatta Adavu :

Tatta Adavu nº3

Cet exemple permet d'introduire d'autres symboles. Pour la position assise initiale, j'ai indiqué la position des mains au niveau de la taille avec le symbole de contact (un trait oblique pour chaque main). J'ai également indiqué la métrique utilisée dans cet adavu se dansant sur quatre temps : trois frappes de pieds et un temps vide. Le dernier temps vide est indiqué par un signe au-dessus de la portée. Enfin, j'ai utilisé une barre de répétition comportant une ligne oblique et une ligne droite, ce qui signifie que la répétition se fait en miroir, en alternant les côtés : à droite, puis à gauche. (Dans certaines écoles de bharatanatyam, comme celle de Sucheta Chapekar, guru de ma prof, le troisième Tatta Adavu se danse sur trois temps au lieu de quatre, sans gap.)

Le signe indiquant les pieds peut être placé verticalement à différents endroits par rapport à la ligne du bas de la portée. Ceci permet de distinguer un pied à plat (ou sur le talon) d'un pied en demi-pointe :

Tai Hat Tai hi

Sur le premier instant-clef, les tirets se confondent avec la ligne de la portée : les pieds sont en demi-pointe (et dans cet exemple le signe courbe en-dessous des pieds indique en outre que l'on exécute un petit saut). Au deuxième instant-clef, les tirets sont placés sous la ligne : les pieds sont posés à plat. Sur cet exemple, on a ainsi une alternance entre pieds en demi-pointe et pieds à plats. Cette alternance est typique des Khudita Metti Adavus accompagnés des bols tai-hat-tai-hi. La chorégraphie de Janaki Rangarajan commence d'ailleurs par un des adavus de cette série. (On pourra noter que sur les deuxième et quatrième instants-clefs, un signe nouveau apparaît au dessus de la portée : il est utilisé pour indiquer que l'instant-clef ne tombe pas sur un temps, mais sur une subdivision d'un temps en deux. D'autres signes sont utilisés pour des subdivisions en 3 ou 4.)

Pour le moment, tout se passe dans le plan du corps. Deux nouveaux signes sont nécessaires pour indiquer un pied (ou une main) placé à l'avant du plan du corps (un trait vertical) ou à l'arrière du plan du corps (un point) :

Symboles représentant les pieds

De ces symboles sont dérivés les symboles utilisés pour les genoux (et les coudes). Les tirets se transforment en croix et le rond en une croix tournée de 45°.

Symboles représentant les genoux

La chorégraphie de Janaki Rangarajan

Il est maintenant possible d'analyser le début de la chorégraphie du Jati de Janaki Rangarajan. Tout d'abord, il me semble important de bien comprendre ce qui se passe d'un point de vue rythmique. Pour cela, il peut être utile de s'imprégner de la pulsation de la mesure à six temps dans les dizaines de secondes précédant le Jati sur la vidéo ci-dessus. Il s'agit de Rupaka Tala qui suivant les théories ou les pratiques diverses comporte au choix six temps ou trois temps. Du point de vue du solfège occidental, on peut dire que le cycle est composé de six croches ou de trois noires. On considérera ici que ce cycle a six temps. (Les personnes qui essaieront de déchiffrer les lignes rythmiques indiquées en bas observeront que je les ai notées en 3/4, c'est-à-dire avec trois noires par mesure. La noter en 6/8 aurait été une mauvaise idée parce que la convention en musique occidentale aurait impliqué que les six croches se répartissent par groupes de trois (6=3+3) plutôt que par deux (6=2+2+2).)

Normalement, si vous avez saisi la bonne pulsation (autour de 104 temps par minute), quand la nattuvanar a fini de dire Ginatom–, comptez de 1 jusqu'à 8, puis comptez de nouveau de 1 à 8. Normalement, quand vous arrivez à 5, vous voyez la danseuse passer de la position assise à la position debout. (Si ce n'est pas le cas, recommencez en comptant deux fois plus vite ou deux fois plus lentement...) Une fois ceci acquis, vous pouvez essayer d'observer le découpage du Jati en 8+8+(3+3+6)+(3+3+6)+5+5+4=54, i.e. comptez de 1 à 8, recomptez de 1 à 8, puis de 1 à 3, etc. Après le dernier compte de 1 à 4, le chanteur intervient et la musique redevient mélodique. Le nombre total de temps est 54=9×6, c'est-à-dire qu'après Ginatom–, le Jati s'étend sur 9 cycles de Rupaka Tala. Toutefois, le découpage que j'ai donné plus haut est très différent du découpage régulier qui serait donné par le Tala : 6+6+6+6+6+6+6+6+6=54. Il s'agit là d'une des difficultés rythmiques du bharatanatyam : les motifs qui se répètent ne commencent pas toujours au début d'un cycle et ils peuvent enjamber plusieurs cycles. Sans la musique qui précède, il serait pour ainsi dire impossible de deviner que le cycle rythmique est Rupaka Tala...

Pendant la phrase initiale Dhalan–guTakadhikuTakatadhinGinatom–, la danseuse se met en position assise, les mains au centre près du corps dans le mudra Katakamukha. Dans l'article Notating Indian Dance de Rudolf & Joan Benesh et Marianne Balchin, Sangeet Natak nº9 (1968) que j'ai pu consulter à la médiathèque du Centre national de la danse, les auteurs ont l'ambition de noter les positions des mains par un système de notation qu'ils esquissent (par exemple P6 avec un point au-dessus du 6 pour le mudra Shikhara) ; cela me paraît un peu trop optimiste de leur part. Il me semble préférable de procéder comme dans le chapitre X consacré aux danses indiennes de Reading Dance, The Birth of Choreology de Rudolf & Joan Benesh : utiliser une abréviation des noms des mudras, comme Km pour Katakamukha, Ap pour Alapadma, Pt pour Pataka, Tp pour Tripataka. (Pour certains mudras comme Pataka ou Tripataka, il convient de préciser aussi la façon dont la main est tournée, ce que j'ai indiqué à partir de la quatrième mesure sur la partition.)

La position initiale du Jati se note ainsi :

Position de départ du Jati

Les coudes sont écartés et les mains légèrement vers l'avant du corps. (L'écartement des coudes dicte la distance entre les mains et le corps : si les mains étaient davantage vers l'avant, les coudes seraient moins écartés.)

La position précédente est la position de départ d'un des Khudita Metti Adavus que la danseuse exécute pour commencer. Cet adavu consiste en deux répétitions de la séquence suivante :

Début du Jati

Les mouvements des pieds correspondants (tai-hat-tai-hi) ont déjà été décrits plus haut. Au niveau des mains, la seule variation par rapport à la position initiale réside dans le symbole utilisé pour la main droite sur le premier instant-clef. C'est un rond et non un tiret, ce qui signifie que la main est à l'arrière du corps. Comme le coude n'est pas noté, il faut comprendre que le bras droit est tendu. La main droite est en Alapadma, mais la main gauche reste en Katakamukha, c'est pourquoi j'ai précisé entre parenthèse l'initiale de droite pour indiquer que le changement de mudra ne concerne que la main droite. Sur le troisième instant-clef, la main droite revient à la position initiale, en Katakamukha. Comme il existe des symboles pour représenter les positions de la tête, en toute rigueur, on pourrait indiquer sur le premier instant-clef que la tête se tourne vers la droite (puis se remet de face au troisième instant-clef), mais ce n'est pas nécessaire dans le style bharatanatyam puisqu'il est implicite que l'on doit ici regarder la direction indiquée par la main qui se déplace. (Pour simplifier, j'ai utilisé ici l'écriture visuelle. Le fait que le bras droit soit tendu derrière le corps à la hauteur des épaules va impliquer une rotation du torse la droite. Une autre façon d'analyser ce mouvement correspondant à ce que l'on appelle l'écriture de base serait d'indiquer d'une part que le bras se tend sur le côté droit et que le torse se tourne de 90 degrés, mais cela nécessiterait d'introduire un nouveau signe.

La chorégraphie se poursuit avec une variante debout de la suite de pas di-di-tai vue précédemment :

“di-di-tai”

La bras droit se déplie pour se tendre vers le côté droit, la main s'ouvrant en Alapadma. Une ligne courbe s'étend au-dessus de la portée : c'est le symbole de legato indiquant ici que le mouvement du bras commence en même temps que la danseuse se lève. Sans ce signe, le mouvement du bras commencerait plus tard, juste après la frappe du pied gauche. (D'un point de vue rythmique, on pourra observer qu'au-dessus de la portée, on voit apparaître pour la première fois un trait oblique superposé à un point, il indique une subdivision des temps en 4 : l'instant-clef intervient un quart de temps après le début du temps en cours. Si le signe était tourné de l'autre côté, on serait un quart de temps avant le temps suivant.)

La partition peut en principe être déchiffrée en utilisant les indications déjà données jusque vers le milieu de la mesure 4. On peut observer que la portée servant à noter la chorégraphie comporte des blancs. Cela provient des répétitions (en miroir) dans la chorégraphie. Contrairement aux partitions musicales, en notation Benesh on laisse un espace en blanc pour les parties de la chorégraphie qui sont des répétitions. Par exemple, après la première séquence de 8 temps, j'ai laissé de la place (s'étendant sur 8 temps).

Pour aller plus loin...

Pour reprendre de façon plus détaillée ce que j'ai esquissé dans ce billet, je recommande de regarder les six petites vidéos d'introduction à la notation Benesh qui sont listées sur cette page. Ces vidéos utilisent le langage de la danse classique européenne et certaines spécificités du style de la Royal Academy of Dance, mais si on laisse de côté la courbure spécifique des bras dans le ballet et quelques autres particularités, la notation reste la même. Il ne faut pas trop s'inquiéter d'être un peu perdu quand Anuschka Roes prononce des expressions ésotériques comme closing in fifth position : il s'agit de positions des pieds qui ne sont pas immédiatement utiles pour noter le bharatanatyam.

Rudolf & Joan Benesh ont publié plusieurs livres sur la notation Benesh. Je ne les ai pas tous consultés, mais je peux dire que Reading Dance: The Birth of Choreology (Condor Book, 139 pages) est une lecture très agréable. (Il est assez facile de se procurer ce livre, neuf ou d'occasion.) Joan Benesh ayant pratiqué un peu le bharatanatyam, on pourra lire avec intérêt le court chapitre X qui lui est consacré. (L'article Notating Indian Dance, Sangeet Natak nº9 (1968) auquel j'ai fait référence plus haut est une lecture moins indispensable dans la mesure où cet article se place à un niveau très général qui ne permet pas d'approfondir la question : il n'est pas seulement question du bharatanatyam, mais aussi d'autres styles classiques ainsi que des danses folkloriques d'Inde.)

Un aide-mémoire sur la notation Benesh est disponible sur le site de l'Institut Benesh dépendant de la Royal Academy of Dance.

En français, Grammaire de la notation Benesh : manuel élémentaire d'Éliane Mirzabekiantz permet d'aller plus loin dans la notation Benesh, mais sa lecture me semble un peu plus difficile de prime abord. Le Centre Benesh est une association française promouvant la notation du mouvement. Le BeneshBlog vient d'être lancé.

Outre l'exemple que je traite dans ce billet, vous pouvez télécharger ce fichier PDF contenant une notation des quatre séries d'adavus (Tatta, Natta, Marditha, Khudita Metti) que j'ai apprises avec Arupa Lahiry (disciple de Chitra Visweswaran) à Kolkata et Delhi au cours de mon dernier voyage en Inde. Vous pouvez essayer de les déchiffrer (et constater qu'elles sont peut-être différentes de celles de votre école).

Ensuite, il convient d'avoir un crayon gris, une gomme et du papier à musique (PDF)...

Mes débuts avec la notation Benesh

En ce qui me concerne, je ne m'intéresse à la notation Benesh que depuis le printemps 2014. Pour m'entraîner, j'ai commencé par essayer de noter Shri Gana Natha, la première chorégraphie que j'ai apprise avec ma prof Jyotika Rao. Lors des cours que j'ai pris avec la danseuse Arupa Lahiry à Kolkata puis à Delhi cet été, j'ai surtout appris des adavus (par séries complètes). Une fois rentré à l'appartement que je louais, ou sur le chemin du retour, je pouvais essayer de noter les adavus qui me revenaient en mémoire, dans le désordre. Le fait de les noter m'aidait à mieux les comprendre et lors des cours suivants, je pouvais m'assurer que je ne m'étais pas trop trompé dans ma notation. À la fin de la série de cours, j'avais noté les quatre séries d'adavus qu'elle m'avait montrées : Tatta Adavus, Natta Adavus, Marditha Adavus, Khudita Metti Adavus (PDF).

Plus tard, à Pune, après chacune des quatre heures de cours que j'ai eues avec deux disciples de Sucheta Chapekar qui me montraient les mouvements de son Shiva Kautukam, je notais la chorégraphie en notation Benesh, ce qui m'aidait à la comprendre et à la mémoriser, de façon à ne pas être trop ridicule pour le dernier cours quand il s'est agi de montrer à Sucheta Chapekar où j'en étais arrivé et qu'elle me donne des conseils et corrections. Le temps passé à noter les morceaux de chorégraphie était assez réduit en comparaison de la durée des cours et de ma pratique personnelle entre les cours. La chorégraphie d'un peu plus de deux minutes tenait sur trois pages (ce qui est ni plus ni moins le nombre de pages qu'occupait la notation rythmique du texte de la musique, à l'indienne, sous forme de tableau), donc on peut considérer que la notation Benesh est relativement compacte. Par la suite, j'ai noté au fur et à mesure les autres pièces de bharatanatyam que j'ai apprises.

À partir de décembre 2014, j'ai suivi pendant cinq mois le Distance Learning Course 1 du Benesh Institute. Ce cours à distance est très bien fait. Il suppose une certaine connaissance de la terminologie du ballet. Étant aussi balletomane, ce cours m'a aussi permis d'approfondir ma connaissance du vocabulaire du ballet en même temps que la notation Benesh.

Remarques sur d'autres méthodes de notation de la danse

Deux grands systèmes de notation de la danse sont utilisés en danse classique ou en danse contemporaine. Outre la notation Benesh, il existe aussi le système de notation Laban, que je n'ai pas regardé en détail, mais il est à noter que la danseuse de bharatanatyam Rukmini Vijayakumar, en plus de son initiation à d'autres styles de danses comme le ballet, a également reçu une formation en notation Laban.

Dans le livre Bharatanatyam édité par Sunil Kothari se trouve un chapitre intitulé Dance Notation of Adavus rédigé par Padma Subrahmanyam. Cent quatorze adavus appartenant à treize familles y sont décrits. Elle y utilise son propre système de notation utilisant de façon très différente que ci-dessus les lignes d'une portée musicale. Ce système de notation n'est pas aussi complet que la notation Benesh puisque seules les positions des pieds y sont notées. Sans les compléments d'information apportés par les lignes de texte et photographies qui les accompagnent, les séquences notées ne peuvent donc pas être comprises.

Une alternative est de représenter la danse comme une suite de petits dessins schématiques, comme cela apparaît par exemple dans le Manuel traditionnel du Bharata-Nâtyam, Le Danseur Cosmographe de Katia Légeret. Un des intérêts de la notation Benesh est de dispenser le notateur de la nécessité de posséder quelque talent que ce soit en dessin !

Je serais particulièrement intéressé par d'éventuels retours sur ce billet ou par des informations à propos d'autres personnes ayant utilisé la notation Benesh (ou un autre système de notation) pour le bharatanatyam ou d'autres styles de danses classiques indiennes. (Vous pouvez utiliser les commentaires ci-dessous ou mon adresse email joel.riou@normalesup.org.)

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Camille au Mas Flores de Llum à Los Masos

2014-09-21 12:21+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Mas Flores de Llum, Los Masos — 2014-09-13

Camille, danse bharatanatyam

Sucheta Chapekar, chorégraphies

Jyotika Rao, reconstitution de la chorégraphie du Varnam

Arundhati Chapekar, chorégraphie du Ranga Dwara

Namaskar

Alarippu (Rupaka Tala)

Prastar (9 temps)

Shiva Kautukam (Chatushra Eka Tala)

Mate Sarasvati (6 temps)

Varnam “Sami yei vara sholadi” (Raga Purvi Kalyani, Adi Tala)

Ranga Dwara (Adi Tala)

Nritya Mangalam (Mishra Tala)

Cela faisait un moment que j'attendais que se présente une occasion de voir un récital solo de Camille, l'élève la plus avancée de ma prof de bharatanatyam Jyotika Rao. La première fois que je l'ai vue danser, il y a deux ans, c'était dans un Shiva Kautukam. Les trois minutes de sa performance m'avaient semblées tout à fait extraordinaires. Depuis, j'ai eu de nombreuses occasions de la voir danser d'autres pièces de danse pure ou comportant une composante pas exactement narrative, mais au moins évocatrice : il s'agit alors de rendre hommage aux dieux en évoquant leurs qualités et hauts faits. La consision des poèmes utilisés dans ce type de pièces, aussi belles soient-elles, ne permet pas d'élaborer une véritable narration. C'est donc avec un intérêt particulier que je l'avais vue pour la première fois danser un Varnam, en duo avec Laure, une autre élève avancée. Pour la première fois, ses qualités de mime étaient utilisées pour représenter des personnages humains.

Revoir ce Varnam interprété en solo au sein d'un récital complet ayant à peu de choses près la forme du Margam serait assurément une tout autre expérience. Je me suis donc dirigé vers le Sud de la France, à quelques dizaines de kilomètres de Perpignan, à Prades, en contrebas du mont Canigou :

Photo canigou
Mont Canigou

Après avoir visité la magnifique église datant de 1610, j'ai entrepris de marcher vers le Mas Flores de Llum situé dans le village voisin de Los Masos. À mi-chemin, j'entends un Namaste provenant d'une voiture avec à son bord deux femmes, dont l'Indienne en sari ayant préparé de délicieuses spécialités indiennes pour les spectateurs du récital. J'ai donc pu m'épargner les quelques kilomètres de marche restants.

Quand l'heure du récital sera venue, la salle sera pleine, la soixantaine de spectateurs ayant pris place sur les chaises ou coussins placés sur le parquet à quelques centimètres des pétales de fleurs délimitant l'espace scénique.

Le récital a commencé par un magnifique Namaskar. Dans cette salutation silencieuse aux maîtres et au public, la danseuse s'excuse auprès de la Terre de la souffrance qui lui sera infligée du fait des frappes de pieds. Cela n'a duré que quelques secondes, mais l'exécutation a été tellement pleine de grâce et de majesté que j'ai presqu'eu du mal à contenir mon émotion.

La première pièce du récital proprement dit a été un délicieux Alarippu à trois temps. Si je reconnais quelques enchaînements (adavus) exécutés, ce que je vois est néanmoins à l'opposé de la froideur géométrique de certaines écoles. De quasi-imperceptibles petits mouvements ajoutent une saveur particulière à ces enchaînements qui paraissent plus courbes et harmonieux. Bref, je crois reconnaître des adavus, mais je me rends compte que je ne les connaissais pas vraiment.

Le récital se poursuit avec Prastar, un hommage à la Déesse que j'ai déjà vu de nombreuses fois. Utilisant un rythme à 9=5+4 temps de musique hindustani, cette pièce évoque Saraswati, la Déesse des Arts représentée avec sa vînâ, la bienveillante Lakshmi, qui apporte la prospérité, et la féroce Durga dont la monture est un tigre.

Vient ensuite Shiva Kautukam. Il s'agit de la pièce que j'ai apprise à Pune avec Sucheta Chapekar et deux de ses disciples. Si la version que je connais est censée être plus masculine, la danse de Camille ne manque aucunement de vigueur ! Si du point de vue rythmique, les deux versions sont identiques, les mouvements de bras et de mains me donnent, comme dans l'Alarippu, le sentiment de voir un tableau harmonieux et raffiné alors que la version que je pratique ne semble n'en être qu'au stade de l'esquisse grossière. Ce que j'ai préféré plus que tout dans cette pièce, plus encore que le Kautukam proprement dit, c'est le Shloka en l'honneur de Shiva qui a précédé. Il évoque l'assemblée de dieux et musiciens célestes qui se sont réunis pour assister à la très impressionnante danse cosmique de Shiva (Tandava).

La pièce suivante sur un poème de Tagore s'intitule Mate Sarasvati. Du strict point de vue musical, il s'agit à mon goût de la pièce la moins intéressante du récital, la même mélodie étant inlassablement répétée en arrière-plan. Ceci permet certainement de se repérer dans le cycle rythmique à 6 temps, mais c'est à peu près tout. Les quelques courts moments évocateurs de la chorégraphie représentent Sarasvati comme Déesse des Arts et de la parole. Elle joue de la vînâ et le son de la musique déclenche le plaisir esthétique de ceux qui l'entendent. Les passages de danse pure sont extrêmement développés, très vifs et très complexes d'un point de vue rythmique ! Ceci fait que cette pièce est sans doute la plus spectaculaire du programme.

La pièce centrale du récital est un Varnam dans lequel l'héroïne se languit de Muruga. Avant ce récital, j'avais déjà vu ce Varnam interprété par Jyotika Rao au Cendre Mandapa, et plus récemment en duo par Camille et Laure. Au troisième visionnage, je découvre toujours de nombreux détails, comme les nombreuses références au paon, la monture de Muruga. Un épisode complet du Varnam que je n'avais pas compris a commencé à prendre sens pour moi : la chorégraphie raconte en effet les raisons de la naissance de Muruga, né pour tuer le démon Taraka qui ne pouvait être vaincu que par un fils de Shiva. Je me délecte des nombreux détails de la chorégraphie, comme l'utilisation de fleurs florales différentes par l'archer Kama, ou par l'intervention d'un oiseau servant de messager à l'héroïne pour le mot qu'elle vient d'écrire. Le passage le plus délicieux du Varnam a été pour moi l'insistance désespérée de l'héroïne auprès de son amie (sakhi) pour qu'elle aille rapporter ses paroles à Muruga : Vas-y ! Maintenant, tout de suite ! Mais... vas-y !.

L'avant-dernière pièce est le très vif Ranga Dwara évoquant Krishna. Il est représenté avec sa flûte et sa plume de paon. Dans cette chorégraphie d'Arundhati, la fille de Sucheta Chapekar, les mouvements de pieds sont particulièrement originaux, et coordonnés avec les mouvements de bras, ils induisaient souvent une courbure particulière du corps.

J'e n'ai pas de souvenir précis de la dernière pièce Nritya Mangalam. Je me serais à vrai dire presque contenté de la présentation des mouvements qui avait précédé et qui était accompagnée de la récitation de vers sanskrits et de leur traduction. J'ai failli applaudir à la fin de cette présentation, mais la pièce proprement dite a ensuite été dansée sur un rythme à 7 temps pour s'achever sur le sentiment de paix (Shanta).

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Danses Manipuri au NCPA Mumbai

2014-09-19 14:02+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIII — Photographies

De retour à Mumbai, j'ai déposé ma valise dans un hôtel (pas excessivement cher, mais chambres minuscules) situé non loin de la gare Chhatrapati Shivaji Terminus :

Photo 664

J'avais déjà fait une très courte étape à Mumbai entre mes séjours au Gujarat et à Pune. Comme c'était le 15 août, fête de l'indépendance de l'Inde, ce monument était illuminé aux couleurs de l'Inde. Je n'avais alors pu photographier que le bâtiment administratif situé en face :

Photo 658

Au cours de l'après-midi, je me suis dirigé vers la cuisine centrale de la Pâtisserie Le15 et ai dégusté quelques fort bons macarons (bien meilleurs que ceux que j'avais mangés à Delhi) :

Photo 665

L'intérieur est beaucoup plus propre que l'extérieur !

Photo 666

Photo 667

Experimental Theatre, National Centre for the Performing Arts, Mumbai — 2014-07-23

Darshana Jhaveri, danse manipuri

Bimbavati Devi, danse manipuri

Danseurs et musiciens de Mumbai, Kolkata et du Manipur

Hommage à Guru Bipin Singh pour le 96e anniversaire de sa naissance

Le soir, j'ai assisté à un spectacle de danses Manipuri au NCPA Mumbai. Alors que je suis assis dans le hall, le critique de danse Dr. Sunil Kothari (qui était présent à Chennai pendant mon séjour lors la dernière saison de danse) me donne du Namaste !

Ce programme célèbre le 96e anniversaire du maître de danse Guru Bipin Singh décédé en 2000. Après une prière dansée par Bimbavati Devi, fille et disciple du maître, Sunil Kothari prononce un bref discours sur la danse Manipuri, qui est reconnue comme une des danses classiques de l'Inde. Le conférencier a souligné que Guru Bipin Singh avait initié une sanskritisation de cette danse. S'appuyant sur les traités sanskrits sur lesquels reposent d'autres styles classiques, il avait introduit dans ce style des éléments (des gestes de mains notamment) qui rendent plus classique le style Manipuri que certains pourraient ne considérer que comme une danse folklorique de l'état du Manipur, voisin de la Birmanie. Cela a été me semble-t-il tout l'enjeu de ce spectacle, en réalité un double spectacle.

Si l'orchestre a été le même pendant toute la représentation, deux troupes ont dansé successivement. La première est formée de danseurs originaires de Mumbai sous la direction de Darshana Jhaveri, elle aussi originaire de cette région, et qui était venue avec ses sœurs apprendre le style Manipuri auprès de Guru Bipin Singh. Si on laisse de côté les costumes spécifiques, ce qui me frappe le plus dans la danse de Darshana Jhaveri (74 ans !) et de ses disciples, ce sont les mouvements de mains, qui tournent en permanence, formant des sortes de spirales. La danse est dénuée de toute utilisation de position de mains (mudras) communes avec les autres styles de danses classiques ! J'ai l'impression de voir quelque chose de tout à fait nouveau pour moi. La danse me paraît complètement indéchiffrable. Les passages censés être plus ou moins narratifs (sur des thèmes liés à Krishna) me sont incompréhensibles, notamment parce que les danseurs n'utilisent pour ainsi dire pas l'expression faciale pour suggérer des sentiments : à un instant donné, je ne sais même pas si c'est Krishna ou Radha que Darshana Jhaveri représente ! Une des pièces est une compétition de virtuosité (sur le cycle rythmique Tivratal) entre les deux interprètes respectifs de Krishna et Radha, Krishna étant reconnaissable à la plume de paon agrémentant son costume. Une partie de la danse est constituée de spectaculaires pirouettes utilisant les genoux comme centre de rotation en contact avec le sol. D'autres mouvements de rotation autour de la scène rappellent les manèges qu'exécutent les danseurs de ballet ! Si avec cette première moitié de représentation, j'ai l'impression d'avoir assisté à un spectacle authentique issu d'une culture très différente, je reste perplexe parce que les codes me sont inconnus, et les aspects qui retiennent le plus l'attention du public (la virtuosité) ne sont pas ceux que je cherche en tant que spectateur de danse ; à certains moments, je n'ai donc pas pu m'empêcher d'éprouver quelqu'ennui.

Les danses de la première partie étaient toutes, ou presque toutes, des pièces chorégraphiées par Guru Bipin Singh que Darshana Jhaveri a remontées. Dans la deuxième partie, Bimbavati Devi, la fille du maître va présenter ses propres chorégraphies. Elle a manifestement poussé beaucoup plus loin que son père la sanskritisation du style Manipuri. Cette deuxième partie de spectacle m'a été beaucoup plus agréable parce que j'ai pu suivre davantage ce que les danseurs voulaient exprimer, mais cette classicisation fait aussi que ce spectacle est sans doute moins fidèle à la tradition et il est paradoxal que ceci vienne de la fille-même du maître dansant avec des disciples de Kolkata et du Manipur plutôt que de la première troupe dirigée par Darshana Jhavari qui est basée à Mumbai !

Ainsi la première pièce Mathura Nartan dansée par Bimbavati Devi évoque les bijoux de Krishna. La deuxième Dashavatar évoque de façon élaborée les avatars de Vishnu. Elle est interprétée par deux hommes. L'essentiel du temps, ils exécutent étrangement les mêmes mouvements narratifs de façon synchronisée. Je n'ai pas reconnu avec certitude tous les avatars, mais j'ai été particulièrement frappé par l'évocation de l'avatar de la tortue (Kurma) qui donne aux deux danseurs l'occasion de représenter le mythe du Barratage de la Mer de lait, les dieux et démons tirant chacun de leur côté sur le serpent Vasuki pour faire tourner le mont Mandara qui repose sur la carapace de la tortue. Depuis le passage du Ballet Royal du Cambodge à la Salle Pleyel en 2010, je n'avais pas revu cette partie du mythe représentée sur une scène de danse.

La pièce suivante est shivaïte : un groupe plus important de trois danseurs et trois danseuses interprète Shiva Bandhana. Elle est particulièrement saisissante par l'utilisation de poses renvoyant à l'iconographie que la multiplicité des danseurs permet de représenter simultanément. On voit ainsi notamment le danseur cosmique Nataraja et celui qui a la gorge bleue (Nilakantha). Shiva porte des cendres sur son front, la rivière Ganga s'écoule de son chignon, il joue du tambour Damaru, il monte Nandi et porte le trident.

L'avant-dernière pièce évoque la terrible Durga au trident et dont la monture est le tigre. Dans cette chorégraphie très classique, Bimbavati Devi représente semble-t-il aussi sa rencontre avec Shiva : l'archer Kama est réduit en cendres. La dernière pièce dansée par deux couples évoque le printemps Basanta, avec d'heureux couples d'oiseaux d'une espèce indéterminée et de perroquets. Cette pièce s'enchaîne avec une représentation de la célébration de la fête de Holi avec tous les danseurs, le percussionniste venant exécuter des figures acrobatiques tout en jouant de son instrument...

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Bharatanatyam à Pune avec Sucheta Chapekar et ses disciples

2014-09-18 12:38+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIII

Je suis arrivé à Pune un samedi après-midi. Une voiture m'attendait pour me conduire à l'IISER, un institut de recherche où je passerai la semaine et dont le bâtiment principal a été inauguré il y a quelques mois par le Président de l'Inde. J'y retrouve avec plaisir mes amis Supriya et Amit qui y travaillent depuis quelques mois et j'y donnerai au cours de la semaine plusieurs exposés de mathématiques. Les petits-déjeuners et dîners de la Guest House étaient excellents. Croyant bien faire les deux cuisiniers avaient initialement réduit la quantité d'épices ; je leur ai demandé d'utiliser la quantité normale. Progressivement, les plats devenaient de plus en plus épicés de jour en jour jusqu'à atteindre le parfait dosage.

Le dimanche après-midi, j'ai rendu visite à Sucheta Chapekar (guru de ma prof) et après discussion, il a été convenu qu'au cours de mon séjour j'apprendrais avec deux de ses disciples le Shiva Kautukam qui m'avait tant plu. Elle m'a aussi suggéré d'assister au spectacle qui allait se tenir quelques heures plus tard :

Jyotsna Bhole Sabhagruha, Pune — 2014-08-17

Priya Nimkar Joshi, bharatanatyam, chorégraphies

Sucheta Chapekar, chorégraphie du Tillana

Uttakaad Kavi, compositions

Dr. Sau Kalyani Namjoshi, discours

Manasi, Neha, Ambari, Saniya, Jai, bharatanatyam

Hommage à Ganesh

Offrande de fleurs

Solo

Padam

Tillana “Kalinga Narthana” (Raga Gambhira Nattai)

Une des disciples de Sucheta Chapekar a proposé un programme autour des compositions sur Krishna d'Uttakaad Kavi. Le 17 août était en effet le jour de Krishna Janmashtami, l'anniversaire de la naissance de Krishna.

Après quelques mots d'introduction, Dr. Sau Kalyani Namjoshi et Sucheta Chapekar ont inauguré le programme en exécutant quelque bref rituel propitiatoire sur l'espace scénique. Dr. Sau Kalyani Namjoshi a ensuite prononcé un long discours sur les différents aspects de Krishna. Après avoir salué le public de rasikas et récité un shloka sanskrit, elle a commencé sa conférence en marathi. Je n'ai strictement rien entendu à ce qu'elle disait, mais je pouvais au moins comprendre à quelles épisodes des épopées elle faisait référence en faisant attention aux noms propres qu'elles prononçait, comme Draupadi ou Ashwattaman.

Plus de trois semaines après le récital, les détails se sont quelque peu effacés de ma mémoire, mais je me souviens de la délicieuse première pièce exécutée par quatre jeunes disciples de Priya Joshi. Alternant passages expressifs et passages rythmiques (les césures étant adoucies par les interprètes de la musique enregistrée), elles ont évoqué Ganesh, fils de Parvati, puis de Shiva. Elles ont mis en valeur ses oreilles, sa monture, sa trompe. Priya Joshi a ensuite dansé en solo une offrande de fleurs souhaitant la bienvenue à Krishna si j'en crois le texte que j'entendais (Swagatam Krishna). Une des disciples a ensuite interprété une pièce décrivant à quel point Radha est intoxiquée par les ondes sonores produites par la flûte de Krishna qui parviennent à ses oreilles, tandis qu'autour d'elle abeilles et oiseaux semblent heureux. L'avant-dernière pièce du programme a été interprétée par Priya Joshi, il s'agit d'un Padam évoquant certains sentiments maternels de Yashoda s'en allant chercher de l'eau tandis que Krishna fait le fier avec ses bracelets et colliers.

Si toutes les pièces précédentes m'ont beaucoup plu, le frissonnomètre est monté beaucoup plus haut, à un niveau rarement atteint, pendant la dernière pièce dansée par quatre jeunes disciples. J'ai cru mourir de plaisir en voyant ce Tillana, la seule pièce du programme à avoir été chorégraphiée non pas par Priya Joshi mais par Sucheta Chapekar. J'ai immédiatement reconnu le fameux Tillana “Kalinga Narthanam” (Raga Gambhira Nattai). La chorégraphie est absolument magnifique. Krishna joue à la balle avec ses amis et la balle retombe dans la Yamuna. Krishna se dévoue pour aller la chercher, mais le serpent Kalinga y règne. La chorégraphie montre Krishna en train de dompter le serpent, représenté par trois danseuses représentant chacune une de ses têtes ondulantes. Cette scène est particulièrement impressionnante ! Il s'agit là d'un des plus grands moments de bharatanatyam auxquels j'aie assisté. Il est particulièrement plaisant que ce thème lié à l'enfance de Krishna soit interprété par de jeunes danseuses.

Les jours suivants, je suis retourné chez Sucheta Chapekar prendre un cours avec deux de ses disciples Mugdha et Prajaksha (qui devaient par ailleurs répéter une chorégraphie de groupe sur le Ramayana, Mugdha interprétant Lakshman et une autre disciple, Yashoda, interprétant (magnifiquement) Rama). Prajaksha me montrait les mouvements tandis que Mugdha marquait le rythme avec un bâton et rectifiait la chorégraphie en cas d'hésitation ou de doute (notamment sur des questions de rythme, quand je constatais des différences avec la partition rythmique que j'avais photocopiée). Chaque soir, je notais en notation Benesh les sections de la chorégraphie que j'avais apprises lors du cours (je reviendrai dans un prochain billet sur cette notation de la danse), ce qui m'aidait à comprendre la chorégraphie et à la mémoriser. Au bord de quatre heures de cours et pas mal de pratique, à quelques hésitations près, je pouvais plus ou moins danser la pièce, ce que mes deux professeures ont constaté lors du dernier cours. Le temps était donc venu de le faire voir à Sucheta Chapekar. Alors que nous n'avions travaillé jusque là qu'avec les bols, je me suis retrouvé à devoir le danser pour la première fois avec un enregistrement de la véritable musique devant la chorégraphe... Étonnamment, je suis arrivé à rester synchro avec la musique jusqu'au bout. Elle a fait quelques corrections à la chorégraphie et m'a donné des conseils et pour finir, elle m'a fait faire le Namaskar.

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Planning de septembre 2014

2014-09-06 13:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Planning

Après mon séjour en Inde, reprise des activités normales. Voici mon planning de septembre 2014 :

  • 2 septembre 2014 (Opéra Garnier) : Le Tanztheater Wuppertal a interprété Two Cigarettes in the Dark, plus Theater que Tanz.
  • 13 septembre 2014 (Mas Flores de Llum, Los Masos) : Avant de s'en aller très loin de la France pendant un an, l'élève la plus avancée de ma prof de bharatanatyam donne un récital dans le Sud de la France. Si je l'ai probablement déjà vu danser la plupart de ces pièces isolément lors de récitals collectifs, j'ai très hâte de les voir rassemblées dans un récital solo complet !
  • 17 septembre 2014 (Théâtre de l'ENS) : L'École normale supérieure organise une semaine indienne. Je recommande fortement aux cinéphiles d'assister à la projection de Charulata de Satyajit Ray qui aura lieu le 16 septembre. J'irai pour ma part à la soirée consacrée aux danses classiques indiennes le 17 septembre au Théâtre de l'ENS.
  • 18 septembre 2014 (Salle Pleyel) : Mon premier concert à Pleyel de la saison sera un concert de l'orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi, avec en soliste le magnifique violoncelliste Xavier Phillips.
  • 20 septembre 2014 (Opéra Garnier) : Défilé du Ballet de l'Opéra de Paris, suivi d'un programme Harald Lander/William Forsythe. J'ai déjà vu les pièces de Forsythe qui sont programmées, mais je découvrirai avec curiosité Études de Lander.
  • 23 septembre 2014 (Salle Gaveau) : Les trois jeunes chefs des Talents Adami dirigeront l'orchestre Colonne dans un programme assez enthousiasmant a priori (Prokofiev/Chostakovitch/Stavinsky).
  • 26 septembre 2014 (Centre Mandapa) : La superbe danseuse de bharatanatyam Janaki Rangarajan dansera son programme Antaryatra: The Journey Within.

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Gati Summer Dance Residency : six créations de danse contemporaine au Max Muller Bhavan

2014-08-04 15:19+0530 (ग्रेटर नोएडा) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIII — Photographies

Mardi dernier, je me suis rendu à l'autre bout de Delhi, dans le quartier de Malviya Nagar pour retirer une entrée (gratuite) pour la première représentation du spectacle All Warmed Up en clôture de la Gati Summer Dance Residency.

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Six danseurs-chorégraphes (cinq indiens, une sri-lankaise) ont travaillé pendant dix semaines avec d'autres artistes (comme Padmini Chettur) pour mettre au point une pièce de danse contemporaine. Pour me rendre sur place, j'ai suivi les indications précises de leur site, mais elles oubliaient de préciser que de quelque côté que l'on marche sur la Press Enclave Road, il faudrait souffrir la puanteur de tas d'ordures :

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Le chemin du retour m'a fait passer devant le mall Select CityWalk. Je déteste ces lieux où l'on chercherait en vain toute trace de civilisation :

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Aucun des restaurants ne m'a paru intéressant, agréable et à des prix raisonnables. Alors que j'allais sortir, je suis tombé sur une pâtisserie appelée L'Opéra. Il en existe plusieurs à Delhi. Les tarifs sont à peu près les mêmes qu'en France. Une expatriée m'a dit plus tard qu'ils faisaient du très bon pain. Le mille-feuilles et le macaron que j'y ai mangés m'ont rendu beaucoup moins enthousiaste...

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Siddharta Hall, Max Mueller Bhavan, Goethe-Institut, Delhi — 2014-07-31

Ghostape, son

Govind Singh Yadav, lumières

Riya Mandal, chorégraphie, danse, costume

unfold @ 70bpm (création)

Rajan Rathore, chorégraphie, danse, costume

Sasha Shetty, danse

parallel (création)

Venuri Perera, chorégraphie, danse, costume

traitriot (création)

Rachnika Gopal, chorégraphie, danse, costume

looking within without (création)

Avantika Bahl, chorégraphie, danse, costume

110048, M81 (création)

Mirra, chorégraphie, danse, costume

according to official sources... (création)

Je suis arrivé très en avance au Max Mueller Bhavan jeudi soir. Il pleuvait assez fort. Pas grand monde sachant me dire où se trouvait le Siddharta Hall, que j'aurais trouvé plus facilement si j'avais ignoré son nom. De toute façon, il n'ouvrira pas avant 19h. En attendant, je tourne en rond, je vois pour la première fois ici des toilettes messieurs signalées par Herren. Le petit monde de la danse contemporaine à Delhi arrive progressivement, se fait la bise, etc. Quand la porte ouvre enfin, je profite de la fraîcheur de l'air conditionné et m'installe dans la salle qui sera pleine à craquer avec 90 spectateurs environ. (La deuxième des trois représentations prévues était déjà complète au moment de cette première.)

La première pièce est interprétée par Riya Mandal. La musique est une pulsation régulière (70bpm) dans laquelle s'insinueront des subdivisions. La danseuse est d'abord assise et réalise des mouvements du visage plus ou moins grimaçants à 70 bpm. Le mouvement s'empare progressivement de tout son corps (comme dans un Alarippu) et elle abandonne aussi sa chaise. Les mouvements de mains plus ou moins indépendants sont particulièrement fascinants. Cette entrée en matière est à mon avis une réussite.

La deuxième pièce est le sommet de la soirée. Il s'agit d'un duo entre Rajan Rathore (hip-hop) et la danseuse de ballet Sasha Shetty (qui me dira ensuite qu'elle apprend cette danse avec une prof russe, mais que leurs spectacles annuels n'ont lieu qu'en avril...). La pièce commence par une course-poursuite en rond dans l'espace scénique, chacun maintenant en permanence son regard dirigé vers l'autre. Les mouvements des deux conserveront un parallélisme jusqu'au bout. Si leurs mouvements ne sont pas toujours symétriques, ils sont toutefois réglés sur la même rythmique. On verra ainsi parfois Sasha Shetty utiliser des postures de danse classique tandis que Rajan Rathore exécute des mouvements de hip-hop. Un des moments forts de la pièce a été celui où les deux danseurs se tenaient debouts, penchés, épaule contre épaule, ce contact rendant l'équilibre possible. Il résume aussi le sujet de la pièce allant d'une opposition à union harmonieuse entre les deux danseurs.

Les trois pièces suivantes m'ont moins passionné. Toutes ont eu un côté hypnotique, mais je n'ai pas très bien saisi le message. Dans Traitriot, Venuri Perera (Sri Lanka) utilise la répétition de suites de mouvements de façon assez dérangeante, mais le contenu politique revendiqué de la pièce ne me paraît pas très clair (quelle est cette musique qui retentit à la fin ? est-ce un hymne ?)

Après l'entr'acte, Rachnika Goyal interprète looking within without. Il s'agit d'une méditation, ou d'une introspection en surplace. Le poids de la danseuse est bien passé d'un pied à l'autre une ou deux fois au cours de la pièce, mais pour ainsi dire seul le haut du corps a bougé, et très lentement, au cours de la pièce. Le fil de pensée du personnage m'est resté assez mystérieux, comme si un mur empêchait toute communication... Je n'ai rien contre ce type de danse, qui doit constituer une expérience très intéressante et éprouvante pour la danseuse, mais la présence du public n'est-elle pas superflue ?

Je suis aussi passé à côté de 110048, M81 d'Avantila Bahl. Elle a commencé par marquer l'espace en traçant une diagonale avec un rouleau adhésif. Plus loin, elle représentera semble-t-il des jeux d'enfants, notamment des jeux avec un arc ? La pièce devait évoquer la notion de Home, mais comme elle l'a expliqué à la fin, ce n'est pas tellement un chez soi qu'elle cherchait, mais un en soi.

Le programme s'est terminé en feu d'artifice avec la jubilatoire performance de Mirra (Arun). Elle a tourné en dérision les médias dans cette pièce according to official sources.... L'interprète est apparue avec une multiprise enroulée autour du cou ! On se croirait dans un ballet de Mats Ek. Je ne suis pas certain d'avoir saisi toutes les paroles prononcées par Mirra dans cette pièce en raison de son accent prononcé, mais il était semble-t-il question d'une annonce journalistique d'un drame mettant en scène des moustiques. Selon les sources officielles, certains d'entre eux étaient indiens et d'autres étrangers. La phrase But where is the plane  (ou quelque chose d'approchant phonétiquement parlant) revenait comme leitmotiv entre deux développements de charabia et avant que What a wonderful world apparaisse dans la bande-son. On pourrait penser que cette pièce n'était que drôle (cet aspect culminant avec l'utilisation par l'artiste d'un spray anti-moustiques), mais Mirra est aussi une remarquable danseuse. Elle utilise certes son corps de façon peu orthodoxe, mais sa technique m'a beaucoup impressionné et cela a contribué à faire de cette pièce celle que j'aie préférée avec le duo parallel de Rajan Rathore.

À l'issue de la représentation, les danseurs se sont prêtés à une agréable discussion avec la partie du public qui voulait bien rester. Je suis plutôt très content d'avoir assisté à ce programme !

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Geeta Chandran et la Natya Vriksha Dance Company au Chinmaya Mission Auditorium

2014-07-28 15:15+0530 (ग्रेटर नोएडा) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIII

Chinmaya Mission Auditorium, Delhi — 2014-07-26

Geeta Chandran, bharatanatyam

Natya Vriksha Dance Company, bharatanatyam

Rasānanda

Rarement un récital de bharatanatyam m'aura autant déçu... Ce programme a eu lieu à l'auditorium de la Chinmaya Mission près des jardins de Lodi (j'en ai profité pour visiter ces jardins, mais aussi les tombeaux de Najaf Khan et de Safdarjung et rencontrer le journaliste freelance Ankit Agrawal qui m'a fait goûter des Dahi Puri à l'India Habitat Centre). J'avais déjà eu l'occasion en 2009 d'aller à la Chinmaya Mission pour un récital de bharatanatyam de Sharanya Chandran. J'avais oublié son nom, mais je gardais le souvenir d'un récital de bonne qualité. Il se trouve que cette danseuse sera encore sur scène, mais elle ne sera qu'une des sept danseuses de la Natya Vriksha Dance Company de sa mère Geeta Chandran.

Les pièces sont annoncées de façon quelque peu prétentieuse par un speaker qui parle beaucoup pour ne rien dire. L'ensemble du récital m'a beaucoup ennuyé. J'ai pourtant eu l'impression de comprendre ce que voulaient exprimer les danseuses. Seules une ou deux scènes m'ont vraiment intéressé, ainsi que certains jeux de placement du corps de ballet dans des passages de danse pure.

La première pièce Mallari met en scène les sept danseuses et est plutôt réussie. Elle évoque un temple (de Shiva ?) et plus spécifiquement les cérémonies du soir au cours desquelles on promène la divinité autour du sanctuaire, les danseuses s'organisant pour former le cortège. Dans les passages de danse pure, je reconnais de plus en plus d'adavus, mais je constate aussi que les danseuses ne sont pas vraiment en position assise et que certaines font à peine semblant d'aller regarder leur main dans le dos... Jusque là, ce programme est plutôt honnête.

Les choses se gâtent sérieusement avec la pièce suivante Govindanandana que j'ai détestée. Dans ce solo, Geeta Chandran évoque divers aspects de Krishna. Elle commence par représenter l'Univers, puis après un jati peu convainquant, elle représente l'Océan cosmique, Vishnu sur le serpent Shesha et Lakshmi lui massant les pieds. Il s'agit à mon avis de la plus belle image de l'iconographie hindoue. Pourtant, j'ai trouvé affreuse l'interprétation de Geeta Chandran. Sa façon de faire apparaître le lotus du nombril de Vishnu-Padmanabha était particulièrement disgracieuse... Dans le chapitre suivant, elle évoque l'épisode de la Bhagavad Gita tandis que dans la musique enregistrée se fait entendre en boucle Parthasarathy ; sans le texte il n'est pas certain que j'aurais compris de quoi il s'agissait. La pièce se conclut par une évocation littérale mot à mot de l'Océan des réincarnations (Samsara Sagara).

La pièce suivante est un Varnam intitulé Vanajaksha interprété par les sept danseuses de Natya Vriksha. Elle évoque la vie du jeune Krishna dans une alternance entre passages rythmiques et passages narratifs, pas toujours très clairs. Les entrées et sorties des danseuses ne semblent obéir à aucune logique. Sharanya Chandran est semble-t-il une des danseuses les plus douées de la compagnie, elle incarne souvent le rôle de Krishna. Le seul passage vraiment remarquable de cette pièce (et de tout le récital) représente le jeune Krishna en train de jouer à la balle avec ses amis. La balle est lancée un peu trop loin et tombe dans un étang où règne l'effrayant serpent Kaliya. On voit alors Krishna retrousser ses vêtements, attacher ses cheveux et dompter le serpent. La scène était particulièrement impressionnante dans la mesure où les têtes multiples du serpent étaient figurées par trois danseuses. Dans une autre scène, Krishna vole les vêtements des pudiques bouvières qui étaient allées se baigner dans la Yamuna.

Le Tillana exécuté par le corps de ballet et évoquant très brièvement Krishna/Murali m'a semblé long et ennuyeux, mais pas autant que la pièce finale Bhuvaneshwara sur un poème de Tagore interprétée par Geeta Chandran.

Je n'ai pas osé demander à la critique Leela Venkataraman assise à quelques sièges de moi ce qu'elle avait pensé de ce programme...

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Kolkata, Srirampur, Chandernagor

2014-07-27 12:20+0530 (ग्रेटर नोएडा) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIII — Photographies

Je n'ai pour ainsi dire pas eu le temps de visiter Kolkata lors de ce séjour. Je me suis contenté d'explorer la Ganesh Chandra Avenue pour dénicher un bon stand de lassi ainsi que Chowringhee pour trouver un cyber-café. Près d'un marché, je me suis fait aborder par un photographe d'un journal local qui voulait semble-t-il me prendre en photo en train de photographier un drapeau allemand qui flottait à proximité.

Samedi (12), j'ai passé la fin de l'après-midi avec Abhishek (cf. Parasnath) à Srirampur où il tient l'unique boutique de livres de la gare. Assis à côté de lui jusqu'à la fermeture, j'ai pu voir à quel point il était charmant avec ses clients.

Monsieur Rabin Chattapadhyay nous a rejoint et il nous a fait voir quelques endroits de Serampur comme le collège, l'usine de jute au bord de la Ganga (comme tout le monde l'appelle, même si le nom Hooghly serait plus correct), des temples hindous de Radha-Krishna ainsi que de Jagannath. Une particularité de Srirampur est de disposer d'un tel temple ainsi que de la deuxième plus ancienne fête de Rath Yatra après celle de Puri (Odisha). S'il est défendu aux non-hindous d'entrer dans le temple de Puri, je peux maintenant m'enorgueillir d'avoir visité un temple de Jagannath... Comme la fête de Rath Yatra est proche, aux alentours du grand char s'organise une fête foraine. Outre une dégustation de jalebis, je me suis laissé entraîner par Abhishek dans une de ces attractions infernales où le chaos surgit de la superposition de trois mouvements de rotation...

Le lendemain matin, après un nouvel arrêt à Srirampur, je suis descendu à Chandernagor pour passer la journée (et une nuit) dans la maison d'Arijit (cf. 2008, 2010, 2012) qui était en construction lors de ma précédente visite il y a deux ans. J'ai encore une fois divinement bien mangé... Adrija a maintenant sept ans et est inscrite à une école où les cours se font en anglais ; elle est très à l'aise dans cette langue.

Le temps ne nous a pas permis de nous promener, juste de nous faire arroser, malgré la réparation de mon parapluie par un des des artisans dont c'est la spécialité. Avec Arijit, nous avons regardé le film Oh my God avec Akshay Kumar, une comédie plutôt honnête.

J'ai repris le train le lundi matin avec Arijit qui m'a présenté à ses amis du train direct Chandernagor-Howrah et puis nous avons traversé le fleuve. Nous nous sommes quittés peu après qu'il m'a fait voir le bâtiment de l'Assemblée législative où il travaille.

L'après-midi, je suis allé rendre visite à la danseuse de bharatanatyam Arupa Lahiry de la Chidambaram Dance Company de Chitra Visweswaram. Malgré ses indications précises, j'ai eu quelques difficultés à trouver l'endroit. C'est pourtant simple, après être descendu à Rabindra Sarovar, il suffit de prendre un premier rickshaw (tous collectifs dans ce quartier) en direction d'un poste de police, traverser un carrefour, marcher une centaine de mètres, monter dans un deuxième rickshaw jusqu'à une certaine intersection, tourner à gauche, prendre la petite ruelle à gauche jusqu'à une maison isolée... Nonobstant le jeune âge de cette danseuse, j'ai été agréablement surpris par ses qualités pédagogiques et sa connaissance des subtilités du sanskrit dans son explication du poème d'un kriti Sri Rajarajeshwari qu'elle a commencé à m'enseigner quelques jours plus tard. Après le premier cours, nous sommes allés dans un restaurant bengali avec Ganesh, un de ses amis percussionnistes ; ce n'est pas encore cette fois-ci que j'arriverai à payer ne serait-ce que ma part lors d'une sortie avec des Indiens... Le lendemain matin, j'ai repris un nouveau cours avec elle et fait connaissance avec son mari bassiste de jazz avant de prendre le Kolkata Rajdhani en direction de Delhi. Ayant exceptionnellement opté pour la première classe, j'ai profité de la très bonne nourriture servie à bord :

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Howrah Bridge

Photo 044
Thé à bord du Kolkata Rajdhani

Photo 046
Dîner à bord du Kolkata Rajdhani

Par le plus grand des hasards, il se trouve qu'Arupa était dans le même train que moi ! puisqu'elle va désormais habiter à Delhi. J'ai donc pu continuer à prendre des cours (6 en tout) avec elle près de la maison familiale non loin de ce temple de Kali (qui comporte deux sanctuaires secondaires de Krishna-Radha et de Shiva).

Photo 064
C. R. Park, Kali Mandir

Nous pouvions louer une petite salle dans une institution (école, clinique, etc) non loin de là. J'ai ainsi appris ou revu une trentaine d'adavus (les séries complètes des Tatta, Natta, Marditha et Khuditta Metti) que j'ai notés en notation Benesh (j'aurai l'occasion d'y revenir dans un prochain billet). J'ai aussi appris des extraits d'un kriti Sri Rajarajeshwari dont voici une notation des 20 secondes que durent le Swaram, assez tordu d'un point de vue rythmique...

Photo 094
Swaram en notation Benesh

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Le vite dit de juin 2014

2014-07-09 14:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Photographies

Salle Pleyel — 2014-06-02

Les Talens Lyriques

Christophe Rousset, direction musicale

Gyula Orendt, Orfeo

Emöke Barath, Euridice

Carol Garcia, La Musica, La Messagiera, Speranza

Elena Galitskaya, Proserpina, Ninfa

Cyril Auvity, Pastore

Alexander Sprague, Pastore

Nicholas Spanos, Pastore

Daniel Grice, Pastore

Gianluca Buratto, Caronte, Plutone

Damian Thantrey, Apollo

Chœur de l'Opéra de Lorraine

Merion Powell, chef de chœur

Ludovic Lagarde, Sébastien Michaud, création lumières

Orfeo (Monteverdi)

Je regrette presque d'avoir assisté à cette version de concert d'Orfeo qui n'a pas atteint les sommets de la version scénique donnée à la Cité de la musique à l'automne. Il devrait être interdit de modifier les réglages des lumières de la Salle Pleyel pendant qu'un orchestre joue : il est lamentable que le bruit de la motorisation des luminaires gâche ainsi un concert. Du point de vue vocal, les plus grandes sensations sont venues d'Elena Galitskaya.

Barbican Hall — 2014-06-05

Bernard Haitink, direction

Chamber Orchestra of Europe

Manfred, ouverture (Schumann)

Isabelle Faust, violon

Concerto pour violon (Berg)

Symphonie nº6 Pastorale (Beethoven)

La complexité topologique du Barbican Hall me donne une préfiguration de ce que sera peut-être la future Philharmonie de Paris. Je doute cependant que la nourriture y sera aussi appétissante...

Je n'ai pas accroché au Schumann, j'ai apprécié le concerto pour violon de Berg (plus tonal que je ne l'aurais imaginé) et j'ai évidemment adoré la Symphonie Pastorale qui était la raison de mon déplacement à Londres pour le week-end. C'était tout autant exaltant que la première fois que j'avais entendu le Chamber Orchestra of Europe et Bernard Haitink interpréter cette œuvre.

Royal Academy of Music — 2014-06-06

Maria Włoszczowska, violon

Schubert, Elgar, Ysaÿe

Le lendemain matin, suivant la suggestion de la meilleure directrice marketing du Chamber Orchestra of Europe, je suis allé à la Royal Academy of Music. Des récitals ou plutôt examens de fin d'année d'étudiants très avancés avaient lieu. La matinée a commencé par un récital de violon de Maria Włoszczowska, magnifique dans Schubert, Elgar et surtout Ysaÿe ! (Il est possible d'écouter certaines de ses interprétations à cette adresse.)

Royal Academy of Music — 2014-06-06

Tahirah Osborne, soprano

Pawel Siwczak, clavecin

Alexander Rolton, violoncelle

Yi-Ru Hung, piano

Allor ch'io dissi addio (Händel)

An die Laute, An die Sonne, Du liebst mich nicht, An mein Herz (Schubert)

Trois poèmes de Louise de Vilmorin (Poulenc)

Quatre chansons pour enfants (nº1 et 3) (Poulenc)

There's none to soothe, Sweet Polly Oliver (Britten)

Music, when soft voices die, Love's Philosophy (Quilter)

Vient ensuite le récital de la soprano Tahirah Osborne. Je ne sais pas s'il s'agit d'une contrainte de ce type d'examen, mais elle a chanté dans quatre langues : italien, allemand, français, anglais. Certains passages des Lieder de Schubert étaient très émouvants. Sa diction du français, sans être parfaite, était plus que correcte ; il ne m'était ainsi pas nécessaire de lire le texte fourni pour comprendre les Chansons pour enfants de Poulenc.

Barbican Hall — 2014-06-06

Leonidas Kavakos, violon et direction

London Symphony Orchestra

The Creatures of Prometheus, overture (Beethoven)

Tim Hugh, violoncelle

Enrico Pace, piano

Triple concerto (Beethoven)

Symphonie nº3 en mi bémol majeur Héroïque (Beethoven)

Délicieux concert du London Symphony Orchestra dirigé par le violoniste Leonidas Kavakos. Je ne dirais pas que c'était un concert extraordinaire, mais j'ai pris beaucoup de plaisir à écouter ces œuvres de Beethoven. L'entente entre les trois solistes dans le Triple Concerto de Beethoven faisait plaisir à voir. Lors de ce concert, j'étais au tout premier rang du Barbican Hall ; certains premiers violons n'arrêtaient pas de me faire des sourires !

Royal Opera House — 2014-06-07

Robert Carsen, mise en scène

Michael Levine, décors

Falk Bauer, costumes

Jean Kalman, lumières

Philippe Giraudeau, mouvements

Royal Opera Chorus

Renato Balsadonna, chef de chœur

Stephen Westrop, chef de chœur (pour cette production)

Orchestra of the Royal Opera House

Vasko Vassilev, premier violon

Simon Rattle, direction musicale

Yann Beuron, Chevalier de la Force

Thomas Allen, Marquis de la Force, son père

Sally Matthews, Blanche de la Force, fille du marquis

Neil Gillespie, Thierry, Leur valet

Deborah Polaski, Madame de Croissy, prieure

Anna Prohaska, Sœur Constance de Saint Denis

Sophie Koch, Mère Marie de l'Incarnation, sous-prieure

John Bernays, Monsieur Javelinot, Médecin

Emma Bell, Madame Lidoine, La nouvelle prieure

Yvonne Barclay, Sœur Antoine

Katy Batho, Sœur Valentine

Tamsin Coombs, Sœur Gertrude

Eileen Hamilton, Sœur Martha

Anne Osborne, Sœur Anne de la Croix

Deborah Peake Jones, Sœur Saint Charles

Dialogues des Carmélites, Poulenc

Les places debout du Royal Opera House sont d'un rare rapport qualité-prix. On voit toute la scène, pour ainsi dire de face ! J'ai même eu la chance de me tenir au même endroit qu'une certaine Julie Jones, comme le montre cette plaque commémorative :

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In Memory of Julie Jones Who Stood Here

J'assistais pour la première fois à une représentation de Dialogues des Carmélites. Je pense que ce n'est pas la dernière ! La mise en scène m'a semblée très réussie. Les lumières étaient remarquables. Du point de vue vocal, je retiens tout particulièrement la performance d'Anna Prohaska dans le joyeux rôle de Constance. Une faute de goût m'a un peu gêné dans l'émouvante scène finale : le son enregistré de la guillotine était un peu cracra...

Photo 109
Dialogues des Carmélites

Wigmore Hall — 2014-06-08

Atos Trio

Annette von Hehn, violon

Stephan Heinemeyer, violoncelle

Thomas Hoppe, piano

Trio pour piano en ré (Hob. XV:24), Haydn

Trio pour piano en mi mineur op. 90 “Dumky”, Dvořák

Allegro du Trio pour piano en la majeur (Hob. XV:18), Haydn

J'allais pour la première fois au Wigmore Hall pour un concert de musique de chambre. Je n'ai pas été particulièrement ému par ce concert. Le premier trio de Haydn que l'Atos Trio a interprété manquait un peu de mordant. S'ils l'avaient interprété comme ils ont joué le bis (de Haydn aussi), je pense que j'aurais passé un meilleur moment...

Le jour de mon départ, je me suis promené dans Londres, et je me suis retrouvé à proximité d'une manifestation de Sikhs pour l'indépendance du Khalistan... Trafalgar Square était orange de monde :

Photo 141

Photo 142

Je pense que la National Gallery voisine a rarement vu passer autant de visiteurs sikhs en une journée !

Les autres photographies que j'ai prises à Londres sont visibles là.

Mairie du troisième arrondissement — 2014-06-12

Jyotika Rao, nattuvangam, chant, danse

Matthias Labbe, mridangam

Joël Riou, tampura

Anjeli, Camille, Laure, bharatanatyam

Allaripu

Prastar (Camille/Anjeli)

Dashavatar (Anjeli)

Shiva Kautukam (Camille)

Jatisvaram (Jyotika/Anjeli)

Ranga Dwara (Camille)

Tillana (Jyotika/Laure)

Nritya Mangalam (Camille)

Je ne suis pas tout à fait objectif pour parler de ce spectacle puisque pendant la première moitié, je jouais du tampura pour accompagner ma professeure Jyotika Rao qui chantait et Matthias Labbe qui jouait du mridangam pour ce récital d'élèves avancées de bharatanatyam organisé à la mairie du troisième arrondissement. Les quatre cordes à vide du tampura sont censées être actionnées de façon indépendante du rythme de la musique, il n'est pas si facile d'en jouer pour accompagner la musique au rythme vif de la danse bharatanatyam, mais je ne m'en suis pas trop mal tiré. Bien que je n'aie vu le récital que de profil, le plus grand moment a été pour moi l'interprétation du Shiva Kautukam par celle-là même qui m'avait tant impressionné il y a un an et demi. J'ai vu cette danseuse interpréter beaucoup d'autres pièces depuis, mais il était particulièrement émouvant pour moi de la revoir tout en participant, très modestement, à la représentation de cette pièce. Je retiens aussi le très beau Dashavatar (avec une mention spéciale pour le nain Vamana) et le magnifique Tillana.

Salle Pleyel — 2014-06-16

Guy Braunstein, violon

Zvi Plesser, violoncelle

Sunwook Kim, piano

Sonate pour violon et piano en la majeur (Franck)

Trio pour violon, violoncelle et piano en la mineur (Ravel)

Trio pour violon, violoncelle et piano n°1 en si bémol majeur, op. 99 (Schubert)

Andante con moto du Trio pour violon, violoncelle et piano n°2 en mi bémol majeur, op. 100 (Schubert)

Merveilleux concert de musique de chambre ! Que l'on décide d'écouter ce qui paraît au premier plan ou que l'on tente de percevoir l'arrière-plan, tout semble magnifique... Les phrasés du violoncelliste Zvi Plesser étaient particulièrement beaux.

Opéra Garnier — 2014-06-23

Felix Krieger, direction musicale

Orchestre de l'Opéra National de Paris

Ballet de l'Opéra

Frédéric Chopin, musique (Mazurkas op. 6 nº2 et nº4, op. 7 nº4 et nº5, op. 24 nº2, op. 33 nº3, op. 56 nº2, op. 63 nº3 ; Valse op. 34 nº2, op. 69 nº2 ; Grandes valses brillantes op. 34 nº1 et op. 42 ; Études op. 25 nº4, nº5 et op. 10 nº2 ; Scherzo nº1 op. 20 ; Nocturne op. 15 nº1)

Jerome Robbins, chorégraphie (1969) réglée par Jean-Pierre Frohlich

Joe Eula, costumes

Jennifer Tipton, lumières

Vessela Pelovska, piano

Mathieu Ganio, en brun

Nolwenn Daniel, en jaune

Josua Hoffalt, en vert

Ludmila Pagliero, en rose

Karl Paquette, en violet

Charline Giezendanner, en bleu

Christophe Duquenne, en bleu

Amandine Albisson, en mauve

Aurélie Dupont, en vert

Emmanuel Thibault, en rogue brique

Dances at a gathering

César Franck, musique (1890)

Alexei Ratmansky, chorégraphie

Karen Kilimnik, décors

Adeline André, costumes

Madjid Hakimi, lumières

Accentus

Christophe Grapperon, chef du chœur

Laëtitia Pujol, Psyché

Marc Moreau, Eros

Alice Renavand, Vénus

Christelle Granier, Caroline Robert, Les deux Sœurs

Daniel Stokes, Simon Valastro, Adrien Couvez, Alexandre Labrot, Quatre Zéphirs

Psyché

Pas grand'chose à dire sur ce programme de danse du ballet de l'Opéra. S'il a comporté quelques beaux moments (dont le lancé de Nolwenn Daniel dans les airs magnifiquement rattrapée par Christophe Duquenne, une manœuvre spontanément applaudie par le public), j'ai trouvé Dances at a gathering de Robbins long, très long... Sinon, même avec de nouveaux costumes et la magnifique Laëtitia Pujol, Psyché de Ratmansky ne m'a pas convaincu. Par exemple, la chorégraphie du lancer de flèches par Eros est d'une très grande faiblesse par rapport à ce que je vois régulièrement dans la danse bharatanatyam quand Kama est représenté. Il reste néanmoins quelques photographies des saluts :

Photo 06
Charline Giezendanner, Christophe Duquenne

Photo 13
Psyché

Photo 16
Alice Renavand (Vénus)

Centre Jean Bosco — 2014-06-28

Élèves de Jyotika Rao, bharatanatyam

Alarippu

Shri Gana Natha

Jatiswaram

Varnam

Tillana

Récital de fin d'année des élèves de Jyotika Rao dont je fais partie. Diverses combinaisons d'élèves (duo, trio, quatuor) ont été présentées (la liste des pièces ci-dessus n'est pas exhaustive). Je dansais avec une autre élève Shri Gana Natha qui comporte une partie rythmique de danse pure et une partie évoquant Ganesh (Shloka) ; cela a dû durer à peine trois minutes en tout. Nous avons dansé tous les deux la partie rythmique, mais c'est moi qui ai dansé le Shloka et avais présenté les mouvements pour expliquer ce dont il allait s'agir au public. Cette explication était vraiment nécessaire parce que je pense que si j'avais vu cette pièce sans l'avoir travaillée, je n'y aurais pas compris grand'chose !

Si tout le programme s'est bien passé, deux pièces ont sans doute été plus remarquables que d'autres : le Varnam évoquant Muruga et dans lequel apparaît Kama, et le fabuleux Tillana qui a conclu le récital, deux pièces déjà dansées par Jyotika Rao au Centre Mandapa.

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Le vite dit de mai 2014

2014-07-08 22:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Pour le mois de mai, je ne suis pour le moment revenu que sur le récital de bharatanatyam de Jyotika Rao au Centre Mandapa. Voici mes brèves impressions sur les autres spectacles vus au cours de ce mois :

Salle Pleyel — 2014-05-03

Ballet royal du Cambodge

Son Altesse Royale la Princesse Norodom Buppha Devi, chorégraphie

Ombres et lumières

J'ai été moins enthousiasmé par ce spectacle du Ballet Royal du Cambodge que par celui que j'avais vu en 2010. Pourtant, il s'est agi d'une adaptation du Ramayana, un texte que j'apprécie beaucoup. Ce spectacle-ci m'a semblé beaucoup moins dansé que le précédent. Il associait pantomime et théâtre d'ombre. Pas de corps de ballet. Je suis resté sur ma faim. Je suis néanmoins fasciné par l'extrême concavité que peuvent adopter les mains des interprètes.

Théâtre du Châtelet — 2014-05-05

Jean-Yves Ossonce, direction musicale

Vishal Bhardwaj, mise en scène

Sudesh Adhana, scénographie et chorégraphie

Gunjan Arora & Rahul Jain, costumes

Dadi Pudumjee et The Ishara Puppet Theatre Trust, création des marionnettes

Renaud Corler, lumières

Orchestre Symphonique Région Centre-Tours

Chœur du Châtelet

Stephen Betteridge, chef de chœur et assistant du directeur musical

Paulina Pfeiffer, Kumudha

David Curry, Le Prince

Franco Pomponi, Le Narrateur

Ella Fiskum, danseuse soliste alter ego de Kumudha

Sudesh Adhana, danseur soliste alter ego du Prince

Dadi Pudumjee, Vivek Kumar, Simon T Rann, marionnettistes

A Flowering Tree, John Adams.

Il n'y a pas grand'chose à sauver de cette triste production de A Flowering Tree de John Adams, un opéra inspiré d'un conte indien : Kumudha, une jeune femme, possède le pouvoir de se métamorphoser en arbre en fleurs, ce qui la conduit à épouser un prince ; la sœur de celui-ci lui demande de se métamorphoser, mais ne se soucie pas de la faire reprendre son apparence initiale ; Kumudha devient difforme, et après une longue séparation, elle finit par retrouver son mari et son apparence. Le livret contient les rôles de Kumudha, du prince et un narrateur. Les personnages secondaires sont représentés par des marionnettes. C'est triste à dire, mais les passages les plus émouvants sont venus de ces marionnettes, ainsi que de la danseuse Ella Fiskum qui par ses mouvements suggérait la transformation en arbre. Il est manifeste qu'elle a intégré certains codes des danses indiennes dans son interprétation. Le chorégraphe Sudesh Adhana, qui dansait aussi, m'a semblé beaucoup moins convaincant...

Si certains (comme le critique Renaud Machart) ont trouvé le chœur remarquable d'un point de vue vocal, pour ce qui est des positions des mains empruntées aux danses indiennes, je trouve que cela manquait de travail. Il y avait essentiellement une seule position à retenir, Alapadma, qui évoque l'éclosion d'une fleur. Le moins que je puisse dire est que la plupart des fleurs évoquées par les choristes avaient triste mine, tout comme les affreux costumes...

Salle Pleyel — 2014-05-06

Orchestre Colonne

Laurent Petitgirard, direction

Mémoire du vent (Florent Motsch)

Juliana Steinbach, piano

Concerto pour piano et orchestre (Schumann)

Concerto pour orchestre (Bartók)

J'ai adoré l'œuvre contemporaine de Florent Motsch qui m'a fait penser au style spectral de Gérard Grisey. J'ai joyeusement détesté le concerto pour piano de Schumann ; bien qu'abhorrant ce compositeur, j'arrive en général à apprécier ce concerto espiègle, mais cette fois-ci je n'ai pas du tout aimé le jeu de la pianiste. En revanche, le concerto de Bartók était phénoménal !

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-05-07

Ensemble De Caelis

Laurence Brisset, direction, chant

Alia Sellami, chant arabe traditionnel

Estelle Nadau, chant

Florence Limon, chant

Caroline Tarrit, chant

Marie-George Monet, chant

Monodies, conduits et motets des XIIIe et XIVe siècles

Déserts (Jonathan Bell)

J'ai passé un plutôt bon moment pendant ce concert de musique a capella. Je me suis quelque peu inquiété à l'écoute de la première pièce, une monodie. Les œuvres polyphoniques qui ont suivi m'ont davantage plu. Bien qu'elles soient semble-t-il assez peu variées, j'ai aimé les ornementations présentes dans cette musique ancienne. Les plus beaux moments du concert sont toutefois venus des improvisations de chant arabe traditionnel d'Alia Sellami qui se greffait tout d'abord au chœur puis prenait parfois son indépendance. La deuxième partie du concert constituée de la pièce Déserts de Jonathan Bell était moins exaltante que la première.

Opéra Bastille — 2014-05-10

Chœur et Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Philippe Jordan, direction musicale

Alessandro Di Stefano, chef du chœur

Georges Bizet, musique (Symphonie en ut majeur)

George Balanchine, chorégraphie

Christian Lacroix, costumes

Madjid Hakimi, réalisation des lumières

Colleen Heary, répétitions

Amandine Albisson, Mathieu Ganio

Marie-Agnès Gillot, Karl Paquette

Ludmila Pagliero, Emmanuel Thibault

Nolwenn Daniel, Pierre-Arthur Raveau

Le Palais de cristal

Maurice Ravel, musique (version intégrale, 1912)

Benjamin Millepied, chorégraphie

Daniel Buren, scénographie

Holly Hynes, costumes

Madjid Hakimi, lumières

Sébastien Marcovici, assistant du chorégraphe

Aurélie Dupont, Chloé

Hervé Moreau, Daphnis

Eleonora Abbagnato, Lycénion

Alessio Carbone, Dorcon

François Alu, Bryaxis

Daphnis et Chloé (création)

J'allais assister à cette représentation un peu à reculons, mais je dois avouer que ce programme m'a semblé être une grande réussite. Le corps de ballet et de nombreux solistes ont brillé dans Le Palais de cristal de Balanchine. Mention spéciale à Amandine Albisson et les élégants entrechats qu'elle a interprétés portée par son partenaire. Je me suis néanmoins ennuyé pendant le mouvement lent de la Symphonie de Bizet interprété par Karl Paquette et Marie-Agnès Gillot (laquelle était complètement à côté de sa ligne lors du finale quand les solistes sont tous rassemblés et en principe alignés...).

Si les aspects narratifs et expressifs étaient assez peu développés dans Daphnis et Chloé de Millepied au point de rendre presqu'anecdotiques les deux rôles principaux (pourtant interprétés par Aurélie Dupont et Hervé Moreau), le public s'est enthousiasmé lors de l'incroyable solo de François Alu (Bryaxis). On ne voyait que lui, ainsi que Léonore Baulac ! Je ne suis habituellement pas un grand admirateur de Philippe Jordan, mais je dois admettre que l'œuvre de Ravel m'a semblé magnifiquement interprétée. Sinon, je n'ai aucun commentaire à faire sur la scénographie de Daniel Buren parce que manifestement les personnes assises au parterre n'ont pas du tout vu la même chose que moi depuis un des coins du deuxième balcon.

Salle Pleyel — 2014-05-17

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Andris Poga, direction

Jean Manifacier, mise en scène

Patrick Pleutin, décor

Vincent Malone, présentation

Sept danses d'après Les Malheurs de Sophie (Jean Françaix)

Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber (Scherzo), Hindemith

Sérénade pour cordes op. 48 (Pezzo in forma di sonatina), Tchaikovski

Carmen Suite (Boléro), Rodion Shchedrin

The Young Person's Guide to the Orchestra op. 34, Variations et fugue sur un thème de Purcell (Britten)

Candide, ouverture (Bernstein)

Sympathique concert pour jeune public de l'Orchestre de Paris auquel se sont joints des moins jeunes qui étaient venus écouter l'œuvre de Britten qui était programmée, très agréable à écouter, mais sans doute pas la plus géniale du compositeur.

Opéra de Massy — 2014-05-18

Orchestre de l'Opéra de Massy

Chœurs Les Cris de Paris

Compagnie Julien Lestel

Les Enfants de la Comédie

Dominique Rouits, direction musicale

Nadine Duffaut, mise en scène

Emmanuelle Favre, décors

Danièle Barraud, costumes

Jacques Benyeta, éclairages

Julien Lestel et Mallika Thalak, chorégraphies

Constantin Rouits, chef assistant

Mathieu Pordoy, chef de chant

Geoffroy Jourdain, chef de chœur

Vennina Santoni, Leïla

Julien Dran, Nadir

Alexandre Duhamel, Zurga

Jérôme Varnier, Nourabad

Mallika Thalak, danseuse soliste

Les Pêcheurs de perles

J'ai assisté à cette représentation des Pêcheurs de perles pour voir Mallika Thalak, une de mes danseuses de bharanatyam préférées. Le livret de l'opéra n'est pas très informé sur la culture hindoue : on y vénère très étrangement Brahma et la blanche Shiva... Une particularité de la musique est d'utiliser un leitmotif mélodique qui revient régulièrement dans la pièce, ce qui est d'autant plus agréable pour l'auditeur que cette mélodie est tirée du très beau C'est elle, c'est la déesse. Bref, cet opéra n'est pas un chef d'œuvre absolu, mais ce n'est pas si mal, pour un opéra français. La production est assez traditionnelle. Si on laisse de côté quelques affreux décors peints, c'est plutôt bien fait. J'ai particulièrement aimé les costumes, qui s'inspirent des costumes royaux moghols pour Zurga et qui utilisent toute la palette de couleurs pour les villageois, ce qui était du meilleur effet dans le dernier acte. Pour ce qui est des chanteurs, la seule réserve que j'ai eue, pendant le premier acte, concernait l'interprète de Leïla, qui ne m'a pas convaincu pendant les passages vocaux les plus acrobatiques ; une fois cette séquence passée, mes réserves se sont évanouies.

J'étais donc venu pour voir Mallika Thalak, et je ne l'ai pas regretté ! Le spectacle comportait des passages dansés. Il y avait du spectaculaire avec les danseurs et danseuses de la compagnie Julien Lestel, mais il y avait aussi des passages plus émouvants du fait de la présence de Mallika Thalak. C'est d'ailleurs elle qui ouvrait le spectacle en suggérant l'éclosion d'un lotus. Elle accompagnait les mouvements d'ensemble du chœur dont elle a supervisé la chorégraphie. Le moins que je puisse dire est que les choristes de cette production faisait beaucoup mieux le mudra Alapadma que ceux du Théâtre du Châtelet dans l'opéra A Flowering Tree mentionné plus haut ! (Il faut aussi mentionner les mouvements empruntés aux danses indiennes réalisés par les solistes : c'était très convaincant, et quand la prêtresse Leïla présentait symboliquement le feu à la divinité, ses mouvements étaient d'une justesse rare.) Dans certaines séquences, la danseuse Mallika Thalak apparaissait pour accompagner des passages chantés. Le plus beau de ces moments est intervenu avec l'air du ténor vers la fin du premier acte. Alors que le chanteur interprétait son air (en adoptant une posture assez statique), le sens des paroles était traduit en mouvement par la danseuse. C'était extrêmement émouvant ! et la vitesse modérée des mouvements permettait d'en apprécier encore davantage la beauté. L'Inde (ou plutôt le Sri Lanka) qui est représentée dans l'opéra est évidemment l'Inde phantasmée de l'époque de la composition, mais la danse présentée par Mallika Thalak m'a remarquablement semblée tout à fait respectueuse de la tradition.

(La moyenne d'âge des spectateurs de la représentation de ce dimanche après-midi devait être voisine ou supérieure à 60 ans. Avec la politique tarifaire de l'Opéra de Massy, ce n'est pas très étonnant. Certes, le modèle économique de l'opéra est fragile, mais que la griffe tarifaire se réduise à deux catégories (78€ en première catégorie, 72€ en deuxième) me semble relever d'une scandaleuse injustice sociale. Certes, c'est un tout petit peu moins hors de prix pour les habitants de Massy, mais sur le chemin du retour, je me suis dit qu'il ne devait pas y avoir beaucoup de lyricomanes parmi les personnes habitants entre la gare et l'opéra, puisqu'ils ont le malheur d'habiter la commune voisine d'Antony...)

Temple de Pentemont — 2014-05-23

Orchestre des Concerts Gais

Alexandre Korovitch, direction

Yannick Henri, piano

Concerto pour piano nº3 (Beethoven)

Marc Korovitch, direction

Symphonie nº35 (Mozart)

Pour ce concert gai, le temple de Pentemont avait une acoustique déplorable. J'ai beaucoup aimé le jeu du pianiste Yannick Henri dans le Concerto nº3 de Beethoven et j'ai adoré la Symphonie nº35 de Mozart dirigée par Marc Korovitch (qui reviendra une dernière fois diriger cet orchestre amateur fin novembre dans la Cinquième symphonie de Beethoven !).

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-05-24

Isabelle Druet, mezzo-soprano

Vanessa Wagner, piano

Chansons de Bilitis (Debussy)

La Mort d'Ophélie (Berlioz)

Préludes pour piano (Dutilleux)

Chanson de la déportée (Dutilleux)

La Geôle (Dutilleux)

Gibet (Ravel)

Clair de lune (Fauré)

Plutôt un bon moment sur l'instant, ce concert ne me laisse pour ainsi dire aucun souvenir un mois et demi après.

Cité de la musique — 2014-05-24

Chamber Orchestra of Europe

Semyon Bychkov, direction musicale

Symphonie nº8 “Inachevée” (Schubert)

Renaud Capuçon, violon

Concerto pour violon nº2 (Mendelssohn)

Mélodie (Gluck)

Symphonie nº7 (Beethoven)

Je n'aime pas beaucoup le chef Semyon Bychkov. La symphonie nº7 de Beethoven qu'il a dirigée ne pouvait évidemment pas rivaliser avec celle que Yannick Nézet-Séguin avait obtenu avec ce même orchestre à Édimbourg, mais elle a toutefois comporté de très beaux moments (en particulier dans les deux derniers mouvements).

Cité de la musique — 2014-05-25

Quatuor Les Dissonances

David Grimal, Hans Peter Hofmann, violons

David Gaillard, alto

Xavier Phillips, violoncelle

Ainsi la nuit... (Dutilleux)

Les Dissonances

Mystère de l'instant (Dutilleux)

Symphonie nº1 (Brahms)

De ce week-end Dutilleux, je me souviens surtout avoir apprécié Mystère de l'instant, qui présente l'originalité d'associer aux instruments à cordes de l'orchestre un cymbalum, cet instrument que l'on n'entend plus guère que dans le métro.

Cité de la musique — 2014-05-26

Les Siècles

François-Xavier Roth, direction musicale

Symphonie nº5 (Beethoven)

Muss es sein? (Dutilleux)

Métaboles (Dutilleux)

Gautier Capuçon, violoncelle

Tout un monde lointain (Dutilleux)

L'Apprenti sorcier (Dukas)

Je n'ai aucun souvenir des œuvres de Dutilleux programmées ce soir-là, mais je retiens bien sûr L'Apprenti sorcier de Dukas que j'entendais pour la première fois en concert, et surtout la Symphonie nº5 de Beethoven phénoménale qu'ont interprété les musiciens des Siècles.

Espace Jemmapes — 2014-05-31

Élèves de Kalpana

Mallari

Kautwam (Ganapati)

Kautwam (Murugan)

Jatiswaram

Kautwam (Shiva)

Jatiswaram

Dashavatar

Javali

Kirtana

Javali

Ashtapadi

Récital de fin d'année des élèves de bharatanatyam de Kalpana. Je retiens quelques pièces spectaculaires (les Kautwams) et surtout quelques délicieux pièces et parmi elles tout particulièrement le Javali dédié à Kama.

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Le vite dit d'avril 2014

2014-07-07 14:56+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Théâtre

Salle Pleyel — 2014-04-01

Mariss Jansons, direction

Royal Concertgebouw Orchestra

Frank Peter Zimmermann, violon

Concerto pour violon et orchestre nº3 en sol majeur, KV 216 (Mozart)

Symphonie nº7 en mi majeur (Bruckner)

Trois mois après, je n'ai aucun souvenir de la septième de Bruckner, mais je retiens l'extraordinaire talent du violoniste Frank Peter Zimmermann !

Opéra Garnier — 2014-04-05

Élèves de l'école de danse de l'Opéra

Orchestre des Lauréats du Conservatoire

Marius Stieghorst, direction musicale

Johann Sebastian Bach, musique (Concerto pour clavier et orchestre en ré mineur, BWV 1052)

Claude Bessy, chorégraphie

Ellina Akimova, piano

Concerto en ré

Holger Simon Paulli, musique

August Bournonville, chorégraphie (1858) réglée par Jacques Namont et Francesca Zumbo

Barbara Creutz-Pachiaudi, décors

Anaïs Kovacsik, Chun Wing Lam

La Fête des fleurs à Genzano

Edvard Helsted, Holger Simon Paulli, musique

August Bournonville, chorégraphie (1842) réglée par Élisabeth Platel

Barbara Creutz-Pachiaudi, décors

Napoli (Pas de six et Tarentelle)

Darius Milhaud, musique (1937)

Camille Saint-Saëns, Piotr Ilyitch Tchaikovski, Ludwig Minkus, rythmes de Bulerías, musiques additionnelles

José Martinez, scénario, chorégraphie et scénographie

Agnès Letestu, costumes

Gaëlle Sadaune, Tristan Lofficial, pianos

Andrea Sarri, Scaramouche

Scaramouche

Stephen Collins Foster, musiques (Chansons populaires de l'Ouest américain (1844-1864) interprétées par Thomas Hampson)

John Neumeier, chorégraphie, costumes et lumières (1996) réglée par Marianne Kruuse et Yohan Stegli

Yondering

Comme chaque année, j'ai assisté au spectacle de l'école de danse de l'Opéra, un des plus délicieux moments de la saison de danse. De Scaramouche, je retiens le bref moment où la musique et la chorégraphie se sont mis à évoquer la descente des ombres de La Bayadère. À ma grande surprise, l'œuvre la plus passionnante a peut-être été pour moi Yondering de Neumeier. Je me suis aussi délecté des œuvres de Bournonville et de la première pièce Concerto en ré de Claude Bessy qui pourrait aussi bien s'appeler Alarippu tant la similitude formelle est grande entre cette chorégraphie et le type de pièces de bharatanatyam portant ce nom : elles évoquent l'éclosion de la danse par la mise en mouvement progressive des différentes parties du corps des danseurs.

Salle Pleyel — 2014-04-07

Le Concert des Nations

Manfredo Kraemer, premier violon

Jordi Savall, direction

Music for The Tempest (Matthew Locke)

Concerto en fa majeur La Tempesta di mare pour flûte solo et cordes RV 433 op. 10 nº1 (Vivaldi)

Les Élémens (Jean-Féry Rebel)

Alcione : Airs pour les Matelots et les Tritons (Marin Marais)

Le Quattro Stagione : Concerto pour nº4 en fa majeur pour violon solo et cordes L'Inverno RV 297 op. 8 nº4 (Vivaldi)

Orages, tonnerres et tremblemetns de terre : Les Indes Galantes, Les Boréades, Hippolyte et Aricie, Zoroastre (Rameau)

J'écoute toujours avec un très grand plaisir Le Concert des Nations. Cette fois-ci, j'ai particulièrement aimé le style de direction de Jordi Savall, très souple dans ses mouvements mais néanmoins très précis dans sa battue. Le programme présentait diverses scènes de tempête (ce qui était assez raccord avec la météo de ce jour-là si je me souviens bien). Si j'ai été admiratif de l'audace du violoniste Manfredo Kraemer dont j'ai trouvé l'interprétation très intéressante dans L'Hiver de Vivaldi, il m'a parfois semblé que la virtuosité de l'œuvre le poussait parfois un peu trop près de ses limites.

Théâtre des Champs-Élysées — 2014-04-08

Jonas Kaufmann, ténor

Helmut Deutsch, piano

Winterreise (Schubert)

Si j'avais été bouleversé par l'interprétation de Jonas Kaufmann de La Belle Meunière en 2010, j'ai été moins enthousiaste par ce Voyage d'hiver. C'était vraiment très bien, mais je n'ai pas subi le raz de marée émotionnel escompté. Mon placement à l'un des côté du deuxième balcon du TCE n'a sans doute pas aidé...

Salle Pleyel — 2014-04-10

Roland Daugareil, violon solo

Orchestre de Paris

Cornelius Meister, direction

Hans Heiling, ouverture (Marschner)

David Bismuth, Adam Laloum, Emmanuel Christien, pianos

Concerto nº7 pour trois pianos, en fa majeur, KV 242 (Mozart)

Symphonie nº3 Écossaise (Mendelssohn)

Je me souviens avoir pris beaucoup de plaisir à l'écoute de la Symphonie écossaise. A posteriori, la programmation du concerto nº7 pour trois pianos de Mozart ne paraissait pas indispensable.

Salle Pleyel — 2014-04-13

Quatuor Artemis

Vineta Sareika, Gregor Sigl, violons

Friedemann Weigle, alto

Eckart Runge, violoncelle

Quatuor nº14 en ré mineur D. 810 “La Jeune Fille et la Mort” (Schubert)

Officium breve In memoriam Andreae Szervánszky, op. 28 (György Kurtág)

Elisabeth Leonskaja, piano

Quintette pour piano et cordes en fa mineur op. 34 (Brahms)

Au cours de ce programme du quatuor Artemis, j'ai vécu un des plus beaux moments de musique de chambre de toute la saison avec le merveilleux Officium breve In memoriam Andreae Szervánszky de Kurtág.

Salle Pleyel — 2014-04-14

Russian National Orchestra

Mikhaïl Pletnev, direction

Roméo et Juliette, extraits (Prokofiev)

Nikolaï Lugansky, piano

Concerto pour piano nº3 (Prokofiev)

La Belle au bois dormant, suite, arranement de Mikhaïl Pletnev (Tchaikovski)

On est rarement décu par le Russian National Orchestra... surtout avec un programme pareil !

Théâtre des Champs-Élysées — 2014-04-26

Orchestre de chambre de Paris

Thomas Zehetmair, direction

Strange Ritual (Manoury)

François Leleux, hautbois

Concerto pour hautbois (Strauss)

Symphonie nº3 Rhénane (Schumann)

L'extraordinaire François Leleux a joué le concerto pour hautbois de Strauss avec l'Orchestre de Chambre de Paris. Je suis parti juste après pour être sûr de rentrer de très bonne humeur chez moi.

Théâtre des Bouffes du Nord — 2014-04-29

Kathryn Hunter, Marcello Magni, Jared McNeill

Raphaël Chambouvet, Toshi Tsuchitori, musiciens

Philippe Vialatte, lumières

Arthur Franc, réalisation des éléments scéniques et régie plateau

Alice François, assistante costumes

Pierre-Heli Monot, surtitrage

Peter Brook, Marie-Hélène Estienne, recherche théâtrale

The Valley of Astonishment (création)

J'apprécie énormément le travail de Peter Brook. Avec Marie-Hélène Estienne, il présentait ce jour-là la première d'une recherche théâtrale intitulée The Valley of Astonishment. Avec très peu de moyens (quelques chaises, une ou deux tables), trois comédiens et deux musiciens, ce spectacle a évoqué divers aspects étonnants du cerveau humain. Un personnage ne pouvait bouger ses membres normalement : il devait les voir pour les animer d'un mouvement. Un autre associait des couleurs à des émotions. Une autre enfin, le personnage le plus émouvant du spectacle interprété par Kathryn Hunter, disposait d'une mémoire colossale. Elle n'oubliait rien, pas le moindre détail : une telle faculté peut paraître intéressante dans certains contextes, mais elle peut aussi s'avérer envahissante...

Cité de la musique — 2014-04-30

Roland Daugareil, violon solo

Orchestre de Paris

Paavo Järvi, direction

Une nuit sur le mont Chauve (Moussorgsky)

Tatjana Vassiljeva, violoncelle

Concerto pour violoncelle nº1 (Chostakovitch)

Valses nobles et sentimentales, version pour orchestre (Ravel)

Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber (Hindemith)

Enthousiasmant concert de l'Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi et de la violoncelliste Tatjana Vassiljeva. Les Valses nobles et sentimentales de Ravel m'ont paru quelque peu incrongrues entre Moussorgsky, Chostakovitch et Hindemith (lequel a inclus un délicieux mouvement utilisant une gamme chinoise dans ses Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber).

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Le vite dit de mars 2014

2014-07-07 10:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Dhrupad

Pour le mois de mars, j'ai déjà eu l'occasion de revenir sur le récital de Gayatri Sriram au Musée Guimet et sur le Dhrupad Festival à Utrecht. Voici de brefs souvenirs des autres spectacles que j'ai vus au cours de ce mois :

Cité de la musique — 2014-03-01

Les Dissonances

David Grimal, violon

Concerto pour violon et orchestre nº4 en ré majeur, KV 218 (Mozart)

Vicent Alberola, clarinette

Concerto pour clarinette en la majeur, KV 622 (Mozart)

Concerto pour violon et orchestre nº5 en la majeur, KV 219 (Mozart)

Très beau concert des Dissonances. L'orchestre et le soliste David Grimal m'ont semblé particulièrement magnifiques dans le Cinquième concerto pour violon de Mozart. J'ai apprécié aussi le clarinettiste Vicent Alberola aux très subtils pianissimi dans le concerto pour clarinette en la majeur. (Cela n'efface cependant pas tout à fait de ma mémoire l'interprétation de Romain Guyot avec le Chamber Orchestra of Europe.)

Opéra Garnier — 2014-03-03

Ballet de l'Opéra

Orchestre Colonne

Horton Gould, musique

Agnès De Mille, chorégraphie (1948), réglée par Paul Sutherland

Oliver Smith, décors

Miles White, costumes

Pascal Mérat, lumières

Alice Renavand, L'Accusée

Vincent Chaillet, Le Pasteur

Laurence Laffon, La Mère de l'Accusée

Stéphanie Romberg, La Belle-mère de l'Accusée

Christophe Duquenne, Le Père de l'Accusée

Léonore Baulac, L'Accusée enfant

Sébastien Bertaud, Le Porte-parole du jury

Juliette Gernez, Hugo Marchand, Nocturne

Fall River Legend, ballet en un prologue et huit scènes

Ture Rangstrom, musique

Hans Grossman, arrangements musicaux et orchestration

Birgit Cullberg, chorégraphie (1948), réglée par Ana Laguna

Sven X:et Erikson, décors et costumes

Erik Berglund, lumières

Katrin Brannstrom, responsable technique pour les décors et costumes

Monika Mengarelli, Agneta Valcu, répétitions

Aurélie Dupont, Mademoiselle Julie

Nicolas Le Riche, Jean

Amélie Lamoureux, Kristin

Michaël Denard, Le Père de Julie

Alessio Carbone, Le Fiancé de Julie

Charlotte Ranson, Clara, La Fille du garde-forestier

Aurélien Houette, Anders

Takeru Coste, L'Ivrogne

Jean-Christophe Guerri, Andrey Klemm, Richard Wilk, Les trois vieilles Femmes

Mademoiselle Julie, ballet en quatre tableaux d'après la tragédie naturaliste en un acte d'August Strindberg

Pour ce programme de ballet, malgré un placement exceptionnel au parterre dû à des ventes promotionnelles, j'ai été globalement plus enthousiasmé par la musique que par la danse. Si je me souviens bien ma préférence allait à Fall River Legend, surtout pour la musique : j'avais ainsi été un peu déçu par l'expression d'Alice Renavand que j'ai connue plus bouleversante dans d'autres rôles. Je mesure cependant le privilège que cela a été de voir d'aussi près Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont dans Mademoiselle Julie !

Salle Pleyel — 2014-03-07

Hélène Collerette, violon solo

Orchestre philharmonique de Radio France

Ádám Fischer, direction

Symphonie nº88 en sol majeur (Haydn)

Tedi Papavrami, violon

Concerto pour violon et orchestre nº1 (Bartók)

Symphonie nº5 en fa majeur op. 76 (Dvořák)

Ce fut un délicieux concert du Philharmonique de Radio France. Je garde en particulier un très bon souvenir de la Symphonie nº88 de Haydn dirigée par Ádám Fischer. Encore une fois, je me demande comment il est possible que les symphonies de Haydn ne soient pas remboursées par la sécu'.

Cité de la musique — 2014-03-15

Chamber Orchestra of Europe

Vladimir Jurowski, direction

Danses allemandes (Schubert, arrangement de Webern)

Christian Tetzlaff, violon

Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 61 (Beethoven)

Cinq Mouvements, op. 5, Anton Webern

Symphonie nº4 “Tragique” en ut mineur (Schubert)

Magnifique programme du Chamber Orchestra of Europe ! Le moment le plus exaltant pour moi a sans doute été l'interprération des Cinq Mouvements de Webern.

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-03-18

Pierre Hantaï, clavecin

Suite anglaise nº4 en fa majeur, BWV 809

Suite anglaise nº5 en mi mineur, BWV 810

Suite anglaise nº6 en ré mineur, BWV 811

Le clavecin que jouait Pierre Hantaï était assez affreux d'un point de vue strictement visuel, mais j'ai pris beaucoup de plaisir à entendre dans de bonnes conditions ces Suites anglaises de Bach.

Ivry-sur-Seine — 2014-03-19

Céline Wadier, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Raga Puriya (Alap, Jor, Jhala & Chautal)

Raga Jog (Alap & Tivratal)

Raga Bhinna Shadja (Alap & Sultal)

Avant de commencer son concert, Céline Wadier a demandé aux quelques débutants en dhrupad qui se trouvaient là quels ragas nous étudions. Une des élèves a opportunément dit Puriya. Ce fut manifestement une bonne idée parce que non seulement l'interprétation de ce raga m'a paru superbe, mais ayant pratiqué moi-même ce raga (c'est celui que je connais le mieux), c'est la première fois qu'en écoutant un concert de dhrupad, je sentais à chaque instant de l'Alap où on est était dans la gamme de ce Raga. Je peux ainsi dire en étant à peu près certain de ne pas me tromper que la chanteuse est descendue jusqu'au Ga de l'octave inférieure et est allé jusqu'au Ga de l'octave supérieure (soit deux octaves plus haut). Après ce Raga très développé, elle a chanté Raga Jog et Raga Bhinna Shadja. Seul regret, il y a eu moins d'interactions au cours de ce concert entre la chanteuse et le percussionniste que lors de leur concert d'octobre.

Salle Pleyel — 2014-03-21

Svetlin Roussev, violon solo

Orchestre philharmonique de Radio France

Myung-Whun Chung, direction

Antoine Tamestit, alto

Till l'Espiègle (Strauss)

Concerto pour alto (Bartók)

Une Vie de héros (Strauss)

La corde de do d'Antoine Tamestit ! Quelle sonorité incroyable ! Je suis extrêmement admiratif de l'interprétation qu'il a donné du concerto pour alto de Bartók, même si je dois avouer en toute subjectivité que j'avais été plus ému par l'interprétation de Daniel Vagner (qui se trouvait ce soir-là dans le Philharmonique de Radio France).

Salle Pleyel — 2014-03-27

Orchestre de Paris

Giovanni Antonini, direction

Chœur de l'Orchestre de Paris

Lionel Sow, chef de chœur

Olympia, ouverture (Joseph Martin Kraus)

Giorgio Mandolesi, basson

Concerto pour basson, KV 191, Mozart

Sol Gabetta, violoncelle

Concerto pour violoncelle nº2 (Haydn)

Messe de l'orphelinat, KV 139, Mozart

Camilla Tilling, soprano

Kate Lindsey, mezzo-soprano

Rainer Trost, ténor

Havard Stensvold, basse

Délicieux concert de l'Orchestre de Paris. Les habitués, et ils ont eu mille fois raison, étaient venus pour entendre Giorgio Mandolesi dans le concerto pour basson de Mozart et trinquer avec lui au café d'à côté :-) : je suis reparti avec un autographe en forme de basson. La déception de la soirée est cependant venue pour moi de l'interprétation du concerto pour violoncelle nº2 de Haydn par Sol Gabetta. De la place très proche de la scène où je me trouvais, j'entendais le bruit de ses doigts frappant violemment la touche comme des petits marteaux. Cela accentuait ma sensation de percevoir des suites de notes dont je ne pouvais saisir l'organisation en phrases. Son bis en revanche a été magnifique.

Opéra Comédie, Montpellier — 2014-03-29

Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

Jérôme Pillement, direction musicale

Benoît Bénichou, mise en scène et adaptation du livret

Amélie Kiritzé-Topor, scénographie

Bruno Fatalot, costumes

Thomas Costerg, lumières

Anne Lopez, chorégraphie

Vincent Recolin, chef des chœurs

Valérie Blanvillain, Marie Arnaud, chefs de chant

Samy Camps, Le Roi Ouf 1er

Héloïse Mas, Lazuli

Solistes du Jeune Opéra

Chœurs du Jeune Opéra

L'Étoile (Chabrier)

Dans la salle presque vide (à part au parterre) de l'Opéra Comédie de Montpellier, j'ai assisté à une représentation de L'Étoile de Chabrier. Ce spectacle n'est pas particulièrement bouleversant, mais assurément agréable à regarder et écouter. Les chanteurs étaient tous jeunes. Parmi eux, je retiens l'excellente Héloïse Mas dans le rôle de Lazuli.

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Le vite dit de février 2014

2014-05-26 10:55+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Avec trois mois de retard, voici le vite dit de février 2014...

Salle Pleyel — 2014-01-31

Orchestre philharmonique de Radio France

Svetlin Roussev, violon solo

Leonidas Kavakos, direction musicale et violon

Concerto pour violon et orchestre nº3 en sol majeur, KV 216 (Mozart)

Symphonie nº1 en ré majeur op. 25 dite Classique (Prokofiev)

Symphonie nº9 La Grande (Schubert)

Superbe concert du Philharmonique de Radio France dirigé par Leonidas Kavakos. Le programme est très semblable à celui qu'il avait dirigé avec le Chamber Orchestra of Europe. La Symphonie Classique de Prokofiev a été magnifiquement interprétée, tout comme la Symphonie La Grande de Schubert, que très exceptionnellement je n'ai pas trouvée longue ; j'ai particulièrement aimé la façon dont il a maintenu l'orchestre (et une partie du public) en suspension lors d'un point d'orgue dans le deuxième mouvement.

Cité de la musique — 2014-02-01

Patrick Davin, direction

Orchestre du Conservatoire de Paris

Bandar-log, poème symphonique op. 176 (Koechlin)

Nicholas Angelich, piano

Concerto pour la main gauche (Ravel)

Symphonie nº1 “Le Poème de la forêt” (Roussel)

J'ai été plutôt content d'entendre la symphonie nº1 de Roussel qui m'avait décidé d'assister à ce programme, mais j'avoue que ce programme de musique française m'a laissé indifférent. J'ai beaucoup de mal à comprendre l'enthousiasme que peut susciter le Concerto pour la main gauche de Ravel, que j'entendais pour la première (et sans doute dernière) fois...

Salle Pleyel — 2014-02-02

Wayang Wong, le Ramayana balinais, théâtre rituel de Bali

Troupe d'acteurs, danseurs et gamelan de Telepud (Bali)

I Wayan Gde Adhi Wijaya, direction artistique et musicale

Jacques Brunet et Jean-Luc Larguier, conception

Dewa Putra, conseiller scientifique

L'Enlèvement de Sita

J'ai beaucoup apprécié ce spectacle de théâtre de Bali racontant le Ramayana. Ce qui se passait sur scène était magnifique, mais la représentation a été à mon avis lamentablement gâchée par le surtitrage défaillant. C'est une chose qu'une phrase sur dix soit traduite, c'en est une autre que le texte affiché ne corresponde pas à la scène qui est représentée, mais à la précédente ou à la suivante... et quand le texte correspondait à la bonne scène, il ne fallait pas forcément l'entendre comme ayant été prononcé par le personnage qui s'exprimait sur scène. L'histoire suivant très fidèlement l'épopée indienne (cf. mon résumé), je n'ai eu aucune difficulté à suivre, mais comme cela a dû paraître hermétique à bien des spectateurs !

L'orchestre de percussions et les chanteurs-récitants ont pris place au fond de la scène. Entre deux interventions, les interprètes sont assis de part et d'autre de l'orchestre, à gauche le camp de Rama et à droite celui de Ravana. La seule véritable différence avec l'épopée sanskrite réside dans l'ajout de quatre personnages burlesques : deux serviteurs pour Rama et deux pour Ravana. Les interprètes sont vêtus de costumes richement ornés et de masques. Les seules parties du corps restant visibles étant les mains, on ne découvre que lors des saluts que les rôles de Rama et de son frère Lakshmana sont interprétés par des femmes. Leur gestuelle ainsi que celle de l'interprète de Sita n'est pas sans rappeler celle des danses indiennes. Les positions des mains ressemblent à certains mudras, mais les doigts sont très souvent animés d'une sorte d'oscillation qui me fait étrangement penser à des tentacules de poulpe. Si ces personnages à la démarche majestueuse ne sont pas très loin de danser, le spectacle est bien davantage du théâtre que de la danse. Les divers types de personnages (humains, démons, singes) se distinguent par leurs attitudes et les costumes recèlent de belles trouvailles, par exemple dans la représentation de l'antilope dorée dont un démon a pris l'apparence pour tromper Sita.

Le spectacle peut être visionné sur Cité de la musique live.

Salle Pleyel — 2014-02-05

Orchestre National du Capitole de Toulouse

José Antonio Sainz Alfaro, chef de choeur

Choeur Orfeón Donostiarra

Tugan Sokhiev, direction

Ferruccio Furlanetto, Boris Godounov

Anastasia Kalagina, Xénia

Ain Anger, Pimène

Vasily Efimov, Missaïl

Stanislav Mostovoi, L'Innocent

John Graham-Hall, Le Prince Chouïski

Garry Magee, Andrei Tchelkalov

Pavel Chervinsky, Nikitch, Mityukha

Alexander Teliga, Varlaam

Marian Talaba, Grigori

Svetlana Lifar, Fiodor

Sarah Jouffroy, La Nourrice de Xénia

Hélène Delalande, L'Aubergiste

Vladimir Kapshuk, Un Boyard

Magnifique représentation de Boris Godounov, un opéra que j'ai déjà vu à Munich. Je retiens la très belle prestation de l'Orchestre National du Capitole de Toulouse (dirigé par Tugan Sokiev) que j'entendais pour la première fois. Du point de vue vocal, les plus grandes émotions sont venues de la basse Ain Anger dans le rôle de Pimène.

Salle Pleyel — 2014-02-07

Orchestre philharmonique de Radio France

Sergej Krylov, violon

Vasily Petrenko, direction

Concerto pour violon nº2 (Bartók)

Symphonie nº1 (Sibelius)

Je n'ai pas accroché à la virtuosité de Sergej Krylov qui m'a semblé un peu trop démonstrative dans Toccata et Fugue en ré mineur (BWV 565) de Bach qu'il a joué en bis ; autant j'ai pris plaisir à écouter la Toccata, autant il m'a semblé présomptueux de jouer cette fugue au violon. Cela ressemblait bien à une fugue, mais les limites de l'instrument étaient un peu trop souvent dépassées pour que je puisse réellement apprécier cette performance.

Le style de direction du chef Vasily Petrenko que j'avais moyennement apprécié dans Bartók s'est métamorphosé pour la deuxième partie du concert et j'ai beaucoup aimé l'interprétation de la Première Symphonie de Sibelius.

Salle Pleyel — 2014-02-13

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Christoph Eschenbach, direction

Carnaval, ouverture, Dvorák

Tabea Zimmermann, alto

Concerto pour alto (Bartók)

Symphonie nº4 (Brahms)

Quelques mois après, je ne retiens de ce concert de l'Orchestre de Paris que le concerto pour alto de Bartók interprété par Tabea Zimmermann. Elle a été magnifique, et plus encore dans le troisième mouvement !

Salle Pleyel — 2014-02-19

Roland Daugareil, violon solo

Orchestre de Paris

James Gaffigan, direction

Kleine Dreigroschenmusik, suite pour orchestre de vents d'après l'Opéra de Quat'sous (Weill)

Gil Shaham, violon

Concerto pour violon en ré majeur, op. 35 (Korngold)

Gavotte en rondeau de la Partita nº3 en mi majeur, BWV 1006, Bach

Cendrillon, extraits (Prokofiev)

Très beau concert de l'Orchestre de Paris. J'ai apprécié la Fugue que l'on entend dans la musique de l'Opéra de Quat'sous. Gil Shaham et l'orchestre ont été excellents dans le concerto pour violon de Korngold, mais j'ai surtout adoré écouter la musique de Cendrillon de Prokofiev. Vus et entendus depuis l'arrière-scène, l'orchestre et le chef James Gaffigan semblaient particulièrement grandioses, notamment lors des coups de minuit.

Cité de la musique — 2014-02-21

MusicAeterna

Teodor Currentzis, direction

Dixit Dominus, HWV 232, Händel.

Anna Prohaska, Didon

Tobias Berndt, Énée

Nuria Rial, Belinda

Maria Forsström, Magicienne

Valeria Safonova, L'Esprit

Victor Shapovalov, Marin

Didon et Énée, Purcell

Merveilleux concert ! Si certains ensembles baroques ont tendance à procurer l'ennui (chez moi, en tout cas), cela ne saurait survenir lors d'un concert de MusicAeterna, l'ensemble le plus enthousiasmant que j'aie entendu en concert ! Les musiciens de MusicAeterna jouent debout et sont dirigés par l'extravagant chef Teodor Currentzis. Son seul défaut : quand il demande à ses musiciens de jouer moins fort, le bruit de son pied frappant l'estrade s'entend presque davantage que le reste de l'orchestre. Parmi les voix entendues lors de ce concert, je retiens la merveilleuse Nuria Rial dans le rôle de Belinda dans le génial Didon & Énée de Purcell. Des amis-spectateurs se moquaient de moi quand je soulignais le caractère indianisant d'un certain passage que nous avions entendus, juste avant que Didon se lamente Your counsel..., mais je maintiens que le solo improvisé de viole de gambe (accompagné d'un ersatz de tampura obtenu par une pédale des violoncelles) est ce qui ressemble le plus à un Alap de musique classique indienne dans tout ce qu'il m'a été donné d'entendre lors d'un concert de musique classique européenne... Si vous ne me croyez pas, allez écouter les 90 premières secondes de leur enregistrement sur CD. Lors du concert, ce moment magique à l'atmosphère irréelle, lumières éteintes, avait été plus développé. (Le concert s'est terminé par de superbes bis, dont un magnifiquement mis en scène.)

Cité de la musique — 2014-02-25

Orchestre philharmonique de Radio France

Svetlin Roussev, violon solo

Pascal Rophé, direction

Christa Schoenfeldinger, harmonica de verre

Armonica (Jörg Widmann)

Change pour orchestre (Johannes Boris Borowski)

Chœur de femmes de Radio France

Catherine Simonpietri, chef de chœur

Le Visage nuptial pour soprano, mezzo-soprano, chœur de femmes et orchestre (version définitive), Pierre Boulez

La première œuvre joué dans ce programme du festival Présences est Armonica de Jörg Widmann (que je ne connaissais que comme clarinettiste). J'ai trouvé véritablement magnifique cette œuvre orchestrale utilisant un harmonica de verre (et aussi un accordéon). J'ai rarement été autant émerveillé par une œuvre de musique contemporaine !

Change de Borowski m'a paru au contraire atroce (et sans doute véritablement dangereuse pour les oreilles de spectateurs en raison du volume sonore élévé demandé aux musiciens et en particulier des percussionnistes).

L'œuvre de Boulez jouée après l'entr'acte m'a indifféré. Le texte de René Char, qui n'est pas des plus aisés à entendre, était rendu tout à fait incompréhensible par le compositeur.

Cité de la musique — 2014-02-27

La Chambre Philharmonique

Andreas Staier, piano et direction

Symphonie nº1 en mi bémol majeur, KV 16 (Mozart)

Concerto pour piano nº1 en fa majeur, KV 37 (Mozart)

Symphonie nº49 en fa mineur (Haydn)

Concerto pour piano nº9 en mi bémol majeur, KV 271 “Jeunehomme” (Mozart)

Si j'ai apprécié l'orchestre La Chambre Philharmonique dans les Symphonies de Mozart et de Haydn qui ont été jouées, je n'ai pris aucun plaisir à l'écoute du concerto pour piano nº1 de Mozart. Le piano que jouait Andreas Staier était assez ancien (début XIXe ?) et devenait pour presque totalement inaudible quand l'orchestre jouait... Je suis parti à l'entr'acte pour m'épargner de souffrir pareillement pour le deuxième concerto programmé.

Opéra Garnier — 2014-02-28

John Cranko, chorégraphie, mise en scène (1965)

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Kurt-Heinz Stolze, arrangements et orchestration

Jürgen Rose, décors et costumes

Steen Bjarke, lumières

Reid Anderson, Jane Bourne, répétitions

James Tuggle, direction musicale

Hervé Moreau, Onéguine

Isabelle Ciaravola, Tatiana

Mathias Heymann, Lenski

Charline Giezendanner, Olga

Karl Paquette, Le Prince Grémine

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Onéguine, ballet en trois actes de John Cranko d'après Eugène Onéguine d'Alexandre Pouchkine

Je n'ai jamais été un grand fan d'Isabelle Ciaravola. La seule fois où elle m'avait vraiment ému, c'était dans le rôle de Nouredda lors de la création de La Source. Quelques jours avant ses adieux, lors d'une autre représentation d'Onéguine, alors qu'elle interprétait le rôle Tatiana avec Evan McKie (Onéguine), j'avais trouvé que ce couple ne fonctionnait pas (alors que beaucoup de balletomanes se souviennent avec émotions du couple Dupont/McKie dans ce rôle). J'allais donc un peu à réculons à cette soirée d'adieux et je dois dire que je ne l'ai pas regretté. Isabelle Ciaravola était alors associée à Hervé Moreau, et cela fonctionnait beaucoup mieux ! Dans le rôle d'Olga, j'ai également été ravi de voir Charline Giezendanner, associée à Mathias Heymann (Lenski).

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Jyotika Rao au Centre Mandapa

2014-05-16 13:30+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2014-05-15

Jyotika Rao, danse bharatanatyam, chorégraphie (Jatisvaram, Varnam, Tillana, Abhanga)

Sucheta Chapekar, chorégraphie (Trois shlokas, Jatisvaram, Varnam, Padam, Abhanga)

Josiane Sarrazin, chorégraphie (Abhanga)

Trois shlokas : Vakratunda ; Guru Brahma, Guru Vishnu, Guru Devo ; Angikam (musique hindoustani).

Jatisvaram (Raga Bhairavi, Rupaka Tala)

Varnam “Sami yei vara sholadi” (Raga Purvi Kalyani, Adi Tala)

Padam “Ke chatura”

Tillana (Raga Hindolam, Adi Tala)

Abhanga “Saguni Nirguna Nirguni Saguna” (Raga Sindhu Bhairavi, hindoustani)

Je n'étais plus retourné au Centre Mandapa depuis janvier et le spectacle Kâmala de Pauline Reibell (qui y repassera d'ailleurs les 16 et 17 juin). Hier soir, je suis allé voir une autre disciple de Sucheta Chapekar : Jyotika Rao. La salle est très bien remplie. Un certain nombre de ses élèves (dont moi) sont venus. La plus avancée, Camille, fait les annonces précédant chacune des pièces constituant ce récital de bharatanatyam. Il n'est pas évident d'écrire sur le travail de son professeur, mais en toute subjectivité, je dirais que c'était un très bon récital !

Les récitals de bharatanatyam utilisent traditionnellement de la musique carnatique, mais une des originalités du style de Sucheta Chapekar est d'utiliser aussi de la musique hindoustanie (du Nord de l'Inde). C'est ce que l'on peut entendre dans la première pièce de ce programme. Le premier des Trois Shlokas, intitulé Vakratunda est manifestement dédié à Ganesh. La danseuse apparaît en adoptant la démarche du dieu à tête d'éléphant en soulignant les amples mouvements de ses oreilles. Dans le deuxième shloka, la chorégraphie évoque les trois divinités de la trinité hindoue, Brahma, Vishnu, et enfin Shiva, qui semble particulièrement mis en valeur. Je n'ai pas compris le sens du dernier des shlokas.

Dans la première pièce de nature invocatoire, l'accent était mis sur le texte et la gestuelle correspondante. Il n'y avait pas ou pour ainsi dire pas de frappes de pieds. Au contraire, dans la deuxième pièce Jatisvaram, l'aspect rythmique de la musique prend le dessus et le texte se réduit au nom des notes (Swara) chantées dans le Raga Bhairavi (carnatique). Les mouvements réglés sur le majestueux Rupaka Tala sont élégants, inspirent la joie et se font de plus en plus rapides au fur et à mesure que la pièce progresse. Dans certains passages, comme dans la pièce précédente, je reconnais des éléments de chorégraphie que j'ai moi-même appris, mais qui se retrouvent ici exécutés 2, 4 ou peut-être 8 fois plus vite ! Je perçois aussi un peu la structure plus globale de certaines parties, comme par exemple une suite d'enchaînements suivie d'une reprise de la même chose exécutée en miroir.

La pièce principale du récital est le Varnam Sami ye vara sholadi en Raga Purvi Kalyani (carnatique). La suite du texte Sakiye Kumara... permet de deviner que la divinité dont se languit l'héroïne est Kumara, le fils de Shiva, aussi appelé Murugan, Skanda, Kartikeya ou encore Subramaniam. Ce fait est confirmé quand la chorégraphie représente sa monture, qui est un paon. L'héroïne est séparée de Kumara auquel elle écrit un mot. Elle demande de l'aide à son amie. Autour d'elle, la nature (les oiseaux, les biches, les abeilles, etc) lui rappellent son amour pour lui. Il s'agit là d'un des plus beaux moments de ce Varnam avec l'intervention du dieu de l'Amour, Kama, qui vient lancer cinq flèches sur elle. Chacune de ces flèches est ornée d'une fleur spécifique et produit un effet particulier sur les différents sens de l'héroïne. Une d'entre elles atteint sa vision, ce qui produit en elle un émerveillement. Une autre atteint son odorat. Une autre encore semble atteindre son sens du goût : elle brûle tellement d'amour pour lui qu'elle éprouve de la répulsion pour la nourriture. Dans le Varnam s'insèrent de très beaux passages rythmiques (jatis) et la fin de la pièce revient en détail sur un épisode mythologique que je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Kumara se serait semble-t-il déguisé pour séduire Valli qui allait devenir une de ses deux épouses.

La pièce qui a suivi est un délicieux Padam. Une jeune femme se moque du dieu Kama (appelé ici Manmatha dans le texte de la composition). Un épisode bien connu de la mythologie indienne raconte l'intervention de Kama, qui en lançant ses flèches a fait naître en Shiva un amour pour Parvati. Dans cette pièce, la jeune femme dit à Kama qu'en lui lançant des flèches, il se trompe de cible : il la confond avec Shiva. Elle énumère divers attributs de Shiva (son chignon tressé, le croissant de Lune, etc.) et en montrant à Kama la partie correspondante de son apparence elle lui explique la méprise qu'il commet. Elle n'est pas Shiva, elle n'est qu'une pauvre femme. Je me suis particulièment délecté du moment où la jeune femme évoque la trace que Shiva porte au cou (qui lui vaut le nom de Nilakantha, celui qui a la gorge bleue, un nom qui n'est semble-t-il pas mentionné dans le texte chanté). La chorégraphie rappelle même brièvement d'où vient cette marque ! Lors du barratage de la Mer de lait, un poison s'est répandu dans les airs et Shiva l'a bu. Le poison n'étant pas descendu plus bas que sa gorge, il y a laissé une marque. Plus loin, la chorégraphie évoquait les oreilles d'un éléphant et la dénégation de la jeune femme expliquant à Kama qu'il ne s'agissait que de pans de son sari. Dans l'instant, je n'ai pas compris ce que cela signifiait (ayant eu l'impression d'entendre Vinayaka dans le texte chanté, j'ai cru qu'il s'agissait d'une référence à Ganesh). En réalité, Kama confondait le vêtement de la jeune femme avec la peau de bête portée par Shiva. Je connaissais la peau de tigre sur laquelle l'iconographie la plus standard représente Shiva assis en méditation, mais j'ignorais que Shiva portait sur ses membres supérieurs une peau d'éléphant...

La plus belle pièce du récital m'a semblé être le magnifique Tillana que la danseuse a chorégraphiée elle-même. Les mouvements utilisent davantage les diagonales de la scène que des cercles, mais l'ensemble est néanmoins très réjouissant. J'ai particulièrement apprécié la référence à Vishnu dans la deuxième partie du Tillana. Le texte chanté comporte le nom Padmanabha et la chorégraphie représente effectivement Vishnu dans sa position de méditation sur l'Océan cosmique, un lotus émergeant de son nombril. Ce thème iconographique est pour moi le plus beau de toute l'iconographie hindoue. J'apprécie tout particulièrement qu'il soit illustré dans la danse bharatanatyam et ce d'autant plus que cette image permet de nombreuses interprétations ou variantes chorégraphiques. Dans cette interprétation, on peut reconnaître la présence de Lakshmi, mais je retiens surtout la façon de représenter le lotus sur lequel se tient Brahma. L'iconographie traditionnelle est évidemment statique et il y a lieu de se demander si véritablement la tige du lotus sort du nombril de Vishnu ou si animée d'un mouvement contraire elle s'enfonce dans l'eau avec ses ramifications... En voyant cette chorégraphie, j'ai eu comme l'impression que c'était cette deuxième hypothèse qui était envisagée.

Le récital s'est conclu par un Abhanga, un chant marathi en l'honneur de Vishnu (sous le nom de Vittala). Le texte et la chorégraphie mettant en valeur la recherche d'Unité ou d'Union (avec la divinité). Ceci était illustré notamment avec une goutte d'eau qui rejoignait d'océan ou avec une maison qui bien après sa construction s'effondrait pour s'unir de nouveau à la terre. La conclusion de la pièce mettait en scène une des voies que le dévôt peut suivre pour tenter de s'unir avec la divinité : une adoration joyeuse s'exprimant par une danse exaltée. Un extrait de cette chorégraphie par d'autres interprètes est visible ici.

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Planning de mai 2014

2014-05-01 14:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Planning

Des billets rendant compte de concerts reviendront bientôt... En attendant, voici mon programme de spectacles pour le mois de mai :

  • 3 mai 2014 (Salle Pleyel) : Le Ballet Royal du Cambodge que j'ai déjà eu l'occasion de voir en 2010 dansera une pièce basée sur le Rāmāyaṇa.
  • 5 mai 2014 (Théâtre du Châtelet) : Même si j'apprécie son style, la façon qu'a John Adams de se répéter d'une œuvre à l'autre m'énerve un peu, mais je ne vais quand même pas rater une occasion de voir son opéra A Flowering Tree inspiré d'un conte indien.
  • 6 mai 2014 (Salle Pleyel) : L'Orchestre Colonne jouera notamment le Concerto pour orchestre de Bartók.
  • 7 mai 2014 (Cité de la musique) : J'irai écouter l'ensemble de chant a cappella De Caelis dans un programme comportant de la musique du XIVe siècle.
  • 10 mai 2014 (Opéra Bastille) : Le Palais de Cristal de Balanchine et création de Daphnis et Chloé par Benjamin Millepied, le futur nouveau directeur du ballet de l'Opéra.
  • 15 mai 2014 (Centre Mandapa) : Jyotika Rao, ma prof de bharatanatyam donnera un récital au Centre Mandapa. Les extraits du Varnam sur Muruga que j'ai pu voir font assez envie...
  • 16 mai 2014 (Salle Pleyel) : Reprise d'Orpheus und Euridike de Pina Bausch par le ballet de l'Opéra.
  • 17 mai 2014 (Salle Pleyel) : Top-chef : initiation à la cuisine orchestrale, voici le titre incongru de ce programme de concert matinal de l'Orchestre de Paris. J'y vais surtout pour The Young Person's Guide to the Orchestra de Benjamin Britten.
  • 18 mai 2014 (Opéra de Massy) : Les tarifs de l'Opéra de Massy sont prohibitifs, mais j'irai quand même voir Les Pêcheurs de perles de Bizet dans une production à laquelle participe la danseuse de bharatanatyam Mallika Thalak.
  • 23 mai 2014 (Espace de Pentemont) : Marc Korovitch dirigera l'Orchestre des concerts gais dans un programme Beethoven/Mozart.
  • 24 mai 2014 (Cité de la musique) : Récital de la mezzo-soprano Isabelle Druet.
  • 24 mai 2014 (Cité de la musique) : Programme Schubert/Mendelssohn/Beethoven pour le Chamber Orchestra of Europe.
  • 25 mai 2014 (Cité de la musique) : Ce qui m'attire le plus dans ce programme de l'ensemble Les Dissonances, c'est le quatuor à cordes Ainsi la nuit de Dutilleux par les quatre musiciens que j'avais entendus dans Janáček.
  • 26 mai 2014 (Cité de la musique) : Programme Dutilleux/Beethoven/Dukas pour l'orchestre Les Siècles (que je n'ai entendu pour le moment qu'une seule fois).
  • 31 mai 2014 (Espace Jemmapes) : Récital de fin d'année des élèves de bharatanatyam de Kalpana.

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Planning d'avril 2014

2014-04-04 16:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Planning

Voici mon programme de spectacles pour le mois d'avril :

  • 1er avril 2014 (Salle Pleyel) : Programme Mozart/Bruckner pour le Royal Concertgebouw Orchestra dirigé par Mariss Jansons avec le violoniste Frank Peter Zimmermann.
  • 5 avril 2014 (Opéra Garnier) : L'incontournable spectacle de l'école de danse de l'Opéra, qui est en général un des plus réjouissants moments de la saison de l'Opéra.
  • 7 avril 2014 (Salle Pleyel) : Je me souviens avec émotion d'un concert Rameau du Concert des Nations dirigé par Jordi Savall, je me réjouis donc d'aller réécouter cet ensemble.
  • 8 avril 2014 (Théâtre des Champs-Élysées) : J'avais été très ému quand Jonas Kaufmann avait interprété Die schöne Müllerin en 2010. Cette fois-ci, il va chanter Winterreise. C'est bien sûr un des concerts les plus attendus de l'année...
  • 10 avril 2014 (Salle Pleyel) : Un des tout premiers concerts que j'aie entendu à la Salle Pleyel quand j'ai commencé à y aller en octobre 2007 était dirigé par le jeune chef Cornelius Meister. Cette semaine, il dirigera l'Orchestre de Paris dans un programme comportant notamment la Symphonie nº3 “Écossaise” de Mendelssohn et le concerto pour trois pianos de Mozart.
  • 13 avril 2014 (Salle Pleyel) : Lors de ce concert, je découvrirai le Quatuor Artemis qui sera accompagné de la superbe pianiste Elisabeth Leonskaja dans le quintette de Brahms. Le quatuor jouera également le quatuor “La jeune fille et la mort” de Schubert ainsi que Officium breve In memoriam Andreae Szervánszky de Kurtág (une œuvre exceptionnellement longue de ce compositeur : 12 minutes).
  • 14 avril 2014 (Salle Pleyel) : Je me réjouis de réentendre le Russian National Orchestra que j'avais beaucoup apprécié en octobre.
  • 26 avril 2014 (Théâtre des Champs-Élysées) : Le Concerto pour hautbois de Richard Strauss par François Leleux !
  • 30 avril 2014 (Cité de la musique) : J'ai sélectionné ce concert de l'Orchestre de Paris pour pouvoir enfin entendre en concert Une nuit sur le mont Chauve de Moussorgsky.

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Gayatri Sriram au Musée Guimet

2014-03-27 10:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes

Auditorium du Musée Guimet — 2014-03-14

Gayatri Sriram, danse bharatanatyam

Minal Prabhu, nattuvangam

Balasubramanya Sharma, chant

G. Gurumurthy, mridangam

Jayaram Kikkeri, flûte

Prasanna, ganjira, percussions

Murugan Krishnan, lumières

Isabelle Anna, voix off

Surya Kautwam

Ardhanarishwara

Varnam

Ashtapadi

Tillana

Mira Bhajan

Le vendredi 14 mars, j'ai renoncé à aller écouter les Gurre-Lieder de Schönberg joués à la Salle Pleyel par un effectif pléthorique de musiciens pour me diriger vers le Musée Guimet où allait se tenir le récital de bharatanatyam de Gayatri Sriram dont j'avais pu apprécier les qualités dans la danse narrative au NCPA de Mumbai en juillet 2011. Je ne l'ai pas regretté !

(Full disclosure: La danseuse m'ayant contacté quelques semaines avant le récital pour me suggérer de venir, je lui avais demandé de m'indiquer les thèmes qui seraient évoqués dans les différentes pièces de ce programme. La danseuse m'ayant fait une réponse très détaillée, j'ai pu assister à ce programme dans de meilleures conditions que d'ordinaire ; habituellement, je ne découvre les pièces qu'au fur et à mesure qu'elles sont exécutées par les danseuses et je n'arrive pas toujours à bien déchiffrer la pantomime...)

Le programme est intitulé Mukti Marga ; il s'agit d'un ensemble de pièces explorant le thème de l'adoration de la divinité. La première pièce est un Surya Kautwam, un type de pièces dans lequel le rythme domine la musique dont le tempo est plutôt rapide. Cette pièce évoquant le Soleil (Surya) comporte des passages de danse pure exécutés à des vitesses variables. J'apprécie d'y reconnaître quelques enchaînements (adavus) que j'ai appris et je me délecte de voir la danseuse présenter des figures géométriques non seulement dans sa gestuelle, mais aussi dans son placement et par les quarts de tour qu'elle effectue sur elle-même. Dans cette pièce, les différentes heures du jour sont associées aux différents dieux de la Trinité hindoue. Si je n'ai pas reconnu Vishnu, il m'a bien semblé reconnaître Brahma et Shiva (dont était représenté le Lingam). L'image la plus marquante était celle de Surya représenté comme cocher d'un attelage de sept chevaux.

La pièce suivante Ardhanarishwara m'a paru particulièrement réussie. La danseuse évoque Shiva avec la moitié droite de son corps et son épouse Parvati avec sa moitié gauche. J'ai particulièrement apprécié le cycle rythmique utilisé dans cette pièce, Rupaka Tala. Ce cycle à trois temps était interprété de façon délicieusement lente, ce qui sied bien à une pièce comme Ardhanarishwara dans laquelle la danseuse se métamorphose continûment de Shiva à Parvati et réciproquement. L'alternance entre la voix du chanteur et les onomatopées rythmiques peuvent se jouer à diverses échelles dans le cadre d'un récital de bharatanatyam : à l'échelle du récital dans son ensemble par l'alternance entre pièces narratives et pièces de danses pure, à l'échelle d'une pièce par l'alternance entre passages narratifs et passages de danse pure. Cette alternance a pris dans cet Ardhanarishwara une forme qui m'a semblé inédite : vers la fin de la pièce, cette alternance pouvait s'entendre à l'échelle du cycle rythmique, deux des trois temps étant utilisés par le chanteur solfiant des notes tandis que le dernier temps l'était par les onomatopées rythmiques (à moins que ce ne soit le contraire).

Le Varnam, pièce principale du récital, est dédié à Krishna. Il est composé d'une alternance entre passages narratifs et passages de danse pure (jatis). Le premier de ces jatis m'a semblé particulièrement original dans la mesure où malgré la dominante rythmique et le tempo plutôt rapide de la musique, la danse était narrative : elle évoquait l'enfance de Krishna. Ce procédé est assez rare, je ne me souviens distinctement avoir vu que deux danseuses l'utiliser : Shantala Shivalingappa (kuchipudi) et Rukmini Vijayakumar. Les jatis qui suivront seront moins originaux dans leur forme que celui-ci, mais certains détails distinctifs me plairont particulièrement. Par exemple, dans l'un d'entre eux, j'apprécierai la façon de la guru Minal Prabhu d'utiliser un tempo très variable au cours des cycles rythmiques (Adi Tala) et dans un autre j'apprécierai le caractère étonnamment mélodique de la musique.

Je n'ai pas saisi absolument tous les aspects narratifs de ce très riche Varnam. Les premiers chapitres de cette pièce racontent l'enfance de Krishna et la séduction qu'il exerce sur les bouvières (gopis). Il danse avec elles après les avoir attirées avec sa flûte. La danseuse utilise ses capacités d'expression pour évoquer les sentiments éprouvés par une de ces femmes : alors qu'elle est séparée de la divinité avec laquelle elle cherche à s'unir, elle se désole et ne parvient même plus à manger. Certains exploits du jeune Krishna sont évoqués. Sauf erreur de ma part, on le voit tuer le démon Kamsa, soulever le mont Govardhana sur son petit doigt ou encore danser sur le serpent Kaliya. Cependant, le passage qui m'a fait la plus forte impression est celui qui raconte très en détail la naissance de Krishna. Celui-ci a été adopté par Yashoda qui est souvent mise en scène dans les chorégraphies de bharatanatyam, mais ce Varnam représente ses parents biologiques Vasudeva et Devaki. Le démonique roi Kamsa avait été frappé d'une malédiction : le huitième enfant de Vasudeva et Devaki le tuerait. À la naissance de Krishna, Vasudeva s'en va secrètement échanger Krishna avec la fille à laquelle Yashoda vient de donner naissance. En illustrant délicieusement l'amour filial, la danseuse représente le trajet de Vasudeva. Partant de sa demeure, il porte le bébé Krishna sur sa tête et se dirige vers la campagne où il vient déposer Krishna dans son nouveau berceau.

La fin du Varnam représente Krishna tel qu'il se manifeste dans le Mahabharata. La scène du jeu de dés dans laquelle il vient au secours de Draupadi est représentée très brièvement, ce qui m'a quelque peu frustré, temporairement... Je n'ai pas très bien compris sur le moment les dernières minutes du Varnam qui illustraient la Bhagavad-Gita, ce dialogue entre Arjuna et Krishna dans lequel Krishna parvient à convraincre à Arjuna de prendre les armes. À un moment, Arjuna demande à Krishna de se montrer dans sa forme universelle. Je présume que cela devait être le sens du passage le plus impressionnant (et assez indescriptible !) de ce Varnam, lequel se conclut par la majestueuse mise en mouvement du char d'Arjuna dont Krishna est le cocher (une des images classiques associées au Mahabharata dans l'iconographie hindoue). J'aurais aimé apprécier davantage ce passage, mais j'étais perturbé par la musique. À force de voir et d'entendre des Varnam, il me semble distinguer une règle générale énonçant que les dernières minutes de musique se doivent d'être joyeuses. Ce Varnam n'échappait pas à cette règle et je trouvais cela curieux dans le contexte de la Bhagavad-Gita qui est certes une révélation spirituelle mais aussi une harangue belliqueuse. Ainsi, quand une musique joyeuse accompagnait les mouvements d'un archer, je me suis réellement demandé s'il s'agissait d'Arjuna ou bien du dieu de l'Amour (Kama, qui lance des flèches florales), et ce d'autant plus qu'avant le début du Varnam la voix off avait comparé Krishna à Kama — je ne tiendrai pas rigueur à Isabelle Anna d'avoir ainsi contribué à ma confusion puisqu'il y a quelques mois une autre de ses très pertinentes interventions m'avait fait permis d'apprécier une magnifique scène d'un récital de Janaki Rangarajan que je n'aurais pas comprise sans cette explication préalable...

Il convient de signaler que pendant ce récital, l'orchestre incluait un musicien qui utilisait des percussions électroniques (et d'autres instruments, y compris le morsing, la guimbarde indienne). J'avoue avoir une certaine méfiance pour cette pratique, puisque j'estime que le mridangam et les instruments mélodiques (violon, flûte, vînâ, etc.) offrent déjà une large palette d'effets spéciaux pour accentuer certains moments dramatiques. En utilisant des effets électroniques ou des bruitages, le risque est à mon avis grand de polluer l'atmosphère pour virer au kitsch ridicule, ce que j'ai eu l'occasion de subir lors d'un récital du danseur Zakir Hussain. Heureusement, lors du récital de Gayatri Sriram, cet accompagnement a été sobre et de bon goût.

Le récital s'est poursuivi avec deux Ashtapadi extraits du Gita-Govinda. Il s'agissait des deux derniers de ces Ashtapadi (ou cantilènes), les vingt-trois- et vingt-quatrièmes cantilènes qui se trouvent dans le douzième (et dernier) chant de ce texte poétique de Jayadeva (dont j'ai particulièrement apprécié la traduction de Jean Varenne ; les extraits ci-dessous viennent de la traduction de Gaston Courtillier que j'ai sous la main). Ils exaltent l'amour entre Radha et Krishna. Dans ce type de pièce, la musique est extrêmement mélodique et la danseuse passe l'essentiel du temps assise dans une attitude lascive en exprimant par le regard et des gestes les sentiments des personnages. Dans le 23e Ashtapadi, Krishna invite Radha : Un temps, à présent, suis Nārāyaṇa, suis-moi, qui t'aie suivie, ma petite Rādhā.. Celle-ci n'a pas fait que le rejoindre quand on arrive au 24e Ashtapadi où Radha lui répond en lui demandant d'arranger ses divers ornements : “Mortification des essaims d'abeilles, le fard effacé par le baiser de tes lèvres, avive-le sur les yeux bien-aimés, qui décochent les flèches d'Amour.” Elle dit, et le fils de Yadu folâtrait, joie du cœur. Il est difficile de résumer l'impression visuelle faite par ces deux pièces, tant la tentation fut grande de se laisser emporter dans le flux continu de la danse. Je retiens cependant l'application de Krishna pour parer Radha à son réveil et lui jeter des fleurs.

Le récital admet une première fin avec un Tillana particulièrement technique. Je dois avouer l'avoir davantage écouté que regardé : j'étais très perturbé par le cycle rythmique particulièrement compliqué sur lequel il était composé... Cela fait un certain temps que j'arrive à clapper Adi Tala ou Rupaka Tala, mais d'autres types de cycles sont parfois utilisés et certains n'ont pas de petits noms, comme Adi Tala, qui est un diminutif de Chatusra-nadai Chatusra-jati Triputa Tala, qui signifie que ce cycle à huit temps (subdivisés en quatre) se clappe comme ceci ×‒‒‒×o×o (clap-rien-rien-rien-clap-ondulation-clap-ondulation), ondulation correspondant à un mouvement de rotation de la main vers le côté et rien indiquant des temps pendant lesquels on compte avec les doigts pour s'y retrouver. Je n'ai pas retenu le détail du nom technique du Tala utilisé pendant ce Tillana, mais cela ressemblait à un gigantesque nom à rallonge. J'ai eu l'impression que c'était un cycle à neuf temps (j'ai griffonné ×‒‒‒‒×o×o sur mon carnet), mais singulièrement plus compliqué qu'Adi Tala parce que les cinq premiers temps n'étaient semble-t-il pas subdivisés de la même manière que les quatre derniers. Que l'on puisse danser sur un tel rythme, cela semble relever du prodige...

Après une brève salutation traditionnelle, le public a beaucoup applaudi la danseuse qui est revenu danser sur un Mira Bhajan. Du fait des échanges que j'avais eus avec la danseuse, je savais qu'une pièce de ce nom figurait au programme, mais j'ignorais le thème précis. Bien sûr, le nom Mira Bhajan renvoie à la poétesse du XVIe siècle Mirabaï (qui est le personnage principal du roman La Princesse mendiante). Un temple a même été érigé en l'honneur de cette dévôte de Krishna à Chittorgarh (un endroit que j'ai beaucoup apprécié).

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Sortie du temple de Mirabai, Chittorgarh

Le thème général du poème était bien entendu Krishna, mais quand la pièce a commencé j'ignorais complètement quel aspect de cette divinité serait mis en valeur, et puis l'incroyable est arrivé : je reconnais Yudhishthira, l'aîné des Pandavas dans le Mahabharata, en train de perdre au jeu de dés contre Shakuni. Il perd sa couronne, se perd lui-même, puis son épouse Draupadi, laquelle est forcée, alors qu'elle a ses règles, tremblante comme un bananier dans la tempête, de rejoindre les hommes dans la salle où se tient la partie de dés. Dushasana la tire par les cheveux. Plus loin, Duryodhana se découvrira obscènement la cuisse en la regardant. Entretemps, après un débat sollicité par Draupadi pour savoir si Yudhishthira avait le droit de faire de Draupadi l'enjeu d'un pari après s'être perdu lui-même, Dushasana tente d'humilier davantage Draupadi en tirant sur son sari. Celle-ci ayant adressé une prière à Krishna, son sari se rallonge miraculeusement au fur et à mesure que Dushasana tire dessus. Cette scène est sans doute une des plus bouleversantes de l'épopée indienne... Si j'avais été un peu frustré par l'évocation très brève de cette scène dans le Varnam, j'ai été émerveillé par la forme développée qu'elle a prise dans cette dernière pièce. Le moment le plus extraordinaire de cette pièce a été celui pendant lequel la danseuse a représenté presque simultanément trois personnages : Draupadi, Dushasana tirant sur son sari et Krishna faisant apparaître d'un geste ondulatoire de nouvelles longueurs de tissu tout en arborant un visage d'une sereine tranquilité. C'était véritablement magnifique !

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Planning de mars 2014

2014-03-07 10:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad — Planning

  • 1er mars 2014 (Cité de la musique) : Programme 100% Mozart de l'ensemble Les Dissonances.
  • 3 mars 2014 (Opéra Garnier) : Les ballets Fall River Legend d'Agnes de Mille et Mademoiselle Julie de Birgit Cullberg.
  • 7 mars 2014 (Salle Pleyel) : Ádám Fischer dirige le Philharmonique de Radio France pour un programme Haydn/Bartók/Dvořák.
  • 8 & 9 mars 2014 (RASA, Utrecht) : Week-end à Utrecht pour le festival de dhrupad. Trois concerts et un cours avec Uday Bhawalkar !
  • 13 mars 2014 (Salle Pleyel) : Programme 100% Strauss pour l'Orchestre de Paris dirigé par Marek Janowski. Ce concert me donnera l'occasion d'entendre la chanteuse Anja Harteros pour la première fois.
  • 14 mars 2014 (Musée Guimet) : Récital de bharatanatyam de Gayatri Sriram, que j'ai déjà eu l'occasion de voir à Mumbai en 2011.
  • 15 mars 2014 (Cité de la musique) : Je ne sais pas ce qui me fait le plus envie dans le programme de ce concert du Chamber Orchestra of Europe. Les Cinq mouvements de Webern me semblent aussi prometteurs que le Concerto pour violon de Beethoven et que les œuvres de Schubert programmées (Danses allemandes et Symphonie nº4).
  • 18 mars 2014 (Cité de la musique) : Je n'ai prévu d'aller qu'à un seul des nombreux concerts d'œuvres de Bach pour le clavecin programmés à la Cité de la musique et ce sera pour écouter Pierre Hantaï.
  • 19 mars 2014 (Salle Pleyel) : Le lendemain, La Passion selon Saint Jean dirigée par Masaaki Suzuki dont j'avais adoré La Messe en si mineur...
  • 21 mars 2014 (Salle Pleyel) : Avant la saison 2013-2014, je n'avais jamais eu l'occasion d'entendre le concerto pour alto de Bartók. Après les superbes interprétations de Daniel Vagner et Tabea Zimmermann, j'aurai cette fois-ci l'occasion d'entendre celle d'Antoine Tamestit.
  • 27 mars 2014 (Salle Pleyel) : Giorgio Mandolesi dans le concerto pour basson de Mozart !
  • 29 mars 2014 (Opéra Comédie, Montpellier) : L'Étoile de Chabrier à l'Opéra Comédie de Montpellier.

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Bilan 2013

2014-01-24 14:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

J'ai vu singulièrement plus de spectacles en 2013 qu'en 2012, à savoir plus de deux cents... Un certain nombre d'entre eux m'ont fait passer des moments exceptionnels. Si je ne devais retenir que l'exceptionnel parmi l'exceptionnel, je garderais les spectacles suivants (dans l'ordre chronologique) :

Voici quelques autres spectacles qui m'ont procuré beaucoup de plaisir. La sélection est évidemment très subjective. Je me suis limité à 10, mais beaucoup d'autres spectacles auraient pu figurer dans cette liste !

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Planning/Vite dit de janvier 2014

2014-01-19 14:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Planning

Il est un peu tard pour présenter un planning de spectacles de janvier, et un peu tôt pour faire le bilan du mois, mais ce billet tentera de faire les deux.

  • 1er janvier 2014 (Mylapore Fine Arts Club, Sri Krishna Gana Sabha, Chennai) : J'ai vu quatre spectacles lors de cette journée, le plus remarquable étant le récital de Sweta Prachande, disciple de Sucheta Chapekar et Priyadarshini Govind.
  • 2 janvier 2014 (Vidya Bharathi Kalyana Mandapam, Bharatiya Vidya Bhava, Chennai) : Cinq spectacles au cours de cette longue journée. Parmi eux, une remarquable lecture-demonstration sur le chant carnatique par T. S. Sathyavathi, un concert moyen et trois beaux récitals de danse bharatanatyam par M. Thamayanthi, Vaijayanthi Narendran et Janaki Rangarajan.
  • 3 janvier 2014 (Balamandir German Hall, The Music Academy, Chennai) : Pour conclure mon séjour à Chennai, un émouvant mini-concert matinal, un très beau récital de bharatanatyam d'Aishwarya Nityananda et un décevant ballet de danse odissi par la Sutra Dance Company de Ramli Ibrahim.

Opéra Garnier — 2014-01-08

Ballet du Théâtre du Bolchoï

Orchestre Colonne

Igor Dronov, direction musicale

Leonid Desyatnikov, musique

Alexeï Ratmansky, chorégraphie

Jérôme Kaplan, décors et costumes

Vincent Millet, lumières

Guillaume Gallienne, consultant dramaturgique

Lukas Geniusas, piano

Svetlana Shilova, Catherine Trottman, chant

Diana Vishneva, Coralie

Vladislav Lantratov, Lucien

Ekaterina Shipulina, Florine

Artem Ovcharenko, Premier danseur

Yegor Simachev, Camusot

Alexandr Fadeechev, Le Duc

Yan Godovsky, Le Maître de ballet

Illusions perdues, ballet en trois actes d'après le livret de Vladimir Dmitriev inspiré du roman éponyme d'Honoré de Balzac

J'ai apprécié certains aspects de la musique de ce ballet interprété par le Ballet du Théâtre Bolchoï. J'ai toutefois été étonné que la musique soit bien souvent une superposition entre une musique assez sérieuse et une musique moqueuse, comme si une partie de l'orchestre se mettait à caqueter. (Ceci n'est pas une critique de l'orchestre que j'ai trouvé excellent, mais de la curieuse composition de Leonid Desyatnikov.)

J'ai aimé voir les magnifiques danseurs Vladislav Lantratov et Diana Vishneva dans les rôles principaux (et revoir Ekaterina Shipulina exécuter une vingtaine de fouttés), mais je n'ai été aucunement ému par l'histoire.

Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2014-01-11

Jérôme Cormier, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Joël, chant dhrupad

Raga Gunkali

Le pakhawaj imposait d'accorder le tampura en la, ce qui me permit de chanter bien que ma gorge ne fût pas tout à fait remise de mon utilisation d'un encens anti-moustiques à la fin de mon séjour à Chennai... La dernière fois, nous étions quatre à accompagner notre professeur de chant dhrupad. Cette fois-ci, j'étais tout seul, et cela fait drôle de savoir que c'est sans filet...

Chez Malavika — 2014-01-11

Pauline Reibell, bharatanatyam

Kâmala

J'ai apprécié ce spectacle de danse bharatanatyam de Pauline Reibell (qui est comme ma prof disciple de Sucheta Chapekar). Le spectacle s'intitule Kâmala, qui est le nom de la fleur de lotus, dont l'éclosion sera évoquée de diverses manières au cours du spectacle. Celui-ci commence par le son originel Om, suivi de la note de référence Sa du solfège indien, bientôt rejointe par les autres notes de la gamme que la danseuse chante dos au public. Elle prononce ensuite en joignant le geste à la parole un vers essentiel de l'Abhinaya Darpanam sur les danses indiennes :

यतो हस्तस्ततो दृष्टिर्यतो दृष्टिस्ततो मनः ।
यतो मनस्ततो भावो यतो भावस्ततो रसः ॥

Ce qui se transcrit ainsi :

yato hastastato dṛṣṭiryato dṛṣṭistato manaḥ
yato manastato bhāvo yato bhāvastato rasaḥa

Là où va la main va le regard, etc. Après l'avoir prononcé en sanskrit, la danseuse en a proposé une traduction. La fin du vers est étonnamment traduite par Jaillit la joie. Le geste effectué par la danseuse évoque effectivement la joie, mais il me semble qu'il s'agit plus généralement de l'émotion esthétique (Rasa).

La bande-son alterne entre musique plutôt mélodique, silences, passages rythmiques et bruits urbains dans lesquels s'insèrent des réflexions sur divers sujets. La partie la plus développée du spectacle évoque Ardhanarishwara, la forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. Les deux divinités sont surtout représentées l'une par son attitude féminine et l'autre par l'action du tambour Damaru. Cette représentation se prolongeait peut-être dans deux passages rythmiques dans lesquels une seule de ses mains était animée d'un mouvement, le passage utilisant la main droite étant semble-t-il plus viril que celui utilisant la main gauche.

Dans la séquence suivante, la fleur de lotus semble éclore, attirée par le Soleil. La danseuse représente ensuite trois divinités associées au lotus : Lakshmi, Sarasvati, Govinda. Je suis alors ravi de la voir représenter Padmanabha. Plus loin, adoptant une pose demandant un certain sens de l'équilibre, la danseuse représente semble-t-il un poisson ; l'interprétation de cette pose par la danseuse est plus courbe que ce que j'ai pu voir récemment à Chennai.

Le récital est quelque peu austère, mais j'ai apprécié la beauté de certains mouvements convergeant vers des postures signifiantes et je me suis aussi délecté de la pièce narrative évoquant l'espiègle Krishna qui est intervenue avant le Tillana concluant le récital.

Salle Pleyel — 2014-01-16

Roland Daugareil, violon solo

Orchestre de Paris

Christoph von Dohnányi, direction

Le songe d'une nuit d'été (Ouverture), Mendelssohn

Martin Helmchen, piano

Concerto pour piano nº3 et ut mineur op 37 (Beethoven)

Symphonie nº9 La Grande (Schubert)

Superbe concert de l'Orchestre de Paris ! tout comme la dernière fois que j'avais vu Christoph von Dohnányi diriger cet orchestre, dans Le Château de Barbe-Bleue. Placé cette fois-ci à l'arrière-scène, je le vois diriger des épaules l'Ouverture du Songe d'une nuit d'été. Le grand moment du concert a été pour moi l'interprétation du Troisième concerto pour piano de Beethoven par le pianiste Martin Helmchen que j'avais déjà trouvé formidable comme accompagnateur de Juliane Banse lors d'un récital de Lieder. Comme beaucoup d'autres spectateurs, j'ai été captivé par son interprétation de ce concerto ! Beaucoup de rubato dans son jeu et dans celui de l'orchestre... Certains passages sont très virtuoses, mais je n'ai jamais l'impression d'être noyé dans un déluge de notes. Tout semble très clair !

Après l'entr'acte, j'ai beaucoup aimé l'interprétation de la symphonie “La Grande” de Schubert, notamment le deuxième mouvement, mais à chaque écoute, je trouve toujours cette symphonie un petit peu longue...

  • 18, 21, 23, 24, 25 & 26 janvier 2014 (Cité de la musique) : Voilà la sixième biennale de quatuors à cordes ! Si tout se passe bien, je devrais pouvoir assister à 14 des 16 concerts programmés lors de cet événement. Le compositeur classique mis en valeur est Mozart, et de nombreux autres compositeurs vivants ou morts seront représentés (Bartók, Beethoven, Britten, Haydn, Janáček, etc.).
  • 31 janvier 2014 (Salle Pleyel) : Après avoir joué et dirigé un programme similaire avec le Chamber Orchestra of Europa, Leonidas Kavakos revient avec un programme Mozart/Prokofiev/Schubert avec l'Orchestre philharmonique de Radio France. (J'ai vraiment l'impression d'écouter trop souvent la Symphonie nº9 “La Grande” de Schubert...)

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Bilan de la Saison de Décembre 2013 à Chennai

2014-01-12 17:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Je reviens ravi de mon court à Chennai pour la Saison de décembre. Je ne saurais trop recommander à quiconque aime la danse bharatanatyam d'y aller (les autres styles indiens n'étant que très modestement représentés). Je n'y retournerai pas tous les ans, d'une part parce qu'un séjour aussi bref en Inde est quelque peu dispendieux et d'autre part parce que l'ensemble des artistes présents ne doit pas beaucoup changer d'une année sur l'autre. Cependant, je retenterai l'expérience dans quelques années, c'est certain.

La plupart de mes journées commençaient très tôt. Pendant les premiers jours, je n'avais aucun mal à m'endormir, mais une fois réveillé sans raison vers 5h du matin, je n'arrivais plus à me rendormir. Les jours suivants, j'ai été réveillé tous les matins vers 5h par le son des nadaswarams du temple jouxtant l'hôtel moins onéreux que j'avais préféré au premier. Je n'avais dès lors plus qu'à attendre 7h que le restaurant Saravana Bhavan le plus proche ouvre afin d'y déguster des Appams servis avec du lait de coco.

Les spectacles de danse n'ayant lieu que l'après-midi, il a bien fallu que j'assiste le matin à quelques concerts de musique carnatique (et à des conférences-démonstrations à la Music Academy ou au Sri Krishna Gana Sabha). Il m'est apparu au cours de ce voyage que je n'aimais pas véritablement la musique carnatique. Les raisons m'ont été révélées lors de l'intéressante conférence-démonstration des violonistes Ganesh & Kumaresh. J'apprécie que le chant soit ornementé, c'est ce qui m'a attiré vers le dhrupad, mais le chant carnatique est beaucoup trop ornementé à mon goût. Les Alap sont trop courts et ne font pas entendre les notes de la gamme de façon progressive, puisqu'au bout d'un quart de seconde, le chanteur aura eu le temps de les jouer toutes avec déjà d'infinies combinaisons d'ornementations. Certains interprètes arrivent néanmoins à donner un caractère méditatif à leur chant. Ce fut le cas de T. M. Krishna et plus encore de Dr M. Balamuralikrishna. Me donner une petite chance d'entendre Dr M. Balamuralikrishna en concert faisait partie des raisons principales de mon séjour. Je suis heureux de l'avoir entendu, même si cela n'a duré que 10 minutes. En dehors de ce moment exceptionnel, je retiendrai surtout le concert matinal de Padmavathy Ananthagopalan & Jayanthi Kumaresh qui ont interprété avec leurs Vînâs un Ragam Thanam Pallavi, la forme musicale la plus élaborée dans la musique carnatique et la plus proche de la forme que prennent les Ragas dans la musique dhrupad.

La raison principale de mon séjour à Chennai était bien sûr la danse. En tout, j'aurai assisté à plus d'une trentaine de spectacles de danse (sur 52 spectacles vus en 12 jours). Cela commençait souvent par un récital au Narada Gana Sabha à 14h après lequel je filais au Sri Krishna Gana Sabha pour les récitals de 16h et 17h30 dans la petite salle, après lesquels j'enchaînais avec le spectacle du soir dans la grande salle du Sri Krishna Gana Sabha, ou dans une autre salle. À l'issue du festival du Sri Krishna Gana Sabha, je me suis tourné vers le Bharatiya Vidya Bhavan.

Pour ce qui est de la danse, j'ai été heureux de prendre un cours avec Srithika Kasturirangan qui porte une lourde responsabilité dans mon intérêt pour le bharatanatyam. En assistant à des récitals, j'ai découvert des styles de bharatanatyam extrêmement variés, du plus austère (C. V. Chandrashekhar) au plus exubérant (Nivedita Gopinath) en passant par l'art de la narration la plus lisible qui soit de Bhavya Balasubramanian, la grâce de Meenakshi Srinivasan, le style tout à fait unique de Padma Subramanyam (dont le travail sur les karanas peut néanmoins être admiré chez Janaki Rangarajan). Parmi les expériences allant vers la danse contemporaine, si j'ai été sensible aux tentatives de Rukmini Vijayakumar, j'ai un peu moins accroché à celles de Leela Samson et je suis resté complètement réfractaire à la démarche d'Anita Ratnam. Ce spectacle d'Anita Ratnam est la seule véritable déconvenue subie au cours de ce séjour, et ce d'autant plus qu'en assistant à ce mauvais spectacle, j'ai perdu une occasion de revoir Alarmel Valli. Mon grand autre regret est de n'avoir pas vu Bragha Bessel dont tout le monde loue les qualités exceptionnelles en Abhinaya, mais ce n'est, je l'espère, que partie remise.

La trentaine de récitals de danse auxquels j'ai assisté m'ont donc à peu près tous apporté des satisfactions ; je ne peux pas toutes les citer ici. Les plus grandes émotions ne sont pas toujours venues des danseuses les plus connues : la qualité d'un spectacle ne se mesure pas au prix des places (qui est souvent de zéro roupie !). Cependant, s'il y avait un seul spectacle en lequel je fondais de grandes espérances, c'était bien celui de Rama Vaidyanathan. Jusque là, je ne l'avais vue qu'en vidéo. Je m'attendais à ce que soit extraordinaire et assister à son récital au Bharat Kalachar m'a comblé au delà de toutes mes espérances !

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Chennai, Jour 12/12 : Amirtha Vahini, M. V. Narasimhachari, Aishwarya Nityananda, Sutra Dance Company

2014-01-10 17:08+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

The Indian Fine Arts Society, Balamandir German Hall, Chennai — 2014-01-03 à 08:30

Ensemble Amirtha Vahini, chant

Il n'y avait pas beaucoup de spectacles programmés pendant cette matinée. La seule possibilité que j'aie trouvée était d'aller au Balamandir German Hall à 8h30. On était moins nombreux dans le public que sur scène où avaient pris place sept femmes et un homme qui chantaient sans accompagnement instrumental. Elles chantaient déjà avant que je fusse arrivé. Leurs chants sont semble-t-il en l'honneur de Krishna et sont pour la plupart en Adi Tala (les chanteuses ne le clappant pas toutes de façon synchronisées avec la leader). J'apprécie que les chants soient ornementés de façon beaucoup plus raisonnable que ne l'est le chant carnatique. Quelques délicieux glissandis exécutés entre certaines notes interprétées sur un tempo plutôt lent, cela me plaît davantage que les ornementations fractales de certains chanteurs ! Malgré leurs imperfections et leur absence totale de prétention, ces chants interprétés par un chœur m'ont beaucoup ému.

The Indian Fine Arts Society, Balamandir German Hall, Chennai — 2014-01-03 à 09:00

M.V. Narasimhachari, chant

Jayanthi Keshav, violon

Thiruvidaimarudur Radhakrishnan, mridangam

Quelques minutes après la fin du premier concert, le public n'est pas beaucoup plus nombreux pour le concert de M. V. Narasimhachari. La voix du chanteur âgé ne s'est pas tout à fait enfuie, lui permettant tout juste d'assurer le concert, ce qui me met assez mal à l'aise. La brièveté ou l'absence totale d'Alap dans l'interprétation des premières compositions m'a décidé à partir après un petit quart d'heure.

Pour la soirée, j'avais deux possibilités. La première était d'assister à un dance drama de Kalakshetra au Narada Gana Sabha. Après avoir vu une autre chorégraphie de Rukmini Devi dans le récital de C. V. Chandrashekhar, je me suis dit que je risquais de m'y ennuyer et ce d'autant plus que je ne connais pas bien le thème mythologique du dance drama Rukmini Kalyanam qui était programmé (pour cette raison, j'aurais bien aimé voir Sabari Moksham, mais c'était complet).

L'autre possibilité, c'était d'aller à l'ouverture du festival de danse de la Music Academy. Après avoir fui le concert mentionné ci-dessus, je suis passé vers 9h30 à la Music Academy pour acheter une bonne place. La vente commençait à 10h. J'étais le premier dans la file, bientôt rejoint par une japonaise, Naoko. Un agent de sécurité nous a dit de passer outre et d'aller sans attendre au bureau de la Music Academy où on nous a dit de rebrousser chemin parce qu'ils étaient débordés. J'ai finalement acheté mon billet et Naoko son abonnement (season ticket), comme quoi, c'est possible.

Le soir venu, je suis arrivé bien en avance à la Music Academy. Ayant payé ma place 850 roupies, je suis passé par l'entrée VIP et ai découvert que tout le petit monde ou presque du bharatanatyam à Chennai était déjà là ou en train d'arriver : Padma Subramanyam, Sudharani Raghupathy, les Dhananjayan, Shobana, les critiques Sunil Kothari et Leela Venkataraman, et bien d'autres non identifiés. J'aperçois aussi des membres de la Chidambaram Dance Company de Chitra Visweswaran. Si le public était invité à venir plus tôt, c'est parce que la Music Academy avait attribué à cette danseuse le prix Natya Kala Acharya qu'allait lui remettre C. V. Chandrashekhar après la cérémonie de l'allumage de la lampe. Parmi les discours faits à cette occasions, trois ont été remarqués. Tout d'abord, l'entrepreneur Sreedhar Potarazu, époux et père de danseuses, a expliqué qu'il finançait le festival de la Music Academy non pas par mécénat, mais par dévotion aux Arts. C. V. Chandrashekhar a de son côté exprimé son inquiétude sur la forme du récital de bharatanatyam Margam (structuré en Alarippu, Varnam, Padam, etc). Selon lui, de trop nombreuses danseuses utilisent leurs récitals pour raconter des histoires. Il veut bien que l'on raconte des histoires, mais il faudrait laisser cela aux chorégraphies de groupes (Dance Dramas). Si je me fie aux spectacles vus pendant la saison, ses inquiétudes me semblent assez largement infondées ; et ce n'est de toute façon pas moi qui reprocherait à une danseuse de raconter une histoire dans son récital... Les arguments qu'il a produits incluaient la défense de la poésie tamoule qui est utilisée dans certains types de pièces et il a aussi défendu l'importance de l'expression des sentiments de la nayika dans les Varnam alors que celle-ci suit un chemin spirituel vers la divinité.

Le discours d'acceptation de Chitra Visweswaran a été très émouvant. Elle a rendu hommage aux personnes grâce auxquelles elle est devenue ce qu'elle est. Elle a aussi exhorté à une prise de conscience des difficultés auxquelles sont confrontés les danseurs (pas de protection sociale, pas de retraite). Elle a appelé à une réflexion sur le rôle que l'État, les entreprises et la Music Academy pourraient jouer pour améliorer la situation.

La cérémonie s'est éternisée et la demi-heure prévue a été très vite dépassée. Le récital prévu ensuite a commencé avec 40 minutes de retard !

Ailleurs : The Hindu.

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2014-01-03 à 18:00

Aishwarya Nityananda, danse bharatanatyam

Pushpanjali

Varnam

Devanama

Padam

Tillana

Le récital d'Aishwarya Nityananda donné en ouverture du festival m'a semblé remarquable. Après une prière à Ganesh dont la danseuse a mis en valeur le gros ventre, elle a interprété un Varnam (Rupaka Tala) du Tanjore Quartet en l'honneur de Brihadeshwarar, la forme de Shiva qui réside à Tanjore.

La danse d'Aishwarya Nityananda semble appartenir à la plus pure tradition. Le thème de son Varnam (Rupaka Tala) a certainement fait plaisir à C. V. Chandrashekhar. Si les qualités expressives de la danseuse sont indéniables, son interprétation me paraît exceptionnelle pour une autre raison. Dans le bharatanatyam, il faut bien admettre que certains éléments de narration très courants finissent par devenir des lieux communs, mais dans ce Varnam la danseuse a repris certains de ces éléments pour les développer davantage que cela se fait habituellement, et élaborant des gestes nouveaux pour ces situations connues, elle renforce l'esthétisme et la poésie de ces scènes. Par exemple, après un premier jati ressemblant fortement à un Alarippu, l'héroïne adresse une prière à Shiva-Nataraja qui se laisse entrevoir et puis elle décide de confectionner une guirlande de fleurs. Au lieu de gestes vus et revus, la danseuse élabore sur ce thème. On la voit ainsi aller remplir des seaux d'eau au puits, puis arroser des fleurs et enfin seulement préparer les guirlandes de fleurs. Plus loin, entrant dans le temple, elle entend le son des tambours et des nadaswarams. Après son offrande de fleurs, Shiva lui apparaît sous une forme qui lui fait peur : certes Ganga coule de son chignon et il arbore le croissant de Lune, mais elle est effrayée par sa chevelure, les cendres et la peau de tigre. Quand il semble qu'il veuille lui prendre la main, elle s'enfuit. On retrouve ensuite l'héroïne dans une scène bucolique. Allongée au bord de l'eau, elle regarde une abeille butiner un lotus. Cette scène est extrêmement stylisée et la musique se fait presqu'impressionniste grâce au son de la flûte. L'héroïne voit aussi des couples d'oiseaux et d'antilopes. Elle refuse de continuer à voir ce qui la dégoûte. Elle cherche ensuite à s'unir à celui qui porte le tambour Damaru et dont la virilité quelque peu hautaine semble comporter une part de vantardise. L'héroïne est montrée en train de se faire belle. La scène est extrêmement riche en détails. Elle se regarde dans le miroir, se met un collier, des boucles d'oreilles, des bracelets. La danseuse portait évidemment des bracelets depuis le début de son récital, mais c'est tout comme s'ils n'avaient paru qu'au moment où l'héroïne qu'elle incarne les a mis ! L'héroïne enfile ensuite très soigneusement un sari, mais elle ne semble pas satisfaite. Elle jette tous ses ornements et supplie la divinité. Dans le dernier chapitre joyeux du Varnam, on voit l'héroïne s'émerveiller devant la vision de Shiva ascète réduisant Kama en cendres et semble-t-il aussi devant celle de l'épisode mythologique qui vaut à Shiva le nom de Nilakantha. Il me semble ainsi voir la danseuse évoquer le barattage de la Mer de Lait et montrer Shiva en train de boire le poison qui en a résulté, mais je n'en suis pas tout à fait certain, la chorégraphie n'incluant pas de geste spécifique pour signifier que Shiva en a conservé une marque à la gorge.

La danseuse a fait preuve d'une grande musicalité dans son interprétation et ses jatis étaient souvent assez complexes. Le Varnam a même comporté une scène assez vive dansée sur les genoux. La pièce suivante Devanama (composée par Purandara Dasa) évoquait Vishnu. La divinité est apparue plusieurs fois sous le nom de Rama dans le texte, et dans la chorégraphie, mais la pièce est surtout centrée sur l'avatar Krishna, et plus particulièrement sur l'épisode que constitue la Bhagavadgita. On voit ainsi Krishna en cocher. L'archer Arjuna refuse de combattre ceux avec qui il partage des liens familiaux. Krishna se montre à lui dans sa forme universelle. L'Univers tout entier apparaît. Arjuna en est émerveillé et repart au combat. La fin de la pièce comporte une très belle pose de Vishnu-Padmanabha sur le serpent Shesha.

Les deux dernières pièces m'ont paru bien moins passionnantes que les précédentes. L'avant-dernière était un Padam sur le même thème que celui présenté la veille par Janaki Rangarajan. L'interprétation d'Aishwarya Nityananda souffre beaucoup de la comparaison. Si elle n'avait pas annoncé préalablement le thème du Padam, je n'aurais sans doute rien compris à la pièce. Le Tillana n'était pas très enthousiasmant non plus. Il se réduisait à de la danse pure. Fait étonnant, le récital ne s'est pas terminé par la salutation traditionnelle.

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2014-01-03 à 19:45

Sutra Dance Company de Ramli Ibrahim, danse odissi

Krishna: Love Re-invented

À la lecture du programme du festival de danse de la Music Academy, il apparaît que les spectacles programmés en soirée sont des ensembles plutôt que des récitals solos. Le premier de ces spectacles est Krishna: Love re-invented dansé par la Sutra Dance Company de Ramli Ibrahim (Malaysie). Si les cinq premières minutes du spectacle m'ont paru réellement enthousiasmantes, l'ensemble me paraît consternant et je suis étonné qu'un aussi prestigieux festival programme un tel spectacle certes bien dansé mais dénué de substance. (Cela dit, j'ai déjà vu pire à l'Opéra de Paris !) La troupe est composée de quatre danseurs solistes : Ramli Ibrahim, un jeune homme interprétant Krishna et deux danseuses que les costumes ne distinguent pas des cinq autres danseuses du corps de ballet.

Le costume des danseuses comporte moins de tissu que le costume traditionnel de la danse odissi : elles n'ont que le corsage et le pantalon. Le sujet du ballet est on ne peut plus érotique. Pendant plus d'une heure, on nous montre Krishna en train de danser avec les gopis. Ce serait superbe si le ballet s'arrêtait à la fin du premier des cinq ou six tableaux, mais à force de revoir toujours la même chose tableau après tableau mon émerveillement a laissé la place à la lassitude.

Le premier tableau mettait en scène deux dévôts de Krishna : un homme (Ramli Ibrahim) et une femme (la prima ballerina). Les danseurs et danseuses de la compagnie dansent un style que l'on ne peut pas confondre avec un autre style que l'odissi. La cambrure des corps est tout à fait caractéristique. La lascivité des poses et des mouvements de transition met résolument en valeur l'aspect Lasya de la danse. Ce qui me plaît le plus, c'est le travail sur le placement du corps de ballet, très homogène : en danses indiennes, c'est la première fois que je vois ça (les danseuses de la Chidambaram Dance Company vues récemment développant davantage leur singularité).

Si le premier tableau était superbement travaillé, les suivants étaient très décevants, le sujet ayant été épuisé dès le premier tableau. Pour rendre le ballet plus substantiel, il aurait fallu par exemple explorer le Gita-Govinda ou narrer des exploits du jeune Krishna... Il faut néanmoins reconnaître une certaine audace dans les portés intégrés à la chorégraphie, sans doute à l'extrême limite de ce qui doit être acceptable en termes de pudeur sur une scène indienne.

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Chennai, Jour 11/12 : T. S. Sathyavathi, Kunnakudy M. Balamuralikrishna, M. Thamayanthi, Vaijayanthi Narendran, Janaki Rangarajan

2014-01-06 22:26+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Sri Parthasarathy Swami Sabha, Vidya Bharathi Kalyana Mandapam, Chennai — 2014-01-02 à 08:30

Dr. T.S. Sathyavathi

Lecture Demonstration: An aesthetic approach to pallavi and its facets

Mon avant-dernière journée à Chennai a commencé par une remarquable lecture-demonstration au Vidya Bharati Kalyana Mandapam que les rickshaws qui le connaissent appellent simplement Vidya Bharatai et qu'il ne faut donc pas confondre avec Bharatiya Vidya Bhavan qui se trouve aussi à Mylapore. La conférence est intitulée An aesthetic approach to pallavi and its facets. Après avoir chanté une courte et intense prière à Bhagavata, T. S. Sathyavathi a illustré ce qu'il fallait faire (ou ne pas faire) selon elle dans la partie Pallavi d'un Ragam Thanam Pallavi. Parmi ses idées, celle d'apporter du plaisir (pleasure) à l'auditeur plutôt que de créer une tension (pressure). Tous les efforts de l'interprète doivent aller dans cette direction, mais il ne faut pas que ces efforts soient apparents. Elle a présenté de nombreux exemples d'une grande difficulté technique, mais a insisté pour que l'interprète ne soit pas trop démonstratif et que le battements du tala et de ses subdivisions ne soient pas trop forcés : allier souplesse et précision. Par exemple, la chanteuse est passée tout naturellement de temps divisés en quatre doubles croches à des quintolets et puis plus loin, elle rendra très naturel un redoutable Talamalika, une guirlande de talas dans lequel chaque cycle rythmique était obtenu en mettant bout à bout plusieurs talas (en l'occurrence quatre : 3+???+4+5).

Sri Parthasarathy Swami Sabha, Vidya Bharathi Kalyana Mandapam, Chennai — 2014-01-02 à 10:00

Kunnakudy M. Balamuralikrishna, chant

M.A. Sundareswaran, violon

Thiruvarur Bakthavathsalam, mridangam

K.V. Gopalakrishnan, kanjira

La matinée se poursuit dans la même salle avec un concert de Kunnakudy M. Balamuralikrishna. Alors que j'arrivais à clapper immédiatement des talas pas tout à fait évidents avec l'oratrice de la lecture-demonstration précédente, je suis perdu quand je regarde Kunnakudy M. Balamuralikrishna, même quand il chante une composition dans le tala le plus courant (Adi). Le chanteur ne suit manifestement pas la même recherche esthétique que T. S. Sathyavathi. C'est très divertissant, je ne regrette pas d'être resté jusqu'au Tillana conclusif, mais je n'ai pas trouvé très transcendant ce concert.

Le temps est venu de parler d'un sujet important : la nourriture. J'ai pris la plupart de mes repas dans des restaurants comme Saravana Bhavan et d'autres du même type. Je ne suis allé qu'une fois dans un restaurant de luxe (Benjarong, un restaurant thaïlandais qui me permet de me remémorer à chaque passage à Chennai ce que signifie véritablement l'adjectif piquant appliqué à la cuisine). En cas de petit creux, je prenais des petits cakes nature vendus à tous les coins de rue pour 5 roupies.

La plupart des salles de spectacle disposent d'une cafétéria. Il ne m'a pas semblé qu'il y en ait une à la Music Academy et celle du Narada Gana Sabha n'étant ouverte qu'en soirée, je ne l'ai pas testée. J'ai souvent pris des cafés au Sri Krishna Gana Sabha, mais leurs plats ne sont pas terribles. Parmi les meilleurs cuisines que j'ai testées, celle du Brahma Gana Sabha (Sivagami Petachi Auditorium) est très bonne, tout comme celle du Mylapore Fine Arts Club, dont je n'ai malheureusement pas eu le temps de goûter au thali. La meilleure cantine a été pour moi indiscutablement celle du Vidya Bharati Kalyana Mandapam. La salle est grande et les murs sont recouverts de portraits de chanteurs de musique carnatique comme M. S. Subbulakshmi, Dr. M. Balamuralikrishna ou Aruna Sairam. J'y ai pris des vadas en arrivant le matin et je n'ai eu alors aucune hésitation sur l'endroit où je prendrais mon déjeuner. Après le concert de Kunnakudy M. Balamuralikrishna, je me suis installé dans cette cantine où des feuilles bananier étaient alignées pour servir le thali à volonté (un peu plus de 200 roupies). Un des meilleurs que j'aie goûtés !

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 16:30

M. Thamayanthi, danse bharatanatyam

À 16h30, je suis allé au Bharatiya Vidya Bhavan. L'entrée étant gratuité ce jour-là, j'ai assisté aux trois récitals de danse qui y étaient programmés afin d'être sûr d'avoir une très bonne place pour le dernier récital (de Janaki Rangarajan). La première danseuse est M. Thamayanthi, disciple d'Urmila Satyanarayanan. J'ai aimé son style très esthétique comportant des équilibres et une gracieuse utilisation de positions assises ou allongées.

Les deux premières pièces (un Pushpanjali en l'honneur de Shiva et un Alarippu rythmiquement compliqué dont la musique utilisait un tala à sept temps). S'ensuit un Varnam en Adi Tala dont je n'ai pas saisi la cohérence globale. Le premier jati ressemble à un Alarippu. Les mouvements semblent complexes, les bras et les jambes allant souvent dans des directions opposées. La jeune femme brûle d'amour. Elle va à la rivière se laver les cheveux et les arranger en chignon. Elle brûle toujours et cherche l'union. Des épisodes mythologiques sont ensuite évoqués. Il me semble discerner que quelqu'un est réduit en cendres (Kama par Shiva ?) et plus loin j'ai l'impression de voir une évocation de certains ou peut-être de tous les avatars de Vishnu, ce qui me paraît étrange, mais les apparitions de Krishna en flûtiste et du mot Gopala dans le texte lèvent mes doutes. Après un jati très rapide, on voit les abeilles butiner des fleurs et alors que l'héroïne se réveille après son sommeil, le Varnam se termine de façon joyeuse.

Le récital se conclut par deux délicieuses pièces en Adi Tala. La première décrit l'émerveillement d'une mère en voyant son enfant ; elle ne peut faire aucune tâche ménagère, puisqu'elle revient toujours auprès de l'enfant, pour lui donner des fruits, par exemple. Le récital se conclut sur un Tillana composé par Dr M. Balamuralikrishna, pas celui en Behag entendu déjà plusieurs fois, mais plutôt semble-t-il celui en Kadanakuthoohalam. La pièce évoquait Krishna et comportait un très bel équilibre.

En allant me dégourdir les jambes, je salue une dernière fois le violoniste Kalaiarasan qui filait jouer dans une autre salle et qui m'a demandé mon numéro de téléphone !

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 18:00

Vaijayanthi Narendran, danse bharatanatyam

Comme l'avant-veille, j'ai assisté à un récital d'une disciple de Krishnakumari Narendran. Le récital de Nivedita Gopinath était centré sur Vishnu (via son avatar Rama). Celui de Vaijayanthi Narendran est consacré à Shiva. Les discours en tamoul de Krishnakumari Narendran sont toujours aussi interminables. Les chorégraphies présentées par Vaijayanthi Narendran sont un peu moins hors normes que celles dansées par Nivedita Narendran. La première pièce commence par un jati très long mettant en scène le tambour Damaru de Shiva. Après une évocation du tambour, de la vînâ, de la flûte et de l'écriture, la suite de la pièce montre de nombreux attributs de Shiva (chignon, troisième œil, trident, Ganga, Nataraja, Damaru).

La deuxième pièce commence par le mantra Om Namah Shivaya dans laquelle la danseuse évoque la danse de Shiva en montrant plus ou moins les mêmes attributs que dans la pièce précédente. La vélocité de la danseuse est impressionnante. Presque trop, on n'en a pour ainsi plus le temps de distinguer les éléments évocateurs ou narratifs de la chorégraphie... Comme dans le récital de Nivedita Gopinath, les conventions du bharatanatyam semblent exploser avec l'insertion d'un passage de divertissement champêtre sans paroles dans lequel le son de la vînâ prend le dessus.

La pièce suivante utilise une musique de Papanasam Sivan et évoque semble-t-il l'amour filial de Yashoda pour Krishna.

La dernière pièce avait un titre ressemblant à Pandheri-yatra et m'a semblé évoquer un voyage en bateau et exprimer une dévotion (bhakti) vishnouïste.

Malgré la vitesse extrême des mouvements qu'elle a exécutés, la danseuse n'a trahi aucun signe de fatigue.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 19:30

Janaki Rangarajan, danse bharatanatyam

Margam

Un des récitals que j'attendais le plus en venant à Chennai était celui de Janaki Rangarajan, que j'avais déjà eu l'occasion de voir au Musée Guimet il y a quelques mois. Le chanteur est K. Hariprasad et le nattuvangam sera joué par Jaishri, ce qui à tout pour me plaire. L'orchestre ne comporte pas de violon, seulement une flûte (et bien sûr aussi un mridangam).

Après une prière au Tout Puissant, la danseuse qui porte un élégant costume associant blanc, vert et rose a interprété un Alarippu suivi d'une prière et d'une offrande de fleurs à Shiva. Le dieu était représenté avec son chignon, des cendres et la peau de tigre. Étrangement, pour représenter Shiva-Nataraja, après avoir fait prendre à ses deux mains leur position habituelle, elle a dirigé vers le côté opposé non pas sa jambe gauche mais sa jambe droite. La pièce de cette disciple de Padma Subramanyam s'est terminée par une superbe pose, qui est probablement un karana (le centième ?), qui ressemble un peu à la représentation iconographique d'un des pas du nain Vamana (incarnation de Vishnu). La danseuse se tient sur la jambe droite qui est tendue, tandis que la jambe gauche est parfaitement horizontale, pointée vers le côté et tenue par la main gauche, la main droite restant décontractée.

La pièce principale du récital est un Varnam. L'héroïne est éprise de Padmanabha (Vishnu). Les jatis comportent quelques mouvements très courbes et incorporent peut-être quelque(s) karanas. Au cours des trente-deux spectacles de danse que j'ai vus à Chennai, j'ai eu de très nombreuses occasions de voir Kama lancer ses flèches florales. La représentation qu'en a fait Janaki Rangarajan est sans doute la plus belle que j'aie vue. L'héroïne exécute des rites d'adoration d'une statue. Elle brûle de la séparation avec son bien-aimé. Par ses magnifiques mouvements d'yeux, la danseuse exprime la détresse de l'héroïne. Celle-ci se pare. Elle se coiffe les cheveux, se maquille, souligne le contour de ses paupières. Des couples d'oiseaux paraissent, des abeilles butinent, l'héroïne pense à celui aux yeux de lotus (Krishna flûtiste), ce qui donne à la danseuse l'opportunité d'exécuter des délicats mouvements de sourcils. Elle brûle toujours de cette détresse et puis Padmanabha apparaît enfin. L'héroïne le supplie, mais elle ne pourra semble-t-il adorer que son image.

Plus que par sa structure classique assez peu narrative, si j'ai trouvé remarquable ce Varnam (en Rupaka Tala), c'est par le travail exceptionnel de la danseuse dans l'expression de son visage et dans la beauté de sa gestuelle, que ce soit dans les passages rythmiques (jatis) ou dans les parties exprimant les sentiments de l'héroïne.

La pièce suivante est un Padam. Si je verrai par hasard une autre danseuse interpréter une pièce sur le même thème le lendemain, je pense que Janaki Rangarajan est la première danseuse que je voie à présenter le thème d'une héroïne (nayika) trahie par son amie (sakhi). L'amie sert d'intermédiaire entre l'héroïne et son amoureux (une divinité, qui était ici Muruga). On voit l'héroïne rédiger une lettre que la sakhi est censée transmettre à l'amoureux. Dans ce Padam, quand l'amie revient, l'héroïne remarque que son maquillage est ruiné, son rouge à lèvres dégouline de partout. Alors que la sakhi avait toujours été pour moi un personnage assez abstrait que je n'arrivais jamais à distinguer dans la chorégraphie, je l'ai vu pour la première fois dans ce Padam. Elle fallait voir la sakhi ayant perdu toute contenance, pleine de honte, peu fière d'avoir trahi la nayika. Cela n'a duré que deux ou trois secondes, mais c'était magnifique. La pièce se termine avec l'expression des regrets de la sakhi.

Le récital s'est terminé par un Tillana composé par Padma Subramanyam louant la beauté des créatures de Dieu. Les mouvements d'yeux de la danseuse sont encore éblouissants dans cette pièce qui se termine par un bel équilibre.

Alors que je m'apprête à aller féliciter la danseuse, je suis ravi de me retrouver nez à nez avec Jaishri à qui j'ai déjà eu l'occasion quelques jours plus tôt d'exprimer toute mon estime pour sa façon de jouer du nattuvangam. Arrivé à la loge, je suis accueilli par un Are you Joël?. Je ne suis pas sûr de m'en être complètement remis...

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Chennai, Jour 10/12 : Lalgudi G. J. R. Krishnan & Lalgudi Vijayalakshmi, M. S. Ananthashree, Sweta Prachande, Zakir Hussain

2014-01-03 16:10+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

The Mylapore Fine Arts Club, Chennai — 2014-01-01 à 09:30

Lalgudi G.J.R. Krishnan, violon

Lalgudi Vijayalakshmi, violon

Trichy B. Harikumar, mridangam

V. Suresh, ghatam

Pour ce premier concert de l'année, j'ai probablement entendu ce qui se fait de mieux en violon carnatique : les frère et sœur Lalgudi G. J. R. Krishnan et Lalgudi Vijayalakshmi, disciples de leur père Lalgudi Jayaraman. Le concert a été agréable, mais n'a pas atteint les sommets de celui des joueuses de vînâ Padmavathy Ananthagopalan & Jayanthi Kumaresh. Ils ont interprété de nombreuses compositions en Adi Tala (et Rupaka Tala) de grands compositeurs (Tyagaraja, Muthuswami Dikshitar et leur père). Leur concert a aussi comporté un Ragam Thanam Pallavi en Raga Desh sur un cycle rythmique à neuf temps (XxxxxXoXo). La première ligne du Pallavi a été chantée par Vijayalakshmi avant que les deux musiciens l'interprètent avec leurs violons. J'ai nettement préféré ses improvisations à celles de son frère, moins émouvantes. Le concert s'est conclu par un Tillana composé par leur guru.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2014-01-01 à 16:00

M.S. Ananthashree, danse bharatanatyam

J'ai passé l'après-midi et la soirée au Sri Krishna Gana Sabha. J'y ai d'abord vu M. S. Ananthashree qui si elle n'est pas la plus élégante des danseuses que j'aie vues a cependant une très bonne technique. Après une prière chantée à Ganesh, elle a interprété Sabai Anjali/Tirupavai (?) avec son costume qui ressemble davantage à une robe qu'aux costumes les plus courants qui comportent un pantalon. Elle y fait une offrande de fleurs à la sculpture de Nataraja présente sur scène puis en tant que jeune femme éprise de Krishna, elle adresse une prière à Narayana.

Son Varnam est en Rupaka Tala. Il met en scène l'héroïne et Thyagaraja Swamy (la forme de Shiva résidant à Tiruvottiyur, près de Chennai). Frappée par les flèches de Kama, elle brûle de la séparation alors qu'autour de la rivière, elle voit des couples d'oiseaux et d'antilopes, ainsi que des abeilles butinant des fleurs. Elle prépare soigneusement un collier de fleurs pour son bien aimé. La danseuse évoque ensuite les Arts en mentionnant le Dieu aux quatre visages, les quatre Vedas, le tambour, la parole, la beauté du son, le rythme (qu'elle bat avec les doigts). Les jatis de ce Varnam sont très complexes d'un point de vue rythmique.

La pièce suivante est un Padam (Rupaka tala) dans lequel une mère tente de détourner sa fille de Shiva dont elle est éprise. La raison est semble-t-il qu'elle veuille garder Shiva pour elle-même... Le récital s'est conclu avec un Tillana (Adi tala).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2014-01-01 à 17:30

Sweta Prachande, danse bharatanatyam

Le récital suivant a été merveilleux. La jeune danseuse Sweta Prachande a d'abord appris le bharatanatyam auprès de Sucheta Chapekar (la guru de ma prof) et comme elle me l'a dit après le spectacle elle s'est installée depuis plusieurs années à Chennai où elle continue sa formation avec Priyadarshini Govind.

Le chanteur souffre quelque peu de la comparaison avec la Dream Team de musiciens qui l'entourent. Au violon, mon ami Kalaiarasan, au mridangam, le maître G. Vijayaraghavan et K. S. Balakrishnan au nattuvangam. La première pièce est une magnifique évocation de Shiva. La souplesse et le petit gabarit de la danseuse lui permettent de rendre particulièrement impressionnante la pose de Shiva-Nataraja. Cette pièce a été une des toutes meilleurs pièces de bharatanatyam que j'aie vues au cours de ce séjour.

Le Varnam n'a pas été proportionnellement aussi riche en émotions que la première pièce, mais la danseuse y a très bien évoqué Shiva et la Déesse (dans son aspect guerrier), tandis que l'héroïne dévôte de Shiva cherchait à s'unir à lui. Pour accompagner cette danse, la musique était d'une rare beauté. Les jatis composés par G. Vijayaraghavan et dansés par Sweta Prachande étaient un régal autant pour les yeux que pour les oreilles. Dans les parties narratives, les frappes du mridangam étaient d'une rare pertinence. Une pause dans le Varnam a été rendue nécessaire pour que la danseuse puisse remettre un bijou d'oreille qui était tombé, ce qui a donné lieu à un délicieux petit solo rythmique. Après que l'on a vu l'héroïne se laver les cheveux à la rivière, le Varnam s'est conclu par une célébration joyeuse de la nature accompagnée de plusieurs jathis utilisant des notes solfiées (sargam).

Après un superbe solo du violoniste, la danseuse a interprété un Javali (Rupaka tala) dans laquelle l'héroïne est en colère contre un jeune homme au visage de lotus qui n'a pas été nommé. Le voit-elle aller avec une autre ? Plus loin, elle s'endort et rêve de s'unir avec lui dans un lieu rempli de fleurs, mais le rêve se transforme semble-t-il en cauchemar quand elle voit un serpent...

La danseuse interprète ensuite une pièce Tirakadi (?) sur une chanson tamoule en Adi Tala. Elle évoque l'amour maternel dans une atmosphère bucolique, alors que les abeilles butinent et que les oiseaux volent. Elle cueille des fruits pour son enfant, mais il pleure quand même. Il finit par s'endormir bercé par elle et la musique s'évanouit dans un superbe decrescendo.

Le récital se conclut par le Tillana évoquant Krishna en flûtiste composé en Raga Behag (Adi Tala) par Dr M. Balamuralikrishna. Ç'aurait été parfait si le chanteur ne s'était emmêlé les pinceaux dans les subtilités rythmiques de la composition et n'avait être recadré à plusieurs reprises par le nattuvanar.

(J'aurais bien aimé que la danseuse interprète une pièce chorégraphiée par Sucheta Chapekar...)

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2014-01-01 à 19:30

Zakir Hussain, danse bharatanatyam

Madhuram

Autant l'accompagnement musical du récital précédent était beau et pertinent, autant celui du récital du danseur Zakir Hussain a manqué de subtilité. Tous les détails narratifs étaient accompagnés de bruitages divers produits par le percussionniste. Par l'expression de son visage, le danseur avait un petit air de Charlie Chaplin. La scène était décorée d'élément vishnouïstes. La conque et le disque étaient figurés au fond de la scène où était aussi suspendue une flûte ornée d'une plume de paon. Des jarres (contenant du beurre) étaient suspendues côté jardin.

Une femme a annoncé ce programme Madhuram dans un discours en tamoul apparemment plein d'humour. Entre deux pièces, le danseur fera aussi un très long mais néanmoins éloquent discours en tamoul.

Après une offrande de fleurs, le danseur a développé des thèmes liés à l'enfrance de Krishna. On le voit soulever le mont Govardhana, manger du beurre en cachette, dompter le serpent Kaliya. On le voit aussi semble-t-il tuer Kamsa. Après une évocation de son rôle de cocher dans le Mahabharata, le programme se termine par une scène d'adoration joyeuse.

Une scène particulièrement comique peut-être comparée à un épisode de l'opéra Siegfried dans lequel Siegfried joue de la musique avec son cor après avoir lamentablement échoué à produire du beau son avec un roseau. De même, les premières tentatives de Krishna avec sa flûte n'étaient pas très concluantes, mais une fois qu'il est parvenu à en tirer de la musique, les créatures (oiseaux et antilopes) en sont tout émoustillés.

Agréable retour en rickshaw avec un chauffeur qui maîtrise mieux le hindi que l'anglais...

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Chennai, Jour 9/12 : G. Vijayaraghavan, Uma B. Ramesh, Nivedita Gopinath, A. Lakshman, Leela Samson & Spanda

2014-01-02 14:40+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-31 à 09:30

G. Vijayaraghavan, mridangam

K. S. Balakrishnan, nattuvangam

Lecture Demonstration: Rythms & vibrations in jathis

Comme l'avant-veille, je suis allé au Sri Krishna Gana Sabha pour assister à une lecture-demonstration. Celle-ci a été précédée du lancement d'un livre de Dr Kanak Rele sur le Mohiniyattam. C. V. Chandrashekhar a fait à cette occasion un discours d'éloge de la danseuse qu'il connaît depuis de nombreuses années.

La conférence a été magnifique. Le titre en était Rythms & vibrations in jathis. L'orateur est le maître du mridangam G. Vijayaraghavan, accompagné de K. S. Balakrishnan au nattuvangam. Après un discours en anglais qu'il avait fait l'effort de préparer, il a continué sa démonstration en tamoul. Il expliquait quelques notions, ce à quoi je ne comprenais rien, mais la démonstration qui suivait était suffisamment éloquente. Il commençait par faire une présentation orale d'un jathi (suite d'onomatopées rythmiques qui accompagnent des passages de danse pure dans un récital de bharatanatyam). Ensuite entraient en scène le danseur A. Lakshman et ses disciples (dans diverses configurations) qui exécutaient des pas de danse, le musicien utilisant son mridangam et les onomatopées rythmiques étant alors prononcées par son acolyte K. S. Balakrishnan qui utisaient aussi le nattuvangam. Concernant les syllabes utilisées, il a expliqué que l'on pouvait mélanger aux onomatopoées rythmiques le texte d'un vers, ou même n'utiliser que du texte, en particulier des mantras. De nombreux grands maîtres de danse ou danseurs étaient présents, il y avait notamment C. V. Chandrashekhar, Dr. Padma Subramanyam ou encore Anita Ratnam. Il y a eu quelques objections suivies d'un débat sur l'utilisation de mots ou de mantras dans les jathis. Les exemples qui ont suivi ont grandement mis en valeur la souplesse rythmique que s'autorise ce mridangiste. Les jathis qu'il interprète comportent des changements de tempos qui peuvent intervenir à divers endroits du cycle rythmique (les exemples donnés étant en Adi Tala ou sur un cycle voisin ne comportant que 7 temps, 3+4 au lieu de 4+4). Beaucoup d'accelerandos et de ritardandos ! Le temps paraît élastique quand il dirige ! Il est de l'avis que le mridangam doit avoir un rôle dans les émotions (bhava) que vont éprouver les spectateurs. Je crois bien qu'il y parvienne !

Priyadarshini Govind posera la question de la différence entre les anciens jathis et les nouveaux. Si j'ai bien compris le point-clef (dans les rares mots anglais qui surgissaient dans le flot de texte tamoul), la différence serait qu'autrefois on n'utilisait que des rythmes utilisant des nombres binaires. De nos jours, on s'autorise des découpages utilisant des nombres impairs. Le musicien reçoit un vibrant hommage de Padma Subramanyam qui explique aussi semble-t-il qu'elle a trouvé des inscriptions anciennes qui mentionnaient l'utilisation de nombres impairs et elle se félicitait que par sa recherche indépendante le musicien soit arrivé à la même conclusion !

Le programme ayant pris du retard à cause des embouteillages, je ne suis pas resté pour les démonstrations suivantes. Je me suis enfui en prenant bien garde à ne pas marcher sur les pieds des maîtres de danse...

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-31 à 14:00

Uma B. Ramesh, danse bharatanatyam

J'aurais bien voulu revoir Radhica Giri que j'avais vue en 2009, mais quand le spectacle du Narada Gana Sabha a commencé, j'ai compris qu'il y avait eu un changement de programme puisque c'était Uma B. Ramesh qui dansait. Ce changement de programme était annoncé dans le journal The Hindu, mais je n'avais pas vérifié ce fait, et il ne faut pas se fier uniquement à ce journal pour se renseigner sur les spectacles, puisque certains des spectacles que j'ai vus n'y étaient pas référencés...

Le programme a comporté une prière chantée à Ganesh, suivi d'un Toreyamangalam évoquant Rama (reconnaissable à son arc) et Sita, Padmanabha (dans une pose étrangement pas fléchie du tout) et Krishna avec flûte et plume de paon. Les jathis sont superbes, puisque le mridangam et le nattuvangam sont joués par les conférenciers de la démonstration ci-dessus ! Cependant, je me lasse de l'expression de la danseuse, toujours identique.

Dans le Varnam, l'héroïne se languit de (Maha)Vishnu. S'il n'y avaient les merveilleux jathis, je me serais vraiment ennuyé. L'attitude de dévotion/admiration de l'héroïne est quasiment constante pendant tout le Varnam (probablement transmis par son guru C. V. Chandrashekhar). Je respecte la démarche, tout est exécuté de façon très propre, mais ce n'est vraiment pas le style de bharatanatyam que je cherche. Plutôt que de la danse, mon plaisir de spectateur vient bien davantage du magistral accompagnement musical non seulement du mridangam mais aussi du violon.

La pièce suivante en Khanda Chapu Talam (équivalent de Sultal) est un Padam évoquant les exploits du jeune Krishna (qui soulève le mont Govardhana et qui danse sur le serpent Kaliya) et ses bêtises (voler du beurre). Je retrouve cependant la même attitude qui me lasse dans ces chorégraphies, la danseuse ayant très souvent les bras dirigés vers l'avant.

La pièce suivante est un Kirtana (Rupakatala) de Bragha Bessell qu'a déjà dansé Meenakshi Srinivasan quelques jours plus tôt. La divinité qui était en procession était en fait Padmanabha (Vishnu). Je comprends les faux indices qui m'avaient fait penser qu'il s'agissait de Ganesh (une attitude particulière au début de la pièce et un bout de texte qui semble être Ganapati), mais je ne comprends comment j'aurai vu manquer de la voir la posture typique de Padmanabha que l'on voit à fin, c'est dire si je devais être fatigué à mon arrivée depuis l'Arabie Saoudite...

Le récital s'est conclu par deux pièces en l'honneur de Vishnu (le thème de ce récital, visiblement) : Javali (à 7 temps) évoquant une héroïne amoureuse de celui qui a des yeux de lotus et Tillana évoquant Mahalakshmi et Mahavishnu.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 16:30

Nivedita Gopinath, danse bharatanatyam

Je me rends ensuite au Bharatiya Vidya Bhavan pour y assister à trois spectacles à la suite. Les annonces se font en tamoul uniquement et sont extrêmement longues. La guru s'excusera auprès de moi d'avoir utilisé le tamoul quand je la féliciterai dans le hall à l'issue du spectacle, mais je suis davantage surpris par l'usage quasi-généralisé de l'anglais dans les annonces. La guru (Krishnakumari Narendran) raconte donc en tamoul l'histoire du Ramayana que sa disciple Nivedita Gopinath va interpréter. (Je ne connais pas le tamoul, mais je reconnais les noms propres...) La première pièce évoque la naissance de Rama et de ses frères, l'épreuve de l'arc de Shiva réussie par Rama. S'ensuit un hommage aux arts (4 Vedas, parole, vîna, tambour) et la pièce se conclut semble-t-il par le mariage de Rama et Sita.

Le style de cette danseuse est tout simplement extraordinaire, et il est remarquable également qu'une personnalité comme Padma Subramanyam y ait assisté ! La pièce est très vive, très contrastée et interprétée avec une joie de danser assez incomparable ; une forme de rusticité tout à l'opposé de ce que j'ai vu dans le récital précédent s'y fait remarquer également.

S'ensuit une pièce sur un thème dans le prolongement du prédécent puisqu'il y sera question du Sundarakhanda, le livre des merveilles du Ramayana racontant la visite du singe Hanuman à Lanka, où il rencontre Sita et lui explique qu'il a sauté par dessus l'océan. Sita lui donne un anneau avec lequel elle s'était attaché les cheveux (je ne me souvenais plus de ce dernier détail).

Je n'ai en revanche rien compris à la dernière pièce dansée, elle aussi précédée d'un éloquent discours en tamoul.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 18:00

A. Lakshman & disciples, danse bharatanatyam

Le récital d'une danseuse a été remplacé par ce programme Swati Maalika par le danseur A. Lakshman et huit danseuses au nombre de ses disciples. Le première pièce était un Pushpanjali suivi d'un shloka sur Padmanabha. La pose finale montrait le guru en Vishnu-Padmabha entouré de disciples dont deux figuraient les têtes du serpent et une autre Lakshmi lui massant les pieds. Les danseuses ont eu l'occasion de se mettre davantage en valeur dans les pièces suivantes, notamment le kriti Bhave Gopala très développé évoquant l'enfance de Krishna : les conditions complexes de sa naissance, son goût pour le beurre, ses talents de bouvier (et de dompteur de buffles ?), la danse sur le serpent Kaliya (à cinq têtes, représentées chacune par une danseuse). On le voit aussi voler les vêtements de jeunes filles se baignant à la rivière. Après une évocation du Rasalila, la pièce se termine avec Padmanabha accompagné de Lakshmi. La pièce suivante évoque la désse guerrière, puis A. Lakshman interprète un Javali dans lequel une fille demande à Krishna d'attendre qu'elle soit plus grande. Cet agréable programme se termine par un Tillana.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 19:30

Leela Samson & Spanda, danse bharatanatyam

Disha

Si le programme de neo-bharatham d'Anita Ratnam m'avait profondément déplu, celui conçu par Leela Samson avec huit jeunes danseurs (autant d'hommes que de femmes) de son ensemble Spanda était plus convaincant. S'ils venaient danser ce programme au Théâtre de la Ville, ils y auraient certainement un certain succès. Les mouvements des danseurs font tous partie du vocabulaire de base du bharatanatyam. L'ancienne directrice de Kalakshetra les a utilisés pour présenter une recherche du mouvement originel développée sur trois pièces. Je crois que le seul élément non abstrait a été une courte évocation de Shiva-Nataraja. Tout le reste est de la danse pure utilisant la géométrie des diagonales de la scène du Bharatiya Vidya Bhavan. Les danseurs tournent lentement sur eux-mêmes sans changer de placement. Dans une autre pièce, ils utilisent beaucoup de suites de mouvements (adavus). Dans la dernière, j'ai l'impression de voir un serpent constitué par les danseurs se déplacer comme dans l'archéo jeu vidéo où on joue un serpent qui ne doit pas se mordre la queue. (Il est à noter que la musique n'utilisait pas de tala, comme s'il n'y avait qu'un seul temps, subdivisé en quatre doubles croches.)

S'ensuivent deux pièces d'Abhinaya, la première étant un solo de Leela Samson en hommage aux musiciens indiens morts au cours de la année 2013 finissante. La musique était un Thumri de Vasundhara Komkali. La deuxième était un Padam évoquant une jeune femme se languissant de Krishna.

Le programme s'est terminé par une vive pièce très rythmique de danse pure que j'ai trouvée un peu longue.

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Chennai, Jour 8/12 : Padmavathy Ananthagopalan & Jayanthi Kumaresh, Rasika Kumar, Hema Nandhini Raguraman, Lavanya Ananth

2014-01-01 14:25+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Narada Gana Sabha, Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2013-12-30 à 08:30

Padmavathy Ananthagopalan, vînâ

Jayanthi Kumaresh, vînâ

R. Ramesh, mridangam

Trichy Krishnaswamy, ghatam

J'ai passé toute la nuit à combattre des moustiques. Presque tous ceux que j'ai massacrés étaient déjà imbibés de sang... Je me suis rendu très tôt à la petite salle du Narada Gana Sabha. Une cérémonie religieuse était en train de se terminer. Tout le monde s'en allait ; j'étais donc le premier arrivé pour le concert de 8h30 de Jayanthi Kumaresh (déjà appréciée deux fois à Paris en 2009 et en 2012) et de son octogénaire guru Padmavathy Ananthagopalan qui est aussi sa tante.

Elles ont commencé par interpréter deux compositions assez courtes en Adi Tala. Les derniers cycles rythmiques des compositions sont utilisées pour des improvisations des percussionnistes. La partie principale du concert a été consacrée à un Ragam Thanam Pallavi (un vrai raga on ne peut plus développé), le premier que j'entends en musique instrumentale et un des tout premiers que j'entends (le premier était d'Aruna Sairam, et j'en ai entendu un, enregistré, dans le programme de danse d'Anita Ratnam). Ce type de pièce en trois parties est assez semblable à ce qui se fait dans la musique hindoustanie et dhrupad en particulier. Il ne s'agit pas de Rudravina comme dans le dhrupad, mais de Saraswativina. Sinon, la structure est la même. Elles ont commencé par un Alap. Les configurations évoluent. L'une peut développer son Alap tandis que l'autre (la disciple) reproduit les fins de phrases. Elles peuvent aussi laisser entendre le silence entre les phrases ou encore jouer à un jeu de questions et réponses. Le même type de combinaisons se reproduisent dans le Thanam, l'équivalent de Jor/Jhala en dhrupad. La pulsation entre en scène, mais les percussionnistes n'ont pas encore commencé à jouer. Enfin, la composition (Pallavi) intervient. Celle-ci est d'abord chantée par Jayanthi Kumaresh avant que les deux musiciennes l'interprètent, puis développent des improvisations. Parmi ces improvisations, on a pu entendre un jeu de questions de réponses entre Jayanthi Kumaresh et les percussionnistes (ceux-ci tentant de reproduire autant que possible le phrasé), et les deux percussionnistes se sont également livrés à un duo avant le retour de la composition en conclusion.

À part peut-être la brève apparition de Balamuralikrishna il y a quelques jours, aucun concert de musique carnatique ne m'a autant ému que celui-ci et c'est très certainement le meilleur concert de musique indienne instrumentale auquel j'aie assisté ! Le reste du public a manifestement beaucoup apprécié le concert aussi, une bonne moitié de spectateurs clappant le tala de façon énergique !

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-30 à 14:00

Rasika Kumar, danse bharatanatyam

Venant des États-Unis, disciple de Maithili Kumar et de C. V. Chandrashekhar, Rasika Kumar est une danseuse très grande par la taille. Après une prière, la danseuse a dansé une pièce intitulée Mallavi (?) suivie de Devistuti évoquant la Déesse sous plusieurs aspects : la connaissance via les 4 Vedas ou l'aspect guerrier (Mahishasuramardini). La pièce principale est un Varnam évoquant une femme qui est séparée de celui qu'elle a aimé dans le passé, Sundareshwara (la forme de Shiva résidant à Madurai). Les jatis sont très propres, très bien exécutés, la grande taille de la danseuse ne nuisant pas à la vitesse. Pourtant, je ne suis vraiment enthousiasmé par ce Varnam dont je crois pouvoir dire qu'il est dans le style Kalakshetra (comme celui interprété par C. V. Chandrashekhar). Les passages narratifs sont plutôt délicieux, comme lorsqu'elle repense aux moments où elle jouait de la musique avec son bien-aimé. La visite du temple de Madurai donne l'occasion à la danseuse de suggérer le hautbois indien (Nadaswaram), ce que je n'avais encore jamais vu faire. Ceci étant, les sentiments éprouvés par l'héroïne n'évoluent pas vraiment.

J'ai préféré le Padam chorégraphié par Bragha Bessell. Une jeune femme se pare pour accueillir Krishna, elle brûle d'amour, mais alors qu'elle l'invite chez elle, le chant du coq annonce le jour. Elle essaie bien de dire au coq de chanter un peu plus loin pour qu'on ne l'entende pas, mais il est trop tard.

Je garde du Tillana le souvenir de mouvements d'yeux très géométriques, assez semblables à ceux que l'on trouve dans les Alarippu.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-30 à 16:30

Hema Nandhini Raguraman, danse bharatanatyam

Je me rends pour la première fois au Bharatiya Vidya Bhavan, près du temple de Mylapore. La salle a paraît-il été rénovée récemment, mais au parterre, personne n'a pensé à mettre les fauteuils en pente. Même au deuxième rang, la tête d'une personne assise devant peut perturber la vue des pieds de la danseuse. La danseuse Hema Nandhini Raguraman vivant Malaysie est très talenteuse, mais ses pièces ont été introduits de commentaires beaucoup trop brefs pour que des spectateurs même un peu habitués puissent vraiment comprendre où elle voulait en venir. Ce n'est que vers la fin de son Varnam centré sur Shiva et Meenakshi, quand le texte disait Adbhuta que j'ai compris que c'était un Navarasavarnam évoquant les neufs émotions classifiées. Après ce qui m'a semblé être une évocation de Nilakantha (Celui qui a la gorge bleue), il ne me restait plus qu'à apprécier le sentiment de Paix émanant de la Déesse. (Le violoniste Kalaiarasan, qui jouait déjà dans le spectacle mentionné précedemment, a été excellent !)

Après avoir interprété un Shringarapadam, la danseuse a dansé un Kirtana lui aussi consacré aux Navarasa (m'a-t-il semblé). Le placement de la danseuse sur scène était très géométrique comme si elle délimitait neuf cases. C'était très furtif, et sans une certaine habitude, vu l'absence d'annonce, je n'aurais vraiment rien compris. Le récital s'est conclu par un Tillana très technique et comportant quelques sauts (la longue tresse de cheveux de la danseuse vole dans toutes les directions...).

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-30 à 18:00

Lavanya Ananth, danse bharatanatyam

J'avais été émerveillé les deux premières fois que j'ai vu Lavanya Ananth (en 2011 et en 2012. Si l'artiste a indiscutablement une personnalité, une très grande musicalité, un engagement et une présence scéniques, je n'ai trouvé ce récital que bon, alors que je m'attendais à de l'inoubliable. La faute en revient à la pièce principale du récital évoquant la forme de Shiva séjournant à Tanjore (Brihadeshwara). Les jatis étaient tous très élégants, mais les sentiments exprimés par l'héroïne ne m'ont pas semblé évoluer beaucoup au cours de la pièce, la jeune femme regarde au loin dans une attitude toujours identique qui m'a malheureusement un peu lassé.

La pièce suivante est Jagadotarana. Elle montre de façon délicieusement convaicante Yashoda en train de s'occuper du très jeune Krishna. Celui-ci ouvre la bouche et elle y voit l'univers tout entier. Il est aussi celui qui porte le mont Govardhana et ce sera un cocher dans le Mahabharata.

Je n'ai pas saisi tous les détails annoncés dans la pièce suivante (Abhinaya) dans laquelle une femme demande à Krishna de l'épouser comme il le lui avait promis quand ils étaient enfants.

La dernière pièce est en l'honneur de Surya (le Soleil). Aux différentes heures du jours sont successivement associées les divinités Brahma, Vishnu et Shiva. (Je n'ai pas bien reconnu Shiva, mais Vishnu et Shiva se distinguaient très bien.)

Un des grands points forts de ce spectacle était la présence du violoniste Kalaiarasan qui en était comme moi à son troisième spectacle de danse du jour ! S'il avait été excellent dans les deux spectacles précédents, il a été tout simplement génial dans le récital de Lavanya Ananth !!!

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Chennai, Jour 7/12 : Sadanam Harikumar, Prashant Shah, Rukmini Vijayakumar, Bhavya Balasubramanian, Manasa Harini, Purushothaman, Jayalalitha, Padma Subramanyam

2014-01-01 13:04+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 09:30

Sadanam Harikumar

Lecture Demonstration: Melapadam

Je ne l'ai pas reconnue tout de suite, mais la session de conférences tenue au Sri Krishna Gana Sabha est dirigée par Priyadarshini Govind. Je suis allé à cette lecture-demonstration parce que Sadanam Harikumar était annoncé comme étant un danseur et que le titre Melapadam contenait Padam (un type de pièces de pur Abhinaya). J'ai eu tout faux puisque l'orateur accompagné de deux percussionnistes (mridangam et tambour frappé par des baguettes) a expliqué que dans la kathakali (Kerala), après les pièces principales, on peut interpréter un Melapadam dans lequel le chanteur chante sur le raga de son choix le vingt-troisième Ashtapadi du Gita-Govinda. Ce chant est un intermède purement musical (comme j'en ai demandé la confirmation lors du temps réservé aux questions). Personne ne sait au juste comment cette tradition s'est installée. L'orateur tente d'innover en utilisant d'autres Ashtapadis. Le chant étant très beau, mais je n'ai pas réussi à me repérer dans le cycle rythmique à 10 temps très particulier utilisé et ce malgré le schéma descriptif tracé à la craie sur un tableau.

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 10:25

Prashant Shah, danse kathak

Rukmini Vijayakumar, danse bharatanatyam et danse contemporaine

Lecture Demonstration

La deuxième lecture-demonstration était dansée. La danseuse Rukmini Vijayakumar a commencé par présenter un extrait d'une pièce de bharatanatyam dans le but de démontrer qu'il était possible d'inclure de l'Abhinaya dans les passages rythmiques (jatis) qui sont des intermèdes de danse pure dans les pièces narratives. J'ai troujours trouvé assez saugrenue l'interruption du flot narratif que constituent les jatis. Dans cette pièce dédiée à Shiva, la danseuse a présenté un bharatanatyam assez spectaculaire, comportant des sauts, des pas rotatifs exécutés sur les genoux, des karanas et dans deux de ses jatis, elle a fait la démonstration attendue, le premier montrant Shiva muni de ses attributs (trident, peau de tigre, etc) et sous la forme de Nataraja (écrasant le démon Apasmara avec son talon). Le deuxième jati évoquait l'aigle Garuda. La pièce montrait aussi la forme androgyne Ardhanarishwara, Parvati séduisant Shiva, ainsi que l'archer Kama lançant des flèches florales. L'intégration d'Abhinaya dans les jatis a évidemment tout pour me plaire (comme je l'ai apprécié chez Shantala Shivalingappa), mais les maîtres de danse présents dans la salle ont paru dubitatifs... La lecture-demonstration se poursuivait avec une interventon du danseur de kathak Prashant Shah qui a parlé de ses collaborations à l'étranger et il les a illustrées d'extraits vidéo. Le plus convaincant le montrait en train d'éxécuter des pas très rythmiques avec une danseuse de flamenco. Pendant que les problèmes techniques du vidéoprojecteur étaint résolus, le danseur a essayé de nous faire des dictées rythmiques avec des frappes de pieds. Tout le monde a été très vite largué...

Rukmini et Prashant ont ensuite interprété un duo mêlant kathak et danse contemporaine (la danseuse ayant appris plusieurs styles de danse). Les danseurs n'ayant répété que la veille, la pièce a été largement improvisée, mais elle m'a semblée extrêmement convaincante (davantage que certaines créations de l'Opéra de Paris, par exemple). Là encore, certains maîtres de danse sont perplexes, expriment la déception de n'avoir pas vu un duo kathak/bharatanatyam. Une question plus constructive sur la musique a été posée par C. V. Chandrashekhar. La musique était une piste d'un album d'Anoushka Shankar. La danseuse expliquait qu'il était très important de très bien connaître la musique pour avoir des repères et ainsi mener à bien le travail de préparation.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-29 à 14:00

Bhavya Balasubramanian, danse bharatanatyam

À défaut d'être bouleversant d'un point de vue émotionnel, ce récital de la danseuse Bhavya Balasubramanian Ramachandan (résidant au Botswana) est une merveille dans l'art de la narration. Est-il possible de raconter une histoire par des gestes de façon plus lisible qu'elle ne l'a fait ? Le style de la danseuse inclut aussi des poses assez prolongées très esthétiques.

La danseuse est très gracieuse et sa danse inclut souvent une sorte d'ondulation allant des épaules jusqu'aux hanches qui me fait penser à Padma Subramanyan (une de ses gurus). Après un Pushpanjali, elle a dansé un Varnam (Adi Tala) dans lequel l'héroïne est amoureuse de Shiva. Il a trois yeux, le croissant de Lune, le serpent, un collier de rudraksha, des cendres, la peau de tigre, le feu et il est aussi Nataraja, le Seigneur de la danse. Frappée par les flèches de Kama, l'héroïne brûle de la souffrance de la séparation. Rien n'y fait, même après s'être aspergée d'eau, elle brûle toujours. Elle ne peut manger. S'ensuit une évocation du printemps : des gouttes de rosée issues de la lune, des abeilles qui butinent, des couples d'oiseaux, d'antilopes et même des serpents (ce qui ne manque pas d'effrayer l'héroïne). De son côté, elle est seule, et demande à son amie d'aller chercher Shiva. Celui-ci apparaît et on le voit réduire en cendres Kama qui avait perturbé son ascèse. Dans tout ce qu'elle fait, l'héroïne est déconcentrée par l'attente, l'espoir de voir Shiva. Ceci se produit pendant ses rituels religieux ou ses tâches ménagères. Ainsi, par exemple, en rêvassant un peu trop longtemps, elle fait brûler la nourriture qu'elle faisait cuire dans une marmite. On assiste ensuite à une adoration du lingam de Shiva, puis homme et femme sont réunis dans la divinité androgyne Ardhanarishwara. S'ensuit une célébration joyeuse qui culmine en la récapitulation de ce qui a précédé et en une évocation des Arts (musique et écriture).

La pièce d'Abhinaya suivante évoque la Déesse sous le nom de Tripurasundari. Au cours de cette pièce, la danseuse a inséré une magnifique narration de la naissance de Ganesh. Il est né de la seule volonté de Parvati, qui lui demande de garder sa maison et de ne laisser entrer quiconque sous aucun prétexte. Obéissant, Ganesh refuse l'entrée à Shiva qui lui tranche la tête. Voyant la détresse de Parvati, Shiva prend conscience de son erreur et s'en va. La première créature qu'il voit est un éléphant. Il lui coupe la tête qu'il emporte avec lui afin de réaliser une greffe d'organe. Le jeune homme ressuscite et prend l'apparence bienveillante de Ganesh. La pièce se conclut par l'évocation de la Déesse de la parole à laquelle sont associés les quatre Vedas.

Dans la pièce suivante Om Namo Narayana, la danseuse évoque des incarnations de Vishnu. Outre Narayana sur le serpent Shesha, il m'a semblé distinguer le sanglier Varaha et Krishna est apparu à la fin en flûtiste. En fait, la pièce développe surtout le destin de Narasimha, et ce de façon élaborée. Il est descendu sur terre en créature mi-homme mi-lion pour tuer un arrogant démon. Enfin, la pièce célèbre Vishnu dans une joyeuse adoration (bhakti).

Le récital s'est conclu par un magnifique Tillana dans lequel le style de la chorégraphe Padma Subramanyam transparait. Cette pièce illustre un vers énonçant en substance qu'un peu de Lasya suffit à rendre Devi heureuse et qu'un peu de Tandava contente Shiva. Les aspects féminins et masculins de la danse étaient ainsi harmonieusement confrontés dans cette pièce.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-29 à 16:00

Manasa Harini, danse bharatanatyam

La danseuse Manasa Harini est très jeune et talentueuse. La première pièce est un Pushpanjali en l'honneur de Ganesh, suivie d'un Shiva Kautwam chorégraphié semble-t-il par Chitra Visweswaram (je ne garantis rien, les annonces ayant été faites en tamoul). Le Varnam est centré sur la Déesse sous le nom de Meenakshi. Son aspect guerrier est mis en valeur. Shiva fait aussi quelques apparitions en Nataraja ou pour réduite Kama en cendres. Après quelques épisodes narratifs que je n'ai pas tous bien compris, la pièce se termine sur le sentiment de paix. La pièce suivante est un Kirtana de Purandaradasa évoquant l'espiègle enfant Krishna. Il mange de la cendre et quand il ouvre la bouche, Yashoda voit Narayana sur le serpent Shesha et est presque horrifiée par cette vision. La dernière pièce est très bien dansée. Elle comporte des sauts et évoque très joyeusement les Arts avec les thèmes de l'écriture, du tambour, du tala, de la vînâ et du sargam, mais d'un point de vue musical, il m'a semblé que flûtiste et violoniste ont massacré le Tillana de Balamuralikrishna (en Raga Behag me semble-t-il).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-29 à 17:30

Purushothaman, Jayalalitha, danse bharatanatyam

Le jeune homme Purushothaman et la jeune femme Jayalalitha exécutent de pièces de leur guru. Les chorégraphies sont assez peu intéressantes. En particulier, dans le Varnam j'ai l'impression de voir et revoir toujours la même séquence, le personnage féminin dévoué à Shiva ne semblant nullement évoluer d'un point de vue émotionnel au cours de la pièce...

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 19:30

Dr. Padma Subramanyam, danse bharatanrityam

Padma Subramanyam a développé un style qui lui est propre appelé Bharatanrityam. Grâce à ce spectacle programmé en soirée par le Sri Krishna Gana Sabha, j'ai eu le privilège de la voir dans son style inimitable. Elle était accompagnée de six danseuses. La musique est on ne peut plus joyeuse, je n'imagine pas d'autre orchestration que la vînâ et surtout la flûte pour l'accompagner comme c'était le cas ce soir-là. La première pièce Sathgurudarshakham était semble-t-il un hommage au Sathguru (Gnanananda ?) qui donne son nom à la grande salle du Narada Gana Sabha. Le texte et la chorégraphie évoque la connaissance (Shruti, Smrithi, Purano), la démarche d'un renonçant, le bain, puis Shiva et semble-t-il Ganesh. Le style de Padma Subramanyam utilise peu de pas, l'essentiel se passe dans le haut du corps et surtout au niveau du visage, plein de bienveillance ou d'ironie.

La pièce suivante Gopalkumara évoque le jeune Krishna. Elle est dansée par trois jeunes disciples. La plus délicieuse image est celle de la représentantion de Krishna en bouvier, deux danseuses figurant les bœufs aux côtés de la troisième qui incarne Krishna...

La pièce principale, la plus d'eveloppée, évoquait Vishnu sous le nom de Padmanabha. Padma Subramanyam prend parfois cette position de Vishnu couché sur le serpent Shesha, mais ses jambes sont très peu fléchies. La conclusion de la pièce offre une superbe image représentant Padmanabha, une danseuse prenant la posture de Vishnu couché, une autre figurant Lakshmi tandis que quatre autres représentent différentes têtes du serpent Shesha.

La pièce suivante est un Ashtapadi dansé par Padma Subramanyam. Elle évoque l'amour de Radha pour Krishna.

La dernière pièce (dansée par toutes si je me souviens bien) utilise une traduction en tamoul du Bhaja Govindam d'Adi Shankara. La composition et la chorégraphie rendent la pièce bien plus joyeuse que les interprétations classiques de la version sanskrite. L'ironie est également plus apparente dans l'affirmation selon laquelle la connaissance est bien inutile en l'absence de l'amour pour Krishna.

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Chennai, Jour 6/12 : Subas Pani, T. V. Sankaranarayanan, Vidhya Dinakanam, Deepika Potarazu, Anita Ratnam

2013-12-30 12:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Je commence à avoir mes petites habitudes à Chennai. Des Appams avec lait de coco au petit déjeuner, une Lec-Dem le matin, le programme de danse de 14h au Narada Gana Sabha à l'issue duquel je file pour assister à ceux du Sri Krishna Gana Sabha. J'arrive à ne même plus stresser quand j'ai à peine plus de vingt minutes devant moi pour aller d'une salle à une autre. Pourtant, monter dans un rickshaw ouvre la porte à l'imprévu. Cela peut être sordide : par exemple, je ne sais pas ce qui est le pire entre la vue de ce mendiant ayant une plaie ouverte au pied et la réaction du rickshaw-wallah réagissant par un cinglant Tricks!. Pour contourner les nombreux sens interdits, le chauffeur peut prendre les détours les plus invraisemblables qui soient. Je suis tombé plusieurs fois sur des chauffeurs qui ne connaissaient pas le Sri Krishna Gana Sabha. Ce fut ennuyeux la toute première fois que j'y suis allé... mais comme j'ai appris à connaître le chemin, je peux maintenant l'indiquer au chauffeur.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-28 à 08:05

Dr. Subas Pani

Lecture Demonstration: Music and mantras in Gita Govinda

Come les fois précédentes, le chairman de cette lecture-demonstration est Dr. Pappu Venugopalarao, mais cette fois-ci Sudha Ragunathan n'est pas présente. Le visage d'Archana qui chante la prière est resté caché derrière l'ecran de l'ordinateur portable du conférencier posé sur le pupitre. Il aura fallu qu'un spectateur signale le problème pour que l'on puisse enfin voir le visage de Subas Pani. Sa conférence sur le Gita-Govinda et la manière de le chanter est peu intéressante. Ses opinions se font d'ailleurs démolir quand la parole est donnée au public pour des questions et réponses. À ce jeu, le chairman n'est pas en reste... Une personne présente dans la salle a tenté de les réconcilier en disant que le chairman avait un point de vue de scholar tandis que l'orateur adoptait celui du devotee...

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2013-12-28 à 09:15

T.V. Sankaranarayanan, chant

Mysore M. Nagaraj, violon

Mannargudi A. Easwaran, mridangam

B. Shree Sundarkumar, kanjira

Après la conférence, je me dirige immédiatement vers la grande salle de la Music Academy pour le concert de T. V. Sankaranarayanan. Je ne suis pas certain d'avoir d'autre occasion d'assister à un concert à la Music Academy. J'ai choisi celui-ci parce que j'avais un trou dans mon emploi du temps et je pense avoir fait une bonne pioche !

Dans les compositions (utilisant des cycles rythmiques à 6, 7 ou 8 temps), le chant alterne entre T. V. Sankaranayanan et un autre chanteur, plus jeune, qui l'accompagne. Les improvisations en Sargam sont particulièrement enthousiasmantes. Les Alap le sont aussi. Comme Balamuralikrishna, ce chanteur n'utilise pas les syllabes habituellement utilisées par les chanteurs carnatiques, mais des mots ayant un sens. Sans utiliser un vers tout entier, T. V. Sankaranayanana utilise des mots qui trahissent certainement le courant religieux auquel il appartient : Hari, Narayana, Govinda, Rama. Il est impressionnant de voir la salle pleine malgré l'heure matinale se lever d'un seul mouvement pour consacrer au chanteur expérimenté une standing ovation !

En passant dans un quartier musulman, j'ai réussi à mettre la main sur un exemplaire du Musalman, le tout dernier journal au monde à être mis en forme à la main par des calligraphes ! J'ai bien eu peur que ce jounral en ourdou ait fermé puisqu'au 324 de la Triplicane High Road, il n'y avait rien qui ressemblât à un journal. J'ai suivi le sens des numéros décroissants qui correspond à l'ordre croissant de l'ancienne numérotation de la rue. Et là, autour du 324, je vois un marchant de journaux qui me dit que je suis habillé comme un nawab (ayant mis une sorte de sherwani). Il m'offre l'exemplaire du jour. Je passe devant le siège du journal que je prends en photo, mais ne sachant pas très bien ce que j'aurais pu dire si j'étais entré, j'en suis resté là.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-28 à 16:00

Vidhya Dinakanam, danse bharatanatyam

Excellent récital d'une jeune danseuse de bharatanatyam ! Les chorégraphies sont également magnifiques. La première pièce est un kirtana Ganesh Vandanam. Il s'agit d'une offrande de fleurs à Ganesh dont la danseuse met en valeur la trompe, les oreilles et le fait qu'il soit un scribe (selon certaines légendes, il aurait écrit le Mahabharata sous la dictée du sage Vyasa). Cette danse est très rythmée !

La pièce suivante est consacrée à la déesse Shakti, qui symbolise les quatre Vedas, qui est adorée par Brahma, Vishnu et Shiva. La pièce est extrêmement vive ! L'impression procurée par le trident et la peau de tigre n'en est que plus saisissante, et plus que tout, les yeux de la danseuse donnent à son regard une intensité sidérante.

La pièce principale du récital est un Varnam (chorégraphié le nattuvanar Sri Narendra Kumar) en l'honneur de Shiva (Om Namah Shivaya). Son chignon est très stylisé par ses deux mains que la danseuse maintient en hauteur de façon très prolongée ! Elle suggère aussi le serpent, Ganga, ses cheveux puissants, le tambour Damaru. La pièce met ensuite en scène la dévotion à Shiva par des offrande de fleurs, le fait de verser du lait sur le lingam et l'offrande de feu.

Le plus grand moment du Varnam est celui mettant en scène le jeune Markandeya, dévôt de Shiva. Il est attaqué par le dieu de la mort Yama qui est venu sur sa monture (un buffle assez rustique). Alors qu'il est sur le point d'être étranglé, Shiva intervient pour récompenser la dévotion de Markandeya. La divinité résidant à Chidambaram est ensuite montrée (Nataraja), ainsi que la rivière Ganga, et plus étrangement Vishnu sur le serpent Shesha (c'est tellement beau à voir que j'apprécie son apparition même si je ne comprends pas ce qu'il fait là !). Plus loin, Shiva est représenté assis, portant Damaru.

La séquence suivante évoque la nature : poissons, oiseaux, antilopes allant s'abreuver à la rivière. Le Varnam se conclut par une récapitulation de tout ce qui a été montré jusque là.

Intervient ensuit un Padam évoquant une héroïne séparée de Muruga. Si le travail de la danseuse sur les yeux était jusque là exceptionnel, on est passé dans une autre dimension quand je me suis rendu compte que d'authentiques larmes coulaient depuis l'œil droit de la danseuse...

Le récital continue avec une magnifique évocation d'Ardhanarishwara. Il me semble que la composition de Muthuswami Dikshitar est à six temps. Pendant certaines séquences de la pièce, la danseuse utilisait les trois premiers temps du cycle pour évoquer la composante masculine (Shiva) de la divinité androgyne et les trois derniers temps pour évoquer la composante féminine (Parvati).

Le récital s'est terminé par un éloge de Nandi (commençant par de la danse pure avant que n'intervienne le shloka).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-28 à 17:30

Deepika Potarazu, danse kuchipudi

La danseuse de kuchipudi Deepika Potarazu est disciple de Vempati Chinna Satyam et de Vempati Ravishankar (nattuvanar). Il ne m'a pas beaucoup ému, mais j'ai trouvé ce récital délicieux. La position du dos de cette danseuse de kuchipudi me semble plus courbée que dans le bharatanatyam où il est censé rester droit. La première pièce est un éloge de Ganesh. La pièce principale est un Tarangam incluant le traditionnel numéro de danse sur plateau de laiton, très bien exécuté. Cette pièce évoque l'espiègle Krishna qui vole du beurre et fait d'autres bêtises qui suscitent des réprimandes mais aussi de l'admiration de la part de Yashoda et des autres femmes de Vrindavan. La représentation de Krishna en flûtiste inclue des mouvements de doigts sur la flûte (la plupart des danseuses le représentent avec des doigts immobiles). Sa position décontractée est soulignée par de délicats mouvements de hanches.

Le magnifique Padam qui suit est sur un thème voisin : l'héroïne demande à son amie de lui ramener Krishna (sous le nom de Venugopalan).

Le Tillana final m'a semblé un peu long et répétitif, malheureusement.

(Je remarque que toutes les entrées de la danseuse se sont faites par le côté jardin, près de l'orchestre.)

(Dans le maquillage de cette danseuse de kuchipudi et d'autres danseuses de bharatanatyam vues ces derniers jours, je remarque la présence d'un point suggérant un grain de beauté sous la commissure gauche des lèvres.)

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-28 à 19:30

Anita Ratnam, danse neo-bharatam

Lamentable spectacle ! Comment une danseuse aussi talentueuse qu'Anita Ratnam peut elle se fourvoyer ainsi dans un programme intitulé Neelam et annoncé comme étant du Neo-bharatam. Je dirais plutôt Nullo-bharatam. La pièce (qui utilise de la musique enregistrée provenant de sources diverses) est centrée sur Vishnu et m'a semblé bien déprimante, alors que son avatar Krishna inspire plutôt une dévotion joyeuse, en principe. Je n'ai pas tellement envie de détailler mes impressions, mais le plus grand défaut de cette pièce est qu'il y avait très peu de danse, exécutée de façon très très lente. Je n'ai rien contre la lenteur ou même l'illusion de l'immobilité quand le regard exprime quelque chose, ce qui n'était pas le cas ici... En vitesse normale, il devait y avoir pour dix minutes de danse maximum. L'autre gros défaut résidait dans les atroces interludes de flûte (jouée en direct) entre les quatre parties de la pièce. Toutefois, je retiens une plutôt bonne impression de la dernière partie qui revenait sur des épisodes du Ramayana (arc de Shiva, exil en forêt de Rama et Sita, celle-ci devant enlever ses bijoux, la biche dorée, l'enlèvement, l'intervention de Jatayus, la construction du pont, la flèche lancée par Rama pour tuer Ravana). Cependant, on était davantage dans l'évocation plutôt que dans la narration. Bref, ce spectacle a été une énorme déception pour moi.

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Chennai, Jour 5/12 : Mohan Santhanam, Dr M. Balamuralikrishna, Oystein Badsvik, Rama Vaidyanathan

2013-12-29 13:41+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Cette journée fut exceptionnelle ! Dès que j'ai eu l'idée de faire ce voyage il y a un an et demi, et plus tard quand j'ai réservé mes billets d'avion, j'ignorais qui chanterait ou danserait pendant les 12 jours que j'allais passer à Chennai. Pour ce qui est du chant, j'espérais avoir une chance d'entendre Dr M. Balamuralikrishna et en matière de danse, je rêvais de voir Rama Vaidyanathan. Tout est accompli.

Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-27 à 10:30

Mohan Santhanam, chant

Mysore V. Srikanth, violon

Srimushnam Raja Rao, mridangam

S.V. Ramani, ghatam

Le matin, je suis allé écouter Mohan Santhanam parce qu'il fut le premier chanteur à me faire véritablement apprécier la musique carnatique (c'était en 2011). Ce concert ne m'a pas émerveillé, mais je l'ai trouvé réjouissant. Mohan Santhanam a chanté sept compositions précédées ou non d'un Alap. Elles utilisaient des cycles rythmiques variés que je reconnaîs et clappe de mieux en mieux : Adi Tala (8 temps, qui en paraît parfois 16 quand le tempo est lent), 5 temps (répartis comme dans le Sultal de la musique du Nord) et 7 temps (découpé en 2+5 contrairement à Tivratal). Un des ragas les plus développés (en Adi Tala) comportait une composition en l'honneur de Rama.

Je suis parti peu avant la fin du concert, après le duo rythmique entre le mridangam et le kanjira. Ceci, avant de me préparer pour le concert suivant pour lequel j'ai passé ma plus belle kurta.

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-27 à 16:30

Dr. M. Balamuralikrishna, chant

Il n'a chanté que pendant 10 minutes, de 16h39 à 16h49, mais elles furent magiques. Quand j'avais réservé des places pour des spectacles en soirée, on m'avait dit de venir vers 14h pour le concert gratuit de Dr M. Balamuralikrishna, programmé de 16h30 à 17h30. J'étais un des tout premiers à arriver et j'ai ainsi pu m'installer au onzième rang, les dix premiers étant réservés aux invités. À 16h, la salle était pleine à craquer, des dizaines de personnes étant debout sur les côtés et d'autres regardant la retransmission proposée sur un écran en dehors de la salle.

Jusque là, on s'activait beaucoup sur la scène pour préparer cette journée spéciale Classical to Global. En particulier, un ensemble de danseuses faisaient un petit raccord de leur performance un peu plus tard dans l'après-midi.

Vers 16h, quelques discours se sont tenus et la session a été inaugurée par Sa Sainteté Sri Kanchi Kamakoti Peetathipathi Jagadguru Jayendra Saraswathi Swamigal qui a prononcé un discours en tamoul depuis la chaise surélevée qu'occupait cette homme âgé et fatigué.

L'Alap du chanteur de 83 ans a commencé. Je ne saurais le décrire au-delà de la simple observation qu'il a utilisé les syllabes d'un vers dans son improvisation. Je n'ai été nullement frustré que son concert n'ait duré que dix minutes. Les spectateurs avaient été avertis du fait qu'il ne chanterait qu'un Alap. C'est un sentiment de contentement que j'ai ressenti en voyant le vieil homme s'en aller en marchant avec difficulté. Si la voix est intacte, le corps est usé et je mesure le privilège que j'ai d'avoir entendu ce chanteur.

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-27 à 17:00

Oystein Baadsvik, tuba

Numéro de cirque sans intérêt d'un tubiste norvégien repoussant les limites techniques du tuba. Si on voulait se moquer de la musique occidentale entre deux présentations des arts classiques indiens, on ne s'y prendrait pas autrement.

Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-27 à 19:00

Rama Vaidyanathan, danse bharatanatyam

J'ai vu beaucoup de danseuses de bharatanatyam, mais rien ne peut préparer le spectateur à la merveille de perfection dans tous les aspects de la danse qu'atteint la danseuse Rama Vaidyanathan ! Elle est extraordinaire !

Le récital a commencé par un Ragam du violon suivi d'une prière en l'honneur de Ganesh.

La première pièce est originale pour plusieurs raisons. La musique est celle d'un Alarippu. C'est la précision du rythme qui est mis en valeur, et au lieu de mettre en mouvement progressivement son corps comme on le fait habituellement dans les pièces ainsi nommées, la danseuse utilise cette musique pour évoquer la très précise géométrie de l'architecture des temples hindous. Ses mouvements sont très géométriques, très carrés. Sur les vidéos que j'avais vus d'elle, la qualité première de la danseuse me semblait être son expression et sa gestuelle souple et élégante. Ici, elle fait preuve de qualités opposées ! Dans la suite de la pièce, la danseuse évoque la déesse qui se trouve dans le sanctuaire, la représentant en Mahishasuramardini avec le trident, en cavalière, sous la forme de Kali ou de Sarasvati. Les mouvements se font progressivement de plus en plus gracieux alors que la musique s'est fait mélodieuse avec le shloka. Le sentiment de Paix domine la fin de la pièce alors qu'une dévôte offre des fleurs à la divinité dans une position d'adoration qui me semble proche de l'arabesque (tout comme dans le récital de Narthaki Nataraj). L'équilibre de la danseuse dans cette position est magnifique et la lenteur avec laquelle elle a interprété ce mouvement était très émouvant. Vers la fin de la pièce, la danseuse exécute une sorte de récapitulation des mouvements évocateurs présentés jusque là.

Dans son Varnam, Rama Vaidyanathan incarne une jeune femme éprise de Srinivasa (Vishnu). Le premier jati (passage rythmique) utilise une agréable combinaison de postures féminines et de mouvements habituels et j'ai particulièrement apprécié la façon de la danseuse de se transformer pour passer d'une posture à une autre. Ensuite, à une certaine heure de la journée (je reconnais les mouvements qui précise l'heure qu'il est, mais je ne sais pas encore lire l'heure...), la jeune femme se prépare. Elle se pare de colliers, bagues, bracelets, fleurs. Ensuite, alors que les abeilles butinent et qu'elle pense aux yeux de lotus de Srinivasa magnifiquement montrés par la danseuse, le feu brûle dans le cœur de l'héroïne. Le jati suivant est extrêmement gracieux. Un personnage féminin (l'amie de l'héroïne sans doute) semble parler au beau jeune homme qu'est Srinivasa. Elle lui dit qu'elle l'aime, mais lui ne veut pas. Il l'embête ensuite en lui lançant de l'eau (semble-t-il), mais elle ne veut pas jouer à ça, et puis elle se ravise, peut-être que si, en fait. Touchée par les flèches florales de Kama magnifiquement stylisées par la danseuse, les mains de la danseuse suggèrent l'union des deux personnages. Plus tard, pensive alors qu'elle observe un couple d'oiseaux délicieusement évoqué par Rama Vaidyanathan, elle pleure du fait de la séparation. Assise dans une position lascive, elle dort, mais elle ne le sait pas. Elle pense que Srinivasa lui prend la main, mais ce n'est qu'un rêve. La dernière séquence comporte de nombreux jatis accompagnés de swaras (notes solfiées) et une récapitulation des épisodes précédents.

La pièce suivante est sur musique composée par Balamuralikrishna ! La gopika est très sarcastique. Elle se barricade chez elle, refusant les fleurs que le flûtiste Krishna voudrait lui donner. Elle lui dit non. Elle sait bien qu'il en offre à toutes les filles. Va chez elles, pas chez moi !

La pièce suivante est ravissante de poésie. Elle développe la comparaison entre les sentiments amoureux et les couples d'oiseaux, un thème classique de la poésie indienne ancienne qui apparaîssait déjà dans le Varnam. L'héroïne dit au coucou de ne pas chanter coucou trop près d'elle parce que cela lui rappelle qu'elle est séparée de son amoureux. Pour représenter le couple de coucous, la danseuse utilise le mudra approprié et montre aussi de façon très poétique leurs délicats mouvements de becs quand elle leur donne à manger. Cela pourrait paraître kitsch exécuté par d'autres danseuses, mais par elle, c'était merveilleux. La pièce se termine par un signe d'espoir. Comme la monture de son amoureux est l'aigle Garuda (que la danseuse a montré de façon majestueuse !), l'héroïne peut voir cet oiseau comme un intermédiaire pour aller vers Lui.

La dernière pièce Shivoham est une superbe évocation de Shiva composé par le nattuvanar Karaikuddi Sivakumar (qui a aussi composé les jatis du Varnam). Elle évoque Ganga, Nataraja, la danse très Tandava de Shiva avec le tambour Damaru. Elle montre aussi le feu, le tigre, l'antilope qu'il porte, etc. Après une récapitulation de ces attributs, la pièce se finit de façon apaisée.

Parmi les qualités de la danseuse que je ne soupçonnais pas et dont elle a fait preuve pendant tout le récital, je retiens la beauté des courbes dans sa façon de passer d'une position à une autre, souvent en équilibre sur un pied.

J'étais sur un petit nuage en sortant de l'auditorium alors que je venais d'entendre la douce voix de Rama Vaidyanathan que j'étais venu féliciter. Elle m'a demandé si j'étais un danseur !?

Vite, il est déjà temps de filer vers une autre salle de spectacle !

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Chennai, Jour 4/12 : Srikumar Karaikudi Subramanian, Srithika Kasturi Rangan, Narthaki Nataraj, Hyderabad Brothers, C. V. Chandrashekhar

2013-12-28 15:20+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-26 à 08:05

Srikumar Karaikudi Subramanian

Lecture Demonstration: The structure and logic of gamakas - A computer synthesis approach

Jeudi matin, comme la veille, je suis allé assister à une Lec.-Dem. à la Music Academy. Le but de la conférence était d'expliquer comment synthétiser par ordinateur de la musique carnatique en respectant le système complexe d'ornementations (gamakas) qu'elle comporte. Plusieurs problèmes se présentent. Le premier est de savoir comment représenter conceptuellement ce qui se passe dans une ornementation. L'idée de l'orateur a été d'additionner deux composantes : une appelée Stage décrivant un mouvement mélodique global d'une note à une autre et une autre composante appelée Dance décrivant des oscillations de faible amplitude. L'autre problème est celui de déterminer une façon raisonnable d'ornementer une mélodie en s'appuyant sur un catalogue d'exemples pour un Raga donné. La réponse doit d'ailleurs dépendre de la vitesse à laquelle la musique est jouée.

Le public a été impressionné par les exemples de musique synthétique fournis (imitant le son de la vînâ). T. M. Krishna (entendu la veille) était impressionné pointait également les limites actuelles qu'il faudrait dépasser. Il y a eu une controverse amusante pour savoir si une mélodie particulière devait être notée Pa-ma-Ga-ma ou Pa-ma-Ga-Ga : le chant est tellement ornementé que l'on ne sait plus quelles notes on joue au juste !

Cela aurait peut-être pu arriver avec une autre danseuse, mais le fait est que mon intérêt pour la danse bharatanatyam a pris une autre dimension depuis le récital de Srithika Kasturi Rangan en février 2010. Je l'ai donc contactée il y a quelques jours afin de lui demander de me donner un cours, ce qu'elle a gentîment accepté. J'ai eu un peu de mal à trouver l'endroit parce que j'ai eu le malheur d'y aller en rickshaw. J'avais pourtant bien pensé à lui dire de ne pas prendre le flyover, mais je n'avais pas pensé aux sens interdits qui allaient nous bloquer. Si j'ai pu suivre jusqu'à un certain point où nous étions sur le plan que j'avais téléchargé sur mon portable, subitement à force de tourner dans tous les sens ni moi ni le chauffeur ne savions où aller... Arrivé sur place, les deux heures passées avec elle furent passionnantes.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-26 à 14:00

Narthaki Nataraj, danse bharatanatyam

Comme les jours précédents, j'ai assisté au programme de danse bharatanatyam du Narada Gana Sabha de 14h. Ce récital de Narthaki Nataraj a été superbe !

L'orchestre est composé du nattuvangam, du mridangam, du violon et de la flûte. Le chanteur ouvre le programme avec une prière chantée en l'honneur de Ganesh que j'entends pour la troisième fois de puis mon arrivée.

La première pièce dansée Suladhi est en trois parties. La première ressemble à une offrande de fleurs à Narayana (Vishnu) qui est superbement mis en valeur couché sur le serpent Shesha dans une longue pose qui est exécutée par la danseuse avec une souplesse que je n'ai ancore jamais vue et que pourraient lui envier des danseuses plus jeunes... La deuxième partie évoque Krishna-Keshava montré avec sa flûte, sa plume de paon dans les cheveux et jouant avec les gopis portant des jarres d'eau sur leur tête. La dernière partie narre de façon très fine le mariage de Sita et Rama après que ce dernier a brisé l'arc de Shiva.

Vient ensuite le Varnam. La structure de ces pièces élaborées m'apparaît de plus en plus claire à force d'assister à des récitals. En particulier, le chapitrage m'apparaît maintenant évident, chaque chapitre commençant par des grappes de pieds et des mouvements d'yeux exécutés au fond de la scène. Vient ensuite un jati (danse pure rythmique) qui est annoncé par l'invariable même suite d'onomatopées rythmiques (qui dépend sans doute du Tala cependant). Au cours du développement narratif qui suit, un deuxième jati est inséré, mais il est souvent exécuté sur des notes solfiées (Sargam) plutôt que sur des onomatopées rythmiques.

Ce Varnam évoquant Shiva sous sa forme résidant à Tanjore (Brihadeeswarar) est ainsi divisé en sept parties. La première évoque Shiva avec ses attributs habituels (chignon, peau de tigre, Ganga) et la danseuse prend aussi la pose du Seigneur de la danse. La deuxième montre semble-t-il Parvati tentant de séduire Shiva alors que celui-ci est en ascèse. Elle évoque aussi les Arts : l'écriture, la musique, le rythme, le tambour. La troisième est consacrée à la forme guerrière de la Déesse qui lui vaut le nom de Mahishasuramardini. Peut-être était-il question aussi du jeune Markandeya, mais ce fut trop furtif pour que j'en sois certain. La quatrième comporte un jati en 12/8, chacun des temps d'une suite de 4 étant subdivisé en trois. La partie narrative évoque la nature, des couples d'oiseaux, des poissons, ce qui donne lui à un magnifique équilibre prolongé de la danseuse dans une position qui n'est pas trop éloignée d'une arabesque, le haut du corps et une jambe tendue étant alignées pour former une ligne horizontale. La cinquième est centrée sur le plaisir esthétique procuré par la danse (Nataraja) et la musique (Sarasvati). La sixième évoque une femme désespérée par la séparation. La septième montre le butinement des abeilles, une dévôte du Shiva (la position des mains correspondant au lingam apparaît souvent) et curieusement il me semble aussi que Krishna fait quelques apparitions en joueur de flûte...

J'ai beaucoup apprécié ce Varnam, mais j'aurais aimé le comprendre davantage et surtout en mieux saisir la cohérence globale... Précédées l'une d'un solo de flûte et l'autre d'un solo de violon, deux pièces de pur Abhinaya ont ensuite été présentés par la danseuse. La première montre une héroïne en train de décrire les qualités de son amoureux et en particulier ses yeux en forme de lotus. On la voit aussi se parer pour lui. J'ai particulièrement aimé la façon de représenter la jeune femme se mirant dans un miroir. Dans l'autre Padam, une jeune femme est abandonnée par sa famille, celui qu'elle aime, Muruga, est devenu tout pour elle. La chorégraphie met particulièrement en valeur la monture de Muruga : le paon. Après l'avoir refusée, Muruga finit par l'accepter.

Le récital s'est terminé par un Tillana évoquant Krishna dansant avec les gopis à Vrindavan, ainsi que Vishnu-Padmanabha couché sur le serpent Shesha.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-26 à 16:00

Hyderabad Brothers, chant

H.N. Bhaskar, violon

Tanjore Murugabhoopathy, mridangam

S.V. Ramani, ghatam

Je suis parti après avoir écouté les Hyderabad Brothers pendant une demi-heure. Ils sont très avares en Alap, et le chant n'étant pas très enthousiasmant (à part à la rigueur dans les sections de Sargam), j'ai fui. Avant de fuir, je m'étais éloigné d'une spectatrice qui clappant le tala faisait aussi tinter ses bracelets...

Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2013-12-26 à 19:00

C.V. Chandrashekhar, danse bharatanatyam

Dans la soirée, je me dirige vers le Brahma Gana Sabha pour le récital de C. V. Chandrashekhar. Depuis ma place au balcon, je remarque la présence de Chitra Visweswaram dans le public. Peu avant, à la cantine (fameuse) de cette salle, je me retrouve par hasard nez à nez avec Jaishri que j'ai vue jouer admirablement bien du nattuvangam deux fois ces derniers jours et je m'empresse de la féliciter.

Après une prière, la première pièce dansée est une offrande de fleurs à Sri Ganapati (kriti de Thyagaraja) dont le danseur évoque du bras gauche la trompe et du droit les oreilles. Il met aussi très bien en valeur sa démarche de pachyderme. Il évoque ensuite les arts avec la vînâ et le tambour. (Je ne suis pas fan du violoniste portant des lunettes de soleil dont le violon sonne comme un hautbois indien !)

La pièce principale du récital est un Varnam chorégraphié par Rukmini Devi, fondatrice de l'institution Kalakshetra. Comme ce style est austère ! L'ensemble me semble très aride, et donc difficilement intelligible. Le Varnam est centré sur Shiva. Au début, on voit une femme portant un plateau préparer des rituels en l'honneur de Shiva (dont le chignon est suggéré). Plus loin, on verra semble-t-il Rati l'épouse de Kama supplier Shiva de ressusciter son époux que Shiva avait réduit en cendres. Le texte chanté semble rarement en rapport avec ce qui est montré, puis que le chanteur chante en boucle pendant de longues minutes Thyagaraja Swami alors que la danse de Shiva est évoquée. Après un retour à la prière initiale, il me semble que la prière de Rati est exaucée puisque l'on voit un beau jeune homme portant un arc... (Si cela se trouve, ce Varnam n'avait aucun rapport avec Kama et Rati, mais ce que j'ai vu me semble cohérent avec cette histoire.)

Si la chorégraphie est austère, l'expression du visage du danseur était très convaincante. Je n'ai pas parlé des jatis, mais ils étaient parfaitement exécutés, ce qui est impressionnant compte tenu de l'âge du danseur (78 ans !).

Deux Padam ont suivi. Le premier évoquait (sur un rythme à cinq temps) l'amour filial pour Muruga qui commence à marcher et faire des bêtises (comme voler le croissant de Lune de son père, etc). Le deuxième était sur un kriti de Purandaradasa : Yashoda demandait à Krishna de ne pas aller au-delà du seuil de la maison.

Le Tillana conclusif évoquait la déesse Annapurna de Varanasi. Lors de la salutation finale, le danseur s'est couché à plat ventre sur la scène !

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Chennai, Jour 3/12 : Ganesh & Kumaresh, T. M. Krishna, Vyshnavie Sainath, Begum Parveen Sultana, Shobana

2013-12-26 18:16+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Étant sorti au milieu d'un concert ennuyeux au possible, je trouve le temps de finir ce billet sur les spectacles vus hier :

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-25 à 08:05

Ganesh & Kumaresh, violon

Lecture Demonstration: Creative possibilities in ragas with special focus on instruments

Après des appams en guise de petit-déjeuner, ma journée a commencé avec une Lec.-Dem. à la Music Academy. Tous les matins y ont lieu des conférences-démonstrations. À mon grand étonnement, la salle était pleine et les enfants ont même été invités à monter sur scène autour du duo de violonistes formé par Ganesh et Kumaresh. Le chairman qui dirige la session est accompagné de la chanteuse Sudha Ragunathan (qui n'a pas pu chanter la veille...). Après une prière chantée par une apprentie chanteuse carnatique, la conférence a commencé. La langue utilisée est un curieux mélange d'anglais et de tamoul. Une des conclusions des conférenciers est que la musique indienne a cette particularité d'être non visuelle : elle n'est que pur son et se transmet par voie orale. Une de leurs opinions a déclenché une vive controverse. Ils affirment que la musique pure a sa place en musique carnatique et qu'on peut composer de la musique sans que ce soit la mise en musique d'un poème. Ils s'opposent à l'idée que l'auditeur qui entend la musique instrumentale éprouverait les sentiments exprimés dans le texte (même s'il n'est pas chanté !). Ils donnent des exemples de mélodies sur lesquelles des poèmes différents sont chantés et expliquent qu'ils ont eux-mêmes écrit des compositions volontairement semblables à des compositions chantées préexistantes, mais néanmoins différentes. Pour eux si une émotion est transmise par la musique instrumentale, c'est seulement la vertu du Raga (mode musical), pas celle du texte. Ayant l'honneur de conclure ces sessions, Sudha Ragunathan s'opposera à eux, expliquant qu'il y aurait bien un jour un poète pour mettre en texte sur leur musique. Ils réclament de leur côté une plus grande considération de la part des chanteurs qui concentrent sur eux 99.99% de l'attention en matière de musique carnatique. Le sage chairman leur a gentîment suggéré d'agree to disagree...

Une partie de leur conférence était dédiée à la façon d'innover en musique carnatique en utilisant les possibilités spécifiques de chaque instrument. Ils en ont fait la démonstration avec leurs violons et dans leur explications ils suggéraient de façon amusante Pourquoi ne pas jouer (à deux) simultanément des notes différentes sur un rythme identique ?. Ils ne vont pas jusqu'à suggérer de la polyphonie ou de l'harmonie à l'occidentale, mais tout en restant dans le raga, une note et un de ses harmoniques seront ressentis comme une seule note par les auditeurs.

Je sais beaucoup de gré aux conférenciers d'avoir expliqué très clairement un point qui me confirme dans ma préférence pour la musique hindustani (et dhrupad en particulier) plutôt que pour la musique carnatique. Les instruments utilisés dans le Nord (sarod, sitar, sarangi, etc.) permettent de maintenir les cordes en vibration de façon prolongée, alors que les instruments du Sud (vînâ, flûte, etc) émettent des sons très brefs (comme le clavecin par rapport au piano). Ils pensent que cela a influencé la musique vocale du Nord et du Sud. (Ainsi, dans un Alap de musique carnatique, les notes défilent à toute vitesse alors que dans le chant dhrupad, on prend davantage son temps...)

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-25 à 10:15

T.M. Krishna, chant

H.N. Bhaskar, violon

Karaikudi Mani, mridangam

Bangalore N. Amrit, kanjira

Alors que j'allais réserver un billet au Narada Gana Sabha, je me suis rendu compte du fait qu'allait y avoir lieu un concert du chanteur T. M. Krishna, un des plus connus. J'avais a priori prévu autre chose, mais j'ai préféré tenter ma chance dans la file d'attente des derniers minutards pour ce concert gratuit (comme le sont tous ceux de ce chanteur). Les spectateurs ayant retiré un passe gratuit sont entrés et à l'heure du début du concert, les autres ont pu s'installer aux rares places vacantes. Des spectateurs étaient même assis sur le tapis de scène autour de l'estrade.

J'ai apprécié ce concert de T. M. Krishna qui n'a pas chanté de courtes compositions (l'exact contraire du saxophoniste Kadri Gopalnath...). Les (cinq) ragas ont été assez développés et le Ragam (équivalent de l'Alap) avait toujours un caractère méditatif. Pas de course à la virtuosité gratuite. On a le temps d'entendre les ornementations (gamakas). Le chanteur utilise le silence de façon pertinente et il laisse régulièrement le violoniste tenir une note évanescente, ce qui est du meilleur effet. Le chanteur a la particularité de s'exclamer très souvent comme quelques spectateurs indiens le font parfois pour marquer leur appréciation. Il gratifie ainsi parfois le violoniste ou les percussionnistes de Shabash! mais aussi et surtout de Ah-Ah!, qu'il s'accorde souvent à lui même, ou peut-être simplement à la beauté de la musique...

Concernant la forme prise par ses ragas, il commençait par un Ragam (complété par un Ragam du violon dans le quatrième raga). Les chanteurs carnatiques utilisent habituellement des syllabes spécifiques pour leurs improvisations (comme dans le dhrupad), mais dans certains ragas, T. M. Krishna a systématiquement utilisé le texte d'un poème. Il a en revanche omis la partie Thanam qui s'insère parfois entre le Ragam et la composition (Pallavi).

La troisième composition était semble-t-il dédiée à Shiva qui était nommé Chandrashekaran. Les notes solfiées (Sargam) interprétées dans ce raga ont donné lieu à un des points culminants de ce concert, le chanteur créant puis libérant une certaine tension musicale par un vertigineux crescendo étendu sur plusieurs cycles rythmiques.

Dans le quatrième raga, le cycle rythmique était un Adi Tala lent qui paraissent donc avoir 16 temps plutôt que 8. C'est dans ce raga que les deux percussionnistes, mridangam et kanjira (tambourin) se sont livrés à un duo rythmique. Ce très beau concert s'est conclu par un raga commençant par un Alap utilisant quelques syllabes du Gayatrimantra suivi d'une composition commençant par Vaishnabhajan.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-25 à 14:00

Vyshnavie Sainath, danse bharatanatyam

En début d'après-midi, je suis allé au Narada Gana Sabha pour assister à un récital de bharatanatyam de Vyshnavie Sainath, fille et disciple de Rajeswari Sainath. Ce programme est très original dans sa structure : il est entièrement consacré à la dévotion envers Vittala (un des noms de Vishnu répandu dans le Maharashtra) et la musique est composée de six Abhhangs, des chants dévotionnels spécifiques à la culture marathi (et que des chanteurs carnatiques comme Aruna Sairam ont introduit dans les concerts de musique carnatique). Outre un chanteur, l'orchestre comporte nattuvangam, mridangam, tabla, flûte et violon (Kalaiarasan !).

Je ne possède pas les repères culturels propres à la culture marathi pour apprécier tous les détails et la poésie de ce programme qui évoque le parcours spirituel d'une dévôte jusqu'au Moksha. La première partie était dansée sur une estrade au fond de la scène et était très lente, ce qui permettait d'apprécier le détail des mouvements. Dans la seconde partie, la dévôte pense au dieu résidant à Pandharippur. Non loin du temple passe une rivière. (Un magnifique karana exigeant une certaine souplesse a accompagné la fin de cette partie.) Dans une autre séquence, pensive au clair de lune, elle brûle de son absence. Plus loin, dans la forêt, alors que des oiseaux passent, elle guette des signes pouvant l'encourager dans son chemin vers Vittala. Arrivée à Vrindavan, elle entend la flûte de Krishna, mais elle ne le voit pas et pour l'atteindre, il lui faut traverser la rivière Yamuna. Après avoir traversé la rivière, Vittala apparaît enfin (la danseuse étant sortie un instant de la scène pour se parer d'un signe distinctif sans ambiguïté au niveau du front).

Si je ne suis pas resté concentré pendant tout le récital à cause de la fatigue, j'ai trouvé magnifique la toute dernière séquence (même si elle a été carrément hors style). Cette sixième partie évoque l'adoration (bhakti) vishnouïste de façon très impressionnante ! Cela commence par une offrande de fleurs (authentiques) sur toute la surface de la scène dans des mouvements joyeux faisant penser à ceux que l'on trouve dans les Tillana. De façon tout-à-fait exceptionnelle, des mouvements de hanches étaient incorporés à cette danse. Dans la partie centrale de cette partie, il y avait même une séquence qui étant ni plus ni moins de la danse kathak ! Les mouvements de hanches et la dévotion reprenaient ensuite de plus belle et progressivement la danse s'abandonnait complètement dans le rythme de plus en plus entraînant de la musique ! Épatant !

Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-25 à 16:45

Begum Parveen Sultana, chant hindustani

Begum Parveen Sultana, chanteuse originaire de l'Assam, chantait au Kamaraj Memorial Hall, accompagnée d'un tabla et d'un harmonium. Plutôt que de laisser cette tâche à la jeune femme assise près d'elle, elle a joué elle-même du tampura. Le premier raga interprété a été Madhuvanti. Elle a commencé par un Alap, puis une sorte de continuation d'Alap accompagnée par le tabla (mais cela ne correspondait pas vraiment à l'idée que je me fais des sections Jor ou Jhala). J'ai été très content de reconnaître les notes du raga, en particulier le Ga Komal (très oscillant) et le Tivra Ma. Vinrent ensuite Raga Puriya Dhanashree, un Mira Bhajan, Raga Rajeshwari et un Bhajan sur le Raga Mishra Bhairavi. Je n'ai pas détesté ce concert, mais il ne m'a pas non plus passionné. Par exemple, dans le Raga Rajeshwari, j'ai aimé le bel Alap, tout comme la composition, mais celle-ci étant vraiment très courte, la litanie de l'harmonium qui la répétait sans cesse m'a passablement ennuyé et dans son improvisation sous la forme de Sargam, la chanteuse faisait à mon avis preuve d'une virtuosité excessive. Si on n'entend plus le nom des notes et si mon oreille ne me donne même pas une vague idée d'où elles sont situées, c'est que cela va peut-être un peu trop vite pour moi... (Il faut aussi souligner que la sonorisation mal réglée ne mettait pas vraiment en valeur le timbre de la voix de la chanteuse.)

Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-25 à 19:30

Shobana, danse bharatanatyam

Spectacle consternant ! Tout d'abord, les spectateurs qui faisaient pourtant la queue bien avant l'ouverture des portes n'ont pas tous pu entrer avant le début du spectacle, non seulement dans la prière chantée mais aussi dans le premier numéro dansé. Si de mon côté j'ai pu rejoindre ma place rapidement, le passage incessant d'autres spectateurs dans mon champ de vision était très gênant. La première partie de ce spectacle ressemblait à un numéro de cirque, l'entrée en scène de l'actrice-danseuse Shobana déclenchant des applaudissements hystériques (bon, ok, à Paris, on fait pareil lors de l'entrée en scène des étoiles dans les grands ballets classiques). Elle interprète un numéro de danse pure. Une autre danseuse plus jeune et plus convaincante à mes yeux représente la danse de Krishna sur le serpent Kaliya et le jeu de sa flûte qui ensorcelle les gopis. Le Varnam interprété par Shobana ensuite est consternant. Je ne sais dans quelle friperie elle a dégoté son sari négligé ! Pour ce qui est de la danse, les mouvements expressifs étaient exagérés et la danseuse apparaissait trop souvent en lieu et place du personnage qu'elle devait interpréter, et ce pas uniquement quand elle s'arrêtait complètement de danser pour faire signe à des spectateurs de ne pas la filmer... Les jatis (mouvements rythmiques rapides) étaient beaucoup trop compliqués (et pas du tout musicaux, à se demander si le son et l'image étaient synchronisés). La sonorisation était affreuse. Le son des percussions couvrait complètement la voix de la chanteuse, ce qui m'empêchait de saisir quelques mots au passage pour essayer de comprendre l'histoire que ce fichu Varnam était censé raconter... Le pire était lors des fins systématiquement en crescendo des jatis. Ce mridangam me cassait littéralement les oreilles. Affreux...

Vînt ensuite Ashtapadi, une danse de groupe de six danseuses. Cinq d'entre d'elles figuraient les gopis qui entouraient la dernière, kitchissimement déguisée en Krishna avec une authentique plume de paon dans les cheveux... La première partie de cette pièce représentait la Rasa-danse, dans laquelle Krishna danse avec les gopis, chacune ayant l'impression de danser seule avec lui, toutes étant rendues amoureuses par l'intervention de l'archer Kama. La deuxième partie évoquait joliment la rivière Yamuna.

Après un intermède musical, Shobana est revenue interpréter un nouveau Varnam, nettement plus convaincant que le premier. Le costume bleu était plus chic que le premier (qui était plus ou moins beige), mais il n'était pas mis tout à fait correctement... Dans cette pièce, la danseuse a raconté plusieurs épisodes du Ramayana, mais comme je le disais ce matin à Srithika Kasturi Rangan, Shobana danse beaucoup moins bien qu'elle ! Parmi les épisodes, il y avait celui où Rama casse l'arc de Shiva pour épouser Sita (après que d'autres ont lamentalement échoué). Dans un autre, Lakshmana se moque de la démone Shurpanakha. On voit ensuite Sita réclamer qu'on lui rapporte l'antilope dorée qu'elle a aperçu ; il s'agissait d'une ruse de Ravana pour qu'il puisse enlever Sita alors que Rama et Lakshmana se sont éloignés d'elle. Captive, Sita donne son anneau à Hanuman pour que celui-ci puisse prouver à Rama qu'il a bien vu Sita. Enfin, Rama tue Ravana. C'était bien beau, cela a manifestement dû demander beaucoup de travail à la danseuse, mais après quelques minutes, j'ai compris pourquoi je ressentais un malaise en voyant Shobana rendre grotesques tous les personnages par son expression : cela peut paraître incroyable, mais c'est vraiment tout comme si les personnages étaient interprétés par Mr. Bean !

Le récital s'est conclu par un Tillana exécuté par Shobana et quelques autres danseuses.

Bref, amis rasikas, évitez à tout prix d'assister à des spectacles organisés par Chennaiyil Thiruvaiyaru ! (Je me rends compte que j'ai oublié de préciser que le fond de la scène comportait des écrans géants sur lesquels défilaient des signes publicitaires !)

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Chennai, Jour 2/12 : Namasankirthanam, Priya Venkatraman, Disciples de Smt. Anita Guha

2013-12-25 13:37+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Hier, je crois avoir faire l'expérience autant du meilleur que du pire de la Saison de Décembre...

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-24 à 07:00

Sengalipuram Brahmasri Vittaldas Jayakrishna Dikshithar Maharaj, Namasankirthanam

La journée commence plutôt bin avec du Namasankirthanam. Quelques brâhmanes torses nus ont pris place sur la scène de la grande et confortable salle du Sri Krishna Gana Sabha qui est très bien remplie malgré l'heure matinale. Les musiciens incluent cinq percussionnistes (un tabla, quatre mridangam, un ghatam), deux harmoniums, une vingtaine de chanteurs dont le rôle sera d'accompagner le meilleur d'entre eux dans cette cérémonie vishnouïste. Le maître est enguirlandé de fleurs plusieurs fois et un ventilateur est placé juste derrière lui ! Des effigies grandeur nature de quelques maîtres spirituels ont été placées sur le côté de la scène. La première partie de ce programme qui durera environ deux heures est chantée. Les vers évoquant quelques divinités sont prononcés par le maître, puis repris par le chœur tandis que le public bat des mains en rythme. Le chant est plutôt beau, et carrément sublime à un moment particulier ayant suivi une prière à Ganesh : tous prononçaient le nom Ram de façon continue.

La deuxième partie avait l'air d'être une sorte de conférence illustrée de chant ou de chant commenté. Les commentaires étant en tamoul uniquement, j'ai trouvé le temps un peu long...

Je me suis ensuite dirigé vers la station de trains de Mylapore pour descendre à Thiruvanmiyur afin d'acheter un billet pour un dance-drama à Kalakshetra. Je voulais voir Sabari Moksham qui raconte le troisième livre du Ramayana, mais tous les billets avaient déjà été vendus. En me promenant dans l'enclave de cette école de danse, j'aurai au moins pu apercevoir quelques classes de danse bharatanatyam. Je me demande comment les professeurs et élèves font pour s'y retrouver dans la mesure où la vigoureuse battue rythmique des professeurs frappant un morceau de bois s'entend depuis une distance plus grande que celle qui sépare les différents bungalows.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-24 à 14:00

Priya Venkatraman, danse bharatanatyam

J'avais déjà vu Priya Venkataraman à Paris dans le cadre d'un récital de danse bharatanatyam synchronisée. Dans la grande salle peu remplie du Narada Gana Sabha, elle donnait en début d'après-midi un récital solo. Le chanteur Sri K. Hariprasad est le même que lors du récital de Meenakshi Srinivasan de la veille (et le percussionniste est le même que lors du récital de Sanjana Prasad, le monde des musiciens de Chennai est petit !). La sonorisation étant mieux réglée, j'apprécie bien davantage son chant. Il a commencé par la même prière à Ganesh, puis a interprété un Pushpanjali qu'il a composé lui-même en l'honneur de Ganesh. La danseuse ne m'enthousiasme pas. Tout est exécuté très proprement, mais il y a quelque chose qui manque pour que je sois complètement séduit. Le regard de la danseuse et son sourire manquent de concentration. Je m'ennuie beaucoup pendant le Varnam qui évoque le jeune Krishna. Dans l'évocation de jeux d'eau, j'ai toutefois aimé la façon de représenter une jeune femme en train de se baigner dans la Yamuna (pendant que Krishna lui chippe ses vêtements...).

Le chanteur interprète maqgnifiquement Ashtapadi (je présume qu'il s'agit du texte de Jayadeva). Radha souffre de la séparation et ne peut s'empêcher de penser à Lui : tout ce qu'elle voit lui rappelle Krishna.

Le récital s'est conclu par un Tillana dans lequel la danseuse évoquait un personnage féminin puis Shiva et Parvati.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-24 à 16:00

Janane Sethunarayanan, danse bharatanatyam

Sinitha Purushothaman, danse bharatanatyam

Smrithi Krishnamurthy, danse bharatanatyam

Le grand frisson de la journée est venu d'un récital de trois disciples d'Anita Guha. Le nattuvanar est la même Jaishri (Ramanathan) que lors du récital de Meenakshi Srinivasan. Outre une chanteuse, l'orchestre comporte aussi un violon, une flûte et un mridangam.

Le récital commence par un Alarippu mettant en scène les trois danseuses. Leurs mouvements s'accélèrent progressivement alors qu'elles vont évoquer des thèmes shivaïtes. La belle image de fin pourrait être celle de Muruga accompagné de ses deux épouses, mais il ne s'agit que d'une conjecture de ma part.

Les trois danseuses ont ensuite interprété un magnifique Varnam. La première partie évoquait le jeu de séduction entre Shiva et Parvati, cette dernière obtenant les faveurs de Shiva par l'ascèse. Le dieu Kama est curieusement absent de cette chorégraphie. La deuxième partie évoquait la Déesse. Shakti a ainsi été représentée de façon très picturale par les trois danseuses alignées (chacune montrant des attributs particuliers), et fait original, elles se déplaçaient latéralement en formation ! L'aspect guerrier de la Déesse (Mahishasuramardini) était mis en valeur, mais la partie la plus magique du Varnam est venue de l'évocation de Sarasvati et surtout des Arts en général, via l'évocation de la beauté du son, la vînâ, le tambour, etc. Le plus beau moment a été l'évocation du Tala, que les danseuses suggéraient par des claps et surtout un magnifique Jati qui n'était accompagné que par le mridangam (et occasionnellement par les cymbales). Ni onomatopées rythmiques, ni chant ni violon ni flûte ! C'est un des jati les plus délicieux que j'aie vus ! Enfin, toujours dans l'évocation des Arts, les danseuses montraient les Navarasa, les neuf saveurs ou émotions classifiées. Au lieu de mettre en valeur chacune d'entre elles dans des épisodes successifs d'un Varnam comme cela se fait usuellement, les Rasa étaient montrés par les différentes danseuses dans une succession rapide. Par exemple, une danseuse prenait la forme de Shiva pour suggérer la Colère.

(Il est à noter que des bijoux ornant les cheveux d'une danseuse sont tombés sur la scène, la rendant quelque peu dangereuse à cause des parties pointues de ces bijoux. Les danseuses ont néanmoins réussi à éviter de se faire mal.)

Une autre merveilleuse pièce a suivi. La texte chanté était un Bhajan de Tulsidas. Les trois danseuses jouaient le rôle des trois épouses Kaushalya, Sumitra et Kaikeyi de Dasharata, père de Rama. S'il est relativement courant en bharatanatyam de représenter l'amour maternel de Yashoda pour Krishna, j'ai trouvé intéressant que l'objet de cet amour soit Rama.

Le récital s'est conclu par un Tillana évoquant un peu sommairement Vishnu sous le nom de Padmanabha.

Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-24 à 19:30

Sudha Ragunathan, chant

Lakshman Shruti Orchestra

Imaginez que vous allez voir Parsifal et qu'une fois installé à votre siège on vous dit que le Parsifal est malade et qu'on jouera des chansons d'Annie Cordy en remplacement. C'est à peu près ce qui m'est arrivé avec les dangereux escrocs de Chennaiyil Thiruvaiyaru. Avant d'arriver, je me méfiais déjà de ce Sabha qui laisse à penser que c'est tout comme si on avait confié la programmation d'une salle de musique classique occidentale à TF1. Quand le rideau de scène s'est levé (très en retard), des chaises étaient disposées pour un orchestre et pas vraiment pour un concert de musique carnatique. Certes, Sudha Ragunathan, malade, ne pouvait pas chanter, mais le minimum aurait été de rembourser les spectateurs (surtout que l'entrée était à 500 roupies minimum). On a enguirlandé la chanteuse qui s'excusait de ne pas chanter et le réalisateur K. Balachander dont je me demande bien ce qu'il faisait là, et puis des chanteuses sont venus interpréter des chansons insipides. Je suis parti après un peu plus de vingt minutes de supplice.

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Chennai, Jour 1/12 : Sanjana Prasad, Meenakshi Srinivasan

2013-12-24 13:07+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Je suis arrivé à Chennai lundi midi après un long trajet en avion via Riyadh en Arabie Saoudite. Bien qu'ayant eu plus de 7 heures de correspondance, j'ai failli rater le deuxième avion puisque la porte d'embarquement ne s'est jamais affichée sur les écrans et qu'elle ne correspondait pas à celle donnée lors de la correspondance. À bord, la nourriture est indienne et singulièrement plus épicée au départ de Riyadh que de Paris.

Sorti de l'aéroport, je n'ai vu aucun panneau indiquant la station de trains locaux Tirusulam. Après avoir marché un peu, j'ai demandé mon chemin. J'ai craint un moment que l'homme à qui je l'ai demandé ne m'aiguille vers un taxi, mais il allait aussi prendre un train pour rentrer chez lui et a été très sympathique, merci Kartik. Pour 5 roupies, je me suis donc retrouvé au centre-ville de Chennai en à peine un quart d'heure. Il m'a fallu davantage de temps pour m'extraire de la station Mambalam et me diriger vers mon hôtel en rickshaw. Cela peut sembler extravagant, mais il semble qu'il ne soit plus nécessaire de négocier le prix des courses : sans qu'on le leur demande, les chauffeurs mettent le compteur (numérique) en route !

Après être passé rapidement à la Music Academy et au Narada Gana Sabha pour prendre des renseignements, je me suis dirigé vers Bharat Kalachar pour acheter des billets. Cela a été un peu compliqué, le guichet qui devait ouvrir à 14 heures était fermé parce que la pause déjeuner n'etait pas encore finie. Je suis revenu une demi-heure plus tard, et toujours personne. Chaque personne que je voyais me disait que ce n'était pas possible, et, me voyant insister, elle me disait d'aller vers le portail bleu, où en insistant encore, on m'a dit de monter au troisième étage, etc, pour enfin revenir au point de départ, où après quelques minutes supplémentaires d'attente j'ai pu obtenir mes billets pour voir Meenakshi Srinivasan le soir-même ainsi que Rama Vaidyanathan (ouf, s'il y avait une raison pour mon voyage, la voir en faisait partie !).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-23 à 16:00

Sanjana Prasad, danse bharatanatyam

Après être tombé sur un rickshaw-wallah qui ne connaissait pas le Sri Krishna Gana Sabha, j'arrive enfin à cette salle. Même si le guichet n'était pas censé être ouvert (on m'avait dit au téléphone qu'il ouvrait à 16h30), j'arrive à obtenir des billets pour voir Padma Subramanyam (!) et Anita Ratnam. Le concert de Dr. M. Balamuralikrishna prévu quelques jours plus tard est Free (comme j'aime la manière de cet homme de prononcer ce mot), mais il faudra venir tôt...

Pas de problème en revanche pour entrer au Kamakoti Gana Mandir Hall du Krishna Gana Sabha où va danser Sanjana Prasad, disciple de Padmapriya Prakash (Dubaï). Le guru est au nattuvangam et l'orchestre composé d'une chanteuse (excellente), d'un mridangam et du meilleur violoniste accompagnateur de danse que le bharatanatyam connaisse : Kalaiarasan Ramanathan. Si je ne l'avais pas reconnu à son visage, j'aurais certainement reconnu son jeu singulier, comportant de nombreuses doubles cordes (comme je l'avais remarqué quand il accompagnait Lavanya Ananth). Le fait de l'avoir reconnu montre mon niveau d'addiction au bharatanatyam, mais ce qui est encore plus étonnant, c'est que le violoniste assurait avoir l'impression de m'avoir déjà vu quelque part quand nous avons échangé quelques mots à l'issue du récital !

Le récital a commencé par une introduction chantée. Les pièces de danse seront ensuite introduites en tamoul. Le première pièce peut être considérée comme un Pushpanjali. Elle commence par de la danse pure accompagnée d'onomatopées rythmiques. Même si au cours du récital, la très jeune danseuse (pas plus de 15 ans à mon avis) n'exécutera pas parfaitement les mouvements de danse pure (les bras ne sont pas toujours bien tendus, par exemple), j'apprécie la vivacité de ces jatis et elle s'avère étonnamment douée pour son âge pour l'Abhinaya. Elle évoque ainsi une offrande de fleurs à Ganesh (aux grandes oreilles), fils d'Uma. Des rituels de dévotion sont montrés, comme l'offrande de prasad et l'aarti. Elle a aussi comme il se doit salué son guru et la salle (qui était plutôt bien remplie).

La pièce principale du récital d'une heure était un Varnam en l'honneur de la Déesse. Elle est présentée sous la forme de la déesse guerrière Meenakshi, compagne de Shiva au regard foudroyant. Elle la représente en train de tuer le démon Mahishasura. Les jatis (passages rythmiques) insérés dans la pièce sont applaudis par le public. La danseuse à également rendu hommage à la déesse des arts en évoquant l'écriture, la pensée, le chant, la flûte et la vina. J'extrapole peut-être, mais il m'a semblé qu'elle évoquait également la syllabe Om vers la fin du Varnam qui prenait l'apparence d'un Tillana.

Après un Ragam du violon, la danseuse a interprété une adorable pièce d'hommage à Shiva, le texte chanté commençant par Karunarasa Kamakoti... Chandrashekara.

Shivastuti, une autre pièce dédiée à Shiva a suivi, évoquant Ganga, son chignon, la lune, le serpent (très impressionnant), le tigre. Les jatis prenaient une intéressante forme de jeu de questions et réponses entre le nattuvangam et la danseuse.

Le récital se terminait par un Tillana en l'honneur de Krishna (et Bhubaneshvari ?).

Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-23 à 19:00

Meenakshi Srinivasan, danse bharatanatyam

Après avoir dîné rapidement, je me suis dirigé vers Bharat Kalachar pour assister à la fin d'un récital de chant de Gayathri Venkatraghavan qui se concluait par le même Tillana (pas vraiment mieux chanté). J'étais là bien sûr plutôt pour assister au récital de danse bharatanatyam de Meenakshi Srinivasan (déjà appréciée lors de son passage au Musée Guimet). Elle était accompagnée d'un chanteur nommé Hariprasad, d'une violoniste (Shrilakshmi ?), de Jaishri (nattuvangam) et de Vedakrishnaran (mridangam).

La première pièce dansée après la prière à Ganesh est une magnifique évocation de Shiva. Est-il possible de danser le bharatanatyam plus gracieusement que ne le fait Meenakshi Srinivasan ? Une certaine dureté n'aurait pas nui dans l'évocation de la peau de tigre ou la virilité de la danse de Shiva, mais je ne vais pas bouder mon plaisir de la voir aller chercher sa main très loin derrière avec autant de grâce. La danseuse évoque merveilleusement bien le tambour Damaru ou encore la descente de la rivière Ganga. Il m'a semblé qu'elle a pris pendant quelques instants la forme androgyne d'Ardhanarishwara, ou encore celle du dévôt Markandeya attaqué par Yama. Elle a enfin évoqué les arts en suggérant le chant et le jeu du tambour.

J'aurais aimé adorer le Varnam féministe qu'elle a dansé, puisqu'il était centré sur le personnage de Sita, épouse modèle et pourtant rejetée par Rama à cause de l'influence de la rumeur publique (Sita ayant été captive du démon Ravana). Enceinte de jumeaux, elle se réfugie dans la forêt et se souvient des bons moments passés avec Rama. Il l'avait conquise en brisant larc de Shiva. S'il était très beau à regarder, je n'ai pas trouvé ce passage très convaincant. Ensuite, un jeu de balle était semble-t-il suggéré entre Sita et Rama (j'aimerais la référence au texte de Valmiki parce que je n'en ai aucun souvenir...). Mon manque de sommeil a eu raison de ma concentration pendant le reste de la pièce qui ne m'a pas donné l'impression de progresser d'un point de vue narratif. Les jatis étaient beaux, cependant.

La pièce suivante, chorégraphiée par Bragha Bessel, était semble-t-il un Padam. Deux jeunes femmes voient passer une procession au loin. Elles ne reconnaissent pas la divinité. Ce n'est pas Indra couvert de mille yeux, ni la Lune (Chandran), ni Shiva au troisième œil, ni Surya, ni le difforme Kubera. (L'énumération vient de la présentation, je ne les ai pas tous identifiés en observant la danse, et sans la présentation, je n'aurais reconnu que Shiva.) Sans préciser de qui il s'agissait, la présentation se concluait en disant qu'à la fin, elles reconnaissaient la divinité. En fait, à sa démarche de pachyderme et à ses grandes oreilles, il était évident pour moi dès le début que c'était Ganesh ! ce qui était confirmé à la fin. (En fait, pas du tout, cf. cette autre entrée.)

Le récital s'est conclu par un merveilleux Tillana en Raga Sindhu Bhairavi, et il s'agit semble-t-il du même que celui qui avait conclu son récital à Paris, cf. mon billet. Je ne vais pas répéter les louanges que j'avais faites alors. L'image que je regarde est celle de la façon qu'a eu la danseuse de se métamorphoser pour évoquer successivement Krishna et son amante : magnifique !

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Le vite dit de décembre 2013

2013-12-22 05:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Avant de filer à l'aéroport pour partir en Inde, voici le vite dit de décembre 2013 !

Théâtre du Châtelet — 2013-12-01

Orchestre national d'Île de France

Kaspar Zehnder, direction

L'Enlèvement au sérail, ouverture, KV 384 (Mozart)

Symphonie nº100 en sol majeur (Haydn)

Amjad Ali Khan, sarod

Anubrata Chatterjee, tabla

Raga Zila Kafi

Alexis Cardenas, violon supersoliste

Bernard Le Monnier, violon solo

Renaud Stahl, alto solo

Bernard Vandenbroucque, violoncelle

Hélène Giraud, flûte solo

Myriam Carrier, clarinette co-soliste

Frédéric Bouteille, basson co-soliste

Samaagam, concerto pour sarod et orchestre (Amjad Ali Khan)

Très beau concert de l'Orchestre national d'Île-de-France ! La réjouissante première partie Mozart/Haydn aurait été pleinement satisfaisante pour moi si je n'avais pas eu à supporter une famille de tousseurs placée à côté de moi. Pour la deuxième partie, je me suis replacé au siège le plus excentré de la corbeille du côté où allait prendre place Ustad Amjad Ali Khan. Il a d'abord interprété avec le percussionniste une composition sur le Raga Zila Kafi. Accompagné de l'orchestre, il a ensuite interprété son concerto Samaagam. Le titre ne renvoie pas aux notes Sa-Ma-Ga, mais au mot sanskrit समागम qui a semble-t-il à peu près le même sens que संगम, à savoir confluence (ce titre a aussi été utilisé par Shantala Shivalingappa). Au début, j'ai trouvé l'œuvre un peu artificielle dans la mesure où elle utilise plusieurs ragas et qu'on passe de l'un à l'autre sans transition. (Je dis ça, mais parmi les ragas apparaissant dans ce concerto je n'ai pas reconnu ceux que j'ai pourtant pratiqués comme Bhupali.) Ustad Amjad Ali Khan (qui n'a pas seulement utilisé son sarod mais aussi un peu chanté) n'est pas le seul soliste de ce concerto. Quelques musiciens de l'orchestre ont également un rôle soliste et ils ont même eu la possibilité d'improviser. Le violoncelliste m'a semblé particulièrement inspiré dans cet exercice. La fin en apothéose du concerto m'a beaucoup plu !

Ce concert est disponible à la réécoute sur Arte Live Web.

Temple des Batignolles — 2013-12-06

Orchestre des Concerts Gais

Marc Korovitch, direction

Pierre Hamel, violon

Symphonie espagnole en ré mineur (Lalo)

Symphonie nº3 Rhénane (Schumann)

Magnifique concert de l'ensemble des Concerts gais. La Symphonie espagnole (en fait concerto pour violon) de Lalo a été une très belle découverte pour moi. J'en ai tout particulièrement apprécié le quatrième mouvement (lent). En deuxième partie, l'orchestre a interprété la Symphonie nº3 “Rhénane” de Schumann. Le deuxième mouvement Scherzo : Sehr mässig m'a semblé tout particulièrement délicieux.

Salle Pleyel — 2013-12-07 à 16:00

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº1 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº16 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº7 “Razumovski” (Beethoven)

Salle Pleyel — 2013-12-07 à 20:00

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº3 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº5 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº12 (Beethoven)

Salle Pleyel — 2013-12-08 à 16:00

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº2 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº4 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº14 (Beethoven)

Ces trois concerts concluaient l'intégrale des quatuors à cordes de Beethoven par le quatuor Hagen (cf. le vite dit d'avril). L'ensemble est très engagé et la musique manifestement toujours très bien jouée. Parfois, on atteint une autre dimension, un miracle semble se produire ; c'est en tout cas le sentiment que j'ai eu en écoutant le Quatuor nº2 au début du dernier concert.

Salle Pleyel — 2013-12-10

Orchestre Colonne

Laurent Petitgirard, direction

4... ou les saisons d'une vie (Dominique Probst)

Claire Désert, piano

Concerto pour piano en ut mineur, nº24, KV 491

Symphonie nº3 en mi bémol majeur Héroïque (Beethoven)

J'ai aimé la pièce contemporaine de Dominique Probst évoquant les saisons et dédiée à sa mère âgée de 99 ans. J'ai apprécié le jeu de la pianiste Claire Désert (surtout dans son bis), mais le concerto mettait à mon avis surtout en valeur l'orchestre. (Un des thèmes du troisième mouvement me rappelait curieusement un des airs de La Flûte enchantée.) Après l'entr'acte, l'orchestre a donné une très belle interprétation de la Symphonie nº3 “Héroïque” de Beethoven. J'ai néanmoins eu une réserve sur le choix d'un tempo dangereusement lent peu avant la fin du quatrième mouvement.

Opéra Garnier — 2013-12-11

Angelin Preljocaj, chorégraphie

Wolfgang Amadeus Mozart, musique (KV. 425, 546, 571, 449, 525, 251, 522, 425, 137, 250, 488)

Goran Vejvoda, création sonore

Thierry Leproust, décors

Hervé Pierre, costumes

Jacques Chatelet, lumières

Noémie Perloy, assistante du chorégraphe

Koen Kessels, direction musicale

Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont

Simon Valastro, Adrien Bodet, Mallory Gaudion, Adrien Couvez, Jardiniers

Caroline Bance, Christelle Granier, Myriam Kamionka, Caroline Robert, Séverine Westermann, Laurène Levy, Charlotte Ranson, Miho Fuji

Guillaume Charlot, Alexis Renaud, Yann Saïz, Sébastien Berthaud, Yvon Demol, Alexandre Gasse, Erwan Leroux

Ballet de l'Opéra

Orchestre de chambre de Paris

Vessela Pelovska, piano

Le Parc

Je ne me suis pas enthousiasmé pour ce ballet de Preljocaj. Il s'agit néanmoins de la meilleure production de lui que j'aie vue. J'ai aimé le pastiche de manières françaises anciennes qui s'insinue dans la chorégaphie et plus encore l'adorable jeu de chaises musicales qui se déroule dans la première partie du ballet. Cette œuvre met aussi en valeur des danseurs qui sont habituellement cachés dans le corps de ballet. Toutefois, l'ensemble manque à mon goût de narration, de liant, de continuité. Heureusement, le pas de deux (quasi-)final entre Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont procure le seul moment quelque peu émouvant du ballet, et ce notamment grâce au fameux porté tout en abandon qu'il contient. Globalement, ce ballet n'est pas très exaltant, malgré la bonne prestation de l'Orchestre de chambre de Paris dans la fosse.

La bonne nouvelle néanmoins, c'est que lors de sa prise de rôle quelques jours plus tard Alice Renavand a été nommée danseuse étoile, ce qui me semble tout-à-fait mérité.

Salle Pleyel — 2013-12-12

Orchestre de Paris

Eiichi Chijiwa, violon solo

Philippe Aïche, direction

Alexander Toradze, piano

Concerto pour piano nº3 en ut majeur, op. 26 (Prokofiev)

Philippe Aïche, violon solo

Andris Poga, direction

Symphonie nº7 “Leningrad” en ut majeur, op. 60 (Chostakovitch)

Magnifique concert de l'Orchestre de Paris. Le chef Mikko Franck a été remplacé en première partie par le violon solo Philippe Aïche que j'ai aimé regarder depuis ma place à l'arrière-scène. Le chef assistant Andris Poga a dirigé avec enthousiasme la symphonie nº7 “Leningrad” de Chostakovitch. Cette symphonie, moins dépressive que d'autres symphonies du même compositeur, comporte un premier mouvement assez extravagant en termes d'orchestration. Dans sa partie centrale, un motif à cinq notes échangé initialement entre le basson (Giorgio Mandolesi !) et le hautbois se propage progressivement à tout l'orchestre comme dans le Boléro de Ravel tandis que la pulsation est maintenue par la caisse claire. J'ai été un peu moins passionné par la suite, et en particulier par le dernier mouvement, qui n'est pas sans quelques longueurs...

Studio Sacha Guitry, Maison de Radio France — 2013-12-14

Maîtrise de Radio France

Daniel Hill, David Alexander, piano

Sofi Jeannin, direction

Three Carols pour voix élevées (Britten)

Chansons de bord — Tome I (extraits), Dutilleux

Three two-part songs (extrait) : The Ship of Rio (Britten)

A Dream of Snow (Peter Maxwell Davies)

Four Sea Interludes, op. 33a (Britten, arrangement d'Edwin Stein)

The Golden Vanity, op. 78 (Britten)

Très réjouissant concert de la maîtrise de Radio France à la salle Sacha Guitry de la maison ronde, autour des thèmes de Noël et de la mer. J'y ai découvert avec un grand plaisir The Golden Vanity, une histoire cruelle de marins anglais confronté à des pirates turcs (interprétée dans une traduction française). Que j'aime la façon de Britten de composer pour la voix humaine et d'ornementer le chant ! J'ai particulièrement aimé les glissandis du capitaine du Golden Vanity.

Théâtre de l'Hôpital Bretonneau — 2013-12-14

Jyotika Rao, nattuvangam, chant

Matthias Labbe, mridangam, tabla

Sucheta Chapekar, chorégraphies

Anjeli, bharatanatyam

Pushpanjali (en l'honneur de Ganesh)

Camille, Anjeli, Christine, bharatanatyam

Alarippu

Christine, bharatanatyam (Sarasvati)

Anjeli, bharatanatyam (Lakshmi)

Camille, bharatanatyam (Durga)

Prastar (hommage à la Déesse)

Christine, Anjeli, bharatanatyam

Dashavatar

Solo de tabla

Camille, bharatanatyam

Mate Sarasvati

Marjorie, bharatanatyam (shloka)

Anjeli, Camille, bharatanatyam (jati)

Kasturitillakam

Christine, bharatanatyam

Abhinaya

Anjali, ?, Camille, Christine, bharatanatyam

Tillana

Jyotika, bharatanatyam

Abhinaya (adoration de Krishna)

Ma prof de danse bharatanatyam et ses élèves les plus avancées ont donné ce récital. Je ne vais pas revenir en détail sur chacune des pièces. J'en connaissais déjà certaines ; quelques unes prévues pour une seule danseuse ont été retravaillées pour plusieurs. J'ai ainsi aimé le placement des trois danseuses dans l'Alarippu ou encore l'attribution d'un aspect de la Déesse à chaque d'entre elles dans la pièce suivante.

J'avais déjà vu la pièce Dashavatar. En la revoyant, j'en ai beaucoup mieux compris les détails. Les incarnations de Vishnu étaient évoquées alternativement par une des deux danseuses. Chaque évocation était très brève, centrée sur une caractéristique propre à chacun des avatars. L'avatar le plus mis en valeur était Krishna. Il était en effet omis dans l'énumération et célébré en conclusion de la pièce de façon plus approfondie.

J'ai été extrêmement convaincu par la pièce d'Abhinaya interprétée avant le Tillana. L'héroïne jalouse a chassé son amoureux. Reviendra-t-il ? Il m'a semblé que la chorégraphie suggérait que cet amoureux pouvait être Krishna.

Dans le Tillana, j'ai été saisi d'émotion quand une des danseuses a représenté Vishnu sur le serpent Shesha, une des images que je préfère dans toute l'iconographie hindoue.

Le récital s'est terminé par une pièce de pure Abhinaya par Jyotika. Il était question de l'adoration de Krishna, Celui en lequel on aspire à se fondre. Le passage le plus émouvant à mon goût a été celui évoquant le rôle de Krishna dans la terrible scène du Mahābhārata dans laquelle Dushasana tente d'enlever le sari de Draupadi. Celle-ci ayant pris refuge en Krishna, son sari se rallonge miraculeusement au fur et à mesure que Dushasana tire dessus...

Cité de la musique — 2013-12-19

Les Dissonances

Anna Göckel, violon

Julia Gallego, flûte

David Gaillard, alto

Louis Rodde, violoncelle

Vincent Alberola, clarinette

Florent Boffard, piano

Vortex Temporum, pour piano et cinq instruments (Grisey)

David Grimal, direction artistique, violon solo

Symphonie nº8 “Inachevée” (Schubert)

Allegretto de la Symphonie nº7 en la majeur (Beethoven)

J'avais manqué le concert Espaces acoustiques de l'Intercontemporain quelques jours plus tôt afin de me rendre au récital de bharatanatyam mentionné ci-dessus. Je savais alors qu'une autre opportunité d'entendre la musique de Grisey allait se présenter. J'ai saisi cette dernière et je ne l'ai pas regretté. J'avais en effet adoré Modulations en février dernier. Lors de ce concert des Dissonances, j'ai découvert Vortex Temporum. J'ai aimé le rythme joyeux instauré par les vents au début de l'œuvre. Ce qui m'a le plus exalté, ce fut le deuxième mouvement (censé évoquer les baleines ?). J'adore Haydn, mais pour ce qui est de les évoquer, je crois que je préfère Grisey !

Ah oui, après l'entr'acte, il y avait un deuxième demi-concert. J'entendais pour la première fois en concert la Symphonie nº8 “Inachevée” de Schubert dont je ne connaissais que le premier mouvement. Ce fut magnifique ! J'ai toutefois eu du mal à me concentrer au début du premier mouvement ; il m'a fallu attendre qu'une spectatrice ayant fait un malaise soit évacuée (c'est la troisième fois que cela m'arrive en quelques semaines...). Mention spéciale aux vents (et en particulier au clarinettiste), particulièrement beaux dans le deuxième mouvement. Après avoir interprété les premières mesures du troisième mouvement inachevé, l'orchestre a joué en bis l'Allegretto de la Septième symphonie de Beethoven ! (Ce que j'ai trouvé incongru, notamment parce qu'après mon équipée édimbourgeoise, j'ai du mal à entendre ce mouvement autrement qu'enchaîné au premier mouvement sans même un instant pour respirer...)

Ailleurs : Zvezdo.

Concert à réécouter sur Cité de la musique live.

Opéra Bastille — 2013-12-20

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Fayçal Karoui, direction musicale

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa

Ezio Frigerio, décors

Franca Squarciapino, costumes

Vinicio Cheli, lumières

Myriam Ould-Braham, La Princess Aurore

Mathias Heymann, Le Prince Désiré

Nicolas Paul, Le Roi Florestan XIV

Christine Peltzer, La Reine

Marie-Solène Boulet, Le Fée des Lilas

Nolwenn Daniel, Carabosse

Pascal Aubin, Catalabutte

Fanny Gorse, Première variation

Sae Eun Park, Lydie Vareilhes, Deuxième variation

Laura Hecquet, Troisième variation

Charline Giezendanner, Quatrième variation

Sabrina Mallem, Cinquième variation

Pascal Aubin, Sixième variation

Héloïse Bourdon, Pierre-Arthur Raveau, Marie-Solène Boulet, Laura Hecquet, Hannah O'Neill, Pas de cinq des “Pierres précieuses”

Valentine Colasante, François Alu, Pas de deux de “L'Oiseau bleu”

Aubane Philbert, Daniel Stokes, Pas de deux du “Chat botté et de la Chatte blanche”

La Belle au bois dormant, ballet en un prologue et trois actes d'après le conte de Charles Perrault

Une très grande soirée de ballet ! Quelle merveille que cette Belle au bois dormant ! Le premier acte est absolument génial ! Je ne regrette pas d'avoir payé le prix fort pour pouvoir voir Myriam Ould-Braham dans le rôle d'Aurore. Elle était superbe dans cet acte, mettant en valeur la juvénilité de son personnage. Cet acte aussi narratif que divertissant donnait aussi à voir un réjouissant corps de ballet. Dans la série de six variations, je fus ravi de voir Charline Giezendanner dans une version réduite en temps de l'espièglerie qu'elle exprimait si bien à l'école de danse dans la captation de Coppélia de Pierre Lacotte.

Globalement, le deuxième acte est moins exaltant, mais il me renforce dans mon impression que ce ballet est comme un condensé de tout ce qui s'est fait de mieux dans le ballet classique puisqu'on y retrouve les dryades. Le moment le plus marquant de ce deuxième acte est la très longue variation du Prince Désiré interprété par Mathias Heymann. C'est très beau à regarder, mais il manque un petit quelque chose pour que le temps ne semble pas un peu long et que l'on reste tout-à-fait captivé.

Le troisième acte est un pur divertissement, mettant en valeur divers ensembles. Tous ont été magnifiques, que ce soit Héloïse Bourdon et Pierre-Arthur Raveau, ou encore Valentine Colasante et François Alu (ce dernier déclenchant de très vifs applaudissements), ou encore l'espiègle couple de chats (Aubane Philbert, Daniel Stokes). Pour moi, les plus grandes émotions sont toutefois venues de l'adage, des variations et la coda du couple principal !

Il faut aussi signaler l'excellentissime prestation de l'Orchestre de l'Opéra dirigé par Fayçal Karoui (qui avait déjà été superbe dans La Bayadère). Les solos du premier violon (s'agissait-il de Karin Ato ?) étaient tout simplement merveilleux !

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Le vite dit de novembre 2013

2013-12-20 12:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad

J'ai déjà eu l'occasion de revenir sur le spectacle Sangama de Shantala Shivalingappa ainsi que sur le passage à Paris de la Chidambaram Dance Company. Voici un bref récapitulatif des autres spectacles vus au cours du mois de novembre :

Cité de la musique — 2013-11-08

Ensemble Intercontemporain

Matthias Pintscher, direction musicale

Hidéki Nagano, piano

L'Asie d'après Tiepolo pour ensemble (Hugues Dufourt)

L'Origine du monde pour piano et ensemble (Hugues Dufourt)

Le Palais du silence, drammaturgia d'après Claude Debussy, Lucia Ronchetti (création)

Grégoire Simon, alto

Les Chardons d'après van Gogh pour alto et orchestre de chambre (Hugues Dufourt)

La musique de Hugues Dufourt m'a bien plu, mais je me serai bien contenté d'entendre une seule de ses œuvres, ce qui aurait évité que son style déclenche en moi une certaine lassitude. Sans m'émerveiller, la création de Lucia Ronchetti m'a semblé plutôt plaisante à écouter et si en musique contemporaine mon regard tend à prendre parfois le dessus sur mes oreilles, ce qu'il était donné à voir était plutôt esthétique, comme quand les musiciens à cordes ont recouvert leurs instruments d'un voile et ont frotté les cordes avec leur archet à travers ce voile. Les vents ont aussi soufflé dans des bouteilles. Trois percussionnistes s'activaient autour du piano. Un d'entre eux était même allongé sous l'instrument qu'il tapotait avec des baguettes. À la fin de l'œuvre, de façon tout à fait inattendue, le chef d'orchestre a utilisé les touches du piano !

Si la musique ne m'a pas déplu, je dois avouer que ce qui m'a le plus ému dans ce concert, ce fut le ballet des machinistes chargés des changements de configuration de chaises, pupitres, instruments, etc.

Auditorium du Musée d'Orsay — 2013-11-14

Quatuor Takács

Edward Dusinberre, Károly Schranz, violons

Geraldine Walther, alto

András Fejér, violoncelle

Quatuor à cordes nº3, Sz. 85, Bartók

Quatuor nº2 “Lettres intimes”, Janáček

Quatuor nº1 en mi mineur ”De ma vie”, Smetana

Concert plutôt décevant. J'ai aimé le troisième quatuor de Bartók et au cours du concert j'ai particulièrement aimé le jeu du second violon, mais si l'interprétation du Quatuor “Lettres intimes” de Janáček a comporté quelques très beaux moments, je n'ai pas eu le même sentiment de miracle musical permanent que lorsque j'avais découvert cette œuvre avec David Grimal et quelques autres au Théâtre des Bouffes du Nord.

Salle Pleyel — 2013-11-15

Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano

Robert Getchell, ténor

David Lefort, ténor

Jean-Christophe Jacques, baryton

Geoffroy Buffière, basse

Orchestre philharmonique de Radio France

HK Gruber, direction

Les sept péchés capitaux (Weill)

Petite musique de Quat'sous (Weill)

Surabaya Johnny (Weill)

I am a stranger here myself (Weill)

Speak low (Weill)

The Saga of Jenny (Weill)

Très beau concert 100% Weill du Philharmonique de Radio France ! Je retiens surtout de ce concert l'irrésistible chant d'Anne-Sophie von Otter dans la partie la plus légère du programme. Alors que je m'étais replacé au tout premier rang après l'entr'acte, je ne m'attendais pas à ressentir un tel émerveillement quand la chanteuse est venue interpréter Surabaya Johnny et d'autres chansons. Son attitude scénique est en phase avec les personnages qu'elle joue, mais elle me convainc surtout par la beauté de son chant, magnifiquement ornementé.

Ailleurs : Bladsurb, Paris — Broadway, Palpatine.

Mairie du vingtième arrondissement — 2013-11-17

Camille, élève de Jyotika Rao, bharatanatyam

Prestar (hommage à la Déesse)

Kasturitillakam

Au cours du festival du livre de l'Inde, quelques animations étaient proposées. Cela m'a permis de découvrir le style de Sucheta Chapekar, la guru de ma prof de bharatanatyam. Une de ses élèves les plus avancées présentait une pièce dans son style propre, Prestar, un hommage à la Déesse (sous trois formes : Sarasvati, Lakshmi, Durga). D'un point de vue musical, la particularité de ce style est d'utiliser non pas la musique carnatique mais la musique hindustani. Le tala utilisé était assez original (9 temps). Je retiens surtout la beauté des mouvements dans les shlokas.

Mairie du vingtième arrondissement — 2013-11-17

Jérôme Cormier, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Anne-Marie, Joël, Leïla, Michèle, chant dhrupad

Raga Bhupali

Un peu plus tard, j'ai participé avec d'autres élèves du cours de dhrupad de Jérôme Cormier à une présentation de ce style de chant, ou plutôt de la façon dont nous le pratiquons en cours. Nous avons chanté un Alap dans le Raga Bhupali, puis du Sargam ; nous essayions de reproduire les phrases qu'il chantait. Enfin, nous avons chanté une composition en Chautal (dont le premier des trois vers est Tane Talevare Tare), Jérôme Cormier improvisant seul pendant certains cycles rythmiques. (Sur la vidéo ci-dessous, on entend Ustad H. Sayeeduddin Dagar chanter le premier vers de cette composition.)

Chez Malavika — 2013-11-22

Bithika Mistry, odissi

Mangalacharan (en l'honneur de Ganesh)

Mangalacharan (en l'honneur de Sarasvati)

Pallavi (Shringararasa)

Abhinaya (Gita-Govinda)

Megh-Pallavi

Dashavatar

Salutation à Ganesh

Récital de danse odissi en petit comité. La musique enregistrée sur CD a posé problème. D'une part, j'en ai trouvé l'orchestration un peu surchargée. D'autre part, au début du récital, au lieu de la musique d'un Mangalacharan en l'honneur de Sarasvati, c'est un Mangalacharan en l'honneur de Ganesh qui a retenti. La configuration des lieux ne permettant pas vraiment à la danseuse de couper court à la confusion, elle n'a pas eu d'autre choix que d'interpréter une pièce qu'elle n'avait pas prévu de danser ! De même, la piste Moksham n'était pas disponible ; le récital ne s'est donc pas conclu comme l'usage le veut. Mon impression sur ce récital est globalement assez mitigée. Si la jeune danseuse a d'indéniables qualités, je n'ai pas été très ému par ce récital, qui n'a pas laissé beaucoup de place au travail sur l'expression du visage. J'ai néanmoins apprécié la pièce Dashavatar qui évoque les incarnations de Vishnu.

Salle Pleyel — 2013-11-24

Gidon Kremer, violon

Martha Argerich, piano

Sonate pour violon et piano nº5 (Mieczysław Weinberg)

Sonate pour violon et piano nº10 (Beethoven)

Sonate pour violon nº3 (Mieczysław Weinberg)

Sonate pour violon et piano nº8 (Beethoven)

J'ai beaucoup aimé le jeu de la pianiste Martha Argerich, que je voyais pour la première fois sur scène. J'ai un peu moins apprécié la prestation du violoniste Gidon Kremer dans la première partie du concert, mais la seconde a été magnifique. La sonate pour violon nº3 de Weinberg a été pour moi une très belle découverte.

Salle Gaveau — 2013-11-26

Orchestre Colonne

Krystof Maratka, direction

Drupopisy, atelier d'instruments de musique populaire des pays Tchèques, Krystof Maratka (création)

Laurent Petitgirard, direction

Daniel Vagner, alto

Concerto pour alto (Bartók)

Récitatif de la Fantaisie chromatique (Bach, arrangement de Kodály)

Symphonie nº4 (Beethoven)

La création de Drupopisy de Maratka a beaucoup plu. Cette œuvre évoquant les pays tchèques de façons aussi variées qu'amusantes grâce à des mélodies d'apparences paysannes et de combinaisons inattendues d'instruments et de techniques non standard. Les musiciens des sections de cordes ont presqu'autant tapé du pied et des mains qu'utilisé leur archet !

Le concert pour alto de Bartók a été merveilleusement bien interprété par l'alto solo de l'orchestre, Daniel Vagner. Le deuxième mouvement était particulièrement émouvant. Tous mes efforts pour sécher mes larmes ont été ruiné par son interprétation en bis d'un arrangement de Bach par Kodály.

Si le périlleux troisième mouvement ne m'a pas tout à fait convaincu, j'ai toutefois été enthousiasmé par l'interprétation de la Quatrième symphonie de Beethoven par l'orchestre après l'entr'acte.

Conservatoire de Paris, Salle d'art lyrique — 2013-11-27

Peter Lanckweerdt, Roméo

Jeanne Baudrier, Juliette

Pierre-Emmanuel Lauwers, Mercutio

François Aulibé, Tybalt

Fanny Alton, Audrey Boccara, Alice Cocagne, Hélène Davière, Marie Jolly, Dan Kim, Fatoumata Niang, Soa Ratsifandrihana, Julia Sanz, Nicole Stroh, Mathieu Durand, Sungyeop Kim, Gaëtan Lhirondelle, Damien Sengulen, danseurs comédiens

Naruko Tsuji, piano

Raphaël Pagnon, Julie Le Gac, altos

Junior Ballet

Musiciens du Conservatoire

Sergueï Prokofiev, musique

Vadim Borisovsky, arrangement pour piano et deux altos

Paul Chalmer, chorégraphie

Roméo et Juliette

J'ai été séduit par cette version de Roméo et Juliette réduite pour durer un peu plus d'une heure. Certains spectateurs semblaient déçus de n'avoir pas vu plus de danse. Il est vrai que la musique de Prokofiev (redoutablement réduite pour alto(s) et piano) a souvent servi d'interludes. Cela ne m'a pas gêné puisque j'étais venu en grande partie pour entendre cette musique. En dehors des solistes, les comédiens-danseurs du CNSMDP ne dansent pas (ou très très peu). Ils étaient néanmoins très convaincants dans leur expression et leur interprétation du texte. Si ce Roméo et Juliette est réduit en durée, l'histoire est présentée de façon cohérente. La danse est essentiellement réservée aux quatre solistes. J'ai particulièrement apprécié les interprètes des rôles de Juliette et de Mercutio. Les moments les plus remarquables à mon goûts sont intervenus lors des très beaux adages mettant en scène Roméo et Juliette.

Auditorium du Musée d'Orsay — 2013-11-28

Quatuor Pražák

Pavel Hůla, violon, direction

Vlastimil Holek, violon

Josef Klusoň, alto

Michal Kaňka, violoncelle

Sérénade pour trio à cordes en do majeur, op. 10 (Ernö Dohnányi)

Quatuor à cordes nº6, Sz. 114, Bartók

Quatuor à cordes nº3 en si bémol majeur, op. 67 (Brahms)

Valse en ré majeur, op. 54 (Dvořák)

Je crois me souvenir que j'ai beaucoup apprécié ce concert. Parmi les musiciensi du quatuor Pražák j'ai particulièrement aimé le jeu de l'altiste Josef Klusoň. L'engagement des musiciens, notamment dans le Sixième quatuor de Bartók m'a plu. Cependant, l'image que je retiens de ce concert est l'atmosphère joyeuse du bis qu'ils ont donné : la Valse en ré majeur op. 54 de Dvořák. À cause du thème très envahissant de cette valse, comment peut-on se souvenir de ce qui a précédé ?

Cité de la musique — 2013-11-30

Orchestre de chambre de Paris

Accentus

Toby Spence, ténor

Thomas Zehetmair, direction

Offertorium “Intende voci” (Schubert)

Julia Bauer, soprano

Alain Buet, basse

Le Christ au mont des Oliviers (Beethoven)

Si je suis content d'avoir découvert l'oratorio de Beethoven, je n'ai pas pris beaucoup de plaisir en assistant à ce concert. En particulier, je me suis longtemps demandé dans quelle langue chantait le ténor Toby Spence...

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Le vite dit d'octobre 2013

2013-12-18 10:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Dhrupad

À propos des spectacles d'octobre 2013, j'ai déjà eu l'occasion de revenir sur Orfeo à la Cité de la musique et le récital de Vaibhav Arekar et Anuya Rane au Musée Guimet. Pour les autres spectacles, voici mon vite dit :

Salle Pleyel — 2013-10-01

Orchestre Colonne

Laurent Petitgirard, direction

Philippe Graffin, violon

Concerto pour violon et orchestre Le Violon rouge, John Corigliano

Marie-Claude Bantigny, violoncelle

Daniel Vagner, alto

Don Quichotte, variations fantastiques sur un thème à caractère chevaleresque (Strauss)

J'étais venu à ce concert pour entendre la violoncelliste Marie-Claude Bantigny dans Don Quichotte de Strauss. Elle a été magnifique, mais à l'alto, un certain Daniel Vagner, que j'entendais pour la première fois, tenait le rôle de Sancho Panza, et c'était tout simplement incroyable !

Les 3 arts — 2013-10-02

Céline Wadier, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Raga Todi

Raga Bhinna Shadja

J'assiste pour la première fois à un récital de chant dhrupad de ma prof, qui a interprété le Raga Todi en finissant par la composition Samhara Chalate (Dhamar) que j'ai déjà pratiquée avec elle et quelques autres. Les difficultés de ce raga font qu'il m'est pour le moment beaucoup plus plaisant de l'écouter en concert que d'essayer de le pratiquer ! Si j'ai apprécié la première partie de ce concert, la deuxième était a été merveilleusement belle. Trop pour que mes glandes lacrymales puissent le supporter... Quel plaisir de l'entendre dans ce très lumineux Raga Bhinna Shadja et deux compositions en Chautal puis en Sultal !

Salle Colonne — 2013-10-06

Michel Bernier, clarinette

Marie-Claude Bantigny, violoncelle

Carole Villiaumey, piano

Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur, op. 114 (Brahms)

Pierre Hamel, violon

Nachtgesang pour piano clarinette, violon et violoncelle (Hersant)

Ching Yun Tu, violon

Mathieu Rolland, alto

Quintette pour clarinette et cordes en si mineur, op. 115 (Brahms)

Magnifique interprétation du Quintette pour clarinette et cordes de Brahms !

Opéra Garnier — 2013-10-10

Frédéric Chopin, musique

John Neumeier, chorégraphie et mise en scène (1978)

Jürgen Rose, décors et costumes

Rolf Warter, lumières

Victor Hughes, assistant du chorégraphe

Claude de Vulpian, répétitions

James Tuggle, direction musicale

Emmanuel Strosser, piano

Frédéric Vaysse-Knitter, piano

Agnès Letestu, Marguerite Gautier

Stéphane Bullion, Armand Duval

Michaël Denard, Monsieur Duval

Nolwenn Daniel, Prudence Duverney

Laurent Novis, Le Duc

Christine Peltzer, Nanine, la servante de Marguerite

Simon Valastro, Le Comte de N

Frédéric Vaysse-Knitter, Un pianiste

Eve Grinsztajn, Manon Lescaut

Christophe Duquenne, Des Grieux

Léonore Baulac, Olympia

Nicolas Paul, Gaston Rieux

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La dame aux camélias, ballet en un prologue et trois actes d'après le roman d'Alexandre Dumas fils

J'ai vu trois représentation de cette série de représentations de La Dame aux camélias de Neumeier (déjà vu en 2010). La scénographie est plus classique que dans mon souvenir et la musique de Chopin, à force d'être répétée, me paraît presqu'insupportable. Dans les rôles principaux, le couple Eleonora Abbagnato/Benjamin Pech n'était vraiment pas exaltant. Celui formé par Hervé Moreau et Aurélie Dupont au regard captivant d'autorité était au contraire bouleversant ! S'il m'a un peu moins touché, j'ai aussi apprécié celui formé par Agnès Letestu et Stéphane Bullion. Ce dernier était absolument déchaîné. Le temps d'un solo, j'ai eu l'impression que c'était Ivan Vasiliev qui virevoltait sur scène. J'ai eu malheureusement trop peu d'occasions de voir Agnès Letestu dans de grands ballets pour retenir d'elle de grands souvenirs et de grandes émotions alors qu'elle faisait ses adieux. Les saluts furent néanmoins émouvants, notamment du fait de la présence de José Martinez.

Salle Pleyel — 2013-10-15

Russian National Orchestra

Mikhaïl Pletnev, direction

Le Retour de Lemminkäinen (Sibelius)

Gidon Kremer, violon

Concerto pour violon en ré mineur, op. 47 (Sibelius)

Symphonie nº2, Rachmaninov

Vocalise, Rachmaninov

Je ne suis vraiment pas fan du violoniste Gidon Kremer. Par contre, j'ai beaucoup aimé le Russian National Orchestra et dans le concerto pour violon de Sibelius, j'avoue avoir souvent préféré concentrer mon attention sur l'arrière-plan orchestral que sur le jeu du soliste.

Salle Pleyel — 2013-10-26

Gewandhausorchester Leipzig

Riccardo Chailly, direction

Julian Rachlin, violon

Enrico Dindo, violoncelle

Double concerto pour violon et violoncelle, Brahms

Symphonie nº1, Brahms

Le programme de la Salle Pleyel de ce mois d'octobre permettait d'entendre de grands orchestres étrangers. Quelques jours plus tôt, j'ai entendu le Russian National Orchestra et plus tard j'entendrai le Budapest Festival Orchestra. Intercalé entre les deux, j'ai découvert le Gewandhausorchester Leipzig, dirigé par Riccardo Chailly. Je n'ai pas très bien compris les quelques huées qui furent semble-t-il destinées au violoniste Julian Rachlin, qui remplaçait Leonidas Kavakos, souffrant. J'ai pour ma part bien aimé le double concerto pour violon et violoncelle (Enrico Dindo), mais la partie la plus mémorable du concert est intervenue après l'entr'acte, avec une interprétation de la Première symphonie de Brahms qui m'a mis d'un rare état d'exaltation...

Salle Pleyel — 2013-10-29

Budapest Festival Orchestra

Iván Fischer, direction

Threnos in memoriam Béla Bartók (Sándor Veress)

Maria João Pires, piano

Concerto pour piano nº4 (Beethoven)

Impromptu op. 142 nº2 (Schubert)

Symphonie nº8 (Dvořák)

Valse (Takemitsu)

Danse hongroise nº1 (Brahms)

Magnifique concert du Budapest Festival Orchestra. Le plus grand frisson de la soirée est venu avec l'interprétation de la Symphonie nº8 de Dvořák !

Cité de la musique — 2013-10-30

Chamber Orchestra of Europe

Jaap van Zweden, direction

La Nuit transfigurée, op. 4, version pour orchestre à cordes (Schönberg)

Hilary Hahn, violon

Concerto pour violon, op. 14 (Barber)

Symphonie nº9 en mi bémol majeur, op. 70 (Chostakovitch)

Avec le Chamber Orchestra of Europe, on s'attend à de l'inoubliable (cf. ici ou ). Ce soir-là, ce ne fut que bon. Je n'ai pas aimé la direction de Jaap van Zweden dans La Nuit transfigurée. Aucun frisson autour de la mesure 100. Des nuances parfois excessivement piano. En effet, comme malheureusement presque toutes les salles de concert parisiennes, la Cité de la musique présente le défaut d'émettre un petit bruit de fond, même en l'absence de son émis par les musiciens ou les spectateurs. À partir du jour où je l'ai remarqué, j'ai commencé à le trouver insupportable pendant les silences orchestraux. C'est une chose que l'on entende un bruit de fond pendant les silences, mais c'en est une autre que ce bruit de fond couvre la musique des instruments à cordes comme ce fut le cas par moments.

Après avoir entendu récemment une autre interprétation de La Nuit transfigurée par les Berliner Philharmoniker dirigés par Simon Rattle, je mesure rétrospectivement le privilège que j'ai eu d'avoir découvert cette œuvre avec Pierre Boulez.

Le concerto pour violon de Barber interprété par l'orchestre et Hilary Hahn m'a paru plus convaincant et après l'entr'acte, la Symphonie nº9 de Chostakovitch le fut plus encore !

Opéra Garnier — 2013-10-31

Saburo Teshigawara, chorégraphie, musique, scénographie, costumes et lumières

Tim Wright, Akira Oishi, éléments sonores

Daniel Burke / Illusion of Safety, musique additionnelle (Dissenting Voices, extrait de Water Seeks Its Own Level, Finite Material Context / Silent Record, 1994)

Rihoko Sato, assistante du chorégraphe

Sergio Pessanha, assistant lumières

Kazuomi Kurosawa, assistant technique

Aurélie Dupont, Jérémie Bélingard, Nicolas Le Riche

Darkness is hiding black horses (création)

Trisha Brown, chorégraphie (1979)

Robert Rauschenberg, photographies, scénographie et costumes

Beverly Emmons, lumières

Lisa Kraus, Carolyn Lucas, assistantes de la chorégraphe

Laurence Laffon, Caroline Robert

Letizia Galloni, Juliette Hilaire, Miho Fuji

Glacial Decoy

Chant traditionnel géorgien et madrigaux de Carlo Gesualdo (IV et XVII du livre VI), Claudio Monteverdi (extraits du IIe et IIIe livres)

Jiří Kylián, chorégraphie

Michael Simon, scénographie et lumières

Joke Visser, costumes

Patrick Delcroix, assistant du chorégraphe

Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lmières

Images en direct réalisées par le Service vidéo de l'Opéra

Maud Gnidzaz, soprano

Hannah Morrison, soprano

Lucile Richardot, contralto

Sean Clayton, ténor

Lisandro Abadie, baryton basse

Stéphanie Leclerq, contralto (chant grégorien)

Marcio Soares Holanda, ténor (chant grégorien)

Julien Neyer, baryton basse (chant grégorien)

Les Arts Florissants

Paul Agnew, direction musicale

Eleonora Abbagnato, Vincent Chaillet

Alice Renavand, Stéphane Bullion

Doux mensonges

Je me suis beaucoup ennuyé en regardant les deux premiers ballets. Certes, Nicolas Le Riche a dansé dans le ballet de Teshigawara, mais ce n'est pas en soi suffisant pour rendre une chorégraphie intéressante. La création de ce ballet a été très froidement accueillie par le public. Je n'ai pas du tout accroché à Glacial Decoy de Trisha Brown, mais pour sauver ce programme de ballet, il y avait heureusement Doux mensonges de Jiří Kylián dans lequel deux couples évoluent entre la scène et les sous-sols de Garnier, tandis que des chanteurs des Arts Florissants interprètent de magnifiques madrigaux.

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La Chidambaram Dance Company à Paris

2013-12-12 10:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

La compagnie de danse “Chidambaram”, basée à Chennai, a passé quelques jours à Paris au mois de novembre. Cela m'a donné l'occasion de voir un programme pour un ensemble de six danseurs au musée Guimet et deux récitals au Centre Mandapa par une des danseuses de la compagnie (Arupa Lahiry) et sa directrice (Chitra Visweswaram).

Auditorium du Musée Guimet — 2013-11-16

Chidambaram Dance Company

Arupa Lahiry, Sai Santosh Radhakrishnan, Sharma Viswanath, Jai Quehaeni Reddy, Gayathri Rajaji, Divya Shruti, bharatanatyam

Chitra Visweswaram, chorégraphies

R. Visweswaram, G. N. Balasubramaniam, musique

Sukanya Ravindhar, nattuvangam

B. Srikanth, chant

Venkatasubramaniam, mridangam

R. Thiagarajan, flûte

Anubhuti

Trimurti — anjali

Keertanam — Saama Gaana Lole

Navarasa varnam

Abhinaya — Dasar Kreeti

Thillana

Ce programme intitulé Anubhuti était pour moi une première, parce que je n'avais jamais vu de pièces de bharatanatyam véritablement conçues pour un ensemble de danseurs. Après une introduction musicale mettant en valeur le flûtiste et le chanteur, la première pièce Anjali a commencé par un Ragam interprété par le flûtiste. Les danseurs (cinq danseuses et un danseur) sont ensuite entrés en scène. Ils ont commencé par un passage de danse pure synchronisée. L'originalité de la chorégraphie m'a semblé plus flagrante dans les passages évoquant les divinités de la Trimurti. Je n'ai pas reconnu celui consacré à Brahma, mais j'ai bien reconnu Vishnu couché sur le serpent Shesha et ai particulièrement apprécié le passage consacré à Shiva. Il apparaissait sous sa forme de Seigneur de la danse (Nataraja). Le danseur de la compagnie jouait son rôle tandis que les autres danseuses s'organisaient autour de lui de façon à créer une image saisissante. Une des danseuses était ainsi au sol et jouait le rôle du démon de l'ignorance Apasmara qui est écrasé par le pied droit de Nataraja. Une autre danseuse était située à la gauche de Shiva et représentait vraisemblablement Parvati.

La deuxième pièce était consacrée à la forme androgyne Ardhanarishwara (mi-Shiva mi-Parvati). Elle était conçue de façon cyclique, s'ouvrant et se refermant sur l'image de Sarasvati jouant de sa vînâ. La chorégraphie rend hommage à la musique en louant la beauté du son et en évoquant plusieurs instruments de musique comme la vînâ, la flûte et aussi semble-t-il le violon. Le cœur de la pièce évoque les aspects féminins et masculins d'Ardhanarishwara, évoqués respectivement par une danseuse et un danseur. Les attributs usuels de Shiva sont évoqués comme le serpent, le tambour Damaru et surtout la chevelure que la chorégraphe Chitra Visweswaram a une façon bien particulière de représenter par de vifs mouvements dyssymétriques.

La pièce principale du programme est un Navarasa varnam dont le thème principal est celui de la Déesse. Le titre Navarasa renvoie aux neuf saveurs ou sentiments mis en valeur dans les différents épisodes constituant ce Varnam : courage, amour, émerveillement, rire, dégoût, colère, peur, compassion, paix. Je suis particulièrement saisi pendant le premier passage de danse pure par la vigueur des frappes de pieds synchronisées des cinq danseurs présents sur scène à ce moment. La première partie narrative représente la courageuse déesse Meenakshi sous la forme d'une guerrière qui sait monter à cheval et décocher des flèches avec son arc. La deuxième évoque une femme (Parvati) brûlant d'amour pour Shiva dont la chorégraphie évoque son chignon tressé, les cendres dont il est couvert, ses marques horizontales sur le front ainsi que son tambour Damaru. Plus loin, alors que Parvati se comporte comme une servante auprès de lui, l'ascèse de Shiva est perturbée par une flèche d'amour lancée par Kama et il le réduit en cendres. Plus loin, le dieu de la mort tente d'étouffer le jeune Markandeya, lequel est sauvé par Shiva en récompense de sa dévotion (un épisode que j'avais déjà vu dans le récital de Janaki Rangarajan). Ces passages étaient particulièrement saisissants et l'utilisation de plusieurs danseurs pour représenter chacun des rôles était très convaincante. Je n'ai pas identifié tous les épisodes narratifs suivants, mais dans la suite j'ai particulièrement aimé l'évocation de Shiva sous le nom de Nilakantha (qui boit du poison pendant le barattage de la mer de lait), la représentation de l'adoration de la déesse et la fin apaisée de cette pièce.

La pièce principale de ce récital Navarasa varnam m'a semblé particulièrement réussie dans la mesure où l'impression produite par l'ensemble des danseurs était sans doute supérieure à celle qu'aurait pu produire chaque danseur individuellement. La pièce suivante mettait davantage en valeur les qualités individuelles de quatre danseuses. Des danseuses qui pouvaient paraître assez discrètes dans les ensembles précédents m'ont paru étonnamment à l'aise dans les solos narratifs constituant cette pièce. Le thème de cette pièce est Krishna. La musique de Purandara Dasa est connue, je suis certain d'avoir déjà entendu le refrain qui se transcrit plus ou moins en Shikavane Ivanu. Chacune des danseuses incarnait une femme confrontée à la nature divine de Krishna rendue malicieusement innocente dans la personne d'un enfant espiègle. La première le grondait parce qu'il lui demandait comment naissent les enfants. La deuxième se fait enlacer par lui alors qu'elle portait des jarres pleines d'eau. Une troisième se fait chiper du beurre qu'elle vient de baratter. La quatrième (interprétée par Arupa Lahiry) couche l'enfant, s'endort, rêve qu'elle passe la nuit avec lui et comprend à son réveil que son rêve a été influencé par Krishna dont elle tenait la main. À la fin de son solo, chaque danseuse venait se joindre aux précédentes sur la droite de la scène dans des postures suggérant la dévotion et l'émerveillement devant les qualités du jeune enfant Krishna.

Le récital s'est conclu par un Thillana interprété par les six danseurs de la compagnie. La délicieuse musique de cette pièce a été composée par le chanteur R. Visweswaram dont Chitra Visweswaram est la veuve. La présentation de la pièce évoque une fusion de la musique et de la danse. J'ai particulièrement apprécié le moment où il est fait hommage aux notes (Swaras) de la gamme, qui m'ont semblé comme incarnées par les différents danseurs.

Lors des saluts, Chitra Visweswaram qui avait assisté au spectacle depuis le premier rang est montée sur scène. Il fallait vraiment la voir lancer des fleurs à ses danseurs pour les féliciter. Les fleurs n'étaient pas réelles, elle utilisait le mudra Alapadma, mais d'une façon tellement énergique que l'illusion était parfaite.

Centre Mandapa — 2013-11-18

Arupa Lahiry, bharatanatyam

Chitra Visweswaram, chorégraphies

Descente de Ganga

Varnam (Raga Charukesi) (composé par Lalgudi Jayaraman)

Padam

Tillana (Raga Rasikapriya) (composé par R. Visweswaram)

Une des danseuses qui m'avaient particulièrement impressionné lors du programme de la Chidambaram Dance Company dansait deux jours plus tard au Centre Mandapa. J'avais bien envie d'y aller, mais j'avais déjà prévu d'aller écouter Written on Skin à l'Opéra Comique. Quand je suis arrivé dans la salle, à une place aveugle sans l'opportunité de replacement qui s'était fait habituelle dans cette salle, j'ai passé un coup de fil au Centre Mandapa pour me réserver une place et j'ai filé.

Après une introduction musicale, la danseuse est venue interpréter une première pièce. C'est celle qui m'a le plus marqué. Je l'avais d'ailleurs déjà vue sur cette vidéo :

Grâce au texte chanté et à la chorégraphie, j'avais reconnu qu'il était question des trois dieux de la Trimurti (à partir de 4') : Brahma (Pitamaha : l'Aïeul, dont la chorégraphie dit qu'il a quatre têtes), Vishnu (sur le serpent Shesha) et Shiva. La chorégraphie évoque ensuite la rivière Ganga, mais j'ignorais la raison pour laquelle ces trois dieux lui étaient associés ici. C'est devenu plus clair quand la danseuse a introduit la pièce avant de l'interpréter. Brahma est celui qui verse l'eau de la Ganga, laquelle tombe sur le pied de Vishnu avant de se perdre dans la chevelure de Shiva. Elle paraît alors sous la forme d'une jeune femme qui prend le nom de Bhagirathi suite à l'ascèse de Bhagiratha (qui réclamait que les cendres des 60000 fils de Sagara soient purifiées). J'ignorais que parmi les légendes liées à la descente de Ganga sur terre, ils s'en trouvaient qui fissent intervenir non seulement Shiva, mais aussi Brahma et Vishnu. Cela fut pour moi une belle découverte.

La pièce principale du récital était un Varnam évoquant une jeune femme se languissant de Krishna aux yeux de lotus. Elle lui est dévouée, exécutant des rites d'adoration d'une statue le représentant qu'elle orne d'une guirlande de fleurs. Cependant, elle lui reproche de ne pas venir la voir. Elle brûle d'amour pour lui. Elle aime le son de sa flûte. La pièce semble se terminer par une évocation de la danse Rasalila dans laquelle les bouvières (gopis) dansent avec Krishna.

La pièce suivante a été un magnifique Padam, un des types de pièces de bharatanatyam que j'affectionne le plus. Comme le sentiment d'amour (Shringara rasa) a été magnifiquement mis en valeur dans cette pièce par la danseuse ! La jeune femme se souvient du moment où, autrefois, le jeune Muruga (Kartikeya) l'avait enlacée. Ayant épousé Valli et Deivayani, l'aurait-il oubliée ? La pièce de forme cyclique se termine comme elle avait commencée par l'image de la jeune femme rêvassant.

Ce très beau récital s'est terminé par le même Tillana que deux jours plus tôt, interprété par la seule Arupa Lahiry. La musique étant enregistrée, je soupçonne que la voix était celle du défunt R. Visweswaram, ce qui n'était pas pour me déplaire.

Centre Mandapa — 2013-11-19

Chitra Visweswaram, bharatanatyam

Sukanya Ravindhar, nattuvangam

B. Srikanth, chant

Venkatasubramaniam, mridangam

R. Thiagarajan, flûte

Prière chantée

Ardhanarishwara

Theruvil Varanu

Ashtapati

(Scène de jalousie)

Jagadotarana

Le lendemain, un colis suspect bloque la station de RER B Orsay-Ville. Je me dirige à pieds vers la station suivante (Le Guichet) où j'entends que le trafic est coupé jusqu'à Lozère. Je continue jusqu'à cette station où je dois encore attendre assez longtemps avant de pouvoir monter dans un RER. Un collègue arrivera juste à temps pour le coup d'envoi du match France-Ukraine au Stade de France et de mon côté, grâce à la bonne heure de marge que j'avais prévu, je suis arrivé tout juste à 20h30 au Centre Mandapa après avoir couru depuis le métro, et le temps de saluer une de mes danseuses préférées dans le hall, puis Arupa Lahiry (qui avait dansé la veille), j'entrai dans la salle bien pleine. Je choisis donc de me déchausser et de m'asseoir sur le dernier coussin disponible tout devant.

Le spectacle commence par une prière chantée (à Ganesh ?). Malgré l'exiguïté de la scène, les musiciens de la Chidambaram Dance Company ont pris place sur la gauche de la scène. Je n'ai pas vu de micro, cela devait donc être une des premières fois que j'aie entendu de la musique carnatique non amplifiée.

Le programme de danse est entièrement constitué de pièces de pur Abhinaya : les pièces sont narratives et ne laissent aucune place à la danse pure ou à la virtuosité. Le costume de Chitra Visweswaram est un peu négligé (pas très bien repassé). Peu importe, ce qui compte, ce sont les émotions qu'elle va exprimer dans son programme.

La première pièce est centrée sur Ardhanarishwara, la forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. La danseuse évoque le tambour Damaru, le serpent, etc, pour la moitié Shiva et pour l'autre moitié, elle met surtout en valeur la féminité en utilisant l'attitude typique correspondante. La pièce met aussi en scène la déesse Sarasvati et des rites d'adoration des divinités.

Dans la deuxième pièce Theruvil varanu, une jeune femme est amoureuse de Shiva. Elle attend, elle pense qu'il va venir...

Pour moi, le moment le plus intense du récital est intervenu avec la troisième pièce intitulée Ashtapadi. Elle mettait en scène différentes phases que peut prendre l'amour d'une jeune femme (pour Krishna). La chorégraphie évoque le printemps, les abeilles qui butinent, des offrances de fleurs, l'ivresse procurée par le sentiment amoureux, mais aussi le désespoir de la séparation, le dégoût qu'elle engendre, et enfin d'heureuses retrouvailles avec Krishna, représenté en flûtiste. Cela a été une des pièces de bharatanatyam les plus émouvantes que j'aie eu l'occasion de voir.

La pièce suivante évoquait le sentiment de jalousie d'une femme qui observe avec mépris sa rivale qui aurait reçu de beaux vêtements de son amant.

Le récital s'est conclu avec Jagadotarana que Chitra Visweswaram a dansé assise sur un tabouret. Il m'est difficile de résumer cette pièce exaltant les sentiments maternels de Yashoda pour l'espiègle Krishna. Elle commençait par le sommeil de Krishna bercé par Yashoda. Divers épisodes de la vie du jeune garçon étaient ensuite évoqués, mais j'y ai été globalement moins réceptif, la narration n'étant pas assez lisible pour que je puisse la bien comprendre.

Le public n'a pas réussi à obtenir un bis de la danseuse, celle-ci expliquant qu'on ne pouvait plus rien danser après Jagadotarana...

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Le vite dit de septembre 2013

2013-12-09 09:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Dhrupad

Il n'arrive pas vraiment en avance, mais voici le vite dit de septembre, un mois au cours duquel outre les spectacles mentionnés ci-dessous j'ai aussi eu l'occasion de voir la magnifique danseuse Janaki Rangarajan :

Salle Pleyel — 2013-09-01

Berliner Philharmoniker

Sir Simon Rattle, direction

La Nuit transfigurée, op 4, version pour orchestre à cordes de 1943 (Schönberg)

Barbara Hannigan, soprano

Trois Fragments de Wozzeck, pour voix et orchestre (Berg)

Le Sacre du Printemps, édition révisée de 1947 (Stravinski)

Formidable concert ! Grâce à un ami, j'ai pu assister à ce concert de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. Les solos des musiciens de l'orchestre étaient magnifiques, mais collectivement, l'ensemble n'était qu'excellent, alors qu'avec un orchestre de cette réputation, je m'attendais à ce que ce soit inoubliable. Je n'ai pas autant vibré pendant La Nuit transfigurée que lorsque j'avais vu Pierre Boulez la diriger. Tel moment palpitant (autour de la mesure 100) sous la direction de Boulez me paraissait tout plat avec Simon Rattle, comme s'il n'avait pas lu le Molto rit.. En revanche, quel plaisir d'entendre Barbara Hannigan interpréter Berg avec une telle beauté de chant, une aussi remarquable technique et une si grande conviction !

Salle Pleyel — 2013-09-12

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Paavo Järvi, direction

Orages, ouverture de concert pour orchestre, op. 93, Bechara El-Khoury

Janine Jansen, violon

Concerto pour violon nº2 (Prokofiev)

Mélodie (Tchaikovski)

Mari Eriksmoen, soprano

Max Emanuel Cencic, contre-ténor

Ludovic Tézier, baryton

Chœur de l'Orchestre de Paris

Lionel Sow, chef de chœur

Maîtrise de Paris

Patrick Marco, chef de chœur

Carmina Burana, “Cantiones profanae” pour soprano, ténor, baryton, chœur mixte, chœur d'enfants et orchestre, Carl Orff.

Comme je m'étais rendu compte du fait que je n'aurais sans doute pas d'autre occasion d'entendre Janine Jansen cette année, j'avais réservé une place pour ce concert un peu au dernier moment, et une opportunité d'assister à ce concert depuis le tout premier rang s'est présentée. Je n'ai pas été déçu ! Je ne saurais dire si je l'ai préférée à Lisa Batiashvili. Elles ont toutes les deux été magnifiques dans ce concerto nº2 de Prokofiev ! A priori, je me serais bien dispensé d'écouter Carmina Burana, mais j'ai bien fait de ne pas partir à l'entr'acte. L'orchestre et le chœur étaient en très bonne forme, mais mon plus grand plaisir est venu des solistes, Max Emanuel Cencic, Ludovic Tézier et surtout Mari Eriksmoen dont le chant d'extase, cette redoutable acrobatie vocale, m'a paru superbe.

Opéra Garnier — 2013-09-19

Yann Beuron, Admète

Sophie Koch, Alceste

Jean-François Lapointe, Le Grand Prêtre d'Apollon

Franck Ferrari, Hercule

Stanislas de Barbeyrac, Evandre/Coryphée ténor

Marie-Adeline Henry, Coryphée soprano

Florian Sempey, Apollon/Un Héraut/Coryphée basse

François Lis, Une Divinité Infernale/L'Oracle

Manuel Nunez-Camelino, Coryphée Alto

Marc Minkowski, direction musicale

Olivier Py, mise en scène

Pierre-André Weitz, décors et costumes

Bertrand Killy, lumières

Pierre Dumoussaud, chef de chœur

Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre-Grenoble

Alceste, Gluck

Mise en scène sobre d'Olivier Py avec décors et costumes en noir et blanc. Les décors sont dessinés en direct à la craie par des artistes dont les noms ne sont scandaleusement pas mentionnés dans la feuille de distribution. Quelques très beaux moments choraux. Des musiciens du Louvre-Grenoble plutôt inspirés. De très bons chanteurs (notamment les quatre coryphées). Alors que ma place ne me permet pas d'apercevoir les surtitres, je m'étonne de comprendre presque tout le texte (racontant le mythe assez peu exaltant d'Alceste). Le point noir de la distribution est Sophie Koch, dont le français chanté est incompréhensible. (Même en me contorsionnant pour voir les surtitres, ce que je lis ne semble pas correspondre à ce que j'entends.)

Cité de la musique — 2013-09-20

Alexandre Astier, écriture et interprétation

Jean-Christophe Hembert, mise en scène

Seymour Laval, scénographie, lumières

Anne-Gaëlle Daval, costumes

François Vatin, création son

Jean-Charles Simon, voix

Rémi Vander-Heym, régie lumières

François Vatin, régie son

Yannick Bourdelle, régie plateau

Thierry Cabecas, régie

Que Ma Joie Demeure !

J'ai été content d'assister à ce charmant spectacle musical d'Alexandre Astier autour de la vie de Bach. Malheureusement, j'avais eu l'occasion de visionner quelques extraits du spectacle et connaissais donc déjà pas mal de gags, ce qui gâche un peu le plaisir...

Cité de la musique — 2013-09-27

Ensemble Intercontemporain

Matthias Pintscher, direction musicale

Fuga (ricercata) a 6 voci, extrait de L'Offrande musicale, BWV 1079, Johann Sebastian Bach/Anton Webern

Claire Booth, soprano

Gordon Gietz, ténor

Gilbert Nouno, Carl Faia, réalisation informatique musicale IRCAM

Franck Rossi, ingénieur du son IRCAM

Two Interludes and a Scene for an Opera (Jonathan Harvey)

Pierre Strauch, violoncelle

Sonate pour violoncelle seul (Bernd Alois Zimmermann)

Bereshit (Matthias Pintscher)

Je garde deux souvenirs de ce concert. Le premier concerne les extraits d'un opéra de Jonathan Harvey intitulé Wagner Dream et inspiré par le projet de Wagner de composer un opéra Vainqueurs sur un thème bouddhiste. À la scène peu exaltante faisant intervenir Prakriti et Ananda j'ai nettement préféré les interludes orchestraux qui l'entouraient. L'autre souvenir est celle de la Sonate pour violoncelle seul de B. A. Zimmermann. J'y ai rencontré une des limites de mes possibilités d'écoute de la musique contemporaine. En la voyant, j'ai eu l'impression d'assister à une séance de torture de violoncelle par Pierre Strauch (qui n'utilisait pas son instrument design habituel). Mon écoute était complètement perturbée par cette vision. Quand j'ai écouté l'enregistrement sonore lors d'une diffusion sur France Musique, l'œuvre et l'interprétation m'ont paru bien plus agréable à écouter...

Ailleurs : Bladsurb.

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-09-29

Emmanuel Pahud, flûte

Maja Avramovic, violon

Joaquín Riquelme García, alto

Stefan Koncz, violoncelle

Quatuor avec flûte en ut majeur, KV 285B, Mozart

Sonata a quattro nº2 en la majeur, Rossini

Quatuor avec flûte en sol majeur, KV 285A, Mozart

Sonata a quattro nº1 en sol majeur, Rossini

Quatuor avec flûte en ré majeur, KV 285, Mozart

Ravissant concert de musiciens berlinois autour du flûtiste Emmanuel Pahud ! La grande découverte de ce concert a été pour moi celle du violoncelliste Stefan Koncz (qui a fait l'objet d'une chouchouscopie du Klariscope). Avec ses merveilleux et variés pizz. et son entente avec les autres musiciens, il a contribué à faire de la Sonata a quattro nº2 de Rossini le point culminant de ce concert.

Chez Véronique — 2013-09-29

Nirmalya Dey, chant dhrupad

Céline Wadier, tampura, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Raga Multani

Raga Malkauns

Nirmalya Dey, un des tout meilleurs chanteurs de dhrupad était présent à Paris pour un concert donné dans un appartement où une foule de spectateurs s'étaient rassemblés (soit une petite cinquantaine). Quelques jours avant, j'ai eu la chance de pouvoir prendre un cours particulier avec lui sur le Raga Puriya (et ce ne sera sans doute pas le dernier...). J'ai tout particulièrement aimé ses Alap. Quand j'écoute de la musique classique occidentale, même sans avoir une connaissance préalable de l'œuvre jouée, il m'arrive très souvent de m'attendre à ce qui se passe quelque chose d'assez précis, comme la reprise d'une phrase, une montée ou une baisse de tension ou plus simplement la fin d'un morceau ; dans les secondes qui suivent, je suis soit flatté quand la prédiction s'avère juste soit surpris quand le compositeur avait prévu autre chose. Je commence à avoir entendu et pratiqué assez le chant dhrupad pour commencer à avoir de telles attentes, même dans les sections improvisées qui constituent un Alap. J'ai ainsi eu le sentiment que Nirmalya Dey cherchait parfois à créer une attente chez l'auditeur, notamment dans sa façon de jouer les notes proches des notes très stables comme Sa (tonique) ou Pa (dominante). Le premier Raga (Multani) comportait un Tivra Ma et un Shuddh Ni (respectivement un demi-ton en dessous du Pa et du Sa). Dans son exploration du Raga, le chanteur est resté plusieurs fois de façon prolongée sur ces notes qui ne sont pas les plus consonnantes, créant une tension qu'il pouvait libérer en finissant sa phrase avec la note très consonnante voisine ou au contraire prolonger en redescendant sur des notes plus basses avant de prochains assauts. J'ai pris un certain plaisir à voir mes attentes surprises ou au contraire contrariées.

Je crois me souvenir que la composition sur la Raga Multani était en Chautal (12 temps). Ce même Tala était utilisé dans la première composition sur le Raga Malkauns, que je n'ai pas reconnu avant que le chanteur ne commence une deuxième composition Shankara Girija Pati (Sultal, 5 ou 10 temps suivant comment on compte...) que je connaissais pour l'avoir un tout petit peu pratiquée.

Opéra Bastille — 2013-09-30

Ricarda Merbeth, Emilia Marty

Atilla Kiss-B, Albert Gregor

Vincent Le Texier, Jaroslav Prus

Jochen Schmeckenbecher, Dr Kolenaty

Andreas Conrad, Vitek

Andrea Hill, Krista

Ladislav Elgr, Janek

Ryland Davies, Hauk-Sendorf

Susanna Mälkki, direction musicale

Krzyzstof Warlikowski, mise en scène

Małgorzata Szczęśniak, décors et costumes

Denis Guéguin, vidéo

Felice Ross, lumières

Miron Hakenbeck, dramaturgie

Alessandro Di Stefano, chef du chœur

Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris

Věc Makropoulos, Janáček

Le livret de cette Affaire Makropoulos m'a paru assez confus. La belle mise en scène de Krzyzstof Warlikowski qui transpose ce cas dans le monde du cinéma n'aide pas vraiment à caractériser les différents personnages secondaires. Je m'attendais à apprécier la musique puisqu'il s'agit d'un opéra de Janáček, mais je ne pensais pas prendre un tel plaisir à l'écoute de l'Orchestre de l'Opéra. Mille mercis à Susanna Mälkki pour son exaltante direction musicale !

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Sangama de Shantala Shivalingappa à l'Onyx

2013-12-02 11:39+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Onyx, Saint-Herblain — 2013-11-09

Shantala Shivalingappa, interprétation, chorégraphie, direction artistique

Savitry Naïr, conseillère artistique

Ezra Belotte-Cousineau, création film

Nicolas Boudier, lumières et direction technique

Shantala Shivalingappa, Nicolas Boudier, espace scénique

Denis Chapellon, régie générale et lumières

Baptiste Klein, régie vidéo et son

B. P. Haribabu, natuvangam (cymbales) et pakhawaj (percussions)

J. Ramesh, chant

N. Ramakrishnan, mridangam (percussions)

K. S. Jayaram, flûte

Sangama (kuchipudi)

  • Prière chantée à Vani, déesse des arts
  • Ganapati Vandana
  • Tarangam (dédié à Shiva)
  • Tani-Dvayam (duo rythmique)

Shantala Shivalingappa, chorégraphie

“De Bois”, Felix-Antoine Coutu et Jean-Michel Coutu, musique

Medley

Sidi Larbi Cherkaoui, chorégraphie

Olga Wojciechovska, musique (Olga Wojciechovska (violon), Tsubasa Hori (piano), Gabriele Miracle (percussions))

Flare (extrait de Play)

Pina Bausch, chorégraphie

Ferran Savall, voix et guitare

Pedro Estevan, percussions

Marion Cito, costume

Solo

Shantala Shivalingappa, chorégraphie

Shift

Il m'est déjà arrivé de prendre des TGV ou des avions pour assister à des opéras ou des concerts, mais la danse n'avait jamais constitué à elle seule le motif d'un de mes voyages avant le week-end du 11 novembre au début duquel j'ai fait un aller-retour à Nantes pour assister au programme Sangama de Shantala Shivalingappa.

Au cours de mes voyages en Inde, j'ai eu l'occasion de visiter le village de Devprayag et la ville d'Allahabad. Il s'agit de deux sites remarquables pour la confluence que l'on peut y observer entre deux rivières. Chacune de ces confluences est appelée Sangam. L'Alaknanda et la Bhagirathi se rejoignent à Devprayag pour former une rivière que l'on appelle Ganga à partir de cette confluence :

Photo 0147
Devprayag, confluence entre la Bhagirathi et l'Alaknanda donnant naissance à la Ganga

La Yamuna se jette dans la Ganga à Allahabad. Lors de l'Ardh Kumbh Mela de janvier 2007, des dizaines de millions de pélerins venaient se baigner à Allahabad. Sur la phographie ci-dessous, la Yamuna vient de la droite et la Ganga de la gauche :

Photo 206
Ardh Kumbh Mela, Allahabad

Si le titre du spectacle de danse de Shantala Shivalingappa s'appelle Sangama, c'est sans doute parce qu'y confluent la danse indienne kuchipudi dont Shantala Shivalingappa est spécialiste et la danse contemporaine qu'elle connaît aussi pour avoir travaillé avec plusieurs grands chorégraphes.

La salle de spectacle Onyx est située en périphérie de Nantes, à Saint-Herblain, entre un Ikea et un Decathlon. Cela reste accessible en tramway. Quand il fait déjà nuit et qu'il pleut, la salle de spectacle en forme de Kaaba imaginée par Jean Nouvel n'est pas très engageante :

Photo onyx
Onyx

Une fois passé le hall et les escaliers sombres et austères, les sièges de la salle paraissent très confortables, et mon placement idéal : la pente des gradins commençait au rang où je me trouvais, je pouvais ainsi voir les pieds de la danseuse qui resteraient cachés aux spectateurs de la poignée de rangs situés devant moi.

Venons-en au spectacle lui-même. Posé sur un petit socle suspendus depuis les cintres, une statue de Shiva-Nataraja est présente sur le côté droit de la scène. Les musiciens s'installent du côté gauche et interprètent une Prière chantée à Vani, déesse des Arts. Vani est un des noms de la déesse Sarasvati (cf. ce précédent billet). Les musiciens en charge de la partie mélodique sont un chanteur et un flûtiste. Pendant l'Alap du flûtiste, je m'émerveille des possibilités inattendues de cet instrument en terme de glissando.

La première pièce dansée est intitulée Ganapati Vandana. Cette pièce, comme les autres pièces de kuchipudi interprétées dans ce récital par Shantala Shivalingappa était déjà au programme de de son spectacle Svayambhu (que j'ai vu en 2010). J'ignore si les chorégraphies sont exactement les mêmes ou s'il s'agit de pièces nouvelles du même nom, en tout cas je n'ai pas eu d'impression de déjà-vu. Si la danse n'a peut-être pas changé, mon regard, lui, a indiscutablement évolué depuis trois ans ! Je suis immédiatement conquis par la gestuelle de la danseuse au sari violet qui a une délicieuse et inimitable façon de tourner sur elle-même. Elle évoque notamment les oreilles et la trompe de Ganesh, ainsi que sa démarche de pachyderme. La musique alterne entre poème et onomatopées rythmiques. Le sens de la pièce n'est jamais perdu de vue, même dans les passages qui s'approchent de la danse pure. Dans ces passages très rythmiques (appelés jati dans le bharatanatyam, j'ignore s'ils ont le même nom dans le kuchipudi), la musique est souvent composée par des vers du poème prononcés à une certaine vitesse par le chanteur et ce de façon synchronisée avec les mouvements rapides de la danseuse, lesquels ne sont pas dénués de signification, mais au contraire illustrent le sens du poème. Cela va un peu vite pour que je puisse tout suivre, mais en voyant cette pièce j'ai été plus d'une fois émerveillé par ce remarquable procédé. J'ai aussi été agréablement surpris de voir par moment la danseuse bouger ses lèvres pour prononcer silencieusement le texte du poème.

Comme dans Svayambhu, la pièce principale de ce récital est Tarangam, en l'honneur de celui qui est né de lui-même, ici Shiva. La pièce commence par un mantra sanskrit en l'honneur de Shiva sous le nom de Mahadeva. Dans la première pose qu'elle a présentée, la danseuse utilise ses deux mains pour évoquer le lingam de Shiva. De nombreux autres attributs seront évoqués, comme son chignon, son tambour Damaru, sa forme terrible Bhairava, sa forme ascétique, la descente de Ganga qui après être passée par le chignon de Shiva prend l'apparence d'une jeune femme. J'ai aussi aimé la façon de la danseuse de représenter le serpent qu'il porte avec cinq têtes (je ne connaissais pas cette représentation polycéphale sans doute liée au fait que cinq soit le nombre caractéristique de Shiva). La danseuse a aussi pris la forme de Shiva-Nataraja, et ce sans se limiter à la pose caractéristique associée puisqu'elle a développé sa danse très virile. Cette pièce a comporté une section de danse sur un plateau en laiton, une spécificité du style kuchipudi dans laquelle s'élabore un jeu de questions et réponses élaboré entre les cymbales et les mouvements de la danseuse. Les dernières minutes de la pièce m'ont particulièrement plu. Elles représentaient l'adoration joyeuse (bhakti) de Shiva, une forme du culte plus souvent associée à Krishna et que j'étais très content de voir ici associée à Shiva.

Après ces pièces de danse kuchipudi, les deux percussionnistes se sont livrés à un duo rythmique de toute beauté, sur le Tala Adi (à 8 temps) si je me souviens bien. Est projeté ensuite un film d'Ezra Belotte-Cousineau montrant des extraits de répétitions ou de représentations mettant en scène Shantala Shivalingappa seule ou avec d'autres danseurs et chorégraphes, notamment Sidi Larbi Cherkaoui. J'ai beaucoup de mal à m'émouvoir en visionnant de si courts extraits hors contexte. Ce n'est pas toutefois pas désagréable à regarder et ce d'autant plus qu'avant la fin de la projection la danseuse a paru derrière le rideau pour traverser la scène et commencer la partie danse contemporaine de son programme dont je ne suis pas tout à fait certain d'avoir parfaitement compris le découpage. D'après mes archives, il semblerait que j'aie déjà vu certaines de ces pièces en 2008 dans son programme Namasya, mais cela remonte à trop loin pour que j'en aie gardé un souvenir précis.

La première pièce (Medley ?) commence par un passage accompagné de deux percussionnistes et d'onomatopées rythmiques dans lequel les lumières ne laissent paraître que la silhouette de la danseuse. Ensuite, la musique se fait hispanisante et la chorégraphie me fait beaucoup penser à Pina Bausch, quoique les mains de la danseuse utilisent des codes indiens (comme le mudra Alapadma) ; la danseuse m'a paru extrêmement investie dans ce passage très convaincant.

À partir du moment où la danseuse passe résolument au sol et utilise des mouvements pouvant faire penser au hip hop (sans le côté acrobatique), je crois pouvoir penser que l'on est passé à Flare de Sidi Larbi Cherkaoui, la pièce qui m'a le moins convaincu. Cela dit, il m'est toujours difficile d'accrocher à des pièces aussi courtes extraites de programmes plus élaborés (en l'occurrence Play, cf. ce billet de Bladsurb qui l'a vu en entier), puisque j'ignore le sens qu'elle avait (ou non) dans l'ensemble.

La pièce qui suit ne peut semble-t-il pas être attribuée à 100% à Pina Bausch, mais plus vraisemblablement à travail commun de la danseuse et de la chorégraphe. Ce Solo est en effet très indo-bauschien, des mouvements de mains très indiens étant incorporés au style de la chorégraphe allemande. À cette très belle pièce s'enchaîne une autre, Shift, chorégraphiée par la danseuse elle-même. La danseuse abandonne la robe noire qu'elle portait pendant le Solo de Pina Bausch pour interpréter sa pièce dans le silence, puis en musique. La danseuse y évoque notamment une femme qui se regarde dans un miroir. Cette chorégraphie est la plus influencée par le kuchipudi.

Si j'aurais peut-être préféré voir un peu plus de kuchipudi, j'ai été néanmoins content de voir ces pièces de danse contemporaine, toutes exécutées avec engagement par la danseuse.

J'ai déjà dit plus haut que la salle n'est pas très accueillante extérieurement. Le hall est sombre et les escaliers conduisant à la salle un peu branlants, mais l'accueil y est néanmoins très chaleureux. Un petit buffet était même prévu pour les spectateurs à la fin du spectacle ! Comme le programme distribué mentionnait une rencontre avec les artistes à l'issue de la représentation, je suis resté dans le hall, qui s'est vidé progressivement. Quand j'ai posé la question, une employée de la salle m'a dit que la rencontre étant semble-t-il annulée, mais elle m'a très gentiment permis de descendre avec quelques autres personnes au sous-sol pour voir la danseuse et son adorable mère Savitry Nair. J'ai ainsi eu le privilège de discuter avec elle et de la complimenter sur quelques aspects qui m'avaient particulièrement plu dans sa danse kuchipudi. J'ai été heureux de voir qu'elle y était très sensible.

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Planning de décembre 2013 (Paris et Chennai...)

2013-12-01 11:18+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII — Planning

  • 1er décembre 2013 (Théâtre du Châtelet) : Je n'ai encore jamais entendu Amjad Ali Khan en concert. Il jouera ce dimanche son concerto pour sarod avec l'Orchestre National d'Île-de-France dans un programme retransmis en direct sur ArteLiveWeb et qui incluera aussi notamment la Symphonie nº100 “Militaire” de Haydn.
  • 6 décembre 2013 (Temple des Batignolles) : L'Orchestre des concerts gais sera dirigé par Marc Korovitch pour ce programme Lalo/Schumann.
  • 7 et 8 décembre 2013 (Salle Pleyel) : Suite et fin de l'intégrale des quatuors à cordes de Beethoven par le quatuor Hagen.
  • 10 décembre 2013 (Salle Pleyel) : Les derniers concerts de l'Orchestre Colonne ont été excellents, je retournerai donc avec plaisir les écouter dans un programme comportant notamment la Symphonie nº3 “Héroïque” de Beethoven.
  • 11 décembre 2013 (Opéra Garnier) : Tout le monde a vu cette publicité Air France, mais je n'ai pas encore jamais vu le ballet Le Parc de Preljocaj qui est programmé à l'Opéra Garnier.
  • 12 décembre 2013 (Salle Pleyel) : Prokofiev, Mikko Franck, Alexander Toradze, voilà déjà trois raisons d'assister à ce concert de l'Orchestre de Paris.
  • 14 décembre 2013 (Cité de la musique) : S'il existe un seul genre de musique contemporaine que j'apprécie, c'est la musique spectrale. Au cours de ce concert, l'Ensemble Intercontemporain interprétera le cycle complet Espaces acoustiques de Gérard Grisey dont je n'ai pour le moment entendu que Modulations qui est une des six pièces de ce cycle.Bien que j'aurai beaucoup aimé assister à ce concert, je vais sans doute lui préférer un récital de bharatanatyam...
  • 17 décembre 2013 (Musée d'Orsay) : Autour de l'exposition Allegro Barbaro, le Musée d'Orsay organise une série de concerts comportant notamment une intégrale des quatuors de Bartók. Ce soir-là, j'entendrai le Philharmonique de Radio France dans Le Prince de bois de Bartók.
  • 19 décembre 2013 (Cité de la musique) : Je reprendrai volontiers un peu de Grisey (cf. le concert de l'Ensemble Intercontemporain mentionné ci-dessus), interprété cette-fois ci par des musiciens de l'ensemble Les Dissonances.
  • 20 décembre 2013 (Opéra Bastille) : J'ai cassé ma tire-lire pour voir Myriam Ould-Braham dans La Belle au bois dormant...

Et puis, le 22 décembre, j'embarque sur un avion pour Riyadh (Arabie saoudite) puis un autre qui devrait arriver à Chennai (Inde) au cours de la matinée du lundi 23. Ce n'est pas pour faire du tourisme que j'entreprend ce douzième voyage en Inde, mais pour assister à des spectacles ayant lieu dans le cadre de la December Season.

La December Season est un des deux plus grands festivals artistiques au monde. Avant d'aller à Edinburgh cet été, je pensais que c'était le plus grand. À mon avis, il y a débat parce que le festival “Fringe” d'Edinburgh aurait abrité 2695 spectacles en 2012, alors que sur le site Kutcheris, au moment où j'écris ce message, plus de 2800 spectacles sont recensés !

La Saison de Chennai est un festival de musique et de danse consacré quasi-exclusivement aux styles du Sud de l'Inde : danse bharatanatyam et musique carnatique (chant principalement). Quand j'ai réservé mes billets d'avion et mon hôtel près de la stratégique T.T.K. Road (entre T. Nagar et Mylapore), je n'avais aucune idée des artistes qui chanteraient ou danseraient pendant mon séjour. J'avais néanmoins deux grands espoirs. Le premier et le plus urgent est d'entendre Dr M. Balamuralikrishna (83 ans), un des plus importants chanteurs carnatiques ; il est l'inventeur de nouveaux ragas, comme on peut le voir sur cette vidéo dans laquelle il chante un raga à trois notes (Sa-Ga-Pa) !

Parmi les danseuses de bharatanatyam que je n'ai pas encore vues, s'il n'y en a qu'une seule dont je rêve de voir un récital, c'est Rama Vaidyanathan :

Les principaux organisateurs de spectacles (sabhas) ont annoncé leurs programmes ces derniers jours. Je me retrouve ainsi avec une liste de 1138 spectacles devant se tenir pendant les 12 jours de mon séjour à Chennai ; en effet, plusieurs sabhas, comme Bharat Kalachar, Krishna Gana Sabha, Narada Gana Sabha, Music Academy ou Chennaiyil Thiruvaiyaru, proposent des programmes de musique et de danse s'étendant souvent du matin au soir ! Je n'ai pas encore fini de me perdre dans l'exploration de ces programmes, mais je sais par avance que je vais me régaler, puisque si je me débrouille bien, je devrais pouvoir entendre Dr M. Balamuralikrishna, Mohan Santhanam, Sudha Raghunathan, Jayanthi Kumaresh, etc, et voir danser Rama Vaidyanathan, Meenakshi Srinivasan, C. V. Chandrashekhar, Alarmel Valli, Padma Subramanyam, etc. Peut-être ferai-je une expédition à Thiruvanmiyur au Sud de Chennai pour voir un Dance Drama par les danseurs de la fondation Kalakshetra ?

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Bharatanatyam

2013-11-12 18:53+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Je voudrais avec ce billet faire une présentation du bharatanatyam. Il s'agit d'un des styles de danses classiques de l'Inde. Une partie de ce que je vais dire pourrait aussi s'appliquer avec certaines variations à des styles apparentés (kuchipudi, odissi, mohiniattam), mais je vais me limiter au style que je connais le mieux. Ma pratique du bharatanatyam n'étant que balbutiante, tout ou presque tout ce que je sais (ou crois savoir) sur le bharatanatyam vient de mon expérience assidue de spectateur (voir la rubrique danses indiennes de ce blog). Ma présentation ne sera pas celle d'une personne ayant une connaissance de cette danse par la pratique ; ce ne sera pas non plus un discours idéalisé et intellectualisant comme celui de Katia Légeret dans cette intéressante émission sur France Culture. Je pense en effet qu'il est possible d'apprécier cette danse et d'en acquérir une certaine compréhension sans être danseur ni philosophe. Je me place donc résolûment du point de vue du spectateur.

Le récital

Si les inventeurs du mot ont pris soin de le doter d'une respectable étymologie, le nom bharatanatyam (ou plus précisément bharatanātyam) a été formé au XXe siècle. Le style est issu d'une danse pratiquée dans les temples du Sud de l'Inde et dans les cours royales. Comme pour les autres styles classiques cités plus haut, le texte de référence est le doublement millénaire Naṭyaśastra. La danse est passée des temples au théâtre au XXe siècle et de nos jours elle est le plus souvent représentée dans le cadre d'un récital mettant en scène une unique danseuse. (La proportion d'hommes étant très faible parmi les danseurs de bharatanatyam, j'utiliserai la forme féminine de ce nom.)

Si la musique n'est pas enregistrée, les musiciens s'installent côté cour, c'est-à-dire du côté gauche de mon point de vue (celui du spectateur). L'orchestre comprend en général quatre musiciens. La partie mélodique est assurée par un chanteur et un instrument d'accompagnement (violon, flûte ou vînâ). La partie rythmique l'est par un percussionniste, qui utilise un tambour à deux faces (mridangam), et par le nattuvanar, qui utilise des cymbales appelées nattuvangam. C'est le nattuvanar qui possède le rôle le plus important puisqu'il est le chef d'orchestre et qu'il est aussi bien souvent le maître de danse ou guru de la danseuse. La tradition des hommes maîtres de danse (qui ne dansaient pas forcément eux-mêmes) est en voie de disparition. Ainsi, de nos jours, le rôle de nattuvanar est le plus souvent assuré par une femme.

Il est assez courant que le Seigneur de la danse (Shiva-Nataraja, voir plus bas) soit représenté par une sculpture placée du côté droit de la scène, et il n'est pas rare que l'on fasse brûler de l'encens.

Un récital de bharatanatyam est constitué d'une suite de pièces. La plupart d'entre elles font entre 5 et 10 minutes environ, mais certaines peuvent être plus élaborées (une demi-heure ou plus). En première approche, on peut distinguer deux types de pièces : les pièces de danse pure et les pièces narratives.

Danse pure (nritta)

Les pièces de danses pures n'ont pas de contenu narratif. Bien que tous les mouvements utilisés puissent avoir un sens dans un contexte narratif, la danse pure n'aspire qu'à mettre en valeur la beauté du mouvement. Néanmoins, une pièce qui est principalement de danse pure possède en général un sens global dans la succession des pièces qui constituent un récital. Ainsi, la première pièce d'un récital est une pièce principalement de danse pure dans laquelle on pourra voir la danseuse mimer une offrande de fleurs (Pushpanjali). Le début du récital comporte aussi très souvent un Alarippu : dans ce type de pièce, différentes parties du corps de la danseuse se mettent progressivement en mouvement (yeux, tête, bras, pieds, mains...) et le rythme de la danse s'accélère petit à petit, comme sur cette vidéo de la danseuse Rama Vaidhyanathan :

L'aspect rythmique joue un rôle prépondérant dans la musique des pièces de danse pure. La musique est en effet constituée principalement des syllabes ou onomatopées rythmiques prononcées par le nattuvanar qui actionne en même temps ses cymbales. Dans des pièces de danse pure appelées Jatiswaram, plutôt que les syllabes rythmiques, on entend le nom des notes du solfège indien. Ces notes (ou swaras) sont Sa, Re, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni. La musique utilise alors un mode particulier, ou plus précisément un Raga de la musique carnatique, le style de musique classique du Sud de l'Inde. Avant que la danse proprement dite ne commence, la pièce débute parce qu'on appelle le Ragam Alapana (ou simplement Ragam). Il s'agit d'une improvisation mélodique sans accompagnement rythmique. (Cette improvisation se distingue de l'Alap, son homologue dans la musique du Nord de l'Inde : elle est plus courte et n'a pas non plus la même structure.) Au début de la vidéo suivante d'Apoorva Jayaraman, disciple de Priyadarsini Govind, le Ragam est interprété par la flûte :

Comme c'est souvent le cas dans les pièces de bharatanatyam, la musique de cet extrait comporte en fait plusieurs Ragas (cinq, si j'en crois la notation disponible à cette adresse). On dit ainsi que le Raga est Malika pour signifier qu'il s'agit d'une guirlande de ragas.

Danse narrative et expressive (abhinaya)

Les pièces de danse bharatanatyam que je trouve les plus passionnantes sont les pièces narratives. En théorie, des histoires de toutes sortes peuvent être racontées, mais en pratique, de nos jours, les thèmes retenus sont liés à la religion hindoue. Les pièces peuvent rendre hommage aux divinités en évoquant leurs exploits et leurs attributs, mais il s'agit là mon avis davantage d'une évocation que d'une narration. Les pièces résolument narratives racontent des épisodes de la mythologie hindoue (tirés des épopées et des Purāṇa). Parmi les pièces narratives élaborées, celles mettant en scène la dévotion pour une divinité sont les plus fréquentes et le plus souvent cette dévotion est symbolisée par l'amour d'une jeune femme (nayika) pour cette divinité qui est dans la plupart des cas Shiva, son fils Muruga ou Krishna.

Dans ces pièces, la danseuse doit faire preuve de ses qualités en abhinaya, l'art de l'expression. Il faut en effet un certain talent à la danseuse pour suggérer par ses mouvements, attitudes et expressions quel est le personnage qu'elle interprète à un instant donné, ce qu'il fait et ce qu'il ressent, et ce sans l'aide d'aucun accessoire ni costume spécifique, la tenue de la danseuse étant invariablement la même. Une difficulté supplémentaire est que la danseuse interprète tous les personnages (qui sont le plus souvent au nombre de deux).

Pour que l'histoire puisse être comprise, la danseuse utilise divers mouvements et poses. Certains mouvements sont très intuitifs, comme la façon de mimer l'éclosion de fleurs. Le chorégraphe de la Variation de l'Idole dorée dans La Bayadère l'a bien compris quand il a voulu faire couleur locale, comme on peut le voir sur cette vidéo d'Emmanuel Thibault :

D'autres mouvements des danseuses de bharatanatyam obéissent à une codification. Sur la vidéo ci-dessus, on peut ainsi remarquer la position des mains (mudra) utilisée par le danseur : Hamsasya ou Tête de cygne, cf. cet article du journal The Hindu. (Il est amusant de constater que les danseurs de l'Opéra n'utilisent pas tous la même position des mains dans cette variation. Mathias Heymann fait comme Emmanuel Thibault, mais Wilfried Romoli et Alessio Carbone joignent le pouce au majeur et non à l'index, ce qui n'est semble-t-il pas un mudra répertorié...) Un autre exemple courant de cette codification est donné la position de la main évoquant le croissant de Lune :

Chandrakala
Croissant de Lune (Chandrakala), photographie d'Aruna pour Wikipedia.

Cette codification est une des difficultés importantes qui se posent au spectateur. On peut très bien apprécier le bharatanatyam de façon naïve sans vraiment chercher à en comprendre le sens, je l'ai fait pendant plusieurs années, mais il est alors difficile de faire complètement abstraction du fait flagrant que la danse a un sens et que celui-ci reste caché.

Une problématique semblable se pose quand on va voir un ballet classique ou un opéra dans une langue étrangère (on notera qu'avec beaucoup de chanteurs, même Français, le français sonne comme une langue étrangère). Si on peut suivre le texte des opéras grâce au surtitrage, il est cependant préférable d'avoir une connaissance préalable de la trame narrative. Il en va de même pour les ballets, ne serait-ce que pour savoir que l'héroïne de La Bayadère s'appelle Nikiya et qu'elle est amoureuse de Solor ; rien dans le ballet qui se présente aux yeux des spectateurs ne permet de soupconner que tels sont leurs noms ! (À l'inverse, quand on entend l'opéra Lohengrin pour la première fois, on pourrait aimer partager avec Elsa von Brabant le fait d'ignorer le nom du héros.)

Avec le bharatanatyam, une difficulté supplémentaire se pose : en entrant dans la salle, le spectateur ne sait a priori pas quels thèmes narratifs seront traités au cours du récital ; c'est dommage, et j'estime qu'une plus grande publicité pourrait être donnée à ces thèmes préalablement aux représentations. Le spectateur n'est cependant pas totalement démuni. Plusieurs éléments peuvent l'aider à comprendre. Avant le début de chaque pièce, il est pour ainsi dire systématique qu'une voix off prononce un résumé de la pièce qui va suivre. (En Inde, ces annonces se font en général en anglais, même à Chennai. Il ne m'est arrivé qu'une ou deux fois d'entendre des annonces en tamoul.) Parmi les informations données, on pourra aussi entendre le nom du raga et du cycle rythmique (tala), le compositeur de la musique, le poète, le chorégraphe, etc. Il est heureux que les explications données par la voix off soient souvent accompagnées d'une démonstration par la danseuse des mouvements de bras et de mains les plus significatifs. Ceci permet au spectateur d'assimiler le sens de nouveaux mouvements et de les reconnaître quand la danseuse les utilisera dans son interprétation de la chorégraphie. Le spectateur peut aussi s'aider des mots prononcés par le chanteur. Les danses narratives sont en effet accompagnées d'un poème chanté. La langue est le plus souvent le tamoul, le télougou ou le sanskrit. Comme les thèmes traités par le bharatanatyam sont liés à la religion hindoue, être familier avec la mythologie hindoue favorise beaucoup la compréhension. Il n'est cependant pas suffisant de connaître le nom des divinités principales (comme Shiva ou Vishnu), puisqu'un nom ou épithète spécifique de la divinité peut être utilisé (comme Mahadeva, Svayambhu, Pashupati, Nilakantha, Padmanabha, Govinda, Hari, etc.). Suivant les noms utilisés, il est intéressant de savoir comment la divinité est représentée dans l'iconographie puisque l'on peut alors la reconnaître dans la posture de la danseuse.

Par exemple, à partir de 4'40" sur la vidéo ci-dessus, on peut voir Meenakshi Srinivasan évoquer un lotus qui en éclosant se métamorphose en Krishna, dans sa représentation la plus courante en tant que joueur de flûte (laquelle lui sert à ensorceller le cœur des bergères) :

Cette vidéo est celle de l'invocation de Krishna que Meenakshi Srinivasan avait dansé au début de ses récitals au Musée Guimet en 2012 (cf. mon billet). Cette vidéo illustre une caractéristique quelque peu déroutante des pièces évocatrices ou narratives du bharatanatyam. Bien que plutôt narratives, ces pièces comportent des passages de danse pure (jati) et il faut en fait considérer ces pièces comme une alternance entre la danse narrative et la danse pure. Du point de vue musical, cela correspond essentiellement à la domination de l'une ou de l'autre des composantes mélodique ou rythmique. Dans les parties narratives, on entendra plutôt des vers extraits d'un poème tandis que dans les passages de danse pure, on entendra plutôt des onomatopées rythmiques. Sur la vidéo ci-dessus, l'alternance entre danse pure et danse expressive se fait de façon très harmonieuse, mais le contraste entre ces deux composantes de la danse peut parfois paraître très abrupt.

La plupart des récitals de bharatanatyam comportent une pièce nettement plus développée que les autres et souvent appelée Varnam. On peut y observer l'alternance entre danse narrative et danse pure comme sur la vidéo précédente, mais à une toute autre échelle, puisqu'un Varnam dure en général plus d'une demi-heure. Les pièces narratives les plus élaborées traitent un thème, soit d'une façon continue, soit sous la forme d'épisodes bien délimités mais ayant tous un rapport avec un thème plus général. Dans mon expérience de spectateur, l'exemple fondateur fut le Varnam de Srithika Kasturi Rangan vu en février 2010 à Chennai et qui était constitué de six épidodes du Rāmāyaṇa. Un autre exemple fut Panchakanya de Gayatri Sriram au NCPA de Mumbai en juillet 2011 : les vies de cinq personnages féminins de la mythologie étaient évoquées, et notamment celle de Draupadi, le principal personnage féminin du Mahābhārata. Un thème très courant de Varnam, déjà évoqué plus haut, est celui d'une jeune femme éprise d'une divinité. Le sentiment général exprimé par la danseuse est alors l'Amour (Sringara), mais l'attitude changeante de l'héroïne dans sa relation avec la divinité permet à la danseuse d'exprimer des sentiments très variés au cours d'une pièce aussi développée que l'est un Varnam.

Ces différents sentiments ou saveurs (Rasa) sont classifiés et sont au nombre de neuf (ou huit suivant que l'on inclue ou non le sentiment de Paix). Certaines pièces de bharatanatyam sont basées sur la mise en valeur des neuf rasas (Navarasa). C'est le cas de Navarasa Mohana dans laquelle Rama Vaidhyanathan fait preuve de ses éblouissantes qualités d'expressions en explorant les réactions de neuf types de personnes voyant Krishna alors qu'il entre à Mathura pour tuer Kamsa :

De cette notion de Rasa dérive le nom donné aux personnes capables de ressentir et d'apprécier les sentiments exprimés par la danseuse : ce sont les rasikas. En Inde, quand une petite introduction est faite avant un concert de musique carnatique ou un spectacle de danse, l'orateur s'adresse souvent aux membres de l'association organisatrice et aux spectateurs en disant quelque chose comme Good evening, members and rasikas.. Il ne faut donc pas s'étonner de lire la mention Rasikas are welcome. dans les annonces de spectacles. (Accessoirement, il semble que cela signifie aussi que le spectacle est gratuit.)

Si la plupart des pièces narratives comportent des passages de danse pure, il existe aussi des pièces de pure abhinaya, certaines étant appelées Padam ; elles sont souvent interprétées vers la fin du récital. La musique est alors résolument mélodique et le tempo modéré. Ce type de danse se compare assez bien avec l'adage en danse classique occidentale. La vitesse est mise entre parenthèses : les qualités d'expression priment, et ce sont les danseuses les plus expérimentées qui s'y révèlent les plus convaincantes. N'ayant vu que trop rarement ce type de pièces, mon échantillon n'est sans doute pas très représentatif, mais il m'a semblé que les thèmes liés à Krishna avaient une certainte importance dans ce type de pièces. Un thème particulièrement délicieux est celui de l'amour filial de Yashoda pour l'espiègle Krishna. Dans la vidéo ci-dessous, la danseuse fait l'éloge de Vishnu qui est ici appelé Narayana ; elle commence par le représenter couché sur l'Océan cosmique (cf. plus bas) puis fait l'éloge de sa beauté sous la forme de Krishna (qui joue de la flûte, qui est paré de bijoux, etc) :

Les récitals de bharatanatyam se terminent presqu'invariablement par une pièce de danse pure appelée Tillana. Le rythme est assez vif, les mouvements sont circulaires. La beauté du mouvement et la joie qu'elle procure laissent une agréable impression finale aux spectateurs. S'il est en principe constitué essentiellement de danse pure, le Tillana peut aussi être narratif. Les deux vidéos ci-dessous sont les deux parties d'un très réjouissant Tillana du répertoire carnatique (composé par Oothukadu Venkata Kavi) qui met en valeur l'espiègle enfant Krishna qui vient à bout du serpent Kaliya qui empoisonnait les eaux d'un étang situé près de la rivière Yamuna :


Iconographie

Dans cette dernière partie, je décris quelques images classiques de l'iconographie hindoue qui sont fréquemment utilisées dans le bharatanatyam.

Shiva

La divinité la plus importante dans le bharatanatyam est Shiva. Sous le nom de Nataraja, c'est le Seigneur de la danse. Il est souvent présent sur scène sous cette forme :

Photo shiva-nataraja
Shiva-Nataraja

On ne le voit pas forcément très bien sur cette petite sculpture un peu cheap, mais la main droite supérieure porte le tambour Damaru, symbole de création. La main gauche supérieure porte le feu, associé à la destruction. Le bras gauche inférieur fait penser à la trompe d'un éléphant. La main droite inférieure fait un signe de protection. La jambe gauche est levée et avec le talon du pied droit, Nataraja écrase Apasmara, le démon de l'ignorance.

Sur la vidéo ci-dessous, on peut voir la danseuse Nikolina Nikoleski prendre la pose caractéristique de Shiva-Nataraja, et à partir de 5'20", détail intéressant, on la voit écraser le démon de l'ignorance avec son talon :

Cette vidéo évocatrice de Shiva mérite d'être vue en entier. Le morceau de musique utilisé est très connu (Bho Shambho) ; on peut lire à son propos un billet du blog Music to my ears.

Photo 0247
Statue de Shiva en arrière-plan, Haridwar

La sculpture en arrière-plan sur cette photographie est une des représentations les plus courantes de Shiva et de ses attributs. Ces attributs sont également mis en valeur dans la vidéo ci-dessus. Dans son bras gauche, il porte le trident auquel est accroché le tambour Damaru. Un serpent est enroulé autour de son cou. Il porte un collier de Rudraksha. Un troisième œil est situé au milieu de son front. Ses cheveux forment un chignon tressé dans lequel on distingue le croissant de Lune. Certains concepteurs de fontaines ajoutent un jet d'eau symbolisant la rivière Ganga s'échappant du chignon de Shiva, comme au temple Shri Durgiana à Amritsar :

Photo 0156
Shiva, Temple Shri Durgiana, Amritsar

Vishnu

Une des plus belles images de l'iconographie hindoue est à mon avis celle de Vishnu couché sur le serpent Shesha (ou Ananta) qui flotte sur l'Océan cosmique. De son nombril émerge un lotus sur lequel se tient Brahma, ce qui vaut à Vishnu le nom de Padmanabha :

Vishnu couché
Vishnu couché sur le serpent (détail d'un gopuram du temple Kapaleeshwarar à Chennai).

On peut noter que Lakshmi, l'épouse de Vishnu, est en train de lui faire un massage. Par ailleurs, Vishnu porte dans sa main droite supérieure le Disque (Cakra).

Cette image a été réinterprétée par Amruta Patil dans son magnifique roman graphique Parva (premier volume d'une trilogie sur le Mahābhārata) :

Couverture de Parva
Couverture de Parva d'Amruta Patil

(Ce livre peut constituer une très bonne introduction à l'iconographie hindoue.)

La représentation de Vishnu couché est une des plus élégantes qui soient dans le bharatanatyam. Elle apparaissait au début de la vidéo de Padam un peu plus haut. C'est aussi celle que l'on voit sur cette photographie du maître de danse C. V. Chandrasekhar :

C. V. Chandrasekhar
C. V. Chandrasekhar évoquant Vishnu-Padmanabha, photographie chipée sur le site de The Hindu.

Krishna

Krishna est un des avatars de Vishnu, un des plus populaires avec Rama. Dans la littérature indienne, il peut être le très jeune garçon espiègle qui commet des bêtises (comme voler du beurre ou manger du sable) et qui inspire de tendres sentiments à Yashoda, sa mère adoptive. C'est aussi celui qui enchante les bouvières (gopis) par le son de sa flûte. Parmi elles se trouve Radha, dont le Gîta-Govinda de Jayadeva narre les amours avec Krishna, un thème souvent utilisé dans le bharatanatyam et qui peut être considéré comme une métaphore de la dévotion à la divinité. Enfin, Krishna est le cocher d'Arjuna dans le Mahābhārata (ceci lui vaut le nom de Parthasarathy). Quelques uns de ces aspects ont déjà été évoqués plus haut, alors je me contenterai de l'image suivante, parfois évoquée dans des chorégraphies de bharatanatyam, et qui montre Krishna en train de soulever le mont Govardhana avec un seul doigt afin d'abriter les bouviers qui subissaient les pluies lancées par le dieu Indra, furieux que les villageois délaissent son culte :

Photo 0092
Krishna soulevant le mont Govardhana, Krishna Temple, Vrindavan, Uttar Pradesh

Sarasvati

Sarasvati
Sarasvati peinte par Raja Ravi Varma.

Divinité associée à Brahma, Sarasvati est la déesse de la connaissance et des arts. À ce titre, il est assez courant qu'elle soit évoquée au début d'un récital de bharatanatyam. Dans ce que l'on peut considérer comme une version indienne d'Apollon musagète (Balanchine), on peut ainsi voir la danseuse suggérer la vînâ dont Sarasvati joue ou encore un stylet dont on peut se servir pour écrire.

Où voir du bharatanatyam à Paris ?

Depuis que le Théâtre de la Ville ne propose plus de spectacles de danses indiennes, il faut se tourner vers des institutions un peu spécialisées :

  • L'Auditorium du Musée Guimet : Cette salle programme des spectacles liées aux cultures d'Asie. Les danses indiennes et le bharatanatyam y sont programmés régulièrement. Ce week-end (vendredi 15 et samedi 16 novembre 2013), la Chidambaram Dance Company sera présente pour pour deux représentations. A priori, l'originalité de ce spectacle de bharatanatyam est qu'il mettra en scène un ensemble composé de plusieurs danseuses et d'un danseur. D'après mes recherches, il semblerait que le thème de la pièce principale de ce programme soit la divinité androgyne Ardhanarishvara (mi-Shiva mi-Parvati).
  • Le Centre Mandapa : Parmi les activités proposées par le centre, on peut signaler notamment des cours de bharatanatyam et chant carnatique, mais pour ma part j'y vais régulièrement pour les récitals de danses indiennes qui sont proposés dans la petite salle de spectacle. Les deux prochains récitals de bharatnatyam programmés sont liés au passage de la Chidambaram Dance Company puisqu'une des danseuses de la compagnie Arupa Lahiry s'y produira le lundi 18 novembre et la guru Chitra Visweswaram le mardi 19 novembre.

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Planning de novembre 2013

2013-11-07 12:25+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Planning

Voici mon programme de spectacles pour le mois de novembre :

  • 8 novembre 2013 (Cité de la musique) : Je me réjouis de voir l'altiste Grégoire Simon dans un rôle soliste pour une des œuvres programmées, quoique que je ne connaisse rien des compositeurs au programme de ce concert de l'Ensemble Intercontemporain...
  • 9 novembre 2013 (Onyx, Nantes) : Cela fait plus de trois ans que je n'ai pas vu Shantala Shivalingappa. Je me réjouis donc beaucoup de la voir danser dans ce programme mêlant danse contemporaine et kuchipudi. Ce n'était pas très raisonnable, mais je vais faire l'aller-retour à Nantes rien que pour ce spectacle.
  • 14 novembre 2013 (Musée d'Orsay) : En marge de l'exposition Allegro Barbaro, le Musée d'Orsay organise des concerts de musique de chambre. Le quatuor Takács interprétera notamment le quatuor nº3 de Bartók et le quatuor nº2 “Lettres intimes” de Janáček, ce dont je me réjouis beaucoup.
  • 15 novembre 2013 (Salle Pleyel) : J'ai trop peu l'occasion d'entendre la musique de Kurl Weill ou le chant d'Anne Sophie von Otter. J'assisterai donc à ce concert du Philharmonique de Radio France.
  • 16 novembre 2013 (Musée Guimet) : Je suis très curieux de découvrir la forme que peut prendre le bharatanatyam quand il est dansé par une compagnie de ballet, en l'occurrence la Chidambaram Dance Company de Chitra Visweswaram. Il m'est souvent arrivé de voir plusieurs danseurs associés dans un même programme, mais ils n'étaient jamais utilisés de façon élaborée dans des pièces narratives. J'espère que ce programme sera bien plus convaincant de ce point de vue-là
  • 16 & 17 novembre 2013 (Mairie du XXe) : L'Association Les Comptoirs de l'Inde dont je suis membre organise le troisième salon L'Inde des livres. Parmi les animations proposées, il y aura notamment du bharanatyam par les élèves de Jyotika Rao, de la danse odissi par la danseuse-écrivaine Radhika Jha et du chant dhrupad par Jérôme Cormier (qui sera accompagné par ses élèves, dimanche à 17h30...).
  • 18 novembre 2013 (Opéra Comique) : La magnifique Barbara Hannigan chantera dans cet opéra récent de George Benjamin intitulé Written on Skin.
  • 19 novembre 2013 (Centre Mandapa) : La guru de la Chidambaram Dance Company, Chitra Visweswaram, interprètera des pièces narratives et expressives (abhinaya) dans un récital solo. (La veille, le centre accueillera un récital solo de son élève Arupa Lahiry.)
  • 22 novembre 2013 (Chez Malavika) : Récital de danse odissi par Bithika Misry.
  • 24 novembre 2013 (Salle Pleyel) : Je n'ai pour le moment jamais entendu la pianiste Martha Argerich en concert. Ceci sera réparé à l'occasion de ce récital en duo avec le violoniste Gidon Kremer.
  • 26 novembre 2013 (Salle Gaveau) : Daniel Vagner, le fabuleux altiste solo de l'Orchestre Colonne interprètera le concerto de Bartók !
  • 27 novembre 2013 (Conservatoire de Paris) : Toutes les occasions sont bonnes d'entendre la musique de Prokofiev. Ce sera pour une version réduite de Roméo et Juliette pour un piano, deux altos et des élèves-danseurs du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.
  • 28 novembre 2013 (Musée d'Orsay) : Dans la série de musique de chambre du Musée d'Orsay, j'assisterai aussi au concert Bartók/Dohnányi/Brahms du Quatuor Prážak.
  • 30 novembre 2013 (Cité de la musique) : L'Orchestre de chambre de Paris jouera des œuvres vocales dans une salle davantage à la mesure de son effectif que ne l'est le Théâtre des Champs-Élysées où il se produit habituellement.

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Vaibhav Arekar et Anuya Rane au Musée Guimet

2013-11-01 06:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2013-10-19

Vaibhav Arekar, Anuya Rane, bharatanatyam, nattuvangam

Arun Gopinath, chant

Kiran Gopinath, mridangam

Smt. Kamala, violon

Shankara Shiva Shankara

Danse de Shiva

Bhakti

Shakti

Narmade Hara Hara

Ce spectacle de bharatanatyam a commencé par une intervention du chanteur qui a interprété une composition sur le Tala Adi (8 temps) précédée du Ragam (une brève introduction au mode musical). La première pièce de danse (introduite cette fois-ci par un Ragam du violon) était intitulée Shankara Shiva Shankara et mettait en scène les deux danseurs qui ont évoqué certaines aspects de Shiva. On observe des éléments très classique (le croissant de Lune, la déesse Ganga jaillissant de son chignon) et des épithètes un peu plus rares sont aussi illustrés : Nilakantha (la gorge bleue), Pashupati (le gardien du troupeau). Cette évocation est suivie d'un moment de danse pure assez élaboré, dont la vitesse s'est progressivement accélérée et qui a comporté une offrande de fleurs d'autant plus symbolique que la divinité n'était pas représentée sur scène par une sculpture. J'ai beaucoup apprécié cette pièce qui associait de façon intelligente les deux danseurs. Dans les passages de danse pure, s'il est essentiellement agi de danse synchronisée, il m'a semblé déceler une certaine originalité dans le placement des deux danseurs.

Cette première pièce m'a mis dans de très bonnes dispositions pour la suite, je pensais même que j'étais sur le point de faire l'expérience d'une conception du bharatanatyam qui réponde à mes envies, mais mes espoirs de voir ces deux danseurs interpréter ensemble des pièces narratives élaborées ont été vains puisque la danse n'a plus comporté que des solos...

Vaibhav Arekar s'installe à sa place avec les musiciens pour diriger la suite du récital avec les cymbales (nattuvangam) tandis qu'Anuya Rane, s'exprimant dans un délicieux français, présente les pièces qu'elle va interpréter. Sa première pièce est une Danse de Shiva. C'est un type de pièce que j'affectionne tout particulièrement. Elle met en valeur l'aspect viril de la danse, la danseuse étant comme possédée par le Seigneur de la danse Nataraja. De tout le récital, c'est la pièce qui m'a le plus marqué. La danseuse a évoqué le serpent enroulé autour du cou de Shiva, son croissant de Lune, son tambour Damaru, la déesse Ganga. La danseuse a bien sûr utilisé la pose caractéristique du Seigneur de danse Nataraja. Vers la fin de la pièce, elle a également évoqué les arts en suggérant une vînâ et un tambour, ainsi que Vishnu et Brahma qui sont associés dans la représentation classique de Vishnu-Padmanabha, magnifiquement mise en valeur par la danseuse.

La pièce suivante est aussi dédiée à Shiva. Elle est résolument narrative. Dans ce type de pièce appelé Nindastuti, la dévôte n'est pas représentée comme étant amoureuse de la divinité, mais elle apparaît comme une amie de la divinité et elle en fait l'éloge d'une façon ironique. Placée devant une image du dieu pour lequel elle accomplit quelques rites (aarti), elle raille son indifférence, se moque du fait que sa monture soit un taureau (Nandi) plutôt qu'un char tiré par des chevaux. Il ne possède pas la Lune toute entière, mais seulement un croissant. Dans sa pose Nataraja, il ne trouve même pas d'endroit pour poser son deuxième pied ! J'ai apprécié cette délicieuse pièce qui a mis en valeur les qualités d'expression de la danseuse.

La dernière pièce interprétée par Anuya Rane était consacrée à Shakti, le principe féminin qui peut prendre plusieurs formes, dont Uma/Parvati, Sarasvati, Lakshmi, Durga/Kali. Je retiens notamment la forme terrifiante de Kali et l'évocation de la victoire de Durga sur Mahishasur qui lui vaut le nom de Mahishasuramardini, une scène qui est représentée dans les grottes sculptées de Mahabalipuram :

Photo 064

Le moment le plus intense de la narration de cet exploit de Durga est celui où elle utilise son trident pour venir à bout du démon. Ce fut d'autant plus impressionnant pour moi que j'étais assis au premier rang et qu'elle a maintenu les yeux grand ouverts pendant de longues secondes en regardant précisément dans ma direction.

Après ces trois solos dansés par Anuya Rane, le chanteur et le percussionniste se sont livrés à un délicieux jeu de questions et réponses sur un cycle rythmique à 8 temps (Adi Tala). Les deux danseurs ont ensuite échangé leurs rôles et Vaibhav Arekar a interprété la pièce principale de ce récital : Narmade Hara Hara. Elle évoque la longue circumambulation des pèlerins autour de la rivière Narmada : ils commencent du côté de Bharuch au Gujarat sur la rive Nord, puis remontent jusqu'aux sources de la rivière, et progressant en laissant toujours la rivière sur leur droite, ils peuvent redescendre jusqu'à son embouchure, revenant ainsi à leur point de départ (mais sur l'autre rive). Les différentes séquences de cette pièce racontent diverses histoires liées à la rivière et au parcours des pèlerins. Cela commence tout naturellement par le mythe de la naissance de la rivière, fruit des gouttes de sueur du danseur cosmique Shiva-Nataraja (qui est donc évoqué pour la troisième fois au cours de ce programme !). Cette évocation fut un véritable régal ! Vaibhav Arekar ne fait pas ses frappes de pieds à moitié ! On voit ensuite les pèlerins effectuer des rites en l'honneur de la rivière au début de leur pèlerinage. En remontant aux sources de la Narmada, ils seront plus tard témoins d'un miracle : les chutes d'eau font prendre aux rochers la forme de lingams. J'ai oublié le lien de la légende suivante avec la Narmada, mais le danseur a évoqué le démon Bhasmasura qui avait obtenu par ses austérités le privilège de transformer en cendres quiconque il toucherait. Les dieux utilisèrent une ruse pour l'éliminer. Ainsi, l'enchanteresse Mohini intervint et lui demanda de reproduire les mouvements de danse qu'elle ferait, ce qu'il accepta sans se méfier, mais il mourut quand, reproduisant la chorégraphie de Mohini, il dut toucher son propre front. Quand les pèlerins passent près de l'hermitage d'Anasuya, la légende de cette femme est évoquée : les trois dieux de la Trinité hindoue vinrent lui demander de leur servir un repas toute nue, ce qu'elle ne put qu'accepter, mais elle les transforma préalablement en de très jeunes enfants. La fin de la pièce comportait un message politique déplorant la construction du grand barrage venant troubler le cours naturel de la Narmada. J'ai trouvé très intéressante cette pièce au sujet tout à fait original. Cependant, si le danseur a été exceptionnel dans certains passages narratifs ou évocateurs, d'autres m'ont moins convaincu (parfois, il n'était même pas évident pour moi de savoir s'il représentait un personnage féminin ou masculin). J'ai aussi été troublé par une certaine perplexité à propos de la structure de la pièce. Celle-ci était constituée d'une alternance entre récitatifs et passages dansés. Pendant ces récitatifs, le danseur exécutait des mouvements plus proches du théâtre que de la danse tandis qu'Anuya Rane racontait l'histoire correspondant à ce que nous montrait le danseur. La fonction de ces récitatifs n'était pas très claire. Parfois, il s'agissait d'une explication de ce qui allait être développé dans la danse, et parfois, et à vrai dire le plus souvent, la narration était concentrée dans ces récitatifs et la danse perdait son caractère narratif et se transformait en surplace émotionnel à la manière des airs d'opéra baroque... Néanmoins, ce fut une très belle pièce de bharatanatyam !

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Orfeo, par-delà le Gange à la Cité de la musique

2013-10-31 14:15+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Cité de la musique — 2013-10-05

Françoise Lasserre, direction musicale et conception du projet

François Rancillac, mise en scène

Sabine Siegwalt, dramaturgie, scénographie et costumes avec la collaboration de Parvesh & Jai

Charlotte Delaporte, assistanat de la mise en scène et travail du mouvement

Dominique Fortin, lumière

Baptiste Chapelot, direction technique

Madhup Mudgal, composition du prélude

Arushi Mudgal, danse odissi

Dávid Szigetvári, Orfeo

Claire Lefilliâtre, Musica, Messagiera

Nitya Urbanna Vaz, Euridice

Dagmar Saskova, Ninfa

Aude Priya, Proserpina

Jean-Christophe Clair, Speranza, Pastore, Spirito

Jan Van Elsacker, Pastore, Spirito

Johannes Weiss, Pastore, Spirito

Hugo Oliveira, Caronte, Pastore, Spirito

Geoffroy Buffière, Plutone

Akadémia

Laurent Stewart, clavecin

Emmanuel Mandrin, orgue

Thomas Dunford, archiluth, guitare

Quito Gato, théorbe, guitare

Flora Papadopoulos, harpe triple

Lucas Peres, lirone

Sylvia Abramowicz, ténor de viole

Sylvie Moquet, basse de viole

Yuka Saïto, basse de viole

Matthieu Lusson, violone

Flavio Losco, Jose Manuel Navarro, violons

Etienne Mangot, violoncelle

Frithjof Smith, Josue Melendez, cornets

Claire Michon, Michel Quagliozzi, flûtes

Thierry Gomar, percussion

Murad Ali, sarangi

Sanjeev & Ashwani Shankar, shehnai

Mithilesh Jha, tabla

Mohan Shyam Sharma, pakhawaj

Michel & Marie-Thérèse Guay, tanpura

Neemrana Vocal Ensemble

Nadya Balyan, chef de chœur

Sparsh Bajpal, Priyanka Mukherjee, Ashwani Parameshwar, Ramya Roy, sopranos

Nadya Balyan, Isabelle Faure Jaitly, altos

Prabhat Chandola, ténor

Bhanu Sharma, basse

Antoine Redon, producteur exécutif pour la Fondation Neemrana

Valérie Déal, régie surtitrage

Orfeo par-delà le Gange (Monteverdi)

Depuis son passage au Musée Guimet il y a un an, j'avais bien retenu le nom de la danseuse Arushi Mudgal. Ainsi, lors de la sortie de la brochure 2013/2014 de la Cité de la musique, quand je vis qu'elle participerait avec d'autres artistes indiens à une production de l'opéra Orfeo de Monterverdi, j'incluai immédiatement ce spectacle à mon abonnement.

Le spectacle a commencé par un prélude magnifiquement dansé par Arushi Mudgal sur une musique de son père Madhup Mudgal. Sa danse était au début très lente, comme souvent dans le style odissi, ce qui permet de bien apprécier les moindres mouvements de mains, et puis elle s'est accélérée tandis que la danseuse se transformait en Shiva-Nataraja, le danseur cosmique dont les pas sont rythmés par son tambour Damaru. Cette danse très virile valait à elle seule le déplacement ! La raison de cette évocation de Shiva dans ce spectacle intitulé Orfeo par-delà le Gange était évidemment qu'il joue un rôle majeur dans la descente de la déesse Ganga sur terre, puisqu'après avoir été emprisonnée dans la chevelure de Shiva, Ganga peut finalement jaillir. Après que la danseuse a représenté cette descente de Ganga, l'action s'est déplacée au bord de la rivière. La danseuse évoque alors des rites effectués par les dévôts comme l'offrande de feu (aarti). Après avoir évoqué les divers personnages impliqués, la danseuse prend résolument la forme d'un personnage féminin, celui qu'elle incarnera jusqu'à la fin du spectacle. La fin de ce prélude (dont la danse est très étrangement influencée par la danse kathak) est marquée par l'intrusion du personnage d'Orfeo, qui, habillé en costume européen, comme venu d'un autre univers, enlace impulsivement cette Eurydice indienne sans son consentement.

La musique indienne laisse alors la place à la musique de Monteverdi (sans la fanfare qui aurait quelque peu cassé l'ambiance). Je suis alors très impressionné par l'ensemble Akadémia dirigé par Françoise Lasserre, et plus encore par la chanteuse Claire Lefilliâtre qui incarne le rôle de la Musique. Que son chant est beau et délicieusement ornementé...

J'ai trouvé la mise en scène sans artifice très bien menée. Le projet prend tout son sens dans la deuxième partie du spectacle quand Orphée descend aux Enfers. Sur sa route, il rencontre Charon, qui est habillé en brâhmane et porte les marques sectaires shivaïtes. Les spectateurs des premiers rangs peuvent humer d'abondantes vapeurs d'encens. L'entrée au royaume de Pluton se fait sur une musique rituelle des temples d'Inde (jouée par deux shehnai, la variante nord-indienne du nadaswaram). Orphée entre en fait dans un temple de Shiva et la divinité est conforme à l'iconographie traditionnelle : il porte bien sûr un chignon tressé, un serpent est enroulé autour de son cou et son apparence est aussi conforme à l'épithète de Nilakantha (celui qui a la gorge bleue, référence au mythe du barattage de la mer de lait). De façon plus étrange, ses mains sont aussi peintes en bleu et il semble qu'il porte un cordon sacré réservé aux deux fois nés (comme les brâhmanes).

Ne connaissant pas très bien l'œuvre de Monteverdi, j'ai été très étonné par le caractère secondaire du rôle d'Eurydice. Elle doit avoir au plus deux ou trois répliques ! Alors que dans la version de Gluck, elle est en quelque sorte co-responsable avec Orphée de l'issue fatale (dans la version sans happy ending), puisqu'en disant à Orphée à quel point elle est désespérée de ne pas le voir tourner son regard vers elle, elle l'incite à enfreindre la condition qu'il devait respecter pour retrouver Eurydice. Chez Monteverdi, Eurydice est muette et Orphée est seul responsable de sa triste fin, emporté par les furies, avant que les musiciens de l'ensemble Akadémia ne soient rejoints par le son des tampuras indiens.

Du point de vue vocal, ma plus forte impression est venue comme je l'ai dit plus haut de Claire Lefilliâtre, et aussi de l'interprète du rôle d'Orfeo (Dávid Szigetvári), mais les autres chanteurs (qu'ils soient solistes ou du Neemrana Vocal Ensemble) ont également fait de très belles prestations.

Ailleurs : Bladsurb.

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Le vite dit de juin/juillet 2013

2013-10-19 13:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

J'ai déjà eu l'occasion de revenir sur des spectacles de juin et juillet vus à Budapest (Blanche Neige, Hámos Júlia, Isabelle Druet, Parsifal, Die Meistersinger von Nürnberg), à Montpellier, Salzburg ou München, mais quelques autres n'avaient pas encore fait l'objet d'un compte-rendu, fût-il succint. Il n'est jamais trop tard...

Salle Pleyel — 2013-06-02

Orchestre Colonne

Laurent Petitgirard, direction

Der Freischütz, ouverture (Weber)

Le Chasseur Maudit (Franck)

Guillaume Tell, ouverture (Rossini), extraits

Un charmant et court concert dans lequel de très jeunes spectateurs furent invités à diriger des extraits de l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini. Cela valait surtout le déplacement pour Le Chasseur Maudit de César Franck ; sinon, je ne me serais pas levé aussi tôt un dimanche matin !

59 Rivoli — 2013-06-02

Célinn et l'Arbre des Songes

Ce concert avait lieu dans un endroit inattendu, le 59 Rivoli, un squat d'artistes légalisé. J'y étais allé pour écouter l'octuor Célinn et l'Arbre des Songes dont fait partie ma prof de chant dhrupad. Le programme était entièrement constitué de compositions de chant dhrupad arrangées par Pierre Tereygeol. L'écoute fut aussi plaisante qu'étonnante. Le plus surprenant fut pour moi l'utilisation des instruments à vents dans la composition Paravati en Raga Puriya (cf. les extraits chantés Nirmalya Dey).

Opéra Garnier — 2013-06-03

Vello Pähn, direction musicale

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Igor Stravinski, musique (Suite pour orchestre, 1919)

Maurice Béjart, chorégraphie

Costumes d'après les maquettes de Joëlle Roustan

Roger Bernard, lumières

Mathias Heymann, L'Oiseau de feu

Allister Madin, L'Oiseau Phenix

L'Oiseau de feu

Claude Debussy, musique (Prélude à l'Après-midi d'un faune, 1894)

Vaslav Nijinski, chorégraphie (1912) réglée par Ghislaine Thesmar

Léon Bakst, décors et costumes

Jérémie Bélingard, Le faune

Eve Grinsztajn, La nymphe

L'Après-midi d'un faune

Claude Debussy, musique (Prélude à l'Après-midi d'un faune)

Jerome Robbins, chorégraphie (1953) réglée par Jean-Pierre Frohlich

Jean Rosenthal, décor et lumières

Irene Sharaff, costumes

Perry Silvey, réalisation lumières

Myriam Ould-Braham, Mathias Heymann

Afternoon of a Faun

Maurice Ravel, musique (1928)

Sidi Larbi Cherkaoui, Damien Jalet, Marina Abramovič, conception

Sidi Larbi Cherkaoui, Damien Jalet, chorégraphie

Marina Abramovič, scénographie

Riccardo Tisci, costumes

Urs Schonebaum, lumières

James O'Hara, Emilios Arapoglu, assistants des chorégraphes

Aurélie Dupont, Marie-Agnès Gillot, Alice Renavand, Muriel Zusperreguy, Letizia Galloni

James O'Hara, Vincent Chaillet, Marc Moreau, Alexandre Gasse, Daniel Stokes, Adrien Couvez

Boléro

Il aura fallu que je voie trois fois ce programme de ballets pour trouver la distribution idéale. Les conditions idéales sont réunies le soir de la dernière. Tout d'abord, l'orchestre est en très grande forme, ce qui n'a pas été le cas tous les soirs. Dans L'Oiseau de feu de Béjart, Mathias Heymann a été tout simplement extraordinaire le soir de cette dernière représentation. Dans le corps de ballet, François Alu se distinguait aussi, comme à chacune de ses apparitions...

Jérémie Bélingard dansait dans L'Après-midi d'un faune de Nijinski. Son interprétation fut sans doute plus terre à terre que celle de Nicolas Le Riche, mais je l'ai préférée.

Alors qu'Afternoon of a Faun de Jerome Robbins m'avait paru inintéressant et ennuyeux au possible avec d'autres interprètes, Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann en ont livré une interprétation passionnante ! Myriam Ould-Braham utilise ses cheveux d'une façon très sensuelle et certaines ondulations de pieds suggèrent un décor aquatique au jeu du faune et de la nymphe.

Pour finir, je n'ai pas été passionné par le Boléro de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet. Les costumes et le maquillage transformaient les danseurs en des créatures indifférenciées, anonymes. Aucune progression dans la tension à l'approche de la fin de la musique. C'était cela dit assez joli à regarder, surtout grâce à la scénographie de Marina Abramovič comportant un grand miroir permettant d'avoir une vue de dessus de la scène et ainsi d'apprécier les mouvements de rotation. Lors de cette dernière cependant, beaucoup de balletomanes présents n'ont eu d'yeux que pour James O'Hara (qui remplaçait Jérémie Bélingard dans ce ballet). Alors que les autres danseurs pouvaient parfois donner l'impression de retenir leurs mouvements, James O'Hara semblait s'abandonner complètement dans la danse, rendant la chorégraphie bien plus convaincante !

Salle Pleyel — 2013-06-06

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Yutaka Sado, direction

Divertissement pour orchestre de chambre (Ibert)

Boris Berezovsky, piano

Variations sur un thème de Paganini, pour piano et orchestre, op. 43 (Rachmaninov)

Chœur de l'Orchestre de Paris

Lionel Sow, chef de chœur

Luisa Miller (Ouverture), Verdi

I Lombardi alla Prima Crociata (Gerusalem!, O Signore, dal tetto natio), Verdi

Ernani (Esultiamo), Verdi

Il Trovatore (Le fosche notturne spoglie), Verdi

Nabucco (Ouverture, Gli arredi festivi, Va, pensiaro, sull'ali dorate), Verdi

Aida (Marche des trompettes), Verdi

Ce fut un très beau concert ! Un chef survolté (Yutaka Sado), un pianiste superlatif (Boris Berezovsky), de très beaux chœurs de Verdi, et pour conclure le concert, un renfort de six trompettes (à la forme inhabituelle) pour le bis attendu : la Marche des Trompettes d'Aïda.

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-06-08

Erin Wall, soprano

Mark Padmore, ténor

Hanno Müller-Brachmann , baryton

Maîtrise de Radio France

Sofi Jeannin, chef de chœur

Chœur Symphonique de Birmingham

Simon Halsey, chef de chœur

Orchestre Symphonique de Birmingham

Andris Nelsons, direction

War Requiem, Britten

J'ai pris un énorme plaisir à découvrir ce War Requiem de Britten, dirigé par Andris Nelsons, un chef dont j'avais déjà eu l'occasion d'apprécier le travail dans Tristan et Isolde. J'ai apprécié les délicieuses dissonances présentes dans cette œuvre qui me donnait l'impression d'être parfois modale, parfois chromatique. La qualité du texte (et de ses interprètes, notamment Mark Padmore) est aussi à souligner...

Salle Pleyel — 2013-06-18

Jerusalem Quartet

Alexander Pavlovsky, violon

Sergei Bresler, violon

Ori Kam, alto

Kyril Zlotnikov, violoncelle

Quatuor à cordes nº1 en ut mineur, op. 51 nº1 (Brahms)

Amihai Grosz, alto

Quintette à cordes nº1 en fa majeur, op. 88 (Brahms)

Quatuor à cordes nº3 en si bémol majeur, op. 67 (Brahms)

Salle Pleyel — 2013-06-19

Jerusalem Quartet

Alexander Pavlovsky, violon

Sergei Bresler, violon

Ori Kam, alto

Kyril Zlotnikov, violoncelle

Quatuor à cordes nº2 en la mineur, op. 51 nº2 (Brahms)

Amihai Grosz, alto

Ohad Ben Ari, piano

Sonate pour alto et piano nº1 en fa mineur, op. 120 nº1 (Brahms)

Quintette à cordes nº2 en sol majeur, op. 111 (Brahms)

Ces deux concerts du Jerusalem Quartet concluaient une série de huit concerts de musique de chambre de Brahms (cf. épisodes précédents #1/#2 #3/#4 et #5/#6). De ces deux concerts, je retiens surtout sa magnifique conclusion avec le quintette à cordes nº2. Je retiens également l'indécence quasi-pornographique que peut revêtir l'interprétation d'une corde à vide par un violoncelliste.

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-06-20

Anna Caterina Antonacci, Pénélope

Roberto Alagna, Ulysse

Vincent Le Texier, Eumée

Edwin Crossley-Mercer, Eurymaque

Marina de Liso, Euryclée

Julien Behr, Antinoüs

Sophie Pondjiclis, Cléone

Jérémy Duffau, Léodès

Khatouna Gadelia, Mélantho

Marc Labonette, Ctésippe

Antonin Rondepierre, Le Pâtre

Chœur Lamoureux

Patrick Marco, chef de chœur

Orchestre Lamoureux

Fayçal Karoui, direction

Pénélope, Fauré

Effet Alagna oblige, le Théâtre des Champs-Élysées était très plein. Cependant, si Roberto Alagna (Ulysse) m'a fait une très bonne impression dans cette œuvre très wagnérienne de Fauré, l'héroïne de la soirée a indiscutablement été Anna Caterina Antonacci (Pénélope).

Gare au Théâtre, Vitry-sur-Seine — 2013-06-22

Chœur et orchestre du Balkansambl

Sophie Ménissier, chorégraphie

Khizim (Danses d'inspirations tsiganes)

Elise Kusmeruck, violon

À un jet de pierre de la gare de Vitry-sur-Seine se trouve une salle de spectacle où se tenait ce jour-là une journée tzigane. J'ai ainsi pu entendre avec plaisir le Chœur et orchestre du Balkansambl interpréter des chansons dans des langues qui ne sont pas vues d'un très bon œil en ce pays par les gouvernements récents... Un groupe de danseuses se sont jointes par la suite à l'ensemble pour interpréter Khizim, un ballet que j'ai trouvé extrêmement bien conçu et interprété. La mise en scène était remarquable. Je n'avais vraiment pas l'impression d'assister à un spectacle amateur ! Le ballet comportait des ensembles dans lesquels étaient insérés des solos de danseuses évoquant des destins individuels de femmes. Le récital de la violoniste Elise Kusmeruck m'a un peu moins intéressé dans la mesure où la plupart des morceaux joués avec quelques autres musiciens, s'ils étaient très rapides et indéniablement virtuoses, étaient aussi un peu trop répétitifs à mon goût.

Centre Jean Bosco — 2013-06-30

Élèves de Jyotika Rao, bharatanatyam

Invocation de Saraswati, Durga et Lakshmi

Alarippu

Saraswati Kautwam

Shiva Kautwam

Shabdam

Rangadwara

Toreyamangalam (?)

Tillana

J'ai assisté au spectacle de fin d'année des élèves de la prof de bharatanatyam de l'association où je prends des cours de dhrupad (et où je prends aussi des cours de bharatanatyam depuis la semaine dernière...). Le programme avait la structure formelle d'un récital. Avant chaque pièce, pour permettre aux spectateurs d'en comprendre le sens, une danseuse montrait les mouvements les plus significatifs. La plupart des chorégraphies étaient exécutées de façon synchronisées par deux danseuses. Le programme comportait aussi un Alarippu en l'honneur de Ganesh exécuté par trois très jeunes danseuses, et deux solos : un Saraswati Kautwam qui était dansé sur un rythme particulièrement vif et une pièce narrative élaborée apparemment intitulée Shabnam évoquant les espiègleries de Krishna. Dans cette pièce, j'ai particulièrement apprécié la façon de représenter Vishnu sous le nom de Padmanabha, c'est-à-dire qu'alors qu'il est couché, de son nombril émerge un lotus sur lequel Brahma est assis. Même si elle n'a pas dansé de pièce narrative, j'ai revu avec grand plaisir l'élève la plus avancée qui m'avait tant impressionné il y a quelques mois. Que j'ai hâte qu'il lui soit donné la possibilité de donner un récital !

Opéra Bastille — 2013-07-04

Carolyn Carlson, chorégraphie

Olivier Debré, décors et costumes

René Aubry, musique

Patrice Besombes, lumières

Colette Malye, assistante de la chorégraphe

Ballet de l'Opéra

Émilie Cozette, Hervé Moreau

Signes

Assister à ce ballet à été un supplice pour moi. La musique et la chorégraphie répétitives m'ont beaucoup ennuyé. Même le tableau Les couleurs de Maduraï m'a déplu... Je n'ai pas vraiment vu le rapport avec cette ville d'Inde.

Centre d'animation de la Place des Fêtes — 2013-07-05

Élèves de l'association Triloka, bharatanatyam

Kalaimmamani MK Saroja, chorégraphies

Smt. Lavanya Ananth, chorégraphies

Subramanyam Kautwam (chorégraphie de MK Saroja)

Nritanjali (chorégraphie de Lavanya Ananth)

Shiva Kirtanam (chorégraphie de Lavanya Ananth)

Varnam (chorégraphie de MK Saroja)

Madhura Ashtakam (chorégraphie de Lavanya Ananth)

Ambashtuti (chorégraphie de Lavanya Ananth)

Tillana (chorégraphie de MK Saroja)

Il s'agissait du spectacle de fin d'année des élèves de bharatanatyam de Shalini (association Triloka). Les chorégraphies étaient de Smt. MK Saroja ou de Lavanya Ananth. Presque toutes les pièces étaient dansées de façon synchronisée par un ensemble de danseuses d'effectif variable. Beaucoup de pièces de danse pure, mais aussi quelques pièces évoquant certaines divinités. La multiplicité des danseuses n'est exploitée d'un point narrative que dans certains passages du Varnam et en particulier dans sa fin qui m'a beaucoup ému : l'union de Shiva et Meenakshi est célébrée tandis que Vishnu, placé en retrait avec deux spectateurs assiste à la scène. Le niveau des danseuses était globalement bon, voire très bon, mais dans les ensembles, une d'entre elles m'a sidéré par la beauté, l'exactitude et la vérité de ses mouvements. Quand elle mimait les mouvements de prêtres lors de l'aarti (offrande du feu), j'avais vraiment l'impression d'y être !

Place Stalingrad — 2013-07-07

Vasantha, “bharatanatyam”

Sharmila Sharma, kathak

Tulika Srivatsava, odissi

Revati, odissi

La société internationale pour la conscience de Krishna organisait un simulacre de la fête de Rath Yatra (qui se déroule à Puri, dans l'état indien d'Odisha). Place Stalingrad, en attendant que le char arrive, une petite scène était installée. La partie “bharatanatyam” ne méritait pas ce nom, puisque c'était plutôt du Bollywood... La danse kathak était plus convaincante. Des deux danseuses d'odissi, j'ai préféré la deuxième interprète, Revati, extrêmement gracieuse dans cette danse dont la lenteur permet d'apprécier les moindres détails des mouvements.

Opéra Garnier — 2013-07-15

Pierre Lacotte, adaptation et chorégraphie

Jean-Madeleine Schneitzhoeffer, musique

Ludwig Wilhelm Maurer, musique du pas de trois de l'acte I

Adolphe Nourrit, livret

Marie-Claire Musson, décors d'après Pierre Ciceri

Michel Fresnay, costumes d'après Eugène Lami

Philippe Hui, direction musicale

Amandine Albisson, La Sylphide

Florian Magnenet, James

Valentine Colasante, Effie

Stéphane Phavorin, La Sorcière

Mickaël Lafon, Gurn

Natacha Gilles, La Mère d'Effie

Laurène Levy, Marc Moreau, Pas de deux des Écossais

Laurène Lévy, Laura Hecquet, Marie-Solène Boulet, Trois Sylphides

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La Sylphide, ballet en deux actes d'après Philippe Taglioni

Pour moi, la Sylphide, c'est Amandine Albisson. Bien sûr, j'ai été très impressionné par Evgenia Obraztsova (et moins par Mélanie Hurel et Ludmila Pagliero). Le premier acte de ce ballet me plait toujours autant (j'aurai assisté au total à cinq représentations de la série !). Avec d'autres interprètes qu'elle, le deuxième acte (blanc) a eu tendance à m'ennuyer du fait de se narration plus ténue, mais Amandine Albisson, par ses qualités d'expression m'a autant passionné dans ce deuxième acte.

La représentation du 15 juin était la dernière de Stéphane Phavorin en tant que premier danseur de l'Opéra. Il a encore une fois été magnifique dans le rôle de la Sorcière. Ayant eu la possibilité de prendre une place dans la loge de l'Impératrice, je lui lancé un bouquet lors des saluts enthousiastes du public à son égard. J'avoue que je ne suis pas mécontent qu'il ait donné ce bouquet à Amandine Albisson...

Stéphane Phavorin ©Isabelle Aubert
Stéphane Phavorin ©Isabelle Aubert

Amandine Albisson, Stéphane Phavorin, Florian Magnenet ©Isabelle Aubert
Amandine Albisson, Stéphane Phavorin, Florian Magnenet ©Isabelle Aubert

Merci à la photographe !

Ailleurs : Les Balletonautes.

Centre Mandapa — 2013-07-18

Hakilée Tula, kathak

Magali-Uma, bharatanatyam

Guruvandana (chorégraphie de Jai Kishan Maharaj)

Nritta Tintal Vilambit

Louange à Murugan (chorégraphie de MK Saroja)

Alarippu (chorégraphie de Vidya et MK Saroja)

Ardhanarishwara

Ambashtuti (chorégraphie de MK Saroja)

Thumri

Nritta Tintal

Ce programme associait de façon curieuse deux danseuses de styles très différents : bharatanatyam et kathak. De la partie bharatanatyam, je retiens surtout un passage extrêmement impressionnant dans le premier jati d'Ambashtuti (une telle vigueur est du jamais vu pour moi) ; le deuxième jati était au contraire dans un genre plus gracieux. De la partie kathak, je retiens le Tumri évoquant le réveil de Radha ayant le sentiment d'être délaissée par Krishna, un thème souvent traité dans le bharatanatyam et que je voyais pour la première fois mis en scène dans la danse kathak.

Théâtre des Bouffes du Nord — 2013-07-24

Vincent Planès, piano

Roger Padullès, Tamino

Dima Bawab, Pamina

Malia Bendi Merad, La Reine de la Nuit

Betsabée Haas, Papagena

Thomas Dolié, Papageno

Vincet Pavesi, Sarastro

Alex Mansoori, Monostatos

Abdou Ouologuem, magicien

Jean Dauriac, figuration

Peter Brook, mise en scène

Peter Brook, Franck Krawczyk, Marie-Hélène Estienne, adaptation

Christophe Capacci, conseiller artistique

Philippe Vialatte, lumières

Une Flûte Enchantée, librement adaptée d'après la partition de Mozart et le livret de Emanuel Schikaneder

J'avais été émerveillé par le travail de Peter Brook quand j'avais assisté à la création de sa Flûte enchantée en 2010. En en faisant l'expérience à nouveau avec une distribution différente, j'ai passé un très bon moment, mais je n'ai pas été autant ému que lors de la première. La surprise engendrée par certains choix du metteur en scène ne fonctionne plus aussi bien avec moi, malheureusement, et ce indépendamment de la qualité des interprètes.

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Planning d'octobre 2013

2013-10-03 12:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Planning

Voici mon programme de spectacles pour le mois d'octobre :

  • 1er octobre 2013 (Salle Pleyel) : L'Orchestre Colonne a notamment joué Don Quichotte de Richard Strauss...
  • 2 octobre 2013 (Les 3 arts) : Ma prof de dhrupad (Céline Wadier) a chanté deux ragas (Todi et Bhinna Shadja).
  • 3 octobre 2013 (Opéra Garnier) : Je retourne voir La Dame aux camélias, qui sera cette fois dansé par Aurélie Dupont et Hervé Moreau. J'espère que la représentation sera plus enthousiasmante que la précédente que j'ai vue...
  • 5 octobre 2013 (Salle Pleyel) : Combien que lyricomanes baroqueux venus écouter Orfeo de Monteverdi vont tomber sous le charme de la danse odissi ? Combien de rasikas venus pour la danseuse Arushi Mudgal (et la musique odissi composée par Madhup Mudgal) vont se mettre à aimer l'opéra ? Pour ma part, je viens pour ces deux composantes de ce spectacle Orfeo, par-delà le Gange.
  • 6 octobre 2013 (Salle Colonne) : Marie-Claude Bantigny, la violoncelliste solo de l'Orchestre Colonne qui m'avait éblouie lors d'un concerto pour violoncelle (dont elle n'était pas la soliste !) et qui a joué magnifiquement bien Don Quichotte il y a quelques jours participera a ce concert de musique de chambre Brahms/Hersant avec d'autres musiciens de l'Orchestre Colonne.
  • 10 octobre 2013 (Opéra Garnier) : Dernière de La Dame aux camélias. Adieux d'Agnès Letestu !
  • 11 octobre 2013 (Cité de la musique) : Un concert Rameau, c'est trop rare pour pouvoir être ignoré...
  • 15 octobre 2013 (Salle Pleyel) : Si Gidon Kremer interprétera le concerto pour violon de Sibelius, c'est davantage la curiosité d'entendre le Russian National Orchestra qui m'a décidé à venir écouter ce concert.
  • 19 octobre 2013 (Musée Guimet) : J'irai voir le duo de bharatanatyam composé d'un danseur (Vaibhav Arekar) et d'une danseuse (Anuya Rane). J'espère que ce récital satisfera mes attentes (pour l'instant jamais totalement satisfaites) concernant les possibilités de développements narratifs permis par la présence de plusieurs danseurs ! (Au passage, j'ai une place à 17€ à revendre pour ce spectacle.)
  • 26 octobre 2013 (Salle Pleyel) : J'entendrai pour la première fois le Gewandhausorchestrer Leipzig, dirigé par Riccardo Chailly. Au programme de ce concert Brahms, le double concerto pour violon (Leonidas Kavakos) et violoncelle (Enrico Dindo), et la Symphonie nº1.
  • 29 octobre 2013 (Salle Pleyel) : N'étant pas sûr d'aller écouter des orchestres hongrois en Hongrie cette année, je ne manquerai pas une occasion d'entendre le Budafest Festival Orchestra à l'occasion de son passage annuel Salle Pleyel, et ce d'autant plus que Maria-João Pires y interprétera le joyeux Concerto pour piano nº4 de Beethoven.
  • 30 octobre 2013 (Cité de la musique) : J'adore La Nuit transfigurée de Schönberg ; je ne vais donc pas manquer une occasion de l'entendre interprétée par le Chamber Orchestra of Europe (dont je ne me suis toujours pas remis des concerts édimbourgeois de cet été).

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Janaki Rangarajan au Musée Guimet

2013-09-22 16:51+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2013-09-21

Janaki Rangarajan, bharatanatyam, chorégraphies

Smt. Nandini Sharma Narayanan, chant

Vedakrishnaram, mridangam

Prasanna Kumar, nattuvangam

Kandadevi Vijay Raghavan, violon

Samviksana — une exploration

Alarippu

Shivoham

Varnam

Kuruyadunandana

Tillana

Samedi, pendant que les balletomanes parisiens assistaient à la première de la reprise de La Dame aux camélias à l'Opéra de Paris, j'allais à l'auditorium du Musée Guimet pour la deuxième représentation du récital de bharatanatyam de Janaki Rangarajan, intitulé Samviksana — une exploration. En visionnant des extraits du DVD Rasaanubhavan, je me disais que si elle dansait comme sur la vidéo, elle entrerait certainement dans le club très fermé de mes danseuses de bharatanatyam préférées. Cela n'a pas loupé, bien qu'elle ait dansé des pièces toutes différentes.

Le récital a commencé par un Alarippu, une pièce de danse pure dans laquelle les mouvements de la danseuse se sont faits progressivement de plus en plus rapides, suivie de Shivoham, une chorégraphie accompagnant un texte philosophique non-dualiste d'Adi Shankara ; si le sens du texte ne m'est pas complètement étranger, son expression chorégraphique m'a quelque peu échappé.

Je n'ai en revanche pas eu de problème pour comprendre le sens du Varnam, la pièce principale du récital. La musique est de Ponnayya Pillai (XIXe siècle) et la chorégraphie est de la danseuse. Comme beaucoup de Varnam, celui-ci représente une héroïne (nayika) qui se languit d'une divinité, en l'occurrence Shiva, sous le nom de Brihadesvara, lequel réside dans le grand temple de Tanjore :

Photo 145
Grand temple de Thanjavur

Le Varnam est divisé en plusieurs séquences. Au début de chacune d'entre elles, la danseuse règle son tempo avec des frappes de pieds et des mouvements d'yeux. Ceci est la préparation pour un jati, une suite de pas de danse pure accompagnée ici soit par des onomatopées rythmiques soit par des swaras, c'est-à-dire des notes dont le nom (Sa, Re, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni) est prononcé par la chanteuse. J'apprécie tout particulièrement la transition intervenant à la fin des jatis où le rythme s'efface en faveur de la mélodie. En Inde, le public applaudit souvent les jatis, ce qui gâche le plaisir musical que devrait me procurer cette transition. Quand la mélodie du violon et du chant reprend le dessus, on passe de la danse pure à la danse narrative, la composante de la danse que je préfère (qu'il s'agisse de danses indiennes ou non...).

Les parties narratives étaient de deux sortes. Les plus nombreuses évoquaient les sentiments de la nayika. Tantôt dévôte, elle éxecute des rituels shivaïtes (magnifiquement accompagnés par le son du violon), tantôt amoureuse, elle supplie Shiva de la rejoindre. L'amour est évoqué par l'éclosion de lotus, le butinement des abeilles, et semble-t-il l'évocation de couples d'oiseaux. Les qualités d'expression de la danseuse sont un véritable délice (et ce d'autant plus que j'avais pu prendre place au premier rang). Totalement submergée par ses sentiments, ardente, elle souffre de l'absence de Shiva. Sa nourriture perd tout son goût et lui paraît insupportable. Plus tard, on la voit se faire belle puis être exaucée. Dans les dernières scènes, à nouveau seule, sa tristesse relative sera associée à l'expression d'un certain contentement.

Les quelques scènes qui n'étaient pas centrées sur les sentiments de l'héroïne évoquaient des exploits de Shiva. Le plus impressionnant racontait une légende associant le sage Markandeya, le dieu de la mort Yama et Shiva. La littérature sanskrite évoque Yama comme étant armé d'un lacet dont il se sert pour retirer la vie. La danseuse a ainsi représenté Yama arrivant par la droite de la scène, elle a mis en valeur son terrifiant lacet qu'il a lancé vers le côté opposé, où le jeune Markandeya a été représenté en train de se débattre avec le lacet fermement enroulé autour du cou. Shiva est alors intervenu pour le sauver en récompense de sa dévotion. (Il faut remercier la voix-off Isabelle Anna d'avoir dit quelques mots à ce propos dans sa présentation du Varnam : ce qui m'a semblé limpide m'aurait sans doute paru incompréhensible sans cette explication préalable.) Dans une autre scène, il m'a semblé (mais je peux me tromper) que la danseuse évoquait le rôle de Shiva dans le mythe du barratage de la mer de lait qui lui vaut le nom de Nilakantha (celui qui a la gorge bleue) : quand il avale le poison qui allait détruive l'univers, celui-ci s'arrête au niveau du cou et lui laisse une marque bleue. D'autres attributs de Shiva ont aussi été représentés, comme la peau de tigre ou le troisième œil pouvant réduire ses ennemis en cendres.

Je n'ai pas compté le nombre de passages narratifs dans ce Varnam très élaboré : il y en a eu tellement ! Bien que centré sur la situation classique de la nayika se languissant d'une divinité, la palette de couleurs émotionnelle (rasas) utilisée dans ce Varnam est très riche ! Les jatis ont également été très nombreux. Ces passages rythmiques ont été très variés et exécutés avec une grande musicalité. Leur virtuosité, réelle, n'était pas écrasante puisque chacun de ces jatis était plutôt bref. L'ensemble m'a paru très harmonieux, entre la vivacité des mouvements des bras et des frappes de pieds (particulièrement appuyées dans les postures plus masculines) et l'insertion tout en fluidité de poses très courbes. Rarement un Varnam ne m'aura autant émerveillé et ému...

La pièce suivante Kuruyadunandana est narrative. Le texte est tiré du dernier chant du Gîta-Govinda de Jayadeva évoquant les amours Radha et Krishna. Pendant presque toute la durée de la pièce, Radha est assise ou allongée de façon lascive sur la scène. Le travail de la danseuse dans l'expression, jusque dans les moindres détails, est superbe, comme lorsqu'un sourcil de Krishna est animé d'un mouvement quand il aide Radha à se maquiller, à tresser ses cheveux ou à les arranger en chignon.

Le récital se termine avec un Tillana qui m'a semblé assez original. D'une part, les syllabes utilisées par la chanteuse sont les noms des notes de la gamme indienne, ce qui est inhabituel dans ce type de pièces, et d'autre part, la gestuelle de la danseuse et ses mouvements dans l'espèce scénique me semblent aussi sortir de l'ordinaire. La pièce se conclut sur un mantra suivi de la syllabe Om.

L'accueil du public ayant été très chaleureux, la danseuse a prononcé quelques mots, exprimant à quel point elle aimait Paris et son public. La prochaine fois, elle essaierait de le dire en français, même si elle ne se sent pas assez intelligente pour cela (elle est pourtant docteure en génétique moléculaire). Enfin, elle a dansé une pièce supplémentaire de danse pure accompagnée des onomatopées rythmiques du nattuvanar.

Ailleurs : Danzine.

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Planning de septembre 2013

2013-09-12 12:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Planning

Voici mon programme de spectacles pour ce début de saison 2013/2014 :

  • 1er septembre 2013 (Salle Pleyel) : Je pensais attendre de visiter Berlin un de ces jours pour entendre les Berliner Philharmoniker, mais une place à 10€ m'a été proposée pour ce remarquable concert Schönberg/Berg/Stravinski.
  • 12 septembre 2013 (Salle Pleyel) : Je me suis décidé à prendre une place pour ce programme de rentrée de l'Orchestre de Paris, plutôt pour Janine Jansen dans le concerto pour violon nº2 de Prokofiev que pour Carmina Burana...
  • 15 septembre 2013 (Salle des Fêtes, Mairie du 13e) : Le Ballet Classique Khmer (qui est établi en France, contrairement au Ballet Royal du Cambodge) interprétera un ballet adapté de l'épopée indienne du Rāmāyaṇa.
  • 19 septembre 2013 (Opéra Garnier) : Alceste de Gluck à Garnier.
  • 20 septembre 2013 (Cité de la musique) : Que ma joie demeure ! d'Alexandre Astier.
  • 21 septembre 2013 (Musée Guimet) : J'ai hâte d'assister à ce récital de bharatanatyam de Janaki Rangarajan, disciple de Padma Subhramanyam.
  • 24 septembre 2013 (Opéra Garnier) : La première fois que je verrai La Dame aux camélias au cours de cette série de représentations sera sans doute avec Eleonora Abbagnato dans le rôle de Marguerite et Benjamin Pech dans celui d'Armand Duval.
  • 27 septembre 2013 (Cité de la musique) : Je ne sais plus à quoi je pensais que j'ai réservé ce concert de l'Ensemble Intercontemporain, mais j'écouterai avec plaisir la Sonate pour violoncelle de Bernd Aloïs Zimmermann, un compositeur que j'ai découvert il y a quelques mois à Dijon.
  • 29 septembre 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : Quelques quatuors avec flûte avec des musiciens berlinois autour d'Emmanuel Pahud, ça ne se refuse pas...
  • 29 septembre 2013 : Nirmalya Dey sera de passage à Paris à la fin du mois et il devrait donner un concert de chant dhrupad (Inde). (N'hésitez-pas à me demander des infos plus précises si cela vous intéresse.)
  • 30 septembre 2013 (Opéra Bastille) : J'irai sans doute un peu plus souvent écouter des opéras à Bastille cette année que l'année dernière. Cela commencera avec L'Affaire Makropoulos de Janáček, si le RER B le veut bien.

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Dance Odysseys au Festival Theatre à Édimbourg

2013-08-22 21:34+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Le Scottish Ballet a présenté un ensemble de programmes intitulé Dance Odysseys dans le cadre du festival d'Edinburgh. J'ai assisté à quelques uns de ces spectacles (tous ceux programmés le samedi 17 août). Si la compagnie a à son répertoire des ballets classiques, l'accent était résolument mis sur la dance contemporaine et plus particulièrement sur des ballets nécessitant peu de moyens scénographiques et peu de danseurs. Le nouveau directeur artistique de la compagnie Christopher Hampson a été très présent, et ce de façon autant utile qu'agréable.

On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 12:00

“Contemporary Classics”

Scottish Ballet

Christophe Bruce, chorégraphie et costumes

Kenji Bunch, musique (Swing Shift)

Shift

Twyla Tharp, chorégraphie

Gabrielle Malone, Andrew Robinson, mise en scène

Kermit Love, costumes

Jennifer Tipton, lumières

The Fugue

Jiří Kylián, chorégraphie, décor

Natasa Novotna, mise en scène

Dirk Haubrich, musique

Joke Visser, constumes

Kees Tjebbes, lumières

14'20"

James Cousins, chorégraphie

Ben Frost, musique (O God Protect Me)

Jealousy

Luke Ahmet, Daniel Davidson, Constance Devernay, Laura Kinross, Sophie Laplane, Andrew Peasgood, Owen Thorne, Katie Webb

Ce programme, comme presque tous les autres, avait lieu sur le On Stage Studio. Ceci signifie que les spectateurs ont eu l'occasion de visiter les coulisses du théâtre avant de s'asseoir sur les gradins provisoires installés à l'arrière de la grande scène du Festival Theatre. L'espace scénique utilisé par les danseurs s'étend du rideau de scène (baissé) jusqu'à ces gradins. Étant arrivé parmi les premiers, j'ai pu m'installer dans les tout premiers rangs et bénéficier ainsi d'une proximité rare avec des danseurs. Le public édimbourgeois est d'ailleurs tout-à-fait charmant. On se sent immédiatement à l'aise.

Le programme est intitulé Contemporary Classics. Y sont donc présentés des ballets contemporains qui sont devenus des classiques. Le duo de Kylián intitulé 27'52" (déjà vu au TCE) était présenté ici sous une forme réduite 14'20" qui m'a moins enthousiasmé que le film Silent cries qui a été projeté et qui montrait Sabine Kupferberg danser sur le Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy dirigé par Bernard Haitink. Le programme avait commencé par Shift de Christophe Bruce. En le voyant, j'ignorais que ce mot pouvait renvoyer à l'organisation du travail en trois huit, comme cela fut discuté pendant de l'après-midi au cours d'une conversation entre Chistopher Hampson et Jane Pritchard. Le ballet représente trois couples de danseurs que l'on voit exécuter des mouvements assez répétitifs et mécaniques. Sont-ils en train de tourner des poignées, des robinets ou de serrer des boulons ? C'est en tout cas très dynamique, constitue une bonne entrée en matière, et la danseuse Katie Webb s'y distingue particulièrement. (Le programme assez mal fichu du Scottish Ballet présente néanmoins l'intérêt de comporter un trombinoscope des danseurs de la compagnie !)

Au cours de la journée, le ballet qui m'a le plus ému a certainement été The Fugue de Twyla Tharp (une femme, comme 50% des chorégraphes programmés ce jour-là !). Ce ballet est une merveille ! Il est pourtant situé à l'extrême inverse de mes goûts puisqu'il ne raconte absolument pas d'histoire : il s'agit de danse pure. Le ballet met en scène trois danseurs (ici deux femmes et un homme), portant tous le même costume constitué d'un pantalon gris et d'une chemise blanchâtre. Avant de voir ce ballet, je ne connaissais que le titre The Fugue dont j'ignorais qu'il n'avait d'autre sens en anglais que le sens qu'on lui donne en musique. Il m'est pourtant apparu comme évident dès le début du ballet que la chorégraphe faisait jouer aux danseurs le rôle de chacune des voix d'une fugue. Ce ballet se joue sans musique : les seuls sons que l'on entend viennent des frappes de pieds des danseurs et de leurs bruits corporels, la scène étant amplifiée par la présence de quelques micros placés au bord. Les mouvements d'un danseur trouvent ainsi écho dans ceux d'un deuxième puis d'un troisième et certaines variations et transformations s'opèrent, comme par exemple des retards d'une voix sur une autre qui produisent des effets rythmiques assez intéressants. Certains mouvements peuvent également s'inverser. Les danseurs ne se touchent pas, sauf lors d'un contact du bout du doigt entre deux interprètes qui apparaît alors extrêmement intense. Rien que pour ce ballet, je suis très heureux d'avoir assisté cette journée marathon au Festival Theatre !

Alors que la représentation était en principe terminée, une voix a annoncé que nous pourrions suivre les indications du personnel du théâtre pour nous rendre à l'endroit où le spectacle allait continuer. J'aime bien ce genre de surprise ! Après un détour par les coulisses, les spectateurs peuvent s'asseoir sur la moquette du Foyer du thêatre pour voir une représentation du duo Jealousy de James Cousins. J'y reviendrai plus bas parce que ce ballet a aussi été représenté dans le programme Duets.

En début d'après-midi, j'ai assisté au même endroit à une projection du ballet The Green Table créé en 1932. Le film (noir et blanc) tourné dans les années 1960 montre le Folkwang Ballet interpréter cette œuvre de Kurt Jooss. Dans la première scène, des hommes sont autour d'une table. Ils portent des masques qui suggèrent qu'ils appartiennent à des pays différents. Leurs relations d'abord obséquieusement cordiales se tendent très sérieusement. Les scènes suivantes représentent diverses étapes d'une guerre. Un danseur y représente l'allégorie de la Mort. (Et parmi les danseuses, on peut reconnaître la jeune Pina Bausch.)

Si j'ai été content de voir cette Table verte, j'ai dû lutter pour rester éveillé pendant la projection du Portrait of Mary Wigman, étourdi que j'étais par la mauvaise qualité des images et l'absence de commentaire pertinent sur l'apport de Mary Wigman.

On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 17:00

“Duets”

Scottish Ballet

Peter Darrell, chorégraphie

Cheri & David Earl, musique (Brian Prentice, piano)

Philip Prowse, costumes

Cheri

James Cousins, chorégraphie

Ben Frost, musique (O God Protect Me)

Jealousy

Peter Darrell, chorégraphie, costumes

Gustav Mahler, musique (Fünf Rückert-Lieder)

Fünf Rückert-Lieder (Ich atmet'einen linden Duft, Ich bin der Welt abhanden gekommen)

Sophie Laplane, chorégraphie

Susumu Yokota, musique (Circular, extrait de Magic Thread)

Oxymore

Helen Pickett, chorégraphie

Rachmaninov, musique (Prélude, op. 23 nº4)

Trace

James Cousins, chorégraphie

Ben Frost, musique (O God Protect Me)

Kristen McNally, chorégraphie

Jonny Greenwood, musique (Split Sabre, Sweetness of Freddy, extraits de The Master)

Ennio Morricone, musique (March of the Beggars extrait de Film Music)

Nick Cave, musique (Martha's Dream extrait de The Proposition)

Foibles

Daniel Davidson, Bethany Kingsley-Garner, Brenda Lee Grech, Sophie Martin, Luciana Ravizzi, Nicholas Shoesmith, Owen Thorne, Katie Webb, Victor Zarallo

Après un bon café, j'étais prêt pour les duos programmés au On Stage Studio. Si Peter Darrell a été à l'origine de la création de la compagnie de danse qu'est le Scottish Ballet, je ne sais pas si c'était une bonne idée de programmer ses ballets, surtout à l'état de courts extraits présentés en dehors de tout contexte narratif. Certes, ces extraits se distinguent de la plupart des autres ballets de la journée puisque la technique est classique (danseuses sur pointes ou demi-pointes), mais je n'ai absolument pas été ému pendant le court pas de deux Cheri (dans lequel les danseurs ont frôlé l'accident), et ce d'autant plus que la musique enregistrée était jouée sur un piano manifestement désaccordé. Les deux extraits des Five Rückert Songs m'ont paru très ennuyeux. Le deuxième (nº4), qui n'était d'ailleurs pas un duo, tenait à la rigueur la route grâce à la conviction de la danseuse.

Entre ces deux pièces était présenté Jealousy de James Cousins. Dans ce duo, un homme est obsédé par une femme qu'il porte littéralement pendant toute la durée du ballet. La danseuse ne touche absolument jamais le sol ! Quand elle se tient sur ses pieds, ceux-ci sont posés d'une manière ou d'une autre sur le corps du danseur. La musique ou plutôt l'accompagnement sonore de la pièce peut suggérer que le danseur est en train d'être soumis à des appareils d'imagerie médicale en trois dimensions qui révèlent la présence féminine dans son esprit. Ce ballet a été une très bonne surprise pour moi, et ce d'autant plus que je l'ai vu deux fois. J'ai été légèrement plus convaincu par les interprètes vus en bonus à la fin du programme Contemporary Classics. Le rôle féminin était alors me semble-t-il interprété par Brenda Lee Grech.

C'est cette même danseuse qui fait des étincelles dans Oxymore de Sophie Laplane ; elle éclipse complètement son partenaire qui exécute des mouvements semblables. L'atmosphère me fait penser à celle de In the middle, somewhat elevated de William Forsythe et les mouvements me rappellent Signes de Carolyn Carlson. Cependant, contrairement à Signes, Oxymore est suffisamment court et drôle pour que je ne m'ennuie pas.

La chorégraphie de Trace de Helen Pickett m'a plutôt plu. Le bas du corps des danseurs adopte des mouvements et positions classiques, mais le haut du corps est animé de mouvements plus contemporains. Cependant, le costume ridicule de la très convaincante danseuse Katie Webb gâche un peu tout...

La représentation se termine par le ballet Foibles de Kristen McNally interprété par quelques danseurs dans le foyer du théâtre. Le ballet a semble-t-il été commandé tout spécialement pour le festival. Si le voir n'a en rien été désagréable, et ce d'autant plus que la formidable danseuse Brenda Lee Grech avait le rôle le plus important, l'ensemble incohérent ne m'a semblé être qu'un délire surréaliste.

Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 20:00

Scottish Ballet

Glen Tetley, chorégraphie

Bronwen Curry, mise en scène

Arnold Schönberg, musique

Rouben Ter-Arutunian, décors et costumes

John B. Read, lumières

Allison Bell, soprano

RCS MusicLab

Mieko Kanno, violon, alto

David Sloan, violoncelle

Isabelle Hübener, flûte, piccolo

Calum Robertson, clarinette basse

Kristi Kapten, piano

Gordon Bragg, direction musicale

Luke Ahmet, Pierrot

Bethany Kingsley-Garner, Columbine

Owen Thorne, Brighella

Pierrot Lunaire

Cela s'est joué à peu de choses, mais mon placement m'a permis de voir les pieds des danseurs :

Photo 27

Je connais trop mal Pierrot lunaire pour apprécier l'adéquation entre le texte et la chorégraphie de ce ballet de Glen Tetley qui était remonté pour cette unique soirée. Le décor est constitué d'un échafaudage blanc qui est placé au centre de la scène et sur lequel les trois personnages (Pierrot, Columbine, Brighella) peuvent grimper (à leurs risques et périls : j'espère qu'aucun danseur n'a été blessé en interprétant ou en répétant ce ballet...). Drôle par moments, la chorégraphie ne m'a pas ennuyé, mais elle ne m'a pas excessivement passionné non plus. Ce qui m'a semblé magnifique en revanche, c'est l'interprétation musicale de l'œuvre de Schönberg par le RCS MusicLab. C'est assurément le plus beau Pierrot lunaire que j'aie entendu ! (J'ai d'ailleurs saisi une opportunité de le dire aux jeunes musiciens qui étaient rassemblé dans le hall un peu plus tard dans la soirée.) La pianiste était fantastique, tout comme la flûtiste. Je n'imaginais pas qu'il était possible de faire sonner un piccolo comme elle le faisait ! Le violoncelliste était merveilleux aussi... Bref, ils étaient tous excellents et défendaient cette musique avec une très grande conviction. La soprano Allison Bell a aussi beaucoup contribué à cette réussite. Son Sprechtgesang était résolument plus chanté que parlé, et je crois que c'est ainsi que je préfère entendre ce cycle ! Quelle beauté !

On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 21:45

Scottish Dance Theatre

Fleur Darkin, chorégraphie

Plastikman, musique (In Side, Locomotion)

Moritz von Oswald Trio, musique (Pattern 3)

Four Tet, musique (Wing Body Wing)

Ricardo Villalobos, musique (Easy Lee)

Hayley Scanlan, costumes

Lucy Carter, lumières

Glyn Perrin, conception sonore

Eve Ganneau, Fhunyue Gao, Manon Greiner, Jori Kerremans, Frank Koenen, Matthew Robinson, Audrey Rogero, Natalie Trewinnard, Quang Kien Van, Lewis Wilkins

SisGO

Pour ce dernier programme de la soirée, les danseurs ne sont pas du Scottish Ballet mais du Scottish Dance Theater, une compagnie spécialisée dans la danse contemporaine. Comme pour les autres spectacles programmés au On Stage Studio, avant de se diriger en file indienne vers les coulisses pour monter sur la scène, les spectateurs doivent se rassembler près d'une porte dans un coin de la salle. Avant le début de ce spectacle de Fleur Darkin intitulé SisGo (et qui ressemble étrangement à un précédent intitulé DisGo), on nous a demandé d'y laisser nos affaires et d'enlever nos chaussettes pour en mettre d'autre de couleur blanche.

Après le passage par les coulisses, nous ne sommes pas dirigés vers les gradins, mais vers la scène qui est délimitée par des néons. Les danseurs se mettent en mouvement entre les spectateurs, qui étaient parfois invités à réagir. Un peu sceptique au début, j'ai progressivement apprécié cette expérience. Cela dit, l'interaction danseurs-spectateurs a ses limites qu'un spectateur louche n'a pas vraiment saisi : il s'est fait vider assez rapidement... Ce spectacle est aussi un exercice de manipulation de foule. À certains moments, la chorégraphie prévoit que les spectateurs initialement placés sans ordre s'organisent dans des configurations particulières. Pour cela, quelques indications implicites venant des danseurs et de l'utilisation de quelques accessoires comme du scotch ou des cordes aidaient, mais auraient été insuffisantes sans l'aide d'un certain nombre de spectateurs complices qui participaient aussi à quelques chorégraphies d'ensemble. Bref, il ne suffisait pas de regarder qui portait des chaussettes blanches pour distinguer les spectateurs des autres. Au début, j'ai eu le sentiment que le ratio spectateurs/danseurs était un peu trop grand, mais quand la pièce s'est développée, j'ai eu l'impression qu'il se passait toujours quelque chose où qu'on soit. En tout cas, je ne me suis pour ma part pas du tout ennuyé. L'expérience était amusante et parfois exaltante tant il est impressionnant de voir des danseurs exécuter certaines figures à quelques centimètres de distance !

Quand ce spectacle participatif s'est terminé, le rideau de scène s'est relevé, ce qui a donné aux spectateurs une très belle vue sur la salle depuis la scène. J'ai découvert plus tard que cela ne faisait pas partie du spectacle : c'était une intervention des pompiers suite à une fausse-alerte incendie...

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Planning d'août 2013

2013-08-07 13:02+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Cinéma — Planning

Après Budapest en juin, Montpellier, Salzburg et Munich en juillet, je vais me diriger en août vers Édimbourg pour assister à un nouveau festival de musique.

La raison première de ce séjour réside dans les deux concerts donnés par le Chamber Orchestra of Europe (COE) qui sera dirigé par Yannick Nézet-Séguin :

  • 16 août 2013 (20h) (Usher Hall) : Les Métamorphoses de Strauss intelligemment associées à la Troisième symphonie de Beethoven. Si l'interprétation des Métamorphoses par le COE dirigées par Semyon Bychkov ne m'avait qu'à moitié convaincu, je ne doute pas qu'avec Yannick Nézet-Séguin, ce sera mieux (il a déjà réussi l'exploit de me faire aimer le mauvais Schu-). Concernant l'Héroïque, je ne l'ai pas entendue par le COE/Haitink (cf. le billet hilarant de Klari), mais je l'ai entendue récemment par l'Orchestre national de France dirigé par Haitink. (Si Yannick Nézet-Séguin dirige un jour l'ONF dans cette œuvre, je ne manquerai évidemment pas d'y aller car je pourrai alors réaliser la somme amalgamée de COE/Nézet-Séguin et ONF/Haitink le long de ONF/Nézet-Séguin pour obtenir COE/Haitink et compléter le diagramme ?) Entre les Métamorphoses et l'Héroïque s'insère dans le programme la véritable raison de ma venue à Edinburgh : la Symphonie concertante de Haydn pour violon, violoncelle, hautbois et basson. Je n'ai jamais entendu le COE dans Haydn, mais je crois que c'est une combinaison orchestre/compositeur/chef qui peut faire monter le frissonomètre très haut, et ce d'autant plus que les quatre solistes sont issus de l'orchestre : comme un concert à Dijon en mars m'en avait donné l'envie, je pourrai entendre la violoniste Lorenza Borrani en soliste !
  • 18 août 2013 (19h30) (Usher Hall) : Avant d'interpréter la Septième Symphonie de Beethoven, le COE interprètera deux œuvres concertantes : Romain Guyot (clarinette) et Matthew Wilkie (basson) joueront le Duet-Concertino de Strauss, puis Lorenza Borrani (violon) et Pascal Siefert (alto) la Symphonie concertante de Mozart.

J'avais déjà acheté ces deux places quand je me suis rendu compte que le Festival d'Edinburgh était en quelque sorte pluridisciplinaire : arts visuels, théâtre, danse, musique, opéra. Après avoir longtemps tergiversé, j'ai choisi d'intercaler entre les deux concerts du COE un marathon de danse (contemporaine) proposé par le Scottish Ballet :

  • 17 août 2013 (12h) (Festival Theatre) : Triple bill intitulée Contemporary Classics avec le duo 14'20" de Jirí Kylián (un extrait de 27'52"), Shift de Christopher Bruce et The Fugue de Twyla Tharp.
  • 17 août 2013 (14h30) (Festival Theatre) : Projection de deux films sur la danse moderne : La Table verte de Kurt Jooss et un portrait de Mary Wigman.
  • 17 août 2013 (16h) (Festival Theatre) : Une discussion à propos de la Triple bill ci-dessus.
  • 17 août 2013 (17h) (Festival Theatre) : Des duos extraits de Chéri et Five Rückert Songs de Peter Darrell, Jealousy de James Cousins et Trace de Helen Pickett.
  • 17 août 2013 (20h) (Festival Theatre) : Pierrot lunaire de Glen Tetley.
  • 17 août 2013 (21h45) (Festival Theatre) : Le Scottish Dance Theatre, spécialisé en dance contemporaine, interprétera SisGo de Fleur Darkin.

(Il est à noter qu'une proportion significative des ballets programmés ont été chorégraphiés par des femmes, ce qui change de Paris...)

  • 18 août 2013 (12h45) (Grand Gallery, National Museum of Scotland) : Puisqu'il convient de faire un peu de tourisme à Édimbourg, mais que l'entrée du Château est hors de prix (£16, seriously?), je vais sans doute me rabattre sur le Musée national d'Écosse. Non seulement, l'entrée y est gratuite, mais je pourrai y entendre un charmant trio d'instruments à vents, Arunda Trio (qui peut aussi venir jouer de la musique à votre mariage).
  • 19 août 2013 (11h) (Queen's Hall) : J'espère que l'obscurité sera faite dans la salle pour ce récital de Lieder de Dorothea Röschmann parce que le mélange de bleu et de rouge constituant la décoration du Queen's Hall me paraît d'assez mauvais goût, comme j'ai eu le malheur de le constater en faisant la visite virtuelle (qui me permet d'espérer que ma place derrière un pilier ne devrait pas trop gêner ma vue).

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Trois jours au festival de Salzburg

2013-08-04 12:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la ville de Salzburg n'est pas hors de prix. Il est vrai que lorsque l'on pénètre dans le Großes Festspielhaus ou le Haus für Mozart, on a l'impression de faire la montée des marches au festival de Cannes, les hommes ayant presque tous veste et nœud papillon ou cravate et les dames des robes de soirée, qui en comparaison font d'une soirée de gala à l'Opéra de Paris une petite fête paysanne. Ce qui est vrai en revanche, c'est que la ville est obsédée par le jeune prodige Mozart qui y est né ; le physicien Christian Doppler aussi, mais cela se voit moins quand on parcourt les ruelles de la vieille ville. Il serait intéressant de connaître la proportion des visiteurs estivaux de Salzburg qui fréquentent le festival. La veille ville est en effet infestée de touristes, et à supposer que le commerce y soit prospère, ceux-ci semblent plus intéressés par les chocolats Mozart et autres produits dérivés que par la musique de Mozart. Cela dit, j'ai aussi mangé ma dose de ces chocolats et pus opportunément acheter juste avant qu'il pleuve un parapluie décoré de partitions.

Photo 073
Salzburg

Haus für Mozart, Salzburg — 2013-07-27

Rolando Villazón, Lucio Silla

Olga Peretyatko, Giunia

Marianne Crebassa, Cecilio

Inga Kalna, Lucio Cinna

Eva Liebau, Celia

Francesco Corti, clavecin

Marie McDunnough, Julia Sedwick, Cynthia Smithers, Magdalena Vasko, Jones Henry, Kevin Kong, Jeremy Nasmith, Jack Rennie, Edward Tracz, danseurs

Marc Minkowski, direction musicale

Marshall Pynkoski, mise en scène

Antoine Fontaine, décors et costumes

Jeannette Zingg, chorégraphie

Hervé Gary, lumières

Aloïs Glaßner, chef de chœur

Les Musiciens du Louvre-Grenoble

Salzburger Bachchor

Lucio Silla, KV 135 (Mozart)

La plus grande satisfaction de ce festival, aussi haute qu'inattendue a été pour moi cette représentation de Lucio Silla, la première de la reprise de cette production déjà jouée lors de la Mozartwoche en février 2013.

La production est traditionnelle. Le décor unique représente une sorte d'atrium me semble être un décor générique qui pourrait servir à représenter n'importe quel opéra. Les costumes sont d'époque, ce qui ne signifie pas que les chanteurs portent des costumes plaçant l'action à Rome au premier siècle avant Jésus-Christ (comme le fait timidement le décor), mais plutôt en Europe il y a quelques siècles de cela (peut-être du temps de Mozart ?). La dizaine de danseurs apporte une décoration supplémentaire à ce tableau. Au milieu de l'avant-scène est disposée une petite rallonge de scène souvent utilisée par les chanteurs ; ils peuvent ainsi être certains d'être bien au milieu de la scène pour chanter leurs airs. Malgré tous les aspects traditionnels de cette production, je trouve qu'elle est réussie. En effet, les sonorités produites par l'orchestre sont merveilleuses. Le caractère très engagé des Musiciens du Louvre-Grenoble dirigés par Marc Minkowski assorti à la bonne acoustique de la salle rend tellement vivante cette musique. Je n'imaginais pas prendre autant de plaisir à l'écoute d'un opéra de jeunesse de Mozart (disons avant Idomeneo), et ce d'autant plus que l'histoire se finit par un happy ending invraisemblable comme souvent chez le jeune Mozart : pour laisser une trace heureuse dans l'Histoire, Lucio Silla fait volte-face en décidant de rendre tout le monde heureux. Par ailleurs, j'ignore si le livret y fait référence, mais la mise en scène suggère une relation incestueuse entre Lucio Silla et sa sœur Celia.

La distribution vocale est sans faille ! Des quatre chanteuses (dont deux travesties), celle qui remporte le plus de suffrage est évidemment Marianne Crebassa dans le rôle de Cecilio. Elle fait d'ailleurs une forte impression dans la scène d'escrime magnifiquement chorégraphiée, et j'ai particulièrement aimé l'air qu'elle a chanté accompagnée de seulement quatre musiciens constituant un quatuor à cordes. Si Rollando Villazón ne m'a semblé qu'à moitié convaincant dans les deux premiers actes, il a fait des merveilles dans le troisième !

Ailleurs : il tenero momento.

Mozarteum, Salzburg — 2013-07-28

Gereon Kleiner, orgue

Mozarteumorchester Salzburg

Ádám Fischer, direction

Sonate d'église pour orchestre et orgue en do majeur, KV 278 (Mozart)

Jörg Widmann, clarinette

Concerto pour clarinette en la majeur, KV 622 (Mozart)

Sonate d'église pour orgue et orchestre en do majeur, KV 329 (Mozart)

Symphonie nº6 Pastorale (Beethoven)

Le dimanche matin avait lieu une Mozart-Matinee au Mozarteum. En première partie, entre deux sonates d'église anecdotiques de Mozart (avec un orgue inaudible dans la première), le programme comportait le concerto pour clarinette en la majeur. Si l'orchestre m'a paru très convaincant et très engagé, le clarinettiste Jörg Widmann ne m'a pas autant plu que Romain Guyot dont l'interprétation à Dijon m'avait semblée plus incarnée. Le musicien a fait le choix de jouer peu d'ornementations (voire pas du tout) et ses notes aiguës passaient souvent difficilement. Bref, si l'écoute de cette œuvre ne m'a pas paru désagréable, elle ne m'a pas mis en transe.

Après l'entr'acte, l'orchestre a joué tout autre chose : la Symphonie Pastorale de Beethoven. On n'a à mon avis pas atteint les sommets de l'interprétation du Chamber Orchestra of Europe dirigé par Bernard Haitink, pourtant quelle belle interprétation que celle qu'ont donné ces musiciens déchaînés sous la direction d'Ádám Fischer (qui dirige cette œuvre de mémoire) ! Mon placement dans la salle ne me permettait de voir que la moitié droite de l'orchestre, mais fort heureusement le timbalier était en plein milieu de mon champ de vision. Dans le quatrième mouvement, je n'ai regardé que lui. Après avoir mis ses lunettes précautionneusement, il a paisiblement attendu le moment de son entrée pour déclencher un orage inouï !

Großes Festspielhaus, Salzburg — 2013-07-28

Dorothea Röschmann, soprano

Michael Schade, soprano

Florian Boesch, basse

Wiener Philharmoniker

Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor

Nikolaus Harnoncourt, direction

Ernst Raffelsberger, chef de chœur

Die Jahreszeiten, Joseph Haydn

La raison de ma venue à Salzburg était ce concert dans lequel Nikolaus Harnoncourt allait diriger les Wiener Philharmoniker dans Les Saisons de Haydn. Je m'attendais à ce que de concert salzbourgeois fût très bon, voire extraordinaire, mais je n'imaginais pas un seul instant en ressortir avec un sentiment d'amère déception. Heureusement, j'aimais déjà Haydn avant d'entrer dans le Großes Festspielhaus, et tout particulièrement Les Saisons dont je garde un souvenir émerveillé de l'interprétation de John Elliot Gardiner à Pleyel il y a quatre ans. En effet, sinon, ce concert m'aurait dégoûté de Haydn...

Les problèmes sont apparus dès la toute première mesure de l'œuvre. Les musiciens ne jouaient tout simplement pas ensemble. Les violents coups de timbales étaient un bon gros quart de seconde en avance sur les cordes. Ensuite, le volume sonore des Wiener Philharmoniker a pratiquement toujours été très faible. Dans ces conditions, les si délicieux passages dans lesquels Haydn fait imiter les sons des animaux par l'orchestre ne pouvaient guère se distinguer. Le seul passage de ce genre dont je me souvienne est celui évoquant le son des abeilles. Quand le volume sonore augmentait, comme dans l'orage intervenant dans l'Été, c'était avec une brusquerie assez déplaisante. Dans l'accompagnement des récitatifs, si j'ai apprécié le musicien jouant du pianoforte, celui qui officiait au violoncelle m'a paru produire des sons insipides, alors que j'ai souvent eu l'occasion de m'extasier devant le talent des violoncellistes ou gambistes accompagnant des récitatifs (Nils Wiebolt et Atsushi Sakaï sont les premiers noms qui me viennent à l'esprit). Ce n'était pas du tout, mais alors pas du tout baroquisant. Si les chanteurs n'ont globalement pas démérité, comme les musiciens des Wiener Philharmoniker, ils ont exécuté l'œuvre de façon très austère, complètement désincarnée, sans vie. Les trois rôles ont pourtant des noms ! Ils s'appellent Hanne, Lukas et Simon...

Si certains musiciens de l'orchestre se sont parfois brillamment distingués (les cornistes semblent appartenir à un autre monde !), mon unique satisfaction est venue du chœur de l'Opéra d'État de Vienne. La seule des quatre parties de l'œuvre qui m'aient un peu plu a en effet été l'Automne, et cela tient surtout au chœur qui a égaillé l'ambiance par son interprétation de la chanson à boire à la fin de cette partie.

Haus für Mozart, Salzburg — 2013-07-29

Ambrogio Maestri, Sir John Falstaff

Fiorenza Cedolins, Mrs. Alice Ford

Massimo Cavalletti, Ford

Eleonora Buratto, Nannetta

Elisabeth Kulman, Mrs. Quickly

Stephanie Houtzeel, Mrs. Meg Page

Javier Camarena, Fenton

Luca Casalin, Dott. Cajus

Gianluca Sorrentino, Bardolfo

Davide Fersini, Pistola

Zubin Mehta, direction musicale

Damiano Michieletto, mise en scène

Paolo Fantin, décors

Carla Teti, costumes

Alessandro Carletti, lumières

rocafilm, vidéo

Christian Arseni, chef de chœur

Walter Zeh, chef de chœur

Wiener Philharmoniker

Philharmonia Chor Wien

Falstaff (Verdi)

Cette représentation de Falstaff m'a paru fort agréable. Sans être éblouissants collectivement, les Wiener Philharmoniker sonnent bien mieux que la veille ! Les solos des musiciens de l'orchestre sont très souvent délicieux. Dans les ensembles, les qualités individuelles des musiciens ont toutefois tendance à se perdre, notamment quand à la fin de certains passages le chef Zubin Mehta lâche les décibels...

La production, sans être géniale, est tout à fait plaisante. Le concept est semble-t-il de représenter le compositeur Verdi vieillissant, écrivant son dernier opéra comme si c'était pour lui un cauchemar dans lequel il est identifié au personnage de Shakespeare. Ce personnage prenant le temps de ce rêve la place de Falstaff pourrait aussi bien être plus simplement un musicien retraité anonyme hanté par Verdi, ce n'est pas tout à fait clair pour moi.

Tandis que les spectateurs prennent place dans la salle, des images de la Casa Verdi contemporaine sont montrées en plan fixe comme pour en souligner la monotonie. Au lever du rideau, on entre dans l'institution, qui est une maison de retraite pour musiciens. Alors qu'en principe cet opéra de Verdi commence sans préambule, on voit ici un pianiste jouer pour les pensionnaires des morceaux de musique dans lesquels on peut reconnaître des extraits d'opéra de Verdi. Cette musique va en quelque sorte infuser dans l'esprit du personnage, qui va, selon l'interprétation, revivre l'histoire de Falstaff ou composer l'opéra que l'on est en train de voir. Le côté onirique de cette vision permet de ne pas traiter de façon littérale certaines scènes, en particulier dans la fameuse scène où le panier dans lequel Falstaff s'est caché est en principe jeté dans la Tamise.

Sans être éblouissants, les chanteurs m'ont paru plutôt bons. Toutefois, je garde un meilleur souvenir des interprètes des rôles féminins de la seule autre représentation de Falstaff à laquelle j'aie assisté (au TCE en 2008). J'ai beaucoup aimé le ténor Javier Camarena dans le rôle de Fenton, et dans celui de Falstaff, Ambrogio Maestri m'a paru meilleur chanteur qu'Alessandro Corbelli que j'avais vu dans ce rôle en 2008.

Ailleurs : Paris — Broadway.

Photo 099
Mirabellgarten, Salzburg

Les autres photographies que j'ai faites à Salzburg et à Munich sont ici.

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La Sylphide à l'Opéra Garnier

2013-07-14 18:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2013-07-02

Pierre Lacotte, adaptation et chorégraphie

Jean-Madeleine Schneitzhoeffer, musique

Ludwig Wilhelm Maurer, musique du pas de trois de l'acte I

Adolphe Nourrit, livret

Marie-Claire Musson, décors d'après Pierre Ciceri

Michel Fresnay, costumes d'après Eugène Lami

Philippe Hui, direction musicale

Evgenia Obraztsova, La Sylphide

Mathias Heymann, James

Muriel Zusperreguy, Effie

Stéphane Phavorin, La Sorcière

Alexandre Gasse, Gurn

Natacha Gilles, La Mère d'Effie

Éléonore Guérineau, Allister Madin, Pas de deux des Écossais

Caroline Robert, Séverine Westermann, Lydie Vareilhes, Trois Sylphides

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La Sylphide, ballet en deux actes d'après Philippe Taglioni

Avant cette série de représentations de La Sylphide à l'Opéra Garnier, je n'avais jamais vu ce ballet. J'avais cependant un a priori positif sur le travail du chorégraphe Pierre Lacotte grâce aux excellents souvenirs de sa version de Coppélia.

Le premier acte de sa Sylphide est le parfait représentant de ce que j'apprécie le plus dans la danse classique, et dans la danse en général ! Quel délicieux acte ! Cet acte est résolument narratif. La narration est extrêmement lisible. Plutôt que de s'y insérer sans transition, les danses du corps de ballet participent pleinement à cette narration. À la fin de cet acte, James poursuit dans la forêt la Sylphide qui vient de lui chiper sa bague de fiançailles. Il s'est laissé séduire par cette créature aux ailes décorées d'une plume de paon alors qu'il était sur le point de se marier avec Effie. La part narrative du deuxième acte est beaucoup plus réduite. James offre à la Sylphide un voile qui a été préparé par la sorcière. Comme l'indiquait la pantomime de la sorcière, ce voile est censé faire perdre ses ailes à la Sylphide, ce qui doit la rapprocher de James. Ce qu'il ne sait pas, c'est que ce voile lui fera aussi perdre la vie. Pour le reste, il s'agit essentiellement d'un acte blanc évoquant sans réelle narration les sylphides en train de se divertir joyeusement avec James jusqu'à ce qu'il commette l'irréparable. Malgré la belle scénographie qui fait voler les sylphides dans les airs, les qualités du corps de ballet et les variations virtuoses de James et de la Sylphide, j'avoue m'être parfois ennuyé. J'ai eu l'occasion de voir danser quatre interprètes différentes du rôle-titre (Evgenia Obraztsova, Ludmila Pagliero, Amandine Albisson, Mélanie Hurel). Une seule de ces quatre interprètes m'a ôté toute sensation d'ennui dans cet acte : c'est Amandine Albisson, dont j'ai trouvé remarquable le travail sur l'expression dans ce deuxième acte, autant dans les passages tendres et amoureux avec James que dans la scène de sa mort, magnifiquement interprétée.

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Evgenia Obraztsova, Mathias Heymann

Dans le premier acte, comment ne pas être ébloui par la danseuse Evgenia Obraztsova ! L'espiègle séduction de son personnage se traduit jusque dans les moindres mouvements de la ballerine du Bolchoï. Depuis son retour en avril dernier après une lourde blessure, Mathias Heymann semble avoir pris une autre dimension. Bien sûr, il est toujours aussi impressionnant dans ses sauts, mais il m'a aussi semblé très convaincant dans l'expression. Ils étaient associés dans l'émouvant pas de trois du premier acte à Muriel Zusperreguy (Effie), que j'ai trouvée formidable dans ce rôle. J'aimerais que cette première danseuse ait davantage de possibilité d'incarner de plus grands rôles... Un autre soir où elle était associée à Emmanuel Thibault, ils étaient tous les deux irrésistibles dans le pas de deux des Écossais !

Une partie importante de la narration repose sur le talent de l'interprète de la sorcière. Dans ce rôle, Stéphane Phavorin a encore une fois montré ses qualités dans la pantomime. Il a rendu la narration tellement claire que c'est comme s'il parlait. Il fera apparemment ses adieux à la scène de l'Opéra ce lundi 15 juillet...

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Stéphane Phavorin

S'agissant enfin de la musique de Jean Schneitzhoeffer, un compositeur dont je n'avais jamais entendu parler, j'avoue avoir pris un certain plaisir à l'écouter, et ce tout particulièrement le 11 juillet, un soir où le premier violon de l'orchestre dirigé par Philippe Hui était semble-t-il Éric Lacrouts. Certes, il y eut quelques couacs, mais à certains moments, les nuances de l'interprétation semblaient parfaitement en phase avec les interventions des personnages. Le cor et les vents (notamment la clarinette) étaient magnifiques. Si le prélude de La Sylphide m'a fait penser à un passage de la Symphonie pastorale de Beethoven, j'ai aussi aimé les numéros musicaux rappelant parfois le style de Rameau et plus souvent celui de Rossini.

Voici un lien vers mes autres photographies des saluts de la représentation du 2 juillet.

Ailleurs : Blog à petits pas, Danses avec la plume, Bella Figura.

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Le vite dit de mai 2013

2013-07-05 17:42+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Théâtre — Culture indienne

Cité de la musique — 2013-05-13

Akiko Suwanai, violon

Henri Demarquette, violoncelle

Michel Portal, clarinette

Michel Dalberto , piano C. Bechstein

Nocturne, pour violoncelle et piano (André Jolivet)

Noël nouvelet, Crudelis Herodes, pour piano (Daniel-Lesur)

Comme un souvenir, pour clarinette, Michel Portal

Les Chants de Kervéléan nº3 et nº6, pour piano (Charles Koechlin)

Sonate op. 50, pour violon et violoncelle (Marcel Mihalovici)

Quatuor pour la fin du Temps, Olivier Messiaen

Des œuvres composées pendant la deuxième guerre mondiale étaient au programme de ce concert réunissant de grands interprètes de musique de chambre. J'ai aimé le Nocturne d'André Jolivet qui m'a permis d'entendre pour la première fois le violoncelliste Henri Demarquette. Le son cristallin du piano utilisé par Michel Dalberto m'a beaucoup plu dans les œuvres de Daniel-Lesur qu'il a jouées ensuite. Le clarinettiste Michel Portal, que je n'avais jusque là jamais entendu, a ensuite improvisé en intégrant des souvenirs de jeunesse dans lesquels on pouvait reconnaître un peu de Bach. Je me suis désespérement ennuyé à l'écoute des Chants de Kervéléan de Koechlin. Le point culminant de cette première partie de concert a été atteinte avec la sonate pour violon et violoncelle de Marcel Mihalovici.

Avant la reprise du concert après l'entr'acte, François Henrot, fils d'un codétenu d'Olivier Messiaen à Görlitz, a sobrement évoqué les conditions de la création du Quatuor pour la fin du Temps dans le camp de prisonniers. L'œuvre en huit mouvements utilise diverses configurations de musiciens. Les mouvements se suivent et me procurent des émotions diverses. Michel Portal interprète d'une façon assez sombre l'Abîme des oiseaux. Plus loin, certaines notes du piano au milieu de la Danse de la fureur, pour les sept trompettes me rappellent très étrangement le thème de Darth Vader. Le pianiste ne joue d'ailleurs pas à moitié les passages les plus percussifs de l'œuvre ! L'atmosphère fut toute différente pendant le dernier mouvement. Le temps s'est comme suspendu à l'écoute de la violoniste Akiko Suwanai et du pianiste Michel Dalberto. Quel plaisir intense ce fut d'écouter cette Louange à l'Immortalité de Jésus !

Ailleurs : Bladsurb.

Cité de la musique — 2013-05-14

Chamber Orchestra of Europe

Semyon Bychkov, direction musicale

Métamorphoses, Richard Strauss

Lisa Batiashvili, violon

Concerto pour violon nº2 (Prokofiev)

Valse (Chostakovitch)

Symphonie nº41 en ut majeur “Jupiter”, KV 551 (Mozart)

Ce n'est pas le meilleur concert du Chamber Orchestra of Europe auquel j'aie assisté. Contrairement à ma première audition de cette œuvre, cette interprération des Métamorphoses de Richard Strauss m'a procuré un certain plaisir, mais j'ai le sentiment que cela aurait pu être mieux, l'engagement habituel du COE ne semblant présent que par moments. (J'espère que ce sera mieux à Edimbourg quand cette œuvre, associée de façon intéressante à la Troisième Symphonie de Beethoven, sera dirigée par Yannick Nézet-Séguin.) En revanche, je n'ai aucune réserve sur le Concerto pour violon nº2 de Prokofiev interprété par Lisa Batiashvili ! Absolument magnifique ! Après l'entr'acte, je me suis malheureusement ennuyé à l'écoute de la 41e symphonie de Mozart “Jupiter”. Dirigeant sans partition, le chef Semyon Bychkov me donnait parfois curieusement l'impression d'être en retard sur l'orchestre. J'admire cependant le professionnalisme d'un des violonistes de l'orchestre qui après que sa partition se fut volatilisée suite à une tourne périlleuse parvint néanmoins à jouer de mémoire la fugue placée à la fin de la symphonie !

Auditorium du Musée Guimet — 2013-05-17

Shahid Parvez Khan, sitar

Nihar Mehta, tabla

Ce concert de Shahid Parvez Khan fut très différent de celui qu'il avait donné au Théâtre de la Ville en 2011. Celui-ci a été en quelque sorte plus extraverti. Sans prendre beaucoup de temps pour développer le raga (dont il n'a d'ailleurs pas annoncé le nom), il s'est lancé très rapidement dans de très virtuoses improvisations. J'aime moins, mais cela a néanmoins été un concert très agréable.

Opéra Bastille — 2013-05-18

Torsten Kerl, Siegfried

Evgeny Nikitin, Gunther

Peter Sidhom, Alberich

Hans-Peter König, Hagen

Petra Lang, Brünnhilde

Edith Haller, Gutrune, Dritte Norn

Sophie Koch, Waltraute, Zweiter Norn

Wiebke Lehmkuhl, Erste Norn, Flosshilde

Caroline Stein, Woglinde

Louise Callinan, Wellgunde

Philippe Jordan, direction musicale

Günter Krämer, mise en scène

Jürgen Bäckmann, décors

Falk Bauer, costumes

Diego Leetz, lumières

Otto Pichler, chorégraphie

Stefan Bischoff, création images vidéo

Patrick Marie Aubert, chef du chœur

Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris

Götterdämmerung, Wagner (répétition générale)

Grâce à Olivier, j'ai pu assister à la répétition générale du Crépuscule des Dieux à l'Opéra Bastille dans la production que je n'avais pas vraiment aimée il y a deux ans. Si quelques couacs se faisaient entendre dans l'orchestre (ce n'était qu'une répétition), j'ai passé un moment plutôt agréable. Cela dit, il n'y a désespérement pas de théâtre dans cette mise en scène. Je n'en ai vu que dans le deuxième acte, et ce uniquement dans le personnage de Brünnhilde auquel Petra Lang est parvenue à donner vie.

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-05-21

Orchestre de chambre de Paris

François Leleux, direction, hautbois

Music of Gaity dal "Fitzwilliam Virginal Book" (Maderna)

Deborah Nemtanu, violon et direction

Concerto pour violon nº5 en la majeur, KV 219 (Mozart)

Introduction, thème et variations pour hautbois et orchestre op. 102 (Hummel)

Symphonie nº4 “Tragique” en ut mineur (Schubert)

Plus d'un mois après ce concert, j'en retiens deux choses. Premièrement, comme les Parisiens sont chanceux de pouvoir entendre à quelques jours d'intervalle des violonistes aussi incroyables que Leonidas Kavakos, Lisa Batiashvili ou Akiko Suwanai ; ce soir-là, il fallait si j'ose dire se contenter de Deborah Nemtanu, dont j'ai aimé l'interprétation du Concerto pour violon nº5 de Mozart. Deuxièmement, si François Leleux est un fabuleux hautboïste, c'est également un superbe chef d'orchestre. Suivant les chefs invités à diriger l'Orchestre de chambre de Paris, j'ai eu des impressions toutes différentes, parfois très négatives, parfois très positives. Pendant la Symphonie nº4 de Schubert, c'était pour le meilleur que le chef et l'orchestre étaient réunis.

Cité de la musique — 2013-05-23

Les Dissonances

Xavier Phillips, violoncelle

Trois strophes sur le nom de Sacher pour violoncelle solo (Dutilleux)

David Grimal, direction artistique, violon solo

David Gaillard, alto solo

Variations on a Theme of Frank Bridge op. 10 (Britten)

Lachrymae, Réflexions sur un chant de Dowland op. 48a (Britten)

Adagio pour cordes op. 11 (Barber)

Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussions (Bernstein)

Si j'ai été heureux d'entendre l'altiste David Gaillard jouer Britten et de voir l'orchestre des Dissonances dans la Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussions de Bernstein, je retiens surtout le souvenir de l'émerveillement procuré par le violoncelliste Xavier Phillips qui a fabuleusement défendu les Trois strophes sur le nom de Sacher de Dutilleux, une œuvre insérée au programme pour rendre hommage au compositeur décédé la veille.

Ailleurs : Bladsurb.

Centre Mandapa — 2013-05-24

Nancy Boissel, Estelle Guihard

Sowri Rajan/David Ramsamy, ghatam, morsing

Estelle Guihard, mise en scène

Marie de La Bellière, accessoires, régie

L'Homme Semence, d'après le texte de Violette Ailhaud

Après la répression faisant suite au soulèvement républicain contre le coup d'état de Napoléon III, tous les hommes d'un village du Sud de la France ont disparu. Les femmes se retrouvent seules. Elles décident d'un pacte : le prochain homme qui entrera au village serait le mari de toutes, l'homme semence. Au bout de deux ans, un homme s'approche. Violette Aillhaud est la femme qu'il a regardée en premier.

Cette pièce de théâtre met en scène la narratrice, jouée par Estelle Guihard. Certains actes et émotions du personnage sont illustrés par les mouvements de Nancy Boissel (dont j'ai déjà pu apprécier les qualités de danseuse de bharatanatyam). Une musique utilisant des instruments du Sud de l'Inde fournit une atmosphère sonore à cette pièce : le ghatam (une sorte de cruche) et le morsing (guimbarde).

Je vais très rarement au théâtre, mais j'ai beaucoup aimé cette pièce. Les accessoires et costumes sont sobres, mais sont utilisés d'une façon très juste. Le moment qui m'a le plus passionné fut le solo de danse de Nancy Boissel sur le thème de l'Amour au moment où la narratrice et l'homme sont unis. Ce passage empruntait à la danse bharatanatyam non seulement des gestes mais aussi une manière d'aborder ce thème, et pourtant les mouvements utilisés étaient parmi les plus universellement compréhensibles qui soient. Ce solo fut pour moi un superbe moment de danse, aussi émouvant qu'intéressant.

Opéra Comique — 2013-05-28

Ensemble Ictus

Georges-Elie Octors, direction musicale

Prélude à l'après-midi d'un faune (Debussy, arrangement de Benno Sachs pour douze instruments, accompagné du film de Thierry De Mey, Prélude à la Mer, avec Cynthia Loemij et Mark Lorimer, dans une chorégraphie d'Anne Teresa De Keersmaeker)

Valse³, une cour impérale vers 1885, d'après La Valse de Maurice Ravel (Frédéric Verrières)

Marianne Pousseur, soprano

François Deppe, direction musicale

Pierrot lunaire, pour voix et cinq instruments, op. 21, Schönberg

Ce concert a été pour moi une déception. Le Prélude à l'après-midi d'un faune m'a procuré moins de plaisir que ne l'a fait un orchestre amateur, et ce alors-même que l'interprétation de l'ensemble Ictus était associée à la projection d'un film montrant la chorégraphie d'Anna Teresa De Keersmaeker (qui ne m'a pas du tout passionné). Si j'avais aimé The Second Woman de Frédéric Verrières, j'ai vraiment eu l'impression que sa Valse³ d'après Ravel était une vaste plaisanterie... En deuxième partie, j'ai cependant apprécié Marianne Pousseur dans Pierrot lunaire de Schönberg (et cela aurait été encore mieux si le concert avait été surtitré).

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-05-30

Ballet et Orchestre du Théâtre Mariinsky

Valery Gergiev, direction musicale

Vaslav Nijinsky, chorégraphie (1913)

Millicent Hodson, Kenneth Archer, reconstitution de la chorégraphie, des décors et des costumes

Le Sacre du Printemps, Stravinski

Sasha Waltz, chorégraphie (2013)

Bernd Skodzig, costumes

Pia Maier Schriever, Sasha Waltz, décors

Thilo Reuther, lumières

Le Sacre du Printemps, Stravinski

Ce spectacle du Ballet du Théâtre Mariinsky comportait deux versions du Sacre de Printemps. La première est une tentative de reconstitution de la version d'origine de Nijinsky par Millicent Hodson et Kenneth Archer. L'animateur du Forum Dansomanie, Haydn signalait sur Twitter que lors d'une conférence au Théâtre des Champs-Élysées, les chorégraphes expliquaient qu'il ne restait rien de la chorégraphie de Nijinsky et qu'ils revendiquaient l'entière paternité de la chorégraphie présentée... En tout cas, je dois avouer m'être ennuyé pendant la réprésentation de ce ballet. J'ai été bien davantage intéressé par la version de Sasha Waltz présentée après l'entr'acte, quoiqu'en la visionnant on ne peut s'empêcher de remarquer les références à la version de Pina Bausch.

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Planning de juillet 2013

2013-07-01 14:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Planning

Cet été, très exceptionnellement, je ne voyagerai pas en Inde. À la place, je visiterai quelques villes où se déroulent des festivals de musique. J'ai d'ailleurs déjà commencé en juin avec les journées Wagner à Budapest. J'irai ainsi à Montpellier pour le festival de Radio France, puis à Salzbourg en passant par Munich, et enfin à Edimbourg, mais ce sera déjà le mois d'août. Voici donc le programme inhabituellement chargé de mon mois de juillet :

  • 2 juillet 2013 (Opéra Garnier) : Suite à la loterie puis à la valse des distributions, il semblerait que ce sont Evgenia Obraztsova et Mathias Heymann que je verrai à l'Opéra Garnier dans les rôles principaux de La Sylphide, un ballet reconstitué par Pierre Lacotte (dont j'avais beaucoup aimé la Coppélia). D'après les échos des premières représentations, ce serait plutôt une très bonne pioche...
  • 4 juillet 2013 (Opéra Bastille) : Je n'ai encore jamais vu de ballet de Carolyn Carlson. Signes sera le premier.
  • 7 juillet 2013 (Centre Mandapa) : Il est possible que j'assiste au récital de bharatanatyam de Virginie et Marianne, élèves de Vidya, mais peut-être irai-je plutôt assister aux spectacles de danse Place Stalingrad dans le cadre des festivités du Ratha Yatra, organisé semble-t-il par l'ISKCON à Paris. Le vrai Ratha Yatra a lieu à Puri (Odisha)...
  • 18 juillet 2013 (Centre Mandapa) : Deux danseuses de styles différents, Ujjaini Sharma (bharatanatyam) et Hakilée Tula (kathak) partagent l'affiche de ce récital.
  • 20 juillet 2013 (Corum, Montpellier) : Au programme de ce premier concert montpelliérain, il y aura notamment la sonate pour violon et piano en la bémol mineur de Janáček interprétée par la pianiste Natalia Pegarkova et le violoniste Michael Barenboim.
  • 20 juillet 2013 (Cathédrale de Montpellier) : Malgré des visites régulières à Montpellier, je n'ai jamais visité la cathédrale. J'y assisterai à un concert de musique médiévale de la Maîtrise de Radio France dirigée par Sofi Jeannin : Le Livre Vermeil de Montserrat.
  • 21 juillet 2013 (Corum, Montpellier) : La raison de ma visite à ce festival est ce concert au Corum de l'Orchestre National de France dirigé par Bernard Haitink. J'y entendrai le Concerto pour orchestre de Bartók et la Troisième Symphonie de Beethoven ! J'espère que Maria Chorokoliyska, ma contrebassiste préférée, sera présente !
  • 22 juillet 2013 (Corum, Montpellier) : Avant de reprendre le train, un dernier concert de musique de chambre avec le violoncelliste Narek Hakhnazaryan et la pianiste Marianna Shirinyan.
  • 24 juillet 2013 (Théâtre des Bouffes du Nord) : Je me réjouis de revoir Une flûte enchantée de Peter Brook aux Bouffes du Nord à l'occasion de la reprise de cette production créée en 2010.
  • 26 juillet 2013 (National Theater, Munich) : Avant d'aller à Salzbourg, je passerai une journée à Munich où je découvrirai l'Opéra d'État de Bavière à l'occasion d'une représentation de Boris Godounov, mis en scène par Calixto Bieito.
  • 27 juillet 2013 (Haus für Mozart, Salzbourg) : J'avais complètement oublié que Rolando Villazón était dans la distribution de ce Lucio Silla au Festival de Salzbourg. J'espère qu'il sera en bonne forme vocale. J'y vais surtout pour entendre Les Musiciens du Louvre-Grenoble dirigés par Marc Minkowski.
  • 28 juillet 2013 (Mozarteum Großer Saal, Salzbourg) : Quel drôle de programme (matinal) que celui-ci qui juxtapose des œuvres de Mozart et la symphonie Pastorale de Beethoven. J'espère que le chef hongrois Ádám Fischer fera un aussi bon travail qu'avec l'orchestre de la radio hongroise lors du festival Wagner à Budapest... (Non, je ne l'espère pas vraiment : je souhaite simplement ne pas être trop déçu par ce concert...)
  • 28 juillet 2013 (Großes Festspielhaus, Salzbourg) : Voici le concert qui justifie le déplacement à Salzbourg. Je crois n'avoir entendu qu'une seule fois Les Saisons de Haydn en concert, mais j'en garde un souvenir émerveillé. Il est permis de penser a priori que cette version sera encore plus merveilleuse puisque ce sera pour moi l'occasion d'entendre pour la première fois les Wiener Philharmoniker, qui seront dirigés par Nikolaus Harnoncourt !
  • 29 juillet 2013 (Haus für Mozart, Salzbourg) : Je l'avoue, si je vais à cette représentation de Falstaff (Verdi), c'est pour pouvoir dire que j'ai assisté à un concert dirigé par un chef d'orchestre indien, en l'occurence Zubin Mehta. Et aussi, pour rire un peu de cette joyeuse farce...
  • 30 juillet 2013 (Cuvilliéstheater, Munich) : Récemment, le quatuor Schumann a remporté le premier prix du concours de Bordeaux. Manque de chance, c'est pour le Schumann Quartett München que j'avais réservé une place, et celui-là a semble-t-il choisi son nom en référence au compositeur abhorré plutôt qu'en référence au nom de famille des musiciens comme celui-ci. Heureusement, lors de ce concert faisant partie d'un festival de musique de chambre à Munich, ils joueront Dvorák, Britten et Brahms !
  • 31 juillet 2013 (National Theater, Munich) : Pour terminer le mois de juillet, j'assisterai à la toute dernière représentation de Parsifal dirigée par Kent Nagano en tant que chef de l'orchestre de l'Opéra d'État de Bavière. J'y retrouverai Petra Lang que j'ai déjà entendue à Budapest dans le rôle de Kundry. (Cette représentation sera un peu sportive pour moi puisque ce n'est qu'après avoir payé 17€50 que je me rendis compte que j'avais réservé une Stehplatz...)

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Hófehérke és a 7 törpe

2013-06-18 09:59+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Budapest

Magyar Állami Operaház, Budapest — 2013-06-13

Boros Ildikó, Hófehérke

Pazár Krisztina, Mostoha

Oláh Zoltán, Királyfi

Cserta József, Vadász

Bajári Levente, Banya

Balogh Béla, Tudor

Nagyszentpéteri Miklós, Vidor

Katona Bálint, Szende

Hommer Csaba, Szundi

Várkonyi Zoltán, Hapci

Solti Csaba, Morgó

Szegő András, Kuka

Bedő Dorisz, Riedl Ágnes, Vdovicheva Tatjana, Szörnyecskék

Csányi Valária, direction musicale

Kocsák Tibor, musique

Ifj. Harangozó Gyula, adaptation du conte des frères Grimm, chorégraphie et mise en scène

Rujsz Edit, assistante de la chorégraphe

Rujsz Edit, Fajth Blanka, maîtres de ballet, répétitions

Kemény Gábor, Bíró Rudolf, orchestration

Kentaur, décors

Rita Velich, costumes

Hófehérke és a 7 törpe, Táncjáték két felvonásban.

J'étais tellement pressé de sortir de l'aéroport de Budapest pour rejoindre la ville que j'ai oublié de récupérer ma valise sur le tapis roulant. On m'a heureusement permis de rebrousser chemin très rapidement, et arrivé à l'appartement que je louais, j'ai eu le temps de faire des provisions pour le week-end, acheter un CD Bartók de l'extraordinaire chœur Cantemus et le premier volume des Játekok de György Kurtág avant de me rendre au Magyar Állami Operaház pour assister à une représentation du ballet Hófehérke és a 7 törpe (Blanche-Neige et les Sept Nains). Je suis ressorti assez enchanté par ce programme de ballet, particulièrement bien pensé pour les enfants, jusques aux figurines autocollantes des personnages du ballet apparaissant dans le programme vendu pour la modique somme de 700 forints (moins de 3€). Faisant penser à Prokofiev (en moins bien), la musique de Tibor Kocsák est plutôt plaisante à l'écoute et comporte quelques moments spectaculaires. Elle inclut des motifs très reconnaissables comme celui des Sept Nains, dont le public, à force de l'entendre, marque le rythme en battant des mains. Certains passages me donnent une étrange impression de déja entendu, sans que je puisse identifier les thèmes d'origine dont le compositeur s'est inspiré pour élaborer ses propres développements. L'orchestre dirigé par Valária Csányi m'a fait une bonne impression.

La chorégraphie de Gyula Harangozó n'est pas très exaltante : la danse est pour ainsi dire réservée aux personnages féminins, tous les deux interprétés de façon convaincante : Blanche-Neige (Ildikó Boros) et la marâtre (Krisztina Pazár). Le Prince (Zoltán Oláh) danse bien un peu avec elles, mais le rôle est assez décoratif. Le Chasseur (József Cserta) danse beaucoup, mais ses pas et sauts sont peu variés et les sentiments ambigus du personnages me resteront assez obscurs jusqu'au bout. Un danseur fait cependant des étincelles, c'est András Szegő qui interprète le rôle de Kuka (Simplet), le seul des nains dont le rôle ne se réduise pas à de la pantomime. Le moment le plus délicieux du ballet est sans doute celui où le Prince, alors qu'il danse avec la marâtre, aperçoit Blanche-Neige et ne regarde plus qu'elle tout en évitant d'éveiller les soupçons de la marâtre.

La grande qualité de ce ballet réside dans sa composante narrative, magnifiée par une extraordinaire scénographie utilisant de nombreux décors !

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Planning de juin 2013

2013-06-01 08:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Mathématiques — Planning

Voici mon programme pour le mois de juin :

  • 2 juin 2013 (Salle Pleyel) : Rediffusion partielle d'un concert de l'Orchestre Colonne que j'avais beaucoup apprécié.
  • 2 juin 2013 (59 Rivoli) : Ma prof de chant dhrupad chante dans l'octuor Célinn et l'Arbre des Songes dans un programme qui comportera d'authentiques compositions de dhrupad.
  • 3 juin 2013 (Opéra Garnier) : Je retourne voir une troisième fois ce programme Béjart/Nijinski/Robbins/Jalet/Cherkaoui afin de voir Myriam Ould Braham dans le rôle de la nymphe d'Afternoon of a Faun de Robbins...
  • 6 juin 2013 (Salle Pleyel) : J'ai hâte de revoir le chef Yutaka Sado, et d'entendre pour la première fois le pianiste Boris Berezovsky dans ce programme de l'Orchestre de Paris et du chœur qui lui est associé.
  • 8 juin 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : Le War Requiem Britten dirigé par Andris Nelsons !
  • 13 juin 2013 (Magyar Állami Operaház) : Direction Budapest. Avant le week-end wagnérien, le ballet Hófehérke és a 7 törpe (Blanche-Neige et les Sept Nains) à l'Opéra National Hongrois. (À 20€ le troisième rang du parterre plein centre, il serait dommage de s'en priver...)
  • 14 juin 2013 (Művészetek Palotája, Budapest) : Parsifal avec un belle distribution de chanteurs, l'orchestre symphonique de la radio hongroise dirigé par Fischer Ádám tout comme lors du superbe Ring auquel j'avais assisté en 2012.
  • 15 juin 2013 (Művészetek Palotája, Budapest) : Le lendemain, la même équipe jouera Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg que j'entendrai pour la première fois.
  • 18 et 19 juin 2013 (Salle Pleyel) : Les deux derniers concerts de la superbe série de musique de chambre de Brahms à Pleyel se termine avec le quatuor Jerusalem, l'altiste Amihai Grosz et le pianiste Ohad Ben Ari.
  • 20 juin 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : J'irai voir Anna Caterina Antonacci dans le rôle-titre de Pénélope de Fauré. Il y aura aussi Roberto Alagna dans le rôle d'Ulysse : je me réjouis donc du fait qu'il s'agisse d'une version de concert de cet opéra.
  • 22 juin 2013 (14h30) (Amphithéâtre Hermite, Institut Henri Poincaré) : Début janvier, j'ai reçu un message de Nicolas Bourbaki m'invitant à faire un exposé sur la conjecture de Bloch-Kato, d'après M. Rost et V. Voevodsky (qui a obtenu la médaille Fields en 2002 pour des travaux antérieurs sur un cas particulier de cette conjecture). Les vingt premières minutes de mon exposé devraient être à peu près compréhensibles... par des mathématiciens professionnels (et encore, dès la deux- ou troisième phrase, il y aura des groupes de Galois, ce qui exclura assez rapidement les non-algébristes...).

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Le vite dit d'avril 2013

2013-04-08 23:38+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne

J'ai déjà eu l'occasion de revenir sur les concerts des Solistes des Berliner Philharmoniker. Les fabuleux concerts de l'Orchestre de Paris avec Leonidas Kavakos (concerto de Sibelius) feront l'objet d'un prochain billet. En attendant, voici le vite dit d'avril, récapitulant mes impressions sur les autres spectacles vus au cours du mois :

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-04-04

Luc Héry, violon solo

Orchestre national de France

David Afkham, direction

Atmosphères, György Ligeti

Till Fellner, piano

Concerto pour piano nº3 et ut mineur op 37 (Beethoven)

Roméo et Juliette, extraits (Prokofiev)

Mes dernières expériences de spectateur avec l'Orchestre National de France dataient d'il y a deux ans et étaient très contrastées. Ce concert m'a réconcilié avec cet orchestre et permis d'entendre Maria Chorokoliyska, la merveilleuse contrebassiste solo de l'orchestre dont l'engagement est impressionnant. Elle me consolerait presque de la retraite prise par Bernard Cazauran de l'Orchestre de Paris. Si j'ai pu la voir, c'est en raison des bruyants scolaires qui m'ont gâché l'audition de Atmosphères de Ligeti : entre deux œuvres, le temps que le piano soit installé, je me suis replacé du côté opposé ce qui me permit de voir les contrebasses, et de ne pas en détourner mon regard, mon cou douloureux étant immobilisé par un torticolis...

Je me suis amusé de ce que le troisième concerto pour piano de Beeethoven commence par les trois mêmes notes que le thème de l'Offrande musicale (do-mi♭-sol). L'orchestre était tellement agréable à écouter que j'ai été surpris par l'entrée du piano... Les extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev furent irrésistible ! Le chef David Afkham s'est même offert la fantaisie de se recoiffer pendant La Mort de Tybalt.

Le concert était précédée d'une Appoggiature animée par Clément Lebrun et agrémentée d'extraits musicaux joués par les musiciens de l'orchestre. Il est suffisamment rare que l'on parle de musique (et pas uniquement des musiciens) pendant les exposés musicologiques précédant certains concerts pour que ce soit signalé.

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2013-04-06

Blandine Rannou, clavecin

Variations Goldberg, BWV 988, Johann Sebastian Bach.

J'ai été très déçu par ce concert. L'Aria des Variations Goldberg m'a paru tellement interminable que je me demandais si l'interprète cherchait à battre un record de lenteur. L'interprétation de Blandine Rannou a en effet duré un peu moins d'une heure quarante (à comparer aux 1h18 de Pierre Hantaï, 1h24 d'Evgeni Koroliov et aux 37 minutes de Glenn Gould en 1959). D'une part, la lenteur n'aide pas à maintenir l'attention des spectateurs (j'ai faibli autour de la vingtième des trente variations) ; d'autre part, plus on joue lentement plus les couacs se font entendre distinctement. Il y en a eu un certain nombre... Le plus frappant est intervenu au début de la 14e variation : après une ou deux mesures, l'interprète est tout simplement revenue au début. Si j'ai pris assez peu de plaisir pendant ce concert, j'ai toutefois trouvé que la 23e variation avait été jouée de façon vraiment remarquable. Étrangement, un spectateur a lancé un Bravo à la fin de la 25e ; pensait-il que le concert était terminé ? À partir de ce moment-là, des spectateurs inquiets de la durée imprévue du concert ont commencé à s'enfuir un peu bruyamment pour rejoindre l'autre salle de la Cité de la musique où le concert suivant du Marathon Bach allait commencer...

Centre Mandapa — 2013-04-11

Aurélie Oudiette, danse kathak

Pandit Jaikishan Maharaj, Isabelle Anna, chorégraphies

J'ai décidé au dernier moment d'aller voir ce récital d'Aurélie Oudiette et je ne l'ai pas regretté ! Depuis un récital d'Isabelle Anna et Anuj Mishra, j'espérais voir un récital de kathak résolument tourné vers la narration, une composante de la danse privilégiée par les interprètes féminines. Cet espoir a été exaucé. La première pièce Vandaran Shantha Vishnu représentait Vishnu et Lakshmi et comportait certainement le plus beau visuel du récital avec la représentation de Vishnu couché sur le serpent Shesha, l'accent était particulièrement mis sur l'épithète Padmanabha indiquant que de son nombril émerge un lotus (sur lequel se tient Brahma). Les mouvements ondulatoires des mains qui semblent assez utilisés dans la danse pure en kathak trouvent ici une merveilleuse expression quand il s'agit d'évoquer le cordon ombilical ou la tige de ce lotus. Cette pièce comme la plupart des autres était enchaînée à des passages de danse pure sur une musique rythmique (parfois solfiée) sur des cycles variés (Tîntal, Japtal, Chautal). La pièce suivante a évoqué Krishna (tenant le mont Govardhana à la force d'un seul doigt ou portant le disque). Un changement de costume est intervenu avant la deuxième partie du récital d'inspiration moghole, plus tournée vers la séduction que les thèmes sacrés. Une pièce mettra ainsi en scène une courtisane, une autre évoquera les amours de Krishna et Radha et enfin une troisième évoquera une femme espiègle et séductrice qui insupporte son mari en faisant tinter ses bracelets. Le récital s'est terminé avec une pièce de danse pure dans laquelle Isabelle Anna prononçait les syllabes rythmiques sur lesquelles les mouvements de la danseuse s'appuyaient. Le cycle rythmique était Chautal (12 temps). Si les temps forts étaient au début marqués de façon très nette, avec une virtuosité d'autant plus grande que l'on s'approchait de la fin des cycles rythmiques, les développements successifs ont mis en lumière des variations très complexes et nettement moins évidentes à suivre !

Salle Pleyel — 2013-04-13

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº15 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº8 “Razumovski” (Beethoven)

Salle Pleyel — 2013-04-14

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº11 “Quartetto serioso” (Beethoven)

Quatuor à cordes nº10 “Les Harpes” (Beethoven)

Quatuor à cordes nº6 (Beethoven)

Salle Pleyel — 2013-04-14

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº9 “Razumovski” (Beethoven)

Quatuor à cordes nº13 (Beethoven)

Grande Fugue, op. 133 (Beethoven)

J'ai assisté à ces trois premiers concerts de l'intégrale Beethoven par le quatuor Hagen. J'en ressors émerveillé par la variété de la production du compositeur en la matière. Le quatuor Hagen m'a tout particulèrement ému pendant les mouvements lents, comme la première moitié Adagio du quatrième mouvement du Quatuor nº6 ou le Molto Adagio du Quatuor nº8 “Razumovski”. Lors du premier concert, j'ai été bluffé par l'unité du quatuor que je n'ai plus vraiment regardé, mais seulement écouté comme s'il s'agissait d'un unique instrument.

Une partie public s'est montré particulèrement grossière lors du concert du samedi soir. Les tousseurs sont une plaie. On peut presque s'estimer heureux quand les toux se concentrent entre les mouvements ; c'est un moindre mal. Cependant, il est inacceptable qu'à la fin d'un mouvement lent les hordes de toux se déclenchent sur le silence de fin alors que les archets des musiciens sont encore en contact avec les cordes... Le concert du dimanche matin s'est passé dans de bonnes conditions, mais la première moitié de celui de l'après-midi m'a été rendue insupportable par les ronflements du spectateur situé derrière moi, et ce pendant toute la durée du quatuor nº9 “Razumovski”. Replacé à l'arrière-scène pour le quatuor nº13, j'ai pour la première fois entendu le bruit de fond de la salle Pleyel. C'est un bruit irrégulier assez déplaisant (ventilation, canalisations, appareils électronico-mécaniques ?). D'après mes expérimentations plus récentes en Salle Pleyel, cela ne s'entend que depuis l'arrière-scène pendant les passages les plus doux.

Opéra Garnier — 2013-04-14

Jochen Schmeckenbecher, Peter

Irmgard Vilsmaier, Gertrud

Daniela Sindram, Hänsel

Anne-Catherine Gillet, Gretel

Anja Silja, Die Knusperhexe

Elodie Hache, Sandmännchen

Olga Seliverstova, Taumännchen

Claus Peter Flor, direction musicale

Mariame Clément, mise en scène

Julia Hansen, décors et costumes

Philippe Berthomé, éclairages

Mathieu Guilhaumon, chorégraphie

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris

Hänsel und Gretel, Humperdinck

La musique de Humperdinck sauve cette soirée. Le compositeur a manifestement bien écouté Wagner dont quelques effets orchestraux sont réutilisés dans Hänsel et Gretel. Parfois, j'ai presque eu l'impression d'entendre des citations de Wagner. Le problème de cette production est que les conceptrices du spectacle n'ont pas tenu du compte du fait que l'Opéra Garnier était un théâtre à l'italienne. N'ayant vu que les deux-tiers de gauche de la scène, il m'a néanmoins semblé que la mise en scène de Mariame Clément fait des aventures des deux enfants un rêve dans lequel leur mère (ou belle-mère ?) apparaît en sorcière. Pourquoi pas, mais visuellement sans être affreux, tout est assez laid et la réalisation n'est pas très convaincante. Les chanteurs, comédiens et figurants (doublant ou triplant les personnages) sont comme enfermés dans les compartiments du décor à deux étages. La seule scène que j'ai trouvée assez bien faite a été celle où Hänsel et Gretel commencent à manger la maison en pain d'épices de la sorcière, mais j'ai ressenti comme un décalage entre l'intellectualisation de l'histoire sous forme de rêve et le style un peu naïf de certains décors ou costumes. Bref, tout cela n'est pas très enthousiasmant...

Salle Pleyel — 2013-04-16

Orchestre Colonne

Laurent Petitgirard, direction

Traverses (Prodromidès)

Viktoria Kogan, direction

Variations sur un thème de Paganini (Rachmaninov)

Symphonie nº5 (Tchaikovski)

Encore un magnifique concert de l'Orchestre Colonne. L'œuvre contemporaine, choisie avec goût comme toujours avec cet orchestre, était de Prodrominès. Elle alterne passages de tension et passages de relâchement. J'apprécie ensuite l'étendue du talent de la pianiste Viktoria Kogan dans les Variations sur un thème de Paganini de Rachmaninov. Après l'entr'acte, l'orchestre s'est déchaîné dans la Cinquième symphonie de Tchaikovski dont j'ai particulièrement apprécié les trois derniers mouvements. Pendant tout le concert, un musicien de l'orchestre m'a sidéré : un grand bravo au clarinettiste !

Opéra Garnier — 2013-04-17

Élèves de l'école de danse de l'Opéra

Orchestre des Lauréats du Conservatoire

Marius Stieghorst, direction musicale

Jean-Philippe Rameau, musique (extrait des Indes Galantes, 1735)

Béatrice Massin, Nicolas Paul, chorégraphie

Olivier Bériot, costumes

Madjid Hakimi, lumières

Valentin Chou

D'ores et déjà

Charles Gounod, musique (extrait de l'acte V de Faust, 1859)

Claude Bessy, chorégraphie d'après Léo Staats

Madjid Hakimi, lumières

Roxane Stojanov, Hélène

Nine Seropian, Cléopâtre

Awa Joannais, Phrynée

Camille Bon, Aspasie

Clara Spitz, Laïs

La Nuit de Walpurgis

Maurice Pacher, musique

Jacques Garnier, chorégraphie (1979) réglée par Wilfried Romoli

Christian Pacher, accordéon diatonique

Gérard Baraton, accordéon chromatique

Marin Delavaud, Julien Guillemard, Pablo Legasa

Aunis

Gioacchino Rossini, musique (Sonate nº1 en sol majeur, extraits des Sonates nº3 en do majeur, nº4 en si bémol majeur, nº5 en mi bémol majeur pour cordes, 1804)

Jean-Guillaume Bart, chorégraphie (2000)

Philippe Binot, costumes

François-Éric Valentin, lumières

Péchés de jeunesse

Plutôt que des ballets narratifs comme Coppélia ou Piège de lumière présentés ces dernières années par les élèves de l'école de danse dans des programmes comportant aussi des pièces moins classiques ou néo-classiques, on n'aura vu dans ce programme que des pièces de danse pure, certes fort bien exécutées, mais qui me laissent globalement assez indifférent. D'ores et déjà est une pièce pour garçons : comme exercice d'appropriation du langage de la danse baroque pour les élèves, elle est intéressante, mais en tant que ballet présenté dans un spectacle, elle manque singulièrement de consistance... Les filles s'illustrent par le placement et quelques variations dans La Nuit de Walpurgis. Seul Aunis me convainc par l'engagement des trois danseurs et des deux accordéonistes dans cette pièce très vive. Malgré tout le bien que je pense de Jean-Guillaume Bart en tant que chorégraphe pour la La Source, je n'ai pas été excessivement enthousiasmé par les balanchiniens Péchés de jeunesse. On y voit des couples de danseurs, qui s'illustrent dans des pas de deux comportant des portés, mais il ne suffit pas qu'un homme et une femme se rencontrent pour qu'un ballet raconte une histoire...

Salle Pleyel — 2013-04-18

Académie du Chœur de l'Orchestre de Paris

Lionel Sow, direction

Margot Modier, piano

Pauline Amar, Charlotte Bozzi, Sterenn Gourlaouen, Lauriane Launay, Anne-Sophie Petit, Juliette Rennuit, Marion Trigo, Louise Vanderlynden, sopranos

Lola Dauthieux, Julie Nemer, Sarah-Léna Winterberg, altos

Maxence Douez, ténor

Timothée Sonnier, basse

Spanisches Liederspiel, op. 74, nº1, nº3, nº8(Schumann)

Drei sweistimmige Lieder, op. 43 (Schumann)

Zwölf Gedichte aus “Liebesfrühling” (Rückert) (Schumann)

Lieder-Album für die Jugend, op. 79, nº9, nº15, nº18, nº20, nº24 (Schumann)

Drei Lieder, op. 114, nº2 (Schumann)

Sommerruh, WoO7 (Schumann)

Mädchenlieder, op. 103 (Schumann)

Drei Gedichte nach Emanuel Geibel, op. 29, nº1, nº2 (Schumann)

En prélude au concert de l'Orchestre de Paris avait lieu le premier concert de l'Académie du Chœur de l'Orchestre de Paris dirigé par Lionel Sow. Bien que le programme fût 100% Schumann, une publicité plus importante n'aurait pas été superflue puisqu'à peine une cinquantaine de spectateurs ont assisté à ce beau concert de 12 chanteuses et 2 chanteurs.

Salle Pleyel — 2013-04-18

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Alondra de la Parra, direction

Capriccio espagnol, suite pour orchestre, op. 34 (Rimski-Korsakov)

Nikolaï Lugansky, piano

Concerto pour piano nº2 en fa mineur, op. 21 (Chopin)

Le Tricorne, suites orchestrales nº1 et nº2 (Manuel de Falla)

Danzón nº2 (Arturo Márquez)

Quelle idée saugrenue d'insérer un concerto de Chopin dans un tel programme ! Si j'ai aimé le deuxième mouvement du concerto, par le jeu varié de Lugansky et le doux accompagnement de l'orchestre, l'intérêt principal du concert venait des œuvres hispanisantes ou mexicaines. L'orchestre est dirigé par la jeune chef Alondra de la Parra. S'il n'y a rien de remarquable à ce que sa main droite batte régulièrement la mesure, il est plus singulier pour un chef que l'ensemble de son être paraisse à ce point animé par la musique que ses manifestations extérieures ne semblent qu'un prolongement d'une animation plus intérieure. La chef danse sur son estrade ! Si elle faisait du bharatanatyam, je dirais qu'elle est aussi douée en danse pure qu'en abhinaya, l'art de l'expression (dans lequel excelle aussi le chef Andris Nelsons). Quel regard ! Dans la deuxième partie du programme, l'orchestre se déchaîne, d'abord dans Le Tricorne, et surtout dans l'irrésistible Danzón nº2 d'Arturo Márquez.

Ailleurs : Paris — Broadway, Andante con anima, Palpatine.

Opéra Bastille — 2013-04-19

Gustav Mahler, musique

John Neumeier, chorégraphie, décor et lumières (1975)

Kevin Haigen, Victor Hughes, assistants du chorégraphe

Madjid Hakimi, réalisation lumières

Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris

Simon Hewett, direction musicale

Aline Martin, mezzo soprano

Alessandro Di Stefano, chef de chœur

Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris

Mathieu Ganio, Laëtitia Pujol

Vincent Chaillet, Alessio Carbone, Cyril Mitilian, Fabien Révillion, Florian Magnenet, Vincent Cordier

Charline Giezendanner, Muriel Zusperreguy, Eve Grinsztajn, Laura Hecquet, Nolwenn Daniel

Troisième Symphonie de Gustav Mahler

Il a fallu attendre le dernier tableau Ce que me conte l'amour pour j'apprécie véritablement ce spectacle grâce au superbe pas de deux entre Mathieu Ganio et Laëtitia Pujol. Alors que j'étais installé au fond du deuxième balcon, j'ai vu vers 19h29 un groupe de scolaires entrer. La très intelligente régie de l'Opéra a bien sûr coupé les lumières pour les empêcher de trouver leur place. Cela a complètement pourri les premières minutes du premier mouvement de la Troisième symphonie de Mahler, lequel a des proportions inquiétantes. Je n'ai pas accroché à cette musique. Je suis en effet écartelé entre diverses sensations contradictoires et simultanées : une oreille me signale une danse joyeuse, une autre des gloussements des instruments à vents, tandis qu'une marche militaire tente d'entraîner le corps entier dans une agitation martiale. Je n'avais pas vu l'entrée au répertoire de ce ballet de Neumeier en 2009, mais si je n'ai pas été émerveillé par ce ballet, j'ai trouvé que l'œuvre était bien montée, avec des danseurs qui semblent totalement investi dans leurs rôles abstraits. Parmi eux, Charline Giezendanner m'a paru particulièrement convaincante.

On dit parfois que le silence à la fin de Mozart est aussi de Mozart. Ce soir, le silence à la fin de Mahler n'était pas de Mahler. Même l'accord final ne lui appartenait plus. Je ne comprends pas qu'une proportion aussi importante du public soit aussi peu respectueuse de la musique pour applaudir un rideau en train de descendre...

Salle Pleyel — 2013-04-24

Académie de l'Orchestre de Paris

Ambroisine Bré, mezzo-soprano

Chloé Dufossez, flûte

Olivier Marger ou Aurélien Pascal, violoncelle

Mayoko Surayya Salloum, piano

Trois chansons madécasses pour flûte, mezzo, violoncelle et piano (Ravel)

Khoa-Nam Nguyen, Lev Bogino, violons

Issey Nadaud, alto

Rémi Carlon, violoncelle

Quatuor à cordes en la mineur, 1889 (Sibelius)

Salle Pleyel — 2013-04-25

Académie de l'Orchestre de Paris

Quatuor Tosca

Constance Ronzatti, Marc Desjardins, violons

Marine Gandon, alto

Armance Quéro, violoncelle

Quatuor à cordes en la mineur, op. 51 nº2 (Brahms)

Avant d'assister aux deux représentations du programme Ravel/Sibelius/Brahms de l'Orchestre de Paris, je suis allé aux deux courts concerts donnés en prélude mercredi et jeudi. J'ai été très convaincu de l'interprétation des chansons madécasses de Ravel dont le texte, à défaut d'être complètement intelligible, l'était davantage que lorsque j'avais entendu pour la première fois cette œuvre il y a quelques mois. Le violoncelliste m'a beaucoup plu, mais son nom me restera inconnu, puisque comme la semaine précédente, il y a des coquilles dans la fiche de distribution. Les jeunes musiciens interprétant le quatuor de Sibelius étaient convaincants, mais dans l'ensemble j'avais l'impression d'entendre trop le premier violon et le violoncelle au détriment du second violon et de l'alto qui avaient un très beau son. Le quatuor Tosca (qui n'était exceptionnellement féminin qu'aux trois quarts) est plus avancé et m'a fait passer un très bon moment, en particulier dans les premier et quatrième mouvements du quatuor à cordes op. 51 nº2 de Brahms.

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-04-26

Orchestre de chambre de Paris

Ivor Bolton, direction

Divertissement en fa majeur nº10 (Mozart)

Gidon Kremer, violon

Polonaise pour violon et orchestre en si bémol majeur (Schubert)

Konzertstück pour violon et orchestre en ré majeur (Schubert)

Maria Fedotova, flûte

Impromptu pour flûte, violon et orchestre à cordes (Sofia Gubaidulina/Schubert)

Andante et Rondo pour flûte et orchestre en ut majeur (Mozart)

Symphonie nº104 en ré majeur (Haydn)

Ce concert aurait été épouvantablement ennuyeux s'il n'y avait eu avant l'entr'acte l'adaptation pour flûte, violon et orchestre à cordes par la compositrice Sofia Gubaidulina de l'Impromptu en la bémol mineur op. 90 nº4 de Schubert et en fin de programme la symphonie nº104 de Haydn. J'ai beaucoup aimé la flûtiste Maria Fedotova qui passait parfois à la flûte alto dans l'œuvre de Gubaidulina/Schubert. La transcription de la première phrase pour la flûte plutôt que tout autre instrument me rappelait de façon amusante la Badinerie de Bach. Dans la symphonie nº104 de Haydn, j'ai aimé retrouver certains détails auxquels j'avais déjà goûté, mais d'autres ont été un peu noyés dans le volume orchestral. L'orchestre jusque là apathique jouait vraiment. J'eusse aimé qu'ils jouassent comme ça pendant tout le concert et de façon plus engagée encore dans cette symphonie, puisque cette nouvelle audition ne m'a pas procuré un plaisir plus grand qu'avec l'Orchestre des Concerts Gais. Cela faisait quatre ans que je n'avais pas vu le chef Ivor Bolton. Je vais sans doute attendre encore quelques années avant de retenter l'expérience...

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Planning de mai 2013

2013-05-03 21:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Planning

Voici mon programme de spectacles pour le mois de mai :

  • 4 et 25 mai 2013 (Opéra Garnier) : Je me souviens que lorsque j'avais visité l'exposition sur les Ballets russes à Garnier en 2010, j'avais remarqué parmi les objets montrés un petit bronze ayant appartenu à Leon Bakst représentant l'aigle Garuda, la monture de Vishnu. J'ignore si de l'intérêt pour l'Inde du décorateur de la première production de L'Oiseau de feu il subsiste quelque chose dans la version de Béjart. Trois autres courts ballets sont programmés dans cette soirée (que je verrai trois fois) : deux versions de L'Après-midi d'un Faune (Nijinski et Balanchine) et une nouvelle chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet pour le Boléro de Ravel.
  • 13 mai 2013 (Cité de la musique) : Voilà une soirée de musique de chambre très prometteuse... J'ai déjà eu l'occasion d'entendre la violoniste Akiko Suwanai. Je n'ai pour le moment entendu ni le clarinettiste Michel Portal ni le violoncelliste Henri Demarquette ni le pianiste Michel Dalberto, mais je me réjouis de les entendre tous dans diverses configurations culminant dans le Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen.
  • 14 mai 2013 (Cité de la musique) : Je n'avais pas beaucoup accroché aux Métamorphoses de Strauss la première fois que je les avais entendues. J'espère que ce programme du Chamber Orchestra of Europe pourra me faire changer d'avis. En revanche, je n'ai aucune raison de ne pas me délecter par avance du concerto pour violon nº2 de Prokofiev avec Lisa Batiashvili et de la 41e symphonie de Mozart !
  • 17 mai 2013 (Auditorium du Musée Guimet) : Serai-je autant émerveillé par le sitariste Shahid Parvez qu'il y a un an et demi ?
  • 18 mai 2013 (Salle Pleyel) : N'ayant exceptionnellement pas prévu de voyager en Inde cet été, ce Voyage express en Orient de l'Orchestre de Paris me servira de consolation.
  • 21 mai 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : Après un concert décevant de l'Orchestre de chambre de Paris dirigé par Ivor Bolton il y a quelques jours, j'espère retrouver cet orchestre en meilleure forme dans le répertoire dans lequel il est le plus convaincant, et ce avec des solistes enthousiasmants, Deborah Nemtanu (violon) et François Leleux (hautbois) !
  • 23 mai 2013 (Cité de la musique) : Les Dissonances joueront trois compositeurs en B (Britten, Barber, Bernstein) du XXe siècle.
  • 24 mai 2013 (Centre Mandapa) : L'Homme Semence, une pièce de théâtre à laquelle participe une de mes danseuses de bharatanatyam préférées.
  • 28 mai 2013 (Opéra Comique) : Sauf erreur de comptage, j'aurai en ce mois de mai 6 fois l'occasion d'entendre le Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy en concert. Bref, le thème du concert Faune n'est pas très original, mais j'espère être séduit par le film projeté pendant l'interprétation de cette œuvre et par les autres pièces musicales au programme (Pierrot lunaire de Schönberg, La Valse de Ravel revue par Frédéric Verrières).
  • 30 mai 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : Centenaire oblige, j'assisterai à la deuxième représentation parisienne du Ballet et Orchestre du Théâtre Mariinsky avec deux chorégraphies du Sacre du printemps de Stravinsky (Nijinski et Sasha Waltz). J'espère que le chef Valery Gergiev sera dans un bon jour...
  • 31 mai 2013 (Temple des Batignolles) : La dernière fois, l'Orchestre des concerts gais m'avait enthousiasmé dans le concerto pour violon de Tchaikovsky, et dans la Symphonie nº104 de Haydn il m'avait fait une meilleure impression qu'un orchestre professionnel ne l'a fait récemment dans cette même œuvre. Cette fois-ci, le programme sera constitué de musique française (Debussy, Fauré, Saint-Saëns), avec en outre l'Ouverture de La Fiancée du Tsar de Rimski-Korsakov.

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Surya et Vanishree au Centre d'animation de la Place des Fêtes

2013-04-07 16:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre d'animation de la Place des Fêtes — 2013-04-05

Surya & Vanishree, bharatanatyam

Kalaimmamani MK Saroja, chorégraphies

Muthuswamy Pillai, chorégraphie de Jatiswaram Mallika

Sangeeta Isvaran, chorégraphie de Bho Shambho

Vidya, adaptation des chorégraphies pour duo

Geneviève Motard, lecture des textes

Subramanyam Kautwam

Mathura Mathura

Jatiswaram Mallika

Netrandi Neretille

Bho Shambho

Yen Palli Kondir

Tillana Mohana

N'étant pas disponible pour la deuxième représentation de ce programme prévue au Centre Mandapa le 20 avril, j'ai fait la connaissance des escalators géants de la Place des Fêtes pour voir ce duo de bharatanatyam au Centre d'animation voisin. La présentation de ce spectacle est très soignée. Chaque pièce est introduite par une lecture convaincante des textes poétiques qui seront illustrés sur scène. Le nom des chorégraphe est aussi donné. Toutes ces informations sont d'ailleurs dans la feuille distribuée à l'entrée. Sur le papier, le programme était vraiment très alléchant. Je m'attendais à être bouleversé, mais je n'ai trouvé ce spectacle que bon. En effet, comme pour le spectacle de Priya Venkataraman vu il y a quelques jours, les deux danseuses Surya et Vanishree ne dansent ensemble pour ainsi dire que dans les pièces de danse pure ; le duo introductif Subramanyam Kautwam était le seul duo comportant une part narrative. Les chorégraphies prévues pour une danseuse soliste ont été adaptées pour un duo par Vidya. Ce travail d'adaptation est néanmoins assez intéressant. Le plus souvent, les deux danseuses exécutent les mêmes mouvements, mais le duo explore diverses combinaisons de symétries. Parfois, elles sont côte à côte et exécutent exactement les mêmes mouvements, parfois c'est comme s'il y avait un miroir au milieu de la scène. D'autres fois, l'une est de face tandis que l'autre est de dos. Les symétries sont parfois pensées dans le temps plutôt que dans l'espace, une danseuse exécutant les mêmes mouvements que l'autre avec un retard volontaire, comme en écho. Ces pièces de danse pure sont rafraîchissantes et les mouvements des bras et des mains, très affutés, sont parfaitement synchronisés avec la musique.

Je n'ai pas été totalement convaincu par les pièces ayant une composante narrative. Les chorégraphies font davantage allusion à des épithètes caractérisant les divinités qu'elles ne racontent une histoire ayant une certaine unité. Les strophes choisies évoquent en un nombre réduit de mots de nombreux faits associés à une divinité. D'une part certains vers sont répétées ce qui induit des répétitions (avec des variations) dans la chorégraphie, et d'autre part il est difficile à la danseuse de représenter tout ce que dit le texte de façon convaincante. J'ai eu le sentiment que beaucoup d'éléments narratifs étaient présents de façon trop furtive dans les chorégraphies. Alors que je connais très bien les histoires qui étaient racontées, bien souvent je n'étais pas tout à fait sûr de savoir où on en était... Ces difficultés, qui viennent à mon avis davantage des chorégraphies que des interprètes, se posaient moins dans les pièces dansées par Vanishree que dans celles dansées par Surya (Netrandi Neretille mettant en scène les amours de Murugan et Yen Palli Kondir évoquant Vishnu par l'image du dieu couché sur le serpent Ananta et par les exploits de son avatar Rama). Dans Mathura Mathura dansé par Vanishree, j'ai aimé l'apparition de l'archer Kama, le dieu de l'amour qui était nommé Madana dans le texte chanté. J'ai été tout étonné de reconnaître les gestes de mains qui signifient que les yeux de Krishna sont la soleil et la lune. Parmi les originalités de la chorégraphie ou de son interprétation, j'ai apprécié que la danseuse approfondisse la pose traditionnelle représentant Krishna comme flûtiste. Je crois en effet que c'est la première fois que je vois une danseuse agiter délicatement ses doigts pour mieux signifier que Krishna joue d'une flûte.

La pièce la plus convaincante du récital était à mon avis Bho Shambho, dansée par Vanishree. Je suis toujours ravi d'entendre cette musique en hommage à Shiva dans un récital de bharatanatyam. Je pense avoir déjà vu des chorégraphies et interprétations illustrant de façon plus frappante l'aspect viril de cette divinité. Toutefois, je me suis délecté des passages évoquant son tambour Damaru, son œil foudroyant, la descente de la déesse fluviale Ganga, etc. La fin de la pièce dans laquelle la danseuse tourne rapidement sur elle-même en récapitulant les divers aspects de Shiva était très impressionnante.

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Planning d'avril 2013

2013-04-04 00:07+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Planning

Voici mon programme de spectacles pour le mois d'avril :

  • 4 avril 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : Trois bonnes raisons d'aller à ce concert : le pianiste Till Fellner que j'avais adoré dans le Quatrième concerto de Beethoven jouera le troisième après que l'Orchestre National de France aura exécuté Atmosphères de Ligeti et avant qu'il ne joue la suite de Roméo de Juliette de Prokofiev.
  • 5 avril 2013 (Centre d'animation de la place des fêtes) : Je verrai pour la première fois un duo de bharatanatyam, par Surya et Vanishree, qui se produiront également le 20 avril au Centre Mandapa.
  • 6 avril 2013 (Cité de la musique) : De peur de toujours écouter les mêmes choses, j'ai évité les Variations Goldberg depuis un certain temps, à tel point que je ne les ai pas entendues lors d'un concert de clavecin depuis 2006... Elles seront interprétées par Blandine Rannou. Si j'écoute souvent ses disques Rameau, je ne l'ai pas non plus entendue en concert depuis 2006.
  • 13 et 14 avril 2013 (Salle Pleyel) : Lors de ce week-end, le quatuor Hagen fera les trois premiers concerts d'une série de six étalés sur deux saisons dans le cadre d'une intégrale des quatuors à cordes de Beethoven...
  • 14 avril 2013 (Opéra Garnier) : J'assisterai pour la première fois à une représentation de l'opéra Hänsel et Gretel de Humperdinck. J'espère que cette nouvelle production de l'Opéra de Paris sera réussie..
  • 16 avril 2013 (Salle Pleyel) : J'ai été enchanté par l'Orchestre Colonne les dernières fois que je l'ai entendu, j'espère qu'il en ira de même dans ce programme de musique russe (Rachmaninov, Tchaikovski) qui commencera par une œuvre d'un membre de l'Académie des Beaux-Arts qui ne soit pas Laurent Petitgirard.
  • 17 avril 2013 (Opéra Garnier) : Comme tous les ans, j'assisterai au spectacle de l'école de danse de l'Opéra.
  • 18 avril 2013 (Salle Pleyel) : Dans ce programme hispanisant de l'Orchestre de Paris (Le Tricorne de Falla, notamment) s'est étrangement inséré le concerto pour piano nº2 de Chopin par Nikolaï Lugansky...
  • 19 avril 2013 (Opéra Bastille) : Avec cette Troisième Symphonie de Mahler chorégraphiée par John Neumeier, j'irai à Bastille autant pour la musique que pour la danse.
  • 20 et 21 avril 2013 (Salle Pleyel) : Guy Braunstein et les solistes des Berliner Philharmoniker sont retour pour les cinquième et sixième concerts de leur série consacrée à la musique de chambre de Brahms.
  • 23 avril 2013 (Salle Pleyel) : Je me méfie de Stravinski quand il est dirigé par Gardiner. Si j'ai acheté ce billet, c'est parce qu'il était dans la série de concerts du London Symphony Orchestra...
  • 24 et/ou 25 avril 2013 (Salle Pleyel) : Le concerto pour violon de Sibelius par Leonidas Kavakos. J'espère que les réunions prévues ces jours-là ne seront pas trop interminables...
  • 26 avril 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : Un programme Mozart/Haydn et Schubert pour l'Orchestre de chambre de Paris. Je suis moins convaincu a priori par la programmation des œuvres de Schubert, mais ce sera néanmoins l'occasion pour moi d'entendre pour la première fois le violoniste Gidon Kremer.

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Le vite dit de mars 2013

2013-04-01 16:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Au cours du mois de mars j'ai déjà eu l'occasion de développer mes impressions sur le concert de Romain Guyot et du Chamber Orchestra of Europe, sur leur Don Giovanni et sur le programme de bharatanatyam de Priya Venkataraman. Pour les autres spectacles vus au cours du mois, voici le vite dit de mars :

Opéra Garnier — 2013-03-06

Hommage à Rudolf Noureev

Orchestre Colonne

Fayçal Karoui, direction musicale

Polonaise, extraite de l'acte I du Lac des cygnes (Tchaikovsky)

Ballet de l'Opéra

Les Élèves de l'École de Danse

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie (1985)

Nicholas Georgiadis, costumes

Myriam Ould-Braham, Christophe Duquenne

Casse-Noisette (La marche des enfatns, extrait de l'acte I, deuxième tableau, Pas de deux extrait de l'acte I, cinquième tableau)

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie (1989) d'après Marius Petipa

Franca Squarciapino, costumes

Aurélie Dupont, Audric Bezard, Vincent Chaillet, Stéphane Phavorin, Yann Saïz

La Belle au Bois dormant (Adage à la Rose, Pas de cinq extrait de l'acte I)

Sergueï Prokofiev, musique

Rudolf Noureev, adaptation et chorégraphie (1986) d'après Marius Petipa

Hanae Mori, costumes

Marie-Agnès Gillot, Florian Magnenet

Cendrillon (Pas de deux extrait de l'acte II)

Ludwig Minkus, musique

John Lanchberry, arrangements

Rudolf Noureev, chorégraphie (1981)

Elena Rivkina, costumes

Ève Grinsztajn, Vincent Chaillet (Fandango)

Ludmila Pagliero, Karl Paquette (Pas de deux)

Don Quichotte

Alexandre Glazounov, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie (1983) d'après Marius Petipa

Nicholas Georgiadis, costume

Isabelle Ciaravola

Raymonda (Variation de Raymonda extrait de l'acte III)

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie (1984) d'après Marius Petipa et Lev Ivanov

Franca Squarciapino, costumes

Émilie Cozette, Hervé Moreau (Adage du pas de deux extrait de l'acte II)

Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio, Benjamin Pech (Pas de trois)

Le Lac des Cygnes

Sergueï Prokofiev, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie (1984)

Ezio Frigerio, Mauro Pagano, costumes

Laëtitia Pujol, Nicolas Le Riche

Roméo et Juliette (Pas de deux extrait de l'acte I)

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie (1979)

Nicholas Georgiadis, costume

Mathias Heymann

Manfred (Variation du Poète extrait du quatrième tableau)

Ludwig Minkus, musique

John Lanchberry, arrangements

Rudolf Noureev, chorégraphie (1992) d'après Marius Petipa

Franca Squarciapino, costumes

Agnès Letestu, Stéphane Bullion

La Bayadère (Les Ombres, extraits de l'acte III)

Il m'est difficile de commenter ce spectacle de danse puisque mon placement ne me permettait de voir qu'une petite moitié de la scène. Ce que j'ai vu m'a peu enthousiasmé. Je crois que j'aime trop la danse narrative pour être intéressé par ces extraits sortis de tout contexte dramatique. Avant l'entr'acte, je ne suis guère intéressé que par les extraits de Don Quichotte, qui à défaut d'émouvoir émerveillent par la vivacité des danseurs, notamment Ève Grinsztajn, et Ludmila Pagliero. Après l'entr'acte, il faudra que Nicolas Le Riche (Roméo) et Laëtitia Pujol (Juliette) entrent en scène pour que je me passionne pour ce qui se passait sur scène. Une ovation méritée pour eux, tout comme pour Mathias Heymann que le public était heureux de revoir, enfin ! La présence de l'acte des Ombres de La Bayadère au programme m'avait fait adopter une tenue toute indienne pour cette soirée de gala. Vu de biais, la descente des trente-deux ballerines perd quelque peu de ses vertus géométriques, mais ce fut un passage émouvant tout comme le pas de deux entre Agnès Letestu et Stéphane Bullion.

Dans l'Orchestre Colonne, j'ai particulièrement aimé les interventions conjointes des harpes et des flûtes. J'ai aussi entendu un superbe solo de violoncelle. L'interprète n'étant pas dans mon chant de vision, je me suis mis sur la pointe des pieds pour l'apercevoir, et bien sûr il s'agissait de la violoncelliste que j'avais tant appréciée lors d'un précédent concert Colonne.

Salle Pleyel — 2013-03-15

London Symphony Orchestra

Frank Strobel, direction

Jurassic Park (Thème) (John Williams)

Les Dents de la mer (Suite) : Thème du requin, En mer et Fugue de la cage du requin (John Williams)

La Liste de Schindler : Nº2 Ville juive, Nº1 Thème (John Williams)

Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal (Suite) : Extraits nº1, 3, 4 (John Williams)

Les Aventuriers de l'arche perdue : La Marche des aventuriers (John Williams)

Hook : Vol vers le Pays imaginaire (John Williams)

La Guerre des mondes : La Fuite de la ville, Épilogue (John Williams)

Rencontres du troisième type (Extraits) (John Williams)

L'Empire du soleil : La nouvelle vie de Jim (John Williams)

Le Terminal : L'Histoire de Viktor Navorski (John Williams)

E. T. : Aventures sur terre (John Williams)

Munich (John Williams)

1941 (John Williams)

Star Wars Theme (John Williams)

Les musiques de films de John Williams de la première partie de ce concert du London Symphony Orchestra m'étaient familières, et m'ont procuré le sentiment de retomber en enfance. Le Thème du requin des Dents de la mer était particulièrement impressionnant, et la fugue particulièrement délectable, tout comme, plus loin les apparitions d'abord fugitives puis indiscutablement spectaculaires du thème d'Indiana Jones. Avec la deuxième partie, je découvre des titres de films de Spielberg que je ne connaissais pas. Si tous les extraits vidéo montrés pendant le concert ne m'incitent pas à visionner ces films (surtout 1941, joué en bis), les musiques m'ont toutes beaucoup plu. Je n'osais trop y croire puisque le thème du concert était Williams/Spielberg et non Williams/Lucas, mais en troisième bis, l'orchestre a joué la musique de Star Wars pour le plus grand plaisir de tous les auditeurs !

Opéra Comique — 2013-03-17

Pascal Rophé, direction musicale

Ludovic Lagarde, mise en scène

Antoine Vasseur, décors

Fanny Brouste, costumes

Sébastien Michaud, lumières

Lidwine Prolonge, vidéo

Élodie Dauguet, assistante décors

Julian Janeczko, assistant vidéo

Christophe Manien, assistant chef d'orchestre

Anna Caterina Antonacci, Contessa Susanna, Elle

Vittorio Prato, Conte Gil

Bruno Danjoux, Sante

Orchestre Philharmonique du Luxembourg

Il Segreto di Susanna, Ermanno Wolf-Ferrari

La Voix humaine, Francis Poulenc

À l'écoute de l'ouverture du Secret de Susanne, je me suis dit : Non, ce n'est pas possible, Minkus a écrit un opéra. Au secours !. Par la suite, la façon de mettre le texte en musique me fait davantage penser à Puccini. À défaut d'être bouleversante, la musique me semble luxueusement bien jouée par l'Orchestre Philharmonique du Luxembourg dont j'ai tout particulièrement apprécié les instruments à vents. L'histoire de cet opéra est inintéressante au possible. Un opéra de boulevard... Le secret de Susanne est qu'elle fume, son mari s'imagine qu'elle le trompe avec un homme, car seul un homme pourrait fumer, pense-t-il. Toutefois, autant le texte que la mise en scène laissent une part de doute sur le rôle du valet, ne partage-t-il avec Susanna que son addiction pour le tabac ? Le rôle du mari est très bien chanté par le baryton Vittorio Prato.

Anna Caterina Antonacci est l'artiste lyrique que j'ai vue le plus souvent en concert. Quatorze fois ! La première fois était il y a presque dix ans dans Agrippina de Händel au Théâtre des Champs-Élysées. Ces dernières années, mes expériences d'auditeurs la concernant ont été contrastées (pour le meilleur et pour le pire). Mes dernières impressions sur Les Troyens était mitigées. Dans la salle à taille plus humaine de l'Opéra Comique, j'ai l'impression de la retrouver en pleine possession de ses moyens ! Quand la chanteuse bascule en français pour La Voix humaine de Poulenc après l'entr'acte, elle achève de me convaincre. Jamais je ne l'ai entendue chanter un texte français de façon aussi intelligible. Il n'était plus nécessaire de lire surtitres pour se laisser émouvoir par l'évolution du drame jusqu'à sa conclusion avec la terminaison de la conversation téléphonique de l'héroïne.

Tout comme dans la production d'Orphée et Eurydice que j'avais vue à la MC93 Bobigny, le décor représente un appartement moderne dont on peut voir l'héroïne parcourir les différentes pièces puisque le décor peut tourner sur lui-même. Voilà à peu près l'unique idée que j'aie distinguée dans la mise en scène...

Salle Pleyel — 2013-03-18

Klangforum Wien

Neue Vocalsolisten Stuttgart

Tito Ceccherini, direction

Daniele Pollini, piano

Carnaval nº10 Lascia vibrare (Salvatore Sciarrino)

Carnaval nº11 Stanze della pioggia (Salvatore Sciarrino)

Carnaval nº12 Liuto senza corde (Salvatore Sciarrino)

Maurizio Pollini, piano

Sonate pour piano nº30 en mi majeur op. 109 (Beethoven)

Sonate pour piano nº31 en la bémol majeur op. 110 (Beethoven)

Sonate pour piano nº32 en ut mineur op. 111 (Beethoven)

Ne raffolant pas des récitals pour piano, j'ai trouvé bienvenue la forme de ce concert. En première partie, un orchestre a joué trois œuvres de musique de chambre contemporaines de Salvatore Sciarrino. La première m'a beaucoup plu du fait de l'utilisation d'un chœur de quelques chanteurs solistes dont les voix se mêlent très harmonieusement. Quelle justesse ! La musique repose sur l'utilisation de glissandi par les instruments qui le permettent (les violoncelles, les trombones, les voix). Quoique le matériau musical y soit un peu trop délayé à mon goût, j'apprécie les idées développées dans le deuxième morceau, purement instrumental. Un thème très reconnaissable de quatre notes (dont les deux dernières sont liées dans un glissando) revient fréquemment au violoncelle. J'aime la direction très claire de Tito Ceccherini (dont la tête me disait quelque chose, et pour cause : il dirigeait Reigen il y a quelques semaines de cela). Toutefois, le volume sonore produit par l'effectif orchestral très réduit aurait pu trouver meilleur écrin que la volumineuse Salle Pleyel. Les petits bruits des spectateurs (sans même parler des toux) perturbent quelque peu l'audition de cette œuvre.

La deuxième partie du concert m'a donné à entendre le pianiste Maurizio Pollini dans les sonates nº30, 31 et 32 de Beethoven. Je n'avais jamais entendu de sonates de Beethoven en concert. Ce fut pour moi une expérience très réjouissante. Que j'aime la façon dont ce pianiste fait ressortir la pulsation de cette musique !

Salle Pleyel — 2013-03-19

Orchestre Philharmonique de l'Oural

Dmitri Liss, direction

Suite pour orchestre nº3 (Tchaikovski)

Chœur Symphonique de l'Oural

Yana Ivanilova, soprano

Alexander Timchenko, ténor

Pavel Baransky, basse

Les Cloches, op. 35 (Rachmaninov)

J'avais choisi ce concert de l'Orchestre Philharmonique de l'Oural parce que La Nuit sur le mont Chauve de Moussorgsky était programmée. Le programme du concert a été chamboulé. Je découvre la Suite pour orchestre nº3 de Tchaikovski, qui à défaut de me bouleverser maintient mon intérêt du fait de sa forme très variée : une atmosphère pastorale au tout début, la mise en valeur des altos et du cor anglais, une superbe fugue et une fin hydravionesque très bien amenée (un mix entre l'Arlésienne de Bizet et la Polonaise d'Eugène Onéguine du même Tchaikovski).

Le concert n'était pas surtitré, j'ignore le sens du texte russe (traduit d'une œuvre d'Edgar Allan Poe) que le chœur et les solistes ont chanté après l'entr'acte. Cela n'a pas nui à mon plaisir d'écouter la musique des Cloches de Rachmaninov comme s'il s'agissait d'une mystérieuse féerie musicale. Cela valait le déplacement ne serait-ce que pour les interventions du cor anglais en arrière-plan dans la partie chantée par la basse.

Salle Pleyel — 2013-03-21

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Paavo Järvi, direction

Symphonie nº1 (Dutilleux)

Concerto pour violon nº2 (Bartók)

Gil Shaham, violon

Gavotte en rondeau de la Partita nº3 en mi majeur, BWV 1006, Bach

Symphonie nº1 en ut majeur, opus 21 (Beethoven)

Je ne m'attendais pas à ce que la Première Symphonie de Beethoven soit le point culminant de ce concert ! Pourtant, le chef Paavo Järvi (exceptionnellement sans partition) et l'orchestre de Paris étaient réjouissants comme jamais. L'enthousiasme unanime de tous les musiciens ne faisait nullement obstacle à l'appréciation des joyeux détails d'orchestration de cette œuvre. Avant cela, le concert avait déjà fort bien commencé avec la Première Symphonie de Dutilleux. Les partitions que j'apercevais depuis ma place comportaient de nombreuses ratures, corrections et annotations, comme un REGARDEZ Cymb manuscrit écrit en gros sur celles des percussionnistes. Dans le concerto pour violon nº2 de Bartók, dans lequel j'ai quelques difficultés à percevoir une structure, le violoniste Gil Shaham a été très convaincant...

Opéra Comique — 2013-03-22

Kate McGarry, Desdémone

Bunny Sigler, Othello

Jacques Bonnaffé, Iago

Uri Caine, piano

Achille Succi, clarinette

Darryl Hall, basse

Nguyên Lê, guitare

Alain Venkenhove, trompette

Nicolas Geremus, violon

Sangoma Everett, batterie

Le Syndrome d'Othello

Après avoir assisté à cette représentation du Syndrome d'Othello, je crois pouvoir dire que le jazz n'est pas exactement fait pour moi... Du point de vue narratif, ce spectacle inspiré par Otello de Verdi est très décevant. Le texte chanté par Bunny Sigler (Othello) et Kate McGarry (Desdémone) semble sans rapport évident avec l'histoire qui ne semble qu'un prétexte. Je dis semble parce que le concert n'était pas surtitré. Le texte parlé ou slammé en français par Jacques Bonnaffé (Iago), s'il était parfois assez drôle et décalé, était trop souvent complètement incompréhensible, sa voix étant couverte par le petit orchestre qui produisait un son du tonnerre (pourquoi donc amplifier les musiciens ? pendant les premières minutes du spectacle j'ai cru que mes oreilles allaient exploser !). Comme spectacle dénué de sens, ce Syndrome d'Othello est toutefois loin d'être déplaisant, les musiciens semblant très bons, le pianiste Uri Caine, le trompettiste Alain Venkenhove et le guitariste Nguyên Lê étant particulièrement impressionnants. Je n'ai pas perçu toutes les références dans la musique, mais j'aurai au moins reconnu une référence incongrue à En passant par la Lorraine (avec mes sabots...). Un passage particulièrement beau utilisait une musique arabisante comportant quelques glissandi jouée par le violoniste Nicolas Geremus. On trouve même un morceau atonal pendant la scène du meurtre, au cours de laquelle les protagonistes ne sont pas sur scène. En revanche, le public des premiers rangs dont je faisais partie aura eu tout le loisir d'admirer l'interminable suicide d'Othello, pour lequel le showman Bunny Sigler a curieusement passé un achkan (dans les mêmes style et coloris que ce que je portais pour le Gala Noureev...).

Opéra Garnier — 2013-03-27

Yannis Pouspourikas, direction musicale

Orchestre Colonne

Ballet de l'Opéra

Jacques Prévert, argument

Joseph Kosma, musique originale

Roland Petit, chorégraphie (1945) réglée par Luigi Bonino

Pablo Picasso, rideau de scène

Brassaï, décors

Mayo, costumes

Jean-Michel Désiré, lumières

Jan Broeckx, assistant du chorégraphe

Amandine Albisson, La plus belle fille du monde

Alexandre Gasse, Le jeune homme

Stéphane Phavorin, Le destin

Hugo Vigliotti, Le bossu

Peggy Dursort, La fleuriste

Claire Gandolfi, Jennifer Visocchi, Les filles

Samuel Murez, Le lanceur de tracts

Sophie Mayoux, Antonio Conforti, Carola Puddu, Milo Avêque, Les enfants qui s'aiment

Florent Mélac, Alexis Saramite, Axel Alvarez, Niccolo Balossini, Les garçons

Pascal Aubin, Le chanteur

Anthony Millet, L'accordéoniste

Le Rendez-vous

Jean Anouilh, Georges Neveux, argument

Henri Dutilleux, musique originale

Roland Petit, chorégraphie (1953)

Carzou, décors et costumes

Jean-Michel Désiré, lumières

Jean-Philippe Halnaut, répétitions

Émilie Cozette, La jeune fille

Stéphane Bullion, Le loup

Sabrina Mallem, La Bohémienne

Christophe Duquenne, La jeune homme

Alexis Saramite, Le montreur de bêtes

Natacha Gilles, La mère

Le Loup

D'après la nouvelle de Prosper Mérimée

Georges Bizet, musique arrangée par G. Tommy Desserre

Roland Petit, chorégraphie (1946) réglée par Luigi BOnino

Antoni Clavé, décors et costumes

Jean-Michel Désiré, lumières

Jean-Philippe Halnaut, répétitions

Eleonora Abbagnato, Carmen

Nicolas Le Riche, Don José

Audric Bezard, Escamillo

Valentine Colasante, François Alu, Mathieu Botto, Les Chefs des brigands

Carmen

Les héros de la soirée sont l'Orchestre Colonne et Eleonora Abbagnato, merveilleuse interprète du rôle de Carmen, nommée étoile à l'issue de la représentation. Le ballet Le Rendez-vous est tellement insipide que mon attention est totalement concentrée sur la fosse d'orchestre. Au cours de la soirée, les musiciens ont paru très engagés et les solistes se sont brillamment illustrés (notamment les vents, la trompette et le superbe premier violon, Sébastien Surel, identifié par Klari). Dans Le Loup, entre deux coups d'œil vers la fosse d'orchestre, je regardais ce qui se passait sur scène (et cela piquait un peu les yeux). On passe un bon moment grâce à Sabrina Mallem (La Bohémienne) et Sébastien Bullion (Le Loup). Je sais que le pas de deux entre le Loup et la jeune fille peut être plus émouvant, je me rappelle avoir vu Laëtitia Pujol dans ce rôle... mais j'avoue avoir été presqu'ému par Émilie Cozette.

J'ai adoré le ballet Carmen que je n'avais pas encore vu. Pour ce qui est de la danse, il est très supérieur à mon goût aux deux ballets présentés avant l'entr'acte. Si Nicolas Le Riche (Don José) et Audric Bezard (Escamillo) ont été superbes dans les rôles masculins, c'est bien sûr Eleonora Abbagnato (Carmen) qui m'a fait apprécier ce ballet ! Quelle présence ! Je ne retiens pas le bruit de ses pointes frappant le sol, plutôt le râle qui se fait entendre dans ses pas de deux avec Nicolas Le Riche. Pour une argumentation plus construite, il faut lire le billet chez Impression danse. J'ai rarement été autant ému par la représentation d'un ballet à l'Opéra ! J'ai été très heureux qu'Eleonora Abbagnato soit nommée danseuse étoile à l'issue de la représentation.

Salle Pleyel — 2013-03-30

Orchestre national d'Île de France

Ann-Estelle Médouze, violon supersoliste

Enrique Mazzola, direction

Nicolas Southon, présentation

Ouverture des Maîtres chanteurs de Nuremberg (Wagner)

Murmures de la forêt (extrait de Siegfried) (Wagner)

Nora Gubisch, mezzo-soprano

Wesendonck Lieder (Wagner)

Voyage de Siegfried sur le Rhin (extrait du Crépuscule des Dieux (Wagner)

Prélude de Tristan et Isolde (Wagner)

Ouverture de Tannhäuser (Wagner)

Ce n'est pas vraiment le meilleur Wagner que j'aie entendu, mais cela n'a pas excessivement gâché mon plaisir d'auditeur, n'ayant pas plus d'une ou deux occasions par an d'entendre ce type de programmes. L'Orchestre national d'Île de France était très beau dans les passages délicats (superbes oiseaux dans les murmures de la forêt), mais nettement moins clair dans les fortissimi, notamment vers la fin de l'ouverture de Tannhäuser qui semblait assez délicate à négocier pour les cordes. Dans cette ouverture, je retiens toutefois une belle superposition entre le chœur des pélerins par les cuivres et le Vénusberg par les cordes. (Était-il vraiment nécessaire d'inclure des mini-conférences sur Wagner pendant ce concert ? Surtout si c'était pour entendre des bêtises à propos de la création parisienne de Tannhäuser...) Je n'ai pas été très ému par Nora Gubisch dans les Wesendonck Lieder ; il est difficile de me faire oublier Nina Stemme...

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Priya Venkataraman à l'Espace Reuilly

2013-03-31 21:41+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Espace Reuilly — 2013-03-31

Priya Venkataram et ses danseurs, bharatanatyam

Malari

Vidyadhara

Ashtapati

Anandanatanaprakash

Tillana

J'ai assisté pour la première fois à un spectacle de ballet de danse bharatanatyam, organisé par l'Ambassade de l'Inde, qui a réussi à rassembler plus de deux cents personnes à l'Espace Reuilly. Le nombre de saris et de shalwar-kameez dans le public donnerait presque l'illusion que le spectacle a lieu en Inde.

Habituellement, un spectacle de bharatanatyam est le récital d'une danseuse unique. Idéalement, la présence de plusieurs interprètes devrait permettre de faire incarner chaque personnage par un interprète différent, au lieu qu'une unique danseuse passe d'un personnage à un autre en permanence. J'ai une méfiance a priori pour les spectacles de danse indienne mettant en scène plusieurs danseurs ou danseuses en raison de la difficulté de réunir des danseurs et danseuses dont le talent soit aussi homogène qu'excellent, et non seulement dans la danse pure comme ce sera le cas dans le programme de cet après-midi mais aussi dans l'art de l'expression et de la narration...

Le spectacle présenté par le groupe de trois danseurs et quatre danseuses (parmi lesquelles Priya Venkataraman) m'a à la fois satisfait et déçu. La seule pièce véritablement narrative a été la troisième Ashtapati qui présente la coquette Radha éprise de Krishna, mais c'est un solo ! Mes espoirs de voir la multiplicité des interprètes utilisée pour soutenir la narration sont décus. À peine entrée en scène dans une pose typiquement féminine, Priya Venkataraman se métamorphose en Krishna...

Dans les autres pièces, les danseurs font essentiellement ce que l'on appelle de la danse pure, sur une musique essentiellement rythmique. La première pièce Malari et la quatrième Anandanatanaprakash évoquent des thèmes shivaïtes sans être tout à fait narratives. Les mouvements des danseurs et danseuses sont synchronisés ou asymétriques et leur placement sur scène est précis. Cela me rappelle parfois des scènes du corps de ballet de l'Opéra de Paris... Les danseuses mettent l'accent sur les poses typiquement féminines, ce que ne font pas les danseurs dont la danse aurait sans doute pu être plus masculine pour la représentation de Shiva.

Dans ce qu'ils font, les sept danseurs et danseuses sont très convaincants, quoique cela reste de la danse pure et que les mudras ne soient pas toujours exécutés de la même façon par les différents interprètes, tel doigt étant tendu chez l'une et replié chez l'autre. La fin de la première pièce est particulièrement saisissante : sur une musique dont la partie vocale est un shloka, un danseur et une danseuse représentent de très belle façon le couple Shiva-Parvati.

À mon avis, la plus belle pièce de ce programme a été la quatrième intitulée Anandanatanaprakash (?). Il y est encore question de Shiva, mais d'une façon un peu plus approfondie. J'ai l'habitude de voir les divers attributs de Shiva représentés par une seule danseuse. Dans ce programme, les différents aspects (le chignon tressé, son regard foudroyant, son tambour, sa danse, le croissant de lune, etc) peuvent prendre la forme de tableaux humains élaborés. Le plus beau à mon goût est celui qui représente la descente de la rivière Ganga. Trois danseuses sont sur scène. La première représente Ganga sautant du chignon de Shiva, tandis que les deux autres représentent l'écoulement de la rivière depuis les montagnes jusqu'à la plaine. Le texte chanté de la musique enregistrée et les interprètes ont également montré Shiva comme Seigneur des Arts : la poésie, la musique, la danse, la sculpture. Je me serais presque cru dans Apollon musagète.

Comme la deuxième pièce Vidyadhara qui comportait de la danse pure par différentes combinaisons de danseurs sur des musiques aux cycles rythmiques différents, la dernière pièce est un Tillana assez développé mettant en valeur les qualités individuelles et collectives des danseurs dans des mouvements rythmiques sans sens apparent. Il a fallu attendre la fin de ce Tillana pour voir une brève évocation de Krishna sur une musique mélodique dans laquelle le chanteur prononçait le nom des notes (Sargam).

Ce fut un fort beau spectacle (un peu court, à peine plus d'une heure et demie, entr'acte compris), mais j'attends davantage d'émotions d'un programme de bharatanatyam...

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Le vite dit de février 2013

2013-03-01 12:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Le mois de février vient de se terminer. Pour le concertivore que je suis, cela a été un mois fou. Après l'équipée budapestoire du début du mois (Mozart, Bizet, Bartók-Maraton), j'ai maintenu un rythme de spectacle soutenu. Au total, j'aurai assisté à 31 spectacles en 28 jours... J'ai déjà fait un billet sur Nala et Dayamanti au Quai Branly. Pour dix-sept qui restent, je vais tenter de revenir au genre des microniquettes déjà apparu ici en novembre dernier.

Salle Pleyel — 2013-02-05

Orchestre Colonne

Laurent Petitgirard, direction

Le Chasseur Maudit (Franck)

Gary Hoffmann, violoncelle

Concerto pour violoncelle (Petitgirard)

Symphonie nº1 (Chostakovitch)

Ce concert du Colonne était magnifique ! Le deuxième balcon étant vide, je ne me suis pas fait prier pour descendre à l'orchestre. Tout m'a plu dans ce programme. Les cuivres de l'orchestre étaient superbes dans Le Chasseur Maudit de Franck. Dans le concerto pour violoncelle du chef d'orchestre Laurent Petitgirard, je me suis délecté du duo du début du deuxième mouvement entre le concertiste Gary Hoffmann et la for-mi-da-ble violoncelliste solo de l'orchestre. J'ai donc été plus que ravi que ce deuxième mouvement ait été rejoué en bis ! La Symphonie nº1 de Chostakovitch m'a procuré beaucoup de plaisir. Il serait impossible d'énumérer tous les solos que j'ai aimé, tous les instruments ayant l'occasion de se mettre en valeur au cours de la symphonie. Je les ai tous adorés !

Salle Pleyel — 2013-02-07

Roland Daugareil, violon solo

Orchestre de Paris

Juraj Valčuha, direction

Danses de Galánta (Galánti táncok), Zoltán Kodály

Yuja Wang, piano

Concerto pour piano nº2 en sol mineur, op. 16 (Prokofiev)

Toccata en ré mineur (Prokofiev)

Variations sur un thème de Carmen (Vladimir Horowitz)

Die Seejungfrau, poème musical (Zemlinsky)

J'ai aimé découvrir les Danses de Galánta de Kodály (où se distinguait le clarinettiste Philippe Berrod !). Je suis resté indifférent (pour ne pas dire somnolent) au concerto pour piano nº2 de Prokofiev interprété par Yuja Wang, qui a fait preuve d'une aussi sidérante que vaine virtuosité dans un bis adapté de Carmen dans lequel Bizet devenait méconnaissable. La Petite Sirène de Zemlinsky (dont j'ai récemment adoré Der Zwerg à l'Opéra Garnier) alterne des moments délicatement aquatiques à la harpe et des tutti cuivrés assourdissants.

À la lecture des autres billets sur la blogosphère, on pourra constater que je partage l'avis des filles : Grignotages, Klari, Andante con anima, Palpatine.

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-02-08

Joyce DiDonato, Ariodante

Il Complesso Barocco

Dmitry Sinkovsky, premier violon et direction

Air d'Orontea Intorno all'idol mio extrait d'Orontea (Antonio Cesti)

Sinfonia (Presto, Grave, Presto) extrait de Tolomeo ed Alessandro (Domenico Scarlatti)

Air d'Ottavia Disprezzata regina extrait de L'incoronazione di Poppea (Claudio Monteverdi)

Air d'Irene Sposa, son disprezzata extrait de Merope (Geminiano Giacomelli)

Concerto pour violon et cordes RV 242 per Pisendel (Antonio Vivaldi)

Air de Berenice Da torbida procella extrait de Berenice (Giuseppe Maria Orlandini)

Air de Cleopatra Morte col fiero aspetto extrait de Antonio e Cleopatra (Johann Adolf Hasse)

Air de Cleopatra Piangerò la sorte mia extrait de Giulio Cesare in Egitto (Händel)

Passacaglia extraite de Radamisto HWV 12a (Händel)

Air d'Ifigenia Madre diletta, abbraciami extrait de Ifigenia in Aulide (Giovanni Porta)

Musique de ballet extraite d'Armide (Christoph Gluck)

Air de Rossane Brilla nell'alma extrait de Alessandro (Händel)

Air de Fredegunda Lasciami piangere extrait de Galsuinde (Kaiser)

Air de Berenice Col versar, barbaro, il sangue extrait de Berenice (Giuseppe Maria Orlandini)

Joyce ! Ah, Joyce ! Quel plaisir de l'entendre, dans un répertoire baroque qui alterne des airs lyriques et d'autres qui ne sont pas très éloignés du récitatif. L'orchestre qui l'accompagne, Il Complesso Barocco, semble métamorphosé par la direction du premier violon Dmitry Sinkovsky.

Ailleurs : Palpatine.

Cité de la musique — 2013-02-09

Les Dissonances

Symphonie de chambre nº1 op. 9 (Schönberg)

David Grimal, Hans-Peter Hofmann, violon

Hélène Clément, Natasha Tchitch, alto

Christophe Morin, Maja Bogdanović, violoncelle

Sextuor à cordes nº1 en si bémol majeur, op. 18 (Brahms)

Symphonie nº4 op. 98 en mi mineur (Brahms)

Dix jours après ce concert, je n'ai aucun souvenir de la Symphonie de chambre nº1 de Schönberg. J'aurais sans doute trouvé très bien le sextuor nº1 de Brahms si je n'avais pas déjà entendu quelques musiciens berlinois l'interpréter en début de saison. Je ne sais pas par quel mystère les berlinois magnifiaient cette partition qui cette fois-ci n'a pas produit sur moi le même insoutenable émerveillement. Après l'entr'acte, j'ai en revanche adoré la quatrième symphonie de Brahms !

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-02-10

Ensemble Intercontemporain

Matthias Pintscher, direction musicale

Huit miniatures instrumentales (Stravinski)

Concertino pour douze instruments (Stravinski)

Margriet van Reisen, mezzo-soprano

Le Marteau sans maître, pour voix d'alto et six instruments (Boulez)

Octandre, pour huit instruments (Varèse)

Déserts, pour orchestre et bande magnétique (Varèse)

Les Stravinski m'ont plu. Je me suis ennuyé pendant le Boulez. Je suis content d'être resté pour les Varèse. Octandre n'est certainement pas l'œuvre la plus dérangeante de Varèse. Son côté hors-système est plus flagrant dans Déserts pour orchestre et bande magnétique. Je ne vais pas discuter l'interprétation de l'orchestre, mais celle de la bande magnétique : on a beau dire que c'est un son fixé sur un support, le rendu peut être très différent d'une fois à l'autre. En 2009, les basses fréquences m'avaient donné la nausée. Cette fois-ci, je n'ai pas eu envie de vomir. Zut, je pensais que ce concert serait un peu plus déstabilisant !

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-02-11

Nikolaï Lugansky, piano

Dans les brumes, Janáček

Quatre impromptus op. 142 (Schubert)

Sonate nº1 en ré mineur op. 28 (Rachmaninov)

Ma raison d'aller à ce concert était la présence de Dans les brumes de Janáček. J'espérais me régaler autant que lorsque j'avais entendu pour la première fois cette œuvre interprétée par Alain Planès en janvier 2012 ; le plaisir d'écouter à nouveau ce pianiste dans cette œuvre avait d'ailleurs été renouvelé à la Cité de la musique à la mi-janvier 2013. Lugansky a certainement fait ce qu'il voulait faire. Il y avait sans doute plus de fausses notes dans les interprétations de Planès, mais les tempi excessivement lents et les phrasés hachés de Lugansky m'ont donné l'impression d'une déconstruction de l'œuvre, qui perdait à mon sens toute poésie. Pour moi, cela a été vingt minutes de souffrance. On pourra dire que Lugansky a livré une interprétation toute personnelle de l'œuvre de Janáček... Si mon attention était maximale pendant ce Janáček, j'ai sombré dans les impromptus de Schubert, qui avaient pourtant l'air d'être très bien joués. Ne me sentant pas prêt à affronter la première sonate de Rachmaninov et les nombreux bis subséquents, je suis exceptionnellement parti à l'entr'acte...

Ailleurs : Frederick Casadesus.

Salle Pleyel — 2013-02-12

Freiburger Barockorchester

Sunhae Im, Bellezza

Julia Lezhneva, Piacere

Christophe Dumaux, Disinganno

Jeremy Ovenden, Tempo

René Jacobs, direction

Il Trionfo del Tempo e del Disinganno (version italienne de 1707), Händel

Il Trionfo del Tempo e del Disinganno est censé être un oratorio, mais il s'agit pour ainsi dire d'un opéra dans lequel la Beauté personnifiée finit par se désintéresser du Plaisir pour se tourner vers le Temps et la Désillusion. Dans les airs da capo du Plaisir, je me délecte des ornementations dans le chant de l'adorable Julia Lezhneva. Les solos du premier violon sont fabuleux. La façon dont certaines phrases musicales allant de l'aigu au grave passent sans discontinuité apparente des violons aux violoncelles est sidérante. Les couleurs sonores apportées à l'orchestre par les flûtes à bec sont ravissantes. Que j'aime que la musique baroque soit jouée avec un tel engagement ! Bref, quel merveilleux orchestre baroque que ce Freiburger Barockorchester que je n'avais pas entendu depuis 2005 !

Conservatoire de Paris, Salle d'art lyrique — 2013-02-13

Orchestre du Conservatoire de Paris

Tito Ceccherini, direction

Alexandre Cravero, assistante à la direction

Marie Soubestre, La prostituée (soprano)

Alban Dugourt, Le soldat (ténor)

Catherine Trottmann, La femme de chambre (mezzo-soprano)

Enguerand de Hys, Le jeune homme (ténor)

Laura Holm, La jeune femme (soprano)

Aurélien Gasse, Le mari (baryton)

Charlotte Schumann, La grisette (mezzo-soprano)

Jean-Jacques L'Anthoen, Le poète (ténor)

Marie-Laure Garnier, La cantatrice (soprano)

Roman Dayez, Le comte (baryton)

Yoan Hereau, Lutxi Nesprias, Fanny Prandi, Thomas Tacquet-Fabre, chefs de chant

Marguerite Borie, mise en scène

Darren Ross, chorégraphie et assistant à la mise en scène

Laurent Castaingt, scénographie et conception lumière

Myriam Dogbé, assistante à la scénographie

Pieter Coene, costumes

Sonia Bosc, assistante aux costumes

Héloïse Grandu, habilleuse

Isabelle Lemeilleur, maquilleuse

Naty Meneau, maquilleuse/coiffeuse

Jean-Pierre Le Gallic, Patrick Buisson, régie générale

Mathilde Lemoine, Magid Mahdi, régie plateau

Bruno Bescheron, Guillaume Fesneau, régie lumière

Stéphane Darmon, régie de scène

Nathalie Berthier, Yann Divet, régie orchestre

Reigen, opéra en dix scènes sur un livret de Luc Bondy d'après Der Reigen, pièce de théâtre d'Arthur Schnitzler, Philippe Boesmans (version de chambre de Fabrizio Cassol).

Mes impressions sur cette représentation d'opéra adaptée de la pièce de Schnitzler sont sur le Biblioblog.

Opéra Garnier — 2013-02-15

Maki Ishii, musique (1985)

Jiří Kylián, chorégraphie (1988)

Michael Simon, scénographie et lumières

Ferial Simon, Joke Visser, costumes

Patrick Delcroix, Elke Schepers, assistants du chorégraphe

Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lumières

Michael De Roo, direction musicale

Alice Renavand, Kaguyahime

Hervé Moreau, Mikado

Muriel Zusperreguy, Amandine Albisson, Caroline Robert, Laurène Levy, Charlotte Ranson, Villageoises

Alessio Carbone, Vincent Chaillet, Aurélien Houette, Sébastien Bertaud, Adrien Couvez, Villageois

Caroline Bance, Eléonore Guérineau, Christelle Granier, Séverine Westermann, Juliette Hilaire, Allister Madin, Marc Moreau, Daniel Stokes, Mathieu Botto, Yvon Demol, Les Citadins

Julien Meyzindi, Alexis Renaud, Les compagnons du Mikado

Ballet de l'Opéra

Kodō, Gagaku et ensemble de percussions invité

Kaguyahime

Malgré une musique et une scénographie superbe, ce ballet qui m'avait tellement plu en 2010 m'a laissé sur ma faim. Certes, la scène de la guerre au début de la deuxième partie est très impressionnante, j'ai bien sûr aimé retrouver Alice Renavand dans le rôle-titre et j'ai pris beaucoup de plaisir à voir danser Amandine Albisson et Aurélien Houette dans des rôles de villageois. Mais, ce ballet me semble insatisfaisant du point de vue narratif. Si on n'a pas (re)lu le synopsis détaillé, le ballet est tout simplement incompréhensible (je n'ai d'ailleurs toujours pas saisi pourquoi il y a deux scènes de castagne, une avant et une après l'entr'acte). Il n'aurait pas été superflu d'ajouter un peu de pantomime pour donner un sens à ce qui se passait sur scène. Bien malin celui qui comprendrait ce que sont les épreuves impossibles imposées par Kaguyahime à ses cinq prétendants...

Cité de la musique — 2013-02-16

Ensemble Intercontemporain

Alejo Pérez, direction musicale

Modulations (Gérard Grisey)

Hae-Sun Kang, violon

Vita Nova (Sérénades) (Brice Pauset)

Dérive 1 (Pierre Boulez)

Christina Daletska, alto

Gesänge-Gedanken mit Friedrich Nietzsche (Philippe Manoury)

Il y a quelques mois, lors d'un autre concert de l'Intercontemporain, j'avais trouvé merveilleuse la composition #9 de Mauro Lanza. En sortant, Bladsurb m'avait expliqué que c'était de la musique spectrale. En entendant Modulations de Gérard Grisey lors de ce concert, je crois pouvoir dire que j'aime beaucoup cette forme de musique contemporaine. Dans un envoûtant sur-place apparent, le temps semble comme s'arrêter et permet à l'auditeur de s'immerger dans ce son, qui néanmoins se développe et présente de multiples facettes. La retombée sur terre avec la composition de Brice Pauset fut brutale... Après l'entr'acte, j'ai à peine eu le temps de renter dans Dérive 1 de Boulez que l'œuvre était déjà terminée. Pour conclure ce concert, il y avait la première audition en France de Gesänge-Gedanken mit Friedrich Nietzsche de Philippe Manoury au cours de laquelle j'ai été captivé par le chant de Christina Daletska, qui semble n'avoir que des qualités.

Ailleurs : Bladsurb.

Salle Pleyel — 2013-02-21

Roland Daugareil, violon solo

Orchestre de Paris

Ingo Metzmacher, direction

Emanuel Ax, piano

Concerto pour piano nº17 en sol majeur, KV 453 (Mozart)

Impromptu op. 142 nº2 (Schubert)

Chen Reiss, soprano

Renata Pokupić, mezzo-soprano

Werner Güra, ténor

Johannes Weisser, basse

Chœur de l'Orchestre de Paris

Lionel Sow, chef de chœur

Messe nº3 en fa mineur (Bruckner)

J'avais déjà eu l'occasion d'être émerveillé par le jeu du pianiste Emanuel Ax dans un programme Mozart/Haydn avec l'Orchestre de chambre de Paris. Je me suis régalé en écoutant le concerto pour piano nº17. Je pensais qu'Ingo Metzmacher était un chef spécialisé dans la musique contemporaine (cf. le programme d'un autre concert avec l'Orchestre de Paris en juin 2012). Apercevant son profil gauche depuis ma place, je constate qu'il est manifestement heureux de diriger ce concerto de Mozart. (Le bis du pianiste était superbe, je suis cependant un peu déçu qu'il ait joué le même que lors du concert avec l'Orchestre de chambre de Paris...)

J'étais en théorie placé au fond de l'orchestre, mais je m'étais replacé au rang BB pour être près du pianiste. J'y suis resté pour écouter la Messe nº3 de Bruckner. J'ai donc pour ainsi dire eu le nez dans la partition des premiers violons (les seconds étant à droite du chef). L'effort demandé est impressionnant : des pages et des pages de gammes, avec pratiquement que des doubles-croches ! À force d'entendre continuellement TitatatatatatataTitatatatatataTi... j'en viens à me dire que John Adams et Philip Glass n'ont pas inventé grand'chose. Bien sûr, à l'écoute des autres parties, cet aspect répétitif de la musique disparaît et cette composition comporte quelques merveilles comme le passage très impressionnant du Credo évoquant la Résurrection.

Ailleurs : Paris — Broadway, Palpatine.

Salle Pleyel — 2013-02-22

Colin Currie, percussions

Pierre-Laurent Aimard, piano

Orchestre philharmonique de Radio France

Jukka-Pekka Saraste, direction

Two Controversies and a Conversation : Concerto pour piano, percussions et orchestre de chambre (Elliot Carter)

Mouvements pour piano et orchestre (Stravinski)

Suite de danses (Bartók)

Sinfonietta (Janáček)

Ce concert démontre que s'agissant de musique, il ne faut pas avoir peur du vingtième siècle ! Une de mes raisons de venir à ce concert était la présence du pianiste Pierre-Laurent Aimard que je n'avais encore jamais entendu en concert. Dix minutes d'Elliot Carter et 8 minutes de Stravinski, c'est malheureusement un peu trop court. En règle générale je pense que la musique gagne à être écoutée et vue dans une salle de concert. La pièce d'Elliot Carter ouvrant le programme fait à mon avis exception. Je suis trop distrait par ce que je vois pour rester attentif à la musique. Les très nombreux et sportifs mouvements du percussionniste entre ses différents instruments (marimba, gongs, etc.) détournent mon attention. L'aspect visuellement haché de phrases musicales réparties entre différents groupes d'instruments m'empêche aussi de véritablement écouter les Mouvements pour piano et orchestre de Stravinski, que j'apprécie aussi davantage à la réécoute...

Après l'entr'acte, l'Orchestre Philharmonique de Radio France interprète la Suite de danses de Bartók. Je les avais déjà entendues à Budapest par le Nemzeti Filharmonikusok (les Philharmoniqueux nationaux) pendant le Bartók-Maraton. Le contraste avec les autres merveilles jouées pendant le Marathon ne m'avaient fait trouver ce concert que très bon. Ayant entendu cette fois-ci cette suite de danses dans un autre contexte. j'ai été tout à fait convaincu par la vigoureuse interprétation du Philhar' dirigé le chef Jukka-Pekka Saraste que j'avais déjà apprécié dans un programme Britten/Chostakovitch. J'apprécie évidemment les glissandos des trombones dans l'Allegro molto, mais je savoure aussi tout particulièrement l'Allegro vivace, une danse paysanne très arabisante !

J'ai été tout autant convaincu par le Sinfonietta de Janáček. Je ne sais pas au juste ce que cette œuvre raconte, mais il est évident à l'écoute que cette œuvre est narrative !

Ce concert est disponible à la réécoute sur Cité de la musique live.

Ailleurs : Paris — Broadway.

Salle Cortot — 2013-02-23

Marc Duprez, violon

Hélène Lequeux-Duchesne, violon

Joël Soultanian, alto

Sarah Veilhan, violoncelle

Bernard Chapron, flûte

Canon à deux, Ricercar à trois, Canon à quatre, Canon perpetuus per giusti intervalli extraits de L'Offrande musicale (BWV 1079), Bach

Quatuor à cordes nº1 en ut majeur op. 49 (Chostakovitch)

Six Épigraphes antiques (Debussy), transcription pour flûte et trio à cordes de Bernard Chapron

Quatuor pour flûte et cordes en ré mineur, KV 285 (Mozart)

Charmant concert de musique de chambre au programme varié ! Parmi les extraits de L'Offrande musicale qui ont été joués, j'ai adoré le Ricercar à trois, grâce au thème de L'Offrande musicale dont les apparitions et réapparitions m'ont semblé limpides. J'ai encore une fois été charmé par le jeu de la violoncelliste Sarah Veilhan, qui a livré de beaux pizz. fins et délicats dans le Quatuor nº1 de Chostakovitch et qui a fort joliment alterné archets et pizz. dans la cinquième des Épigraphes antiques de Debussy, la plus convaincante à mon goût. La plus belle découverte de ce concert a été pour moi celle du remarquable altiste Joël Soultanian dont le solo au début du deuxième mouvement du Quatuor nº1 de Chostakovitch m'a beaucoup ému.

Opéra Comique — 2013-02-23

Orchestre philharmonique de Radio France

Hélène Collerette, violon solo et direction

Magali Mosnier, flûte

Concerto pour flûte nº1 en sol majeur, KV 313 (Mozart)

Sérénade nº6 en ré majeur, Serenata notturna, KV 239 (Mozart)

Xavier de Maistre, harpe

Concerto pour flûte et harpe, KV 299 (Mozart)

Merci à Hugo d'avoir attiré mon attention sur ce réjouissant programme Mozart dirigé par Hélène Collerette ! Si les deux sous-ensembles du Philhar' entendus lors de ce concert et celui de la veille sont disjoints ou presque, ils m'ont tous les deux comblé de plaisir ; je note d'aller écouter plus souvent cet orchestre l'année prochaine...

Si j'ai aimé le concerto pour flûte et le concerto pour flûte et harpe, le point culminant de ce concert aura été pour moi la Serenata notturna. Les musiciens semblent prendre autant de plaisir que les spectateurs, très attentifs. Le satisfaction est d'autant plus grande dans le dernier mouvement où des mini-cadences semblent avoir été insérées pour chacun des solistes de cette œuvre (deux violons, un alto, une contrebasse et les timbales). D'après l'enregistrement de cette œuvre dont je dispose, ces solos ne semblent pas prévus par la partition, mais quand bien même certains solos m'ont paru d'un style assez peu mozartien (j'ai même pensé à Boulez !), c'était du meilleur effet !

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-02-26

Orchestre de chambre de Paris

Marina Chamot-Leguay, direction et flûte

Suite nº2 en si mineur, BWV 1067.

John Nelson, direction

Italo Marchini, assistant

Le jeune chœur de Paris

Henri Chalet, chef de chœur

Credo, pour chœur et orchestre (James MacMillan)

Omo Bello, soprano

Marianne Crebassa, mezzo-soprano

Claudia Huckle, alto

Pascal Charbonneau, ténor

Matthew Brook, basse

Magnificat, BWV 243, Johann Sebastian Bach.

La suite pour orchestre “Sonnerie de téléphone” de Bach était malheureusement ratée. Malgré l'effectif orchestral réduit utilisé pour cette œuvre, le son de la flûte (en bois) était inaudible, presque complètement couvert par celui des autres instruments. Ma tristesse est aussi grande que l'estime que je porte à la flûtiste.

Le Credo de MacMillan ne m'a pas autant enchanté que son concerto pour hautbois, interprété en janvier par cet orchestre et François Leleux. J'ai un peu l'impression d'avoir entendu une œuvre pour chœur et une œuvre pour orchestre, mais pas vraiment une œuvre pour chœur et orchestre, comme si les parties chorales et des parties orchestrales s'ignoraient l'une l'autre. L'écriture vocale est archaïsante (oh, des intervalles entre voix du chœur qui sonnent juste), ce qui ne messied point s'agissant d'une œuvre religieuse. Les parties orchestrales sont un peu plus tourmentées, mais j'apprécie tout particulièrement les accords doucement dissonants entre les différents pupitres de cordes (on diraît un tampura mal réglé !). Ayant eu du mal à discerner le texte prononcé par le chœur, je n'ai même pas reconnu le moment où celui-ci dit Et resurrexit..., un passage sans doute totalement dénué d'effet, contrairement à Bruckner dans sa Messe nº3 mentionnée plus haut.

L'interprétation de ce Credo a été perturbée par la présence dans la salle d'un bébé qui a commenté les deux premiers mouvements avec les quelques syllabes à sa disposition. Le troisième mouvement a même été interrompu après quelques secondes. Le chef s'est tourné silencieusement vers le côté, quelques spectateurs ont inventivé contre les parents dudit bébé, les exhortant à sortir (en vain...).

Après l'entr'acte, l'orchestre, le chœur et cinq chanteurs solistes sont venus interpréter le Magnificat de Bach, que je n'avais pas entendu en concert depuis 2007. Cette interprétation réjouissante de la musique de Bach m'a vraiment convaincu. Outre les chanteurs presque tous excellents, j'ai aimé les solos de hautbois, le duo de flûtes, l'organiste, le chœur, le phrasé intéressant choisi par les cordes dans le Deposuit potentes, etc.

Cité de la musique — 2013-02-27

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Paavo Järvi, direction

Symphonie nº86 (Haydn)

Piotr Anderszewski, piano

Symphonie nº4 (Szymanowski)

Sérénade nº1 (Brahms)

Il faudrait que l'Orchestre de Paris joue plus souvent à la Cité de la Musique. C'était une orgie sonore ! J'ai adoré les trois œuvres. La Symphonie nº4 de Szymanowsky m'a paru cette fois-ci bien plus équilibrée que lorsqu'elle avait été interprétée en décembre par le LSO. La Sérénade nº1 de Brahms est une très belle friandise qui commence espièglement dans une atmosphère très paysanne. Pendant tout le concert, le bassoniste Giorgio Mandolesi a fait honneur à sa réputation !

Église Saint-Eustache — 2013-02-28

Orchestre Colonne

Marc Korovitch, direction

Fabienne Conrad, soprano

Nicolas Lépolard, baryton

Chœur de l'orchestre Colonne

Francis Bardot, chef de chœur

Am Saum ses Gedankens (Gualtiero Dazzi)

Ein deutsches Requiem (Brahms)

Je ne suis pas très friand a priori des concerts dans les églises. Le placement est souvent libre ; il faut donc penser à arriver un peu en avance. Les chaises sont inconfortables et trop rapprochées les unes des autres. Il fait froid (ou trop chaud si on est assis sur le chauffage...). Les musiciens ne sont pas sur une scène surélevée, donc on ne les voit pas et en outre, le son qu'ils produisent est transformé par la durée de réverbération invraisemblablement longue de ces édifices (cf. le cas de la basilique Sainte-Clotilde).

Le concert a commencé par Am Saum des Gedankens de Gualtiero Dazzi. Contrairement au Credo de MacMillan entendu l'avant-veille de ce concert, je ne ressens pas ici de grand écart entre les parties vocales et les parties orchestrales de cette œuvre contemporaine. J'apprécie l'atmosphère créée par l'orchestre par différents procédés, comme de longues notes tenues ; cela m'a parfois fait un peu penser au style spectral (voir plus haut à propos de Modulations de Grisey). Dans cette œuvre pour orchestre, chœur et voix féminine, mes plus fortes émotions sont venues des interventions de la soprano Fabienne Conrad. Certes, il m'a semblé qu'il y avait beaucoup de vibrato dans sa voix au tout début, mais que ses phrasés étaient beaux ! J'ai ainsi beaucoup aimé sa façon de chanter une fin de phrase sur le texte den Stern in die Nacht. Le clou du spectacle résidait dans l'ondulation presque dhrupadisante sur les deux syllabes d'un unique mot vers la fin de l'œuvre, était-ce sur le mot immer dans le poème Die Pappel ? Merveilleux !

J'appréhendais de réétendre Ein deutsches Requiem de Brahms. Je l'ai entendu deux fois : en 2006 par le COGE et en 2009 par le Philharmonique de Radio France. À chaque fois, je m'étais ennuyé au point que je m'étais peut-être même assoupi. Je garde aussi en mémoire le souvenir de passages qui m'avaient semblé un peu pompeux.

L'Orchestre et le Chœur Colonne sont dirigés par Marc Korovitch, que j'ai déjà pu apprécier comme chef de l'Orchestre des concerts gais. Amenés comme ils l'ont été, sans affectation, les passages qui joués par d'autres m'avaient parus pompeux m'ont semblé venir tout naturellement dans le flux musical. L'acoustique de l'église valorise tout particulièrement le chœur qui explore une large gamme de nuances. Le premier mouvement Selig... m'a bouleversé. J'ai rarement autant pleuré pendant un concert ! Après un deuxième mouvement tout aussi riche en émotions, j'ai pu retrouver une certaine contenance et écouter la suite de l'œuvre d'un air ravi que je n'ai même pas pensé à quitter quand je me suis pris un gros coup de coude involontaire de la part de la spectatrice située à ma gauche...

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Planning de mars 2013

2013-03-01 10:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Planning

Après un mois de février très chargé en spectacles, mon mois de mars sera un peu plus raisonnable.

  • 1er mars 2013 (Cité de la musique) : le flûtiste Emmanuel Pahud joue le Prélude à l'Après-midi d'un faune de Debussy ! Pas avec n'importe qui, puisqu'il y aura des membres de l'orchestre philharmonique de Berlin, ainsi que le clarinettiste Paul Meyer et le violoncelliste Raphaël Pidoux.
  • 2 mars 2013 (Cité de la musique) : Cinq concertos pour violon ou/et hautbois de Bach en un seul concert ! Pas par n'importe qui : le violoniste Guy Braunstein, le hautboïste Ramón Ortega Quero et la Philharmonische Camerata Berlin.
  • 6 mars 2013 (Opéra Garnier) : Toutes les étoiles du Ballet de l'Opéra ou presque danseront au cours de ce gala Noureev avec l'Orchestre Colonne dirigé par Fayçal Karoui.
  • 15 mars 2013 (Salle Pleyel) : L'Orchestre Colonne avait fait un très beau programme John Williams en juin 2012. Cette année, c'est au tour du LSO. Des extraits de films de Steven Spielberg seront projetés pendant le concert.
  • 17 mars 2013 (Opéra Comique) : La dernière fois que j'ai entendu Anna Caterina Antonacci en concert, c'était dans le rôle de Cassandre dans Les Troyens à Londres en juin 2012. Cette fois-ci, ce sera pour La Voix humaine de Poulenc.
  • 18 mars 2013 (Salle Pleyel) : Je n'ai jamais entendu de sonate pour piano de Beethoven en concert ! Ce manque sera comblé par le pianiste Maurizio Pollini qui jouera également ne jouera pas trois Carnavals de Salvatore Sciarrino.
  • 19 mars 2013 (Salle Pleyel) : J'avais sélectionné ce concert de l'Orchestre Philharmonique de l'Oural parce que La Nuit sur le mont Chauve de Moussorgsky était programmée. Malheureusement, le programme a été modifié. Je trouve ce procédé assez déplaissant.
  • 21 mars 2013 (Salle Pleyel) : Joué après la Musique pour cordes, percussion et célesta, le deuxième concerto pour violon de Bartók ne m'avait pas enthousiasmé lors de ma première écoute en mai 2012. Entre des œuvres de Dutilleux et Beethoven, l'apprécierai-je davantage ?
  • 22 mars 2013 (Opéra Comique) : Je ne sais plus pourquoi j'ai coché ce spectacle musical du pianiste de jazz Uri Caine d'après Othello de Shakespeare, et Verdi... Je verrai bien !
  • 23 et 24 mars 2013 (Auditorium de Dijon) : Direction Dijon pour écouter deux fois le Chamber Orchestra of Europe. Au programme : Don Giovanni et un concert qui sera dirigé par l'extraordinaire premier violon Lorenza Borrani et dans lequel Romain Guyot jouera le concerto pour clarinette de Mozart !!!
  • 27 mars 2013 (Auditorium du Louvre) : Ce concert est complet. Je m'y suis pris trop tard... J'aurais pourtant adoré réécouter l'altiste Antoine Tamestit et le pianiste Martin Helmchen...
  • 30 mars 2013 (Salle Pleyel) : L'Orchestre National d'Île-de-France jouera des extraits symphoniques des opéras de Wagner et accompagnera la chanteuse Nora Gubisch pour les Wesendonck Lieder.
  • 31 mars 2013 (15h) (Espace Reuilly) : Bharatanatyam par Priya Venkataraman et ses élèves.

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Mahabharata au Quai Branly

2013-02-11 13:25+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Théâtre — Culture indienne

Théâtre Claude Lévi-Strauss du Musée du Quai Branly — 2013-02-10

Shizuoka Performing Arts Center

Satoshi Miyagi, auteur et mise en scène

Azumi Kubota, co-auteur

Hiroko Tanakawa, composition

Jumpei Kizu, scénographie

Koji Osako, lumières

Koji Makishima, son

Kayo Takahashi, costumes

Eri Fukasawa, accessoires

Kyoko Kajita, coiffure et maquillage

Masaki Nakano, assistant à la mise en scène

Yoshiji Yokoyama, dramaturgie

Yukio Kato, Fuyuko Moriyama, Yuki Nakamura, Yuzu Sato, Yoichi Wakamiya, Ryo Yoshimi, musiciens

Ayako Terauchi, chef d'orchestre

Kazunori Abe, narrateur

Micari, Damayanti

Kouichi Ohtaka, Nala

Yoneji Ouchi, Varshuneya

Naomi Akamatsu, Kesini

Yudai Makiyama, Pushkar

Hisashi Yokoyama, Kali

Tsuyoshi Kijima, Bhima/chasseur

Miki Takii, Impératrice douairière

Moemi Ishii, Sunanda

Yuya Daidomumon, Rituparna

Yoji Izumi, Sudeva

Yuumi Sakakibara / Momoyo Tateno, Indra

Yu Sakurauchi / Miki Takii, Agni

Miyuki Yamamoto / Asuka Fuse, Varuna

Kotoko Kiuchi / Maki Honda, Yama

Maki Honda / Yuumi Sakakibara, Karkotaka

Mahabharata, épisode du roi Nala

J'ai assisté ce dimanche à la dernière représentation au Quai Branly de Mahabharata par la compagnie japonaise Shizuoka Performing Arts Center inspirée par le théâtre kabuki (je n'y connais rien, mais c'est ce qui est annoncé...). (Quelques autres représentations sont programmées en province.)

Le spectacle de 1h45 ne raconte pas exactement l'épopée du Mahābhārata puisqu'il se concentre sur un conte qui est raconté à quatre des frères Pāṇḍava dans le troisième livre de l'épopée. Lors de l'exil des Pāṇḍava en forêt, ils rencontrent en effet des sages qui leur racontent des histoires qui évoquent des personnages qui peuvent leur servir d'exemples ou de modèles pour leur conduite future. Une de ces histoires est celle de Nala et Damayantī, racontée par le sage Bṛhadásva.

Quelques jours avant d'assister à ce spectacle, je ne me souvenais que des grandes lignes de ce conte. C'est une histoire d'amour qui finit bien. Elle commence par une romance qui naît sans que Nala et Damayantī se soient rencontrés. Le simple fait d'entendre l'éloge de l'autre suffit à faire naître l'amour. Les deux s'échangent des messages par l'intermédiaire d'un cygne comme sur cette représentation fameuse du peintre Raja Ravi Varma :

Damayanti par Raja Ravi Varma

Comme il était de coutume au temps des épopées, la princesse Damayantī (fille d'un certain Bhīma, homonyme d'un des Pāṇḍava) doit choisir son époux au cours d'un cérémonie appelée svayaṃvara dans laquelle quatre dieux figurent au nombre des prétendants : Indra, Agni, Varuna, Yama. Bien sûr, la princesse sait d'avance quel homme elle veut épouser, mais les quatre dieux prennent tous l'apparence de Nala. Damayantī parvient à désigner son bien-aimé parce que c'était le seul qui transpirait et dont les pieds touchait le sol. Loin d'être en colère, les dieux bénissent cette union et donnent quelques pouvoirs surnaturels à Nala. Le couple vit heureux et engendre deux enfants. Le démon Kali était arrivé en retard au svayaṃvara et décide de leur nuire. Pour cela, il fait alliance avec le frère de Nala, Puṣkara qui veut prendre la place de son frère à la tête du royaume. Comme dans le récit principal du Mahābhārata, cela se joue dans une partie de dés. Nala, qui à partir de là est possédé par le démon Kali, perd tout. Il doit partir en exil avec Damayantī qui a confié ses enfants à ses parents. Nala perd le dernier vêtement qui lui reste en essayant de capturer un oiseau. Tout honteux, il abandonne Damayantī dans la forêt après avoir déchiré un pan de son sari pour se couvrir.

Après avoir été mordu par le serpent Karkoṭaka qu'il avait pourtant délivré du feu, Nala est temporairement transformé en un être difforme nommé Bāhuka. Comme il est expert en chevaux, il se fait engager comme cocher par le roi Ṛtuparṇa.

De son côté, Damayantī se retrouver seule dans la forêt. Alors qu'elle est sur le point de se faire dévorer par un python, un chasseur la sauve, mais celui-ci devenant trop entreprenant avec elle, elle lui lance une malédiction et le chasseur meurt sur le champ. Plus tard, elle rencontre une caravane de marchands qui va être victime d'une attaque d'eléphants sauvages. Les caravaniers tiennent Damayantī pour responsable. Elle doit fuir. Elle finit par arriver dans un royaume dont la reine l'engage pour s'occuper de la princesse Sunandā. Un jour, un visiteur reconnaît Damayantī qui peut retourner chez ses parents. Bhīma, le père de Damayantī envoie des messagers à la recherche de Nala. Nala-Bāhuka entendra le message envoyé par Bhīma et y apportera une réponse qui sera rapportée à Damayantī.

Dès lors, Damayantī établit un plan pour retrouver Nala. Elle fait envoyer un message à Ṛtuparṇa (et à lui seul) annonçant qu'aura lieu le lendemain un deuxième svayaṃvara. La distance entre les deux royaumes est en principe trop grande pour qu'il puisse s'y rendre en si peu de temps. Cela n'est possible que si Ṛtuparṇa est conduit par un cocher de la valeur de Nala. C'est ce qui se produit. Dans des circonstances rocambolesques, le roi Ṛtuparṇa (expert en dénombrement et au jeu de dés) échange son savoir avec celui de Nala dans l'art de la conduite des chevaux. Le char arrive à temps, ce qui est un premier signe du retour de Nala pour Damayantī qui entend ensuite sa servante Keśini lui parler des pouvoirs surnaturels de Bāhuka (les portes s'agrandissent pour le laisser passer, etc.). Elle est définitivement convaincue quand elle goûte à un plat que Bāhuka a préparé.

La fin heureuse est proche. Nala peut mettre un terme à sa difformité physique en se parant d'un vêtement magique que lui avait donné le serpent Karkoṭaka. Comme il est devenu expert en dés, Nala peut récupérer le royaume que lui avait pris Puṣkara auquel il pardonne ses méfaits.

Le Mahabharata de Madeleine Biardeau, volume 1 Couverture de la version Amar Chitra Katha de Nala et Damayanti

J'ai bien fait de relire les détails de cette histoire telle que la raconte la sanskritiste Madeleine Biardeau dans son édition en deux volumes du Mahābhāratā puisque la version bande-dessinée de l'éditeur Amar Chitra Katha aurait été insuffisante pour me préparer à cette représentation de la troupe japonaise : les moindres détails de cette histoire ont été préservés dans le travail d'adaptation, y compris certains que j'avais eu le temps d'oublier entre ma lecture de samedi et la représentation de dimanche...

J'ai juste été un peu déçu que la narration du spectacle commence avec le svayaṃvara. J'aurais en effet bien aimé voir le cygne intervenir comme messager entre Nala et Damayantī. Le rôle des dieux dans le svayaṃvara a aussi été réduit dans le spectacle puisqu'on ne nous dit pas qu'il ont essayé de troubler le choix de Damayantī en prenant la forme de Nala. Cette déception n'est finalement pas grand'chose. Je me suis délecté d'autres détails, comme la scène où Damayantī se fait reconnaître par un visiteur, la preuve de son identité étant apportée par la présence d'un grain de beauté sur le front qui ne devient visible qu'après qu'on en a enlevé la poussière ; c'est aussi à ce moment-là que la reine du royaume où Damayantī a été recueillie prend conscience qu'elle est sa nièce.

Davantage que ces détails, il était plus important que les caractéristiques de ces personnages soient préservées. Le sous-titre du spectacle a beau être Épisode du roi Nala, le personnage principal est en réalité Damayantī. Quand son mari va tout perdre, elle a la présence d'esprit de confier ses enfants à ses parents. Elle a pleinement conscience du fait que Nala est possédé par un démon (Kali). C'est grâce à cette conviction qu'elle ne doute jamais du sens du devoir de son mari. C'est elle qui organise un plan pour que les deux époux puissent se retrouver. J'ai aimé que le texte de cette adaptation souligne à plusieurs reprises cette clairvoyance de Damayantī.

Affiche du spectacle Mahabharata

L'univers esthétique du Shizuoka Performing Arts Center fut assez surprenant pour moi. Une plate-forme de taille relativement modeste est placée sur la scène, pas tout à fait au centre. Les musiciens (tous percussionnistes) prennent place devant leurs instruments le long de deux côtés de la plate-forme. Les comédiens, qui comme les musiciens sont tous habillés en blanc à l'exception du démon Kali qui est en gris, évolueront sur cette plate-forme principale, ou sur une plus petite située à gauche. Les différentes parties du théâtre sont utilisées par la mise en scène : les comédiens peuvent entrer par l'arrière, par le côté gauche et par les allées entre les spectateurs.

Je ne sais pas comment le public ne connaissant pas préalablement l'histoire de Nala et Damayantī a perçu le conte ; pour ma part, j'ai été agréablement surpris, même si j'ai eu de quoi être étonné par le contraste entre d'une part l'esthétisme des costumes et la poésie du conte et d'autre part les expressions verbales et faciales volontairement exagérées et grotesques qui se font voir et entendre dans certaines scènes. Il en va de même des plaisanteries, par exemple quand Damayantī organise son propre svayaṃvara. On aperçoit alors un rouleau de papier où des inscriptions en japonais entourent un portrait de la princesse. Un comédien dit, en français, Je ne sais pas lire.. Une comédienne lui prend le papier contenant le message et commence par dire très exactement Flash spécial ! À tous les rois... pour que ceux-ci sachent que Damayantī souhaite se remarier. La scène devient tout à fait délirante quand d'autres comédiens entrent avec des pancartes vantant les mérites de la boisson miraculeuse Shizuoka Damayan-Tea.

Le traitement comique de certaines scènes me semble tout à fait approprié. Que Nala-Bāhuka se permette d'arrêter son char pour compter très exactement les feuilles d'un arbre alors que le bon sens voudrait qu'il rejoigne le plus rapidement possible le royaume de Bhīma paraît tout autant incongru dans le texte d'origine que dans cette mise en scène !

Le plus délicieux dans cette production est sans doute sa scénographie et son utilisation d'accessoires et de costumes en papier (avec un peu d'origami) et même de marionnettes. Les figurants-chanteurs-danseurs sont mis à contribution de bien des manières ! Comme tous les détails de l'histoire ou presque sont montrés, les concepteurs du spectacle ont dû trouver d'habiles manières de représenter par exemple les éléphants sauvages, les caravaniers, etc. (On notera aussi la représentation subtile de certains détails : les quatre dieux portent ainsi des chaussures qui donnent l'impression qu'ils ne touchent pas le sol.)

Comme j'ai rapidement compris que les moindres détails de l'histoire seraient représentés, j'ai pu concevoir des attentes portant sur certains épisodes du conte et ceux-ci ont été amplement comblés. Le détail qui tue, cela a été les jets des pétales de fleurs par le démon Kali lors de la grandiose fête célébrant en fin de spectacle les retrouvailles des deux amants. Bien sûr, les dieux assistent à cette fête. Dans le texte de Madeleine Biardeau, on peut lire Une pluie de fleurs tombe du ciel et les tambours célestes résonnent.. C'était exactement ça !

Ailleurs : United States of Paris (avec quelques photographies).

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Bartók-Maraton I/III/V/VII/IX/XI

2013-02-07 10:23+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Budapest

Après avoir rendu compte des concerts du Bartók-Maraton donnés dans l'amphithéâtre du Művészetek Palotája, je vais maintenant me concentrer sur les six concerts donnés dans la grande salle, en procédant cette fois-ci par ordre chronologique, car sinon je ne m'y retrouverais plus...

Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 10:30

Csaba Péter, vezényel

Banda Ádám, hegedű

MÁV Szimfonikus Zenekar

I. hegedűverseny

Concerto

Le programme de ce concert m'intriguait. Comme I. hegedűverseny signifie Concerto pour violon nº1, je me disais quelques jours avant de venir qu'il y avait peut-être une coquille dans le programme parce qu'adjoindre à celà le mot Concerto serait redondant. Je n'osais croire comme l'expliquera Klari que ce mot désignait ce qui est connu par chez nous sous le nom de Concerto pour orchestre, et ce d'autant plus que les deux œuvres ne tiennent pas dans le temps imparti à ce concert, le suivant étant programmé une heure plus tard. Le concert s'est terminé avec un quart d'heure de retard :-)

J'ai aimé retrouver le violoniste Ádám Banda que j'avais adoré il y a quelques semaines à la Cité de la musique dans la Sonate pour violon seul de Bartók. Le début crépusculaire de concerto m'a semblé idéal pour rentrer dans l'univers du compositeur. Je me suis ensuite laissé porter par la musique, tout comme dans le concerto pour orchestre. Comme tous les orchestres qui vont se succéder sur la scène, l'orchestre symphonique du MÁV est impressionnant ! Si tous les musiciens sont très engagés, l'attitude souriante du violoncelliste solo me plaît beaucoup.

Ádám Banda

Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 12:30

Kovács János, vezényel

Budapesti Vonósok (Botvay Károly, művészeti vezető ; Pilz János, koncertmester)

Zene húros hangszerekre, ütőkre és cselesztára

Divertimento

L'orchestre à cordes de Budapest présente une particularité vestimentaire : si les hommes ont la tenue habituelle des musiciens d'orchestre, les femmes portent des robes colorées. Cet ensemble joue une des œuvres du Bartók-Maraton que j'attendais avec le plus d'impatience : la musique pour cordes, percussion et célesta. J'avais déjà été captivé quand je l'avais entendue pour la première fois jouée par le LSO en mai 2012. Cela n'a pas raté, j'ai encore été émerveillé par le premier mouvement Andante tranquillo, et par tous le reste, avec une pensée particulière pour le son des timbales. Il m'a semblé voir seize violonistes, huit à gauche du chef et huit à sa droite, et chaque groupe de huit était subdivisé en deux groupes de quatre, lesquels se subdivisaient exceptionnellement en des mini-groupes de deux musiciens, suivant que les musiciens soient du côté gauche ou du côté droit de leur pupitre. À la lecture de l'instrumentation décrite sur Wikipédia, il semble en réalité qu'il s'agisse d'une œuvre pour double orchestre (comme l'est la Passion selon Saint-Mathieu de Bach). Quelle énergie déployée par cet ensemble dont l'effectif n'est en rien pléthorique (seulement deux contrebasses) ! Le Bartók-Maraton se serait arrêté là, j'aurais déjà été heureux d'avoir fait le déplacement. Mais, sans parler des autres concerts, celui-ci m'a aussi donné à entendre le Divertimento...

Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 15:00

Muzsikás együttes

Jandó Jenő, zongora

Petrás Mária, ének

Farkas Zoltán, Tóth Ildikó, tánc

Kaél Csaba, rendező

Bartók és a népzene

Ce concert mettait en regard la musique folklorique et des œuvres pour piano de Bartók qui en sont inspirées. C'est peu dire que j'ai adoré le pianiste Jenő Jandó qui a notamment joué les Danses populaires roumaines et Allegro barbaro. Je n'ai pas retenu le détail du programme qui n'a été affiché qu'assez furtivement sur des écrans situés sur la scène et sur lesquels étaient projetés des photographies et des films anciens montrant des danses populaires. Un couple de danseur a interprété quelques danses pendant que l'ensemble de musique folklorique Muzsikás jouait. J'ai apprécié la façon dont le pianiste et cet ensemble se sont passé le relais au cours du concert, la musique folklorique s'enchaînant sans pause aux œuvres pour piano de Bartók et réciproquement. La musique folklorique était tout à fait plaisante pour mes oreilles et elle m'a fait découvrir quelques instruments originaux. Il y a ainsi eu une longue flûte tenue verticalement par un musicien multi-instrumentiste (puisque qu'il a joué aussi de l'alto). A également attiré mon attention une contrebasse à trois cordes avec laquelle l'interprète faisait des pizz. à pleines mains, comme s'il allait arracher les cordes ! Tout autant étonnant fut la sorte de violoncelle en bois peu noble accroché sur le ventre et dont les cordes n'étaient pas frottées par un archet mais frappées violemment par une baguette. Pendant quelques minutes, la magnifique voix a capella de la chanteuse Mária Petrás dans la Modvai Ballada s'est fait entendre.

Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 17:00

Nemzeti Filharmonikusok

Kocsis Zoltán, vezényel

Kossuth-szimfónia

Táncszvit

Si j'avais écouté ce concert en dehors du contexte du Bartók-Maraton, j'aurais sans doute été plus qu'enchanté. Entre toutes les merveilles programmées lors de cette journée, je dois avouer avoir presque été déçu de n'avoir trouvé que très bon ce concert de l'Orchestre philharmonique national. Les deux œuvres (la Symphonie Kossuth et la Suite de danses) me font penser à un autre compositeur, Stravinski (celui du Sacre du printemps et de Petrouchka). Dans la voluptueuse musique de la Symphonie Kossuth, j'ai aimé l'incongruité d'une sorte de fugue qui est initiée par un ensemble de bassons avant de se propager dans l'orchestre. Dans la Suite de danses, je me suis notamment délecté des glissandi des trombones, du son du hautbois et du tuba (qui a dû mettre et enlever sa maxi-sourdine un certain nombre de fois...).

Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 19:00

Pannon Filharmonikusok

Várjon Dénes, zongora

Bogányi Tibor, vezényel

III. zongoraverseny

A csodálatos mandarin - szvit

Quel bel orchestre que cet Orchestre Philharmonique Pannon ! J'envie les habitants de la ville de Pécs où cet orchestre est installé. S'agissant du programme de leur concert, je dois toutefois admettre avoir quelques difficultés à apprécier le concerto pour piano nº3. Je n'avais pas tellement aimé cette œuvre quand je l'avais entendue par le Philharmonia Orchestra. Ayant acquis un enregistrement des concertos pour piano par le Budapest Festival Orchestra dirigé par Iván Fischer avec András Schiff comme soliste, j'ai appris à l'aimer. En vrai avec cet orchestre et le pianiste Dénes Várjon (déjà entendu quelques heures plus tôt dans des œuvres pour piano seul), si j'ai encore une fois adoré le deuxième mouvement, dans l'ensemble je n'ai pas été conquis, mais l'orchestre m'a fait une impression plus qu'excellente. Il est à noter qu'alors que l'Orchestre philharmonique de Vienne est entre autres réputé pour être très masculin, le Pannon est au contraire très féminin. Les femmes ne sont d'ailleurs pas exclues des postes à responsabilité puisque le violon solo est une femme.

Si le point culminant du Bartók-Maraton a été pour moi le concert du chœur Nyíregyházi Cantemus, le plus grand frisson purement orchestral est assurément venu de la Suite du Mandarin merveilleux que cet orchestre a interprété. Si j'avais lu le synopsis de ce ballet-pantomime avant de venir, je n'ai pas véritablement réussi à faire le lien entre ce que j'entendais et l'histoire. J'ai seulement reconnu que le rôle de la prostituée était joué par la (magnifique) clarinette. Plutôt que de penser à l'histoire, je me demandais s'il était possible de faire rugir un orchestre de façon plus impressionnante. Choquant. Sidérant. Un régal !

Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 21:00

Budapesti Fesztiválzenekar

Kovács István, A kékszakállú herceg (basszus)

Komlósi Ildikó, Judit (mezzoszoprán)

Gera Marina, Hekler Melinda, Szilágyi Csenge, korábbi feleségek

Szlávik Juli, jelmez

Baumgartner Sándor, fény

Fischer Iván, vezényel

A kékszakállú herceg vára

Parmi les diverses merveilles composées par Bartók que j'ai entendues en 2012, celle qui m'a décidé de venir à Budapest pour le Bartók-Maraton était A kékszakállú herceg vára (Le Château de Barbe-Bleue) interprété par l'Orchestre de Paris en octobre. C'est l'œuvre qui était programmée pour clore le Bartók-Maraton. De façon cohérente avec le propos de l'opéra, on a pour ainsi dire fait l'obscurité dans la salle. C'est le chef d'orchestre Iván Fischer lui-même qui a joué le rôle du barde. Au milieu de ce court prologue, Iván Fischer a commencé à diriger de dos le Budapest Festival Orchestra. Même si j'avais relu le livret quelques jours auparavant, je n'ai pas compris un traître mot de ce qu'Iván Fischer a dit, mais c'était impressionnant et cela m'a immédiatement mis dans l'atmosphère troublée de cet opéra dont je ne suis sorti qu'une heure plus tard, envoûté que j'étais par le flux musical et le chant des deux solistes. Je n'ai été en quelque sorte déconcentré que lorsque j'ai reconnu quelques mots dans le texte comme lorsque Judith se plaint qu'il fasse froid (hideg, comme quoi cela sert d'aller aux bains !), quand elle dit merci à Barbe-Bleue (köszönöm) ou quand le nom de Barbe-Bleue est mentionné (kékszakállú). Je ne me suis pas repéré très précisément dans le succession des ouvertures de portes. Toutefois, dans la musique, l'apparition de sons stridents signalent régulièrement l'effroi de Judith qui voit ou croit voir du sang un peu partout. Dans le délice auditif constitué par l'opéra, les moments que je trouve les plus délectables interviennent lors de l'ouverture des troisième (le trésor tintant) et sixième porte (les larmes évoquées par un glissando de harpe). Pour l'ouverture de la septième porte, trois comédiennes interprétant le rôle des trois ex-épouses se sont rapprochées du centre de la scène. Jusque là, elles étaient au fond de la scène, cachées par des voiles. Portant des robes aux traînes excessivement longues, elles ont fait de Judith une des leurs. J'ai été ému par la sincérité exprimée par Barbe-Bleue (István Kovács), en particulier dans les moments où ses nuances étaient les plus piano. Si j'avais pu suivre le texte hongrois, je l'aurais sans doute été tout autant par Ildikó Komlósi (Judith). Le moment le plus émouvant du concert a été pour moi le silence de quelques secondes entre la fin de l'opéra et le début des applaudissements.

(Je ne l'ai pas encore visionné en entier, mais on peut voir et écouter sur YouTube un film fait à partir de cet opéra dans lequel le rôle de Barbe-Bleue est interprété István Kovács. Celui de Judith est interprété par Klára Kolonits que par le plus grand des hasards j'ai entendue dans le rôle de Donna Anna dans Don Giovanni vendredi dernier...)

Voilà, mon Bartók-Maraton est maintenant tout à fait terminé... C'est quand la prochaine fois qu'un orchestre hongrois vient à Paris jouer du Bartók ?

Ailleurs : Paris ― Broadway, Klari, vadalmacsutka.

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Planning de février 2013

2013-01-28 13:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Planning

Mon programme de spectacles pour le mois de février est assez démentiel, mais si j'assisterai à plus de spectacles que le mois de février compte de jours, j'aurai tout de même 11 jours sans spectacle !

  • 1er février 2013 (Magyar Állami Operaház, Budapest) : Si le transfert depuis l'aéroport le permet, je profiterai de cette première soirée à Budapest pour visiter l'Opéra d'État hongrois, qui mérite certainement une visite touristique pour lui-même, laquelle sera agrémentée d'une représentation de Don Giovanni. On peut imaginer pire couplage !
  • 2 février 2013 (Művészetek Palotája, Budapest) : Un mathématicien ayant fait sa thèse à Budapest m'a vivement conseillé d'assister à un concert d'orgue au Palais des Arts. Cet orgue peut être admiré sur cette page et aussi sur cette vidéo façon 2001: A Space Odyssey. L'orgue sera utilisé dans la symphonie en sol mineur de Dupré. Dans ce programme franco-hongrois de l'orchestre symphonique de Szeged, je pourrai aussi entendre la deuxième suite de L'Arlésienne (Bizet) et une messe sur le mode phrygien (~Raga Bhairavi) de László Lajtha.
  • 3 février 2013 (Művészetek Palotája, Budapest) : Une toute petite onzaine d'heures de Bartók... Ne cherchez pas la version anglaise de la page annonçant le programme de ce Bartók-maraton, elle n'existe pas. Grâce à cette négligence, j'ai pu me faire un petit lexique hongrois : hegedű (violon), zongora (piano), etc. À partir de vonósnégyes (quatuor à cordes), j'ai même pu former mon tout premier mot hongrois : vonósötös (quintette à cordes).
  • 5 février 2013 (Salle Pleyel) : En raison de la concurrence d'autres salles de spectacles parisiennes, j'ai raté tous les concerts Colonne depuis le début de l'année. J'aurai là l'occasion de réentendre cet orchestre, notamment dans la Symphonie nº1 de Chostakovitch.
  • 7 février 2013 (Salle Pleyel) : J'avais beaucoup aimé le programme de l'Orchestre dirigé par Juraj Valčuha l'année dernière. J'ai donc tout naturellement intégré ce concert à mon abonnement.
  • 8 février 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : Le récital parisien annuel d'une de mes chanteuses préférées, Joyce DiDonato.
  • 9 février 2013 (Cité de la musique) : De peur d'être déçu, je ne sais pas s'il est raisonnable d'espérer que le Sextuor à cordes nº1 de Brahms au programme de ce concert sera aussi merveilleux que lors des concerts de musique de chambre du Philharmonique de Berlin. Au pire, je pourrai me consoler avec le reste du programme de ce concert des Dissonances.
  • 10 février 2013 (17h) (Quai Branly) : Dans le métro, une affiche contenant le mot Mahabharata a attiré mon regard. D'après la liste des personnages mentionnés dans la distribution, ce spectacle du Shizuoka Performing Arts Center est en réalité centré sur un beau conte raconté par un sage aux Pandava pendant leur exil en forêt dans le troisième livre de la grande épopée indienne. Je ne sais pas si c'est pour attirer le public que le spectacle a été ainsi nommé. Pour ma part, j'aurais été tout autant intéressé si j'avais lu Histoire de Nala et Damayanti sur l'affiche. La comparaison de cette affiche et de la couverture de la bande dessinée indienne Amar Chitra Katha sur ce sujet permet de mesurer la différence entre les univers visuels !
    Couverture de la version Amar Chitra Katha de Nala et DamayantiAffiche du spectacle Mahabharata
  • 10 février 2013 (20h) (Théâtre des Champs-Élysées) : Varèse !
  • 11 février 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : Janáček !
  • 12 février 2013 (Salle Pleyel) : Je n'ai pas vu le chef René Jacobs en concert depuis une éternité : c'était il y a sept ans dans Solomon de Händel. J'aurai le plaisir de le retrouver ce chef pour l'adorable oratorio Il trionfo del Tempo e del Disinganno du même compositeur.
  • 13 février 2013 (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris) : En février 2009, un voyage en Inde m'avait empêché d'aller voir Yvonne, princesse de Bourgogne de Philippe Boesmans. Lors de cette représentation, j'écouterai l'opéra Reigen de ce compositeur et je mettrai les pieds dans une salle de spectacle que je ne connais pas. N'ayant plus d'enthousiasme pour me rendre à l'Opéra Bastille, je suis ravi de trouver ainsi des occasions d'aller voir ailleurs des opéras.
  • 15 février 2013 (Opéra Garnier) : J'ai beaucoup envie de revoir Kaguyahime, ce ballet qui m'avait tellement plu en 2010, et ce d'autant plus qu'en principe ce sera Alice Renavand qui interprètera le rôle principal.
  • 16 février 2013 (Cité de la musique) : J'espère que l'ensemble Intercontemporain saura me faire apprécier les quatre compositeurs programmés (Grisey/Pauset/Boulez/Manoury). En principe, c'est Boulez qui dirige, mais il a beaucoup annulé ces derniers temps en raison de problèmes aux yeux.
  • 22 février 2013 (Salle Pleyel) : En 2011, j'avais apprécié un concert du Philharmonique de Radio France dirigé par Jukka-Pekka Saraste, c'est une raison d'aller à ce concert Carter/Stravinski/Bartók/Janáček. Une autre est la présence du pianiste Pierre-Laurent Aimard que je n'ai encore jamais eu l'occasion d'entendre en concert.
  • 23 février 2013 (17h30) (Salle Cortot) : Globalement, à une exception près, les concerts de musique de chambre de l'Orchestre de chambre de Paris à Cortot m'ont donné de grandes satisfactions. Récemment, la carte blanche à Thomas Zehetmair autour du septuor pour cordes et vents en mi bémol de Beethoven m'a ébloui. J'espère que ce concert me plaira autant.
  • 23 février 2013 (20h) (Opéra Comique) : Hélène Collerette, violon solo du Philharmonique de Radio France, dirige ce concert Mozart dans lequel les solistes seront la flûtiste Magali Mosnier et le harpiste Xavier de Maistre.
  • 26 février 2013 (Théâtre des Champs-Élysées) : L'Orchestre de Chambre de Paris, qui était en très grande forme lors de leur concert Mozart/MacMillan/Schubert avec François Leleux, jouera une de mes œuvres vocales préférées, le Magnificat de Bach, ainsi que la suite pour orchestre nº2 (la flûtiste soliste étant Marina Chamot-Leguay). Au programme également, le Credo de MacMillan, dont j'avais apprécié le concerto pour hautbois.
  • 28 février 2013 (Cité de la musique) : Haydn, Szymanowski et Brahms par l'Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi, exceptionellement à la Cité de la Musique.

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Le Ballet Preljocaj à Garnier

2013-01-06 14:36+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2013-01-05

Karlheinz Stockhausen, musique (Helikopter Quarter interprété par le Quatuor Arditti)

Angelin Preljocaj, chorégraphie (2001)

Holger Förterer, scénographie

Sylvie Meyniel, costumes

Patrick Riou, lumières

Virginie Caussin, Lorena O'Neill, Nagisa Shirai, Sergio Diaz, Jean-Charles Jousni, Julien Thibault

Helikopter

Karlheinz Stockhausen, musique (Sonntags Abschied)

Angelin Preljocaj, chorégraphie (2007)

Nicole Tran Ba Vang, scénographie et costumes

Martine Hayer, Claudine Duranti, Ondine Besset-Loustau, réalisation costumes

Cécile Giovansili, Angelin Preljocaj, lumières

Virginie Caussin, Gaëlle Chappaz, Natacha Grimaud, Lorena O'Neill, Nagisa Shirai, Yurie Tsugawa, Sergi Amoros Aparicio, Marius Delcourt, Sergio Diaz, Jean-Charles Jousni, Fran Sanchez, Julien Thibault

Eldorado (Sonntags Abschied)

Avant ce programme du Ballet Preljocaj, je n'avais jamais entendu de musique de Stockhausen en concert. C'est maintenant chose faite, et je n'éprouve pas un besoin impérieux de renouveler l'expérience. Les musiques des deux ballets présentés sont extraits du cycle d'opéras Licht. Musicalement, à part un court instant d'exaltation quand les hélicoptères du quatuor à cordes Helikopter décollent, je n'ai pas le sentiment d'avoir entendu de musique, vu l'omniprésence du son des rotors des quatre hélicoptères dans lesquels avaient pris place chacun des membres du quatuor Arditti (pour le bilan carbone de l'Opéra, on se réjouira exceptionnellement ici du fait que la musique était enregistrée). Parfois, des sons stridents d'instruments à cordes se font entendre. On peut aussi remarquer que les membres du quatuor Arditti savent compter à haute voix, au moins jusqu'à Dreizehn.

L'intérêt principal du premier ballet réside dans les vidéos projetées sur le sol où évoluent les danseurs. Celles-ci peuvent évoquer des pales d'hélicoptères dont le centre de rotation se déplace sur scène de façon synchronisée avec les mouvements des danseurs. Diverses sortes d'images entreront ainsi en interaction avec les danseurs, comme si ceux-ci venaient perturber ou déformer une image fixée préalablement. Pour le reste, je ne sais pas très bien à quelle rituel obscur se sont livrés les danseurs (habillés en slip+t-shirt+genouillères). J'ai simplement remarqué une construction cyclique, ou plus exactement en palindrome, certaines images utilisées à la fin étant les mêmes qu'au début, mais semble-t-il en ordre inverse. Ceci étant, j'ai apprécié la conclusion du ballet, un solo d'une danseuse (Nagisa Shirai) sur un silence prolongeant l'évanouissement progressif du son des hélicoptères.

Si j'en crois Wikipedia, la musique Sonntags-Abschied du deuxième ballet Eldorado était prévue comme musique d'accompagnement pour la sortie des spectateurs de la salle à la toute fin du cycle Licht. Je ne sais pas s'il faut considérer comme un bon signe que j'aie effectivement eu envie de sortir très vite en voyant ce ballet... Si j'avais su à l'avance que c'était là l'intention du compositeur, je me serais éclipsé, mais malheureusement je suis resté, et je me suis ennuyé comme rarement à l'Opéra. Cet eldodado ou paradis ne me fait pas très envie. Le début en est très rude. Sur un silence tout relatif ― à Paris, on ne devrait s'autoriser le silence dans un ballet qu'en septembre : après, les gens commencent à attraper froid et à tousser, au printemps il se mettent à éternuer à cause des allergies et pendant l'été ils sont en vacances ― les danseurs commencent leur entrée dans un univers qui ne m'a inspiré que de l'indifférence. Je retrouve les mouvements de bras typiquement preljocajiens et dans les positions des jambes les arabesques sont beaucoup utilisées (sans doute trop, sinon, je ne l'aurais pas remarqué). Quelques passages évoquent une forme de sensualité tellement aseptisée qu'elle en est mortifère. J'ai l'impression que la musique de Stockhausen ne peut me procurer qu'un seul type de sensations. La musique durerait 10 minutes, 3 heures ou une demi-heure comme ici, pour moi, ce serait la même chose, et cela vaut aussi pour Helikopter. La seule variable serait mon ennui, proportionnel à la durée. Je n'ai pas fait de billets sur les programmes Gillot/Cunningham et Forsythe/Brown présentés à l'Opéra récemment, mais sans avoir trouvé les musiques contemporaines de John Cage et Thom Willems géniales dans les ballets de Cunningham et Forsythe, au moins elles interagissaient avec les mouvements des danseurs. Dans ce ballet de Preljocaj, j'ai eu l'impression qu'on aurait aussi bien pu mettre n'importe quelle autre musique d'accompagnement...

Bref, ce programme est une très grande déception pour moi. À l'avenir, j'hésiterai avant de retourner voir un ballet de Preljocaj. Je garde néanmoins en tête l'impression de danseurs qui malgré la diversité de leurs morphologies forment toutefois un ensemble cohérent et qui, surtout, semblent très investis dans la chorégraphie qu'ils exécutent et qui malheureusement me laisse indifférent.

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Planning de janvier 2013

2013-01-01 14:56+0100 (Brest) — Culture — Musique — Danse — Planning

Je vous souhaite une très bonne année 2013 ! La nouvelle année arrivant et quelques bonnes résolutions étant prises, il faut déjà penser aux spectacles de janvier 2013. Voici ceux que j'ai choisis :

  • 5 janvier 2013 (Opéra Garnier) : J'ai déjà eu l'occasion de voir des ballets de Preljocaj (Siddharta et Le Funambule), je verrai pour la première fois Helikopter et Eldorado par la compagnie du chorégraphe.
  • 11 janvier 2013 (Cité de la musique) : Ayant déjà eu la chance d'entendre le violoniste Ádám Banda à Budapest dans un trio de Beethoven, je ne vais pas laisser passer une occasion de l'entendre à Paris, d'autant plus qu'il jouera notamment la Sonate pour violon seul de Bartók.
  • 12 janvier 2013 (TCE) : Je commençais seulement à venir régulièrement à la Salle Pleyel quand j'ai entendu la Turangalîla-Symphonie. La première fois, j'y allais pour le titre en sanskrit. La deuxième fois, ce sera un peu plus pour la musique, et le chef Mariss Jansons.
  • 14 janvier 2013 (Salle Pleyel) : Récital de la violoniste Hilary Hahn comportant de nombreux bis composés spécialement pour elle.
  • 15 janvier 2013 (TCE) : François Leleux jouera deux concertos pour hautbois lors de ce concert de l'Orchestre de chambre de Paris !
  • 17 janvier 2013 (Cité de la musique) : Janáček est le compositeur d'un des meilleurs concerts auxquels j'ai assisté en 2012. On pourra y réentendre le pianiste Alain Planès. Ce concert sera aussi pour moi l'occasion de découvrir la musique de Martinů.
  • 19 janvier 2013 (Salle Cortot) : Ce concert de la série de musique de chambre de l'Orchestre de chambre de Paris est une Carte blanche à Thomas Zehetmair, violoniste et nouveau chef principal de l'orchestre. Le programme détaillé est inconnu pour le moment, mais il y aura le Septuor en mi bémol majeur de Beethoven.
  • 22 janvier 2013 (Atelier de Gustave Moreau) : Trois musiciens de l'Orchestre de Paris, le flûtiste Vincent Lucas, l'altiste Ana Bela Chaves et le violoncelliste Emmanuel Gaugué joueront un programme de musique de chambre avec notamment le trio de Roussel.
  • 26 et 27 janvier 2013 (Salle Pleyel) : Après les deux premiers merveilleux concerts, voilà les troisième et quatrième concerts de la série de concerts de musique de chambre de Brahms par les solistes du Berliner Philharmoniker, rejoints ici par la pianiste Yuja Wang.
  • 31 janvier 2013 (Opéra Bastille) : La seule raison valable d'aller écouter un opéra à Bastille cette année est La Khovantchina, opéra de Moussorgski, dont j'apprends que l'orchestration est de Prokofiev, ce qui n'est évidemment pas pour me déplaire... Chostakovitch... Ce sera une occasion de réentendre Gleb Nikolski, fantastique prince Grémine dans Eugène Onéguine en 2010.

Les soldes d'hiver 2013 n'ont pas encore commencé, mais je vous propose quelques billets de concerts à la Salle Pleyel que je n'utiliserai pas. Tous sont en quatrième catégorie, et je les revends un peu moins chers que leur prix d'origine :

  • 16 janvier 2013 (Salle Pleyel) : Un programme Beethoven (Premier concerto pour piano, Troisième Symphonie) pour l'Orchestre de Paris dirigé par Herbert Blomstedt (10€).
  • 2 février 2013 (Salle Pleyel) : Le Royal Concertgebouw Orchestra dirigé par Mariss Jansons jouera Mort et Transfiguration de Richard Strauss et la Cinquième Symphonie de Tchaikovski (10€).
  • 3 février 2013 (16h) (Salle Pleyel) : Une occasion d'entendre le superbe violoncelliste Xavier Phillips et l'Orchestre National d'Île-de-France (10€).

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Bilan 2012

2012-12-27 19:21+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Lectures — Culture indienne

Cette année, j'ai vu à peu près le même nombre de spectacles qu'en 2011. C'est encore peut-être un peu trop...

En 2012, j'ai assisté à vingt-huit représentations d'opéras, ce qui est bien moindre qu'en 2011. Je n'ai pour ainsi dire plus aucun plaisir à aller à l'Opéra Bastille, et ce pour de nombreuses raisons (voir par exemple mon billet sur Don Giovanni). Contrairement aux années précédentes, je n'ai même plus envie de me risquer à aller écouter et voir les nouvelles productions, qui sont pour ainsi dire toutes ratées depuis la prise de fonction de Nicolas Joel. Le salut vient d'ailleurs, même si à Paris la nouvelle direction du Théâtre des Champs-Élysées fait des efforts, cf. Médée. Pour ce qui est des opéras en version scénique, je crois que mon meilleur souvenir est celui de La Traviata donnée à Dijon (où j'avais toutefois été moins convaincu par L'Opéra de la lune de Brice Pauset...). Le deuxième acte de Billy Budd entendu à Londres était une merveille musicale. Cela dit, je n'étais pas venu à Londres pour ça mais plutôt pour Les Troyens dont je me souviendrai sans doute longtemps de la démesure des décors et de l'absence de Jonas Kaufmann...

Pour ce qui est des opéras en version de concert, je ne regrette pas le déplacement à Budapest pour le Ring qui s'y est donné en juin dernier ! Le Tristan et Isolde dirigé par Andris Nelsons au TCE m'a aussi bouleversé. Le Château de Barbe-Bleue de l'Orchestre de Paris m'a procuré beaucoup de plaisir. J'ai eu assez longtemps une certaine méfiance vis-à-vis de la musique de Bartók, mais cette année, je suis allé d'émerveillements en émerveillements : le concerto pour piano nº2, la musique pour cordes, percussions et célesta, Le Prince de bois, etc...

J'ai eu l'occasion d'assister à un nombre invraisemblable de bons concerts. Beaucoup de concerts excellents. Pas mal de concerts merveilleux. Quelques concerts fantastiques. Dans cet ensemble, il se trouve une poignée de concerts auxquels je ne peux repenser sans être saisi d'une émotion rétrospective quasiment insoutenable. Les voici, par ordre chronologique :

Dans la catégorie “un pouillème en dessous de fantabullissime”, j'incluerais deux concerts Bach très différents : La Messe en si mineur dirigée par Masaaki Suzuki et La Passion selon Saint Matthieu dirigée par Marc Minkowski.

S'agissant des compositeurs que j'ai découverts cette année, j'ai déjà mentionné Bartók, mais j'ai aussi été émerveillé par la Symphonie nº3 “Chant de la nuit” de Szymanowski et par son concerto pour violon nº1, entendus deux fois cette année, par Christian Tetzlaff et Janine Jansen. J'ai aussi en quelque sorte découvert que Mozart, ça pouvait être bien... notamment grâce à l'Orchestre de chambre de Paris et Sir Roger Norrington ! Grâce au Chamber Orchestra of Europe, j'ai pu apprécier des œuvres que je n'aimais pas trop (cela marche au moins avec les compositeurs en Schu- : Schubert, Schumann). Cette année, quelques autres orchestres de chambre m'ont fait également de très bonnes impressions : le Britten Sinfonia, Les Dissonances, Academy of St Martin in the Fields.

La musique de chambre a également eu une certaine importance dans les concerts auxquels j'ai assisté en 2012. Il y eut bien sûr la Biennale de quatuors à cordes à la Cité de la musique qui a concouru à une de mes grandes découvertes de l'année : la musique de chambre de Beethoven. Plus tard, à Budapest, j'ai ainsi pu me délecter de son trio en si bémol majeur, op. 97. La musique de chambre de Brahms m'a aussi fait une forte impression dans la série en cours à Pleyel par les solistes du Berliner Philharmoniker. Parmi bien d'autres moments mémorables liés à la musique de chambre, je retiens aussi les master-classes de Kurtág à la Cité de la musique ou Clair de lune de Debussy joué en bis par Menahem Pressler, par exemple.

Ma grande découverte musicale de l'année dernière était le chant dhrupad. Cette année, je me suis mis à le pratiquer. Les premiers cours me firent un certain effet ! Partant de zéro, je n'ai bien sûr pu faire que des progrès... Maintenant, je dois arriver au moins à chanter une gamme à peu près juste dans quelques ragas et chanter quelques compositions en respectant le rythme imposé (et de plus en plus, je reçois non plus la suggestion mais presque l'ordre de chanter plus fort, ça doit impliquer que c'est plus juste qu'au tout début...). Les opportunités d'entendre ce type de musique en concert dans de bonnes conditions furent assez limitées, mais tous furent d'excellente qualité : Nirmalya Dey, Uday Bhawalkar (déjà cité plus haut parmi mes meilleurs souvenirs de concerts de l'année !).

Du côté de la danse indienne, j'ai eu l'occasion de voir des formes de danse que je ne connaissais pas vraiment et de les apprécier : le kathak avec Isabelle Anna et l'odissi avec Arushi Mudgal. Cependant, mon style préféré reste le bharatanatyam. La raison est tout simplement que c'est le style que j'ai vu le plus souvent, et progressivement j'ai le sentiment de le comprendre de mieux en mieux. J'ai aussi eu l'occasion cette année de voir presque toutes mes danseuses préférées et d'en découvrir d'autres : Lavanya Ananth, Mallika Thalak, Meenakshi Srinivasan et Nancy Boissel. Depuis le déclic délenché par Srithika Kasturi Rangam lors de son récital à Chennai en février 2010, cette forme d'art est devenue une de celles qui me procurent le plus de plaisir en tant que spectateur, souvent autant sinon davantage que lors de représentations moyennes du Ballet de l'Opéra. Cette compagnie m'aura procuré en 2012 moins de moments mémorables que les années précédentes... Que me reste-t-il ? Josua Hoffalt et Aurélie Dupont dans L'Histoire de Manon (et les adieux de Clairemarie Osta dans ce ballet). Myriam Ould-Braham dans La Bayadère, La Fille mal gardée et dans le défilé du Ballet. De la série des Don Quichotte dans laquelle pratiquement personne n'a vu les danseurs prévus initialement, les distributions n'ayant pas arrêté de changer, je retiens l'interprétation de Mathilde Froustey dans le rôle de Cupidon.

La danse n'est l'apanage de jeunes corps parfaits. Parmi mes plus grandes émotions liées à la danse cette année, je retiens le récital Abhinaya de Malavika et le duo entre Mats Ek et Ana Laguna dansé dans le programme “6000 miles away” de Sylvie Guillem.

J'ai beaucoup moins lu cette année que les années précédentes, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'avec Pagli d'Ananda Devi j'ai lu un chef d'œuvre de la littérature francophone. Plus récemment, Parva d'Amruta Patil m'a fait renouer plus qu'agréablement avec la littérature indienne ancienne.

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Akram Khan au Théâtre de la Ville

2012-12-27 00:17+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2012-12-26

Akram Khan, directeur artistique, chorégraphe, interprète

Tim Yip, conception visuelle

Jocelyn Pook, conception musique

Michael Hulls, conception lumières

Histoires imaginées par Karthika Nair & Akram Khan et écrites par Karthika Nair, PolarBear & Akram Khan

Ruth Little, dramaturgie

Zoë Nathenson, direction d'acteurs

Sreya Andrisha Gazi, voix d'Eshita

Eesha Desai, voix de Jui

Animation visuelle conçue par Yeast Culture

Sander Loonen (Arp Theatre), création décor

Kimie Nakano, responsable des costumes

Fabiana Piccioli, direction technique

Nicolas Faure, création sonore

Sander Loonen, vidéo

Giles Metcalfe, régie plateau

Jose Agudo, direction des répétitions

Mashitah Omar, direction de tournée

Farooq Chaudhry, production

Desh

Quand j'étais abonné au Théâtre de la Ville, je n'arrivais jamais à obtenir de places pour les spectacles d'Akram Khan, sauf une fois, pour son duo avec Juliette Binoche. Étant allé sur le site du théâtre par hasard le jour de la mise en vente des places pour son solo Desh, j'ai pu obtenir sans aucune difficulté une place au deuxième rang. Cette place me permet d'apprécier de près les mouvements du danseur, mais perturbe quelque peu ma lecture de la fin des phrases des sous-titres du fait de la grande taille de la spectatrice assise devant moi au premier rang. A priori, les sous-titres n'étaient pas vraiment nécessaires puisque le texte anglais était très compréhensible et que le texte prononcé dans des langues indiennes n'était pas traduit (il y avait du bengali, et sans doute aussi un peu d'ourdou ou de hindi sinon je n'aurais pas eu l'impression de comprendre parfois quelques bribes).

Le danseur évoque en effet le Bangladesh, le pays natal (Desh) de son père. Le père et le fils ne se comprennent pas, le fils étant né en Angleterre. On trouve dans la pièce des références à la culture populaire du Bengale, à son cadre naturel, mais aussi à l'histoire du Bangladesh. Il est me semble-t-il notamment question de la guerre de libération du Bangladesh (quand le Pakistan oriental est devenu indépendant).

La musique est un étonnant alliage. J'ai peut-être halluciné, mais il m'a semblé entendre des chants celtiques se mélanger à des chansons bengalies. Quelques passages musicaux répétitifs dans le genre de Philip Glass aussi. Des sons d'origine urbaine sont également mixés à l'ensemble. Cette composante était particulièrement saisissante quand le danseur évoquait une rue grouillant de véhicules et de mendiants.

Comme interprète, Akram Khan paraît invraisemblablement doué. La souplesse de ses mouvements de mains m'a fait penser à ceux de Ryszard Cieślak sur cette vidéo. L'ensemble est parfois un peu trop tourbillonnant à mon goût et certaines idées sont un peu trop étirées dans le temps. Le danseur a utilisé quelques mouvements de danse indienne, mais de façon très fugitive, en dehors de deux ou trois suites de pirouettes assez typiques. J'ai parfois à peine eu le temps de me rendre compte qu'il se mettait à faire un peu kathak qu'il était déjà passé à autre chose.

Outre de la danse et la narration, l'intérêt de ce spectacle vient de la scénographie, très travaillée, et des vidéos projetées qui en quelque sorte dialoguent avec le danseur. Cela ajoute beaucoup à la poésie du spectacle, très captivant, mais qui ne m'a pas particulièrement ému.

Ailleurs : Bladsurb.

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Ballets de Noverre à l'Opéra Comique

2012-12-23 13:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Comique — 2012-12-22

Jean-Joseph Rodolphe, musique

Jean-Georges Noverre, arguments des ballets d'action

Hervé Niquet, direction musicale

Marie-Geneviève Massé, chorégraphie

Vincent Tavernier, mise en scène

Antoine Fontaine, décors

Olivier Bériot, costumes

Hervé Gary, lumières

Jean-Paul Gousset, conseiller historique

Begoña del Valle, répétitrice

Marie Blaise, assistante à la chorégraphie

Le Concert Spirituel

Compagnie L'Éventail

Sabine Novel, Armide

Noah Hellwig, Renaud

Olivier Collin, Le Chevalier danois

Bruno Benne, Ubalde

Volodia Lesluin, Romain Arreghini, Monstres Marins

Bérengère Bodénan, Adeline Lerme, Anne-Sophie Berring, Naïades

Marie Blaise, Sarah Berreby, Adrian Navarro, Karin Modigh, Daniel Housset, Irène Ginger, Émilie Bregougnon, Habitants des mers

Renaud et Armide

Sarah Berreby, Médée

Adrian Navarro, Jason

Émilie Brégougnon, Créüse

Daniel Housset, Créon

Irène Ginger, La Gouvernante

Bérengère Bodénan, Le Feu

Brune Benne, Le Fer

Volodia Lesluin, Le Poison

Marie Blaise, L'Esprit du Mal

Olivier Collin, Prince corinthien

Adeline Lerme, Anne-Sophie Berring, Princesses corinthiennes

Karin Modigh, Sabine Novel, Noah Hellwig, Romain Arreghini, Peuples corinthiens

Koupaïa Bodenan, Bertille Pécusseau, Enfants de Médée et Jason

Hubert Hazebroucq, Anna Romani, Emmanuel Soulhat, Figurants

Médée et Jason

J'ai passé l'essentiel de ma journée de samedi à l'Opéra Garnier pour assister aux démonstrations de l'école de danse de l'Opéra. Une des originalités des démonstrations de cette année est d'avoir introduit des danses baroques dans la classe de danse folklorique. Le soir, on dansait à l'Opéra Comique deux ballets de Noverre des années 1760, rechorégraphiés par Marie-Geneviève Massé, dont l'assistante n'est autre que Marie Blaise qui le matin-même faisait justement danser des élèves de l'école de danse de l'Opéra sur des danses baroques et qui au cours de ce programme interprète deux rôles.

Il ne vaut mieux pas que je parle pas trop du premier ballet Renaud et Armide. Mon état de fatigue a fait que je n'ai pas vraiment pu l'apprécier tout à fait... Dans mes moments de lucidité, j'ai eu l'impression que l'intérêt principal du ballet était son décor et ses costumes, l'histoire étant très resserrée. (Je crois que j'ai préféré la version du Bolchoï dans Flammes de Paris.)

Pour le deuxième ballet Médée et Jason, il n'était pas nécessaire pour moi de réviser ma mythologie puisque j'ai récemment vu Médée de Cherubini et qu'il me reste quelques souvenirs d'une lecture de la pièce de Sénèque il y a une quinzaine d'années de cela... N'ayant même pas eu à demander la bénédiction à l'ouvreuse puisque celle-ci pris l'initiative de replacer au mieux le premier spectateur qui daigna lui dire bonsoir, j'ai pu transmuter ma misérable place à 11€ en une place qui en vallait cinq fois plus en m'installant au paradis, plein centre. De là, je pouvais voir pendant l'entr'acte les quatre flûtistes s'amuser à jouer à qui cachera où la flûte à qui. À côté d'eux, il y avait quatre hautbois, deux clarinettes et deux bassons. Quel effectif vertigineux pour une œuvre de cette époque ! La musique est très audacieuse ! Dès l'ouverture, je comprends qu'il y a peu de risques pour que ce ballet m'ennuie ! L'histoire est plus élaborée que dans le précédent ballet, mais on suit le fil de l'histoire assez facilement. Le point culminant du ballet (par son caractère impressionnant, par l'altitude atteinte par un des esprits du mal, et même sans doute par la hauteur des notes jouées) a été la scène de sorcellerie de Médée qui se fait remettre un coffre contenant une substance qui tuera Créon, un tissu qui tuera sa fille Créüse et un poignard pour tuer ses propres enfants. Médée se dédouble ; sans son double maléfique, peut être aurait-elle épargné ses enfants ? Je me demande si cette scène ne m'a pas fait plus d'effet que celle de la Gorge-aux-Loups dans Le Freischütz de Weber ! C'est là que l'audace du compositeur se révèle la plus sidérante et que l'intérêt d'avoir utilisé autant d'instruments à vents, en particulier de flûtes, se fait sentir. Quel plaisir d'entendre autant de notes discordantes ! (Note pour les lecteurs et pour moi-même quand je me relirai : tout ceci est dit sans aucune ironie.) La scénographie rend assez spectaculaire la toute fin du ballet. Quelle merveille que ce ballet Médée et Jason !

Je n'étais peut-être pas assez près des danseurs pour m'en rendre mieux compte, mais j'ai été assez étonné par le rapport entre la musique et la danse. Ma première impression est que la musique accompagne la narration, mais que les pas des danseurs ne sont pas forcément conçus, m'a-t-il semblé comme devant être absolument placés à un endroit précis de la musique. Cette impression est peut-être tout simplement liée à la prédominance de la pantomime dans ces ballets ; toutefois, je me suis amusé à remarquer que certaines positions de pieds des danseurs étaient les mêmes que celles de la danse classique (j'ai cru distinguer des cinquièmes). Toutefois, la musique comporte aussi des détails extrêmement illustratifs et qui paraîtraient saugrenus s'ils ne correspondaient pas à des mouvements des danseurs dans une situation dramatique précise. J'ai ainsi parfois retrouvé la symbiose entre la musique et la danse narrative que j'avais perçue en assistant à une représentation de La Bayadère en mars dernier.

Ailleurs : Impressions danse, Carnets sur sol.

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Deux récitals de bharatanatyam

2012-12-01 13:44+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Au cours de ce mois de novembre j'aurai vu pas moins de six spectacles de bharatanatyam. Parmi eux, je garderai notamment en mémoire le récital de Lavanya Ananth, parce qu'outre leur qualité artistique exceptionnelle, les deux représentations que j'ai vues m'ont donné l'impression de progresser quelque peu dans la connaissance de cette danse, en tant que spectateur. Le langage de cette danse commence à me parler à un point tel que dans un solo dont elle interprète tous les rôles (rarement plus de deux en même temps ceci dit), une danseuse de bharatanatyam peut me procurer davantage d'émotions que le Ballet de l'Opéra ne peut me le faire ressentir au cours d'une représentation moyenne : il faut Myriam Ould-Braham dans La Bayadère ou Aurélie Dupont et Evan McKie dans Onéguine, par exemple, pour me faire atteindre un tel niveau de plaisir.

Paradoxalement, plus j'ai l'impression de mieux comprendre cette danse et d'avoir donc des raisons d'être exigeant, mieux je sais apprécier les aspects de la danse que je ne valoriserais pas a priori. C'est dans cet état d'esprit que je suis allé voir Ofra Hoffman au Centre Mandapa :

Centre Mandapa — 2012-11-29

Kuttalam M. Selvam, chorégraphies

Bragha Bessell, chorégraphie du Padam

Ofra Hoffman, bharatanatyam

Pushpanjali

Alarippu

Varnam

Padam

Tillana

L'offrande de fleurs (Pushpanjali) évoque une jeune femme dévote de Shiva-Nataraja. Suit un Alarippu qui sur une musique rythmique me semble être essentiellement de la danse pure (non narrative). Intervient ensuite le Varnam, la pièce principale du récital qui met en scène une jeune femme qui se languit de Murugan (le deuxième fils de Shiva). La danseuse a magnifiquement évoqué le rendez-vous donné au beau jeune homme sous un arbre. Ce qui m'a suscité le plus grand étonnement est que j'ai pour ainsi dire eu en permanence la sensation de lire un livre écrit dans une langue que je comprenais presque parfaitement. J'ai trouvé tout à fait limpide cette narration faisant appel à des éléments chorégraphiques aussi bien intuitifs que codifiés.

Mon autre motif d'étonnement vient du plaisir que m'ont procuré les jatis dansés dans les deux premières pièces et aussi, peut-être encore davantage, ceux du Varnam. Les jatis sont ces passages rythmiques de danse pure. On ne peut pas dire que ceux-ci étaient particulièrement virtuoses (j'en ai vu de beaucoup plus rapides), mais il y avait là une singulière beauté simple et sincère à laquelle j'ai été réceptif alors que j'accorde en général plus d'attention à l'expression et à la narration. J'ai aussi beaucoup aimé la suite de pas de transition que la danseuse a répété au fond de la scène au début de chaque séquence.

Dans la musique de ce Varnam, je me suis délecté de la répétition de la voyelle i à la fin de chacun des vers des strophes qui accompagnaient l'évocation par la danseuse du beau regard de Murugan.

La musique avant tout mélodique du Padam qui a suivi n'est pas perturbée par des passages rythmiques. Dans cet adage, la danseuse évoque l'espiègle Krishna. J'ai particulièrement aimé les exquis mouvements et positions des mains signalant qu'il est question d'un personnage féminin (une bergère). Parmi les scènes représentées, celle où Yashoda, la mère adoptive de Krishna, lui demande d'ouvrir la bouche parce qu'elle le soupçonne d'avoir mangé du sable : quand le divin Krishna ouvre la bouche, Yashoda voit apparaître d'univers tout entier.

Le Tillana a mis en scène un personnage féminin et Shiva-Nataraja faisant résonner le tambour Damaru.

Centre d'animation Curial — 2012-11-30

Mallika Thalak, bharatanatyam

Kalikautam (chorégraphie de M. K. Saroja)

Alarippu (chorégraphie de V. S. M. Selvam)

Ardhanarishwara (transmis par Rama Vaidyanathan)

Padam (chorégraphie de Kalamandalam Kshemavathy)

Tillana

Le lendemain, je me suis dirigé vers le Centre d'animation Curial, situé dans un quartier de Paris dans lequel je ne m'étais jamais aventuré. Mallika Thalak est une de mes danseuses de bharatanatyam préférées, parce qu'elle me semble exceller par son expression et par la beauté de ses mouvements. J'avais hâte de revoir cette danseuse qui m'avait éblouie quand je l'avais vue au Centre Mandapa et que je n'avais plus vue danser depuis tout juste un an.

Dans les deux premières pièces, la danseuse me paraît un tout petit peu moins à l'aise que lorsque je l'avais vue interpréter ces mêmes pièces il y a un an, mais je prends un certain plaisir à revoir l'offrande symbolique de fleurs et l'évocation de la féroce déesse Kali dans la première et dans la deuxième pièce à apprécier cette danse pure accompagnée d'une musique entièrement rythmique.

Bien sûr, j'aurais aimé voir des chorégraphies toutes nouvelles, mais comme je le disais à elendae avant le début du spectacle, je ne pourrais jamais lui en vouloir de choisir de danser une nouvelle fois Ardhanarishwara, cette superbe chorégraphie qui évoque la divinité androgyne mi-Shiva mi-Parvati portant ce nom. C'est un véritable régal ! Pour la moitié droite, la danseuse évoque la chevelure de Shiva, les cendres qu'il a mises horizontalement sur son front, son ardent regard, son collier de crânes et quelques autres traits virils de cette divinité que je n'identifie pas exactement. Pour la moitié gauche, c'est la grâce féminine de Parvati qui est montrée. La danseuse se métamorphose continuellement, passant de la moitié gauche à la droite et réciproquement. Parfois, la transformation se fait au prix d'un tour de la danseuse sur elle-même : elle est Parvati, entame une rotation et quand elle reparaît, elle est Shiva. D'autres fois, le plus souvent en fait, la transformation se fait de façon beaucoup plus subite, alors que la danseuse fait face au public. Même si je ne connais pas de source iconographique ou mythologique appuyant ce fait, j'ai aimé sa façon de représenter un serpent enroulé autour de la cheville de Shiva. J'ai apprécié aussi le fait que les lumières soient réglées de façon à ce que la moitié gauche de la danseuse paraisse bleue tandis que sa moitié droite était rouge, tout comme dans les représentations picturales colorées d'Ardhanarishwara. En revoyant cette pièce, je découvre des détails importants qui m'avaient échappé les deux premières fois, notamment l'évocation du printemps, des animaux, du butinage des fleurs, etc. J'ai apprécié les jatis dansés dans cette pièce ; j'étais tout étonné d'arriver à me repérer intuitivement dans le cycle à 8 temps grâce aux syllabes rythmiques qui étaient initialement très régulières avant que des variations plus tordues apparaissent.

La quatrième pièce de ce récital a été pour moi une très belle découverte. Pour avoir vu une pièce du même type la veille, j'ai reconnu immédiatement qu'il s'agissait d'un Padam, une sorte d'adage qui évoque ici aussi l'enfance espiègle de Krishna (qui est bien sûr souvent reconnaissable au fait qu'il joue de la flûte). Celui-ci se vante de porter de nombreux bijoux (une bague sur chacun de ses dix doigts), etc. Dans l'épisode le plus développé de cette chorégraphie, on voit une femme en train de baratter avec application du lait pour obtenir du beurre qu'elle met dans une jarre qu'elle accroche dans un coin de la pièce, à une hauteur qui la rende inaccessible à un enfant. Le jeune Krishna fait ensuite son apparition et ayant vérifié que personne ne l'observe, il tente d'atteindre le pot de beurre, mais n'y arrive pas lors de ses premières tentatives. Puis, par quelque tour de son cru, il y parvient enfin et peut se goinfrer du beurre qu'il aime tant. (C'est en souvenir de cette légende que pendant la fête de Krishna Janmashtami des équipes de dévots de Krishna s'organisent en pyramides humaines, le but du jeu étant d'atteindre un pot de beurre préalablement suspendu très haut.) Voir cette danseuse dans une pièce résolument narrative mettant en valeur l'étendue de son talent expressif a été pour moi un réel délice !

La dernière pièce au programme est un beau Tillana qui se termine avec Shiva-Nataraja, le Seigneur de la danse, battant le rythme du monde avec le tambour Damaru.

J'encourage vivement ceux qui sont disponibles le 14 décembre d'aller voir ou revoir ce programme au Centre Mandapa !

On peut admirer la série de neuf photographies de la danseuse dans les Navarasa, les neuf saveurs codifiées de la danse indienne.

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Planning de décembre 2012

2012-11-29 01:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Planning

Mon programme de spectacles pour décembre est presque raisonnable, en comparaison de celui de novembre :

  • 2 décembre 2012 (Salle Pleyel) : Création matinale du Ré-si-do-ré du Prince de Motordu par l'Orchestre National d'Île de France.
  • 2 décembre 2012 (Bouffes du Nord) : Grâce à l'association ProQuartet qui organise cette série de concerts, je verrai le Quatuor Diotima jouer du Schönberg, du Boulez et le fameux quatorzième quatuor de Beethoven qui m'avait tant émerveillé quand je l'avais entendu une première fois par le Quatuor Thymos.
  • 5 décembre 2012 (Opéra Comique) : Je renonce exceptionnellement à un cours de dhrupad pour aller écouter un programme de musique de chambre dans lequel joueront notamment le violoniste David Grimal et le violoncelliste François Salque.
  • 7 et 9 décembre 2012 (Temple des Batignolles) : J'irai écouter deux fois le concerto pour violon de Tchaikovski et la symphonie nº104 de Haydn par l'orchestre des concerts gais dirigé par Marc Korovitch.
  • 8 décembre (Opéra Garnier) : J'ai déjà eu l'occasion de voir le ballet de Trisha Brown inséré dans ce programme qui me permettra surtout de mieux connaître le chorégraphe William Forsythe, dont je n'ai pour le moment vu qu'un seul ballet.
  • 11 décembre (Cité de la musique) : Cette année, j'ai mis un peu d'Intercontemporain dans mon planning. J'avais été peu déçu par la partie Bach du programme Bach/Kurtág. Plus récemment, j'ai été très convaincu par un concert sur le thème du futurisme autour de Varèse, avec deux très belles œuvres contemporaines de Benedict Mason et Maura Lanza. J'espère que cet autre concert sera aussi convaincant...
  • 13 décembre 2012 (Salle Pleyel) : Lors de concerts de l'orchestre de Paris (notamment dans Peer Gynt), j'ai eu quelques occasions d'entendre des solos de violon de Roland Daugareil et d'alto d'Ana Bela Chaves. Ce seront les deux solistes de ce concert !
  • 14 décembre 2012 (Théâtre des Champs-Élysées) : Pour la première fois de ma vie, je verrai une mise en scène de Krzysztof Warlikowski. Ce sera dans l'opéra Medea de Cherubini.
  • 15 décembre 2012 (Salle Cortot) : François Leleux (!!) jouera du Bach et du Bacri (et même du Telemann et du Händel, d'après la mise à jour du site que je découvre à l'instant). Je remarque à l'occasion que Marina Chamot-Leguay, une de mes flûtistes préférées, jouera en duo avec François Leleux...
  • 15 et 16 décembre 2012 (Salle Pleyel) : Si j'ai encore la tête à ça après avoir entendu François Leleux, je courrai à Pleyel écouter le LSO dans la suite de sa série Brahms/Szymanowski (je n'ose espérer que la symphonie nº3 de Szymanowski “Chant de la nuit” sera aussi sublime que lorsque ce même orchestre l'avait joué sous la direction de Peter Eötvös au printemps dernier). Le lendemain, lors le dernier concert de cette série Brahms/Szymanowski, Leonidas Kavakos interprétera le deuxième concerto pour violon de Szymanowski... Je suis moins enthousiasmé a priori par la présence du pianiste Denis Matsuev dans la Symphonie nº4 “concertante”.
  • 17 décembre 2012 (Cité de la musique) : Je ne sais pas à quoi ressemblent les quatuors de John Cage. J'attendrai de voir ce que cela donne quand ils seront joués par le Quatuor Arditti.
  • 22 décembre 2012 (Opéra Garnier) : Pendant toute la journée, j'assisterai aux démonstrations de l'école de danse.
  • 22 décembre 2012 (Opéra Comique) : Et je filerai à l'Opéra Comique pour voir Renaud et Armide et Médée et Jason, deux ballets de Noverre.
  • 26 décembre 2012 (Théâtre de la Ville) : Quand j'étais abonné au Théâtre de la Ville, mon formulaire d'abonnement revenait presqu'invariablement avec la mention Akram Khan : plus de places. Maintenant que je ne le suis plus, en me trouvant par hasard sur le bon site de réservation au bon moment, j'ai curieusement réussi à acheter une place. J'espère qu'il y aura un peu de (bon) kathak à l'intérieur de ce solo intitulé Desh...

Quelques autres plannings : Bladsurb, Klari.

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Le vite dit de novembre 2012

2012-11-26 21:54+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Pour rattraper mon retard, je m'essaie ici au genre de la microniquette de spectacles (mais il y en a onze d'un coup, comme pour le Bartók-Maraton à venir).

Opéra Garnier — 2012-11-01

Ars Nova Ensemble Instrumental

Chœur Accentus

Ballet de l'Opéra

Laurence Equilbey, direction musicale

Morton Feldman, musique (Extraits des premier, troisième, quatrième et cinquième mouvements de Rothko Chapel)

Anton Bruckner, musique (Kyrie et Agnus Dei de la Messe nº2 en mi mineur, version de 1882)

György Ligeti, musique (Continuum pour clavecin solo, 1970)

Marie-Agnès Gillot, chorégraphie

Olivier Mosset, décors

Walter Van Beirendonck, costumes

Madjid Hakimi, lumières

Laurence Equilbel, dramaturgie musicale

Florence Clerc, assistante de la chorégraphe

Laëtitia Pujol

Alice Renavand

Vincent Chaillet

Sous apparence

Philippe Nahon, Jérôme Polack, direction musicale

John Cage, musique origine (etcetera)

Merce Cunningham, chorégraphie

Décors et d'après les maquettes originales de Jasper Johns

Lumières réalisées par Davison Scandrett

Robert Swinston, Jennifer Goggans, répétitions

Stéphanie Romberg, Florian Magnenet

Fabien Révillion

Un jour ou deux

À part les lumières, l'engagement des danseurs et les superbes solos d'alto, tout est raté dans le ballet de Marie-Agnès Gillot. Le ballet de Cunningham, en revanche, contient quelques moments de grâce, notamment quand certains mouvements dansés entrent en conjonction avec les tapotis des musiciens : ç'eut été encore mieux s'il avait été possible de voir Stéphanie Romberg et Hervé Moreau le même soir...

Salle Pleyel — 2012-11-08

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Paavo Järvi, direction

Le Tombeau de Couperin, version pour orchestre (Ravel)

Andreas Haefliger, piano

Concerto pour piano en ut mineur, nº24, KV 491 (Mozart)

La Vie antérieure, pour piano et orchestre, Karol Beffa (création)

Le Sacre du Printemps, Stravinski

Magnifique interprétation du Tombeau de Couperin (superbes instruments à vent !). Le concerto de Mozart agréable sans plus. Très belle création de Karol Beffa à la très belle fin apaisée un chouilla étirée (gâchée par le bis monstrueux du pianiste). J'aurais aimé que les tempi du Sacre du printemps fussent parfois un peu plus rapides, mais c'était amusant à regarder depuis le premier rang de l'arrière-scène à côté des Wagner-Tuben... Et puis, il y avait Giorgio Mandolesi au basson...

Salle Cortot — 2012-11-10

Marina Chamot-Leguay, flûte

Livia Stanese, violoncelle

Romain Descharmes, piano

Sarah Jouffroy, mezzo

Une flûte invisible pour flûte, mezzo et piano (Saint-Saëns)

Sonate pour flûte et piano (Poulenc)

Chansons madécasses pour flûte, mezzo, violoncelle et piano (Ravel)

Sonate pour violoncelle et piano (Poulenc)

Sonates pour violoncelle, flûte et piano, op. 86 (Nikolaï Kapustin)

Cette flûtiste est sensationnelle !

Chez Malavika — 2012-11-10

Malavika Klein

Abhinaya

Je ne révèlerai pas ici l'âge de la danseuse, qui devant un petit comité a dansé deux pièces d'un bharatanatyam des plus traditionnels avant d'en présenter sa propre conception, pour ainsi dire sans musique, dans des scènes de la mythologie indienne. Tout le monde a été surpris par l'évocation de l'humiliation de la démone Śūrpaṇakhā par Rāma et Lakṣmaṇa.

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-11-11

Lous Landes Consort

Hugo Reyne, flûte à bec

Sébastien Marq, flûte à bec

Marc Minkowski, basson

Pierre Hantaï, clavecin, orgue

Introduzzione à tre en do majeur, TWV 42 (Telemann)

Sonate en trio VI en ré mineur (Giuseppe Sammartini)

Suite pour deux flûtes à bec (Jacques Hotteterre)

Suite en do majeur, extrait des Pièces en trio (1692), Marin Marais

Sonate en trio V en fa majeur (Giuseppe Sammartini)

Prélude pour clavecin en fa majeur, BWV 880, Johann Sebastian Bach

Sonate pour deux flûtes et basse continue en do majeur, BWV 1039, Johann Sebastian Bach

Les tringles des sistres tintaient de Carmen (Bizet)

Une configuration rare : un clavecin, un basson et deux flûtes. Des musiciens qui prennent un certain soin au moment de s'installer de façon à ce que chacun puisse se voir et se synchroniser sur la respiration de l'autre. Quelques aimables plaisanteries de Marc Minkowski. Un inattendu bis extrait de Carmen.

Théâtre du Châtelet — 2012-11-11

Chris Behmke, Tony

Elena Sancho Pereg, Maria

Yanira Marin, Anita

Andy Jones, Riff

Pepe Muñoz, Bernardo

Jerome Robbins, idée originale

Arthur Laurents, livret

Stephen Sondheim, paroles

Joey McKneely, mise en scène et chorégraphie

Donald Chan, supervision musicale et direction

Paul Gallis, décors

Renate Schmitzer, costumes

Peter Halbsgut, lumières

Rick Clarke, réalisation sonore

Hannelore Uhrmacher, maquillages

West Side Story, Bernstein.

Si West Side Story est le chef-d'œuvre des comédies musicales, je crois que ce genre n'est pas fait pour moi. L'interprétation de la musique m'a beaucoup moins convaincu que lors de mes autres auditions au concert des Danses symphoniques extraites de cette œuvre. Le livret est beaucoup plus intelligent que ce que j'imaginais a priori. Les danseurs ne manquent pas d'énergie...

Mairie du vingtième arrondissement — 2012-11-17

Élèves de Jyotika Rao, bharatanatyam

Lors du salon du livre de l'Inde organisée par l'association Les Comptoirs de l'Inde à la mairie du XXe (la maire et même l'ambassadeur de l'Inde étaient présents à l'inauguration), j'ai assisté à plusieurs spectacles et écouté un entretien de Jean-Claude Carrière, toujours aussi intarrissable à propos de l'Inde (et de Buñuel).

Le spectacle qui m'a le plus étonné par sa qualité mettait en scène des élèves de Jyotika, qui donne des cours de bharatanatyam aux Comptoirs de l'Inde. Malgré la brièveté de la présentation (plusieurs pièces chorégraphiques faisant en tout une demi-heure), j'ai eu l'occasion d'être sidéré par la qualité d'une des chorégraphies et de son interprétation. Je savais que ce mouvement était possible, pour l'avoir déjà vu sur Youtube, mais je ne l'avais vu en vrai : pendant que ses bras et ses jambes évoquaient le Seigneur de la danse Shiva-Nataraja, la danseuse a monté et rabaissé son talon avec une certaine vigueur pour figurer, me semble-t-il, que Shiva-Nataraja était en train d'écraser le démon de l'ignorance (si vous ne visualisez pas la scène, allez voir cette image). À d'autres moments, je ne voyais plus une danseuse, mais tout simplement Shiva dans sa très virile danse cosmique.

Cité de la musique — 2012-11-20

Ensemble Intercontemporain

Susanna Mälkki, direction musicale

Ionisation (Varèse)

Speicher III-IV-V (Enno Poppe)

Poème électronique pour bande magnétique (Varèse)

drawing tunes and fuguing photos, Benedict Mason (création)

#9 pour ensemble (Mauro Lanza)

Basses du Chœur de Radio France

Denis Comtet, chef de chœur

Ecuatorial pour chœur d'hommes et ensemble (Varèse)

Varèse ne ressemble à aucun autre compositeur ! J'ai aussi adoré les œuvres récentes ou tout-à-fait nouvelles de Benedict Mason et Mauro Lanza, mais j'ai été moins convaincu par celles d'Enno Poppe.

Gaveau — 2012-11-21

Antoine Tamestit, alto

Suite nº1 en sol majeur, BWV 1007

Hora Lunga (Ligeti)

Suite nº3 en ut majeur, BWV 1009

Élégie (Stravinski)

Suite nº5 en ut mineur, BWV 1011

Rapide et sauvage. La beauté du son est sans importance de la Sonate pour violon seul op. 25 nº1 (Hindemith)

Grâce à Klari, j'ai assisté à un récital d'un altiste jouant sur un des douze altos fabriqués par Stradivarius. Le point culminant du concert à été pour moi l'interprétation de la troisième suite pour un instrument qui à l'époque de Bach n'était sans doute pas le violoncelle actuel (en 2006, j'ai eu l'occasion de voir Sigiswald Kuijken jouer les trois premières suites au violoncella da spalla). Pourquoi pas à l'alto, si les spectateurs en sortent tout retournés ?

Salle Cortot — 2012-11-24

Sylvie Dusseau, violon

Serge Soufflard, alto

Benoît Grenet, violoncelle

Variations Goldberg, BWV 988, arrangement de Dmitry Sitkovetsky

Malgré toute la sympathie et l'admiration que chacun de ces musiciens, individuellement, m'inspire, je pense que ce concert était raté. Quelques beaux moments, mais peut-être n'aurais-je pas dû écouter préalablement l'enregistrement des Variations Goldberg par le claveciniste Pierre Hantaï ni subséquemment le transcendant Aria (sur Youtube) dans la même transcription que celle qui a été interprétée dans ce concert ?

Salle Pleyel — 2012-11-25

Academy of St Martin in the Fields

Coriolan, ouverture en ut mineur op. 62, Beethoven

Murray Perahia, piano, direction

Concerto pour piano nº3 et ut mineur op 37 (Beethoven)

Symphonie nº103 en mi bémol majeur Roulement de timbales (Haydn)

Quel orchestre !!! J'aime ces ensembles formés de musiciens qui manifestement s'écoutent les uns les autres, comme Les Dissonances ou le Chamber Orchestra of Europe. Pendant les premières secondes de l'ouverture Coriolan, jouée sans chef, j'ai eu un choc semblable à l'audition de l'ouverture Egmont par le COE ! Superbe concerto nº3 de Beethoven avec le pianiste Murray Perahia dont j'apprécie dans le troisième mouvement les sauts de kangourous sur le clavier (©Saint-Saëns) et la façon dont l'orchestre les imite. Le meilleur moment était peut-être le deuxième mouvement, intensément lent, qui permet d'entendre des vents assez orgiaques (aah, ce basson !!).

La symphonie de Haydn commençait dans le style de Beethoven, mais assez vite, le doute n'était plus possible, c'était bien du Haydn :-)

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Lavanya Ananth au Musée Guimet

2012-11-25 12:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2012-11-23

Lavanya Ananth, bharatanatyam

Murali Parthasarathy, chant

M. S. Sukhi, mridangam

Kalaiarasan Ramanathan, violon

Parthasarathy Kalyamurthy, nattuvangam

Nrithya Samarchitha

Mon premier grand choc lié à la danse indienne remonte à il y a deux ans et demi : je voyais à Chennai un récital de Srithika Kasturi Rangam dans lequel la pièce principale était avant tout narrative. Le bharatanatyam pouvait raconter une histoire que je pouvais comprendre. Les mouvements et expressions n'étaient pas seulement des mouvements gracieux ou rythmiques dont le sens resterait caché. Au contraire, je pouvais véritablement ressentir ce que la danseuse exprimait. Bref, c'est au cours de ce récital que je dois pouvoir prétendre être devenu un rasika. Si les pièces que je considère comme étant véritablement narratives sont assez rares, j'ai appris entretemps à me satisfaire de pièces qui soient au moins évocatrices : dédiées à une divinité, elles en illustrent certains aspects en mettant éventuellement en scène une jeune femme amoureuse de cette divinité.

Il me fallut attendre plus d'une année pour éprouver des sentiments aussi élevés à l'égard d'une danseuse, cette fois-ci sur le sol français, au Centre Mandapa. Il s'agissait de Lavanya Ananth. Suivront Mallika Thalak, Nancy Boissel. Pour ce qui est du Musée Guimet, mes goûts n'avaient pas été satisfaits par les premiers récitals que j'y avais vus, mais l'année dernière, j'y ai été ébloui par Meenakshi Srinivasan.

Quand j'ai vu que Lavanya Ananth était programmée au Musée Guimet, je n'ai pas hésité une seule seconde, j'ai réservé une place pour chacune des deux dates. Arrivé vendredi et samedi soir avec une certaine avance, j'ai pu m'installer tranquillement au premier rang de l'auditorium. Les quatre musiciens se sont installés, tous vêtus d'une tenue typique du Sud de l'Inde : un dhoti blanc. Ils ont joué une petite introduction musicale avant que la danseuse entre en scène. Le son de tampura est semble-t-il émis par une tablette tactile actionnée par le chanteur, qui joue à un jeu de questions et réponses avec le violoniste.

La première pièce du récital, intitulée Netanjali (?), commence par de la danse pure qui fait immédiatement ressentir l'extrême musicalité de la danseuse ! Contrairement à l'usage, cette première pièce n'est apparemment pas une offrande de fleurs, mais les mouvements des mains évoquent toutefois assez souvent les fleurs de lotus. À cette danse essentiellement rythmique s'enchaîne une évocation de Shiva comme la danseuse l'avait préalablement annoncé au micro, dans un français gracieusement raffiné. La pièce semble mettre en scène une dévote de Shiva dont quelques particularités sont soulignées dans la chorégraphie. On peut reconnaître son bras gauche en forme de trompe d'éléphant associé au geste protecteur de la main droite. On voit aussi son chignon tressé, le feu que peut déclencher son troisième œil, les cendres que l'on se met sur le front. Quelques mouvements en rythme d'un des pieds me font penser que Shiva est en train de piétiner le démon de l'ignorance.

Entre les pièces s'insèrent des solos du violoniste, parfois accompagné du percussionniste. Kalaiarasan Ramanathan est sans doute aucun le meilleur violoniste de musique carnatique que j'aie vu ! C'est en tout cas le premier que je voie faire des doubles-cordes ! Que ce soit dans ses solos ou dans le reste du programme, ce musicien m'a beaucoup impressionné.

La pièce principale du récital est un Varnam. Je ne saurais dire si c'était le même que lorsque j'avais vu Lavanya Ananth au Centre Mandapa. En tout cas, le thème est le même. L'héroïne se livre à sa confidente. Elle demande que cette amie aille dire à Shiva-Nataraja de la rejoindre. Ce n'est pas une pièce que je qualifierais de narrative (après un deuxième visionnage, ayant perçu davantage d'éléments narratifs, je suis un peu moins de cet avis). L'accent n'est pas particulièrement mis sur les sentiments de l'héroïne (Bhakti-sringara, l'amour dévotionnel). J'ai en effet compris la scène la plus intense de ce Varnam comme une réminiscence de la légende entourant les amours de Shiva et Parvati (aussi appelée Durga ou Shakti). On voit ainsi la déesse dans une posture ascétique destinée à lui procurer un époux, ce qui sera rendu possible par l'action conjointe du Printemps et du dieu de l'Amour. Le printemps est évoqué par les amours des animaux et le butinage de fleurs par des abeilles (à moins qu'il ne s'agisse de papillons) ; ceci me rappelle un passage du récital de danse odissi d'Arushi Mudgal. J'ai également été sidéré par l'évocation d'un étang de lotus qui éclosent sous l'effet de la lumière (de la Lune ? ou du Soleil ?) et qui se dirigent vers l'astre par tropisme. L'autre point culminal émotionnel de cette pièce et de ce récital réside dans l'apparition du dieu de l'amour, l'archer qui décoche ses flèches dans toutes les directions, installant le sentiment amoureux dans le cœur de diverses créatures (la musique, en particulier l'accompagnement rythmique du mridangam atteint aussi des sommets à ce moment-là ; la composition est due à ce percussionniste, qui a composé plusieurs des autres musiques du programme). Plus loin, il me semble reconnaître la déesse fluviale Ganga descendant sur les cheveux de Shiva, une impression confirmée par le texte chanté qui mentionne cette descente de Ganga. Que j'aime cette évocation joyeuse de Shiva ! La pìece se termine magnifiquement sur une apparition de Shiva dans sa forme Nataraja battant le rythme cosmique. (Le samedi, je n'ai pas retrouvé cette fin, peut-être que je confonds avec une des autres pièces au programme.)

La danseuse devant changer de costume, l'intermède musical suivant est prolongé. Il ne permet pas vraiment de se remettre de ses émotions puisque c'est encore ce cher violoniste qui officie... (Le samedi, le violoniste et le percussionniste se sont livrés à un fort délectable jeu de questions et réponses sur un rythme à quatre temps.)

La pièce suivante Devarnama est espiègle. Elle évoque les amours de Krishna avec les bergères (le texte en kannada est dû à Purandara Dasa). Il aime le beurre, et aussi la bergère qui le baratte, puisque, nous dit et nous montre la danseuse, il veut la toucher en des endroits... très déplacés !. Il en enlace une autre au bord de la rivière, etc. Ce Krishna est-il un enfant, un jeune homme ou bien le dieu Vishnu ?

Dans la pièce suivante Javali, il est encore question de l'amour pour Vishnu, cette fois-ci sous le nom de Venkateshwara, la forme qui réside sur la colline voisine de Tirupati. Le texte télougou commençant par Shikavane Ivanu est de Padma Subhramaniam Iyer. Le chanteur, excellent, se met me semble-t-il particulièrement en valeur avec ce chant. Il m'inspire une très grande sympathie : toujours souriant, il semble aussi fasciné que moi par la danseuse. Dans cette pièce, une jeune femme a été séduite par un jeune homme. Elle se dispute avec ses amies à ce propos. Elle cèderait volontiers à ses charmes. En effet, peut-être s'agit-il de Venkateshwara ? Le dieu de l'Amour (ici appelé Manmadha) ayant décoché ses flèches, son cœur bat très fort, insupportablement fort. Elle est brûlante. Devant ses amies, elle feint, mais au moment de sortir de scène, elle fait discrètement signe au jeune homme de la rejoindre...

La pièce suivante évoque Surya, le dieu du Soleil. Je pense que ce n'est que la deuxième fois que je vois ce dieu évoqué dans la danse bharatanatyam. La première fois, c'était par Urmila Sathyanarayanan au Musée Guimet il y a un an et demi. Le Raga, tout comme le Tala, est Malika, bref une guirlande de ragas (modes) et de talas (rythmes). Les différentes périodes la journée sont associées au trois dieux de la trinité hindoue, Brahma pour le matin, Vishnu pour la journée et Shiva pour le soir. Parmi les images que je retiens, celle du char céleste de Surya tiré par sept chevaux blancs et surtout la superbe scène finale dans laquelle la nuit couvre Shiva ascète. Il convient de souligner la qualité de l'attention du public de vendredi qui s'est gardé d'applaudir à des endroits inappropriés. Il aurait ainsi été tentant d'applaudir juste avant cette courte scène finale, mais on pouvait comprendre que la pièce n'était pas finie puisque Shiva n'avait pas encore fait son apparition pour donner tout son sens à cette journée de Surya... (Le samedi, le public était apparemment plus connaisseur puisque les passages rythmiques (jatis) étaient salués par des applaudissements, comme je l'ai vu faire en Inde, mais en applaudissant à ce moment-là, ce public a un peu gâché cette fin... C'est comme applaudir pendant les pianissimi à la toute fin de La Walkyrie...)

Ce récital de plus de deux heures s'est conclu par un Tillana donné en bis. C'est la première fois que je vois cette danseuse dans ce type de pièce, qui termine traditionnellement les récitals de bharatanatyam. Pourtant, j'ai le sentiment d'avoir déjà entendu cette musique (le répertoire des Tillana semble assez restreint). Il s'agit principalement de danse pure, mais quelques images évoquent Krishna, mais aussi Kama.

J'espère que j'aurai encore beaucoup d'occasions de revoir cette danseuse qui n'a cessé de se métamorphoser sur scène, passant d'un personnage à un autre. Même quand elle montrait quelques mouvements pour présenter chaque pièce, son visage passait subitement d'une expression à une autre. Cela relève du prodige. Même à quelques mètres de distance, le mystère reste pour moi entier.

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Planning de novembre 2012

2012-10-28 00:35+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Planning

Mon mois de novembre 2011 avait été très chargé en spectacles (23). Du fait de l'ajout tardif de quelques récitals de danse indienne, mon programme pour novembre 2012 sera aussi chargé, mais dans de moindres proportions :

  • 1er novembre 2012 (Opéra Garnier) : Une soirée avec deux ballets de Gillot et Cunningham, deux chorégraphes dont je n'ai pas encore vu le travail.
  • 4 novembre 2012 (Cité de la Musique) : Le Chamber Orchestra of Europe dirigé par Yannick Nézet-Séguin et le pianiste Nicholas Angelich jouent du Schumann. Je compte sur eux arriver à me faire aimer ce compositeur. Sinon, après toutes mes tentatives, il resterait à jamais pour moi le mauvais Schu-.
  • 8 novembre 2012 (Pleyel) : L'Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi jouera notamment Le Sacre du Printemps (qui bénéficiera de nombreuses rediffusions dans la suite de la saison, notamment au TCE).
  • 10 novembre 2012 à 17h30 (Salle Cortot) : J'irai pour la première fois Salle Cortot pour écouter la flûtiste Marina Chamot-Leguay qui m'avait fait une très forte impression lors d'un précédent concert de l'Orchestre de chambre de Paris.
  • 10 novembre 2012 : Malavika (spécialiste de bharatanatyam) dansera chez elle un programme intitulé Abhinaya (le nom de la composante expressive de la danse indienne).
  • 11 novembre 2012 (Cité de la musique) : Marc Minkowski (qui entrait incognito à la Salle Pleyel dimanche dernier alors que quelques spectateurs excités obtenaient des autographes de musiciens berlinois) retrouvera son basson et trois autres musiciens (dont le claveciniste Pierre Hantaï !) pour un programme de musique de chambre.
  • 16 novembre 2012 (Pleyel) : J'ai déjà eu l'occasion de voir Keren Ann en concert (en 2005 à l'Olympia et en 2009 à Pleyel). Cette fois-ci, elle sera accompagnée de musiciens de l'Orchestre Lamoureux et quelques autres, et pas des moindres, puisqu'on aura le plaisir d'y entendre une troisième violon solo de l'Orchestre de l'Opéra).
  • 20 novembre 2012 (Cité de la musique) : Varèse !!! Ce compositeur unique est tellement peu joué que je ne voudrais rater ce type de concerts sous aucun prétexte.
  • 23 & 24 novembre 2012 (Musée Guimet) : Lavanya Ananth fait partie de la poignée de danseuses de bharatanatyam qui correspondent parfaitement à mes goûts. Elle m'avait ébloui au Centre Mandapa ; j'irai donc aux deux représentations ! (Pour ceux que cela intéresse, elle fera aussi des stages de bharatanatyam.)
  • 24 novembre 2012 à 17h30 (Salle Cortot) : Des musiciens de l'Orchestre de chambre de Paris jouera une version des Variations Goldberg de Bach pour trio.
  • 25 novembre 2012 (Pleyel) : Murray Perahia jouera le troisième concerto de Beethoven et dirigera la cent-troisième symphonie de Haydn. Je ne veux pas savoir pourquoi elle s'appelle Roulement de timbales !
  • 27 novembre 2012 (Opéra Bastille) : Myriam Ould-Braham dansera le rôle de Kitri dans Don Quichotte !
  • 29 novembre (Centre Mandapa) : Récital de bharatanatyam d'Ofra Hoffmann, une danseuse que je n'ai encore jamais vue.
  • 30 novembre (Centra d'animation Curial) : Récital de bharatanatyam de Mallika Thalak, une de mes danseuses préférées. (Elle dansera aussi au Centre Mandapa le 14 décembre.)

Quelques autres plannings : Carnets sur sol, Klari, Hugo.

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Arushi Mudgal au Musée Guimet

2012-10-20 15:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2012-10-19

Arushi Mudgal, danse odissi

Sawani Mudgal, chant et nattuvangam

Srinivas Satapati, flûte

Pradipta Kumar Moharana, mardal

Isabelle Anna, voix off

Mangalacharan (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)

Ahlad (chorégraphie d'Arushi Mudgal)

Ashtapati (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)

Shivam Tandaram Stotram (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)

Vasant (chorégraphie de Madhavi Mudgal)

Oriya Champu (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)

Bhairavi Pallavi

J'avais semble-t-il déjà eu l'occasion de voir de la danse odissi avant ce récital d'Arushi Mudgal au Musée Guimet. En 2008, Arushi Mudgal et sa tante-guru Madhavi Mudgal avaient dansé au cours d'un concert de Madhup Mudgal (le père d'Arushi) aux Abbesses. Si je me souviens très bien du chant khyal de Madhup (j'avais même acheté un CD), sans mes archives j'aurais complètement oublié que deux danseuses odissi l'accompagnaient.

Odissi est le nom d'un style de danse et de musique originaire de l'état d'Odisha (anciennement appelé Orissa). En dehors du spectacle de la famille Mudgal sus-mentionné, la première fois que j'en ai entendu parler devait être lors de ma visite du Temple du Soleil à Konarak en août 2008. À proximité de l'entrée du temple (dont une bonne partie s'est écroulée et dont l'intérieur a été comblé pour éviter de nouveaux dégâts), on peut voir un pavillon de danse, ou plutôt ce qu'il en reste :

Pavillon de danse du Temple de Konarak

Lors de ma visite, j'avais trouvé curieux que la fonction de ce bâtiment soit la danse vu qu'il n'y a aucun espace dégagé à l'intérieur. En revanche, tout autour, les sculptures représentent des danseuses adoptant des positions très variées, accompagnées de percussionnistes utilisant un instrument proche du pakhawaj (c'est le terme employé par Isabelle Anna, voix off du récital d'Arushi Mudgal, tandis que dans sa présentation, le responsable de la programmation Hubert Laot a utilisé le mot mardal).

L'accompagnement musical m'a paru d'une très grande qualité. Le début d'un certain nombre des pièces ressemblait à un Alap. La chanteuse Sawani Mudgal et le flûtiste Srinivas Satapati se passent le relais. La fluidité de leurs majestueux glissandi descendant souvent assez bas dans le grave me fait penser aux musiques du Nord de l'Inde. Quand la danseuse sera entrée en scène après l'apparition du rythme imposé par le percussionniste et la chanteuse (qui joue aussi des cymbales), la musique et la danse pourront alterner des moments expressifs ou narratifs et des passages plus rythmiques, ce qui me rappelle la structure musicale des pièces de bharatanatyam. Les gestes et postures de la danse odissi empruntant aux mêmes sources que le bharatanatyam, je n'ai au début du récital pas l'impression d'observer une danse qui lui soit fondamentalement différente.

La première pièce s'appelle Mangalacharan et est une offrande de fleurs ainsi qu'une invocation de Ganesha, reconnaissable à sa trompe. La deuxième Ahlad (?) chorégraphiée par la danseuse elle-même sur une musique de son père, est très virtuose ! En quelques minutes, la danseuse exécute une sorte de catalogue d'attitudes pour des héroïnes. Le tempo de la musique et les mouvements de la danseuse varient entre deux extrêmes, du très lent au très rapide. Pendant une phase de cette pièce, utilisant les syllabes prévues à cet effet, la chanteuse dicte des rythmes au percussionniste qui les reproduit immédiatement pour accompagner la danseuse dont les mouvements épousent ces rythmes.

Les pièces qui suivront seront plus narratives. Dans Ashtapati (inspiré par le Gita-Govinda de Jayadeva, poète sanskrit originaire d'Odisha), la danseuse évoque Radha qui a attendu Krishna toute la nuit. La chorégraphie évoque les paroles violentes qu'elle lui lance quand il arrive enfin.

La pièce du récital que j'ai préférée a été Shivam Tandaram Stotram. Elle évoque Shiva, au chignon tressé d'où s'écoule Ganga, au regard foudroyant, celui qui joue du tambour Damaru, celui qui porte férocement son trident, etc. Pendant ces développements extrêmements vifs, tout le corps de la danseuse est en mouvement, produisant des combinaisons que je n'avais jamais vues, comme lorsqu'elle fera des tours entiers sur elle-même en sautillant sur un pied tout en maintenant le reste du corps dans une position évoquant Shiva. Tout ceci contribue à une atmosphère tout à fait fantastique. Et puis, soudainement, la chorégraphie n'évoquera plus Shiva mais son épouse Parvati. La danse se fera alors beaucoup plus douce, évoquant par exemple le lotus. Avant la fin de la pièce, Shiva fera un retour fracassant. (Sur la chaîne YouTube d'Arushi Mudgal, on peut la voir danser des extraits d'Ardhanarishwar, une superbe chorégraphie évoquant cette forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. Se métamorphosant sans cesse, la danseuse oscille entre son côté droit (Shiva) et gauche (Parvati).)

La pièce suivante Vasant évoque le printemps sur des extraits du Ṛtusaṃhāra du poète sanskrit Kalidasa, un thème que ce poète évoque aussi dans le Kumarasambhava au moment de la rencontre de Shiva et Parvati, au printemps, quand l'archer Kama décoche ses flèches sur toutes les créatures pour animer leur passion amoureuse. Dans le Kumarasambhavan, Kama-Cupidon se fait réduire en cendres par le troisième œil de Shiva, furieux d'avoir vu son ascèse perturbée. Dans cette chorégraphie, Kama peut décocher ses flèches librement. La musique composée par Madhup Mudgal est magnifique. La flûte peut imiter le son les abeilles butinant les fleurs, tandis que les mains de la danseuse évoquent le vol des oiseaux. Les animaux ne sont bien sûr pas les seuls êtres animés de sentiments amoureux. Le personnage féminin incarné par la danseuse l'est également, et manifestement à la fin de la pièce, la chaleur est insoutenable.

L'avant-dernière pièce du programme s'appelle Oriya Champu. Sans l'introduction de la pièce par la voix off, je pense que je n'aurais strictement rien compris à la narration. La confidente de Radha se moque d'elle. Radha ne mériterait pas Krishna, celui qui a dompté le serpent Kaliya tandis que que Radha a peur des serpents. Krishna fait quelques apparitions en flûtiste.

S'il n'y avait pas eu un bis très virtuose, le récital se serait terminé sur Bhairavi Pallavi, une pièce en hommage à Durga. La forme n'est pas sans me rappeler les Tillana qui concluent les récitals de bharatanatyam. Le rythme y a une grande importance. La danseuse frappe sans ménagement ses pieds contre le sol pour faire tinter ses grelots de cheville. On retrouve également des épisodes de dictées rythmiques entre la chanteuse, le percussionniste et la danseuse. La fin de la pièce est d'une extrême beauté : après avoir exploré toute une palette d'expressions, de mouvements, de vitesses, la danse se termine dans un apaisement absolu, la danseuse prenant une pose de méditation tandis que la chanteuse Sawani Mudgal prononce la syllabe Om.

La seule chose qui m'ait retenu d'adhérer totalement à ce récital est le manque de narration, un des aspects de la danse que je privilégie. Je pourrais sans doute apprécier davantage les parties narratives ou évocatrices de ce type de pièces si je savais un peu mieux reconnaître les différentes postures, mais dans ce récital, les pièces ont dû faire chacune en moyenne un peu plus de dix minutes, ce qui est un peu court pour présenter un développement narratif élaboré.

Ceci étant dit, j'ai rarement eu l'impression de voir une danseuse solo se défoncer autant pendant toute la durée d'un récital, sans pour autant faiblir aucunement dans le bis exécuté à une allure folle. Si les mouvements les plus rapides étaient plus rapides que ceux que j'ai pu voir dans des récitals de bharatanatyam, les mouvements les plus lents étaient aussi plus lents, et au-delà du plaisir immédiat à voir une danseuse virevolter à toute allure, ma plus grande source d'émerveillement est venue au cours de ce récital de cette grâce en suspension.

Ailleurs : les photographies de Tempus fugit, Danse et... danses.

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Planning d'octobre 2012

2012-10-01 22:42+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Cinéma — Culture indienne — Planning

À la demande de Carnets sur sol, je sacrifie au rituel du planning de spectacles, comme chez Bladsurb et Klari.

  • 5 octobre 2012 (Centre Mandapa) : Le Centre Mandapa qui vient d'améliorer son site Internet programme le premier récital parisien de Meenal Deshpande (chant khyal).
  • 6 et 7 octobre 2012 (Pleyel) : Le London Symphony Orchestra dirigé par Gergiev commence en même temps sa saison à Pleyel et son cycle de concerts Brahms/Szymanowski. Le samedi, on aura le concerto nº1 pour violon de Szymanowski par Janine Jansen et les symphonies nº1 des deux compositeurs et le dimanche les symphonies nº2 des deux-mêmes.
  • 11 octobre 2012 (Pleyel) : L'Orchestre de Paris joue la Symphonie nº4 “Italienne” de Mendelssohn et Le Château de Barbe-Bleue de Bartók. (Cf. la vidéo de présentation avec Matthias Goerne.)
  • 12 octobre 2012 (Opéra Garnier) : Je vais voir The Rake's progress, un opéra de Stravinski. C'est tout ce que je sais et veux savoir avant d'y aller.
  • 18 octobre 2012 (Pleyel) : Paavo Järvi dirige l'Orchestre de Paris dans une symphonie de Haydn, c'est une bonne raison d'aller voir ce concert. Ayant déjà apprécié cet interprète en mai, une autre est la présence de Menahem Pressler pour le concerto pour piano nº27 de Mozart.
  • 19 octobre 2012 (Musée Guimet) : J'irai voir pour la première fois un récital de danse odissi, un style originaire de l'Odisha (un état anciennement appellé Orissa ; ils sont pénibles à toujours vouloir changer de noms...). L'interprète en sera Arushi Mudgal, dont j'ai déjà vu le père Madhup chanter en 2008. (À l'occasion de ces fouilles dans mes archives, il semblerait que j'aie vu Arushi danser lors de ce concert, mais je n'en ai aucun souvenir...).
  • 20 et 21 octobre 2012 (Pleyel) : Les solistes du Berliner Philharmonier nous ont concocté deux programmes de musique de chambre de Brahms (eh oui, le même auquel on co-consacre un cycle de concerts pour orchestre).
  • 22 octobre 2012 (TCE) : Je me suis mini-abonné à l'Orchestre de Chambre dont j'ai apprécié le concert de rentrée. J'irai cette fois-ci écouter le Miserere de E.T.A. Hoffmann dont j'ignorais qu'il était aussi compositeur. Au programme, il y aura aussi le Requiem de Mozart.
  • 23 octobre 2012 (Cité de la musique) : J'irai à ce concert pour entendre le fort bel ensemble de musiciens que sont Les Dissonances jouer notamment L'Offrande musicale de Bach.
  • 24 octobre 2012 (Musée Guimet) : Projection du film Dhrupad de Mani Kaul, avec des sous-titres. On y verra et entendra notamment Ustad Zia Fariduddin, le guru de la guru de ma prof (que les plus voyageurs pourront aller écouter à Utrecht en février 2013).

Pour prendre un peu d'avance sur le mois de novembre, je revends un billet pour un concert auquel je ne pourrai pas aller : le Chamber Orchestra of Europe dirigé par Yannick Nézet-Séguin avec Renaud Capuçon en soliste le 3 novembre à la Cité de la Musique. Au tarif plein, le billet serait à 41€, je l'ai eu à 28.70€ en abonnement et je le revends à 20€.

PS: Hugo vient aussi de publier son planning !

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Soirée Balanchine à Garnier

2012-09-29 12:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2012-09-24

Fayçal Karoui, direction musicale

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Hector Berlioz, musique (Marche, extrait de l'opéra Les Troyens)

Les étoiles, les premiers danseurs, le corps du ballet et les élèves de l'école de danse

Défilé du ballet

Piotr Ilyitch Tchaikovsky, musique (Sérénade en ut majeur pour orchestre à cordes, op. 48 (1880))

George Balanchine, chorégraphie (1934) réglée par Paul Boos

Costumes d'après Karinska

Lumières réalisées par Perry Silvey

Ludmila Pagliero

Laëtitia Pujol, Eleonora Abbagnato

Hervé Moreau

Pierre-Arthur Raveau

Sérénade

Igor Stravinsky, musique originale

George Balanchine, chorégraphie (1957) réglée par Paul Boos

Lumières réalisées par Perry Silvey

Mathieu Ganio, Nolwenn Daniel, Muriel Zusperreguy, Premier pas de trois

Myriam Ould-Braham, Alessio Carbone, Christophe Duquenne, Deuxième pas de trois

Aurélie Dupont, Nicolas Le Riche, Pas de deux

Marie-Solène Boulet, Héloïse Bourdon, Laura Hecquet, Fanny Gorse

Agon

Serguei Prokofiev, musique originale

George Balanchine, chorégraphie (1929) réglée par Paul Boos

Décors et costumes d'après Georges Rouault

Lumières réalisées par Perry Silvey

Pierre-Arthur Raveau, Grégory Gaillard, Les deux Amis

Jérémie Bélingard, Le Fils

Natacha Gilles, Maud Rivière, Ses Sœurs

Vincent Cordier, Le Père

Mickaël Lafon, Hugo Vigliotti, Alexandre Carniato, Jean-Baptiste Chavignier, Cyril Chokroun, Mathieu Contat, Takeru Coste, Pierre Rétif, Alexis Saramite, Les Compagnons

Marie-Agnès Gillot, La Courtisane

Le Fils prodigue

Je ne suis résolument pas un grand fan des chorégraphies de Balanchine... Des trois ballets présentés dans cette soirée de rentrée (que j'ai revue le vendredi 28 dans une distribution semblable), mon préféré a été Sérénade. La musique pour instruments à cordes de Tchaikovsky est plus inoffensive et plus fluide que celles des deux autres ballets, ce qui me permet de me concentrer davantage sur la danse. Le placement utilise des configurations géométriques comme la position initiale des (3×3)×2-1=17 danseuses du corps de ballet formée de deux groupes de trois rangées de trois reliés par un coin commun. Les nouvelles configurations apparaissent je ne saurais dire comment, un effet qui me me rappelle favorablement Émeraudes du même Balanchine, à ceci près que les costumes unis sont ici plutôt bleus que verts. Les différentes danseuses du corps de ballet et surtout les solistes gravitent autour d'Hervé Moreau, qui semblera se transformer brièvement en une sorte d'Orphée quand une autre danseuse lui cache les yeux pour le conduire auprès d'une Ludmila Pagliero évanouie. Si la danse est plus ou moins narrative, le rôle de chacun n'est pas d'une clarté absolue... Ce fut en tout cas un grand plaisir de revoir Eleonora Abbagnato, aux cheveux d'abord sagement attachés puis follement libérés. Ludmila Pagliero m'a aussi paru plus expressive que d'ordinaire. Dans le corps de ballet, je n'arrive pas à détourner mes yeux de Mathilde Froustey !

Si la musique m'a paru superbement jouée tout au long de la soirée, ce qui n'est guère surprenant puisque l'orchestre était dirigé par Fayçal Karoui qui avait déjà merveilleusement dirigé La Bayadère l'année dernière, la musique des deux autres ballets m'a paru plus intéressante que leur chorégraphie. Le dernier ballet de la soirée Le fils prodigue m'a paru d'un ennui total. Les costumes en sont presqu'aussi ridicules que ceux de Phèdre de Lifar qui avait ouvert la saison 2011/2012 (comment ne pas y repenser quand Marie-Agnès Gillot apparaît avec sa cape rouge ?). Pour mon deuxième visionnage, je n'ai eu aucun scrupule à diriger mes jumelles vers la fosse d'orchestre plus souvent que vers la scène. Les vents étaient particulièrement en forme (notamment la clarinette solo !). Prokofiev est décidément un formidable compositeur de musique de ballet.

Entre ces deux ballets s'insérait Agon sur une étonnante musique de Stravinsky. La musique utilise une large palette d'instruments, dont certains sont plutôt rares dans l'orchestre, comme la mandoline. Par moments, j'ai l'impression d'entrendre une sorte de baroque orientalisant. À d'autres, la musique me paraît résolument atonale. La chorégraphie est plus heurtée, beaucoup moins fluide que dans Sérénade. Elle met davantage en valeur les danseurs qui sont presque tous solistes (Myriam Ould-Braham ! Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche !!), mais je ne vois qu'une succession de courts numéros dont je ne perçois pas la cohérence d'ensemble. Bref, de la danse pure sans narration ; cela se laisse regarder, mais ne me passionne pas. Il n'y a que le pas de deux d'Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche qui parvienne à m'intéresser véritablement.

Le soir du lundi 24 septembre, la représentation était précédée du défilé du ballet. C'est la troisième fois que j'assiste à ce défilé. Je l'ai vécu assez différemment des fois précédentes. Le plaisir fut particulièrement grand de voir Myriam Ould-Braham avec son diadème.

Ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Cams.

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Derniers jours à Parasnath

2012-07-29 20:35+0530 (खजुराहो) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Voyage en Inde XI

Le lendemain du Bandhana, je me repose et je me contente d'aller dans un des rares petits restaurants du village et de visiter les deux musées jaïns. Dans chacun des deux musées (je soupçonne qu'ils appartiennent aux différentes grandes sectes du jaïnisme : Digambar et Shvetambar), on peut voir des dizaines de scènes de la mythologie jaïne sous la forme de sculptures colorées. Dans le premier, le plus charmant, le plus décrépit et le plus petit, tout est écrit en hindi et il est possible de visiter trois temples (Chandraprabhu, Parasnath et Mahavir) en prenant un autre escalier. Dans l'autre, plus moderne, le texte explicatif est aussi en anglais. On y voit aussi des photographies du temple de Ranakpur (Rajasthan).

Dans la soirée, je vais visiter ou revisiter quelques temples de Madhuban. Certains sont accessibles depuis la route principale, mais d'autres sont à l'intérieur de l'enceinte de certains dharmshalas. On y entre en général comme dans un moulin... Il faut explorer les moindres recoins des dharmshalas pour trouver tous les temples comme pour ceux du Shri Digambar Jain Terah Panthi Pahali Kothi Madhuban. Au fond de celui-ci se trouve le plus beau temple que j'aie vu à Madhuban et qu'Abhishek m'avait fait visiter en premier. Jeudi, je me suis contenté du premier temple visible dans lequel une nonne toute de blanc vêtue bénissait qui s'approchait d'elle avec son balais en plumes de paon.

Un peu plus haut sur la route, le Shri Digambar Jain Madhyalok Shodh Sansthan renferme un monumental Parshvanath noir et une grandiose représentation des mondes du jaïnisme, le tout étant entouré de grosses colonnes blanches.

Encore plus haut, je visite le Bhagvan Rishibadeva Mandir dans lequel Parshvanath est représenté debout et où l'on voit aussi un grand Bahubali de marbre blanc entouré de niches, une pour chaque tirthankar.

Enfin, je me dirige vers un ensemble de temples (Jamavasharan Mandir). J'y entends de curieux rythmes joués sur une batterie électronique. On dirait du rap... Il ne s'agit que d'un échauffement pour les trois percussionnistes. Une grandiose représentation de quelque monde jaïn se trouve dans une grande salle dans l'axe du temple. Je m'asseois du côté des hommes. Bientôt, nous serons environ 150. Un chanteur s'installe dans l'axe du temple. Parfois, il chante en duo avec un homme jouant du synthé. Il s'agit de bhajans. Le rythme à 4 temps est accentué par l'assemblée qui frappe dans ses mains. Vers la fin de chaque morceau, le tempo s'accélère frénétiquement, ce qui exige un certain effort physique de la part des percussionnistes. Un des derniers morceaux sera essentiellement rythmique. Quelques femmes (et un homme) se lèvent et exécutent une danse désarticulée soulignant le rythme. Une des femmes tient dans ses mains des bouts de bois qu'elle frappe régulièrement. Les fidèles viennent déposer 10 ou 20 roupies dans une urne, mais avant cela ils se faufilent entre les danseuses pour agiter les billets au-dessus de la tête de chacune dans un mouvement circulaire. Après avoir vu cela, je pense que rien ne pourra jamais plus m'étonner en Inde...

Je ne comprends pas tout ce qui se dit ensuite, mais il semble qu'il y a une mise aux enchères pour le rôle principal dans la cérémonie qui va avoir lieu ensuite. Les membres du groupe ayant fait la plus importante enchère revêtent une sorte de couronne et se placent au premier rang pour la présentation du feu (aarti). On fait tourner un plateau contenant une lampe devant les divinités. Les plateaux passent de mains en mains, y compris les miennes.

La cérémonie se termine quand on ient présenter de mène le feu à Padmavati Rani, qui se tient dans un sanctuaire secondaire.

La nuit qui suit est un véritable cauchemar : les moustiques étaient complètement absents la nuit précédente, cette fois-ci, ils m'ont empêché de dormir jusqu'au lever du soleil.

Je continue à me reposer et ne fais que quelques visites de temples (comme celui du Bhomiya Bhavan avec ses 108 Parshvanath) avant de partir pour un voyage de vingt-cinq heures pour Khajuraho.

Vendredi vers 19h, je commence à chercher un taxi ou un rickshaw collectif pour me rendre à la gare de Parasnath. Le deal, dans ce que je comprenais, c'était soit que je paye 250 roupies pour être seul passager soit que je paye 50 roupies à condition que l'on soit plusieurs. J'ai décidé du montant que je lui donnerais quand il a commencé à essayer d'attirer d'autres passagers... Le rickshaw-wallah était assez furieux à l'arrivée que je ne veuille pas payer 250 roupies. Je lui ai donné 100 roupies et il a commencé à me harceler jusque dans la gare...

Je n'étais pas parti trop tard pour n'avoir pas trop de problèmes à trouver un moyen de rejoindre la gare. D'autres ont manifestement fait comme moi. J'ai donc attendu un peu plus de trois heures à la gare de Parasnath. Elle est relativement moderne. Je veux dire par là qu'en arrivant à la gare, j'ai su immédiatement sur quel quai m'installer pour attendre et il y avait même des repères pour indiquer où seraient positionnés les différents wagons. (Sachant qu'en théorie, le train n'était censé s'arrêter qu'une minute, c'était utile... La théorie a heureusement un peu changé et c'est en fait un arrêt de cinq minutes qui a été programmé.)

J'ai très bien dormi dans le train (en 2AC) qui étant parti à l'heure a très rapidement pris plus de trois heures de retard. Le train a franchi la Yamuna juste avant l'arrivée à la gare d'Allahabad (la confluence avec la Ganga n'était pas nettement visible depuis le pont). Le train a ensuite rebroussé chemin pour poursuivre sa route. Je suis descendu à Mahoba. J'ai quelque peu paniqué en découvrant que d'après le Lonely Planet, la durée du trajet en bus pour Khajuraho serait de 4h alors que je l'avais estimée à un peu plus de deux heures (d'après le kilométrage). J'étais plus proche de la vérité, mais le bus a mis une bonne heure à se remplir...

On sent bien que l'on s'enfonce dans la campagne puisqu'à l'approche d'un village, j'ai vu ce que je ne voyais d'habitude que tôt le matin lors de trajets en train : des hommes alignés le long de la voie pour déféquer. Ici, il s'agissait d'enfants qui faisaient de même au bord de la route. Je suis finalement arrivé vers 20h à Khajuraho. J'ai rejoint à pieds l'hôtel où j'avais déjà séjourné il y a sept ans...

Séries de photographies : 2012-07-26, Parasnath, 2012-07-27, Parasnath.

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Nancy Boissel au Centre Mandapa

2012-07-06 00:09+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2012-07-05

Nancy Boissel, bharatanatyam

J'ai assisté ce soir à mon centième spectacle pour le compte de l'année 2012, le dernier avant les vacances d'été. La danseuse Nancy Boissel, qui est installée à Chennai, remerciera le public nombreux du Centre Mandapa d'avoir pris le risque de passer une heure avec elle. Le risque était pour moi limité puisque j'avais bénéficié d'une invitation suite à l'annulation d'un précédent spectacle.

Au cours de son programme (d'environ 1h20), la danseuse a mis en valeur ses qualités dans tous les aspects de la danse bharatanatyam. Elle n'a pas oublié non plus de remercier ses maîtres Sri Selvam Pillai et Sangita Ishwaran (si j'ai bien entendu).

L'introduction musicale de la première pièce (une offrande de fleurs au dieu Shiva-Nataraja) me met immédiatement dans de bonnes dispositions puisque l'on y entend le morsing, une sorte de guimbarde.

On rentre dans le vif du sujet avec la pièce principale du récital, le Varnam. Le thème est tout à fait traditionnel : une jeune femme se languit de Muruga, le fils à six têtes de Shiva. Elle demande à son amie d'intercéder en sa faveur. Elle se rend dans la forêt dans l'espoir de l'y rencontrer, mais elle souffre : elle reste désespérément seule. Et puis, tout semble changer. Un archer (Kama ?) lance deux flèches. Les amants semblent réunis. La pièce se conclut avec une héroïne qui se retrouve seule à nouveau. N'était-ce qu'un rêve ?

Dans cette pièce narrative se sont insérées, comme le veut cet art, des passages essentiellement rythmiques pendant lesquels la narration se suspend. Ils sont en général très nettement délimités puisque la musique se réduit au nattuvangam (cymbales) et aux syllabes rythmiques dites par le nattuvanar. Ce fut le cas ici dans certains de ces passages rythmiques, mais d'autres ont eu un accompagnement musical tout différent s'insérant avec davantage de fluidité dans le reste : une voix chantée faisant du sargam, c'est-à-dire que le chanteur (de cette musique enregistrée) prononçait le nom des notes. Pendant un de ces passsages de danse pure, il m'a semblé que la danseuse évoquait les arts : la sculpture, la musique.

Jusque là, j'ai trouvé le récital très convaincant. La narration est très lisible. Le rythme est très bien marqué par les grelots de cheville. Le plus souvent, ceux-ci bruissent sur les temps forts de la musique et puis soudainement, cela peut s'inverser ! Cette complexité rythmique contribue à me faire apprécier les moments de danse pure. Du côté de l'expression, j'ai parfois la sensation que certaines attitudes sont un tout petit peu surjouées, mais j'admets que ma perception est sans doute déformée par le fait que je fusse assis au tout premier rang (il faut bien que les spectateurs du fond voient quelque chose aussi !).

Avec la pièce suivante, on a tout simplement touché au sublime ! La musique est bien connue : c'est Bho Shambho (cf. le billet de blog de Suja sur ce morceau). Le texte comme la chorégraphie évoquent de nombreux aspects de Shiva : sa puissance symbolisée par ses cheveux, son chignon tressé d'où jaillit la rivière Ganga, son troisième œil, le tambour (Damaru), son bras protecteur en forme de trompe d'éléphant, etc. Les images sont tellement nombreuses ! Toutes mouvantes, elles s'enchaînent merveilleusement bien sur cette musique dont les battements rythmiques à faire s'écrouler les murs rappellent les pas du danseur cosmique Shiva-Nataraja. Au cours des quelques dizaines d'autres récitals de bharatanatyam auxquels j'ai assisté précédemment, je ne crois pas avoir atteint un tel état émotionnel. En tout cas, pour une pièce conçue comme abstraite (au sens où elle évoque les aspects d'un dieu plutôt que de raconter une histoire), il est certain que je n'avais jamais véçu ça. (Quand je pense que derrière moi, des spectatrices ronchonnaient à l'annonce du fait que ce serait une pièce dédiée à Shiva, comme s'il n'y avait pas plein d'autres dieux que Shiva.)

La pièce suivante est un adage en l'honneur de Muruga. Son père Shiva y fait quelques apparitions tout comme une dévôte de ce dieu. Cette pièce met surtout en valeur la composante expressive de la danse.

Enfin, le récital se conclut par un Tillana. La musique est là encore très connue puisque j'ai souvent entendu cette mélodie rythmée caractéristique à la fin d'autres récitals. Quelques agréables variations musicales seront toutefois ajoutées, apparemment. Le Tillana est une pièce de danse pure, toute en rondeur, courbes et joie. En effet, plus qu'à l'introspection, c'est à la joie que nous invite cette pièce, et ce récital dans son ensemble, comme l'espiègle apparition de Krishna joueur de flûte le confirmera à la fin de ce Tillana !

Le Tillana s'est enchaîné tellement rapidement avec les salutations coutumières de fin de récital que personne n'a osé applaudir. J'ai attendu que la danseuse ait salué le dieu de la danse pour applaudir le premier et déclencher un mouvement qui ne manquait pas d'enthousiasme...

Avec Srithika Kasturi Rangam, Lavanya Ananth, Mallika Thalak, Meenakshi Srinivasan, et maintenant Nancy Boissel, il commence à y avoir du monde dans mon panthéon de danseuses de bharatanatyam !

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The Prince of the Pagodas au Royal Opera House

2012-07-02 21:12+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Photographies

J'ai fait ce week-end mon premier séjour à Londres, ce qui n'a laissé de paraître extraordinaire à tous ceux à qui j'en ai parlé, cette uniformité de la réaction me paraissant plus remarquable encore que le fait initial. La ville est très chère. J'ai cependant pu trouver un hôtel à un prix à peu près raisonnable au Sud de la Tamise, dans le borough de Wandsworth, à une certaine distance du métro Vauxhall. L'endroit est aussi relié au centre (Trafalgar Square, Covent Garden) par le bus 87, ce qui est pratique, quand ce bus au fonctionnement très aléatoire veut bien venir... Je n'ai mangé que dans des restaurants ethniques (indien, pakistanais, italien, chinois). À Floral Street, juste à côté du Royal Opera House et très près d'une plaque commémorant le ballet Le Tricorne se trouve le restaurant Masala Zone. On y mange un large choix de thalis délicieux, un type de restauration indienne quasi-inexistante à Paris.

La différence de mentalités se sent immédiatement. À l'intérieur de chaque strate de la société (pour le peu que j'en ai vu entre les quartiers chics et le coin un peu moins chic situé autour de mon hôtel), les gens paraissent bien plus mélangés, ethniquement parlant, qu'en France. J'ai même vu quelques saris au Royal Opera !

Le but principal de mon séjour était de voir une représentation de l'opéra Les Troyens. À cela se sont greffées des représentations de l'opéra Billy Budd au English National Opera et du ballet The Prince of Pagodas au ROH. J'y ai croisé à chaque fois Musica Sola qui est bien plus endurant que moi puisqu'outre ces trois spectacles, il avait au moins un ballet et un concert en plus à son programme du week-end !

Les quelques photos que j'ai prises à Londres sont ici.

Royal Opera House — 2012-06-29

Kenneth MacMillan, chorégraphie

Benjamin Britten, musique

Nicholas Georgiadis, décors et costumes

Colin Thubron, livret (d'après John Cranko)

John B. Read, lumières

Monica Mason, Grant Coyle, mise en scène

Christophe Saunders, Gary Avis, maîtres de ballet

Alexander Agadzhanov, Jonathan Cope, principal coaching

Grant Coyle, Karl Burnett, choréologues

Barry Wordsworth, direction musicale

Peter Manning, premier violon

Orchestra of the Royal Opera House

The Royal Ballet

Gary Avis, The Emperor

Itziar Mendizabal, Princess Épine

Sarah Lamb, Princess Rose

Federico Bonelli, The Prince

Valentino Zucchetti, The Fool

Andrej Uspenski, The King of the North

Johannes Stepanek, The King of the East

Jonathan Watkins, The King of the West

Brian Maloney, The King of the South

Thomas Whitehead, The Emperor's Counselor

Jonathan Howells, José Martín, David Pickering, Liam Scarlett, Doctors

Laura McCulloch, Eric Underwood, Lead Baboons, Lead Courtiers

Yuhui Choe, Hikaru Kobayashi, Emma Maguire, Fumi Kaneko, Grand Pas d'Action

Claire Calvert, Deirdre Chapman, Melissa Hamilton, Lara Turk, Grand Pas d'Action

Gemma Pitchley-Gale, Elizabeth Harrod, Francesca Hayward, Iohna Loots, Yasmine Naghdi, Romany Pajdak, Leticia Stock, Sabina Westcombe, Grand Pas d'Action

Sander Blommaert, Alexander Campbell, Kevin Emerton, Valeri Hristov, Kenta Kura, Ludovic Ondiviela, Fernando Montaño, Dawid Trzensimiech, Grand Pas d'Action

Artists of the Royal Ballet, Baboons, Courtiers and Flag Bearers

The Prince of the Pagodas, ballet en trois actes

Le soir de mon arrivée, j'assiste au Royal Opera House à une représentation du ballet The Prince of the Pagodas, dans une chorégraphie de Kenneth MacMillan. (Le livret et la chorégraphie d'origine sont de Cranko.) Je suis placé au premier rang de l'amphithéâtre :

Royal Opera House

On y voit bien et contrairement à l'amphithéâtre de l'Opéra Garnier, on y a suffisamment de place pour les genoux. Comme j'en ferai l'expérience deux jours plus tard pour Les Troyens, la pente est suffisante pour que les têtes des spectateurs assis devant ne gênent pas. C'est dans la dernière direction, la largeur, que c'est un peu juste. Pour peu que les voisins ne soient pas des balletomanes japonaises, on se sent rapidement à l'étroit.

Je suis globalement assez déçu par ce ballet. A priori, je m'attendais à quelque chose d'aussi haut en couleurs que La Bayadère. Les deux premiers actes sont désespérément peu dansants. La musique de Britten a beau être louée dans le programme vendu £6 (ce qui est moins cher qu'à Paris), elle ne semble pas très favorable à la danse, qui est très heurtée. Au cours du premier acte, le seul moment où la magie ait quelque peu opéré sur moi a été la variation dansée par Itziar Mendizabal dans le beau costume de Princess Épine (la méchante demi-sœur de Princess Rose) et ce d'autant plus que le numéro musical correspondant m'a particulièrement plu. Les deux demi-sœurs s'opposent à propos de la division du royaume de leur père. Par la magie, Épine prend provisoirement l'avantage. Les courtisans deviennent fous (ils ont l'apparence de singes !).

Les rois des quatre coins cardinaux se disputent la main des princesses. Des quatre variations, seule la dernière, interprétée par Brian Maloney (Roi du Sud) me plaît.

Le prince fiancé à Rose a été transformé en salamandre. Au cours du deuxième acte, alors qu'elle est en train d'accomplir un voyage dans un autre monde (qui est intériorisé dans cette version), Rose retrouve les rois des points cardinaux et son prince. Elle repousse les quatre rois. Suite à une manipulation astucieuse du Fool, elle a les yeux bandés, ce qui fait qu'elle ne voit pas le prince-salamandre avec lequel elle va danser. Pendant cette danse, le prince retrouve son apparence humaine, mais il revient à l'état de salamandre quand la princesse enlève son bandeau. Elle prend alors pitié de lui.

Je ne suis guère enthousiasmé par le peu de danse vu jusque là quand commence finalement le troisième acte, qui est superbe. En l'embrassant, la princesse Rose va retransformer la salamandre en beau prince. Celui-ci combattra les rois des points cardinaux (la scène du combat est un peu longue à mon goût). Enfin, la couronne pourra être confisquée à Épine et rendue à l'Empereur. Tout le monde pourra se réjouir, sauf Épine qui a disparu. Le grand divertissement qui en résulte permet enfin au corps de ballet de se mettre en valeur (une seule fois) sur un morceau de musique qui commence par une fugue. Le placement n'est pas aussi régulier qu'à Paris, mais l'ensemble est néanmoins fort réjouissant. Le pas de deux entre le Prince (Federico Bonelli) et la Princesse Rose (Sarah Lamb) est très beau également. Toutefois, en pensant par exemple au prince qui sous sa forme humaine ne fait que sourire, je reste dubitatif à propos des commentaires du programme qui vante l'exploration de la psychologie des personnages, par opposition à la danse conçue comme pur divertissement.

Dans ce ballet, un personnage tire les ficelles : c'est The Fool (Valentino Zucchetti), qui est très souvent présent sur scène. Il bondit et tourne sur lui-même. Ce n'est pas aussi impressionnant qu'un Mathias Heymann dans La Source, mais à défaut d'être très varié, cela se laisse regarder.

Les décors sont un peu sombres, mais j'ai aimé l'évocation du château par un assemblage de pièces détachées de tours, toutes biscornues et mouvantes, tandis que la pagode blanche peut apparaître au fond de la scène.

Si je n'avais pas su que ce ballet était de MacMillan, je l'aurais peut-être deviné puisqu'une des scènes fait très fortement penser au pas de trois incestueux de L'Histoire de Manon : le pas de cinq dans laquelle Princesse Rose évolue entre les quatre prétendants que sont les rois des quatre points cardinaux.

Bref, de cette première représentation du Royal Ballet, je retiens surtout les grandes qualités des interprètes des rôles principaux, et la quasi-absence du corps de ballet.

Ailleurs : Dansomanie.

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Myriam Ould-Braham dans La Fille mal gardée

2012-06-24 13:10+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2012-06-21

Frederick Ashton, chorégraphie (1960)

Louis Joseph Ferdinand Herold, musique

John Lanchbery, arrangements musicaux

Osbert Lancaster, décors et costumes

George Thomson, lumières

Christopher Carr, répétitions

Philip Ellis, direction musicale

Myriam Ould-Braham, Lise

Josua Hoffalt, Colas

Stéphane Phavorin, Mère Simone

Simon Valastro, Alain

Alexis Saramite, Thomas, père d'Alain

Pierre-Arthur Raveau, Un danseur à la flûte

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La Fille mal gardée, ballet en deux actes de Frederick Ashton d'après Jean Dauberval

J'ai malheureusement raté la nomination de ma danseuse préférée, Myriam Ould-Braham, au rang de danseuse étoile du Ballet de l'Opéra de Paris. D'autres y étaient (Le petit rat, Danses avec la plume, etc). Elendae a même filmé la nomination. Le surlendemain, passant près de l'Opéra après être allé acheter des partitions, j'eus le privilège de la croiser dans la rue en tenue de ville ; elle n'a probablement pas remarqué mon sourire émerveillé, occupée qu'elle était au téléphone. Jeudi, je pouvais enfin la voir dans le rôle de Lise dans La Fille mal gardée, un ballet que j'avais déjà vu il y a trois ans. Je me souviens qu'à l'époque cela aurait dû être ma première occasion de voir cette danseuse, mais, sans doute blessée, elle avait été remplacée par Dorothée Gilbert qui était accompagnée de Matthias Heymann, un couple que je vis alors deux soirs de suite.

Entretemps, Myriam Ould-Braham m'a procuré certaines de mes plus grandes émotions liées à la danse, le point culminant ayant été pour moi son interprétation du rôle de Naïla dans La Source. Mais il y eut aussi son unique Juliette et plus récemment sa Nikiya.

Le moins que l'on puisse dire est que sa Lise m'a charmé. Espiègle, légère, malicieuse, son personnage évolue sur scène sans que les efforts nécessaires à la danse soient visibles. Quelle joie de la voir danser avec son partenaire privilégié Josua Hoffalt ! Celui-ci m'a impressionné comme jamais. Quelle aisance !

Je ne me souvenais pas que la musique de ce ballet était aussi belle. Je ne sais pas si tous les ajouts aux partitions d'origine sont empruntés à Rossini ; en tout cas, sans que je sache identifier toutes les sources, plusieurs numéros font penser à son style. Que la musique m'ait davantage plu cette fois-ci qu'il y a trois ans tient peut-être à la direction musicale de Philip Ellis. Les vents ont été excellents. Heureusement, parce que la musique est presqu'un concerto pour flûte (et clarinette). À part les solos de violon qui m'ont agacé (comme souvent avec cette moitié de l'orchestre de l'Opéra), j'ai trouvé l'orchestre en grande forme.

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Tokyo Ballet, François Leleux, Re Orso

2012-05-20 11:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Garnier — 2012-05-19

Toshiro Mayuzumi, musique

Maurice Béjart, chorégraphie

Nuno Corte-Real, décors et costumes

Tatsuo Takasawa, lumières

Fumitake Ichikawa, réalisation sonore

Haruo Goto, Le Jeune homme moderne / Oboshi Turanosuke, chef des vassaux de la Maison Enya

Mao Morikawa, Ashikaga Tadayoshi, jeune prince, frère cadet du Shôgun régnant

Yuki Miyamoto, Enya Hangan, maître des Banquets auprès d'Ashikaga Tadayoshi

Mika Yoshioka, Dame Kaoyo Gozen, épouse d'Enya Hangan

Ren Yoshida, Rikiya, fils d'Ôboshi Yuranosuke

Yuji Matsushita, Kôno Moronô, conseiller du Shogun

Yu Himuro, Sagisaka Bannaï, serviteur de Kôno Moronô

Naoyoshi Nagase, Hayano Kampei, jeune samourï attaché à la Maison d'Enya

Chika Saeki, Okaru, jeune suivante de Dame Kaoyo Gozen, amante d'Hayano Kampei

Kosuke Wada, le double moderne d'Hayano Kampei

Mari Kawai, le double moderne d'Okaru

Yuichi Sugiyama, Ishido, examinateur d'un cadavre mort par seppuku

Hiroki Umezawa, Yakushiji, examinateur d'un cadavre mort par seppuku

Ryo Ogasawara, Ono Sadakuro, bandit

Reiko Koide, Une courtisane

Yuta Nagata, Yoichibei, père d'Okaru

Yuko Tanaka, Okaya, mère d'Okaru

Mayumi Nishimura, Osai, maîtresse de la maison de courtisannes de Kyôto

Ryo Ogasawara, Première variation des 47 Rônin

Naoyoshi Nagase, Deuxième variation des 47 Rônin

Junko Takamura, Shiori Mori, Mika Murakami, Rui Yoshikawa, Natsumi Kishimoto, Asami Sakai, Rei Othsuka, Mamiko Kawashima, Les suivnates de Dame Kaoyo Gozen

Kazuo Kimura, Yuji Matsushita, Yu Himuro, Naoyoshi Nagase, Ryo Ogasawara, Yuki Miyamoto, Dan Tsukamoto, Hiroki Umezawa, Junya Okazaki, Mao Morikawa, Shunsuke Yasuda, Yuichi Sugiyama, Yuta Nagata, Ren Yoshida, Daichi Matsuno, Yuji Nakamura, Ryohei Nojiri, Yo Sato, Kosuke Wada, Torayuki Takeshita, Hiroki Miyazaki, Yuma Ishida, Hideo Kishimoto, Tatsuya Jotaki, Chikahiko Hanayagi, Suginori Hanayagi, Jushitoshi Hanayagi, Tsuranosuke Hanayagi, Rakuto Hanayagi, Tadahiko Hanayagi, Tsunahito Hanayagi, Suzuhiko Hanayagi, Jinshiro Hanayagi, Kanshichiro Hanayagi, Les 47 Rônin

Le Kabuki

Ce samedi 19 mai, j'ai assisté à trois spectacles. Enfin, pas tout à fait. La durée annoncée du ballet Kabuki était de 1h20, ce qui me laissait largement le temps de rejoindre le Théâtre de la Ville pour le concert de 17h. Si j'avais su que cela durait une heure de plus, j'aurais choisi une autre date pour me rendre au Palais Garnier... Cela dit, c'est sans regret que je suis parti à l'entr'acte, une première pour moi, tant la musique (enregistrée) me semble un drôle de fourre-tout : du japonais, du minimalisme répétitif, des citations de Gershwin, avec parfois un instrument bien identifié pour chaque personnage. J'aime bien la scénographie, la chorégraphie mêlant classique et contemporain ne me déplaît pas, mais je reste sur ma faim.

Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2012-05-19

François Leleux, hautbois

Lisa Batiashvili, violon

Lawrence Power, alto

Sebastian Klinger, violoncelle

Quatuor pour hautbois et cordes (d'origine pour flûte et cordes) en ré majeur, KV 285 (Mozart)

Sérénade pour trio à cordes, en ut majeur, op. 10 (Ernő von Dohnányi)

Cinq airs de La flûte enchantée, arrangés pour hautbois et violon (d'origine pour 2 violons) par Mozard (1792) : Wie stark ist nicht dein Zauberton (Tamino), Ach, ich fühl's... (Pamina), Der Vogelgänger bin ich ja (Papagano), Du feines Täubchen, nur Herein (Monostatos, Pamino, Papageno), Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen (La Reine de la nuit)

Partia da Camera pour trio à cordes et hautbois, op. 88d (2009), Nicolas Bacri

J'arrive au Théâtre de la Ville pour écouter François Leleux, son épouse Lisa Batiashvili, Lawrence Power et Sebastian Klinger. Je me suis replacé au sixième rang pour fuir les effluves tabagiques de mon voisin.

Le hautboïste se met beaucoup en valeur dans le quatuor (transcrit) pour hautbois et cordes de Mozart (KV 285). Le trio de cordes qui l'accompagne fonctionne très bien puisque je n'ai pas l'impression de distinguer de parties dans le tout. J'apprécie particulièrement le deuxième mouvement tout en pizz.. Après une première tentative, il apparaît que la musique pour instruments à vents de Mozart parvient à m'être agréable.

Cependant, pour moi, le point fort du concert sera le trio pour cordes d'Ernő von Dohnányi. Dans les deuxième et troisième mouvements, je retrouve un peu du style de Janáček qui m'avait tellement plu lors d'un mémorable concert aux Bouffes du Nord. J'aime les pizz. du violoncelliste Sebastian Klinger qui effleure à peine les cordes du bout de ses doigts.

Après la pause, François Leleux et Lisa Batiashvili interprètent debout des transcriptions dues à un certain Mozard d'airs de La flûte enchantée. La partie vocale est airs est confiée au hautbois dans cette version. Je me demandais si les rôles ne seraient pas inversés pour l'air de La Reine de la nuit, mais c'est bien du hautbois de François Leleux que sont sorties ces notes aiguës.

Les quatre musiciens sont revenus pour interpréter une partita de chambre de Nicolas Bacri. Les sonorités sont tout ce qu'il y a de plus classique, on est très loin de ce qu'on entend parfois dans la musique contemporaine. Une exception toutefois : le deuxième mouvement Toccata est beaucoup influencé par le jazz. Le quatrième mouvement s'appelle Scherzo diabolico. Il me donne quelque peu le tournis par la virtuosité tout vol-du-bourdonesque qu'il exige. Je décroche complètement pendant le dernier mouvement. Un bis mozartien a conclu ce concert.

Opéra Comique — 2012-05-19

Catherine Ailloud-Nicolas, Giordano Ferrari, livret (d'après la fable d'Arrigo Boito)

Richard Brunel, mise en scène

Catherine Ailloud-Nicolas, dramaturgie

Thierry Thieû Niang, collaborateur aux mouvements

Bruno de Lavenère, décors et costumes

Laurent Castaingt, lumières

Carlo Laurenzi, réalisation informatique musicale Ircam

Jean Bresson, conseil scientifique Ircam

Olivier Hagen, assistant musical

Ester Pieri, assistant mise en scène

Émilie Roy, assistant décors

Pascale Paume, assistant costumes

Christophe Manien, Joël Soichez, chefs de chant

Alpha, conseil en prestidigitation

Émilie Valentin, conseil en marionnettes

Sylvain Cadars, ingénieur du son Ircam

Rodrigo Ferreira, Re Orso, un homme de pouvoir

Monica Bacelli, Ver, une femme du peuple

Marisol Montalvo, Oliba, épouse forcée du roi, une courtisane

Alexander Kravets, Trouvère, un courtisan

Geoffrey Carey, Papiol, bouffon

Piera Formenti, Daniel Carraz, Cyril Anrep, Des courtisans

Anthony Millet, Accordéon parlant

Piano robotisé, Trouvère bis

Électronique, Voix, sons, présences invisibles

Carlo Laurenzi, Marco Stroppa, Projection du son

Ensemble Intercontemporain

Susanna Mälkki, direction musicale

Re Orso, légende musicale de Marco Stroppa pour quatre chanteurs, quatre acteurs, onze instruments, voix et sons invisibles, spatialisation et totem acoustique (création)

Je me dirige ensuite vers l'Opéra Comique pour assister à la création de Re Orso, le premier opéra de Marco Stroppa. La création initialement prévue pour 2011 avait été reportée pour donner un délai supplémentaire au compositeur pour achever son travail.

Ce spectacle me semble bien meilleur que les trois autres créations d'opéra auxquelles j'ai assisté (Judith de Fénelon, Akhmatova de Mantovani, L'opéra de la lune de Pauset) 1. Pour cette première, le public n'était pas très nombreux. À quelques minutes du début de la représentation, la corbeille était pratiquement vide. C'est manifestement grâce aux effets du replacement qu'elle a paru un peu remplie pendant le spectacle. De mon côté, j'ai pu m'avancer de deux rangs au troisième balcon, sans quoi je n'aurais peut-être pas vu les surtitres. (À une époque, n'y avait-il pas des dispositifs de surtitrages complémentaires sur les côtés ?)

Le nombre de musiciens est très réduit. Ceci permet un aménagement particulier de la fosse d'orchestre. L'espace scénique se prolonge en effet jusqu'à cette fosse, ce qui permet aux chanteurs et comédiens de faire le tour de l'orchestre. De chaque côté, un escalier descend jusqu'aux musiciens. Le problème avec cette architecture est que lorsque les interprètes passent devant l'orchestre, un certain nombre de spectateurs, dont moi, ne voient plus ce qui se passe. Bêtement, un théâtre est conçu pour permettre aux spectateurs de voir ce qui se joue sur scène. Tous les spectateurs n'ont pas le privilège de pouvoir admirer toute la fosse d'orchestre... Sérieusement, chers metteurs en scène et scénographes, pensez au fait que vos spectacles sont destinés à être vus par le public...

Heureusement, l'essentiel se passe sur le plateau de scène. L'histoire racontée dans cet opéra est assez simple. Le roi Ours est un tyran (violeur, meurtrier, etc). Il est confronté à l'apparition spectrale du Ver qui lui rappelle ses méfaits. Alors qu'on fête son mariage avec Oliba (qu'il a forcée), il massacre presque tout le monde quand un trouvère se met à parler un peu trop à Oliba. Dans la deuxième partie de l'opéra, le roi se confesse, mais il n'obtient pas l'absolution. Il meurt misérablement, hanté par les personnages de la première partie.

Si le langage musical de Marco Stroppa m'est largement étranger, il n'a pas la laideur que j'ai trouvée la semaine dernière à celui de Brice Pauset. L'opéra comporte une sorte d'exposition, dans lequel une sorte de chœur raconte les méfaits du roi Ours. Les syllabes successives semblent être confiées à des interprètes différents : ce n'est qu'en mettant ensemble ce que les uns et les autres disent que l'on obtient (peut-être) des phrases complètes en italien. Pour le reste, le traitement des voix me plaît. La tessiture choisie pour le roi tyran est surprenante. J'avais beau avoir lu cette information avant de venir, quand Rodrigo Ferreira a chanté ses premières notes, ce fut une surprise pour moi. Ce choix doit donc être judicieux ! J'ai aimé l'ironie consistant à faire chanter d'une façon toute religieuse la terrible confession du roi. Dans le rôle du Ver, la mezzo-soprano Monica Bacelli m'a beaucoup impressionné. Dans celui d'Oliba, Marisol Montalvo explore le suraigu.

Une des choses que j'ai appréciées dans la musique de Marco Stroppa, c'est le repère donné par le rythme. Toutefois, avec le raffut qui se passe sur scène, la multiplicité des voix, les voix invisibles, la spatialisation et le traitement électronique en temps réel, j'ai en permanence l'impression de n'entendre qu'une toute petite partie des détails de la musique. C'est frappant par exemple pendant les interventions du trouvère bis, un piano robotisé, dont on voit un nombre invraisemblable de marteaux se déclencher simultanément.

La mise en scène associe les musiciens de l'Ensemble intercontemporain. Ils monteront sur scène pour le grand pandémonium, gros bazar qui intervient autour de la mort de roi. La chef Susanna Mälkki restera un peu plus longtemps à sa place puisqu'elle continue à diriger les chanteurs et qu'elle a passé un costume à capuche qui fait d'elle le confesseur du roi. Quand les musiciens seront sortis de scène, les chanteurs ne seront plus accompagnés que par de la musique électronique, et brièvement par un accordéon. Cette partie ne m'a paru ni plus ni moins intéressante que ce qui avait précédé.

S'il y a eu quelques huées pour la mise en scène et le compositeur, le public m'a semblé accueillir cette création avec enthousiasme.

Ailleurs : Bladsurb.

[1] Je me rends compte du fait que je suis en train d'oublier The Second Woman de Frédéric Verrières qui m'avait pas mal plu.

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Roméo et Juliette à Bastille

2012-05-15 23:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2012-05-15

Hector Berlioz, musique (Symphonie dramatique, op. 17)

Émile Deschamps, texte (d'après Shakespeare)

Sasha Waltz, chorégraphie

Pia Maier Schriever, Thomas Schenk, Sasha Waltz, décors

Bernd Skodzig, costumes

David Finn, lumières

Patrick Marie Aubert, chef du chœur

Juan Kruz Diaz De Garaio Esnaola, Luc Dunberry, Renate Graziadei, assistants de la chorégraphe

Stéphanie d'Oustrac, mezzo-soprano

Yann Beuron, ténor

Nicolas Cavallier, basse

Aurélie Dupont, Juliette

Hervé Moreau, Roméo

Nicolas Paul, Père Laurence

Ballet de l'Opéra

Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris

Vello Pähn, direction musicale

Roméo et Juliette

Ce que j'ai préféré dans ce ballet de Sasha Waltz, c'est la musique de Berlioz : la Symphonie romantique, que je ne connaissais au disque que par la Scène d'amour qui est accompagnée ici d'un beau pas de deux entre Roméo et Juliette. Je connais assez mal Berlioz, mais maintenant je pense pouvoir lui pardonner son adaptation de l'Orphée et Eurydice de Gluck qui doit être pour quelque chose au fait que cette œuvre est souvent jouée par des orchestre pas très baroquisants (alors que c'est tellement mieux quand c'est joué dans ce style). Je n'ai découvert qu'assez récemment la Symphonie fantastique que j'avais adorée. Dans ce ballet, la superbe musique de Berlioz me semble magnifiquement jouée par l'orchestre de l'Opéra. J'ai beaucoup aimé entendre Emmanuel Ceysson à la harpe. Les vents (notamment le hautbois) ont aussi fait des merveilles. (Une de mes prises de conscience de la dernière série de L'Histoire de Manon est qu'il y a en fait deux orchestres à l'Opéra, dont les petits noms sont les bleus et les verts, ces derniers ayant joué d'une bien meilleure façon à mon goût la musique de Massenet, et rétrospectivement, il en allait de même dans La Source au début de la saison. Ce soir, c'étaient semble-t-il aussi les verts qui jouaient.)

Ainsi, j'ai souvent regretté que le bruit des pas des danseurs du corps de ballet interfère avec la musique. La chorégraphie de Sasha Waltz ne m'a pas beaucoup intéressé. À l'inverse de ce que je vois d'habitude dans les ballets classiques et dans les danses indiennes, dans ce ballet les mouvements des danseurs se déclenchent le plus souvent en dehors du cadre rythmique imposé par la musique, et quand la danse et la musique sont en phase, ce n'est pas forcément pour le meilleur (danseuses remontant leur postérieur au même moment du cycle à quatre temps, mesure après mesure, dans la scène du bal).

J'ai trouvé que le début du ballet était un peu bordélique, avec ces nombreuses entrées et sorties de scène de groupes de danseurs dont le sens paraît peu clair. Les clins d'œil plus ou moins comiques de la chorégraphie m'ont rapidement lassé. Seul le pas de deux de la scène d'amour et le solo sans musique de Roméo m'ont plu. Pour le reste, même en les regardant avec des jumelles, je n'ai guère été ému par les interprètes (à part peut-être par Charlotte Ranson, dans le corps de ballet, qui est aussi appréciable quand elle a les cheveux soigneusement attachés que quand ils sont dénoués). Je reste impressionné par le travail d'Aurélie Dupont et d'Hervé Moreau (que je voyais pour la deuxième fois, la première c'était il y a trois ans dans Proust ou les intermittences du cœur), mais cette chorégraphie de Sasha Waltz me laisse indifférent.

Malgré cela, le spectacle reste intéressant grâce à la musique de Berlioz dirigée par Vello Pähn (que l'Opéra devrait inviter plus souvent, je n'ai que des bons souvenirs avec ce chef). J'ai bien aimé le chœur et parmi les chanteurs, j'ai tout particulièrement aimé la prestation de Stéphanie d'Oustrac.

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Isabelle Anna et Anuj Mishra au Musée Guimet

2012-04-28 11:45+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2012-04-27

Isabelle Anna, Anuj Mishra, danse kathak

Vikash Mishra, tabla

Juber Alam, chant, harmonium

Navin Mishra, sitar

Pandit Arjun Mishra, chorégraphie

Il y a quatre ans, j'avais assisté à un programme de danse kathak à la Cité de la Musique au cours des Vingt-quatre heures du Raga. Cette institution que j'apprécie n'a malheureusement pas toujours la main heureuse (cf. la partie indienne de la nuit soufie). Le caractère lamentable de cette prestation avait de quoi dissuader de façon définitive de revoir du kathak... En choisissant d'aller voir le duo d'Isabelle Anna et Anuj Mishra au musée Guimet, j'accordais une seconde et dernière chance à ce style de danse de me convaincre. Si je n'accrochais pas cette fois-ci, j'arrêtais les frais. Le moins que l'on puisse dire est que, de façon tout à fait inattendue, j'ai adoré ce spectacle !

Cette danse est très différente du bharatanatyam ! En gros, deux types de pièces se sont succédé. La forme qui a ma préférence est celle des pièces qui mettent le plus en valeur l'expression et la narration, comme la première qui était un duo entre les deux danseurs. La musique est chantée en ourdou, une langue qui se confond pour mes oreilles avec le hindi (je ne suis pas assez connaisseur pour reconnaître le vocabulaire d'origine plus arabo-persane que sanskrite). C'est dans ces pièces expressives (et tout particulièrement la première) que j'ai le plus apprécié la partie mélodique de la musique (voix et sitar). Comme ce type de musique (et de danse...) a beaucoup été imité dans les films indiens, cela a un léger air de Bollywood, mais de très haut de gamme, avec un certain raffinement et des improvisations en plus. En effet, le chanteur ne se prive pas d'insérer quelques ornementations et de solfier certaines suites de notes.

La première pièce, très sensuelle, représentait l'amour des deux personnages incarnés par les deux danseurs. Formant une sorte de douce pantomime continue, les mouvements sont fluides et majestueux. Si quelques mouvements des mains sont communs avec le bharatanatyam (comme la représentation de l'éclosion du lotus), c'est semble-t-il davantage à leur caractère universel qu'à une codification commune qu'il faut l'attribuer. On est plus dans la pure et simple expression des sentiments que dans un discours obéissant à une stricte grammaire. Quelques uns des mots du texte que je peux comprendre soulignent certains mouvements expressifs de la danseuse. C'est elle qui m'a le plus ému ! Qu'il est beau de voir sa robe tournoyer en faisant des ondulations pendant ses pirouettes, une robe qui se met à flotter onctueusement quand la rotation s'arrête et qui tombe majestueusement sur ses jambes en formant des plis réguliers !

L'exaltation est poussée à son paroxysme dans les frénétiques épisodes rythmiques qui s'insèrent dans ces pièces expressives (c'est un point commun avec le bharatanatyam d'insérer des numéros rythmiques de danse pure dans les pièces narratives). Je pense qu'il est impossible d'apprécier ces moments sans clapper le tal (c'est-à-dire battre la mesure) d'une façon ou d'une autre et de ressentir ainsi dans son corps la pulsation des danseurs et du tabla. Les danseurs effectuent souvent une pirouette complète sur un temps rythmique. Les mouvements de pieds se font sur des divisions de ces temps, tout comme les mouvements du cou (qui sont assez communicatifs avec le spectateur que je suis, je n'y peux rien...). Je suis en transe quand je sens que mon clappage du tal est parfaitement synchronisé avec le tabla et les mouvements de pieds de danseurs (sur des doubles croches, au moins !)...

L'autre forme privilégiée de pièces est la danse pure exécutée sur une musique essentiellement rythmique (j'ai une certaine empathie pour le joueur de sitar dont le rôle se réduit à répéter ad lib. la même petite mélodie sur un rythme immuable ; cela présente au moins l'intérêt de donner un repère dans le cycle rythmique ; cela dit, certaines courtes pièces ont mélangé des tals différents, il existe donc des guirlandes de tals comme il existe des guirlandes de ragas, Ragamalika !). Très extravertis, ces passages sont de véritables morceaux de bravoure pour les danseurs. La forme est différente de ce qu'on peut voir dans le bharatanatyam ou le kuchipudi. Le rôle du nattuvanar est primordial dans ces deux danses du Sud : celui qui joue des cymbales est en quelque sorte le chef d'orchestre. Dans certains passages rythmiques du kuchipudi, on trouve un jeu de questions et réponses entre la danseuse et celui qui est souvent son guru : il joue une phrase rythmique que la danseuse doit reproduire immédiatement en actionnant ses grelots de pieds (dont les orteils pincent un plateau en laiton !) tout en réalisant des mouvements de danse pure avec le haut du corps. Dans le bharatanatyam, la part d'improvisation est très certainement moindre puisqu'il n'y a pas de questions et réponses, la danseuse exécutant les mouvements en même temps que le nattuvanar joue des cymbales. J'ignore s'il en est toujours ainsi, mais dans le programme de kathak de ce soir, un des deux danseurs (ou les deux en même temps) venaient au micro annoncer une longue séquence rythmique : tout en clappant le tal avec une main, ils prononçaient les syllabes rythmiques indiennes standards ou bien les numéros des temps (en hindi ou en anglais). Cette séquence était ensuite reproduite par le tabliste et suivait un fou numéro de danse pure exécuté sur ce rythme par un des danseurs (ou dans au moins un cas, crois-je me souvenir, par son partenaire). Pour moi, cela a été un plaisir enivrant de les voir. Je pense qu'il faudrait passer à un autre niveau de compréhension de cette danse pour véritablement apprécier à sa juste valeur le subtil raffinement qui doit certainement se cacher derrière cette virtuosité. Pour le moment, c'est un plaisir plus immédiat, moins intellectuel que cela peut l'être avec le bharatanatyam, et c'est déjà pas mal !

Le travail sur l'expressivité (y compris dans les numéros rythmiques) et la narration est beaucoup plus saisissant et émouvant chez Isabelle Anna. Ses solos ont mis l'accent sur ces pièces lyriques, dont faisait partie l'adorable évocation des jeux (d'eau, rien à voir avec Bruno Mantovani) de Krishna qui charme les bergères grâce au son de sa flûte. J'ai aimé aussi son évocation de l'amour d'une courtisane.

Les solos du danseur étaient tournés principalement vers la danse pure. Il a ainsi exécuté des numéros de claquettes indiennes avec ses grelots de chevilles et de vertigineuses suites de pirouettes. Le comble a été une triple série de pirouettes enchaînées : 34+34+34=103 (ce n'est pas moi qui ai fait l'addition !). Les deux ou trois dernières pirouettes étaient un peu moins rapides que les précédentes, mais c'était le délire dans la salle, le tal étant clappé sonorement par le public ! Anuj Mishra a toutefois cherché à ajouter une part expressive dans une petite suite de courtes pièces rythmiques. Celles-ci évoquaient la nature : l'antilope, la vache, le lion, le cheval. Sa pièce la plus développée et la plus convaincante dans cet aspect de la danse évoquait le paon. Cela reste moins subtil et raffiné que la danse d'Isabelle Anna (qui a aussi fait de fort belles pirouettes !), mais j'apprécie que ce danseur n'ait pas été que virtuose !

Parmi les moments dont je me souviendrai sans doute longtemps, il y a eu ce duo dans lequel les danseurs et les musiciens m'ont donné l'impression qu'un cycle rythmique à onze temps pouvait comme aller de soi. Je n'en reviens pas ! J'aimais notamment la façon dont les temps étaient accentués et divisés lorsque l'on s'approchait de la fin d'un cycle, l'entrée dans le cycle suivant étant annoncée par les mêmes paroles du chanteur.

Un autre moment de transe à été le jeu de questions et réponses (rythmiques) auquel se sont livré les danseurs. Ce type d'improvisations fait partie des pièces que je trouve les plus délectables dans la musique et la danse indienne, quelle que soit la configuration. Un des plus mémorables avait été celui de deux percussionnistes accompagnant Sri Mohan Santhanam à Chennai en août dernier. Un autre plus récent associait Jayanthi Kumaresh et son percussionniste. Les deux danseurs ayant chacun des grelots de chevilles, ils peuvent très bien jouer à un tel jeu de questions et réponses. Les phrases rythmiques sont d'abord assez longues (je ne sais plus combien de temps comportait le cycle rythmique). Puis tout semble s'accélérer parce que la question et la réponse qui suit immédiatement se font de plus en plus courtes au point de ne plus comporter qu'une ou deux frappes de pied.

Exceptionnellement en mode ninja (contraint et forcé puisque le placement était libre), une place se libérant opportunément par le lapin posé à une spectatrice par une de ses amies, j'ai de façon inattendue été extrêmement bien placé au quatrième rang. Mes jumelles n'ont donc pas été nécessaires. Je me délecte par avance des très probables opportunités prochaines de revoir Isabelle Anna dans l'intime salle du Centre Mandapa (qui était fort bien représenté au premier rang de l'auditorium !). À la fin du spectacle, très émue par l'accueil du public (standing ovation), elle a remercié le père de son partenaire, Pandit Arjun Mishra (gharana de Lucknow) qui a chorégraphié et conçu ce programme.

Deux représentations de ce spectacle étant prévues, à l'heure où j'écris ces lignes, peut-être est-il encore possible d'acheter des billets pour assister à la représentation de ce samedi à 20h30 ?

Je n'avais été que moyennement convaincu par les premiers spectacles que j'avais vu à l'Auditorium du Musée Guimet (Urmila Sathyanarayanan et Priyadarshini Govind), mais après la superbe Meenakshi Srinivasan, c'est la deuxième fois de suite que je ressors très enthousiaste de cette salle.

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L'Histoire de Manon à Garnier

2012-04-24 10:33+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2012-04-23

Koen Kessels, direction musicale

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Jules Massenet, musique (extraits d'œuvres musicales, 1867-1910)

Martin Yates, nouveaux arrangements et orchestration (2011)

Kenneth MacMillan, chorégraphie et mise en scène (1974), réglées par Karl Burnett et Gary Harris

Nicholas Georgiadis, décors et costumes

John B. Read, lumières

Patricia Ruanne, répétitions

Aurélie Dupont, Manon

Josua Hoffalt, Des Grieux

Jérémie Bélingard, Lescaut, frère de Manon

Muriel Zusperreguy, Sa Maîtresse

Aurélien Houette, Monsieur de G. M.

Viviane Descoutures, Madame

Adrien Couvez, Le Chef des mendiants

Arnaud Dreyfus, Le vieux Gentilhomme

Myriam Kamionka, Une Prostituée travestie en jeune garçon

Mathieu Botto, Le Geôlier

L'Histoire de Manon

J'ai assisté aux deux premières représentations de la reprise de L'Histoire de Manon de MacMillan à l'Opéra Garnier. Samedi dernier et lundi soir. La distribution ci-dessus est celle de lundi.

L'intrigue du roman de l'Abbé Prévost est relativement bien respectée. Toutefois, le personnage de Manon est rendu plus sympathique. Dans cette version, son inconstance paraît avoir pour seule cause l'intérêt de son frère pour l'argent. Après vérification, dans le roman (dont je recommande la lecture), Lescaut incite effectivement Manon à se faire entretenir par G. M., mais Manon avait eu avant quelqu'autre occasion de tromper Des Grieux. Dans ce ballet, les mouvements de pieds semblent parfois assez compliqués ; pendant les entr'actes, entre balletomanes, on se demande si certaines aspérités ou défauts de synchronisation sont volontaires ou non (parfois, manifestement oui, mais des doutes subsistent, c'est intrigant !). Globalement, les mouvements des danseurs de la deuxième distribution m'ont semblés plus fluides. Comme dans certains ballets de Noureev (en particulier, Roméo et Juliette), on a parfois l'impression d'assister à la reconstitution d'une scène de rue, des solistes dansant au devant de la scène tandis que les membres du corps de ballet font plus ou moins acte de figuration en arrière-plan en vaquant à de diverses occupations. Cette vulgarité va parfois plus loin, notamment au deuxième acte, avec la représentation de la trivialité. Celle-ci était parfois montrée de façon grossière dans Roméo et Juliette. On la retrouve ici dans une scène de bacchanale (beaucoup plus convaincante samedi que lundi, où il était bien difficile de comprendre ce qui se passait ; il faut dire que j'étais distrait par l'orchestre, j'y reviendrai !).

Venons-en maintenant aux danseurs. Si j'ai trouvé Clairemarie Osta (Manon) et Nicolas Le Riche (Des Grieux) très bons samedi, ils ne m'ont ému qu'au troisième acte au cours duquel, spoiler alert, Manon meurt en Amérique dans les bras de Des Grieux. Lundi, Josua Hoffalt et la sublime Aurélie Dupont étaient en état de grâce. La jeunesse, l'amour des deux personnages était plus convaincants à mes yeux dans leur pas de deux du premier acte. L'expression du visage, à laquelle j'accorde une grande importance, était plus travaillée chez Josua Hoffalt que chez Nicolas Le Riche (je ne pense pas que ce soit lui faire injure de dire que l'expression faciale n'est pas son point fort : il en a tellement d'autres !). De son côté, Aurélie Dupont est absolument rayonnante ! Le rôle de G. M. est interprété lundi par Aurélien Houette avec une froide noblesse. J'ai trouvé que cette anguleuse rigidité faciale correspondait mieux au personnage que les courbes de Stéphane Phavorin samedi. Le sentiment de malaise pendant le pas de trois Manon/G. M./Lescaut à la fin du premier acte n'en était que plus malsain. Plus qu'un simple entremetteur, Lescaut assiste et participe incestueusement à leur manège.

Si elle semble sous l'influence de Lescaut au premier acte, ce n'est qu'au deuxième acte que transparaît véritablement l'ambiguité de Manon. À quel point l'argent et la séduction ne sont-ils pour elle qu'un jeu ? ce jeu que refuse Des Grieux. Lundi, j'ai particulièrement aimé la façon dont les deux personnages entrent en conflit sur ce sujet qui est symbolisée par le bracelet orné de pierres précieuses que G. M. a offert à Manon.

Dans la scène festive du deuxième acte, Lescaut paraît complètement ivre. Le rôle comporte une variation suivie d'un pas de deux avec la maîtresse de Lescaut au cours de laquelle celle-ci est bien embêtée d'avoir un partenaire incapable d'aligner convenablement une suite de pas, de prises de mains et de portés. Samedi, Stéphane Bullion a été très drôle dans cette scène ! davantage que Jérémie Bélingard dont la pantomime m'a alors semblée quelque peu exagérée. Si en général j'apprécie beaucoup Alice Renavand, dans le rôle de la maîtresse de Lescaut, son interprétation ajoutait une dimension un peu trop putassière au rôle. Je lui ai donc préféré Muriel Zusperreguy qui dansait ce lundi.

Parmi les solistes, je voudrais aussi signaler le chef des mendiants qui apparaît au premier acte. Samedi, j'ai été très impressionné par Allister Madin (qui est le seul danseur du ballet de l'Opéra à qui j'aie serré la main, grâce au Petit Rat, à l'issue une représentation de La Bayadère au cours de laquelle ce danseur avait été une très belle idole dorée).

Parmi les ingrédients qui peuvent transformer une belle soirée en une des meilleurs soirées de ballet de l'année (à côté de Myriam Ould-Braham dans La Source et dans La Bayadère, et puis Aurélie Dupont et Evan McKie dans Onéguine), il faut bien sûr compter l'orchestre. Si samedi, l'orchestre m'avait semblé jouer très bien la musique de Massenet, ce lundi, il jouait fantabuleusement bien. Comment est-ce possible ? C'est simple : ce n'étaient pas les mêmes musiciens ! Parmi les moments les plus délicieux, ce passage du deuxième acte mettant en valeur Manon qui est un bien bel ensemble pour instruments à vents. L'entendant depuis ma loge de face (plutôt qu'une loge de côté samedi), je pouvais profiter pleinement de la stéréo ! Les instruments qui m'ont procuré le plus de plaisir ont été la clarinette et le hautbois (qui comme samedi avait une sonorité proche de celle du cor anglais, comme le faisait observer l'experte Klari). Les solos de violon, de violoncelle (et aussi d'alto me semble-t-il) étaient également très beaux. Je ne suis pas des plus grands admirateurs de la musique de Massenet, mais il faut bien admettre que l'arrangement et l'orchestration de Martin Yates sont bien faits. Il me faudrait quelques nouvelles écoutes pour mieux m'en rendre compte (je ne retournerai voir ce ballet que lors de la dernière pour les adieux de Clairemarie Osta), mais j'ai apprécié le caractère motivique de cette musique. Certaines apparitions et réapparitions de personnages sont ainsi soulignées par des motifs, et pas seulement au troisième acte quand avant que Manon meure les personnages rencontrés précédemment font une apparition en arrière-plan, chacun étant accompagné d'une musique qui lui corresponde.

Ailleurs :

Parlons maintenant des à-côtés. Lundi soir, en me dirigeant vers ma première loge 28, je vois une ouvreuse sortir de la 30 dont je soupçonne qu'elle communique avec la 28. Lui tendant ma place, elle me dit de voir avec sa collègue s'occupant des loges de côté. Il n'y a pas lieu de s'étonner que cette autre ouvreuse fût débordée... Arrivé à ma place, je constate que j'aurais effectivement pu entrer par la porte de la loge 30 si la première ouvreuse ne l'avait fermée devant moi. Ces grandes loges de face comportent des rangées de 8 fauteuils. Au deuxième rang, on vend à 70€ des places aveugles derrière quelque pilier. Une dame a fait un scandale à ce propos. Une autre a débarqué en me regardant moi et mon voisin d'un air et d'un ton accusateur, genre dégagez d'ici. Devant cette inédite revêche, j'ai déployé toute l'amabilité qu'il me restait pour lui demander de sortir et de tourner à droite pour trouver sa loge impaire (au total, ce soir, j'ai dû servir de panneau indicateur à quatre personnes, il faudrait que je pense à me faire payer par l'Opéra). Au bout de dix minutes de spectacle, on a bizarremment fait entrer des retardataires dans cette grande loge, dont tous les sièges étaient déjà occupés. Les loges sont spacieuses, mais rajouter ainsi des resquilleuses, c'est du vice. Est-ce un bêta-test pour la configuration de l'année prochaine dans laquelle certaines loges auront un cinquième rang ? Par ailleurs, en arrivant à l'Opéra, j'avais découvert que les interminables travaux sur les toilettes du côté pair étaient terminés. Ils sont un peu plus dignes que ce qu'il y avait là avant. Le loquet fonctionne mal ; chez les dames on manque manifestement de savon puisque certaines vont se laver les mains que les messieurs. Miracle, le sèche-mains fonctionne ! Trop bien puisqu'il fait un un bruit infernal qui s'entend à trente mètres à la ronde (il est aidé en cela par le fait que la porte d'accès reste ouverte en permanence). Au milieu du premier acte, je n'ai donc guère été étonné d'entendre un suspect bruit de soufflerie.

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Myriam Ould-Braham dans La Bayadère

2012-04-12 12:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2012-04-11

Ludwig Minkus, musique, réalisée et adaptée par John Lanchbery

Marius Petipa, Sergueï Khoudekov, livret

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa

Ezio Frigerio, décors

Franca Squarciapino, costumes

Vinicio Cheli, lumières

Fayçal Karoui, direction musicale

Myriam Ould-Braham, Nikiya

Florian Magnenet, Solor

Charline Giezendanner, Gamzatti

Axel Ibot, Le Fakir

Yann Chailloux, Le Grand Brahmane

Éric Monin, Le Rajah

Natacha Gilles, Aiya, servante de Gamzatti

Cyril Mitilian, L'Esclave

Allister Madin, L'Idole dorée

Marine Ganio, Danse Manou

Héloïse Bourdon, Sébastien Bertaud, Danse indienne

Sarah-Kora Dayanova, Première variation

Valentine Colasante, Deuxième variation

Sabrina Mallem, Troisième variation

Ballet de l'Opéra

Élèves de l'École de danse de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La Bayadère, ballet en trois actes (production créée pour le Ballet de l'Opéra national de Paris le 8 octobre 1992)

Après l'avoir vue dans les rôles de Juliette et de Naïla, j'ai eu ce soir l'occasion de voir Myriam Ould-Braham dans un autre grand rôle : Nikiya. J'ai dû pour cela casser ma tirelire afin d'acheter un billet sur la bourse d'échange de l'Opéra, les distributions ayant été annoncées trop tard pour qu'il fût possible de voir à bas prix les interprètes que l'on voulait, en l'occurrence la distribution non étoilée !

Je crois que ce qui m'a le plus ému dans la danse de Myriam Ould-Braham, ce sont ces instants où elle est immobile. Quel port de tête ! Quel travail dans l'expression du visage ! (Cela me fait repenser à Mallika Thalak, une danseuse de bharatanatyam qui m'avait aussi ému avant de faire le moindre pas.) Ses mouvements de mains m'ont également marqué. Parmi les nombreux moments passionnants, la façon dont elle repousse le Grand Brâhmane, son pas de deux avec l'Esclave, sa confrontation avec Gamzatti, la variation de la corbeille à fleurs et les danses plus éthérées du troisième acte. J'ai hâte de revoir cette artiste dans d'autres grands rôles !

J'ai beaucoup aimé aussi Charline Giezendanner dans le rôle de Gamzatti. Ce n'est que la deuxième fois que je la vois dans un grand rôle si on excepte le visionnage du DVD de la Coppélia de Lacotte par l'école de danse de l'Opéra il y a une dizaine d'année et dans laquelle elle était épatante. Je l'avais trouvée très bien dans le rôle de Naïla dans La Source. Dans celui de Gamzatti, elle m'a fait une très grande impression, autant dans la pantomime que dans la danse.

Florian Magnenet (Solor) est toujours aussi impressionnant techniquement parlant, mais il sourit un peu trop...

Plus que lors de mes Bayadère précédentes, j'ai été saisi par l'extravagante succession des danses du deuxième acte. Le plus beau moment de cette séquence a été la variation de l'Idole dorée, superbement dansée ce soir par Allister Madin ! J'ai adoré également la danse Manou de Marine Ganio, qui a une espiègle façon d'écarquiller les yeux dans ce jeu avec deux élèves de l'école de danse au cours duquel elle doit éviter de renverser sa cruche. Dans la danse indienne, sans qu'elle soit aussi éblouissante que Sabrina Mallem dans le même rôle, j'ai aimé regarder Héloïse Bourdon.

Ailleurs : Blog à petits pas, Danses avec la plume, Danse-opera, Aymeric ont vu la même distribution lors de la représentation du 28 mars.

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Nixon in China au Châtelet

2012-04-11 09:35+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Théâtre du Châtelet — 2012-04-10

Franco Pomponi, Richard Nixon

Alfred Kim, Mao Zedong

June Anderson, Pat Nicon

Sumi Jo, Jiang Qing (Madame Mao)

Kyung Chun Kim, Zhou Enlai

Peter Sidhom, Henry Kissinger

Sophie Leleu, Nancy Tang, première secrétaire de Mao

Alexandra Sherman, Deuxième secrétaire de Mao

Rebecca de Pont Davies, Troisième secrétaire de Mao

Hai Wen Hsu, Salem Sobihi, Danseurs solistes

Orchestre de chambre de Paris

Chœur du Châtelet

Alexander Briger, direction musicale

Chen Shi-Zheng, mise en scène et scénographie

Shilpa Gupta, décors

Petra Reinhardt, costumes

Alexander Koppelmann, lumières

Yin Mei, collaboratrice à la chorégraphie

Olivier Roset, vidéaste

Stephen Betteridge, chef de chœur et assistant du chef d'orchestre

Nathalie Steinberg, chef de chant

Sylvie Leroy, pianiste répétitrice

Elsa Lambert, pianiste chœur

Rob Kearley, Christophe Gayral, assistants à la mise en scène

Doriane Fréreau, assistant aux décors

Frédéric Llinares, assistant aux costumes

Nixon in China, opéra en trois actes de John Adams sur un livret d'Alice Goodman

J'aime bien John Adams. J'avais entendu pour la première fois sa musique dans le ballet Parzival de John Neumeier. J'avais alors beaucoup aimé Harmonielehre. Plus tard, au disque, j'ai adoré son concerto pour violon électrique The Dharma at Big Sur. J'ai un revanche presque détesté son opéra Doctor Atomic dont j'ai visionné le DVD et en particulier son interminable deuxième acte où il est question de la météo avant le premier essai nucléaire. En concert, je n'ai pas davantage aimé la Doctor Atomic Symphony qui en est tirée. C'était après l'annonce de la programmation 2011/2012 du Théâtre du Châtelet. Sans avoir donc de prévention particulière, j'avais donc réservé une place assez chère pour la première représentation de la nouvelle production de Nixon in China qui avait lieu ce mardi.

John Adams a une façon bien à lui d'associer vents et cordes. Cette manière apparaît notamment dans les passages les plus impressionnants qui me procurent le plus grand plaisir. Cependant, je suis presque choqué par l'aspect répétitif de cette œuvre. Elle me semble découpée en tranches d'environ deux minutes. Quelques vents ou le synthé répètent un motif très court, d'autres motifs durant une mesure sont joués par d'autres instruments. Quelques phrases musicales plus longues sont brodées par dessus. La musique ne fait pas non plus complètement du sur place puisque les harmonies changent régulièrement, et ce de façon abrupte. À ces répétitions s'ajoutent parfois des notes surgissant d'une façon qui pourrait laisser à penser qu'elles reviendraient avec régularité lors des mesures suivantes, mais le compositeur semble s'être amusé à surprendre l'auditeur en mettant un peu d'aléatoire dans ces surgissements. Quelques cassures et dégradés rythmiques sont également à signaler.

Pendant le premier acte, j'ai ainsi eu l'impression d'entendre une première ambiance se développer pendant quelques minutes, puis très brutalement une deuxième est entrée en scène sans aucune transition. Ces changements de Raga peuvent très bien survenir au milieu de l'intervention d'un chanteur, ce qui est assez surprenant.

La façon dont la voix est traitée ne me plaît pas énormément. Cela me déplaît toutefois moins que dans Doctor Atomic. Le texte d'Alice Goodman est assez subtil, mais la mise en musique fait un peu brut de décoffrage. Comme dans Doctor Atomic, les rares exceptions au récitatif sont le fait des personnages féminins interprétés par June Anderson (Pat Nixon) et Sumi Jo (Madame Mao) à qui on a confié quelques acrobaties vocales.

Pendant le prélude, des vidéos d'époque des États-Unis d'Amérique et de la Chine sont projetées. Quelle époque exaltante cela devait être !.. Le premier acte montre l'arrivée de Nixon en Chine. Il est accompagné par sa femme et Henry Kissinger. Ils sont accueillis par Zhou Enlai puis par Mao Zedong qui semble s'intéresser davantage à la philosophie qu'à la politique.

Comme on peut le constater presque tous les jours à notre époque où ce type de rencontres est très fréquent, l'opéra met très bien en évidence que la communication par images et le storytelling sont aussi mensongers qu'ils ne sont pas nouveaux...

Je me suis un peu plus laissé emporter par la musique du deuxième acte, en particulier pendant la grande scène au cours de laquelle Nixon assiste à une représentation du Détachement féminin rouge (représentation qui dégénère en Révolution culturelle, les héroïnes finissant par être forcée à s'humilier lors de séances d'autocritique). La chorégraphie et la danseuse soliste Hai Wen Hsu méritent que les balletomanes se déplacent !

En revanche, le troisième acte pendant lequel les personnages rêvassent à propos de leur jeunesse, je l'ai trouvé d'un ennui mortel.

Ailleurs : Zvezdo, Palpatine.

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Programmes Prokofiev et Stravinski pour le Philharmonique de Radio France

2012-04-01 22:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Salle Pleyel — 2012-03-30

Orchestre philharmonique de Radio France

Hélène Collerette, violon solo

Arvo Volmer, direction musicale

Elisabeth Leonskaja, piano

Concerto pour piano et orchestre nº2 en sol mineur, op. 16 (Prokofiev)

Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux, version de 1947 (Stravinski)

Vendredi soir, j'ai eu mon dernier concert orchestral du mois de mars. Il semblerait que les orchestres installés à Paris ou de passage soient en pleine forme... Pour cette dernière, c'était le Philharmonique de Radio France, dirigé par Arvo Volmer (qui remplaçait Pablo Heras-Casado). Au poste de violon solo, le programme avait annoncé Svetlin Roussev, mais c'est Hélène Collerette qui est venue. (Elle n'a pas eu droit à un rectificatif de programme.)

Assis au deuxième balcon en première partie de programme, je profite d'un très bonne acoustique, ce qui me dissuadera de descendre à l'arrière-scène à l'entr'acte. De tout en haut, la course des mains d'Elisabeth Leonskaja sur le piano est impressionnante ; je n'ose imaginer l'effet que ça doit certainement faire vu de près. Il semblerait qu'avec Prokofiev, on ne soit jamais déçu... La musique est assez folle, les cuivres de l'orchestre sonnent particulièrement bien (les cors, le tuba !). La musique me rappelle parfois d'autres compositions de Prokofiev (en particulier Cendrillon). Le troisième mouvement de ce concerto pour piano est particulièrement dansant.

Au milieu de son bis, alors qu'elle est sur un point d'orgue, la pianiste aura un élégant mouvement de la main gauche pour faire signe aux applaudisseurs intempestifs de s'arrêter. Pour ce qui est des tousseurs, ils ont eu un très très long passage choral entre le premier et le deuxième mouvement du concerto.

Après l'entr'acte, l'orchestre est peut-être plus nombreux encore pour interpréter Petrouchka. J'ai beaucoup aimé cette interprétation. Quelle énergie chez les contrebasses ! qui sont au nombre de 8. Le moment que je préfère dans cette musique (le début du quatrième tableau) a été merveilleusement bien joué. Le premier violon, la flûte et la trompette ont été excellents dans leurs solos. Mon seul regret : dans l'empilement orchestral, la mélodie jouée par les vents était parfois cachée par les cordes.

Cité de la musique — 2012-04-01

Orchestre philharmonique de Radio France

Hélène Collerette, violon solo

Arvo Volmer, direction musicale

Fanny Ardant, récitante

Raphaëlle Delaunay, danse, chorégraphie

Manon Gignoux, costumes

L'Histoire du soldat (Stravinski)

Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux, version de 1947 (Stravinski)

L'empêchement que j'aurai d'aller voir L'histoire du soldat à l'Athénée en juin et l'annulation du récital de Thomas Quasthoff à la Cité de la musique m'ont fourni l'occasion de substituer à ce récital un billet pour le concert de ce dimanche de l'Orchestre philharmonique de Radio France. En première partie, un ensemble de sept musiciens dirigés par Arvo Volmer interprètent la musique du mélodrame de Stravinski. Les premières interventions de Fanny Ardant sont parlées, mais en mesure ! Le texte est heurté et brut, mais il est rimé. Entre les numéros musicaux, la comédienne libérée de cette contrainte rythmique et donc plus détendue pourra mettre en évidence son talent dans la lecture de ce texte. Le soldat rentrant dans sa famille a accepté un pacte du diable. En échange de son violon, il aura connaissance du futur, ce qui lui permettra de s'enrichir et d'épouser la fille du roi. La dernière rencontre avec le diable alors qu'il revenait voir sa mère lui sera fatale. Mon état de fatigue et la faiblesse des lumières m'empêchent de profiter complètement de cette première partie. Cependant, pendant mes moments de lucidité, j'apprécie tout particulièrement la partie de violon d'Hélène Collerette, ainsi que la moue de celle-ci quand le texte fait dire au soldat que son instrument est de mauvaise qualité (acheté pour dix francs !).

Après l'entr'acte, l'orchestre au complet occupe tout l'espace scénique ordinaire de la salle des concerts. Cette salle étant modulable, les rangées de sièges avaient été reculées de façon à laisser un espace à l'avant-scène sur lequel pourrait évoluer la danseuse et chorégraphe Raphaëlle Delaunay (ancienne du Ballet de l'Opéra, du Tanztheater Wupperthal et du Nederlands Dans Theater, excusez du peu). Que ce Petrouchka se tienne à la Cité de la musique et non à Pleyel et qu'il comporte une partie dansée font que cette moitié de concert ne doublonnera pas complètement avec celle du concert de vendredi où cette œuvre était interprétée par le même orchestre et le même chef.

Le fait que la plate-forme où danse Raphaëlle Delaunay soit si basse m'empêche de voir ses pieds, ce qui n'est pas idéal pour apprécier la danse... Pour ce que j'en ai entr'aperçu, je n'ai pas du tout été convaincu par la chorégraphie qui m'a un peu trop détourné de la musique, mais sans m'intéresser ou m'émouvoir. La danseuse portera trois costumes au cours de la grosse demi-heure que dure l'œuvre. Forcément, changer de costume prend un certain temps... pendant lequel il ne se passe rien sur scène. Soit on fait jouer les différents rôles par plusieurs danseurs, soit on abandonne la convention qui voudrait que chaque personnage ait son costume (les danseuses de bharatanatyam arrivent très bien à interpréter simultanément plusieurs rôles en gardant un unique costume !). Rester en coulisses pendant tout un tableau (le deuxième, celui qui se passe chez Petrouchka), je trouve que c'est se moquer du monde. On trouve quelques références à la chorégraphie/scénographie d'origine. Dans le premier tableau, la danseuse entre habillée en ballerine en portant des béquilles, ce qui fait écho aux bras contraints des trois danseurs interprétant les rôles des trois poupées dans le ballet de Fokine au moment où le charlatan les présente à la foule. Plus tard, dans le quatrième tableau, on verra à une poignée de reprises la danseuse faire des mouvements mous des épaules et des bras comme le fait Petrouchka. Le point culminant du ballet, pour la danseuse, est le troisième tableau où elle joue le rôle du Maure, montrant ses muscles et faisant tournoyer des colliers de perles autour de son cou. C'est une performance tout à fait appréciable, mais le problème est que visuellement tout se passe comme s'il n'y avait que le Maure ; rien ne semble signaler l'entrée de la ballerine (que la musique annonce pourtant). À la fin de cette partie, la danseuse fera un petit numéro à la Joséphine Baker (ceinture de bananes). La danseuse ayant endossé le rôle de la ballerine et du Maure, je me dis qu'au quatrième, elle sera Petrouchka. C'est un tout petit peu vrai vu la poignée de mouvements qui rappelleront ce personnage comme j'ai dit plus haut, mais j'ai surtout l'impression d'avoir la confirmation que la danseuse-chorégraphe tourne le ballet en dérision. Elle apparaît en effet habillée en jeune des banlieues avec un casque sur les oreilles et elle se met à danser dans un style hip hop (enfin, je crois) jusqu'à la fin. Elle a même continué à danser longtemps après que l'orchestre s'est arrêté.

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Debrief de mars

2012-04-01 00:24+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Lectures — Culture indienne

Quel mois ! En novembre dernier, j'avais déjà eu un mois très chargé en spectacles. La plupart avaient été extrêmement satisfaisants. Ce mois de mars a été encore plus riche en émotions. Voici un récapitulatif, le nombre de points d'exclamation étant une indication approximative d'appréciation, au frissonomètre, au lacrimomètre, au youpiömètre, enfin bref :

Des 23 spectacles auxquels j'aie assisté ce mois-ci, je n'ai gardé que le meilleur, certains spectacles juste bien n'ayant pas été considérés dignes de figurer dans la liste !

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La Bayadère à Bastille

2012-03-23 11:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne

Opéra Bastille — 2012-03-22

Ludwig Minkus, musique, réalisée et adaptée par John Lanchbery

Marius Petipa, Sergueï Khoudekov, livret

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa

Ezio Frigerio, décors

Franca Squarciapino, costumes

Vinicio Cheli, lumières

Fayçal Karoui, direction musicale

Aurélie Dupont, Nikiya

Josua Hoffalt, Solor

Ludmila Pagliero, Gamzatti

Allister Madin, Le Fakir

Yann Saïz, Le Grand Brahmane

Stéphane Phavorin, Le Rajah

Christine Peltzer, Aiya, servante de Gamzatti

Alexis Renaud, L'Esclave

Florimond Lorieux, L'Idole dorée

Charline Giezendanner, Danse Manou

Sabrina Mallem, Julien Meyzindi, Danse indienne

Héloïse Bourdon, Première variation

Charline Giezendanner, Deuxième variation

Aurélie Bellet, Troisième variation

Ballet de l'Opéra

Élèves de l'École de danse de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La Bayadère, ballet en trois actes (production créée pour le Ballet de l'Opéra national de Paris le 8 octobre 1992)

J'avais été émerveillé la première fois que j'avais vu La Bayadère, il y a deux ans. Je viens de voir ce ballet pour la deuxième fois. Ce qui m'a le plus marqué lors de cette représentation du 22 mars (diffusée en direct dans certains cinémas), c'est avant tout la musique du premier acte. Dans les deux derniers actes, à part quelques numéros émouvants (Variation de la corbeille à fleurs de Nikiya, L'entrée des ombres), Minkus a comme à son habitude pondu du zimbadaboum-ertata festif. Dans le premier acte, au contraire, il s'est absolument surpassé. J'ai été tout étonné d'être ému en premier lieu par la musique au cours de ce premier acte. L'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Fayçal Karoui est en état de grâce. Absolument tous les pupitres sont formidables. Les cordes, les vents, les cuivres, les timbales, le triangle, j'espère que je n'oublie personne. De ma place acoustiquement idéale au dernier rang du deuxième balcon, j'entends les différentes voix orchestrales (quoi, du contrepoint chez Minkus ?!). Les instruments à vents sont absolument fabuleux, et parmi eux, le flûtiste solo est un génie du phrasé. Les équilibres entre ces instruments à vents qui se répondent m'a procuré un plaisir auquel je ne m'attendais absolument pas ! Le plus merveilleux est que l'orchestre est en symbiose avec ce qui se passe sur scène. Quel sens de la dramaturgie dans cette direction d'orchestre ! Quel science des nuances, des ralentissements/accélérations et du phrasé !

Côté danseurs, j'apprécie tout particulièrement Josua Hoffalt (Solor), nommé danseur étoile il y a peu ; cela faisait longtemps que j'en entendais parler par d'autres balletomames, mais la première fois qu'il m'avait vraiment ébloui, c'était lors de reprise d'Onéguine en décembre dernier. Dans ce grand rôle, il a été magnifique du début à la fin. J'ai également beaucoup aimé revoir Aurélie Dupont (Nikiya), même si je l'avais trouvée plus bouleversante dans le rôle de Tatiana. Ludmila Pagliero joue bien son rôle dans le premier acte (essentiellement de la pantomime). Je n'ai pas été très séduit par sa variation dans le deuxième acte (ce que j'ai préféré dans ce passage, ce sont les adorables glissandis de la harpe !). Je dois avouer avoir été un tout petit peu ému pendant ses fouettés (qu'elle a curieusement finis bien en avance sur la musique). À part ça, très belle idole dorée de Florimond Lorieux, superbe Charline Giezendanner dans la danse Manou et dans la deuxième variation du troisième acte. Dans la danse indienne du deuxième acte (que je ne trouve plus si penjabie que ça, à la réécoute/revisionnage), Sabrina Mallem m'a semblée é-pa-tan-te. Elle avait dû manger du lion...

Il y a deux ans, je me faisais déjà la remarque évidente que l'Inde montrée dans ce ballet était une Inde phantasmée... La vision qui en est donnée, au-delà de certains clichés, est somme toute assez intéressante. Du point de vue religieux, c'est un drôle de syncrétisme. Un des personnages est le grand brâhmane, et dans le premier tableau du premier acte, d'autres sont appelés les hindous. Pourtant, leur rituel associé au feu évoque plutôt le zoroastrisme. La danse des poignards fait penser au sanglantes flagellations de l'Achoura. L'idole dorée, je ne sais pas très bien d'où elle vient (Noureev aurait-il vu les films de Spielberg ?). Je lis sur Wikipedia que la position des mains du danseur est censée évoquer le lotus. Peut-être, en tout cas, ce n'est pas ainsi que s'y prennent les danseuses de bharatanatyam ! En effet, la position des mains du danseur ressemble à la position de yoga Jnana Mudra et aussi au mudra Hamsâsya (tête de cygne) qui ne semble pas admettre le lotus comme sens possible. Le mudra indien typique serait plutôt Alapadma (lotus épanoui) ou encore le mouvement des deux mains représentant l'éclosion de la fleur de lotus.

Un gros détail m'a intrigué. Lors du deuxième acte, Solor fait son entrée en scène à dos d'éléphant (factice). Son entrée est donc bien plus triomphale que celle du Rajah. Cela a de quoi étonner puisque dans le récit de voyage de François Bernier (1656-1669) publié chez Chandeigne sous le titre Un libertin dans l'Inde moghole, on peut lire la description d'un voyage du Grand Moghol Aurangzeb. Toute sa cour l'accompagnait et s'il était à dos d'éléphant, à cheval ou porté par ses hommes, ses courtisans devaient le suivre à cheval, ce qui ne laissait pas de les fatiguer.

L'histoire est censée se passer à Golconde, un fort situé non loin de Hyderabad dans l'enceinte duquel on trouve évidemment des mosquées, mais aussi un temple de Kali :

Temple de Kali, Golconde

Le décor du temple du premier acte n'a pas grand chose à voir avec un seul des nombreux temples que j'ai vus en Inde. Pendant le deuxième acte, tout dans les décors évoque l'Inde islamique. On ne distingue certes pas de calligraphies comme on en voit souvent en Inde, mais d'autres éléments sont utilisés, comme les formes géométriques (qui était également visibles sur le décor du temple). Voici quelques exemples vus au fort de Gwalior :

Fort de Gwalior

Si on trouve dans les décors peu de représentations florales aussi riches et colorées que celle située au centre de la photographie suivante prise au Fort rouge de Delhi, les motifs en arabesques qui apparaissent sur le bord sont beaucoup utilisés dans le décor d'Ezio Frigerio :

Fort rouge, Delhi

Les arabesques apparaissent également dans la décoration suivante qui orne une voûte du mausolée d'Akbar à Sikandra, près Agra :

Mausolée d'Akbar, Agra

Voici un autre exemple de voûte, cette fois-ci en extérieur, sur le pavillon à l'entrée du tombeau de Safdarganj à Delhi :

Tombeau de Safdarganj, Delhi

Idem, avec un cadrage plus large :

Tombeau de Safdarganj, Delhi

Le décor du deuxième acte est assemblage complexe de voûtes dans ce genre-là, mais aussi de variantes arrondies de celle-ci, dont tout le Taj Mahal est orné :

Taj Mahal, Agra

(Lors de mon voyage de l'été 2009, j'avais regroupées certaines photographies en plusieurs séries, notamment Fleurs, Motifs/arabesques, Calligraphies. C'était mon premier voyage en Inde en compagnie de mon réflex, j'avais réussi quelques photos, pas comme lors de mon dernier voyage où je les ai toutes ratées sauf une.)

De quoi voulais-je parler, déjà ? Ah, oui, La Bayadère. À la fin des saluts, Brigitte Lefèvre est montée sur scène, a commencé par saluer les (télé)spectateurs et a remercié Ludmila Pagliero d'avoir remplacé une autre danseuse (Mathilde Froustey qu'elle n'a pas nommée et dont le nom était encore sur les affiches de la représentation ; l'Opéra aurait quand même pu en imprimer de nouvelles...). Je me suis dit qu'elle n'était pas montée sur scène juste pour ça. Quand elle a commencé à dire qu'elle allait lire un message de Nicolas Joel, j'ai compris... Quelques secondes plus tard, Ludmila Pagliero était nommée danseuse étoile. Cette danseuse a manifestement de fervents admirateurs. Je n'en fais pas partie. (Je partage le sentiment exprimé par Amélie.)

Abasourdi par cette nouvelle, je suis consterné par ce que je vois en attendant mon train à Châtelet : un contrôle de police. Trois policiers ont malmené verbalement un jeune homme au prénom bien de chez nous (ce qui aurait fait plaisir à Éric Zemmour), mais qui cumule le délit de sale gueule à celui d'écouter de la musique un peu fort. Pour ça, on l'a menacé d'une amende de 135€. Cela se passe de commentaire.

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Sylvie Guillem “6000 miles away” au TCE

2012-03-18 00:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Théâtre des Champs-Élysées — 2012-03-17

William Forsythe, chorégraphie, costumes, conception lumières

David Morrow, musique

Rachel Shipp, réalisation lumières

Sylvie Guillem, Massimo Murru

Rearray

Jiří Kylián, chorégraphie, décor

Dirk Haubrich, musique

Joke Visser, costumes

Kees Tjebbes, lumières

Aurélie Cayla, Lukas Timulak

27'52"

Mats Ek, chorégraphie

Niko Rölcke, musique

Erik Berglund, lumières

Ana Laguna, Mats Ek

Memory

Mats Ek, chorégraphie

Beethoven, musique (Sonate pour piano op. 11, Arietta, enregistrement interprété par Ivo Pogorelich)

Katrin Brännström, décors et costumes

Erik Berglund, lumières

Elias Benxon, vidéo

Sylvie Guillem

Bye

Je n'avais pour le moment vu Sylvie Guillem que dans Éonnagata. Elle dansait dans deux des quatre pièces du programe dont avait lieu ce soir la troisième représentation au TCE.

Le premier ballet Rearray de William Forsythe est interprété par Sylvie Guillem et Massimo Murru. C'est la première fois que je vois un ballet de Forsythe. Je ferai encore quelques essais avec ce chorégraphie, mais il faut bien l'avouer : je me suis plutôt ennuyé en regardant ce ballet divisé en une douzaine de séquences séparées par des fondus au noir. La danse postmoderne avec ces mouvements aléatoires (générés par ordinateur ?), ce n'est pas trop mon truc. Un curieux phénomène lumineux s'est manifesté pendant cette pièce. J'avais en effet l'impression que les bras des danseurs ètaient poursuivis par une traînée de lumière, défiant les lois de la persistance rétinienne.

De Jiří Kylián, je n'avais vu que Kaguyahime, que j'avais adoré. 27'52" m'a un peu moins enthousiasmé, mais je l'ai nettement préféré au ballet précédent. Le chorégraphe utilise bien davantage la possibilité permise à deux danseurs (Aurélie Cayla et Lukas Timulak) de mettre leurs corps en contact. J'ai particulièrement aimé les différents portés. (Avec la succession des divers ballets, j'éprouve quelque difficulté à me souvenir des différentes musiques, mais il me semble que c'est la musique de ce ballet-ci que j'ai préférée.)

Le troisième ballet Memory a été pour moi le point culminant de ce spectacle. Il s'agit d'un bref, intense et poétique duo entre Mats Ek et Ana Laguna ! Très, très émouvant !

Après l'entr'acte, Sylvie Guillem interprète un solo de Mats Ek. Une trop grande part de l'ensemble se passe dans le tout petit angle mort que je ne vois pas depuis mon premier rang de corbeille excentré. Je ne saurais donc trop dire de quoi il est question dans ce ballet, si jamais il avait une quelconque part narrative. Pour le reste, cela reste très poétique, et moins déjanté que Une sorte de..., Appartement. Quand Sylvie Guillem fait plus ou moins le poirier près de l'avant-scène (le genre de choses qui curieusement font rire une partie du public), je peux entendre son souffle et voir pratiquement le moindre de ses muscles abdominaux se mouvoir périodiquement. Sinon, quels mollets !

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Programme Robbins/Mats Ek à Garnier

2012-03-14 13:11+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2012-03-13

Frédéric Chopin, musique (Mazurkas op. 6 nº2 et nº4, op. 7 nº4 et nº5, op. 24 nº2, op. 33 nº3, op. 56 nº2, op. 63 nº3 ; Valse op. 34 nº2, op. 69 nº2 ; Grandes valses brillantes op. 34 nº1 et op. 42 ; Études op. 25 nº4, nº5 et op. 10 nº2 ; Scherzo nº1 op. 20 ; Nocturne op. 15 nº1)

Jerome Robbins, chorégraphie (1969) réglée par Jean-Pierre Frohlich

Joe Eula, costumes

Jennifer Tipton, lumières

Ben Huys, répétitions

Mathieu Ganio, en brun

Muriel Zusperreguy, en jaune

Benjamin Pech, en vert

Ludmila Pagliero, en rose

Karl Paquette, en violet

Mélanie Hurel, en bleu

Christophe Duquenne, en bleu

Eve Grinsztajn, en mauve

Agnès Letestu, en vert

Alessia Carbone, en rogue brique

Dances at a gathering

Mats Ek, chorégraphie (2000)

Peder Freiij, scénographie, objets et costumes

Erik Berglund, lumières

Jörgen Jansson, réalisation des lumières

Mariko Aoyama, répétitions

Fleshquartet, musique originale interprétée sur scène

Örjan Högberg, alto

Mattias Helldén, Sebastian Öberg, violoncelles

Christian Olsson, musique assistée par ordinateur

Veli-Pekka Peltokallio, répétitions

Marie-Agnès Gillot, Jérémie Bélingard, Simon Valastro, Nicolas Le Riche, Audric Bezard, José Martinez, Alice Renavand, Laure Muret, Amandine Albisson, Adrien Couvez, Clairemarie Osta, Christelle Granier

Appartement

Plus d'un mois sans aller à l'Opéra Garnier, cela m'a semblé une éternité. Ayant fait un saut à Pleyel pour récupérer la brochure 2012/2013, arrivant donc à Auber en prenant le RER A dans le sens opposé à mon habitude, j'ai même réussi à me tromper de sortie de métro.

À l'intérieur, rien n'a changé, des hôte-sse-s des invités d'une marque de cartes de crédit sponsorisant cette reprise sont habillés de façon très classique en noir, avec une peu discrète touche de rouge. L'Opéra se frotte au monde de la finance. C'est cohérent avec la politique tarifaire (l'annonce de la nouvelle saison a confirmé mes craintes ; seule bonne nouvelle, il est possible de s'abonner en catégorie 6 à Bastille, ce qui n'était pas le cas l'année dernière ; je me suis donc fait un abonnement minuscule de 5 spectacles pour être tranquille avec Bastille).

Le programme de cette première commence par Dances at a gathering de Jerome Robbins. Pendant une heure, on y entend diverses musiques pour piano de Chopin. Le ballet ne raconte pas d'histoire. Les dix danseurs dansent dans différentes configurations. Le début m'a semblé assez terne, presqu'ennuyeux. Il a fallu qu'Alessio Carbone et Muriel Zusperreguy entrent en scène pour leur pas de deux pour que je commence à trouver de l'intérêt à cette pièce, qui jusque là manquait d'éclat et d'humour. L'ensemble de six danseurs qui suivra (trois couples) me séduira aussi. Cependant, les plus grands moments de cette heure, ce sont les apparitions d'Agnès Letestu, superbifique dans ses deux solos. Pour une fois, Karl Paquette m'a presqu'enthousiasmé.

En deuxième partie, un ballet qui avait été créé pour l'Opéra : Appartement de Mats Ek. Comme dans Une sorte de..., l'espace scénique est prolongé jusqu'au-dessus de la fosse d'orchestre. C'est ici que Marie-Agnès Gillot danse le premier solo du Bidet de ce ballet en dix parties. Progressivement, de nouvelles parties de l'appartement sont dévoilées à chaque fois qu'est levé un nouveau rideau identique au rideau de l'Opéra Garnier. Dans la cuisine, on verra par exemple une scène de ménage entre Clairemarie Osta et Jérémie Bélingard. Comme dans La Maison de Bernarda, les danseurs parlent ou crient. Quand le troisième rideau est levé, on voit apparaître un quatuor de musiciens (Fleshquartet) disposé au fond de la scène. La musique qu'ils jouent est passée à travers quelques transformations électroniques. Il est assez inhabituel d'entendre une musique de ce type dans cette salle, mais elle est loin de m'avoir déplu. Les premiers extraits me rappeleront vaguement des mélodies de L'Art de la fugue (mais sans fugue !) et cette musique se fera assez subtile dans le superbe pas de deux dansé par Alice Renavand et Nicolas Le Riche près de la porte. Avant cela, le climax du ballet et de la musique aura été atteint pendant l'ébouriffante Marche des aspirateurs. Si certains mouvements chorégraphiques rappellent Une sorte de... (j'ai bien aimé la petite roulade par terre à la toute fin pour se glisser sous le rideau de scène avant qu'il n'atteigne le sol), l'ensemble paraît moins bordélique, mais tout autant enthousiasmant. Cela dit, n'ayant pas en tête les noms des différents tableaux, je ne voyais pas où Amélie voulait en venir quand en sortant elle me faisait part de son enthousiasme pour La Télévision, le deuxième tableau au cours duquel José Martinez se vautre flasquement sur son fauteuil. Absolument tous les danseurs étaient très investis, ils ont paru tous radieux et manifestement heureux d'avoir dansé lors des saluts.

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Meenakshi Srinivasan au Musée Guimet

2012-02-12 16:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2012-02-10

Meenakshi Srinivasan, bharatanatyam

Jayashree Ramanathan, nattuvangam

Vasudha Ravi, chant

V. Vedakrishnaram, mridangam

Kalaiarasan Ramanathan, violon

Invocation de Krishna

Varnam (Raga Mallika)

Meera Bhajan (Raga Yaman)

Ashtapadi (Raga Bihag)

Tillana (Raga Sindhu Bhairavi)

Si j'avais été déçu par les précédents récitals de bharatanatyam auxquels j'avais assisté au musée Guimet (et davantage par celui de Priyadarshini Govind que par celui d'Urmila Sathyanarayanan), celui qu'a donné Meenakshi Srinivasan vendredi m'a véritablement enthousiasmé. C'est d'autant plus remarquable à mes yeux que les pièces les plus développées qu'elle a dansées appartiennent à un genre qui n'a en général pas ma préférence.

Le récital en cinq parties, intitulé Madhuram Madhavan, est entièrement consacré à Krishna qui ensorcelle les cœurs de bergères dans l'Invocation qui intervient après un prélude musical. Je ne connais pas le terme technique correspondant, mais la danse a commencé comme un adage, ce qui permet à la danseuse de mettre en valeur ses qualités d'expression (un aspect de la danse que je privilégie par rapport à la virtuosité de frénétiques suites de pas). La fluidité et la beauté de la chorégraphie est étonnante. Une comparaison littéraire de Krishna avec un lotus se traduit ainsi par un mouvement continu qui fait éclore un lotus qui se métamorphose en Krishna.

Déplaçant un micro vers le centre de la scène, la danseuse vient ensuite présenter le Varnam, la pièce principale du récital. Elle le fait dans un français presqu'impeccable. En résumé, la saveur (Rasa) de ce récital est l'Amôr. Effet tragi-comique involontaire, il ne s'agit bien sûr pas de La Mort mais de l'Amour. C'est bien dans cette ambiance d'adoration joyeuse de la divinité que, par sa danse rafraîchissante, Meenakshi Srinivasan avait plongé le spectateur dans la pièce introductive. Elle va s'incarner ici dans le personnage d'Andal. Au cours de cette pièce très développée, on verra la danseuse exprimer dans son jeu les émotions successivement éprouvrées par le personnage. Elle appelle Krishna. Ardente, elle souffre d'être séparée de lui, elle perd goût à tout. Les tintements de ses bracelets lui font mal. On croit apercevoir une apparition de Krishna observant la jeune femme. Elle semble reprendre vie. Ayant comme une vision elle lui fait une déclaration d'amour : elle veut s'unir à lui. Le personnage redevient triste. Elle se sent seule. Elle reprend espoir ! Où dont est-il ? C'est grâce à la prière qu'elle s'unit à lui, l'archer Kama ayant décoché quelques flèches ! (Pendant ces dernières scènes, la style de la musique a quelque peu changé, devenant plus vive à la manière d'un Tillana). La pièce se termine comme elle avait commencé : la jeune femme retrouve son miroir et enlève la guirlande ou le collier qui symbolisait son union avec Krishna.

Au cours de ce Varnam, pas moins de cinq ou six passages rythmiques se sont insérés dans la danse narrative. S'ils ont souvent été très virtuoses (quels bras !), c'est d'abord la variété et l'intelligence de l'ensemble qui me frappe. Une fois même, le mouvement rythmique s'insérait tellement bien au reste de la pièce (et à la musique dont la partie mélodique ne s'éclipsait pas derrière le son des nattuvangam) qu'il en résultait une impression de continuité. Parmi les éléments qui m'ont beaucoup plu, il y a eu la façon de la danseuse de présenter des figures très asymétriques.

La pièce suivante est également cyclique. Mirabai est assise. Peut-être joue-t-elle d'un tampura ou d'un autre instrument à cordes de sa main droite comme elle est représentée dans l'iconographie. Elle retrouvera cette position après la parenthèse qu'a constituée son chant d'amour-dévotion à Krishna. Cette adoration est particulièrement exaltée. La danseuse effectue parfois des pirouettes en laissant tourner ses bras horizontalement dans une attitude d'abandon de soi typique de la bhakti dans sa forme la plus joyeuse. On voit par ailleurs la danseuse esquisser des comparaisons bucoliques, associant Krishna-Govinda aux oiseaux, aux poissons ou au lotus.

La suite du programme est très audacieuse puisque la danseuse reste couchée ou assise pendant toute la durée (ou presque) de la pièce suivante. Il s'agit de la représentation du réveil de Radha après une nuit d'amour avec Krishna. Leur jeu amoureux continue alors que Radha s'étire, demande à être ointe par Krishna de divers onguents. J'avais sorti mes jumelles pour bien apprécier le jeu et l'expression du visage de la danseuse pendant cette pièce aucunement ennuyeuse alors même que la musique prolongeait admirablement bien le peu d'énergie et les bâillements du personnage à son réveil.

Le programme s'est terminé par un Tillana. Ce type de musique avait déjà été entendue pendant le Varnam. La composition musicale utilisée dans de Tillana est de toute beauté. Les phrases musicales sont interprétées par la chanteuse et reproduites par le violoniste, tous les deux excellents. La pièce est inspirée du Rasa-Lila, la danse des gopis avec Krishna. Si c'est effectivement le point de départ de cette pièce, Krishna n'est progressivement plus uniquement le charmant flûtiste dont la position des pieds typique évoque la décontraction. C'est plus généralement de Hari-Vishnu qu'il s'agit et certains de ses multiples noms sont prononcés ! Presque furtivement, je crois voir un Vishnu tel que le représente l'iconographie. Il porte le disque dans la main droite et ce disque est animé d'un mouvement rotatif (tout comme dans le temple Shri Bhagavad-Gita de Vrindavan par exemple). Ce Tillana est semble-t-il très développé et pourtant je ne me suis ennuyé à aucun instant tant la danseuse évite de réduire ce type de pièces aux lieux communs auxquels il se réduit parfois (grands tours en ronds et danse pure stéréotypée sur une musique rythmée).

Le public en redemandant avec enthousiasme, la danseuse et les musiciens ont interprété une pièce supplémentaire. La musique est de Muthuswami Dikshitar. On s'écarte des thèmes krishnaïtes des pièces qui ont précédé. Il est ici question de l'abandon de la conscience de la danseuse alors que Shiva dans sa forme Nataraja du Seigneur de la danse effectue sa danse cosmique sur l'immanquable rythme du tambour, élément iconographique particulièrement mis en valeur par l'interprète. Les diverses positions (dont la position standard Shiva-Nataraja) ainsi que la façon de passer d'une position à une autre sont superbes. On retrouve aussi parfois le mouvement de rotation de la danseuse sur elle-même signifiant son abandon. Par ailleurs, la chorégraphie de cette pièce évoque différents aspects de Shiva. Je n'ai aucune certitude, mais il m'a bien semblé reconnaître l'évocation de sa puissance, de sa forme androgyne Ardhanarishwara, de Nilakantha (celui qui a la gorge bleue, référence au poison avalé par Shiva lors du barattage de la Mer de lait) ou encore de la descente de la Ganga perdue dans le chignon tressée de Shiva. Malgré l'effort que doit constituer un récital de danse de deux heures, l'interprète n'a aucunement paru faiblir dans l'exécution des passages rythmiques insérés dans ce bis.

Bref, cette danseuse entre directement dans mon Top 4 en compagnie de Srithika Kasturi Rangam, Lavanya Ananth et Mallika Thalak.

Ailleurs : Mille et une nuits à Paris.

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Orphée et Eurydice, de Gluck !

2012-02-10 00:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Garnier — 2012-02-09

Maria Riccarda Wesseling, Nicolas Paul, Orphée

Yun Jung Choi, Alice Renavand, Eurydice

Zoe Nicolaidou, Charlotte Ranson, Amour

Balthasar-Neumann Ensemble & Chor

Ballet de l'Opéra

Pina Bausch, chorégraphie, mise en scène (1975)

Rolf Borzik, décors, costumes, lumières

Detlef Bratschke, chef des chœurs

Manlio Benzi, direction musicale

Orphée et Eurydice, Gluck

Il est scandaleux que sur les affiches de la reprise d'Orphée et Eurydice à l'Opéra Garnier, on ne lise en sous-titre que opéra dansé de Pina Bausch. Un opéra, fût-il opéra-ballet, reste avant tout l'œuvre de son compositeur : Christoph Willibald Gluck.

C'est de la fabuleuse interprétation de cette musique qu'est venu l'essentiel de mon plaisir lors de cette représentation. J'étais pourtant quelque peu dubitatif pendant la première partie deuil (une atmosphère dans laquelle le spectateur est immédiatement plongé du fait de l'omission de l'ouverture). J'avais alors l'impression d'entendre des effets un peu exagérés et parfois mal dégrossis ; le petit nombre de cordes (une seule contrebasse) fait que parfois certaines aspérités dépassent. En tout cas, il est évident que l'on est dans une interprétation überbaroque complètement assumée (bref, on ne joue pas uniquement ce qui est écrit !). Mon état d'esprit a changé à partir de la deuxième partie violence. L'entrée en matière ne ressemblait aucunement à mes souvenirs et références (la même production il y a trois ans, la version Berlioz à la MC93 Bobigny, et au disque René Jacobs et le Freiburger Barockorchester). L'entrée aux enfers se faisait ainsi au son vertigineusement ébouriffant des trombones à coulisses qui ne se contentent pas de tenir la note, mais qui en augmentent progressivement le volume de façon saisissante (je soupçonne les instrumentistes d'avoir aussi glissandé un peu). Pendant ce temps, le chœur alterne les postures. Pris dans l'action, il repousse Orphée de violents Nein!. Parfois, il commente comme un chœur grec : la musique ressemble alors davantage à un choral.

Dans la troisième partie paix, la musique s'adouçit. Paisiblement, les cordes ou le chœur se lancent dans des gammes ascendantes puis descendantes. Dans la quatrième partie mort, je retiens la très subtile interprétation de l'air J'ai perdu mon Eurydice, rien n'égale mon malheur (traduit en allemand en Ach, ich habe sie verloren, all mein Glück ist nun dahin !). Si l'interprète de ce rôle ne m'avait pas complètement convaincu jusque là (sa voix était par moments couverte par l'orchestre), elle a été superbe dans cet air-là. Dans la fosse, les pupitres ne cordes exploraient diverses techniques pour passer d'une note à une autre : parfois avec souplesse, parfois avec raideur, l'ensemble étant du meilleur effet. La conclusion reprenant la musique du début de la deuxième partie n'a évidemment pas été pour me déplaire !

Du côté des deux autres rôles principaux (Eurydice et Amour), j'ai aimé la façon de chanter assez mozartienne des deux chanteuses, et tout particulièrement Zoe Nicolaidou (Amour) qui est issue de l'Atelier Lyrique.

Si le ravissement a été presque total du côté de la musique, j'ai seulement aimé ce que j'ai vu, sans être enthousiasmé. Mon mauvais placement y est sans doute aussi pour quelque chose. Certes, c'est très esthétique (surtout dans la partie paix), mais cela manque de rugosité, certains gestes paraissant un peu trop lisses par rapport à ce que j'ai été habitué avec d'autres chorégraphies de Pina Bausch. À vrai dire, je trouve que cela manque un peu de danse, et surtout cela manque de solos et pas de deux... Cela dit, les ensemble m'ont plutôt convaincu, tout comme la brève apparition en Amour de Charlotte Ranson (qui danse ensuite dans le corps de ballet). Après avoir vu Le Sacre du printemps, il m'est difficile de revoir une autre pièce de Pina Bausch...

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Le Ballet royal du Danemark à Garnier

2012-01-11 02:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2012-01-10

Ballet royal du Danemark

Orchestre Colonne

David Levi, direction musicale

Sorella Englund, Nikolaj Hübbe, chorégraphie et mise en scène d'après August Bournonville (Napoli ou le Pêcheur et sa Femme)

Edvard Helsted, Holger Simon Paulli, Hans Christian Lumbye, musique des actes I & III

Louise Alenius, musique de l'acte II

Maja Ravn, scénographie et costumes

Mikki Kunttu, lumières

Camilla Hübbe, adaptation dramaturgique

Anne Marie Vessel Schlüter, Claire Still, assistantes à la mise en scène

Ulrik Birkkjær, Gennaro, un jeune pêcheur

Mette Bødtcher, Veronica, une veuve

Susanne Grinder, Teresina, sa fille

Andrew Bowman, Golfo, mauvais génie des eaux marines

Napoli, ballet en trois actes

Je sors peu enthousiaste de la dernière représentation de la compagnie du Ballet royal du Danemark à Garnier dans le ballet Napoli, créé en 1842 par August Bournonville et présenté ici dans une version remaniée en 2009 (avec en particulier une musique nouvelle dans le deuxième acte).

Au premier acte, on ne danse pratiquement pas. À part quelques petits passages à deux entre les personnages de Teresina et Gennaro et d'autres pour des petits groupes de danseuses ou de danseurs, il n'y a que de la pantomime. (J'ai pensé comme Jean-Pierre Papin il y a quelques décennies dans les Guignols : Mais quand est-ce qu'ils chantent ?.) La mère de Teresina n'apprécie guère que Gennaro s'approche de sa fille, qui se chamaille parfois avec lui quand il semble intéressé par une autre jeune femme. Les gestes des danseurs paraissent artificiels, exagérés. Les quelques pas de danse manquent souvent de fluidité. Le peu de variété dans les petits sauts effectués par les danseurs devient rapidement lassante. Heureusement, mon intérêt est ranimé vers le milieu de l'acte par l'insertion dans la musique d'un extrait du Barbier de Séville de Rossini (l'air de la calomnie).

L'ambiance change radicalement au deuxième acte. À la fin du premier acte, Teresina s'était noyée (je n'ai pas vu comment, c'était dans un angle mort) et encouragé par une passante énigmatique Gennaro s'était décidé à plonger pour la sauver. La jeune femme se retrouve inanimée au centre de la scène vaporeuse où résident les naïades. On ne sait pas très bien si on est dans Giselle, Orphée et Eurydice, Le Sacre du printemps ou au Venusberg. La jeune femme est en effet entourée de naïades qu'elle va peut-être devoir rejoindre, un monstre marin ayant prévu d'en faire sa créature. Bien sûr, Gennaro arrive (guitare à la main) et sort son amie de là. Pour cela, il lui suffit de donner à Teresina son amulette pour qu'elle reprenne ses esprits et décide de repartir avec lui. Le monstre marin ne proteste même pas ! Très esthétique, ce deuxième acte se laisse bien regarder, même si la chorégraphie du personnage du monstre marin ne me convainc guère. La musique, jouée par l'Orchestre Colonne, m'a en revanche beaucoup plu (avec des voix spatialisées pour représenter les grognements du montre).

Au troisième acte, de nombreux solos et ensembles accompagneront les célébrations du retour des amoureux. Du point de vue de la danse, c'est plus intéressant que tout ce qui aura été vu jusque là, mais le divertissement semble très artificiel (comme cela peut être aussi le cas dans d'autres ballets, comme Paquita). Il ne s'agit que de danse pure qui n'exprime rien d'autre que la joie.

Bref, du point de vue narratif, c'est assez léger et naïf (comme le sont les projections animées utilisées comme décor de fond de scène). Aucune réelle émotion ne se fait ressentir, et à part peut-être au troisième acte, aucun passage n'est véritablement éblouissant techniquement. Heureusement, il y avait l'Orchestre Colonne !

Ailleurs : Le petit rat, Danses avec la plume, Blog à petits pas, Musica Sola, Palpatine, Mimy la souris.

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Bilan 2011

2011-12-25 22:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Lectures — Culture indienne

L'année dernière, après en avoir vu 107 au cours de l'année, je m'étais dit qu'il ne serait pas raisonnable d'augmenter encore la dose de spectacles et qu'il faudrait bien faire des choix. C'est bien entendu le contraire qui s'est produit : j'ai vu davantage de spectacles cette année. J'ai passé plus d'une soirée sur trois à assister à un spectacle, mais moins d'une sur deux...

L'opéra reste un des piliers de ces spectacles. J'ai assisté à 42 représentations d'opéra (j'inclus dans ce total les opéras en version de concert) correspondant à environ 30 opéras, parmi lesquels se sont trouvés 22 opéras que je n'avais encore jamais vus. Parmi ceux-là, deux créations : The Second Woman (Frédéric Verrières) et Akhmatova (Bruno Mantovani). Si le sujet du deuxième m'a intéressé davantage, le plaisir procuré par le premier a été supérieur. Cette année, j'ai diversifié quelque peu les lieux pour assister à des opéras. J'ai ainsi vu une de bonnes productions d'Orphée et Eurydice à la MC93 Bobigny et de Carmen à Nancy. Plus près de l'Opéra, j'ai fait deux belles découvertes à l'Athénée ‒ Louis Jouvet : Didon & Énée (Purcell) et The Turn of Screw (Britten). Ce lieu m'a également offert une des plus détestables soirées d'opéra de ma vie : L'Egisto (Marazzoli/Mazzochi). La musique était loin d'être inintéressante, mais le théâtre était sclérosé (je sais gré à Peter Brook d'avoir introduit cette notion il y a plus de quarante ans dans L'espace vide). Du théâtre sclérosé, il y en a également eu une certaine dose à l'Opéra de Paris : Francesca Da Rimini, Salomé, Faust, La Cenerentola. À l'inverse, il y eut en ces lieux une production tout-à-fait honorable de La Clémence de Titus et d'excellentes productions de Lulu, de Tannhäuser et de Kátia Kabanová. Au TCE, j'ai eu l'occasion de voir quelques opéras en version de concert. Il y eut ainsi un Ariodante avec une formidable Joyce DiDonato, un Pelléas et Mélisande avec un superbe Laurent Naouri et un lamentable Fidelio.

Parmi mes bonnes résolutions de l'année dernière, il y avait celle de mieux comprendre la musique de Wagner pour ne pas passer à côté des Siegfried et Götterdämmerung que j'avais prévu de voir à l'Opéra Bastille. Au début du mois de janvier, j'acquis ainsi une édition de 1903 du Voyage artistique à Bayreuth d'Albert Lavignac. Après quelques semaines d'efforts, je réussis à me mettre en tête la plupart des leitmotivs de la Tétralogie, devenant par la-même ringopathe. Mon expérience de spectateur en a été complètement transformée et le plaisir renouvelé avec Parsifal au TCE, le programme Wagner de l'Orchestre Colonne, Tannhäuser à Bastille, le Ring Saga à la Cité de la musique (et la Citéscopie parallèle) et dernièrement avec Le Ring sans paroles, suite symphonique jouée par le Philharmonique de Radio France. J'ai comme l'impression que je n'en ai pas fini avec Wagner...

Par rapport aux années précédentes, j'ai augmenté sensiblement la proportion de concerts Pleyel dans mes choix. Je vois donc un peu plus de concerts symphoniques que précédemment. Un des plus fabuleux concerts auxquels j'aie assisté cette année a été le programme Rameau orchestral du Concert des Nations dirigé par Jordi Savall. Pour ce qui est du baroque, j'ai également passé de très bons moments à écouter Damien Guillon et Pierre Hantaï. J'ai par contre dû remettre en cause mes standards de qualité en réécoutant La Passion selon Saint Jean dirigée par Ton Koopman. En revanche, avec Haydn, aucun problème avec Le Concert Spirituel pour Die Schöpfung, L'Orchestre de Paris et le Quatuor Thymos à l'Athénée. Ce dernier concert était un programme de musique de chambre. Les autres concerts de musique de chambre auxquels j'aie assisté m'ont procuré un certain plaisir, comme celui de Lisa Batiashvili, François Leleux, Sebastian Klinger, Guy Ben-Ziony, Milana Chernyavska au TCE ou encore celui du Quatuor Pražák et de quelques autres dans un programme Hindemith/Schönberg.

Parmi les concerts symphoniques, je garde un souvenir émerveillé de trois concerts LSO/Gergiev : Le chant de la nuit (Mahler) et Symphonies nº6 et 10 (Chostakovitch). Le concert de l'Orchestre de Paris du 14 octobre à Pleyel m'a procuré des émotions très contrastées puisque j'ai pu d'une part entendre pour la première fois le concerto pour violon de Tchaikovski interprété par Leonidas Kavakos et d'autre part tenter de réprimer des gloussements à l'écoute de la symphonie de Hans Rott. Un autre grand moment pour moi a été la première écoute de La symphonie fantastique. Pour le reste, j'ai eu le plaisir de réentendre du Roussel dans Bacchus et Ariane dirigé par Yutaka Sado. La présence d'œuvres contemporaines aux programmes des concerts Colonne m'a donné l'occasion d'adhérer complètement à une œuvre contemporaine dès la première écoute : Melancolia (Kremski). Un phénomène semblable s'est produit avec La nuit transfigurée de Schönberg lors du concert de l'Orchestre de Paris dirigé par Pierre Boulez.

Pour ce qui est du ballet, je me suis pour ainsi dire limité à la programmation de l'Opéra de Paris. Je retiens la belle création de La Source, la reprise d'Onéguine, de Roméo et Juliette et la Coppélia de Lacotte dansée par les élèves de l'école de danse (tellement plus intéressante que celle dansée par le ballet de l'Opéra). Bien sûr, il reste quelque chose du passage du Bolchoï : Flammes de Paris, Don Quichotte. Enfin, c'est devenu une évidence, mais la grande révélation de la saison, pour moi, c'est Myriam Ould-Braham, formidable Juliette, Naïla et Olga.

Il me reste maintenant à évoquer ce qui n'appartient pas aux formes classiques européennes. Pour moi, cela se réduit essentiellement à l'Inde. Toutefois, de la nuit soufie, c'est bien le chant du marocain Marouane Hajji que je retiendrai. Maintenant, venons-en à l'Inde... Depuis le récital de Srithika Kasturi Rangam à Chennai en 2010, j'ai développé un certain goût pour le bharatanatyam. J'ai profité de mon séjour dans le Sud de l'Inde cet été pour voir quelques récitals (à Mumbai, Bangalore et Chennai). Au cours de l'année, j'en aurai vu une douzaine. Comme il n'y en a plus aux Abbesses, je me suis déplacé au Musée Guimet pour voir Urmila Sathyanarayanan et Priyadarshini Govind, deux récitals relativement décevants (pour des raisons différentes). Comme ce n'était pas suffisant, je suis également allé au Centre Mandapa ; mes plus grandes satisfactions sont venues des récitals qui s'y sont déroulés. Parmi les danseuses vues cette année, je retiendrai deux noms : Lavanya Ananth, Mallika Thalak. Elles correspondent toutes les deux à l'idéal que je me fais de ce style de danse.

Je n'ai longtemps entendu la musique carnatique que comme une musique d'accompagnement pour des récitals de bharatanatyam. Lors de mon séjour à Chennai en août, je suis allé plusieurs soirs de suite assister à des concerts de chant carnatique. Le plus remarquable a été celui de Sri Mohan Santhanam au Vani Mahal. À force d'écouter ce type de musique, j'ai commencé à comprendre la forme générale que prenaient les improvisations et compositions. J'espère que le plaisir d'écoute n'en sera que meilleur quand je réentendrai Aruna Sairam au Théâtre de la Ville en avril 2012.

En Inde, les formes les plus raffinées de musique viennent du Nord, il faut bien l'admettre. Au cours de l'année 2011, j'eus l'occasion d'entendre du khyal lors d'un triple-concert au cours duquel s'étaient particulièrement distingués Ustad Ulhas Kashalkar et Pandit Ajoy Chakrabarty. Quelques mois plus tard, j'ai également pu réentendre la fille de ce dernier, Kaushiki Chakrabarty. La grande découverte de l'année, je la dois à Klari grâce à qui j'ai pu découvrir le chant dhrupad avec deux représentants de la dynastie Dagar : Wasifuddin Dagar et Sayeeduddin Dagar. (J'avais déjà entendu les Gundecha en 2008, mais j'en garde un amer souvenir.) Récemment, le concert du sitariste Shahid Parvez au Théâtre de la Ville m'a permis d'entrevoir de façon moins superficielle que je ne le faisais jusque là certaines similitudes formelles entre ces musiques (instrumentales ou vocales). J'espère bien passer suffisamment de temps à Kolkata l'été prochain pour assister à plusieurs concerts !

Bon, maintenant, je peux l'avouer à ceux qui ont lu jusqu'au bout : j'ai assisté à cent soixante-trois spectacles en 2011. L'année prochaine, il faudra donc véritablement songer à faire des choix (réduire un peu l'abonnement Pleyel, continuer à quasi-boycotter le TCE, se limiter à deux représentations d'un même ballet, se limiter à une seule représentation d'un opéra ?).

PS: Pour ce qui est des lectures, le bilan est sur le Biblioblog.

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Cendrillon à Bastille

2011-12-21 00:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2011-12-20

Sergueï Prokofiev, musique

Rudolf Noureev, adaptation, chorégraphie et mise en scène

Petrika Ionesco, décors

Hanae Mori, costumes

Guido Levi, lumières

Laëtitia Pujol, Cendrillon

Florian Magnenet, L'acteur-vedette

Nolwenn Daniel, Alice Renavand, Les sœurs

Simon Valastro, La marâtre

Alessio Carbone, Le producteur

Mallory Gaudion, Le professeur de danse

Pierre Rétif, Le père

Mattia Sanguineti, Sébastien Surel, Des violonistes

Mélanie Hurel, Printemps

Marie-Solène Boulet, Été

Charlotte Ranson, Automne

Ludmila Pagliero, Hiver

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Fayçal Karoui, direction musicale

Cendrillon, ballet en trois actes d'après le conte de Charles Perrault

J'ai vu ce soir le ballet Cendrillon de Noureev pour la deuxième fois. J'avais aussi assisté à la représentation du 27 novembre avec Agnès Letestu et Stéphane Bullion dans les deux rôles principaux. Ce soir, c'était Laëtitia Pujol qui interprétait le rôle de Cendrillon. Cela commence comme on l'imagine, Cendrillon passant son temps soit près de la cheminée soit un peu partout à nettoyer tandis que ses deux chipies de sœurs de disputent. La partie magique est assurée par le producteur (Alessio Carbone) qui débarque à la maison après un accident dans un engin non identifié. C'est que Cendrillon aime le cinéma : quand elle en a le temps, elle regarde des affiches de films ou fait un numéro de claquettes dans le style de Charlie Chaplin. Un casting va avoir lieu, le producteur y emmène Cendrillon. Dans les studios de cinéma, on commence par monter un défilé de mode au cours duquel les quatre saisons défilent. Ensuite, les douze heures viennent avertir Cendrillon de l'échéance. Plus tard, on passera d'un plateau de cinéma à un autre où se tournent trois films : Trivial Pursuit, Burlesque Parade, King Kong - Remake. Les deux sœurs de Cendrillon et la marâtre (Simon Valastro) viennent tenter leur chance. Comme dans le premier tableau où un professeur de danse venait tenter de leur apprendre à danse, ce même professeur leur montre des pas et elles se plantent lamentablement. C'est qu'elles ont l'intention de jouer avec l'acteur-vedette (Florian Magnenet). Celui-ci en a rapidement marre de ces mauvaises partenaires. C'est alors que Cendrillon fait une entrée de star, sous les flashs des photographes. Cendrillon est émerveillée par tout ce qui l'entoure. L'acteur-vedette, évidemment, est séduit. Cendrillon doit s'en aller avant que sonne minuit. Elle laisse tomber une chaussure afin que l'acteur-vedette puisse la reconnaître. Tous s'en vont finir la soirée dans un lieu de pertition, chacun selon ses goûts et l'acteur-vedette fait la tournée des bars (au galop) pour essayer de retrouver Cendrillon. La sœur verte (Alice Renavand) s'est échouée dans une tavergne espagnole. L'acteur s'intéresse a elle mais il l'envoie valser quand il constate que son pied ne rentre pas dans la chaussure. La scène se reproduit dans une atmosphère chinoise avec l'autre sœur (Nolwenn Daniel). Au petit matin, toute la famille (père alcoolique compris) se trouve à la maison tandis que Cendrillon nettoie le sol. Certains ont l'air de reconnaître en elle la fille qui la veille a réduit à néant leurs possibilités de carrière dans le cinéma. Les deux sœurs se remettent à jouer avec une quadruple testicule rouge. L'acteur-vedette vient armé d'une chaussure et finalement, c'est Cendrillon qu'il reconnaît quand elle lui montre l'autre chaussure. Cendrillon ne pense plus alors vraiment au cinéma, mais seulement à l'acteur-vedette. Quand le producteur veut lui faire signer un contrat, elle hésite mais finit par accepter. Le premier tournage du couple d'acteurs peut commencer...

Je pense que j'ai préféré la distribution de ce soir à l'autre que j'ai vue il y a trois semaines. Laëtitia Pujol (que j'ai très peu vue danser) n'avait pas pu créer La Source en raison d'une blessure. J'ai ainsi été content de la voir. Dans son jeu ressortait bien les trois phases dans lesquelles évolue son personnage : dénuement dont elle ne s'évade que par le rêve, émerveillement quand le rêve se réalise, l'amour de l'acteur-vedette. Son partenaire était Florian Magnenet. L'acteur-vedette est un rôle de beau gosse ; il le fait très bien ! Je ne me suis pas ennuyé pendant le pas de deux final (qui m'avait semblé interminable avec Agnès Letestu et Stéphane Bullion). Dans le rôle de la marâtre, j'ai préféré Simon Valastro : Stéphane Phavorin en faisait un peu trop à mon goût dans ce rôle travesti. Dans les rôles où elles devaient souvent faire exprès de mal danser, Nolwenn Daniel et Alice Renavand ont été très très bien. Dans le rôle du producteur, Alessio Carbone m'a fait une meilleure impression que Karl Paquette. Le corps de ballet m'a semblé inégal, surtout chez les messieurs.

C'est un ballet bien sympathique, avec quelques effets à grand spectacle, comme la citrouille qui se transforme à vue en voiture ou encore King Kong qui se frappe les poings contre la poitrine et se dresse. On passe un bon moment et il y a une belle musique de Prokofiev (j'ai préféré celle de Roméo et Juliette). Ceci étant, c'est loin d'être aussi passionnant que peut l'être Onéguine qui se joue en même temps à Garnier...

Ailleurs : Danses avec la plume #1, #2, Blog à petits pas.

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Onéguine à Garnier

2011-12-15 01:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-12-11

John Cranko, chorégraphie, mise en scène (1965)

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Kurt-Heinz Stolze, arrangements et orchestration

Jürgen Rose, décors et costumes

Steen Bjarke, lumières

Reid Anderson, Jane Bourne, Tamas Detrich, répétitions

James Tuggle, direction musicale

Evan McKie, Onéguine

Aurélie Dupont, Tatiana

Josua Hoffalt, Lenski

Myriam Ould-Braham, Olga

Karl Paquette, Le Prince Grémine

Ballet de l'Opéra

Orchestre Colonne

Onéguine, ballet en trois actes de John Cranko d'après Eugène Onéguine d'Alexandre Pouchkine

Le ballet Onéguine de Cranko que j'avais vu il y a deux ans et demi est un de ceux qui m'ont fait aimer le ballet classique, et incidemment Pouchkine. Le revoir m'a procuré à nouveau un très grand plaisir.

Dimanche dernier, le ballet était interprété par une distribution qui semble idéale... C'était à nouveau Aurélie Dupont qui interprétait le rôle de Tatiana. Nicolas Le Riche blessé a été remplacé par Ewan McKie (ballet de Stuttgart). Je ne saurais trop dire pourquoi cela a marché, mais il me semblait évident que ce partenariat fonctionnait comme jamais je ne l'ai vu chez aucun couple de danseurs ! Dans la scène de la lettre que Tatiana écrit à Onéguine s'insère un rêve où elle voit dans un miroir paraître Onéguine qui le traverse et danse avec elle un pas de deux. Quoique vu depuis le dernier rang de l'amphithéâtre (mal aux genoux !) et sans jumelles, ce pas de deux m'a semblé extrêmement émouvant, tout comme celui de la fin, quand quelques années plus tard, mariée au prince Grémine, Tatiana rencontre à nouveau Onéguine et le congédie. Onéguine avait autrefois tué dans un duel son ami Lenski qui était promis à Olga, la sœur de Tatiana. Ce couple formé par Myriam Ould-Braham (Olga) et Josua Hoffalt (Lenski) fonctionne également à merveille ! De son côté, Karl Paquette (Le Prince Grémine) ne démérite pas, mais quand il danse avec Aurélie Dupont (ce qui dans cette chorégraphie signifie qu'il n'arrête pas de la porter), on ne voit qu'elle tant elle est rayonnante !

Lors du premier entr'acte, Genoveva à qui je fais part de mon misérable placement me dégotte une très bonne place aux premières loges. Certes, je suis debout, mais je n'ai pas à faire de contorsions et je vois toute la scène de pas trop loin, et de face, ce qui me permet d'admirer les décors que je trouve très beaux.

Ce mercredi soir, j'y suis retourné pour voir une autre distribution, qui m'a semblé également très bonne, mais pas aussi enthousiasmante que la précédente. Je pense que c'était la première fois que je voyais Clairemarie Osta dans un grand rôle classique. Sans m'éblouir autant qu'Aurélie Dupont dans ce rôle, elle m'a fait une excellente impression. Son partenariat avec Benjamin Pech m'a bien plu aussi, mais cela m'a un peu moins touché que Dupont-McKie. Comme la fatigue physique était plus visible chez lui, Benjamin Pech a donné du personnage d'Onéguine l'image d'un homme plus fragile.

Un des autres intérêts de cette distribution était le couple Mathilde Froustey/Josua Hoffalt en Olga/Lenski. Je garde un excellent souvenir de la prestation de Mathilde Froustey dans ce rôle (avec Mathias Heymann) en 2009. J'aurais sans doute été aussi enthousiasmé ce soir si je n'avais pas vu Myriam Ould-Braham quelques jours auparavant. Son interprétation du rôle fait du personnage d'Olga une enfant insouciante et souriante. Pendant la quasi-totalité de la durée de sa présence sur scène (scène du duel exceptée), elle sourit ! Si c'est une bonne chose que l'effort physique lié à la danse ne transpire pas sur son visage, il est dommage que les émotions exprimées n'aient pas été un peu plus variées. Pour le reste, sa danse était impeccable !

Pour moi, la révélation de ce soir a été Josua Hoffalt. Si, vu de loin, il semble être évidemment un très bon danseur, quand on le voit de plus près ou quand on zoome grâce aux jumelles, il prend une tout autre dimension... J'ai beaucoup aimé son partenariat avec Mathilde Froustey : sachant être souriant, mais pas tout le temps. Son solo dans la scène qui précède le duel avec Onéguine était également très intéressant.

Enfin, pour en finir avec la distribution, Christophe Duquenne m'a semblé donner un peu plus d'existence au personnage du Prince Grémine.

Ce ballet de Cranko est une très belle chorégraphie. Les danseurs doivent très souvent porter leur partenaire. J'ai déjà dit que les décors étaient jolis. La scénographie n'est pas inintéressante non plus. Si le découpage en trois (relativement courts) actes donne lieu à deux entr'actes, le passage d'un tableau à un autre est géré sans réelle perte de continuité par l'utilisation d'un rideau transparent et d'un autre opaque entre lesquels les danseurs peuvent évoluer latéralement. L'avant-scène est également utilisée, comme au troisième acte lors d'un flashback vers la scène du duel.

Une des qualités de ce ballet est de très bien marier la danse des solistes et les ensembles. C'est particulièrement bien fait dans la scène de l'anniversaire de Tatiana au cours duquel tout le monde danse alors que tout se joue entre les personnages principaux. Certains contrastes sont saisissants entre l'ambiance générale qui est joyeuse et les tourments qui s'emparent des personnages : le rejet que Tatiana subit de la part d'Onéguine, qui commence à séduire Olga, rendant Lenski fou de jalousie...

Cela en a étonné plus d'un, mais si la musique est de Tchaikovski, elle n'est en rien celle de son opéra Eugène Onéguine. D'autres œuvres du compositeur ont été arrangées. En 2009, c'était l'Orchestre de l'Opéra de Paris que dirigeait James Tuggle. Cette fois, c'est l'Orchestre Colonne. Je trouve que cet orchestre a fait une prestation tout à fait honorable. Cependant, j'ai comme l'impression qu'il y a eu des imperfections dans le solo d'alto de la scène où Lenski est seul en scène peu avant le duel.

Ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Klariscope.

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Les Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra

2011-12-04 21:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-12-04

Élisabeth Platel, introduction

Bertrand Barena, professeur

Tristan Lofficial, pianiste

Sixième division garçons

Véronique Doisneau, professeur

Yuko Tsuchiya, pianiste

Sixième division filles

Marc Du Bouaÿs, professeur

Tadeusz Gieysztor, pianiste

Cinquième division garçons

Marie-José Redont, professeur

Isabelle Van Brabant, pianiste

Cinquième division filles

Wilfried Romoli, professeur

Masako Shimura, pianiste

Quatrième division garçons

Fanny Gaïda, professeur

Richard Davis, pianiste

Quatrième division filles

Marie Blaise, professeur et accordéoniste

Sixièmes et cinquièmes divisions filles et garçons, et stagiaires 1 an folklore

Claire Baulieu, professeur

Tristan Lofficial, pianiste

Deuxièmes divisions filles et garçons contemporain

Yasmine Piletta, professeur

Cinquièmes divisions et stagiaires 1 an filles et garçons mime

Jessica Choppe, professeur

Michel Myron Mytrowytch, pianiste

Quatrièmes divisions filles et garçons danse de caractère

Scott Alan Prouty, professeur

Richard Davis, pianiste

Sixièmes et cinquièmes divisions filles et garçons expression musicale

Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.

Opéra Garnier — 2011-12-04

Élisabeth Platel, introduction

Bernard Boucher, professeur

Michèle Linardi, pianiste

Troisième division garçons

Fabienne Cerutti, professeur

Claire Djourado, pianiste

Troisième division filles

Éric Camillo, professeur

Michel Myron Mytrowytch, pianiste

Deuxième division garçons

Francesca Zumbo, professeur

Ellina Akimova, pianiste

Deuxième division filles

Jacques Namont, professeur

Gaëlle Sadaune, pianiste

Première division garçons

Carole Arbo, professeur

Laurent Choukroun, pianiste

Première division filles

Roxana Barbacaru, professeur

Ellina Akimova, pianiste

Troisièmes divisions filles et garçons danse de caractère

Wilfried Romoli, professeur

Laurent Choukroun, pianiste

Premières divisions filles et garçons adage

Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.

Comme l'année dernière, j'ai passé une journée à l'Opéra Garnier pour assister aux démonstrations de l'école de danse. Le déroulement de la journée a été globalement assez semblable à celui de l'année dernière (une différence notable est l'absence de neige cette année). Je n'ai eu à changer que quelques noms d'enseignants et de pianistes dans la distribution ci-dessus, donc à la place d'un compte-rendu détaillé, voici le sapin de Noël visible dans le Grand Foyer de l'Opéra :

Arbre de Noël au Palais Garnier

Sinon, en vrac, que dire :

  • On a entendu une quinzaine de fois la Polonaise de l'opéra Eugène Onéguine (Tchaikovski), utilisée quasi-systématiquement pour les saluts à la fin du passage de chaque classe.
  • Wilfried Romoli a un contrôle du souffle et de la voix très stimulant dans son rôle de professeur de la classe de quatrième division garçons.
  • Ma balletomanie fait que je me retrouve à réentendre de nombreuses musiques que je sais que je connais, mais sans forcément réussir à les identifier, ce qui a parfois eu tendance à me divertir de l'exercice réalisé par les élèves. (Parmi les musiques identifiées, il y avait notamment du Schumann (Kinderszenen), Verdi (Rigoletto), Bizet (Carmen), Bach.)
  • Elisabeth Platel semble toujours aussi belle. Elle a tenu à rendre un hommage particulier à Christiane Vaussard (danseuse étoile et enseignante, décedée récemment).
  • Les grandes divisions filles m'ont fait une très bonne impression.
  • La première division fille a été particulièrement brillante. La forme des exercices a été singulièrement renouvelée cette année puisque chacune des danseuses a présenté une variation !

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Priyadarshini Govind au Musée Guimet

2011-12-03 01:46+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2011-12-02

Priyadarshini Govind, bharatanatyam

Élisabeth Petit, voix

Balakrishnan Karipatil Sankaran, nattuvangam

Preethy Maheshwar, chant

Sakthivel Murugananthan Subramaniam, mridangam

Sigamani Natarajan, violon

Murugan Krishnan, lumières

J'ai assisté ce vendredi au premier des deux récitals que Priyadarshini Govind donne au Musée Guimet. J'en sors extrêmement déçu, davantage encore que du programme donné à Mumbai en février 2010 où elle partageait l'affiche avec la sublimissime chanteuse carnatique Aruna Sairam (qui viendra au Théâtre de la Ville en avril).

Après une chanson interprétée par quatre musiciens, dont au moins trois accompagnent régulièrement la danseuse, celle-ci a dansé en quelques sorte des salutations (sans les traditionnelles offrandes de fleurs, qu'elles soient mimées ou réelles). Cette pièce est jouée sur une musique essentiellement rythmique, relativement lente.

Vient ensuite un affreux interlude du violoniste à l'issue duquel la danseuse présente quelques mouvements pouvant aider à la compréhension de la suite, les explications étant données par une voix-off. Cette pièce est censée être narrative, racontant l'histoire d'une jeune femme qui se languit de Shiva. Je n'ai pas réussi à suivre le fil narratif de cette pièce entrecoupée de longs passages rythmiques (dans lesquels la danseuse n'est justement pas tout à fait en rythme comme ce fut le cas dans le premier). Initialement, se sentant abandonnée de Shiva, la jeune femme est très triste et tourmentée par un ardent amour. Étonnamment, une coulée de larmes descend de l'œil gauche de la danseuse et se répand sur sa joue. Après, je vois bien que Shiva entre en scène, mais le détail de l'histoire m'échappe. Je ne saurais trop dire s'il faut prendre au propre ou au figuré l'image qui a été montrée d'un insecte (papillon ou abeille ?) butinant une fleur de lotus...

Les deux pièces suivantes mettent en scène des amours illicites. Je n'en ai pas la totale certitude pour la première, mais il est certain que j'ai vu la deuxième à Mumbai. Dans la première, une dévôte de Shiva est charmée par Krishna. La pièce est assez lente et est surtout faite de pantomime. La danseuse montre la jeune femme à ses rites shivaïtes (on la voit ainsi arroser de lait un lingam). J'ai du mal à comprendre comment cela a pu m'échapper, mais je n'ai pas l'impression d'avoir vu un seul instant Krishna représenté dans la chorégraphie. On ne m'aurait pas dit avant que c'en était un personnage, je n'en aurais aucune idée...

La deuxième de ces pièces met en scène une femme adultère. Son mari s'en va en voyage. Son beau-père est probablement assoupi. Elle convoque son amant. (Tiens, cette fois-ci, on ne nous a pas dit que cet amant était le dieu Venkateshwarar...)

Le programme s'achève par un numéro rythmique. Dans cette pièce, on voit la danseuse exécuter des mouvements avec un ou deux genoux au sol.

En bis, elle a dansé une dernière pièce, la seule que j'ai trouvée intéressante. Le problème, c'est que je n'ai pas compris l'histoire... Il était peut-être vaguement question d'une femme exprimant sa dévotion envers quelque dieu. J'ai cru entendre Muruga une ou deux fois dans le texte chanté. Ce ne sont que conjectures...

Si cette danseuse ne manque pas de qualités (par exemple : elle pris à au moins deux reprises la pose Shiva-Nataraja d'une superbe manière), ce récital ne m'a guère plu. Cela a manqué d'un certain nombre d'ingrédients : de la belle danse pure, de l'expression dans le visage, de la narration... Par ailleurs, les annonces faites par la voix-off m'ont semblé trop succintes. Autant rien dire ou distribuer à l'avance un programme résumant les différentes pièces. C'est ce que j'ai trouvé le plus frustrant. D'autres danseuses, par le seul langage chorégraphique, ont déjà réussi à me faire comprendre des histoires plus complexes...

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Laxmi Myriam Quinio au Centre Mandapa

2011-11-18 01:31+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2011-11-17

Laxmi Myriam Quinio, bharatanatyam

Pushpanjali (chorégraphie de Smt. P. Subrahmanyam)

Jatiswaram (chorégraphie de Smt. P. Subrahmanyam)

Jagado Dharana

Shabdam (chorégraphie de V. S. Muttuswamy Pillaï)

Yaro Iver Yaro

Sri Devi Kirthana (chorégraphie de V. S. Muttuswamy Pillaï)

Bho Shambho (chorégraphie de Smt. P. Subrahmanyam)

Thillana Sindhubhairavi (chorégraphie de Dominique Delorme)

Krishna Damodara

Il ne faut pas faire la fine bouche. S'il ne m'a pas autant transporté que celui de Mallika Thalak il y a quelques jours, le récital de bharatanatyam de Laxmi Myriam Quinio m'a semblé assez remarquable.

La jeune danseuse commence son récital par deux pièces très vives : Pushpanjali et Jatiswaram. Elles sont presque trop éblouissantes par la vitesse d'exécution de ce qui dans le Jatiswaram est de la danse pure.

La pièce Jagado Dharana raconte quelques jeux entre Krishna et sa mère adoptive Yashoda. Plus loin, il y aura une pièce mettant en scène la rencontre entre Rama et Sita. Ces deux chorégraphies me décoivent légèrement par la façon un peu superficielle d'aborder ces deux thèmes. La similitude entre les deux conclusions (Yashoda voyant la forme universelle de Krishna, Rama reconnaissant en Sita la déesse Sri-Lakshmi) rend peut-être une des deux pièces redondante dans un même récital. Si l'interprète a été fort heureusement toujours du bon côté, elle n'était pas à mon goût assez loin de la frontière qui distingue une danseuse qui joue un rôle et un personnage incarné par une danseuse. Avant que les chorégraphies ne fassent de la danseuse un personnage, j'aurais aimé voir comme un masque de neutralité qui pourrait ensuite prendre vie subitement.

Entre ces deux pièces narratives étaient intercalée une pièce dans laquelle une jeune femme se languit de Muruga. Cette pièce m'a semblé la plus convaincante lors de ce début de récital. On verra ainsi Kama, le dieu Amour, lui décocher quelques flèches. L'amour pour le dieu lui sera tellement insupportable que le chant du rossignol lui sera pénible et que le lait de vache la fera vomir. Il se trouve que dans le Manuel traditionnel du Bharata-Nâtyam, Le Danseur Cosmographe de Katia Légeret, je lisais récemment qu'à tel mudra était associé de multiples sens, parmi lesquels vomir. Je n'imaginais pas que je le verrais sitôt utilisé en ce sens ! (Avant chacune des pièces narratives, la danseuse montrait quelques mouvements en les expliquant de sa douce voix.)

Les deux pièces suivantes évoquent successivement la dévotion pour la déesse-mère et pour Shiva. Dans la première, on verra l'évocation de différentes formes de la déesse : Parvati, Lakshmi, Saraswati (joueuse de vînâ), Kali (qui tire la langue), etc.

La pièce concernant Shiva m'a enthousiasmé au plus haut point. C'est aussi celle dont la musique me semblait la plus intéressante. Le texte était le typique Bho Shambhu/Shiva Shambhu Svayambhu, mis en musique d'une façon différente de ce que je connaissais déjà. Parmi les images frappantes, celle de Shiva en yogi, et surtout celle représentant Shiva-Nataraja. La façon qu'a eu la danseuse de prendre cette dernière pose est tout à fait unique. La jambe gauche est tendue vers l'avant et opère lentement une rotation vers la droite tandis que les mains prennent les poses habituelles. L'amplitude, la vélocité et la fluidité de certains mouvements de pieds et de jambes trahissent la formation multiple de la danseuse, en particulier dans la technique classique (européenne). Certains passages étaient ainsi très impressionnants.

Après un charmant Thillana qui ne se réduisait pas à de la danse pure (puisque l'on pouvait reconnaître quelques dieux vers la fin), la danseuse a interprété une pièce supplémentaire dont le texte chanté commençait par Krishna Damodara. Cette pièce m'a plu peut-être encore davantage que le Bho Shambhu. On y voyait plusieurs aspects de Krishna. L'enfant volait du beurre et se faisait réprimander. Plus grand, il jouait de la flûte et dansait avec les gopis. La danse avec les gopis était absolument extraordinaire. Par la vitesse d'exécution et une combinaison inédite de mouvements simultanés de toutes les parties du corps, on aurait presque dit que la danseuse se démultipliait comme la tradition explique que Krishna donne l'impression à chacune des nombreuses gopis qu'il ne danse qu'avec elle seule. Il sera également fait référence à Vishnu couché sur le serpent Shesha, et si ce n'est pas la première fois qu'en évoquant cette image je vois une danseuse montrer Lakshmi en train de lui masser les pieds, ce soir ce fut fait de la plus belle des manières.

Plutôt que les multiples pièces de longueur intermédiaire vues dans ce récital intitulé Sringaram (qui a quand même duré presque deux heures !), j'aurais peut-être préféré voir une pièce plus développée (Varnam). Cela dit, je reste très satisfait de ce spectacle.

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Mallika Thalak au Centre Mandapa

2011-11-13 21:21+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2011-11-13

Mallika Thalak, bharatanatyam

Kalikautam (chorégraphie de M. K. Saroja)

Alarippu (chorégraphie de V. S. M. Selvam)

Ardhanarishwara (transmis par Rama Vaidyanathan)

Ashtapadi (transmis par Rama Vaidyanathan)

Tillana (chorégraphie de V. S. M. Selvam)

Comme hier, je suis allé au Centre Mandapa pour assister à un récital de bharatanatyam. Le public a été moins nombreux et c'est bien dommage.

J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Mallika Thalak dans le spectacle Gangâ. J'avais noté qu'elle faisait aussi du bharatanatyam (et qu'elle avait un port de tête exquisement gracieux), mais ce n'est qu'hier que j'ai fait le rapprochement avec le nom de la danseuse programmée ce soir.

Je resors complètement émerveillé par sa danse. Ma théorie depuis un moment est que chaque danseuse a son style propre. Celui de Mallika Thalak me semble caractérisé par une incroyable beauté dans le geste et l'expression. J'étais déjà transporté avant même qu'elle effectue le moindre pas dans la première pièce en hommage à Kali qui a débuté par des mouvements de la moitié haute du corps. Elle a ensuite développé ce Kalikautam (orthographe incertaine) en évoquant principalement les aspects féroces de la déesse Kali.

La deuxième pièce, Alarippu, était exécutée sur une musique purement rythmique. La danseuse ne cherche pas à faire une démonstration de vitesse. Cela reste résolument fluide et extrêmement beau.

La pièce principale est Ardhanarishwara. Elle évoque cette forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. La danseuse alterne ainsi entre le côté droit (Shiva à l'œil foudroyant) et le côté gauche (la gracieuse Parvati). Sans jamais devenir mécanique ou perdre sa beauté, la danse s'est également faite virtuose dans certains passages rythmiques au très vif tempo.

La pièce suivante Ashtapadi a été assez développée. Elle racontait les jeux amoureux de Radha et de Krishna. Celui-ci, charmant Radha et les autres bouvières par la flûte n'hésitait pas à éclabousser celle qu'on avait précédemment vu se parer et se maquiller.

Le récital s'est conclu sur un charmant Tillana, ni trop long ni trop court, ni trop lent ni trop rapide...

La présentation des différentes pièces était faite par le père de la danseuse malabare. C'était un vrai plaisir de l'écouter raconter les pièces et la philosophie sous-jacente à sa manière, tout en s'amusant de ne pas être l'impresario de la danseuse, mais seulement son père.

La danseuse et son père ont rendu un hommage particulier aux chorégraphes de ces pièces et encore davantage aux personnes qui les lui ont transmises. Si cela tend à se perdre de nos jours, la transmission orale se fait traditionnellement de guru à disciple...

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Sabine Pandaredattil et al. au Centre Mandapa

2011-11-12 23:29+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2011-11-12

Sabine Pandaredattil et al., bharatanatyam

En Inde, j'ai eu l'occasion de remarquer que le public n'avait pas forcément le même respect pour l'art et la façon de l'exprimer que, disons, des wagnériens. Les nuisances viennent par exemple des téléphones portables : les gens décrochent et répondent comme si de rien n'était.

Il est plus rare que ces nuisances viennent de l'entourage-même de la danseuse comme ce fut malheureusement le cas ce soir. Tout d'abord, la première rangée de places était couverte de feuilles où était écrit réservé. Ces places resteront vacantes, le clan s'étant installé au deuxième rang (plus confortable).

Le plus gênant, ce furent les photographies avec flash prises tout au long du spectacle. Comment peut-on mépriser à ce point la personne en charge des lumières et les spectateurs en flashant à tout va, y compris quand la scène est dans la pénombre ? Il faut ajouter à cela les clic-clics hystériques des appareils-photos et la projection de lumière test que ces appareils doivent lancer avant la prise en vue pour se régler.

Il faut aussi tenir compte de la concurrence de la danse réalisée entre le premier rang et la scène par une jeune fille tout aussi inconsciente que ses parents de la gêne que cela pouvait occasionner pour les spectateurs, sans parler des danseurs.

C'est qu'il y avait plusieurs danseurs et c'est là un autre problème avec ce spectacle. En Inde, j'ai appris à me méfier des spectacles annoncés comme Bharatanatyam par les disciples de Guru Smt. X. Je n'ai rien contre le principe des démonstrations d'une école de danse, j'ai apprécié celles que j'ai vues à l'Opéra de Paris pour ce qu'elles étaient. Je n'aurais rien contre le principe pour ce spectacle de danse bharatanatyam, si cela avait été clairement annoncé.

Je m'attendais à voir un récital de Sabine Pandaredattil (installée en France depuis une vingtaine d'années) et je n'ai vu qu'une succession de pièces courtes (avec deux mini-Varnam) dansées par la guru et ses élèves, et ce dans différentes configurations. Les élèves étaient au nombre de quatre : un jeune homme et trois jeunes filles.

Le jeune homme était tout-à-fait convaincant (notamment en Shiva). C'est la première fois que je vois sur une scène un danseur de bharatanatyam de ce niveau (les autres que j'ai vus étaient beaucoup plus jeunes). Ses frappes de pieds contre le sol étaient un instrument à part entière. Ses passages rythmiques furent ainsi particulièrement spectaculaires, les effets étant en outre amplifiés par sa grande taille. Par ailleurs, ses mouvements de mains et d'yeux m'ont bien plu aussi.

Une des trois jeunes femmes sortait assez nettement du groupe. Outre ses mouvements fluides et en rythme, sa maîtrise de son expression faciale faisait toute la différence. Elle s'est distinguée dans un duo avec une autre élève qui évoquait l'enfance de Krishna, avec bien sûr l'épisode du pot de beurre. Je ne regardais plus qu'elle. Elle ne doit plus être très loin du niveau qui lui permettrait de se produire en solo... J'ignore son nom tant les annonces faites au micro et dans un français trébuchant étaient incompréhensibles.

J'ai accueilli ces prestations d'élèves avec une certaine bienveillance. Pour le reste, j'ai eu de quoi être déçu par la performance de Sabine Pandaredattil elle-même. Dans ses solos et autres pièces avec ses élèves, je n'ai vu que de la danse pure : une succession de pas qui ne racontaient pas d'histoire ni n'exprimaient d'émotion que je puisse déchiffrer. Il n'y avait pratiquement que des passages purement rythmiques. Entre ceux-ci, certaines séquences de pas étaient curieusement répétées plusieurs fois. Au bout de la troisième reprise, j'avais vraiment bien compris que la Ganga descendait du chignon tressé de Shiva ou encore que du nombril de Vishnu-Padmanabha émergeait un lotus ! Merci, mais une seule fois, cela m'aurait bien suffi ! Je ne fais pas le détail des pièces successives (qui évoquèrent principalement Shiva, mais aussi Subhramaniam, Ganesha et Vishnu). J'ai été également déçu par son Tillana qui était exécuté sur un rythme étonnamment lent pour une pièce de ce type, en général bien plus vive.

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Shakuntala au Centre Mandapa

2011-11-06 00:24+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2011-11-05

Shakuntala, bharatanatyam

Muthuswami Pillai, chorégraphie

Bhakti, la lumière du cœur, Poèmes de Rumi

C'est un récital un peu à part auquel j'ai assisté ce samedi au centre Mandapa. Il était intitulé Bhakti, la lumière du cœur, et à la danse bharatanatyam devaient être associés des poèmes de Rumi. L'idée d'associer le bharatanatyam à une autre culture fait penser au programme Bhârata/Bach dansé par Maria-Kiran il y a quelques années, mais la réalisation sera toute différente.

Le récital sera en réalité en trois parties. Après que l'on a fait brûler de l'encens et allumé la lampe, un prélude musical se fait entendre : une invocation de Shiva. La danseuse entre ensuite en scène (elle n'en sortira plus avant la fin du récital, ce qui contribuera à une atmosphère étonnante que personne n'osera troubler par des applaudissements) pour des offrandes de fleurs. J'ai le plaisir d'entendre une guimbarde dans la musique enregistrée, cela faisait longtemps... Le style de la danse comporte beaucoup de tours de la danseuse sur elle-même. Le rythme est très rapide. Cela semble une façon de concevoir le voie de la Bhakti, sous la forme d'une sorte d'adoration joyeuse de la divinité qui permettrait d'atteindre l'Unité. La danse évoque les oreilles de Ganesh et la danse de Shiva-Nataraja.

Avant de danser la pièce suivante, la danseuse dévoile un peu du dictionnaire de la danse en montrant des mouvements associés à un petit texte qui résume la pièce. Il sera question d'une dévôte de Subramaniam (aussi appelé Muruga, Skanda ou Kartikeya) qui s'adresse à lui en disant Pourquoi tardes-tu à venir me donner ta bénédiction ?. La narration et l'illustration est entrecoupée d'assez longs passages de danse pure. La chorégraphie n'est pas des plus belles que j'aies vues. Elle demande une très grande rapidité d'exécution. Cependant, les mouvements et poses prises par les mains sont réalisés avec une grande précision. Dans cette pièce comme dans la précédente, malgré la vitesse, l'ensemble reste ainsi très lisible.

Ayant enlevé ses grelots de chevilles et ayant passé une blanche tunique, le récital prend une toute autre direction. Il ne s'agit plus véritablement de danse bharatanatyam. La seule musique sera le silence et un doux accompagnement de flûte. La danseuse se transforme en une comédienne qui déclame des poèmes du mystique soufi Rumi tout en soulignant le sens par des mouvements des bras et des mains qui appartiennent au bharatanatyam. La plupart de ces poèmes sont structurés autour d'un mot ou d'un groupe de mots qui est repété de nombreuses fois à la fin ou au début des vers. Ainsi, dans le poème commençant par Toi qui ignores l'amour, dors !, toutes les phrases se terminent par la même injonction Dors !. Dans le suivant, ce sera Reviens à l'origine de ta propre origine !. Ensuite, alors que le poète se demande Qui est à la porte ?, il ne cesse de répéter Où m'enfuir ?. Dans l'avant-dernier, ce sera Donne quelque chose au derviche ! (qui suit notamment une autre injonction comme Délivre de son moi celui qui est attaché à lui-même). Dans le dernier, divers reproches d'une femme à son amant seront introduits par Souviens-toi.

Certains de ces poèmes posent des questions d'une façon suffisamment large pour n'être absolument pas hors-sujet dans un récital de bharatanatyam appelé Bhakti. La forme que cela a pris était à tout le moins surprenante, mais j'ai trouvé que cela avait été une très bonne manière de faire entendre ce texte tout en l'accompagnant d'une pantomime sur un fond musical dépourvu des rythmes habituels de la musique carnatique. Cela m'a davantage convaincu que ce que j'avais vu faire au Théâtre des Bouffes du Nord par Nahal Tajadod et Jean-Claude Carrière il y a deux ans. La performance physique est aussi impressionnante, parce qu'il doit être bien difficile de ne pas perdre son souffle alors qu'il faut en même temps réciter les vers et les accompagner d'autant de mouvements !

En troisième partie du récital, la danseuse a remis ses grelots pour deux pièces de bharatanatyam. Les pièces de la première partie étaient plutôt rapides. Celles-ci furent plus lentes. En particulier, l'avant-dernière pièce du récital sera comme un adage évoquant les différents aspects de la fille du roi des monts (Parvati). Je dis Parvati parce que c'est le nom qui m'est venu en premier quand avant de se remettre à danser, l'interprète a fait un résumé de la pièce accompagné de mouvements chorégraphiques. Les noms qu'elle a employés étaient plutôt Gauri, Uma, Shankari, Kaumari et Annapurna, mais cela revient au même... Elle a fait un petit clin d'œil aux connaisseurs en mentionnant que les seins de la déesse étaient en forme de Kumbha.

Le récital s'est conclu par une pièce mettant en scène les dieux assistant à la danse cosmique de Shiva. Cette pièce a commencé par un travail chorégraphique centré sur les bras et les mains, et puis les pieds se sont aussi mis en mouvement. J'ai rarement vu ce fait souligné, mais ici, pour évoquer la danse cosmique de Shiva, la danseuse a mis un accent particulier sur les battements du tambour (Damaru).

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Myriam Ould-Braham est Naïla

2011-11-04 00:47+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-11-03

Koen Kessels, direction musicale

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Léo Delibes, Ludwig Minkus, musique

Version réalisée par Marc-Olivier Dupin

Livret d'après Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon

Jean-Guillaume Bart, chorégraphie

Éric Ruf, décors

Christian Lacroix, costumes

Dominique Bruguière, lumières

Clément Hervieu-Léger, Jean-Guillaume Bart, dramaturgie

Florence Clerc, assistante du chorégraphe

Anne Salmon, répétitrice

Dominique Schmitt, assistante décors

François Thouret, assistant lumière

Myriam Ould-Braham, Naïla, esprit de la Source

Florian Magnenet, Djémil, chasseur

Laura Hecquet, Nouredda, promise au Khan

Aurélien Houette, Mozdock, frère de Nouredda

Alessio Carbone, Zaël, elfe de Naïla

Aurélia Bellet, Dadjé, favorite du Khan

Emmanuel Hoff, Le Khan

La Source

Après avoir vu quatre fois le superbe ballet La Source, il faut se rendre à l'évidence : Naïla, c'est Myriam Ould-Braham. Si Charline Giezendanner est loin d'avoir démérité le 1er novembre, les deux prestations que j'ai vues de Ludmila Pagliero, créatrice du rôle, furent moins convaincantes à mes yeux.

Comme dans le cas du rôle de Juliette (qu'elle n'a interprété qu'une seule fois), on n'a à aucun moment l'impression de voir une jeune femme qui danse certes fort bien. On voit en réalité un personnage, ici Naïla, qui est interprété par une danseuse. Cela fait toute la différence. Dans son rôle de fée, elle flotte sur la scène, elle touche à peine le sol. Outre la fluidité de ses mouvements, son expression rend son rôle passionnant pour le spectateur. Plus que les autres interprètes du rôle, elle donne un sens au sacrifice qui est celui de son personnage. Ainsi, dès la Valse des nymphes, quand Naïla est entourée d'une ronde de nymphes, son visage trahit le fait qu'elle sait qu'elle ne pourra que se sacrifier. Lors du pas de deux avec Djemil, ses tentatives sont désespérées, elle sait que Djemil n'aimera jamais que Nouredda. Enfin, elle se sacrifie après un émouvant pas du talisman.

Malgré quatre visionnages, je n'aurai pas vu toutes les distributions possibles. Il me manque essentiellement le trio Ould-Braham/Hoffalt/Zusperreguy. Clairement, dans ce que j'ai vu, la meilleure combinaison est celle de ce soir (3 novembre). Dans le rôle de Djemil, Florian Magnenet m'a davantage plu que Karl Paquette. Si c'est un beau gosse et qu'il en joue (un peu trop diront certaines), ses sauts et réceptions sont plus propres. Il donne un peu l'impression que Djemil est un gentil idiot (qui ne comprend pas qu'en faisant tomber la fleur à la toute fin, il fait mourir Naïla), alors qu'avec Karl Paquette, on a l'impression que Djemil est un type un peu perdu qui subit les événements.

Du côté des Zael, Mathias Heymann est éblouissant. Il saute très bien, mais au deuxième acte, il sait aussi jouer d'une certaine cruauté quand il vient gâcher la fête de Nouredda et se moquer d'elle quand elle doit s'en aller. Alessio Carbone m'a également beaucoup plu dans ce rôle dont il donne une image un peu plus sympathique et plus émouvante aussi dans la scène finale où il est le seul à être témoin de la souffrance de Naïla. Allister Madin est plus proche de Heymann que de Carbone, mais il donne moins une impression de facilité.

Pour Mozdock, frère de Nouredda, entre Vincent Chaillet et Aurélien Houette, c'est Vincent Chaillet qui m'a fait la plus forte impression, en particulier dans les danses de guerriers caucasiens, très spectaculaires. Avant-hier, Aurélien Houette ne m'avait pas semblé très en forme, mais ce soir, c'était très nettement mieux. Du côté de la pantomime, Aurélien Houette fait impression : on n'a pas envie d'être à la place du personnage qu'il tabasse ! (Cela effacerait presque mon souvenir de la vision d'Aurélien Houette en Monsieur de Charlus se faisant violemment flageller dans Proust ou les intermittences du cœur.)

Je n'ai vu que deux Dadjé : Nolwenn Daniel et Aurélia Bellet. Chez Nolwenn Daniel, j'ai aimé certains gestes qui montrent la cruauté des relations de rivalité entre les femmes du harem, en particulier la façon dont elle se réjouit de la dégradation de la note de Nouredda par le Khan.

Il reste essentiellement le cas du rôle de Nouredda. Lors de la création, j'ai trouvé Isabelle Ciaravola tellement émouvante que pour moi, c'était elle le premier rôle et non Naïla. J'avais tout particulièrement aimé son premier acte et l'attitude qui la caractérisait de jeune femme terrifiée à l'idée d'aller rencontrer le Khan. L'interprétation de Laura Hecquet est toute différente. Elle paraît moins terrifiée au premier acte et adopte au deuxième acte une attitude résolument séductrice envers le Khan. Dans le pas de deux avec Djemil (Florian Magnenet), elle fait monter la tension et presque la violence de ce tumultueux face à face. Ces deux interprètes de Nouredda sont très différentes ; globalement, j'ai du mal à décider laquelle des deux je préfère.

Lors des trois premières représentations que j'ai vues, il m'a semblé que l'orchestre se bonifiait à chaque fois. Ce soir, manifestement, ce n'était pas le même sous-ensemble de l'effectif de l'orchestre qui jouait (en tout cas je suis sûr que ce n'étaient pas les mêmes que les 27 octobre et 1er novembre) et cela s'est malheureusement un peu entendu dans le deuxième acte.

Vivement la prochaine reprise de ce ballet ! (Mais n'achetez pas le futur DVD !)

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La Source à Garnier

2011-10-23 02:16+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-10-22

Koen Kessels, direction musicale

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Léo Delibes, Ludwig Minkus, musique

Version réalisée par Marc-Olivier Dupin

Livret d'après Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon

Jean-Guillaume Bart, chorégraphie

Éric Ruf, décors

Christian Lacroix, costumes

Dominique Bruguière, lumières

Clément Hervieu-Léger, Jean-Guillaume Bart, dramaturgie

Florence Clerc, assistante du chorégraphe

Anne Salmon, répétitrice

Dominique Schmitt, assistante décors

François Thouret, assistant lumière

Ludmila Pagliero, Naïla, esprit de la Source

Karl Paquette, Djémil, chasseur

Isabelle Ciaravola, Nouredda, promise au Khan

Vincent Chaillet, Mozdock, frère de Nouredda

Mathias Heymann, Zaël, elfe de Naïla

Nolwenn Daniel, Dadjé, favorite du Khan

Christophe Duquenne, Le Khan

La Source (création)

Ce soir, j'ai assisté pour la première fois à la création d'un ballet classique à l'Opéra. L'événement était attendu des balletomanes. Il s'agit d'une re-création du ballet La Source d'après le livret original de Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon et sur une musique de Léo Delibes et, hélas, Ludwig Minkus.

J'en sors très enthousiaste, avec l'impression d'avoir vu le Ballet de l'Opéra à son meilleur. Le premier acte se place auprès de la source. Elle n'est qu'indirectement représentée sur scène par la végétation dont elle favorise le développement. Dans la description du décor d'origine par Nuitter (citée dans le programme du spectacle, p. 46), on lit : Au fond, des flancs d'un rocher, s'échappe un filet argentin d'une source ; autour de la source, des plantes verdoyantes fleurissent ; des lianes grimpantes s'enroulent aux branches des arbres, d'où elles laissent retomber des grappes de fleurs . Ce sont manifestement ces lianes grimpantes qui ont inspiré le décorateur Éric Ruf. Ces lianes sont des cordages qui rappellent ceux qui apparaissent sur le rideau en trompe-l'œil de l'Opéra. Auprès de la source évoluent des nymphes et des elfes. Leurs costumes sont très brillants ! Parmi ces elfes, Zaël (Mathias Heymann) bouge et saute comme un marsupilami.

Le chasseur Djémil (Karl Paquette) arrive, puis une caravane de Caucasiens s'arrête. Mozdock (Vincent Chaillet) conduit sa sœur Nouredda (Isabelle Ciaravola) qui est promise au Khan. Elle demande qu'on lui apporte une fleur apparemment inaccessible. Les hommes de Mozdock essayent de grimper, mais n'y arrivent pas. Djémil se propose de l'aller chercher et y parvient. C'est pour ainsi dire par magie que Karl Paquette s'est hissé le long de cette corde (effet spécial très réussi). Dans les épopées indiennes, réussir une telle épreuve aurait immédiatement valu à Djémil d'obtenir la main de Nouredda (ainsi Rama obtint-il Sita et Arjuna Draupadi). Au lieu de cela, après avoir retiré le voile de Nouredda, il a été violenté par Mozdock et ses hommes. C'est alors qu'apparaît la fée de la source, Naïla (Ludmila Pagliero). Elle lui dit que la fleur est un talisman. Son pouvoir lui permettra de se venger de son affront et d'obtenir le cœur de Nouredda. En vérité, elle est amoureuse de Djémil, et ne fait cela que pour lui plaire.

Au deuxième acte, le décor utilise encore des cordes verticales, qui représentent comme des barreaux de prison enfermant les femmes du Khan (Christophe Duquenne) dans le zenana. L'atmosphère quasi-carcérale est amplifiée par les lumières venant du fond de la scène, ce qui donne de longues ombres en éventail des barreaux traversant toute la profondeur de la scène. La favorite du Khan, Dadjé (Nolwenn Daniel) ne sait pas encore qu'elle va perdre son statut en raison de l'arrivée de Nouredda. Quand celle-ci arrive dans son palanquin, elle met en effet le Khan en émoi. Pour elle, les femmes du harem dansent le pas des voiles. C'est le passage du ballet qui est le plus indianisant, limite bollywoodien (et non hollywoodien comme il est écrit dans le programme p. 77 !). Ensuite, arrivent Zaël, quelques autres elfes et Djémil habillés en troubadours. En fait, ce sont plutôt des magiciens. Ils font paraître des fleurs de la même espèce que celle que l'on a vu au premier acte. Nouredda reconnaît aussi ces fleurs, et puis Naïla apparaît. Le Khan est immédiatement séduit, et il décide de renvoyer Nouredda chez elle. S'ensuit quelque énervement de la part de Mozdock. Finalement, la caravane repart d'où elle est venue.

Dans le dernier tableau, la scène est vide. Il ne reste pour ainsi dire plus que Djémil, Nouredda et Naïla. Nouredda est inanimée. Au cours du Pas du talisman, Naïla va se sacrifier par amour pour Djémil : elle va transférer son âme vers le corps de Nouredda, qui pourra ainsi continuer à vivre et aimer Djémil. Ainsi meurt Naïla.

J'avais lu le livret d'origine à la BnF il y a quelques mois. Il y a une semaine, lors d'une rencontre au Studio Bastille, le dramaturge Clément Hervieu-Léger avait résumé pour les personnes présentes le synopsis du ballet (de façon plus détaillée que ci-dessus). La différence principale par rapport au livret d'origine était la suppression du personnage de la bohémienne. Elle apparaissait au premier acte, rejoignait la suite de Nouredda et au début de ce qui était alors le troisième acte, elle aidait Nouredda à se venger contre Djémil par la faute de qui le Khan s'intéressait à Naïla et donc se désintéressait d'elle. La bohémienne était en effet capable de jeter des sorts. Ceci donnait a priori une complexité psychologique plus grande au personnage de Nouredda.

J'avais ainsi plusieurs sujets de questionnement avant la création :

  • le corps de ballet féminin serait-il bien mis en valeur dans le tableau chez le Khan ?
  • le pas du talisman (Naïla) serait-il aussi émouvant que la mort de Nikiya dans La Bayadère ?
  • le personnage de Nouredda resterait-il intéressant malgré sa réduction ?

Concernant le corps de ballet féminin, le pas des voiles dans le deuxième acte était un moment que j'attendais et je n'ai pas été déçu. À vrai dire, et c'est une agréable surprise, la séquence où le corps de ballet a été le mieux mis en valeur a été à la fin du premier acte : une vingtaine de nymphes saluant quelque lumière (est-ce une évocation du tropisme des plantes envers le Soleil ?) ou prenant diverses configurations géométriques (dans la rencontre mentionnée plus haut, le chorégraphe Jean-Guillaume Bart avait cité Émeraudes de Balanchine parmi ses influences...). Les femmes faisant partie de la caravanes auront aussi quelques danses dans des styles caucasiens à propos duquel le chorégraphe s'est documenté.

Le pas du talisman a beaucoup manqué d'émotions. La Source faisait parfois plus penser à une poupée désarticulée (cf. Coppélia). Plutôt que d'être ému, le public a ri quand elle est entrée par ascenseur à travers une petite ouverture ronde (c'est peut-être le mécanisme employé dans Giselle qui a été réutilisé à l'envers). Cela a été une certaine déception pour moi. J'espère que je l'apprécierai mieux lorsque je le reverrai, dansé par Ludmila Pagliero comme ce soir ou par d'autres interprètes. Pourtant, le pas de deux qui avait précédé avec Djémil m'avait plutôt plu ; la musique utilisait d'ailleurs la musique de l'Entr'acte situé entre les deuxième et troisième actes de Lakmé. Les autres ajouts musicaux sont venus d'œuvres peu connues de Delibes, ce qui permet d'éviter de surcharger une scène dansée par la situation de l'opéra dont les lyricomanes peuvent se souvenir. C'était assez dévastateur par les contresens que cela engendrait dans la Coppélia de Patrice Bart. Ici, l'ajout de cet extrait de Lakmé passe beaucoup mieux. (Plus généralement, dans la musique de ce ballet, j'ai très nettement préféré les parties dues à Delibes à celles dues à Minkus. Ce n'est pas vraiment un test en aveugle puisqu'il est assez facile de deviner qui a écrit quoi !)

Si le rôle de Naïla ne m'a pas complètement comblé, une très bonne surprise est venue de celui de Nouredda. Il fut fabuleusement interprété par Isabelle Ciaravola, aussi bien lors de son solo dans le tableau du Khan que dans son pas de deux avec Karl Paquette dans le dernier tableau. L'interprétation a commencé par une attitude de discrète réserve dans le premier acte, celle d'une jeune femme que l'on conduit à un futur mari inconnu. Le personnage a ensuite été beaucoup plus développé que je ne l'attendais. Sur la base de la représentation de ce soir, j'ai un peu envie de dire que c'est elle, le premier rôle ! De son côté, Karl Paquette a semblé être un très bon partenaire aussi bien pour l'une et que pour l'autre des deux héroïnes.

D'autres satisfactions sont venues des autres danseurs, comme Vincent Chaillet (Mozdock), très convaincant dans le premier acte (danses caucasiennes).

Les costumes de Christian Lacroix sont superbes. Le palanquin décapotable de Nouredda est très joli aussi. Le décor déplaira sans doute à ceux qui ne jurent que par le style tradi. J'ai eu quelques doutes au début, mais j'ai fini par l'apprécier, ce décor, tout comme les lumières, aussi austères qu'elles puissent paraître. Parmi les petits défauts ou choses qui m'ont échappées, je n'ai pas très bien compris comment Nouredda se retrouvait inanimée au début du dernier tableau. Aussi, il y avait peut-être un certain manque de lisibilité dans la promesse faite par Naïla à la fin du premier acte d'aider Djémil à gagner l'amour de Nouredda, et sur le rôle du talisman. Cela dit, le chorégraphe avait prévenu qu'il y aurait peu de pantomime...

Après les déceptions que furent pour moi L'Anatomie de la sensation et Psyché, La Source me semble une grande réussite. Dix-huit représentations sont prévues jusqu'au 12 novembre...

Ailleurs : Blog à petits pas, Musica Sola.

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Vidyà au Centre Mandapa

2011-10-02 21:56+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2011-10-02

Vidyà, bharatanatyam

Smt. M. K. Saroja, chorégraphies

Le Centre Mandapa a fait sa rentrée il y a quelques jours. Ce dimanche, Vidyà a proposé un récital de bharatanatyam, la danse qu'elle enseigne au centre. La première fois que j'ai vu de la danse bharatanatyam, c'était dans un spectacle qu'elle avait chorégraphié : Bhârata/Bach (interprété par Maria-Kiran).

Après une introduction purement musicale, la première pièce Sarasvati-stuti a commencé. Il s'agissait d'un hommage à la déesse de la connaissance, Sarasvati. Comme pour les autres pièces présentées, la chorégraphie est de Smt. M. K. Saroja dont Vidyà est une disciple. À part quelques éléments courants (lotus) ou faciles à reconnaître (Sarasvati jouant de la vina), je n'ai guère reconnu que le Shiva ascète à l'abondante chevelure.

Dans le Varnam, la pièce principale du récital, une jeune femme se languit de Murugan. Ce type de sujet n'est pas mon préféré. Dans le cas présent, il permet néanmoins d'apprécier le dieu Amour lançant ses flèches.

La pièce suivante est liée au mouvement de la bhakti. La chanson Pashuram dûe à Peri Alwar raconte en effet la Krishna-Lila. Cette pièce est divisée en trois parties. Dans la première, on se réjouit de la naissance de Krishna. Dans la deuxième, Yashoda, sa mère adoptive le couche dans un luxueux lit. Dans la troisième, elle défie la Lune de jouer avec son fils.

L'avant-dernière pièce du récital est un Thillana et la dernière un Mangalam qui est un hommage au guru.

La danseuse n'étant plus toute jeune, sa danse ne présente pas la même fraîcheur et la même vivacité que celle de danseuses plus jeunes, comme Lavanya Ananth que j'avais vue dans la même salle il y a quelques mois. Les passages rythmiques, quoique parfois manifestement très difficiles, n'étaient pas les plus virtuoses que j'ai vus, mais ceci était largement compensé par les aspects expressifs de la danse, notamment dans la triple-pièce autour de Krishna.

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Phèdre et Psyché à Garnier

2011-09-30 01:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-09-29

Koen Kessels, direction musicale

Orchestre national d'Île de France

Ballet de l'Opéra

Georges Auric, musique (1950)

Serge Lifar, action dansée

Jean Cocteau, rideau, décor et costumes

Chorégraphie réglée par Claude Bessy

Marie-Agnès Gillot, Phèdre

Nicolas Le Riche, Thésée

Alice Renavand, Œnone

Karl Paquette, Hippolyte

Myriam Ould-Braham, Aricie

Christine Peltzer, Pasiphaé

Hugo Marchand, Minos

Phèdre

César Franck, musique (1890)

Alexei Ratmansky, chorégraphie

Karen Kilimnik, décors

Adeline André, costumes

Madjid Hakimi, lumières

Chœur de Radio France

Denis Comtet, chef de chœur

Aurélie Dupont, Psyché

Stéphane Bullion, Eros

Amandine Albisson, Vénus

Mélanie Hurel, Géraldine Wiart, Les deux Sœurs

Mallory Gaudion, Daniel Stokes, Simon Valastro, Adrien Couvez, Quatre Zéphirs

Psyché

J'ai été voir trois fois le programme Phèdre/Psyché présenté au Palais Garnier depuis le 22 septembre (et non le 21 comme l'indique encore le site de l'Opéra, cette représentation-gala ayant été annulé en raison d'une grève). Dimanche dernier, j'ai eu une vue de face. Hier, j'étais côté gauche. Ce soir, côté droit. (Cliquer sur les différents liens pour voir les distributions respectives. Celle affichée ci-dessus étant celle de ce soir, le 29 septembre.)

Si aucun des deux ballets ne m'a vraiment enthousiasmé, dans les deux cas, la musique jouée par l'Orchestre national d'Île-de-France m'a semblé d'excellente qualité.

Dans le public

Hier, le chorégraphe Wayne McGregor assistait à la représentation. Ce soir, au centre du premier rang de balcon était assise Claude Bessy. Elle a assisté à la représentation du ballet qu'elle a remonté (Phèdre), mais elle n'a pas reparu après l'entr'acte.

J'étais aujourd'hui dans une première loge de côté. Ayant opté pour la place nº5 (9€), je suis sans doute le spectateur de la loge qui a le mieux profité du spectacle. Certes, pour ce type de place, il faut consentir à rester debout pour voir quelque chose... Au premier rang de la loge, deux spectatrices ont probablement dû payer 70€ chacune, mais le sans-gêne d'une spectatrice placée dans la loge voisine a très-certainement pourri leur soirée. L'attitude de la fautive est davantage digne d'une cour de récréation que d'une salle de spectacle. On eût dit qu'elle faisait exprès de se pencher excessivement pour empêcher les spectatrices de la loge d'à-côté d'y voir (dans le cas général, c'est une raison pour préférer la place nº1 à la place nº2 pour les loges de côté). La spectatrice du premier rang de ma loge (rappel : 70€ la place nº2) s'est avisée de lui faire observer que sa posture n'était pas sans maladresse. Elle l'a même peut-être effleurée. Plutôt que de lui répondre en chuchotant, la sans-gêne a gagné son nom en reprenant de plus belle sa position, en allant trouver une feuille de papier dans son sac pour la plier en deux, la couper par déchirure (bruits subséquents), y apposer quelques mots et la placer devant son infortunée voisine. À la fin du spectacle, quand les lumières ont été rallumées, j'ai pu apercevoir ce message. Je ne pense pas trahir la propriété intellectuelle de son auteure en le citant intégralement : Je vous interdit de me toucher. Malpoli ! (sic).

Phèdre

Ce n'est que la deuxième fois que j'ai commencé à un peu apprécier ce ballet de Lifar. Les costumes colorés sont extrêmement laids. Moult mouvements chorégraphiques du corps de ballet paraissent ridicules. Heureusement, la musique de Georges Auric qui fait penser à Dutilleux (Le Loup) ou Stravinsky (Le Sacre du printemps) est fort appréciable. Je pense néanmoins qu'elle passerait difficilement l'épreuve d'une exécution en concert.

Phèdre, c'est aussi une question d'interprètes. Avantage à Agnès Letestu par rapport à Marie-Agnès Gillot dans le rôle de Phèdre. Je n'avais pas eu énormément l'occasion de voir Agnès Letestu sur scène : elle m'avait plutôt décu dans Kaguyahime, mais j'avais été ému par son interprétation du rôle de Nikiya (La Bayadère). Là où je ne voyais que de grands mouvements de bras de l'interprétation de Marie-Agnès Gillot, Agnès Letestu m'a paru plus convaincante.

Dans le rôle de Thésée, j'ai vu deux fois Nicolas Le Riche (avec Marie-Agnès Gillot). La première fois, en matinée, il avait paru un peu fatigué et son maquillage était complètement raté (presque comme si sa perruque avait été collée sur son front avec du scotch). Ce soir, il était en très grande forme et son maquillage était beaucoup mieux réussi. Dans ce rôle, j'ai également apprécié Stéphane Bullion (qui dansait avec Agnès Letestu).

Le rôle d'Hippolyte me semble être le rôle masculin le plus important, puisqu'il a un pas de deux aussi bien avec Aricie qu'avec Phèdre. Entre Karl Paquette et Josua Hoffalt, ma préférence va à ce dernier qui a été tout simplement épatant hier. L'interprétation du pas de deux Hippolyte/Aricie a été assez différente entre les deux couples Hoffalt/Froustey et Paquette/Ould-Braham. J'ai préféré l'Aricie de Myriam Ould-Braham, même si j'ai bien aimé la façon tendre et amoureuse qu'avaient Josua Hoffalt et Mathilde Froustey d'interpréter le pas de deux.

Outre la Phèdre d'Agnès Letestu, les plus beaux moments lors de ces représentations sont venus de l'interprétation du rôle d'Œnone par Alice Renavand (qui depuis que je vais à l'Opéra m'a toujours au minimum enchanté).

Psyché

Le deuxième ballet de la soirée est de Ratmansky (qui a aussi commis Flammes de Paris). Le ballet a été créé le 22 septembre dernier. C'est un beau spectacle, qui flatte le spectateur en ce qu'il est immédiatement accessible, voire simpliste. Les décors sont à peu près inutiles : avec un fond noir (ou bleu), cela aurait été aussi bien. La simplicité de l'argument fait qu'en dehors des passages explicitement narratifs, la chorégraphie ressemble essentiellement à du remplissage. Cela reste mignon comme tout à regarder, mais le balletomane s'ennuie un peu (mais quand même mille fois moins que pendant L'Anatomie de la sensation !).

L'argument est essentiellement le suivant. Psyché est portée par des zéphyrs. Elle rencontre Eros, mais elle ne doit pas chercher à connaître son visage. Manipulée par ses deux sœurs jalouses (elles-mêmes un peu manipulées par Vénus), elle utilise une lampe pour voir son visage. Sa punition est d'être exilée dans un lieu repoussant. Mais tout s'arrange après qu'avec Eros, elle a supplié Vénus de la pardonner.

Pendant les scènes centrales, on doit subir l'attentat au bon goût que constituent les costumes de six couples de danseurs qui en quelque sorte commentent l'action. Les filles sont des filles-fleurs, les garçons ont des costumes faisant penser à des animaux (mais le costume d'un d'entre eux, s'il est peut-être censé évoquer un crapaud, fait plutôt penser à un nageur en combinaison et bonnet de bain).

Si je ne me suis pas excessivement ennuyé pendant ces représentations, c'est grâce à la musique de Franck. Pendant les p, on aurait presqu'envie de chuchoter aux danseurs de réduire le bruit de leurs pas (ce n'est pas le genre de choses qui pourraient arriver avec du Minkus !). Cela dit, on a parfois l'impression d'entendre des thèmes de sa symphonie en ré mineur. Dans Lohengrin (Wagner) il se trouve un motif appelé Le Mystère du nom. Elsa a l'interdiction de chercher à connaître le nom du héros. Bien sûr, elle n'arrivera pas à se retenir de poser la question. J'ai été amusé d'avoir l'impression d'entendre dans la musique de Franck un motif qui semble attaché à la même idée. Ce motif est d'abord chanté par le chœur :

Mais, Psyché, souviens-toi
Que tu ne dois jamais
De ton mystique amant connaître le visage

Le motif sera repris plus loin par l'orchestre.

Chose inhabituelle pour un ballet, il y a en coulisses le Chœur de Radio France. Le texte n'en reste pas moins presque parfaitement intelligible. Il y a au moins un moment où il y a une incohérence entre le texte chanté et ce qui se passe sur scène. Quand le chœur chante Amour, Elle a connu ton nom. puis Son châtiment commence..., Psyché, sur scène, est en train de se faire manipuler par ses sœurs. Elle n'a pas encore connu le nom d'Amour...

Du côté des interprètes, même si j'ai toujours un faible pour Dorothée Gilbert, j'ai préféré Aurélie Dupont dans le rôle de Psyché. Je ne sais pas si cela tient au fait que les cheveux de cette dernière étaient attachés dans un soigneux chignon tandis que ceux de Dorothée Gilbert (sauf erreur de ma part) flottaient au vent des zéphyrs. L'interprétation de Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio étaient beaucoup plus légère et insouciante que la plus sérieuse manière qu'avaient Dupont et Bullion de danser.

Dans le rôle de Vénus, Alice Renavand ne m'a pas paru très à l'aise (mais est-il raisonnable de la solliciter à ce point : elle danse tous les soirs dans Phèdre ou dans Psyché...). J'ai donc préféré Amandine Albisson qui m'a tout particulièrement enchanté ce soir.

J'espère que la prochaine création à l'Opéra (La Source) tiendra davantage ses promesses que celle-ci...

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Kumari Sukanya Kumar au Narada Gana Sabha Mini-Hall

2011-08-22 18:37+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde X

Narada Gana Sabha, Chennai — 2011-08-19

Kumari Sukanya Kumar, bharatanatyam

Vendredi après-midi, je me suis rendu au Narada Gana Sabha Mini-Hall, une salle que je connaissais déjà. Il s'y est tenu un festival de quelques jours : le dixième festival annuel de musique et de danse sur des composition de Dr. Rukmini Ramani. Celle-ci était installée au premier rang. Ayant pris place de l'autre côté de l'allée, je l'ai vue bénir la jeune danseuse qui était venue recueillir sa bénédiction en lui présentant ses grelots de chevilles et en se prosternant à ses pieds.

Le programme interprété sur une musique enregistrée n'a duré qu'une heure, mais la danseuse m'a semblé faire preuve de grandes qualités.

La première pièce évoquait Shiva-Nataraja avec et sans les pieds et dans sa chorégraphie elle a représenté un éléphant de la plus belle des manières.

Dans la deuxième, elle a inséré des passages rythmiques alors même que la musique restait mélodique (contrainte du festival...). La pièce représentait des oiseaux, une jeune femme et a évoqué divers arts : écriture, sculpture, danse (shiva-Nataraja), musique (flûte, vîna). Shiva a aussi été représenté sous la forme du lingam.

Tout ce que je sais du Varnam, la pièce principale, est qu'elle était sur le raga Vasanta. Cette fois-ci, la musique enregistrée contient de vraies parenthèses rythmiques. La pièce semble centrée sur Shiva : son troisième œil, sa puissance, son chignon d'ascète. Élément original de la chorégraphie : une courte suite de pas qui sera répétée quatre fois au cours du Varnam. L'aspect narratif de la pièce m'échappe. À un moment, une femme s'écroule. Est-elle morte ? Se lamente-t-elle ? En tout cas, la pièce se termine avec la danseuse en équilibre dans la pose Shiva-Nataraja.

Dans la pièce suivante, la danseuse évoque l'enfance de Krishna et son rôle de cocher dans le Mahabharata. Ensuite, dans une pièce au rythme rapide, elle a évoqué la déesse Devi et notamment ses aspects furieux. L'avant-dernière pièce était une sorte de divertissement dans lequel l'intrigue semblait reposer sur des sortes d'haltères, mais je n'ai pas compris où cela allait. Enfin, dans son Thillana, la danseuse a encore une fois évoqué Shiva.

Si la technique de la danseuse m'a plu, je suis déçu d'être autant passé à côté des aspects narratifs des chorégraphies.

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Smt. Subhashini Vasanth au Bharatiya Vidya Bhavan

2011-08-15 15:32+0530 (திருவண்ணாமலை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde X

Khincha Auditorium, Bharatiya Vidya Bhavan, Bangalore — 2011-08-13

Smt. Subhashini Vasanth, bharatanatyam

Samedi soir, je suis allé au Bharatiya Bidya Bhavan sur Racecourse Road à Bangalore pour assister au récital de bharatanatyam de Smt. Subhashini Vasanth. Ce récital, gratuit, était organisé par l'Indian Council for Cultural Relations. Le thé, le café et les petits gâteaux étaient offerts avant le spectacle.

Étant arrivé en avance, j'ai assisté à la préparation de la scène. On a installé un Shiva-Nataraja doré flanqué de deux servantes sur le côté. On les a décorés de fleurs oranges et blanches et on a allumé la lumière.

Le récital a été précédé d'un petit discours en kannada, puis d'un numéro purement musical : une prière dans laquelle les noms de quelques divinités étaient prononcés.

La danseuse est entrée en scène pour une pièce presqu'uniquement rythmique. Il s'agissait de rendre hommage à Shiva-Nataraja et de lui offrir (au sens propre) des fleurs. Bizarrement, quand elle évoque Shiva-Nataraja, le seigneur de la danse, la danseuse n'utilise que ses mains et ses bras. Ce sera une constante jusqu'à la fin du récital : à aucun moment, elle ne lèvera la jambe gauche au-dessus du genou droit. C'est la première fois que je vois ça.

Le Varnam, la pièce principale, est centré sur une Nayaki, une femme qui se languit de Shiva. Apparemment, elle arrive à ses fins. La danseuse est accompagnée d'un joueur de nattuvangam qui m'a fait une très bonne impression dans les nombreux passages rythmiques de danse pure, le joueur de mridangam m'ayant moins convaincu. La chanteuse et la flûtiste jouaient aussi très harmonieusement. Malheureusement, on n'entendait la vîna (un instrument que j'apprécie beaucoup) que dans ses solos du fait d'un mauvais réglage des micros. Lors de ce Varnam, la danseuse va évoquer plusieurs aspects de Shiva. De façon opposée aux passages rythmiques rapides, il y aura aussi une sorte d'adage. Je n'ai pas très bien compris la fin où le texte et la chorégraphie semblaient évoquer l'onde de l'Océan (Sagara).

Ce type de sujets (femme se languissant de Krishna ou de Shiva) n'est pas parmi mes préférés. Tout est centré sur l'attitude de la jeune feme. Il n'y a pas vraiment d'histoire puisque c'est essentiellement du sur-place. Il y a du remplissage avec les passages rythmiques (pas toujours très synchro). Ce n'est ni abstrait ni narratif. Bref, ce n'est pas ma tasse de thé.

Dans la pièce suivante où l'interprète âgée de vîna peut enfin se mettre en valeur, la danseuse devient une dévôte de Devi qui se plaint auprès de la Déesse : Ne suis-je qu'une marionnette pour Toi ?. Beaucoup de travail au sol dans cette pièce où est représenté le culte ordinaire.

L'avant-dernière pièce présente des scènes du Ramayana sur un Bhajan de Tulsidas. Après un prologue dans lequel le poète Tulsidas est inspiré par Saraswati, la première scène est le Janaki Swayamvaram : l'épreuve que Rama réussit pour obtenir la main de Sita, fille de Janaka. Dans cette épreuve, les prétendants doivent bander l'arc de Shiva. Seul Rama est représenté, et sa réussite est montrée de façon très furtive. Je n'ai pas bien situé la deuxième partie de la pièce où il était question de la croissance d'un enfant et où apparaissait aussi une femme vieille ou bossue. Cela pourrait être Manthara, mais présenter la naissance des fils de Dasharatha après le mariage de Rama serait curieux d'un point de vue chronologique. C'est pourtant cette pièce que j'ai le plus appréciée.

Le récital s'est conclu par un Thillana, de la danse pure rythmée évoquant Krishna joueur de flûte. La musique de cette pièce s'est enchaînée avec celle de Vande Mataram, tandis que la danse passait de la rapidité d'exécution à l'adage.

Ce n'était pas un des meilleurs récitals de bharatanatyam auxquels j'aie assisté. D'une part, le style des pièces n'étaient pas ceux que je préfère. D'autre part, la très-honorable prestation de la danseuse n'était pas exceptionnelle.

Je suis retourné au même restaurant que la veille. À l'entrée, il est impressionnant de voir plus d'une trentaine de poulets embrochés par cinq en train de rôtir. La veille, juste après le coucher du soleil, la plupart des client étaient manifestement musulmans. Le lendemain, un peu plus tard dans la soirée, il y avait hindous et musulmans. Curieusement, les plats du Sud de l'Inde (dosa, appam, idli, etc) n'y sont pas servis avec du sambhar avec avec d'autres plats (masalas divers).

À la table devant la mienne, un quatuor d'hommes d'apparence ordinaire mangeaient. Quand ils sont partis, le premier s'est avéré être un nain. Le deuxième était en béquilles. Le troisième normal et le quatrième, qui était le plus souvent dans mon champ de vision s'est déplacé vers le côté de la banquette. Il m'a paru encore plus petit que le nain. Puis il a touché le sol. L'explication est venue : il n'avait pas de jambes... How unexpected!

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Gayatri Sriram au NCPA

2011-07-25 14:32+0530 (पुणे) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde X

Dance Theatre Godrej, National Centre for the Performing Arts, Mumbai — 2011-07-23

Gayatri Sriram (disciple de Smt. Minal Prabhu), bharatanatyam

Panchakanya

Avant-hier soir, je suis allé au NCPA pour voir Panchakanya, le récital de bharatanatyam de Gayatri Sriram (chorégraphié par sa guru Smt. Minal Prabhu). La première impression n'a pas été extraordinaire. Il y avait pourtant un effectif musical inhabituellement fourni : mridangam, nattuvangam, voix, flûte, sitar. Mais par ailleurs, on laissait entrer n'importe comment les retardataires. D'autres sortaient, re-rentraient, voire dans un cas, re-sortaient pour de bon en cours de route. Bref, difficile de se concentrer sur le spectacle.

La pièce introductive est une invocation de la déesse, Devi. Elle s'enchaîne avec la première partie du programme Panchakanya proprement dit. La première des cinq (Panch) jeunes femmes (Kanya) est Ahilya (sic). Les cinq femmes évoquées successivement étant des personnages du Ramayana (quatre) ou du Mahabharata (une seule), je connaissais déjà très bien leur histoire qui a de toute façon été rappelée avant chaque partie. Pourtant, je n'ai à peu près rien saisi de la partie concernant Ahalya (et je ne suis même pas certain d'avoir bien compris où était la transition par rapport à la pièce introductive). J'ai vaguement cru comprendre qu'il y avait une femme dévôte et qu'à la fin elle était en quelque sorte prise en flagrant délit d'adultère (Indra ayant pris la forme de son époux Gautama). A priori, rien sur la malédiction qui l'avait transformée en pierre avant que Rama ne la libère.

Je commençais à avoir de gros doutes et puis est venue la partie consacrée à Draupadi. Elle comptait deux scènes. La première était celle de son svayamvar : une cérémonie au cours de laquelle une jeune femme choisit son époux. En l'occurrence, le choix devrait se porter sur celui qui montrerait son adresse à l'arc. C'est Arjuna qui l'emporte. Il me semble que la danseuse a plusieurs fois souligné le fait que celui-ci était un brâhmane, en tout cas au moins un deux-fois-né, reconnaissable à son cordon sacré. Alors en fuite après l'incendie de la maison de laque, Arjuna se cachait en se faisant passer pour un brâhmane. La deuxième scène est celle du jeu de dés. Yuddhishthira a tout perdu contre Duryodhana (qui faisait jouer un tricheur à sa place), y compris lui-même et Draupadi. Duryodhana envoie Duhshasana la chercher. Elle refuse de se laisser faire, mais il la traîne de force par les cheveux (c'est beaucoup moins soutenable que la dernière scène du premier acte du Crépuscule des Dieux où Siegfried ayant pris les traits de Gunther malmène Brünnhilde). Ensuite, il tire sur son sari, mais de nouveaux mètres de tissu apparaissent prodigieusement au fur et à mesure. Elle avait en effet adressé une prière à Krishna. Cette deuxième scène du jeu de dés était tout particulièrement bien chorégraphiée et très émouvante.

Comme dans tout le programme, la musique semble le résultat d'un très bon travail visant à accompagner la dramaturgie. Cela se voit dans le texte, que je ne comprends pas, mais qui contient suffisamment de mots-clefs pour qu'il soit évident que les mots employés collent à l'action. L'utilisation des différents instruments et les choix de dynamique permettent de souligner les passages importants. De façon assez originale, les passages purement rythmiques sont accompagnés non pas seulement du mridangam et du nattuvangam (auxquels s'ajoutent la voix de la guru dictant le rythme), mais aussi de la voix du chanteur, absolument extraordinaire (je n'ai jamais entendu un chant d'une telle qualité lors d'un récital de bharatanatyam, à part Aruna Sairam, mais c'était dans un contexte un peu particulier.

Il s'agit donc d'un récital de bharatanatyam dans un style très narratif, comme j'en ai rarement vu. C'est cependant moins dansant que ne l'était Srithika Kasturi Rangam. Cela dit, les passages rythmiques de danse pure étaient très bien.

Après Draupadi, c'est au tour de Sita. Là encore, l'histoire est parfaitement claire. Elle est découverte dans un sillon de terre par Janaka, qui l'élève. Lors de son svayamvar, Rama l'obtient en bandant l'arc de Shiva. J'avais déjà vu plusieurs fois cette scène particulière lors d'autres récitals. Ici, comme dans l'ensemble du récital, cela pèche un peu par la consision du propos. Il aurait été intéressant (et sans doute plus divertissant) de ne pas montrer seulement Rama en train de réussir l'épreuve, mais aussi de souligner la difficulté de la tâche en montrant quelques autres en train d'échouer plus ou moins lamentablement (le même problème se posait aussi avec l'épreuve réussie par Arjuna). Le plus beau passage de cette partie est intervenu ensuite. Alors qu'elle est dans la forêt avec Rama et Lakshmana, elle aperçoit une antilope dorée (en fait un démon qui a pris cette forme pour la tromper) ; elle demande à Rama de la lui capturer. Lakshmana finit par y aller aussi. Laissée seule, elle est enlevée par Ravana, que la danseuse a caractérisé en suggérant la présence de multiples têtes. Là, il y a eu une brutale ellipse, puisqu'on s'est retrouvé presqu'aussitôt à la fin de la guerre entre les démons d'un côté et Rama et les singes de l'autre. C'est seulement par les lumières qu'a été suggéré l'épreuve du feu que s'inflige Sita pour prouver sa vertu (cela a été presque furtif, pas du tout spectaculaire). Ensuite, la rumeur publique s'empare du bon sens de Rama qui envoie son frère abandonner Sita dans la forêt. Le public mumbaïte a laissé échapper quelques applaudissements lorsque Sita est brièvement sortie de scène (en pensant sans doute que cela signifiait la fin de la pièce) pour revenir aussitôt en ayant donné naissance à ses deux fils jumeaux. La fusion finale de Sita avec la Terre au moment où Rama venait la reprendre n'a été malheureusement suggérée que par les lumières.

C'est Tara, une autre femme du Ramayana, qui a été évoquée ensuite. Cela m'a semblé moins clair, la seule scène bien identifiable a été celle où Rama tue d'une flèche le singe Valin au cours du duel entre Valin et son frère Sugriva.

La dernière femme évoquée est Mandodari, l'épouse de Ravana. Essentiellement, on la voit jouir du luxe de Lanka, puis se lamenter de la mort de Ravana après qu'il a été tué par Rama.

Bien qu'il ne m'ait pas semblé entièrement satisfaisant, j'ai beaucoup apprécié ce récital, qui s'est conclu par les salutations traditionnelles dans un Mangalam.

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Les Enfants du paradis à Garnier (dernière)

2011-07-16 01:06+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-07-15

José Martinez, chorégraphie, adaptation

Marc-Olivier Dupin, musique

François Roussillon, adaptation

Ezio Toffolutti, décors

Agnès Letestu, costumes

André Diot, lumières

Arantxa Sagardoy, assistante du chorégraphe

Jean-François Verdier, direction musicale

Agnès Letestu, Garance

José Martinez, Baptiste

Florian Magnenet, Frédérick Lemaître

Vincent Chaillet, Lacenaire

Clairemarie Osta, Nathalie

Caroline Robert, Madame Hermine

Yann Saïz, Le Comte

Aurélien Houette, Avril, complice de Lacenaire

Arnaud Dreyfus, Jéricho, le marchant d'habits

Takeru Coste, Arlequin

Aurélie Bellet, Rigolette

Christelle Granier, Pamela

Charlotte Ranson, Desdémone

Sarah Kora Dayanova, La Ballerine

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Les Enfants du paradis, ballet en deux actes d'après le scénario de Jacques Prévert et le film de Marcel Carné

Approchez Mesdames et Messieurs. Pour la dernière fois ce soir, et sans majoration du prix des places : Les Adieux de José Martinez. C'est ce qu'un des personnages crie lors de la première scène Le boulevard du Temple. La première de cette reprise ayant été annulée (j'ai déjà reçu le virement de remboursement !), c'est donc uniquement à cette dernière que j'assiste. Je l'avais réservée dès qu'il avait été annoncé que José Martinez y danserait pour la première et dernière fois le personnage de Baptiste.

Je retrouve un ballet que j'avais aimé lors de sa création. Entretemps, j'ai vu le film de Marcel Carné (curieusement ; lors de la création, le ballet était d'après le scénario de Jacques Prévert, lors de cette reprise, c'est d'après le scénario de Jacques Prévert et le film de Marcel Carné). Tant qu'à faire, on aurait aussi pu recatégoriser l'ouvrage en ballet-pantomime, puisque pendant plus de deux heures, c'est quand même avant tout de pantomime qu'il s'agit. Il se trouve cependant quelques très beaux moments vraiment dansés.

Les rôles principaux sont tous interprétés de façon enthousiasmante voire très enthousiasmante. Bien sûr, il y avait le couple principal Agnès Letestu (Garance) et José Martinez (Baptiste), et les autres, mais ceux qui m'ont le plus impressionné sont Yann Saïz (Le Comte) et surtout Florian Magnenet (Frédérick Lemaître), dont on se demande s'il n'a pas été un peu inspiré par Ivan Vasiliev (en sautant un peu moins haut, certes). Le passage dansé le plus spectaculaire est le ballet à l'intérieur du ballet Robert Macaire où, accompagné par le corps de ballet, Frédérick Lemaître danse avec la Ballerine (Sarah Kora Dayanova). Il était décidément partout parce qu'à l'entr'acte, il mettait à mort Desdémone (Charlotte Ranson) au Théâtre du Grand Escalier, passage que j'ai mieux vu cette fois-ci, depuis le niveau des deuxièmes loges, même si un éblouissant chandelier m'a empêché d'apprécier la fin.

Du côté de la musique, on a l'impression d'entendre un remix de tout le répertoire (il y a par exemple quelques passages très mozartiens dans le premier acte). C'est indiscutablement agréable à écouter, le rythme est assez marqué et la musique est suffisamment répétitive pour qu'on soit entraîné par la musique. On entend quelques emprunts et citations (notamment le début de la musique de la pub' CNP : la Valse nº2 de la Suite pour orchestre de variété nº1 de Chostakovitch). Cependant, il y a aussi des transitions à la façon des musiques de film d'horreur qui sont à la limite du vulgaire. Que ce soit pour la musique ou la danse, on est loin d'assister à un ballet intellectualisant, on est plutôt dans le grand spectacle.

Les saluts ont été particulièrement émouvants pour cette dernière de José Martinez (qui reviendra comme étoile invitée l'année prochaine...). On a vu des lâchers de ballons aux couleurs de l'Espagne. Le danseur a été très longuement applaudi et il y a eu une énorme standing ovation. Vers la fin, il est même descendu triompher au milieu du public le long de l'allée au milieu du parterre (les strapontins n'étant pas utilisés puisque le personnage de Garance doit emprunter ce même chemin dans le ballet). Quelques ¡Olé!...

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Le Miami City Ballet au Châtelet

2011-07-15 00:24+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Théâtre du Châtelet — 2011-07-14

Miami City Ballet

Edward Villella, direction artistique

Orchestre Prométhée

Gary Sheldon, direction musicale

Maurice Ravel, musique (Valses nobles et sentimentales, La Valse)

George Balanchine, chorégraphie (1951)

Karinska, costumes

Jean Rosenthal, lumières

Jennifer Carlynn Kronenberg, Carlos Guerra

Isanusi Garcia-Rodriguez, la mort

La Valse

Frédéric Chopin, musique (quatre nocturnes pour piano, op. 27 nº1, op. 55 nº1 et 2, op. 9 nº2)

Jerome Robbins, chorégraphie (1970)

Anthony Dowell, costumes

Jennifer Tipton, lumières

Francisco Rennó, piano

Tricia Albertson, Didier Bramaz

Mary Carmen Catoya, Reyneris Reyes

Jeannette Delgado, Renato Penteado

In the Night

Igor Stravinski, musique (Symphony in Three movements)

George Balanchine chorégraphie (1972)

Karinska, costumes

John Hall, lumières

Katia Carranza, Carlos Guerra

Tricia Albertson, Daniel Baker, Patricia Delgado, Renan Cerdeiro

Symphony in Three Movements

J'ai décidé au dernier moment d'aller voir le Miami City Ballet au Châtelet : ce soir, il y avait un programme Balanchine/Robbins.

Le premier ballet, sur une musique de Ravel, était un fort agréable divertissement bourgeois. Des couples dansent la valse. Dans le couple principal, la danseuse se fait séduire par un homme en noir qui lui offre des bijoux et de nouveaux vêtements noirs. C'est la mort incarnée. Le ballet est tout juste divertissant, aucunement désagréable à voir, mais la musique interprétée par l'orchestre de jeunes Prométhée me plaît (jolis glissandos des harpes).

Le deuxième ballet est In The Night de Jerome Robbins que j'avais déjà vu dansé par des danseurs du ballet de l'opéra. Je n'ai plus de souvenir précis du décor d'alors. Celui du Miami City Ballet est peut-être un petit peu kitsch : on voit quelques étoiles briller dans le fond. Pour moi, le problème avec cette représentation a été le pianiste. Cela m'a paru très mécanique, sans nuances, bref cela manquait d'interprétation... au point que les deux premiers nocturnes joués m'ont paru presqu'insupportables (en temps normal, je ne suis déjà pas très friand de Chopin, alors là...). Comme la première fois, c'est surtout le pas de deux du troisième couple qui m'a plu, tout comme la quatrième et dernière partie où ils reviennent tous.

Le dernier ballet présenté a été Symphony in Three Movements de Balanchine, sur une musique du même nom de Stravinski. Lors le premier mouvement de cette symphonie, j'ai souvent pensé au Sacre du printemps (un peu plus loin, on trouve aussi un duo de bassons !). Le pianiste de l'orchestre aurait probablement été meilleur que le soliste entendu dans In The Night... Pour ce qui est de la danse, cela m'a fait un peu penser à Rubis (Joyaux) du même chorégraphe. Cela fait assez plaisir de voir les ensembles de danseurs évoluer de façon homogène sur le plateau. Pour le reste, je ne sais pas ce que ce ballet raconte. Vu les costumes, cela pourrait être des jeux plus ou moins sportifs (une sorte d'aérobic) situés sur une plage...

Sans me plaire ou m'étonner autant que d'autres compagnies invitées ici ou là (Ballet du Théâtre Bolchoï, Ballet de Hamburg, Béjart Ballet Lausanne, Ballet national de Chine, Ballet royal du Cambodge), le Miami City Ballet m'a fait passer une bonne soirée et j'ai été content de découvrir deux autres ballets de Balanchine.

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L'Anatomie de la sensation à Bastille

2011-07-02 23:51+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2011-07-02

Mark Anthony Turnage, musique (Blood on the Floor, 1994)

Wayne McGregor, chorégraphie

John Pawson, scénographie

Moritz Junge, costumes

Lucy Carter, lumières

Laïla Diallo, assistante du chorégraphe

Jérémie Bélingard, Mathias Heymann, Marie-Agnès Gillot, Dorothée Gilbert, Laurène Lévy, Audric Bezard, Alice Renavand, Josua Hoffalt, Myriam Ould-Braham, Simon Valastro, Aurélie Dupont

Ballet de l'Opéra

Ensemble Intercontemporain

Peter Rundel, direction musicale

John Parricelli, guitare électrique

Peter Erskine, batterie jazz

Martin Roberston, saxophone, clarinette

Michel Benita, guitare basse

Willi Bopp, son

L'Anatomie de la sensation, pour Francis Bacon (création)

Je n'avais pas prévu d'aller à la création de L'Anatomie de la sensation, pour Francis Bacon de Wayne McGregor. Elle devait avoir lieu vendredi dernier, en même temps que la première de la reprise des Enfants du paradis. J'avais choisi cette dernière, mais les deux représentations ont été annulées en raison d'une grève des personnels de l'Opéra à propos de leur régime spécial de retraites.

La deuxième représentation, prévue samedi à 14h30, a également été annulée par manque de répétitions. Mon billet pour cette troisième représentation m'a donc permis, par hasard, d'assister à la création du ballet. Celle-ci a été retardé d'une bonne dizaine de minutes pour faire rentrer les nombreux retardataires (l'entrée dans l'Opéra Bastille n'étant pas facilitée les mesures de sécurité inquisitoriales associées à une manifestation qui avait lieu sur la place de la Bastille à propos de la Côte d'Ivoire).

Ce ballet ne m'a procuré aucune émotion. Ni adhésion, ni rejet. Juste un vide. La musique de Mark Anthony Turnage (1994) n'est pas extraordinaire non plus. Que ce soit dans la musique ou dans la chorégraphie, on ne voit pas du tout où cela mène. Dans la musique, quelques passages pas désagréables du tout grâce à la guitare électrique, mais cela ne fait que deux ou trois numéros sur les neuf parties de la partition et du ballet. La seule chose qui m'ait plu, c'est la scénographie. Le décor est constitué de deux grands panneaux blancs verticaux qui peuvent tourner. Ce serait plus précisément deux éléments comprenant chacun deux panneaux blancs reliés le long d'un côté commun (vertical), les panneaux formant un léger angle (qui est peut-être variable, je ne suis pas sûr d'avoir bien vu). Cela m'a laissé légèrement dubitatif au début, mais par la suite, les lumières et les rotations des panneaux ont créé de très belles configurations, dans lesquelles les danseurs passaient parfois de la lumière à la pénombre.

Autant chez Anna Teresa de Keersmaeker, on peut croire qu'il y a une organisation subtile derrière le désordre apparent, autant ici, tout semble aléatoire, comme passé par un générateur automatique de chorégraphies. Il y a bien eu quelques moments peu déplaisants, mais dans l'ensemble, je trouve que c'est assez mauvais. Comment un chorégraphe peut-il faire en sorte qu'on ait des difficultés à reconnaître Myriam Ould-Braham ?! Parmi les danseuses dont j'arrive à retenir quelques images de ce spectacle, il y a Marie-Agnès Gillot, Alice Renavand et Aurélie Dupont. (J'avais d'ailleurs pris cette place en plus de mon abonnement pour voir Aurélie Dupont qui revient dans cette série de représentation après un congé de maternité. On la voit en tout moins de dix minutes...)

J'avais mal lu la fiche de distribution et pensais que l'œuvre ne comportait que huit parties. Quand Alice Renavand et Josua Hoffalt ont terminé leur partie Crackdow, je pensais que c'était terminé. La neuvième et dernière partie Dispelling the Fears a été un quasi-supplice pour moi, parce que d'une part la musique me déplaisait franchement, et d'autre part il y avait un voile à l'avant-scène qui faisait qu'on ne distinguait plus grand'chose de ce qui se passait sur la scène (qui était faiblement éclairée).

Bref, c'est sans aucune doute ma plus mauvaise expérience de spectateur avec le Ballet de l'Opéra. La seule autre fois où j'étais sorti vraiment peu enthousiaste, c'était pour la soirée Amoveo/Répliques/Genus des chorégraphes Millepied/Paul/McGregor. Pourtant, ce soir-là, j'avais plutôt apprécié Genus...

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Lavanya Ananth au Centre Mandapa

2011-06-29 01:23+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2011-06-28

Lavanya Ananth (disciple de Sri Rajaratnam Pillai, Smt. K. S. Sarosa et Padmabushan Smt. Kalanidhi Narayanan), bharatanatyam

Je suis allé aujourd'hui pour la première fois au Centre Mandapa, à l'occasion d'un récital de bharatanatyam de Lavanya Ananth. Ce spectacle a été une de mes toutes meilleures expériences de spectateur de ce style de danse.

La salle de spectacle accueille environ 40-50 personnes. La scène est d'une étendue assez réduite, mais est toute entière offerte à la danseuse puisque la musique est enregistrée. Une sculpture de Shiva-Nataraja et quelque bâtonnet d'encens sont néanmoins sur le côté droit de la scène, comme il est de coutume.

(L'orthographe des noms des différentes pièces sera approximative... La première est Netanjali, une pièce de danse pure comportant quelques passages purement rythmiques. La première impression est fabuleuse. La danseuse ne fait pas preuve de virtuosité gratuite. Si sa danse s'accélèrera parfois jusqu'à ne laisser paraître que furtivement certaines poses, elle n'est jamais heurtée ou saccadée. Quand il le faut, elle sait en effet maintenir ses pieds presqu'immobiles alors que le haut du corps travaille, mais dans ses pas, elle fait également preuve d'une éblouissante musicalité (et ce malgré l'écho qui brouille quelque peu l'audition de la musique). À cette pièce s'enchaîne la deuxième, Ambashtuti, qui évoque plusieurs formes de la déesse (sous les noms de Parvati, Kali, Sarasvati, Mohini, etc.). Sans être exactement narrative, cette pièce illustre différents aspects de la déesse de façon très visuelle. On la voit tour à tour sous une forme séduisante, terrible, guerrière ou musicienne (Sarasvati, joueuse de vîna). (Quelques passages rythmiques très dynamiques dans cette pièce.) Si le spectacle s'était arrêté là, j'en eusse déjà été fort satisfait !

La pièce principale est bien sûr un Varnam. Il est question d'une jeune femme qui se languit, non pas de Krishna, mais de Shiva-Nataraja. C'est donc une version shivaïte de l'assimilation de la dévotion à une relation amoureuse, ou encore d'un parallèle avec les amours divines. La jeune femme a d'abord l'impression d'être délaissée. Un archer, est-ce Kama-Cupidon ? lance ses traits. La fin évoquant le foisonnement printanier de la nature est assez tumultueux. Je ne l'ai pas reconnue dans le développement, mais dans l'introduction était évoquée parmi les créatures de la nature, celle du paon. Peut-être s'agissait-il d'une référence à une légende liée au temple Kapaleshwarar assimilant Parvati éprise de Shiva à une paonne ? Seul regret par rapport à ce Varnam, le passage rythmique beaucoup trop long qui est intervenu peu après le début.

La pièce suivante est intitulée Jagadotarana. Elle évoque l'enfance de Krishna à travers le personnage de Yashoda, la mère adoptive de Krishna. La façon dont la danseuse passe successivement d'un personnage à l'autre est stupéfiante. Son attitude, l'expression de son visage, son regard passant d'un extrême à l'autre à chaque changement de personnage. Tantôt elle est la mère, qui joue avec le très jeune enfant ou le gronde, tantôt elle est une sorte de narrateur extérieur, tantôt elle semble évoquer des exploits du jeune Krishna relatés notamment dans le Harivamsha (j'ai cependant été surpris que l'épisode du pot de beurre n'ait pas été évoqué). Sait-elle que son fils est le Dieu universel ? Apparemment non, elle est tout à son amour maternel.

Comme dans la pièce précédente, la suivante ne contiendra pas de passages rythmiques. Celle-ci évoque encore un amour avec un Dieu, cette fois-ci Padmanabha (dont j'ignorais avant de rechercher à l'instant ce nom sur Wikipedia que c'était un des noms de Vishnu). La fille est vraiment trop jeune. Elle repousse le dieu fort entreprenant. Elle lui dit néanmoins qu'il pourra revenir, quand elle sera plus grande...

La dernière pièce du récital m'a semblée superbe. On retrouve quelques brefs passages rythmiques insérés dans une évocation d'Ardhanarishvara, une représentation androgyne de Shiva et Parvati (dont je me souviens avoir vue lors d'une visite à la galerie des bronzes au Government Museum à Chennai lors de mon deuxième voyage en Inde). La moitié gauche est Parvati, la moitié droite est Shiva. Dans cette pièce (dont la partie chantée est sur un texte d'Adi Shankara), la danseuse a montré de façon saisissante le contraste entre les deux parties. Cela m'a permis de valider quelques éléments du bharatanatyam que j'avais conjecturés depuis un certain temps déjà, comme la façon de représenter la chevelure de Shiva comme une menaçante ondulation des mains de part et d'autre de la tête (exécutée ici bien évidemment uniquement du côté droit).

Je n'ai pas vu passer le temps lors des quelque deux heures du récital ! J'espère que j'aurai à nouveau l'occasion de voir cette danseuse, ou à défaut d'autres ayant des styles semblables.

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Gangâ à Sucy-en-Brie

2011-06-19 23:31+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Au bout de l'Allée des Berges, Sucy-en-Brie — 2011-06-19

Brigitte Chataignier, Hélène Marionneau, Mallika Thalak (Compagnie Prana), danse

Brigitte Chataignier, direction artistique et chorégraphique

Zéno Bianu, texte, voix

Alain Kremski, musique, piano et bols chantants

Denis Gambiez, réalisation sonore

Philippe Lacroix, scénographie

Joe Ikareth, costumes

Sylvain Labrosse, régie plateau

Brigitte Prost, aide dramaturgie

Gangâ

Je suis retourné au festival de l'Oh ce dimanche après-midi. Cette fois-ci, c'est à Sucy-en-Brie, à un kilomètre environ de la station de RER. J'arrive un peu avant une conférence-débat Les paysans indiens face aux techniques modernes avec Esha Shah, ingénieure environnementale et anthropologue, qui s'est intéressée au phénomène du suicide des paysans en Inde. Dans son exposé, elle a présenté quelques aspects de la Révolution verte en Inde, entreprise à partir du milieu des années 1960. Elle a expliqué que paradoxalement, ce ne sont pas les paysans les plus pauvres qui se suicident : ce sont plutôt ceux qui, ayant terrains, machines et main d'œuvre, n'arrivent plus à exporter du fait de la concurrence internationale et ne parviennent plus à rembourser leurs dettes. Des expérimentations prometteuses ont été faites pour retourner à une agriculture sans pesticides, mais cela reste encore très minoritaire.

La dernière représentation du spectacle Gangâ a lieu ensuite. Le décor s'inscrit dans le cadre naturel de ce bord de Marne. Avant la représentation, les danseuses balayent le praticable en bois avec des balais de brindilles typiquement indiens. Au piano électronique, Alain Kremski, dont j'avais tant aimé Melancolia créé à Pleyel il y a un mois, se dégourdit les doigts en jouant quelques mesures de la Première Gymnopédie (Satie).

Le spectacle commence. Il met en scène trois danseuses en kurta-pyjamas (jaune, bleu et rouge) et un récitant-poète. Le texte, quasiment chuchoté, est une poésie rimée évoquant la Gangâ dans un style dépouillé et hermétique. Il ne m'en reste presqu'aucun souvenir, si ce n'est une énumération de villes et villages où passe la Gangâ (ou certains de ses affluents, puisque Kedarnath apparaissait dans cette liste). À de nombreux moments, vu l'extrême lenteur des mouvements, on est vraiment à la limite de la danse. Il faut quand même noter la difficulté qu'il doit y avoir à maintenir certaines postures pendant de longues secondes, alors que le vent s'immisce dans cette représentation en plein air.

La chorégraphe Brigitte Chataignier (que j'avais trouvée plus convaincante en danseuse de mohiniattam) utilise dans sa chorégraphie contemporaine des éléments issus des danses indiennes : mouvements rythmiques des pieds, langage des mains et des bras (évocation des poissons, des éléphants, etc). Curieusement, quand elle prend une posture qui ne peut vraisemblablement être que celle de Shiva-Nataraja, son bras gauche est orienté vers le bas alors qu'usuellement, il serait être tourné vers la droite, quasi-flasque, faisant penser à une trompe d'éléphant. Dans une scène parlée (mais inaudible) dans une langue indéterminée, il semble que les danseuses reproduisent une scène de lavandières travaillant au bord de la rivière. Plus loin, on les verra danser de façon plus enjouée sur une musique enregistrée Bollywood, circa 1950 ; ce sera le seul passage que l'on pourrait qualifier de pas de trois.

Parmi les moments saisissants, celui où la danseuse en bleu Hélène Marionneau trempe sa longue chevelure dans un mini-bassin carré placé au fond de la scène, puis se dresse, projetant ses cheveux vers l'arrière, décochant de multiples gouttelettes. La troisième danseuse (en jaune) Mallika Thalak m'a semblé particulièrement à l'aise avec les éléments de la chorégraphie provenant du bharatanatyam, en commençant par un port de tête exquisement gracieux.

La réalisation sonore de Denis Gambiez reproduit l'ambiance de scènes réelles enregistrées au bord de la Gangâ. J'ai trouvé que cela avait une importance un peu trop grande par rapport à la musique interprétée par Alain Kremski. Celle-ci se termine tout en beauté par l'utilisation de bols chantants, des instruments à percussions tout en résonance.

Globalement, le spectacle m'a un peu plu, mais sans m'enthousiasmer au plus haut point.

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“Rencontres avec le Gange”

2011-06-15 02:57+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Le Moulin Brûlé, Maisons-Alfort — 2011-06-14

Sanjip Dasgupta, sarod

Raga Desh

Brigitte Chataignier, danse

Deux pièces de Mohiniattam

À la suite de deux exposés épuisants (51 transparents en deux heures) et bien que faisant ainsi je manquais le cocktail de cette école d'été (sic), je me suis précipité à Maisons-Alfort pour aller écouter une conférence à propos de la Ganga comme me l'avait suggéré un des organisateurs, par ailleurs lyricomane.

La conférence a lieu au Moulin Brûlé, situé sur l'île de Charentonneau au bord de la Marne. Elle est précédée par deux programmes culturels.

Cela commence par un Raga de la saison des pluies (la post-traduction en français a été plus que fantaisiste sur ce point-là !) : Raga Desh, interprété au sarod par Sanjip Dasgupta, originaire de Kolkata. Le début fait penser à une traduction dans cet instrument de ce qui se fait dans la musique vocale hindustani. Pendant la première partie, les suites de notes jouées commencent systématiquement par les mêmes deux premières notes (du grave vers l'aigu). Les notes suivantes se compliquent au fur et à mesure que l'on avance. L'interprète utilise une technique élaborée de vibrato. Dans la musique carnatique, j'ai très souvent vu des violonistes jouer une note, puis faire monter le son vers l'aigu ou le grave en faisant glisser amplement le doigt de la main gauche vers le haut ou vers le bas. Il me semble que le geste n'était jamais que dans une seule direction. Ce que fait l'instrumentiste de ce soir est plus évolué : après avoir fait vibrer la corde, il peut déplacer le doigt dans une direction pour faire baisser la hauteur, puis, sans relancer la vibration de la corde, faire repartir son doigt dans l'autre direction. Plus tard, l'interprétation se fait plus virtuose et le musicien est rejoint par un tabliste (que la faible amplification de l'instrument ne permettra pas véritablement d'entendre). La sonorité du sarod (que je n'avais entendu qu'au disque) est une très belle découverte.

Ensuite, la danseuse Brigitte Chataignier entre en scène pour interpréter deux courtes pièces de Mohiniattam, la danse traditionnelle féminine du Kerala (que je n'avais vue qu'une fois lors des vingt-quatre heures du Raga). Comme il m'avait semblé la première fois, les mouvements et posture des mains rappellent ceux du bharatanatyam. Les pieds semblent avoir essentiellement un rôle rythmique (grelots aux chevilles), l'essentiel étant fait par le haut du corps. On est très loin de la recherche d'effets et de vitesse que l'on observe parfois dans le bharatanatyam. De façon amusante, il semble que comme dans la danse/théâtre du Kerala, le kathakali, un effort particulier soit porté sur l'expression faciale, par le contrôle le plus individualisé que possible des muscles faciaux (permettant de faire bouger un sourcil en maintenant le reste du visage impassible...). La première pièce était sur le Raga Cakravaka et se finissait par une prière à Shiva et Parvati, des divinités qui ont été presque furtivement évoquées dans la chorégraphie.

La deuxième pièce est un Padam (Raga Ahari ?). L'annonce du thème m'a presque fait sursauter tant il est typique : une femme se languit de Vishnu auprès de sa confidente (le Dieu est désigné par un nom inconnu de moi, peut-être parce que c'était en malayalam ?). Ce dernier sera évoqué dans la chorégraphie sous la forme où on le voit couché sur l'océan cosmique. Quand le dieu Kama lui lancera des flèches, on se serait cru dans Armide et Renaud, ballet à l'intérieur du ballet Flammes de Paris. La femme se fera ensuite aussi belle que possible pour aller à la rencontre du Dieu. Cette danse étant lente et dépourvue de spectaculaire, il me semble a priori extrêmement délicat de l'interpréter de façon convaincante. Pourtant, j'ai été assez convaincu par cette danseuse.

La conférence, qui devrait être faite par Veer Bhadra Mishra, est faite par un autre responsable de la Sankat Mochan Foundation : Prof. S. N. Upadhyay. Il commencera par expliquer le sens religieux de la Ganga pour les hindous (expliquant curieusement que les habitants de Varanasi n'en sont pas, puisqu'ils pratiqueraient le Sanatana Dharma). Sur les transparents de la présentation, on peut lire un certain nombre de śloka sanskrits avec ou non une traduction en anglais. (Il y avait une traduction simultanée en français sur écouteurs, mais j'ai préféré écouter la VO.) Du côté de la mythologie, il a fait référence à la légende suivante qui est notamment racontée dans le premier livre du Rāmāyaṇa (pour plus de détails, voir mon résumé...) :

Ils se dirigent maintenant vers Mīthilā, le royaume de Janaka. Durant ce trajet, Viśvāmitra raconte de nombreuses histoires, notamment celle de la traversée des mondes de la Gaṅgā pour rejoindre l'océan. Le roi Sagara avait obtenu de Bhṛgu une nombreuse descendance par ses austérités : sa première épouse eut un fils Asamañja et sa deuxième épouse préféra donner naissance à soixante mille fils. Sagara voulut célébrer un sacrifice de cheval, mais Indra vola le cheval, ce qui devait plonger Sagara dans le malheur. Il demanda à ses fils de retrouver le cheval : ils parcoururent la surface de la terre, puis creusèrent, creusèrent, à tel point que la terre (identifiée à l'épouse de Viṣṇu) se mit à crier. Aux extrémités des mondes souterrains, ils rencontrèrent les énormes éléphants gardiens des points cardinaux. Mais Brahmā avait tout prévu : les soixante mille fils de Sagara devaient être brûlés par l'ardeur de Viṣṇu qui avait pris la forme du sage Kapila. Le petit-fils Aṃśumān de Sagara par Asamañja était un homme bon, son grand-père lui donna la mission de retrouver ses soixante mille oncles et de retrouver le cheval du sacrifice. Il fallait procéder aux rites funéraires de ces soixante milles hommes ; la solution fut trouvée par Bhagīratha, le petit-fils d'Aṃśumān : satisfait de son ascétisme, Brahmā fit tomber les eaux de Gaṅgā sur la chevelure de Śiva. Guidée par Bhagīratha, Gaṅgā finit par s'écouler sur la terre et atteindre l'océan et les mondes souterrains pour submerger les cendres des fils de Sagara.

L'embouchure de la Ganga, au Sud de Kolkata, est justement voisine de l'île de Gangasagar. Il s'y trouve un temple qui fait référence à cette légende (mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'y aller). C'est aussi pour cette raison qu'une des deux rivières qui confluent à Devprayag pour former la Ganga s'appelle la Bhagirathi.

Il a expliqué l'état désastreux de pollution de la Ganga (et du Varuna et de l'Assi) autour de Varanasi, la principale source de pollution étant les nombreuses évacuations d'égoûts directement raccordées au fleuve. Il a expliqué le projet de sa fondation de construire une canalisation passant sous les ghats et dans laquelle les égoûts se déverseraient plutôt que dans le fleuve, cette canalisation acheminant les eaux usées jusque sur un terrain situé au Nord Est de la ville (au prix peut-être du détournement d'un petit bras du fleuve, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris), ce terrain (appartenant au gouvenement) pouvant accueillir un certain nombre de bassins de décantation et de retraitement (par des moyens naturels). La raison pour laquelle Veer Bhadra Mishra n'était pas présent était justement qu'il devait discuter auprès du gouvernement central de ce projet. Un autre projet-test de retraitement des eaux usées a également été évoqué : sous-dimensionné, il sera situé en amont du fleuve, non loin de la Banaras Hindu University.

Le Festival de l'Oh (centré cette année autour de la Ganga) continue ce week-end...

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Rain à Garnier

2011-05-27 00:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-05-26

Steve Reich, musique (Music for eighteen musicians pour ensemble avec voix, 1976)

Anne Teresa De Keersmaeker, chorégraphie (2001)

Jan Versweyveld, décors et lumières

Dries Van Noten, costumes

Aouatif Boulaich, Anne-Catherine Kunz, assistante aux costumes

Jakub Truszkowski, responsable des répétitions

Marta Coronado, Cynthia Loemij, Ursula Robb, Clinton Stringer, répétitions

Fumiyo Ikeda, Elizaveta Penkova, Taka Shamoto, Igo Shyshko collaboration aux répétitions

Ensemble Ictus

Synergy Vocals

Georges-Elie Octors, direction musicale

Alex Fostier, ingénieur du son

Florian Magnenet

Amandine Albisson

Sarah Kora Dayanova

Christelle Granier

Laurence Laffon

Marc Moreau

Charlotte Ranson

Caroline Robert

Adrien Couvez

Juliette Hilaire

Rain

Rain est la deuxième pièce d'Anna Teresa de Keersmaeker que je vois après Zeitung au Théâtre de la Ville en 2009. Je ne suis pas excessivement enthousiaste après la deuxième représentation de Rain par le corps de ballet de l'Opéra de Paris. Les dix danseurs sont en effet sujets, coryphées ou quadrille. On voit ainsi de nombreux danseurs qu'on ne voit pas forcément souvent dans des rôles importants. Malheureusement, ce n'est pas aujourd'hui que j'avancerai dans la connaissance du trombinoscope du corps de ballet, n'ayant identifié distinctement que Charlotte Ranson et Florian Magnenet...

C'est une banalité de le dire, mais la musique de Steve Reich est répétitive. Elle met en scène 18 musiciens. (En fait, il y en avait 19 avec le chef qui jouait aussi occasionnellement d'un instrument.) Dans la fosse, on aperçoit quatre pianos et un nombre invraisemblable de xylophones (et quelque vibraphone). Un violon, un violoncelle, des clarinettes, des chanteuses, des maracas. Les pianos ont une utilité mélodique, mais ils servent aussi d'instruments à percussions. On en joue simultanément jusques avec douze mains ! Malgré la sonorisation et un ingénieur du son crédité, on lit dans le programme que la représentation de cette œuvre ne nécessiterait que des instruments acoustiques, ce que j'ai du mal à croire, n'ayant pas compris l'origine de certains effets sonores. La musique est répétitive, mais pourtant on a bien l'impression d'un certain mouvement autour d'un motif rythmique de base, qui au début des sections n'est pas énoncé immédiatement, mais progressivement, chaque répétition développant un peu plus ce qui était laissé en suspens avant. On perçoit à un moment donné un retour au début de l'œuvre...

La chorégraphie mobilise les dix danseurs, qui sont rarement immobiles. Plutôt marcher ou courir que ne rien faire. Ils évoluent sur un décor de forme ovale délimité par réseau de cordes pendues à une armature. Au sol, de nombreuses lignes et points sont marqués en de diverses couleurs. Elles serviraient d'indications de placement pour les danseurs. La danse est très physique (courses, roulades, sauts, mouvements isolés qui semblent inspirés du hip-hop, etc.), elle paraît très compliquée dans son organisation et périlleuse dans les moments d'effleurements ou de contacts entre les danseurs. Je ne sais pas si c'est fait exprès, mais tout a été comme si les fermetures-éclair avaient lâché dans le dos de deux danseuses.

Depuis ma quatrième loge de côté quasiment de trois-quarts, je vois pratiquement toute la scène. Le problème, c'est que c'est une vue d'en-haut. Comme cela avait été mon cas pour Zeitung de cette chorégraphe, je pense qu'il faudrait voir cette pièce depuis un angle rasant pour mieux apprécier le travail des danseurs. Vu d'en-haut, on a parfois l'impression de voir de très loin des sportifs en train de faire de l'exercice dans un gymnase omnisport (avec des marques au sol diverses et variées pour délimiter des zones particulières à différents sports). Impression fausse vu la difficulté des figures exécutées.

À certains moments de la chorégraphie, les dix danseurs se regroupent tous ensemble, agglutinés en quelque lieu de la scène, puis se dispersent pour repartir de plus belle. On ne comprend pas toujours très bien ce qui se passe. Dans les ensembles (où tout paraît le plus souvent asymétrique), on distingue néanmoins au moins deux pas de trois, un mettant en scène les trois danseurs hommes et un autre avec une femme et deux hommes. Dans celui-là, j'ai apprécié la performance de Charlotte Ranson.

Par moments, les mouvements des corps m'ont un peu fait penser à ceux chorégraphiés par Pina Bausch (mais en plus fluide) et à ceux vus plus récemment chez Mats Ek (mais en plus organisé).

Ailleurs : Blog du petit rat, Danses avec la plume, Blog à petits pas.

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Dernière du Bolchoï à Garnier

2011-05-15 21:56+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Grâce à des échanges de places entre balletomanes et à une place à 8€ achetée jeudi aux guichets (il en restait encore de convenables), j'ai pu revoir les deux programmes proposés par le Bolchoï à Garnier.

J'ai revu Don Quichotte jeudi dernier dans une distribution différente que mardi. C'est une question de goût, mais à l'interprétation de Natalia Osipova dans le rôle de Kitri, j'ai préféré celle d'Ekaterina Shipulina (qui incarnait la Reine des Dryades mardi et que j'ai aussi préférée dans ce rôle à Anna Nikulina qui l'interprétait jeudi). Certes, elle saute moins haut, tourne moins vite sur elle-même que Natalia Osipova, mais hors de la danse pure, elle incarne bien davantage son personnage et lui faisant exprimer bien plus d'émotions. Dans le rôle de Basilio, Alexandr Volchkov est moins impressionnant qu'Ivan Vasiliev : moins de tours dans les sauts. Cependant, si je n'avais pas vu ce dernier avant, j'aurais trouvé cette prestation plus que satisfaisante ! Cependant, il ne donnait pas une impression de facilité dans les portés et on a eu quelques frayeurs lorsqu'il a dû porter sa partenaire d'une seule main ou quand elle saute vers l'avant pour retomber dans ses bras.

Cet après-midi, c'était la dernière des Flammes de Paris, avec encore Osipova/Vasiliev. Vu la proximité de ma première loge de côté, je me suis passé des jumelles. Cette fois-ci, j'ai été moins gêné par les détails de la pantomime que j'avais trouvés exagérés la première fois. Pour le reste, on a encore eu un Vasiliev volant au deuxième acte. Dans les autres rôles, il y avait cette fois-ci Anna Rebetskaya dans le rôle d'Adeline. Son attitude m'a paru un peu plus patricienne que celle de Nina Kaptsova dans le même rôle. Comme le vendredi 6 mai, son amoureux est joué par Viacheslav Lopatin, dont la danse m'a plus passionné vue de près. Bizarremment, je n'ai pas eu le même effet avec le rôle de Mireille de Poitiers/Armide, dansé cet après-midi par Nina Kaptsova. Cela m'a pourtant bien plu, mais il n'y avait plus l'effet de surprise procuré par une technique que je n'avais jamais vu la première fois. La danse des furies est toujours un moment savoureux de ce ballet dans le ballet.

Si j'ai été largement rassasié avec deux places pour chacun des deux programmes de cette tournée, je regrette un peu de n'avoir pas eu l'occasion de voir Maria Alexandrova.

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Don Quichotte par le Bolchoï

2011-05-11 00:52+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-05-10

Ballet du Théâtre du Bolchoï

Orchestre Colonne

Pavel Sorokin, direction musicale

Ludwig Minkus, musique

Marius Petipa et Alexandre Gorski, chorégraphie

Nouvelle version d'Alexeï Fadeyechev (1999)

Mikhaïl Tsivin, assistant du chorégraphe

avec des danses chorégraphiées par Kasyan Goleizovsky, Rostislav Zakharov et Anatoly Simachev

Sergeï Barkhin, décors

Costumes d'après Vasily Diyachkov (1903)

Tatiana Artamonova et Yelena Merkurova, réalisation des costumes

Natalia Osipova, Kitri

Ivan Vasiliev, Basilio

Alexeï Loparevich, Don Quichotte, chevalier errant

Alexandr Petukhov, Sancho Pança, son écuyer

Denis Savin, Gamache, un riche noble

Anna Rebertskaya, Olga Kishneva, Juanita et Piccilia, deux amies de Kitri

Andreï Merkuriev, Espada, un toréador

Anna Leonova, La Danseuse de rue

Kristina Karaseva, Mercedes

Egor Simachev, Lorenzo, aubergiste, le père de Kitri

Anastasia Vinokur, Sa femme

Alexeï Fadeechev, Le Duc

Olga Suvorova, La Duchesse

Roman Simachev, Le Patron de la taverne

Ekaterina Shipulina, La Reine des Dryades

Yulia Grebenshchikova, Olga Marchenkova, Angelina Vlashinets, Trois Dryades

Svetlana Pavlova, Yulia Lunkina, Maria Prorvich, Maria Vinogradova, Quatre Dryades

Nina Kaptsova, Cupidon

Ekaterina Barykina, Liudmila Ermakova, Anna Balukova, Danse espagnole

Anna Antropova, Danseuse gitane

Anna Balukova, Anton Savichev, Boléro

Anna Tikhomirova, Première variations du Grand pas

Anna Nikulina, Seconde variation du Grand pas

Don Quichotte, ballet en un prologue et trois actes d'après le livret de Marius Petipa inspiré du roman El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha de Cervantès

C'était ce soir la première de Don Quichotte par le Bolchoï. J'en sors avec globalement les mêmes impressions que pour Flammes de Paris. S'il y a une histoire, ce n'est qu'un prétexte pour faire place à des danses virtuoses. Dans ce ballet-ci, les costumes sont particulièrement riches et variés. La musique est de Minkus... L'homologue du ballet dans le ballet est ici un épisode rêvé qui est une scène en blanc (avec toutefois un peu de couleur) dans lequel Don Quichotte rêve de Dulcinée et de dryades (on y voit aussi un adorable Cupidon). C'est très beau, cela met en valeur davantage de solistes que Flammes de Paris. Il est impossible pour moi de tous les retenir. Je retiendrai cependant qu'on a vu à un moment une danseuse d'une souplesse invraisemblable courber le dos vers l'arrière de façon à ce que sa tête vienne presque toucher le sol...

Sinon, il y avait bien sûr Natalia Osipova et Ivan Vasiliev, dont les prouesses physiques éclatent cette fois-ci au troisième acte. J'ai même une impression de déjà-vu. On reverra ainsi Osipova refaire des tours sur elle-même assez semblables à ceux qu'elle faisait dans deuxième acte de Flammes de Paris. Mais quand elle s'est jetée quand les airs pour retomber dans les bras d'Ivan Vasiliev ou quand ce dernier a porté sa partenaire d'une seule main (voire sans les mains), le public a été parcouru d'un frisson. Il a été encore une fois émerveillé par ce danseur, très très copieusement applaudi lors des saluts à l'issue de ses variations.

Tout cela serait parfait s'il y avait aussi un peu d'émotion qui ne soit pas liée uniquement à la danse pure...

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Le Bolchoï enflamme Paris

2011-05-07 00:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-05-06

Ballet du Théâtre du Bolchoï

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Pavel Sorokin, direction musicale

Boris Asafiev, musique

Alexeï Ratmansky, chorégraphie d'après Vasili Vainonen

Alexandr Belinsky, Alexeï Ratmansky, livret d'après le livret original de Nikolaï Volkov et Vladimir Dmitriev, inspiré du roman historique Les Rouges du Midi de Felix Gras

Ilya Utkin, Evgeny Monakhov, scénographie

Yelena Markovskaya, costumes

Damir Ismagilov, lumière

Iouri Burlaka, dramaturgie musicale

Natalia Osipova, Jeanne, fille de Gaspard et Lucille

Viacheslav Lopatin, Jérôme, son frère

Ivan Vasiliev, Philippe, un Marseillais

Iouri Klevstov, Le Marquis Costa de Beauregard

Nina Kaptsova, Adeline, sa fille

Ekaterina Kryssanova, Mireille de Poitiers, une actrice

Artem Ovcharenko, Antoine Mistral, un acteur

Yulianna Malkhasyants, Jarcasse, une vieille femme

Alexandr Vodopetov, Gilbert, capitaine des Marseillais

Ruslan Skvortsov, Le roi Louis XVI

Olga Suvorova, La reine Marie-Antoinette

Alexandr Petukhov, Gaspard, un paysan

Natalia Novikova, Lucille, sa femme

Chinara Alizade, Amour

Olga Kishneva, L'Apparition de la fiancée

Flammes de Paris, ballet en deux actes et quatre tableaux

Le sentiment d'avoir vu quelque chose d'extraordinaire, mais pas pour autant exempt de reproches.

Dans ce ballet Les Flammes de Paris de Ratmansky (d'après l'original créé en URSS en 1932), l'histoire est extrêmement facile à suivre. Tout est parfaitement clair, et la musique on ne peut plus pompière (contrastes d'ambiances : chants révolutionnaires pour les révolutionnaires, lullysmes pour les nobles). La gestuelle et le visage des danseurs n'expriment que des émotions primitives, exagérées, on se croirait presque dans un film muet... passé en accéléré parce que les mouvements des corps se font à une vitesse folle.

Outre cette rapidité d'éxécution, je suis impressionné par les nombreuses figures que je n'avais je crois jamais vu faire par les danseurs du Ballet de l'Opéra. La technique est différente et elle me semble mettre surtout en valeur les danseuses. Le plus beau passage de ce premier acte se trouve dans le ballet dans le ballet Armide et Renaud (dont je connaissais à peu près l'histoire grâce à mes souvenirs de l'opéra de Lully). L'histoire est très lisible : de ses flèches, l'Amour enflamme le cœur des ennemis Armide et Renaud. Plus tard, quand Renaud essaiera de fuir par la mer, elle le fera périr grâce à sa magie (danse des furies). Outre la gracieuse interprète du rôle d'Amour, cette partie met en valeur Ekaterina Kryssanova (Armide). Elle impressionne par sa technique de rotation sur un pied tendu en pointe jambe fléchie (du jamais-vu pour moi).

Ceci se passait bien sûr chez les nobles. Le deuxième acte montre le début de la Terreur. On guillotine du noble, dont la malheureuse Adeline qui aimait un des combattants, Jérôme, qui n'arrivera pas à la sauver. Le pas de deux entre ces deux personnages est le seul moment vaguement émouvant du spectacle. Pour le reste, on apprécie aussi les danses de caractères du corps de ballet. C'est très vif. Les danseurs-garçons se mettent plus en valeur dans le deuxième acte qu'au premier.

Ce qu'on retiendra surtout de ce deuxième acte, c'est la démonstration de virtuosité des deux principaux solistes de la soirée : Natalia Osipova (Jeanne) et Ivan Vasiliev (Philippe). La première réalise pirouettes et fouettés à très vive allure. Les sauts réalisés au premier acte étaient déjà assez spectaculaires. C'est virtuose, mais cela ne traduit aucunement quelque sentiment que ce soit dans le cœur du personnage. La grande révélation de la soirée, incroyablement applaudi par le public en délire, c'est Ivan Vasiliev. Quel athlète ! Jamais je n'ai vu un danseur sauter aussi haut. Et en plus il tourne sur lui-même de toutes les manières qui soient, retombe gracieusement sur ses pieds, on ne se demande bien comment ! Les clameurs montent du public presque à chaque saut triomphalement exécuté. Une grande prouesse physique, mais pas vraiment au service d'une histoire...

La scénographie est plutôt réussie. Elle comporte plus d'effets que l'on en trouve d'ordinaire dans les ballets représentés à Garnier. Pourtant, malgré tous ces effets, presque tout le rectangle du plateau de scène reste pratiquement en permanence vide de tout accessoire ou élément de décor. Cela donne l'impression que l'on pourrait danser un peu n'importe quoi dans cet espace... Parmi les jolies choses vues, un effet de lumière représentant un quadrillage 3×3 permettait de signifier que le personnage de Jérôme était mis en prison.

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Myriam Ould-Braham en Juliette

2011-05-01 13:19+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2011-04-30

Sergueï Prokofiev, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, réglées par Patricia Ruanne et Frederick Jahn

Ezio Frigerio, décors

Ezio Frigerio et Mauro Pagano, costumes

Vinicio Cheli, lumières

Yuri Uchiumi, choréologue

Christophe Duquenne, Roméo

Myriam Ould-Braham, Juliette

Yann Saïz, Tybalt

Marc Moreau, Mercutio

Yannick Bittencourt, Benvolio

Laura Hecquet, Rosaline

Julien Meyzindi, Pâris

Vincent Cordier, Le Seigneur Capulet

Vanessa Legassy, Dame Capulet

Ghyslaine Reichert, La Nourrice

Arnaud Dreyfus, Frère Laurent

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Vello Pähn, direction musicale

Roméo et Juliette, ballet en trois actes d'après William Shakespeare

Je n'ai vu que trois des cinq distributions de la série de représentations de Roméo et Juliette à Bastille. Pour le couple Juliette/Roméo, j'avais vu Laëtitia Pujol/Mathieu Ganio lors de la première, puis Agnès Letestu/Florian Magnenet le 16, et enfin samedi après-midi, Myriam Ould-Braham/Christophe Duquenne.

Si le Roméo que j'ai préféré a été celui de Mathieu Ganio, du côté des Juliette, celle qui m'a le plus convaincu a été Myriam Ould-Braham que je voyais pour la première fois dans un grand rôle (ses apparitions dans les pas de trois du Lac des cygnes ou de Paquita et sa participation au même ballet dans le rôle de Rosaline m'avaient déjà fait fort impression).

On ne pourra pas dire qu'elle en a trop fait ou pas assez. Elle a tout simplement été Juliette du premier au troisième acte ! (Dansant d'ailleurs malgré un bug de costume au niveau de la fermeture éclair du dos...) J'ai été particulièrement ému par son solo à la fin de la première scène du troisième acte.

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Urmila Sathyanarayanan au Musée Guimet

2011-04-30 02:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Cela faisait un peu plus d'un an que je n'avais pas vu de bharatanatyam. Je suis donc allé au musée Guimet pour en voir. Avant cela, je suis allé voir l'exposition Lucknow, une cour royale en Inde (organisée par le Los Angeles Country Museum of Art) qui présente des pièces assez variées (des miniatures, accrochées presque bord à bord sur les murs, ce qui vu l'affluence empêche de les apprécier sereinement, des objets de la vie quotidienne richement ouvragés, des photographies datant d'avant la révolte de 1857-1858, et quelques unes datant d'après, comme la Residency ravagée...). J'ai été surpris de voir Qaisar Bagh, photographié 1864-1865, que je n'ai pas vu lors de mon séjour à Lucknow : forcément, il a été détruit par les Anglais. Quelques photographies ou peintures représentant La Martinière/Constantia. Quelques unes des œuvres montrées avaient été en leur temps commandées par le colonel Polier, qui fut un des premiers occidentaux à avoir connaissance à la littérature indienne ancienne, en particulier le Mahabharata, et sa version de l'épopée a été publiée par Georges Dumézil (Gallimard). Pour ce qui est des miniatures, il était évidemment difficile de faire aussi intéressant que l'exposition à la BnF il y a un an. C'est surtout la diversité des types d'œuvres qui fait l'intérêt de cette exposition. (Par exemple, à un moment j'ai craint qu'on ne montre que Lucknow avant la mutinerie, mais plus loin, on trouve aussi comme je le dis plus haut quelques photographies montrant des monuments détruits.)

Auditorium du Musée Guimet — 2011-04-29

Urmila Sathyanarayanan, bharatanatyam

Swamimalai Kalidas Suresh, chant et nattuvangam

Dhananjayan, mridangam

J. B. Sruthi Sagar, flûte

Le récital d'Urmila Sathyanarayanan ne m'a convaincu qu'à moitié. La première pièce Pushpanjali évoquait Surya, le dieu du Soleil. Cette pièce semble commencer par un lever du Soleil, lent et solennel, la danseuse étant de dos, presqu'immobile. Par la suite, on voit Surya éclairer successivement diverses directions de l'espace. La pièce se finit élégamment sur la chevauchée du Soleil sur son char céleste.

La pièce qui m'a le plus déçu est la pièce principale du récital, le Varnam, dans lequel une femme se languit de Krishna (sujet on ne peut plus classique dans le bharatanatyam). Dès le début de la première pièce, le style de la danseuse s'était affirmé, sans exubérance, renvoyant assez souvent à l'iconographie, mais plus tournée vers la pantomime que vers la danse. On voit la jeune femme choisir un sari pour se faire belle pour Krishna, reconnaissable à sa flûte. Plus tard, elle se maquille. Je ne suis pas très convaincu par cette pièce dans laquelle s'insèrent quelques passages rythmiques (le premier est arrivé de façon très abrupte quelques secondes seulement après le début du Varnam).

Entre cette pièce et la suivante, le temps pour la danseuse de changer de costume, on a inséré un interminable intermède musical (de flûte). Entre les pièces suivantes, il faudra encore supporter ces intermèdes. Le percussionniste s'est fait extrêmement discret au cours du récital. En revanche, le chanteur et joueur de nattuvangam m'a plu.

Dans la pièce dansée suivante Padam, une courtisane se prépare à accueillir un client. Que ce soit Shiva, Vishnu ou Brahma, qu'il paye 6000 pièces d'or ! Quand elle aura vu Shiva, elle changera d'attitude et se laissera séduire. Dans cette pièce, la danseuse travaille beaucoup au sol, comme on imagine la courtisane confortablement installée sur un sofa.

Une autre pièce suit, Javali, évoquant l'amour d'une héroïne pour Srinivasa (il eut été sympathique d'expliquer que c'est un des noms de Vishnu...). Curieusement, le dieu Kama (homologue de Cupidon) est tout simplement appelé Cupid(on) dans la présentation. Dans cette pièce, on verra la représentation de Vishnu couché sur l'océan cosmique et l'héroïne viendra lui masser les pieds (tout comme le fait Lakshmi dans l'iconographie). Cependant, j'ai déjà vu plusieurs fois cette même représentation de Vishnu évoquée de façon plus élégante par d'autres danseuses (notamment par la courbe du bras pour évoquer les têtes du serpent Ananta/Shesha). Comme dans la pièce précédente, une part significative de la danse-pantomime se fait au sol.

La pièce où le talent particulier de la danseuse s'est le mieux exprimé est peut-être le Padam sur un sujet que je n'avais encore jamais rencontré dans le bharatanatyam, celui de l'amour d'une mère pour sa jeune fille. On est encore plus complètement dans la pantomime. Il n'y a pas vraiment de pas de danse et peu de gestes semblent appartenir à quelque codification que ce soit. Très mignon.

Traditionnellement, un récital se finit par un dynamique Thillana. Celui-ci, s'il n'a pas manqué de mérites, était vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup trop long.

Et après la fin, la danseuse vient également présenter ses hommages aux musiciens, à la divinité tutélaire (Shiva-Nataraja) et au public. Cette partie, souvent complètement formelle, a été beaucoup plus développée que d'ordinaire puisqu'on a en vérité assisté à une petite pièce supplémentaire évoquant, sur un chant dévotionnel vishnouïste, le culte ordinaire : prière, offrandes. La danseuse a même eu l'idée amusante d'insérer une apparition d'un Krishna espiègle venant mettre un peu de pagaïe dans la cérémonie.

Le récital a été inhabituellement long : un peu plus de deux heures ! C'est à tempérer par le fait que les intermèdes musicaux ont été trop longs et pas extraordinairement passionnants. Si j'étais très déçu à l'issue du Varnam, les pièces suivantes ont fait remonter mon intérêt et ont eu le mérite de me faire partir sur une bonne impression.

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Mats Ek à Garnier (suite)

2011-04-25 23:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-04-25

Mats Ek, chorégraphie (1978)

Johann Sebastian Bach, musique (extraits de pièces pour orgue)

Musiques traditionnelles de guitares espagnoles

Marie-Louise Ekman, décors et costumes

Jörgen Jansson, lumières

Ana Laguna, assistante du chorégraphe

Veli-Pekka Peltokallio, répétitions

Kader Belarbi, Bernarda

Alice Renavand, La Servante

Mélanie Hurel, La Sœur aînée

Laure Muret, La Sœur bossue

Eleonora Abbagnato, La Jeune sœur

Béatrice Martel, La Première jumelle

Christine Peltzer, La Seconde jumelle

Audric Bezard, Un Homme

Andrey Klemm, Un Technicien

La Maison de Bernarda, ballet en un acte d'après la pièce de Federico García Lorca La Maison de Bernarda Alba

Mats Ek, chorégraphie (1997)

Henryk Mikolaj Górecki, musique (Petit requiem pour une polonaise op. 66, Concert pour clavecin et orchestre symphonique op. 40)

Maria Geber, décors et costumes

Ellen Ruge, lumières

Mariko Aoyama, Margareta Lidström, répétitions

Nolwenn Daniel, Nicolas Le Riche, Premier pas de deux

Miteki Kudo, Benjamin Pech, Second pas de deux

Muriel Zusperreguy, Caroline Bance, Christelle Granier, Géraldine Wiart, Amandine Albisson, Letizia Galloni

Aurélien Houette, Nicolas Paul, Simon Valastro, Daniel Stokes, Adrien Couvez, Alexandre Gasse

Une sorte de...

Je suis retourné voir la soirée consacrée au chorégraphe Mats Ek. Dans La Maison de Bernarda, on a une distribution sans étoile (curieusement, l'ancien danseur étoile Kader Belarbi apparaît comme artiste invité plutôt qu'étoile invitée, bizarre). Pourtant, globablement, j'ai préféré cette distribution à celle de la première. C'est peut-être une question de point de vue (première loge de côté quasi de trois quarts par rapport au même angle trois étages plus haut). C'est aussi peut-être lié au fait que je revoyais cette pièce. Toujours est-il que j'ai trouvé que cela fonctionnait un peu mieux. L'histoire m'a semblé plus intelligible aussi. Lors de la première, je n'avais même pas remarqué que la sœur bossue était rendue bossue par le costume. J'avais alors eu quelque mal à m'y retrouver entre les cinq sœurs et la servante. Là, tout m'a paru plus clair. Le jeu des danseurs m'a parlé davantage, et par exemple, j'ai mieux compris le sens du coffre rose (pourtant évident...).

Dans la distribution, ce n'est guère une surprise pour moi, mais la danseuse qui m'a le plus épaté a été Alice Renavand. Parmi les bonus : contrairement à Marie-Agnès Gillot, quand elle hurle des insultes, on comprend ce qu'elle dit ! Dans le rôle de la mère, Kader Belarbi est certes moins athlétique que José Martinez, mais j'ai préféré sa façon de montrer l'empire qu'il a sur les filles. En même temps, son corps un peu plus âgé ajoute à la faiblesse du même personnage dans la scène avec le Christ. Au moment où il le repose sur la croix, on a véritablement l'impression qu'il fait un chemin de croix, la statue du Christ ayant évidemment la même forme que la croix. Mélanie Hurel paraît assez bien distribuée dans le rôle de l'aînée. En sœur bossue, Laure Muret joue très bien la comédie, mais Clairemarie Osta était plus impressionnante dans son solo. Il est difficile de départager les couples Charlotte Ranson/Stéphane Bullion et Eleonora Abbagnato/Audric Bézard tant l'interprétation a été différente, ces derniers étant tout autant sensuels que les premiers, mais de façon un peu plus enflammée.

La deuxième pièce me semble toujours Une sorte de... grand n'importe quoi. Depuis les premières loges, les effets sont plus saisissants et on entend mieux les danseurs crier vers le début. Les petites variations entre les distributions (dans les six couples hors solistes) me permettent de mettre un nom sur un visage (de quadrille). Parmi les autres danseurs, il y en a un que je sais reconnaître depuis longtemps à son crâne, Aurélien Houette, qui est toujours assez impressionnant physiquement parlant. Même son ombre projetée d'éclateur de ballon est impressionnante !

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Opéra de Paris 2011/2012 (suite)

2011-04-21 16:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Ce n'était pas sans éprouver quelques contrariétés que j'avais rempli mon formulaire d'abonnement à l'Opéra pour l'année prochaine. J'avais coché tous les ballets (sauf le Roméo et Juliette de Sasha Waltz) et étais même allé jusqu'à sélectionner quelques opéras (notamment un Tannhäuser à Bastille).

Aujourd'hui, j'ai reçu mon récapitulatif de réservation. J'avais demandé, comme les années précédentes à être prioritairement aux troisièmes ou quatrièmes loges à Garnier, et que l'amphithéâtre ne soit envisagé qu'en tout dernier recours. Pour cette année, ces préférences avaient été prises en compte. Je n'ai eu qu'une place d'abonnement à l'amphithéâtre, pour Giulio Cesare où je m'étais en plus retrouvé derrière un grand chevelu. Un petit mot sur le récapitulatif de l'année dernière s'était excusé par avance du désagrément de ne pas voir tous mes vœux de placement satisfaits.

Sur le récapitulatif reçu aujourd'hui, pas moins de huit billets réservés étaient à l'amphithéâtre. Une fois ou deux par an, cela peut aller, mais à ce niveau, le déplaisir serait trop grand. Heureusement, il faut confirmer son abonnement avant qu'il soit validé. Avant, cela permettait aussi de faire d'éventuelles retouches et cela se passait plutôt bien. Là, au téléphone, quand j'ai demandé s'il était possible de revoir le placement, on m'a dit à peu près que La direction de l'Opéra a toujours été très claire. Les préférences de placement ne sont respectées que dans la mesure des disponibilités. Si cela n'a pas été le cas, c'est que c'était vraiment impossible.. L'impossibilité ainsi constatée d'évoquer des retouches aux réservations cache plus certainement une volonté d'efficacité (traitement plus rapide des dossiers, moins de temps passé au téléphone avec ces enquiquineurs) qu'un souci de la satisfaction des désirs du spectateur (satisfaits fin juin plutôt que fin avril dans mes souvenirs des années précédentes, ce qui permettait aussi de commencer à payer l'abonnement un peu plus tard). En effet, comment expliquer sinon que les dates retenues fussent systématiquement la première des trois que j'avais données alors qu'il était évident que j'avais mis une priorité sur le placement. (Je passe sur le fait que les billets qui m'avaient été réservés à Bastille étaient absolument tous vers le fond du parterre, où jusqu'à cette année ces places étaient vendues trois fois moins chères.)

Heureusement, j'avais établi ma stratégie avant d'appeler. C'était soit négociation soit annulation. J'ai donc décidé d'annuler mon abonnement 2011/2012 à l'Opéra. Mes finances ne vont que s'en mieux porter ! Et tant pis si j'arrive pas à aller voir tous les ballets que je voudrais à 9€ ou 12€...

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Mats Ek à Garnier

2011-04-21 01:58+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-04-20

Mats Ek, chorégraphie (1978)

Johann Sebastian Bach, musique (extraits de pièces pour orgue)

Musiques traditionnelles de guitares espagnoles

Marie-Louise Ekman, décors et costumes

Jörgen Jansson, lumières

Ana Laguna, assistante du chorégraphe

Veli-Pekka Peltokallio, répétitions

José Martinez, Bernarda

Marie-Agnès Gillot, La Servante

Ludmila Pagliero, La Sœur aînée

Clairemarie Osta, La Sœur bossue

Charlotte Ranson, La Jeune sœur

Aurélia Bellet, La Première jumelle

Amélie Lamoureux, La Seconde jumelle

Stéphane Bullion, Un Homme

Andrey Klemm, Un Technicien

La Maison de Bernarda, ballet en un acte d'après la pièce de Federico García Lorca La Maison de Bernarda Alba

Mats Ek, chorégraphie (1997)

Henryk Mikolaj Górecki, musique (Petit requiem pour une polonaise op. 66, Concert pour clavecin et orchestre symphonique op. 40)

Maria Geber, décors et costumes

Ellen Ruge, lumières

Mariko Aoyama, Margareta Lidström, répétitions

Nolwenn Daniel, Nicolas Le Riche, Premier pas de deux

Miteki Kudo, Benjamin Pech, Second pas de deux

Muriel Zusperreguy, Caroline Bance, Christelle Granier, Géraldine Wiart, Peggy Dursort, Ninon Raux

Aurélien Houette, Nicolas Paul, Simon Valastro, Daniel Stokes, Adrien Couvez, Alexandre Gasse

Une sorte de...

La salle s'est remplie plus doucement que d'habitude, mais au final, elle m'a semblé relativement bien garnie alors que la programmation fait que l'on s'aventure en dehors du répertoire le plus traditionnel de la maison.

Le premier ballet au programme La Maison de Bernarda (Mats Ek) raconte un huis-clos dans une maison espagnole où la mère force toute la maisonnée à porter le deuil du père. La chorégraphie est plus proche des styles classiques que je m'y attendais. Certaines scènes sont dansées sans aucun accompagnement musical. Souvent, les danseurs parlent, enfin, plutôt crient, je veux dire, HURLENT. La musique (enregistrée) s'ouvre et se conclut par du Bach pour orgue (avec à la fin, Toccata et Fugue sans la fugue malheureusement). Au milieu, de la guitare espagnole. La chorégraphie se fait parfois presque mécaniste dans des scènes où la famille devient un peu folle (les personnages s'assommant les uns les autres, en rythme avec la musique). Pour revenir à l'histoire, deux des filles, l'aînée (Ludmila Pagliero) et la jeune (Charlotte Ranson) n'ont pas vraiment envie de porter le deuil, d'autant plus qu'elles sont séduites par un homme (Stéphane Bullion). La fin tragique arrive quelque peu abruptement, après un solo de Clairemarie Osta en costume simili-nudité.

José Martinez (Bernarda) est toujours aussi stupéfiant. Tous les autres danseurs m'ont fait une bonne impression, mais j'ai particulièrement aimé Ludmila Pagliero et Charlotte Ranson (coryphée) que je voyais pour la première fois dans un rôle important.

Le deuxième ballet de Mats Ek au programme Une sorte de... est beaucoup plus facile à regarder, mais on n'y comprend rien... On fait exploser des ballons sur les diverses éminences que recelle le corps humain. On se roule par terre. On s'enferme dans des valises. On boit dans la chaussure de sa partenaire, on purifie le corps de l'autre au pistolet à eau. Fait intéressant : le plateau de scène s'étend jusque sur la fosse d'orchestre, ce qui produit une impression de proximité plus grande qu'habituellement, même depuis ma quatrième loge... Pour ce qui est de la musique de Henryk Mikolaj Górecki utilisée pour ce ballet, je ne l'ai pas trouvée désagréable, mais quand même un peu répétitive.

Nolwenn Daniel avait une belle présence scénique pendant son pas de deux avec Nicolas Le Riche (au moins en partie sans accompagnement musical, il me semble). Après l'avoir vue dans le rôle de l'Élue dans Le sacre du printemps, j'ai beaucoup aimé de voir Miteki Kudo dans un rôle important et fort différent.

Ailleurs : Palpatine, Blog à petits pas.

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Le spectacle de l'école de danse de l'Opéra (dernière)

2011-04-13 00:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-04-12

Élèves de l'école de danse de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Marius Stieghorst, direction musicale

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique (1882) (Trio pour piano, violon et violoncelle en la mineur, op. 50 : deuxième mouvement, Thème et variations)

John Taras, chorégraphie (1948)

Jean-Yves Sébillotte, piano

Éric Lacrouts, violon

Matthieu Rogué, violoncelle

Alice Catonnet, Caroline Osmont, Clotilde Tran Phat, Claire Trouvé

Natan Bouzy, Germain Louvet

Dessins pour six

Léo Delibes, musique (1870)

Pierre Lacotte, chorégraphie et adaptation (1973) d'après la version d'Arthur Saint-Léon

Charles Nuitter, livret (d'après le conte d'E.T.A. Hoffmann, L'Homme au sable (1816)

Décors d'après les maquettes de Jean-Émile Daran (1875), inspirées de celles de Charles-Antoine Cambon (Actes I et III, 1870) et celles d'Edouard-Désiré Desplechin et Jean-Baptiste Lavastre (Acte II, 1870)

Costumes d'après les maquettes d'Alfred Albert (1870)

Alizée Sicre, Swanilda

Mathieu Contat, Frantz

Julien Guillemard, Coppélius

Raphaël Bouttier, Le Bourgmestre

Éléonore Thomas, La Paysanne

Cyprien Bouvier, Le Persan

Pascal Bayart, Le Chinois

Isaac Lopes-Gomez, Le Cymbalier

Marie Le Révérend, La Poupée

Coppélia ou la fille aux yeux d'émail, ballet en trois actes

Je suis retourné voir le spectacle de l'école de danse sur une place à 8€. Cela devait être une des toutes meilleures places de cette catégorie ! Facile à repérer sur le plan de salle, un fond de deuxièmes loges de côté quasi de trois-quart (déflation du prix parce que derrière un pilier, heureusement non gênant). Assis, j'aurais vu quelque chose, mais debout j'avais à la fois une vue presque frontale sur la scène et une bonne vue sur l'orchestre (je manquais seulement la première rangée de violons). Avec ou sans jumelles, je voyais bien mieux que depuis une place située à peu près exactement deux étages au-dessus le soir de la première.

La distribution de Dessins pour six est changée à moitié. La prestation des élèves ce soir m'a bien davantage plu que lors de la première. Cette fois-ci, pas de sortie sur un porté spectaculaire comme lors de la première, mais l'interprétation a été beaucoup plus propre et maîtrisée. Des disparités entre les niveaux de souplesse et d'aisance des différentes danseuses se font voir, mais la précision de l'ensemble fait que mon impression sur ce ballet a été complètement modifiée. On va dire que je ne le déteste plus.

J'étais donc dans des dispositions encore meilleures que lors de la première pour le deuxième ballet au programme, Coppélia ou la fille aux yeux d'émail. La magie de cette version ne disparaît pas au deuxième visionnage. La distribution des trois rôles principaux est différente que lors de la première. Il m'est difficile de dire laquelle des deux Swanilda j'ai préférée, tant elles ont été toutes les deux fantastiques à la fois comme danseuses et comme comédiennes. Si Alizée Sicre laissait transpirer une légère impression de fatigue dans le troisième acte, elle m'a fait une excellente impression. Très gracieuse et élégante dans sa danse, elle a magnifiquement bien joué la comédie. Son couple avec Mathieu Contat (Frantz) était très harmonieux. Lui aussi a été très convaincant et très charmeur dans son jeu et dès sa variation du premier acte, il a fait preuve de belles qualités de danseur, qui me mettaient en appétit pour le troisième acte, où il a semblé n'éprouver aucune difficulté lors des portés. Très belle pantomime aussi pour Julien Guillemard (Coppélius). Du côté des ensembles, le positionnement m'a paru plus régulier ; il est intéressant de voir que le niveau progresse d'une représentation sur l'autre ! J'ai encore une fois apprécié la musique de ce ballet, qui s'accorde très bien à la chorégraphie, non sans quelques pointes d'humour.

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Roméo et Juliette à Bastille

2011-04-12 01:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2011-04-11

Sergueï Prokofiev, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, réglées par Patricia Ruanne et Frederick Jahn

Ezio Frigerio, décors

Ezio Frigerio et Mauro Pagano, costumes

Vinicio Cheli, lumières

Yuri Uchiumi, choréologue

Mathieu Ganio, Roméo

Laëtitia Pujol, Juliette

Stéphane Bullion, Tybalt

Mathias Heymann, Mercutio

Christophe Duquenne, Benvolio

Myriam Ould-Braham, Rosaline

Julien Meyzindi, Pâris

Vincent Cordier, Le Seigneur Capulet

Delphine Moussin, Dame Capulet

Ghyslaine Reichert, La Nourrice

Arnaud Dreyfus, Frère Laurent

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Vello Pähn, direction musicale

Roméo et Juliette, ballet en trois actes d'après William Shakespeare

Ce ballet de Noureev ne m'a pas excessivement enthousiasmé. On retrouve des caractéristiques de son style, comme des hommes qui dansent ensemble. Pas mal de vulgarité aussi : on tripote les seins de Rosaline, plus loin, via un tour de passe-passe, c'est l'entrejambe de Mercutio qu'on frôle. Mais, ce ballet, c'est surtout du grand spectacle. Vers le début du premier acte, on assiste à une lutte entre les verts (Montaigu) et les rouges (Capulet). On est un peu comme dans une cour de récréation ou en marge d'un match OM-PSG. On se fait des bras d'honneur. On violente quelque fille du camp adverse. C'est très spectaculaire, mais ce n'est rien par rapport aux combats à l'épée auxquels on assiste à la fin du deuxième acte. On trouve quelques effets cinématographiques, comme lorsque le Frère Laurent, côté cour, explique à Juliette comment elle va feindre la mort : pendant ce temps, au centre de la scène, on voit l'action qui devra se dérouler ensuite. On trouve aussi de belles danses pour Juliette (Laëtitia Pujol), en solo ou avec Roméo (Mathieu Ganio). J'ai également aimé voir Myriam Ould-Braham dans le rôle de Rosaline (qui subjugue Roméo avant que celui-ci voie Juliette). Les autres solistes et le corps de ballet ont bien dansé aussi, mais globalement je n'ai que moyennement aimé la chorégraphie. (À un moment, il m'a semblé qu'il y avait un passage bizarre entre deux scènes : la musique dansante continuait alors que la scène était dans l'obscurité totale. Au climax du ballet, il y a eu (en coulisse ?) un bruit de fin du monde qui détonnait un peu, on se serait cru dans une Passion de Bach quand l'évangéliste raconte que le voile du temple se fend en deux.)

Pour moi, l'intérêt principal de la soirée était d'entendre la musique absolument extraordinaire de Prokofiev ! Je n'avais jamais rien entendu de tel. On nous dit dans le programme qu'il l'a orchestré au rythme de vingt pages par jour. Des orchestrations comme ça, si je pouvais en avoir plus souvent, je dirais pas non !

(Lors d'un entr'acte, ma voisine feuilletait la brochure de l'année prochaine. Et puis elle a regardé les tarifs des abonnements...)

Ailleurs : Blog à petits pas, Danses avec la plume.

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Le spectacle de l'école de danse de l'Opéra

2011-04-08 01:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-04-07

Élèves de l'école de danse de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Marius Stieghorst, direction musicale

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique (1882) (Trio pour piano, violon et violoncelle en la mineur, op. 50 : deuxième mouvement, Thème et variations)

John Taras, chorégraphie (1948)

Jean-Yves Sébillotte, piano

Éric Lacrouts, violon

Matthieu Rogué, violoncelle

Alice Catonnet, Caroline Osmont, Clotilde Tran Phat, Roxane Stojanov

Mathieu Contat, Hugo Marchand

Dessins pour six

Léo Delibes, musique (1870)

Pierre Lacotte, chorégraphie et adaptation (1973) d'après la version d'Arthur Saint-Léon

Charles Nuitter, livret (d'après le conte d'E.T.A. Hoffmann, L'Homme au sable (1816)

Décors d'après les maquettes de Jean-Émile Daran (1875), inspirées de celles de Charles-Antoine Cambon (Actes I et III, 1870) et celles d'Edouard-Désiré Desplechin et Jean-Baptiste Lavastre (Acte II, 1870)

Costumes d'après les maquettes d'Alfred Albert (1870)

Marie Varlet, Swanilda

Germain Louvet, Frantz

Natan Bouzy, Coppélius

Raphaël Bouttier, Le Bourgmestre

Éléonore Thomas, La Paysanne

Cyprien Bouvier, Le Persan

Pascal Bayart, Le Chinois

Isaac Lopes-Gomez, Le Cymbalier

Marie Le Révérend, La Poupée

Coppélia ou la fille aux yeux d'émail, ballet en trois actes

Comme l'année dernière, je suis allé voir le spectacle de l'école de danse de l'Opéra. Cela a commencé par une court ballet de John Taras dont j'avais tant aimé Piège de lumière programmé l'année dernière dans le spectacle. Ce ballet pour six danseurs (quatre filles et deux garçons) ne m'a pas beaucoup intéressé. La musique de Tchaikovski est pour une formation de chambre : piano, violon, violoncelle. Le piano commence par énoncer un thème et de nombreuses variations suivent. Cette pièce ne m'a pas enthousiasmé outre mesure, mais ayant un petit faible pour la configuration piano-violoncelle, je ne me suis pas ennuyé pour autant. Sur la scène vide (fond bleu), les six danseurs évoluent, par trois, par deux, par six, etc. Cela ne raconte pas d'histoire et il n'y a pas non plus un déluge d'émotions (il y en a quand même un tout petit peu). Une belle variation pour un couple se termine par une sortie sur un porté acrobatique. Beaucoup de moments où les danseuses font presque du sur place sur pointes en tournant autour de leurs camarades. C'est au mieux mignon, mais dans un genre voisin, je préfère encore Apollon de Balanchine, qui ne m'avait pourtant pas beaucoup plu.

L'essentiel de la soirée est consacré à l'autre ballet au programme, Coppélia ou la fille aux yeux d'émail de Pierre Lacotte, d'après Arthur Saint-Léon (livret de Nuitter d'après Hoffmann). Il s'agit en fait d'une reconstitution du ballet d'origine, où on a cependant confié le rôle de Frantz à un danseur plutôt qu'à une danseuse travestie comme lors de la création de 1870.

La comparaison entre ce spectacle de l'école de danse et la Coppélia de Patrice Bart par le ballet de l'Opéra est cruelle... mais elle est nettement à l'avantage de l'école de danse !

Tout d'abord, dans la fosse, c'est l'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Marius Stieghorst qui avait déjà fait des merveilles l'année dernière pour la musique de Piège de lumière (Damase). Par rapport au résultat obtenu par Koen Kessels, il y a une grande différence ! Et pourtant, j'avais été satisfait par l'orchestre Colonne, notamment dans les passages extraits de Lakmé. Ici, à un numéro près, on entend que la musique d'origine de Delibes pour Coppélia. Elle est jouée de façon beaucoup plus vivifiante, enjouée. Le tempo est plus rapide (privilège de la jeunesse ! La chorégraphie est aussi moins tortueuse). Du côté de la dynamique, le chef met apparemment plus volontiers en valeur les p que les f. Quelques instruments à percussion insolites (dans le prélude du début du deuxième acte, je n'ai fait que regarder les deux percussionnistes, qui ne faisaient rien ! mais regardaient beaucoup autour d'eux). Les musiciens ont donné l'impression de prendre un certain plaisir à jouer pour les élèves de l'école de danse, comme le harpiste, qui était apparemment Emmanuel Ceysson ce soir.

Cette version de Coppélia a une histoire beaucoup plus claire que celle de Patrice Bart. Coppélius est bien un vieux pervers. Il veut transférer l'âme de Frantz qu'il a drogué dans Coppélia, la fille aux yeux d'émail dont Frantz s'était amouraché pour l'avoir vue depuis la rue. En fait, quand Swanilda et ses amies avaient été surprises par Coppélius après qu'elles étaient entrées chez lui et avaient vu ses divers automates, elles avaient toutes fui, sauf Swanilda qui avait pris la place de Coppélia. Coppélius croit insufler un souffle vital dans Coppélia, mais c'est Swanilda qui fait semblant de se mouvoir comme un automate, puis progressivement, au fur et à mesure que les doses d'âme successives arrivent, elle se met à se déplacer comme une véritable jeune fille.

Dans la version de Bart, en plus du corps de ballet, la danse reposait sur trois individualités : Swanilda, Frantz, Coppélius. Dans cette version, tout ou presque repose sur les épaules de la seule Swanilda ! au moins dans les deux premiers actes. Le personnage de Frantz n'y a en effet pas beaucoup à danser, et il est heureux que Pierre Lacotte ait ajouté une variation au personnage. Coppélius n'a que de la pantomime, mais elle est très réussie, ce qui rend d'autant plus convaincant le spectacle dans son ensemble. Bien sûr, on trouve aussi de très beaux ensembles au premier acte.

Ce soir, c'était Marie Varlet qui dansait le rôle de Swanilda. Elle a été absolument fantastique. La métamorphose de Coppélia au deuxième acte a été merveilleuse, passant d'un automate désarticulé à une vraie jeune fille, et rapassant sans cesse de ce rôle en métamorphose à son rôle de Swanilda inquiète du sort de Frantz endormi à la table de Coppélius dès que celui-là a le dos tourné.

Le troisième acte s'achève sur les noces de Frantz et de Swanilda. Il permet de mettre en scène une succession d'ensembles. Le rôle de Frantz devient alors résolument dansant et on apprécie l'aisance avec laquelle il porte sa partenaire. Certes, tout n'a pas été absolument parfait, mais quel beau spectacle cela a été !

Pierre Lacotte est venu saluer, et Elisabeth Platel, la directrice de l'école de danse, a eu le temps de quitter son strapontin du dernier rang de l'orchestre pour venir saluer aussi avant de s'écarter pour laisser aux élèves le mérite qui leur revient.

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Coppélia à Garnier

2011-03-20 01:07+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2011-03-19

Léo Delibes, musique

Patrice Bart, chorégraphie et mise en scène

Ezio Toffolutti, décors et costumes

Yves Bernard, lumières

Claude de Vulpian, assistante du chorégraphe

Nolwenn Daniel, Swanilda

Karl Paquette, Frantz

Stéphane Phavorin, Coppélius

Aurélien Houette, Spalanzani

Ballet de l'Opéra

Orchestre Colonne

Koen Kessels, direction musicale

Coppélia, ballet en deux actes d'après Arthur Saint-Léon

Ce ballet Coppélia de Patrice Bart ne m'a guère intéressé. Il s'agit d'un remake d'un ballet du même nom d'Arthur Saint-Léon. C'est vaguement inspiré d'Hoffmann, la même source qui inspira l'acte d'Olympia dans Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach. Il ne reste en vérité plus grand'chose du conte d'origine. Le jeune homme (Frantz) est tout simplement un amoureux de Swanilda et celle-ci est bien de chair. Certes, il a un peu regardé l'image d'une jeune fille dans le livre de Coppélius, mais cela ne justifie qu'une petite chamaillerie d'amoureux. Celui en lequel la confusion s'installe, l'opium aidant, est Coppélius, qui aimerait faire revivre la jeune fille de son livre (curieusement, Coppélius est habillé en beau jeune homme, ce qui a de quoi induire une confusion entre les rôles de Coppélius et de Spalanzani, que je n'ai pu élucider qu'au fait que je pouvais reconnaître Stéphane Phavorin). Coppélius arrive à attirer Swanilda jusques à chez lui où règnent les automates. En enfilant le costume de la reine du blé, elle est comme désaisie de sa propre personnalité. Heureusement, elle s'en rend compte et parvient à se défaire de cette influence.

Le premier acte m'a paru assez inintéressant. La danse manque d'émotions. On a essentiellement le droit à un numéro pittoresque, Mazurka et czardas, et une querelle entre Swanilda et Frantz qui voudrait lui offrir sa collection de papillons. Pourtant, la musique de Delibes s'avère plus intéressante que la musique moyenne des ballets, d'autant plus qu'à la musique du ballet d'origine ont été ajoutées d'autres compositions de Delibes, et tout particulièrement des numéros de son opéra Lakmé. Peut-être est-ce parce que je connais très bien cet opéra ? toujours est-il que les moments les plus marquants musicalement dans ce ballet m'ont semblé être ceux tirés de cet opéra. (Cela dit, l'à-propos de l'utilisation des morceaux autres que ceux qui étaient déjà prévus pour des épisodes dansés dans l'opéra peut paraître douteux. Pour moi, certains thèmes de cette musique sont lourdement chargés émotionnellement par les paroles de l'opéra : à un moment, il me semblait pouvoir entendre Il faut qu'il meure ! Vengeance ! Vengeance ! se superposer à la musique alors que sur scène, entre Swanilda et Frantz, tout allait pour le mieux et il n'était pas question de suicide par ingestion de datura !) On notera cependant que pour les autres numéros, les pas de danse et la musique s'accordent extrêmement bien et non sans humour.

À la fin du premier acte, Coppélius fait une entrée sur une Coda sans les chœurs extraite de Lakmé, ce qui ranime mon intérêt pour le ballet. Au début du deuxième acte, il n'y aura presque plus de danse, mais j'avoue que j'ai pris un certain plaisir à regarder cette pantomime. Swanilda entre chez Coppélius par une porte située en hauteur et d'où descend un escalier. Elle est accompagnée de ses amies (parmi lesquelles Mathilde Froustey a le rôle le plus important, ce qui me donne pour la première fois l'occasion d'apprécier sa pantomime). On se moque des soldats-automates (de ma place excentrée, je n'en voyais qu'un), on s'amuse à regarder les trois danseuses-automates que Swanilda imite. Un petit numéro de ballet dans le ballet avec les amies de Swanilda qui exécutent un peu mécaniquement des exercices comme des danseuses devant une barre et Swanilda qui vient pointer les défauts. À la fin, on retrouve Swanilda et Frantz dans un pas de deux, à nouveau sur la musique de Lakmé (Ouverture et Entr'acte de l'acte III). Cela permet de finir le ballet sur une bonne impression.

L'orchestre Colonne m'a semblé très bien, autant que je puisse en juger par rapport aux numéros musicaux que je connaissais déjà (qui sont ceux tirés de Lakmé). Bien sûr, le tempo est parfois un peu lent, mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi des danseurs... Compliments particuliers à la hautboïste pour Persian !

En bref, il y a de la belle musique, mais cela manque un peu de danse. Mes impressions sur la danse ne sont pas très précises vu que j'étais à une troisième loge excentrée et sans jumelles... Cependant, j'ai bien aimé Stéphane Phavorin dans le rôle de Coppélius (mais existe-t-il un seul rôle dans lequel il ne soit pas bon ?). C'était la première fois que je voyais Nolwenn Daniel dans un premier rôle. Je l'ai trouvée convaincante en Swanilda. J'ai bien aimé son pas de deux avec Karl Paquette (Frantz). Je ne connais pas grand'chose dans la technique, mais il me semble que je n'avais jamais vu certains types de sauts qu'il a réalisés lors du premier acte dans lesquels on a l'impression qu'il tourne à l'envers !?

À propos des décors, si on a vu ceux de La petite danseuse de Degas, il paraît évident qu'ils sont du même décorateur !

La représentation du 30 mars à laquelle j'assisterai aussi (visibilité incertaine puisque ce sera sur une place à 8€ !) sera précédée du défilé du ballet à l'occasion des adieux de Patrice Bart.

Ailleurs : Blog à petits pas.

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Opéra de Paris 2011/2012

2011-03-11 01:32+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Je ne vais pas commenter en détail la programmation de l'Opéra de Paris ; d'autres, bien plus connaisseurs que moi, s'en sont déjà chargés : Rameau (Opéra, Danse), David.

S'il était peut-être encore permis d'en douter, il ne fait maintenant plus aucun doute que la direction de l'Opéra est de droite, hypocrite et décomplexée.

Depuis avant-hier, sur le site Internet de l'Opéra, on peut lire La mission de l'Opéra national de Paris est d'amener la musique au plus grand nombre. L'année prochaine, le plus grand nombre ne pourra pas s'abonner pour voir des opéras puisque le seuil tarifaire pour l'abonnement libre qui était jusques alors de 35€ par opéra (en tarif R) passe à 55€ (et au risque de se retrouver au tout dernier rang du parterre, l'horreur absolue). Comme l'a noté David dans l'article cité ci-dessus, sans donner l'impression d'augmenter les tarifs au niveau de la grille, on les a quand même augmentés mécaniquement parce qu'un certain nombre de places glissent d'une catégorie à l'autre (des places à 20€ passent ainsi à 35€, 55€ ou 75€ !). On savait le système de réservation opaque ; il le devient encore plus. Les quelques places à peu près raisonnables à 15€, on ne sait pas encore vraiment comment on pourra se les procurer de façon sûre. Jusqu'à présent, la méthode standard était d'aller à la file d'attente puisque ces places n'étaient vendues qu'aux guichets. Maintenant, on lit Les places de septième catégorie sont vendues notamment aux guichets. (Par ailleurs, le nombre de places debout à 5€ est à peu près divisé par deux et ces places sont délocalisées dans les plus hautes galeries.)

Dans les deux doubles-pages (p. 122—125) de Legalese présentes dans la brochure que je viens de recevoir, on ne voit pratiquement qu'une énumération d'obligations s'imposant aux clients (vous avez bien lu, nous ne sommes apparemment plus des spectateurs mais des clients) et d'exonérations de responsabilités pour l'Opéra. Il y en a une dont il n'est pas exclu que l'on entende parler : En cas d'annulation d'un spectacle du fait de l'Opéra national de Paris, sauf cas de force majeure auxquels sont expressément assimilés les cas de réquisition de l'Opéra par toute autorité publique pour quelque motif que ce soit, et cas de grève nationale, la valeur du prix facial du billet payé par le client à l'Opéra national de Paris sera remboursée.... Fin de la spécificité parisienne des opéras sans décor mais avec costumes (dans une mise en scène improvisée parfois meilleure que l'originale) ? Pas sûr, parce qu'une phrase un peu plus haut nous dit que c'est un cas expressément prévu. Ouf, on est rassuré.

On aura beau écrire de telles inepties dans des Conditions générales de vente, si de telles clauses sont illégales, elles sont nulles. Parmi les autres clauses, on en trouve de manifestement illégales et se parant pourtant des vertus de la loi du 27 juin 1919 puisque ce que cette loi interdit, ce n'est pas de revendre des billets, mais de les revendre à un prix supérieur au prix initial.

Les hausses et bouleversements de prix sont nettement moins choquants à Garnier qu'à Bastille. Vu les intentions présidant à la contruction de l'Opéra Bastille il y a plus de vingt ans, c'est un retournement assez paradoxal...

Plus de détails chez Rameau.

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Éonnagata au TCE

2011-01-02 01:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Théâtre

Théâtre des Champs-Élysées — 2011-01-01

Sylvie Guillem, Robert Lepage, Russell Maliphant, conception et interprétation

Michael Hulls, lumières

Alexander McQueen, costumes

Jean-Sébastien Côté, design sonore

Éonnagata

Étant tombé récemment sur une vidéo de Sylvie Guillem, je m'étais dit que ce serait bien d'aller la voir danser un de ces jours. C'était le bon moment puisqu'une série de représentation de Éonnagata était programmée au Théâtre des Champs-Élysées.

C'est un très beau spectacle, mais commercialement, ç'a l'air d'être un ratage monumental en dépit d'une importante campagne d'affichage publicitaire. Je n'ai jamais vu le Théâtre des Champs-Élysées aussi vide, il n'y avait par exemple presque personne au deuxième balcon. Curieusement, le parterre était presque plein : sans doute des ninjas et des invités. Les places étaient à 15€, 40€, 60€, 78€ et 95€. J'ai fait un fort bon tirage, puisque pour 15€, j'ai eu une place au premier rang de corbeille, certes excentrée, mais qui ne laissait qu'un petit angle mort au fond du côté cour, d'autant plus que j'ai pu me décaler un peu grâce aux places vides...

Les trois concepteurs du spectacle, Sylvie Guillem, Robert Lepage et Russell Maliphant en sont aussi les interprètes. Ils jouent, parlent, chantent, dansent tous les trois. L'histoire est très facile à suivre, peut-être un peu trop d'après Rosita Boisseau dans Le Monde. En effet, dès après quelques minutes, Sylvie Guillem raconte un résumé de l'histoire du chevalier d'Éon, espion travesti dont l'identité sexuelle fut plus qu'ambiguë ; il est alors aisé de reconnaître dans chaque scène le moment de la vie du chevalier auquel elle renvoie.

Dans les scènes dansées, Sylvie Guillem et Russell Maliphant paraissent plus à l'aise que Robert Lepage, qui s'en sort quand même fort bien. Un passage des plus spectaculaires se trouve au début du spectacle, qui semble représenter une leçon de clavecin qui dégénère. Les clavecins sont figurés par de simples tables en bois qui seront réutilisées à d'autres fins par la suite. Les danseurs sautent, glissent sur les tables, tournent. Dans cette scène et d'autres, Sylvie Guillem est impressionnante de fluidité et de souplesse.

Dans ce spectacle, tout tourne autour de l'ambiguité du personnage. Pour le spectateur, il y a également ambiguité sur l'interprète. Ainsi, à un moment, on croit voir paraître un homme en ombres chinoises au fond de la scène. Mais c'est Sylvie Guillem, dont le costume aura été rembourré à l'entrejambe. La mise en scène est ainsi véritablement magique. Même au plus près de la scène, on est constamment surpris par les tours qui sont faits, comme dans cette scène située vers la fin du spectacle où lorsque Russell Maliphant se regarde dans un miroir (fixé sur une table en bois), sans qu'on l'ait vue arriver, Sylvie Guillem reproduit les mouvements de son partenaire en symétrique. Cette magie se trouve aussi dans la manipulation de marionnettes géantes et dans les nombreux changements de costumes et d'accessoires qui se font derrière d'étroits rideaux noirs qui traversent la scène. Parmi les merveilleuses trouvailles de mise en scène, on compte aussi des accessoires qui changent subitement de fonction, comme lors de la scène où le chevalier fait une chute de cheval. Les lumières de Michael Hulls sont très belles aussi : souvent, ce sont elles qui créent une sorte de décor mouvant dans lequel évoluent les interprètes.

Le spectacle renvoie aussi à la culture japonaise, mais de façon plutôt modérée. Outre la géante marionnette, on verra une référence aux tambours japonais tels qu'on pouvait les voir et les entendre dans Kaguyahime.

Bref, ce me semble être un spectacle très intelligement conçu, très beau, très intelligible (il diffère en cela de Passion de Dusapin/Waltz). Il reste encore plein de places à vendre pour les six dernières représentations...

Ailleurs : Anne Deniau.

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Bilan 2010

2010-12-31 23:59+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Lectures — Culture indienne

Cette année, sauf erreur de comptage, j'ai vu environ 107 spectacles (dont 26 à l'Opéra Garnier, 20 à l'Opéra Bastille, 14 Salle Pleyel, 10 au Théâtre des Champs-Élysées et 8 au R. K. Swamy Auditorium à Mylapore...). Sur l'ensemble, j'en ai chroniqué 77. Comme il ne serait pas très raisonnable d'augmenter encore ces nombres, à l'avenir, il faudra bien faire des choix.

Du côté des spectacles en rapport avec l'Inde, j'ai eu l'occasion de diversifier un peu les genres et les lieux. Voir des spectacles en Inde pendant de courts séjours demande un peu d'organisation et un peu de chance. Pour ce qui est du bharatanatyam, le spectacle de Srithika Kasturi Rangam vu à Chennai a été énorme choc pour moi : c'est le récital qui m'a fait comprendre que cette danse pouvait être véritablement narrative. Les nombreux autres récitals vus m'ont un peu mieux familiarisé avec le langage de cette danse. Pour ce qui est du kuchipudi, j'ai vu deux très beaux récitals cette année : Smt. Radha Prasanna à Chennai et Shantala Shivalingappa aux Abbesses. Mon dernier séjour à Kolkata m'a donné l'occasion d'entendre la jeune Gaayatri Kaundinya interpréter le Raga Maru Bihag, ma première rencontre vraiment réussie avec la musique vocale du Nord de l'Inde. À Mumbai, j'ai pu entendre Aruna Sairam dans un superbe programme de musique carnatique. Certes, j'ai aussi vu Amitabh Bachchan au TCE, mais comme ce spectacle ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, cela ne pourra plus guère que me servir à impressionner d'éventuels Indiens qui me demanderaient si j'ai entendu parler d'Amitabh Bachchan...

Du côté de l'opéra, je retiendrai notamment les productions suivantes qui m'ont fait découvrir quelques œuvres du répertoire : Norma mise en scène par Peter Mussbach, Les Contes d'Hoffmann mis en scène par Robert Carsen, Pelléas et Mélisande à l'Opéra Comique, Don Giovanni au TCE, Eugène Onéguine à Bastille, Ariadne auf Naxos à Bastille. Cette année, j'ai également pu voir le prologue et la première journée de la Tétralogie de Wagner : Das Rheingold à Bastille, Die Walküre à Bastille. J'espère avoir le temps de mieux me préparer aux deux derniers opéras pour mieux en apprécier la musique de Wagner et la mise en scène de Günter Krämer. S'ils ne sont pas les plus intéressants qui soient dans l'absolu, deux opéras m'ont enthousiasmé parce qu'ils ont confirmé mon goût pour la voix de Natalie Dessay (La Sonnambula à Bastille, id. (deuxième)) ou éveillé mon intérêt pour celle de Joyce DiDonato (La donna del lago à Garnier, id. (suite)), une chanteuse que j'ai aussi eu l'occasion d'entendre deux fois au TCE en récital. Si je n'ai pas pu entendre Jonas Kaufmann dans Werther, j'ai beaucoup apprécié son interprétation de La Belle Meunière. Une production aux dimensions modestes m'a particulièrement enthousiasmé : Une Flûte Enchantée aux Bouffes du Nord.

Mon goût pour le ballet s'est confirmé. Parmi les moments forts de cette année, il y a eu Le spectacle de l'école de danse de l'Opéra (dans lequel j'ai particulièrement apprécié Piège de lumière de John Taras), Dorothée Gilbert dans Le Concert de Jerome Robbins, La Bayadère à Garnier, Kaguyahime à Bastille (où j'ai préféré Alice Renavand à Agnès Letestu dans le rôle de la princesse), Le défilé du ballet et Roland Petit à Garnier (Nicolas Le Riche dans Le Jeune Homme et la Mort, la musique de Dutilleux dans Le Loup, Isabelle Ciaravola dans Le Rendez-Vous), Parzival à Garnier (où j'ai découvert Harmonielehre de John Adams), Le Lac des cygnes à Bastille et enfin Le Sacre du Printemps à Garnier.

Pour ce qui est de mes lectures, les bilans sont sur le Biblioblog. Cette année, contrairement à l'année dernière, je n'ai lu que 62 livres. Il faut dire que depuis un peu plus de six mois, cette activité est concurrencée par un début d'apprentissage du piano, qui avance tout doucement...

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Les Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra

2010-12-21 01:07+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-12-19

Élisabeth Platel, introduction

Bernard Boucher, professeur

Michèle Mérou, pianiste

Troisième division garçons

Fabienne Cerutti, professeur

Claire Djourado, pianiste

Troisième division filles

Éric Camillo, professeur

Michel Myron Mytrowytch, pianiste

Deuxième division garçons

Francesca Zumbo, professeur

Ellina Akimova, pianiste

Deuxième division filles

Jacques Namont, professeur

Richard Davis, pianiste

Première division garçons

Carole Arbo, professeur

Laurent Choukroun, pianiste

Première division filles

Roxana Barbacaru, professeur

Isabelle Van Brabant, pianiste

Troisièmes divisions filles et garçons danse de caractère

Bernard Boucher, professeur

Ellina Akimova, pianiste

Premières divisions filles et garçons adage

Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.

J'ai passé toute ma journée de dimanche à l'Opéra Garnier pour assister aux démonstrations de l'école de danse de l'Opéra. L'année dernière, je n'avais assisté qu'à une après-midi, lors de laquelle seuls les plus grands dansaient. Je n'ai pas grand'chose à ajouter à ce que j'avais déjà dit alors.

La différence, cette année, c'est que j'ai dû me lever à une heure invraisemblable pour arriver à l'heure avec une marge suffisante pour éviter d'éventuels problèmes de RER (c'est qu'il neige beaucoup). Au lieu d'arriver en retard, je suis arrivé en avance. L'accès à la salle n'était même pas encore ouvert ! Cette année, un programme de l'école de danse est vendu (15€). Il s'agit d'un très beau document (format A4, cela rentre tout juste sur l'étagère qui contient mes autres programmes du Ballet de l'Opéra) où on insiste sur les différents aspects de la formation des élèves, leur complémentarité et qui contient aussi de très belles photographies, dont certaines sont issues du spectacle de l'école de danse de l'année dernière (avec notamment Amélie Joannidès et Juntaro Coste dans Suite de danses de Clustine et une image saisissante de Piège de lumière de Taras en double-page).

L'autre différence par rapport à l'année dernière, c'est qu'au lieu d'être placé aux quatrièmes loges de façon très excentrée, je suis à la baignoire 14, place 3 (à la même place le matin et l'après-midi !). Alors que les élèves des troisièmes divisions me semblaient minuscules l'an passé, vus d'en bas, je trouve grands même les plus petits ! Les classes passent les unes après les autres garçons puis filles en commençant par les plus jeunes, le matin de la sixième division jusqu'à la quatrième et l'après-midi de la troisième à la première. L'accompagnement musical est assuré par les pianistes de l'école auquels, conformément au cliché, les professeurs demandent parfois d'aller un peu moins vite. Certains d'entre eux démarrent avant même d'avoir été sollicités par le professeur, d'autres doivent se faire attendre : (silence) Monsieur Machin... (silence) patapatapa patapa.... Les professeurs auront à chaque fois présenté rapidement l'exercice, le type de difficulté qu'il contient. On nage en plein vocabulaire technique : Faites attention à vos cinquièmes, soignez bien vos secondes.. À la fin de la journée, quelques positions étaient rentrées dans ma tête, mais je pense que je les aies déjà oubliées. En tant que professeur da la quatrième division garçons tout comme étoile invité, Wilfried Romoli a la classe. Il insiste pour qu'on entende le pied des garçons frotter le sol lors des pas qu'il leur demande de faire (alors que l'après-midi, un autre professeur demandera que les réceptions de sauts soient aussi silencieuses que possible).

Après un premier passage, les élèves reviennent dans d'autres configurations afin de présenter d'autres enseignements. Marie Blaise vient avec son accordéon montrer des danses folkloriques. Les deuxièmes divisions filles et garçons viennent ensuite montrer des pas de danse contemporaine (je n'ai pas saisi le nom du chorégraphe dont il était question) ; très impressionnant, la danse contemporaine, ce n'est pas une plaisanterie. Vient ensuite un enseignement sans musique : le mime. Les enfants ont présenté, et apparemment improvisé un peu, à partir d'une situation où des pêcheurs s'en vont pêcher (les filles représentant l'onde) alors que des méchants chasseurs viennent les prendre pour des lapins. Vient ensuite la danse de caractère avant que la matinée se termine avec l'enseignement de Scott Alan Prouty (annoncé de façon pas très British par la professeure précédente). Cela s'appelle expression musicale. Cela ressemble beaucoup à ce qu'il fait avec le chœur Sotto Voce. Les enfants se mettent en scène, chantent, bougent les bras. C'est assez rafraîchissant.

J'ai une petite heure et demie pour déjeuner. Cela et le fait qu'il y a de la gadoue me décide à renoncer à aller jusques à un restaurant japonais de la rue Sainte-Anne. Je ne vais pas plus loin que le Boulevard des Capucines/Italiens où après avoir trouvé quelques portes closes, je trouve un très bon restaurant indien.

Opéra Garnier — 2010-12-19

Élisabeth Platel, introduction

Bertrand Barena, professeur

Tristan Lofficial, pianiste

Sixième division garçons

Véronique Doisneau, professeur

Yuko Tsuchiya, pianiste

Sixième division filles

Marc Du Bouaÿs, professeur

Tadeusz Gieysztor, pianiste

Cinquième division garçons

Marie-José Redont, professeur

Isabelle Van Brabant, pianiste

Cinquième division filles

Wilfried Romoli, professeur

Masako Shimura, pianiste

Quatrième division garçons

Fanny Gaïda, professeur

Anna Simon, pianiste

Quatrième division filles

Marie Blaise, professeur et accordéoniste

Sixièmes divisions filles et garçons, et stagiaires 1 an folklore

Claire Baulieu, professeur

Tristan Lofficial, pianiste

Deuxièmes divisions filles et garçons contemporain

Yasmine Piletta, professeur

Cinquièmes divisions filles et garçons mime

Isabelle Herouard, professeur

Michel Myron Mytrowytch, pianiste

Quatrièmes divisions filles et garçons danse de caractère

Scott Alan Prouty, professeur

Tristan Lofficial, pianiste

Sixièmes et cinquièmes divisions filles et garçons expression musicale

Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.

C'est maintenant au tour des grands. Je n'arrive plus très bien à distinguer les classes rétrospectivement. Si on observe parfois quelques déséquilibres, quelques problèmes de synchronisation, l'ensemble est globalement très bien assuré. Les filles montrent des pirouettes, des pointes, des fouettés (spectaculaires !). Les garçons sautent, tournent sur eux-mêmes, retombent en arabesque, etc. Le passage de la première division garçon était éblouissant. Après un peu de danse de caractère avec les troisièmes divisions, les premières divisions filles et garçons reviennent ensemble pour la classe d'adage. Cela fait moins bouquet final que la fin du programme du matin, mais c'est fort beau à voir. L'après-midi, les professeurs ont beaucoup insisté sur l'artistique. Ici, les couples de danseurs se succèdent dans des pas de deux (dont un sera présenté simultanément en miroir par deux couples). À la fin, tout le monde vient saluer, y compris celle que les professeurs appellent Mademoiselle Platel. La révérence était d'ailleurs un exercice qui venait clore chacun des passages (ce qui montre que cela n'a rien d'évident !).

Musicalement, cela avait pourtant bien commencé avec du Bach (Premier prélude du Clavier bien tempéré), mais cela a vite dégénéré avec du Chopin et même du Schumann... Cela dit, dans le Schumann, ce n'était pas le pire puisqu'il y a notamment eu des extraits d'une pièce de circonstance : Kinderszenen.

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Le Sacre du Printemps à Garnier

2010-12-11 15:58+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-12-10

Vello Pähn, direction musicale

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Igor Stravinski, musique (Apollon musagète)

George Balanchine, chorégraphie (1928)

Mathieu Ganio, Apollon

Émilie Cozette, Terpsichore

Ève Grinsztajn, Calliope

Nolwenn Daniel, Polymnie

Apollon

Laurie Anderson, musique (enregistrée)

Trisha Brown, chorégraphie

Vija Celmins, décor (Night Sky #18, 1999)

Elisabeth Cannon, costumes

Jennifer Tipton, lumières

Neal Beasley, Carolyn Lucas, assistants de la chorégraphe

Clairemarie Osta, Nicolas Le Riche, Josua Hoffalt

O złożony / O composite

Igor Stravinski, musique

Pina Bausch, chorégraphie

Rolf Borzik, scénographie, costumes et lumières

Dominique Mercy, Mariko Aoyama, Josephine-Ann Endicot, Kenji Takagi, répétitions

Miteki Kudo, L'Élue

Wilfried Romoli, étoile invitée

Eleonora Abbagnato, Stéphanie Romberg, Muriel Zusperreguy, Amandine Albisson, Caroline Bance, Aurélia Bellet, Christelle Granier, Laurence Laffon, Laure Murret, Alice Renavand, Séverine Westermann, Géraldine Wiart, Amélie Lamoureux, Charlote Ranson, Caroline Robert

Alessio Carbone, Vincent Chaillet, Josua Hoffalt, Bruno Bouché, Aurélien Houette, Alexis Renaud, Simon Valastro, Pascal Aubin, Matthieu Botto, Adrien Couvez, Daniel Stokes, Alexandre Carniato, Alexandre Gasse, Samuel Murez, Francesco Vantaggio

Le Sacre du Printemps

Hier avait lieu la première du spectracle Balanchine/Brown/Bausch. L'espace disponible à Garnier est plus restreint que d'habitude et beaucoup de gens s'affairent : des tables n'ont pas encore fini d'être dressées et décorées pour un souper post-représentation.

L'ouvreuse qui m'ouvre ma troisième loge pas mal excentrée est assez distraite : elle m'ouvre la loge 6 alors que j'étais à la loge 8 puis m'indique la place 2 alors que j'avais la place 1... Depuis ma place, je vois que les deux places centrales du premier rang du balcon sont occupées (il arrive assez souvent qu'elles soient vides), en l'occurrence s'y trouve un ancien premier ministre balletomane dont la presse a récemment parlé de problèmes de gestion de son argent liquide.

La première pièce est de Balanchine : Apollon. Apollon (Mathieu Ganio) et les trois muses Terpsichore (Émilie Cozette), Calliope (Ève Grinsztajn) et Polymnie (Nolwenn Daniel). Ils sont tous en blanc, l'espace scénique est essentiellement vide (fond bleu). Chaque muse est munie d'un attribut qui caractérise son art : une lyre, une feuille de papier, un masque. C'est mignon comme tout, mais pas de quoi m'enthousiasmer. L'orchestre de l'Opéra est uniquement constitué de cordes (la violoniste qui était dans la lune pendant La Fiancée vendue était plus concentrée !). À l'aveugle, je ne pense pas que j'aurais deviné que la musique était de Stravinsky. S'il y a quelques passages qui font penser à lui, il y en a aussi un certain nombre qui font presque penser à la musique baroque. Le contraste avec la dernière pièce au programme sera très important.

La deuxième pièce O złożony / O composite est sur une musique enregistrée de Laurie Anderson. Trois danseurs occupent l'espace dont le fond est étoilé : Clairemarie Osta, Nicolas Le Riche, Josua Hoffalt. Honnêtement, je ne comprends rien, mais c'est très beau. Chaleureusement applaudissements pour la chorégraphe Trisha Brown qui vient saluer.

Pendant l'entr'acte, quelques hommes procèdent à des travaux de terrassement pour répartir de la terre sur le grand rectangle que constitue l'espace scénique. Vu l'effort physique que cela représente, je me dis que ce serait bien de les applaudir ; le mouvement sera opportunément lancé au bon moment. L'orchestre reprend place. Les nombreuses places qui étaient vides lors de la première pièce se remplissent avec des instruments à vent. Le noir est fait. On aperçoit une danseuse (Alice Renavand il me semble) se positionner, couchée sur une robe rouge. La musique commence, très douce au début par un thème joué par le basson, puis au bout d'environ trois minutes, on entre dans le vif du sujet avec des rythmes fous, entêtants. Les danseuses et les danseurs dansent en groupe de façon soit synchronisée soit de façon apparemment désordonnée. La robe rouge passe de main en main. Des conciliabules ont lieu entre les femmes. Chacune prend la robe rouge et se dirige vers le mâle dominant (Wilfried Romoli), puis renonce. Il y a presqu'un vrai suspense sur la question de savoir laquelle sera sacrifiée. Dans la petite feuille donnant la distribution, le nom des danseuses sont données à la suite, indistinctement. Il fallait avoir regardé sur le site Internet de l'Opéra pour savoir qui serait l'Élue ce soir. Parmi celles qui ont pris en main la robe rouge, on veut ainsi notamment Eleonora Abbagnato, Alice Renavand et Géraldine Wiart qui joueront aussi le rôle de l'Élue lors des représentations suivantes. Finalement, c'est bien Miteki Kudo qui s'empare de cette robe et l'enfile. Un rituel très érotique et violent met en scène des couples de danseurs. L'Élue terrifiée est traînée sur la terre, puis va danser jusqu'à la mort. Pendant ce Sacre du Printemps de Pina Bausch, on est scotché du début à la fin, la tension monte rapidement et se relâche très brutalement à la fin !

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La Fiancée vendue à Garnier

2010-12-08 01:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Garnier — 2010-12-08

Oleg Bryjak, Krušina

Isabelle Vernet, Ludmilla

Inva Mula, Mařenka

Michael Druiett, Mícha

Marie-Thérèse Keller, Háta

Andreas Conrad, Vašek

Piotr Beczala, Jeník

Jean-Philippe Lafont, Kecal

Heinz Zednik, Le Maître de manège

Valérie Condoluci, Esmeralda

Ugo Rabec, L'Indien

Gilbert Deflo, mise en scène

William Orlandi, décors et costumes

Roberto Venturi, lumières

Micha Van Hoecke, chorégraphie

Guy De Bock, réalisation de la chorégraphie

Alessandro Di Stefano, chef de chœur

Constantin Trinks, direction musicale

Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris

La Fiancée vendue, Smetana

Je ne sors pas franchement enchanté de la deuxième représentation de La Fiancée vendue de Smetana (apparemment le premier opéra en langue tchèque). L'histoire est mignonne. Mařenka (Inva Mula) et Jeník (Piotr Beczala) s'aiment, mais les parents de Mařenka ont accepté de la donner en mariage arrangé à l'idiot Vašek (Andreas Conrad), fils de Mícha (Michael Druiett). C'est Kecal (Jean-Philippe Lafont) qui s'occupe des négociations pour le compte de la mère de Vašek, Háta (Marie-Thérèse Keller). Il faut convaincre Jeník de renoncer à Mařenka. Contre de l'argent, il accepte de signer un papier comme quoi il laisse Mařenka au fils de Mícha. C'est une ruse, parce qu'il est rigoureusement exact qu'il est le fils de Mícha : il a été chassé de la maison par Háta quand elle a épousé Mícha devenu veuf. Tout se termine bien. Cependant, la pauvre Mařenka a longtemps cru qu'elle avait été trahie, vendue par Jeník. On a aussi beaucoup ri au dépens de Vašek, qui s'est aussi ridiculisé en se faisant embobiner par une Esmeralda (Valérie Condoluci) pour jouer le rôle d'un ours dans un cirque, dans lequel on trouve aussi un faux amérindien (Ugo Rabec) et un directeur qui parle trop (Heinz Zednik).

La musique est belle, très rythmée. Depuis ma troisième loge excentrée, j'avais une vue plongeante sur l'orchestre. Je ne pouvais donc pas ignorer qu'une des violonistes était sur une autre planète pendant l'ouverture, complètement décalée (coups d'archets pas très synchro ni dans le même sens que les voisins), manifestant toujours de la surprise quand elle voyait les autres violonistes se préparer à se remettre à jouer ; et elle en riait avec sa voisine !

Si le décor (unique) et le rideau de scène faits dans un style naïf coloré sont mignons, si les mouvements du chœur sont bien maîtrisés et les danses rigolotes (les chorégraphies de Micha Van Hoecke ont une grande importance dans ce spectacle), je reste déçu par la mise en scène de Gilbert Deflo (qui avait déjà sévi dans Un bal masqué et dans Luisa Miller) dans cette production, reprise de l'ère Mortier (dans le programme, on a gardé la mise en page d'origine, mauvaise odeur du nouveau papier en plus). Dans la première partie (deux premiers actes), c'est particulièrement frappant. Malgré une sincérité évidente, les gestes des chanteurs sont souvent hésitants, maladroits. Quand ils chantent, ils restent debouts, immobiles. Tout repose sur charisme et le jeu un rien exagéré d'Inva Mula (chanteuse fétiche du nouveau directeur : en deux ans, c'est le quatrième opéra dans lequel je la vois à l'Opéra après Mireille, La Bohème et Les Contes d'Hoffmann, j'en ai peut-être raté). Cela s'appuie aussi sur le personnage de Kecal, mais si les grimaces et la présence scénique y sont manifestes, je suis moins convaincu par la voix de Jean-Philippe Lafont. À cette exception près, j'ai aimé les prestations vocales de la plupart des autres chanteurs, tout particulièrement Inva Mula, Piotr Beczala et Andreas Conrad pour les rôles principaux, mais aussi Marie-Thérèse Keller et Valérie Condoluci pour les autres.

Un des plus beaux numéros musicaux de l'opéra intervient au troisième acte quand Kecal et les parents de Mařenka et de Vašek annoncent à Mařenka qu'elle a été trahie par Jeník. Il se trouve là un chœur a cappella de toute beauté, tout comme la scène de désespoir subséquente de Mařenka.

Bref, c'est un spectacle un peu paradoxal, avec pas mal d'aspects enthousiasmants (au point qu'une partie du public va pousser des cris lors des saluts) mais aussi un désagréable arrière goût du fait de la mise en scène.

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Cadmus et Hermione à l'Opéra Comique

2010-12-04 18:55+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Comique — 2010-12-04

André Morsch, Cadmus

Claire Lefilliâtre, Hermione

Arnaud Marzorati, Arbas, Pan

Jean-François Lombard, Nourrice, Dieu champêtre

Isabelle Druet, Charite, Mélisse

Arnaud Richard, Draco, Mars

Camille Paul, Amour, Palès

Geoffroy Buffière, Le Grand Sacrificateur, Jupiter

David Ghilardi, Le Soleil, Premier Prince Tirien

Romain Champion, Premier Africain, Envie

Vincent Vantyghem, Second Prince Tirien

Luanda Siqueira, Junon, Aglante

Eugénie Warnier, Pallas

Tarik Bousselma, Second Africain

Jeroen Bredewold, Échion

Eugénie Lefebvre, L'Hymen

Catherine Padaut, Vénus

Le Poème Harmonique, Danseurs, chœur et orchestre

Vincent Dumestre, direction musicale

Benjamin Lazar, mise en scène

Gudrun Skamletz, chorégraphie

Louise Moaty, collaboration à la mise en scène

Adeline Caron, scénographie

Alain Blanchot, costumes

Christophe Naillet, lumières

Mathilde Benmoussa, maquillage

Antoine Fontaine, réalisation des toiles peintes

Daniel Bargier, chef de chœur

Cadmus et Hermione, Jean-Baptiste Lully

Cette année, je vais très peu fréquenter l'Opéra Comique à cause de l'opacité de leur système de réservation. Comme leur site Internet s'était débloqué au bout de quelques semaines, j'avais quand même réussi à réserver une ou deux places de plus. Je ne sais pas comment cela se fait, mais pour 40€, je tombe presque tout le temps sur un troisième rang de premières loges de face (18.5), ce qui est presqu'idéal si les têtes de devant ne sont pas trop hautes, ce qui était le cas hier soir lors d'une représentation de Cadmus et Hermione de Lully, le premier opéra de l'histoire de la musique française.

Depuis ma place, j'ai une vue frontale sur la scène et peut voir les écrans latéraux où parait le texte de Quinault, qui, nous dit le programme, a pas mal modifié le mythe raconté par Ovide. Sur ces écrans, l'orthographe est moderne. La prononciation, elle, ne l'est pas ! Les s, x ou z finaux sont prononcés, tout comme certains ent finaux qui d'ordinaire sont muets, oi est souvent prononcé ouè, la nasalisation des voyelles est quelque peu différente de ce qu'on entend d'habitude. Par exemple Et c'est pour obéir / aux oracles des dieux / Qu'il faut m'arrester en ces lieux. sera prononcé Et c'est pour obéir / aux oracles des dieusses / Qu'il faut m'arrêter en ces lieusses., ou Chantons la gloire de son cours. prononcé Chantons la glouère de son cource.. Cela surprend au début, mais on finit par s'y habituer. Sans être limpide comme dans un Pelléas et Mélisande, le texte est relativement intelligible, en tout cas davantage que dans mes expériences précédentes avec des tragédies lyriques de Lully.

Il y a relativement peu de parties musicales que l'on pourrait qualifier d'airs. Ce qu'on entend est plus proche du récitatif. Au cours du prologue et des cinq actes, on assiste aussi à de nombreuses scènes dansées. Tout ceci est tellement français... La distribution vocale est assez homogène. On entend notamment André Morsch (Cadmus), Claire Lefilliâtre (Hermione) dans les deux premiers rôles, et aussi Arnaud Marzorati (Arbas, Pan) et Isabelle Druet (Charite, Mélisse). Arbas est un suivant de Cadmus, fier mais couard ; les scènes comiques de l'opéra reposent sur lui. Charite est une compagne d'Hermione, et c'est me semble-t-il le seul rôle ayant à chanter plusieurs airs. Il va sans dire que je suis content d'y avoir entendu Isabelle Druet. Comme Arnaud Marzorati, elle joue extrêmement bien. Parfois, alors qu'elle est muette, elle parvient à exprimer la pensée de son personnage par des mouvements presqu'imperceptibles.

Si la prononciation a apparemment été pensée dans l'idée d'une recréation de l'œuvre en essayant de se placer dans le contexte de l'époque (1673), c'est aussi le cas pour le reste. Les musiciens du Poème harmonique dirigés par Vincent Dumestre (que je ne pouvais voir depuis ma place) utilisent des instruments qui ont été faits aux dimensions appropriées. L'éclairage est assez original aussi. Là encore, de ma place, je ne voyais pas tous les artifices, mais les comédiens, chanteurs et danseurs étaient situés derrière une ouverture cachée par un panneau de bois d'où s'échappait de la lumière. Le programme n'est pas très explicite sur le sujet, mais il n'est pas impossible que cet éclairage ait été réalisé à la bougie... Ce qui est certain, c'est que l'éclairement du décor vacillait parfois de façon irrégulière. Du coup, afin qu'ils soient bien visibles, les chanteurs sont toujours de face, au centre de la scène. Cependant, il ne s'agit pas d'une négation du théâtre : les mouvements expressifs des bras notamment empêchent la représentation de tomber dans la monotonie. Par ailleurs, les costumes sont très colorés et tous les chanteurs ont des coiffes et autres ornements capillaires extravagants.

Bref, c'est un charmant spectacle qu'icelui. Curieusement, alors que la fin du spectacle était programmée pour 22h15, la deuxième partie reprend à 22h10 après l'entr'acte, pour une toute petite demi-heure. Bizarre découpage !

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Le Lac des cygnes à Bastille

2010-12-02 23:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2010-12-02

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, d'après Marius Petipa et Lev Ivanov

Ezio Frigerio, décors

France Squarciapino, costumes

Vinicio Cheli, lumières

Émilie Cozette, Odette/Odile

Karl Paquette, Le Prince Siegfried

Stéphane Phavorin, Wolfgang, le précepteur/Rothbart

Béatrice Martel, La Reine

Myriam Ould-Braham, Ludmila Pagliero, Christophe Duquenne, Pas de trois

Charline Giezendanner, Axel Ibot, Czardas

Sarah Kora Dayanova, Sabrina Mallem, Audric Bezard, Florian Magnenet, Danse espagnole

Victoire Debay, L'Apparition du Cygne blanc

Mélanie Hurel, Emmanuel Thibault, Danse napolitaine

Ballet de l'Opéra

Orchestre Colonne

Simon Hewett, direction musicale

Le Lac des cygnes, ballet en quatre actes, sujet de Vladimir Begichev et Vassili Gueltzer

Quel beau spectacle que ce Lac des cygnes dont c'était ce soir la deux cent vingt-deuxième représentation ! La salle est très pleine. Aux derniers étages, des tables sont préparées pour un souper où de grandes entreprises se régaleront.

Alors qu'il va devoir choisir sa future épouse, le prince Siegfried voit en rêve Odette, une princesse-cygne. Il ne veut épouser qu'elle. Réveillé, il repousse d'abord toutes les prétendantes, mais il se laisse séduire par Odile, toute pareille qu'Odette si ce n'est qu'elle est en noir. Il s'agit en fait de la créature de Rothbart, le double maléfique du précepteur Wolfgang. Après cette trahison, Odette et Siegfried ne peuvent se réconcilier, puisque Rothbart, en grand oiseau noir, enlève Odette.

Le premier acte est étonnant par la façon dont Noureev fait danser les danseurs hommes en couples. Mon point de vue au tout dernier rang du deuxième balcon empêche d'ignorer parfois quelques petits problèmes d'alignement. Cependant, l'engagement physique des danseurs semble extrême. C'est très impressionnant. Un très beau pas de trois avec Myriam Ould-Braham, Ludmila Pagliero et Christophe Duquenne. Le deuxième acte est un acte en blanc. Les ensembles de cygnes blancs sont superbes ! On les retrouvera au quatrième acte. Entre temps, on aura assisté à diverses danses populaires (notamment une danse napolitaine avec Mélanie Hurel et Emmanuel Thibault) dans la fête où le prince doit choisir son épouse.

Le personnage de Rothbart qui hante Siegfried a une très grande importance dans ce ballet, et Stéphane Phavorin y fait impression, tout comme Karl Paquette (Siegfried) et Émilie Cozette (Odette/Odile).

Avant tout, ce qui m'a surpris dans ce ballet, c'est la qualité de la musique, qui est de Tchaikovski. Bravo à l'Orchestre Colonne et au chef Simon Hewett !

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Parzival à Garnier

2010-11-13 01:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-11-12

John Adams, Arvo Pärt, Richard Wagner, musiques

John Neumeier, chorégraphie, mise en scène, costumes et lumières

Peter Schmidt, décors

Edvin Revazov, Parzival

Joëlle Boulogne, Herzeleide, sa mère

Dario Franconi, Gabmuret, son père

Carsten Jung, Le Roi pécheur

Hélène Bouchet, Orgeluse, la jeune femme charmante

Anna Laudere, La Femme qui ne rit jamais

Aleix Martinez, L'Hermite

Kiran West, Ither, le chevalier Vermeil

Ivan Urban, Gornemans de Gorbaut

Thiago Bordin, Gawain, un chevalier

Alexandr Trusch, Bohort, un chevalier

Yohan Stegli, Lionel, un chevalier

Ballet de Hamburg

Parzival : Épisodes et Écho, d'après Chrétien de Troyes et Wolfram von Eschenbach

Non, ce n'est pas une coquille, cela s'écrit bien Parzival avec un z et non un s comme dans le titre de l'opéra de Wagner. C'est qu'au Palais Garnier, on joue depuis ce soir Parzival : Épisodes et Écho de John Neumeier, dont je n'avais que modérément aimé La Dame aux camélias. Comme j'avais décidé d'aller voir toute la saison de danse comme l'année dernière, j'avais inclus ce ballet comme toutes les autres à mon abonnement à l'Opéra.

Les danseurs sont ceux du Ballet de Hambourg que dirige Neumeier (fondée en 1678, cette compagnie n'est cadette de celle de l'Opéra que d'une neuvaine d'années !). Le rideau en trompe-l'œil traditionnel est remplacé par un autre sur lequel est projeté une animation physico-mathématique qui représente des mouvements gyroscopiques (mot savant pour parler de toupies). Je m'installe à ma troisième loge #4, place une. Un vieil homme est assis à côté de moi. Sa manifestement peu flexible colonne vertébrale l'empêchant de se pencher en avant, il doit voir à peu près un tiers de la scène et rater les mouvements des danseurs principaux. Il s'est endormi, n'a heureusement pas ronflé, et il est parti à l'entr'acte. J'ai donc eu une grande loge pour moi tout seul...

Le seul ballet que j'aie vu qui soit un peu comparable était Siddharta de Preljocaj. La démesure de la scénographie et de l'espace de l'Opéra Bastille était écrasante. Ici, les impressions fortes, les très belles images, si elles utilisent une grande partie de la profondeur de scène disponible, utilisent des décors beaucoup moins lourds. Les costumes sont très intéressants aussi. Celui de la mère de Parzival (Joëlle Boulogne) est très spécial. À la base, c'est une sorte de sari monochrome très fin. Mais, il peut se nouer de toutes sortes de manières. Elle peut le laisser traîner autour d'elle. Elle peut l'enrouler comme un sari. Elle se le mettre sur le visage pour en faire un masque. Ce qui m'impressionne le plus, c'est qu'avec tous les mouvements que la danseuse doit faire, il ne finisse pas déchiré de partout.

Ne connaissant rien de l'histoire de Parzival et n'ayant pas eu le temps de lire tout le programme avant que le spectacle commence, j'ai été un peu surpris par le début où on voit paraître le jeune Parzival (Edvin Revazov) habillé en fille (je me suis demandé pendant cinq bonnes minutes à quel genre appartenait le danseur !). Comme l'indique le titre de la première partie, on voit plusieurs épisodes de sa vie : sa relation avec sa mère, sa rencontre avec des chevaliers, des combats, son initiation, ses histoires avec les femmes, une rencontre avec un homme dans un bateau. Dans la deuxième partie, on le voit notamment regarder trois gouttes de sang (représentées par trois danseuses toutes de rouge vêtues, exception faite d'un chapeau pointu à la Merlin), rencontrer un homme apparemment démuni qui prie. La fin est un retour sur le passé.

Les images qui surgissent de ce ballet sont magnifiques. L'esthétique est très différente de celle de La Dame aux camélias ! La scène est essentiellement vide, sombre, mais magnifiquement éclairée. Dans le fond, on aperçoit parfois un sobre décor. La chorégraphie fait beaucoup appel aux qualités athlétiques des danseurs. On voit ainsi plusieurs mouvements d'ensembles très rapides. Les mouvements des solistes comportent de très nombreux portés : des couples de danseurs (censés représenter des oiseaux ?) font des diagonales sans que ces aériennes demoiselles ne touchent le sol... ou si peu. On voit aussi parfois des personnages marcher sur le corps d'autres danseurs. Le corps allongé de la mère roulera sur des corps transformés en troncs d'arbres. Quelques passages quasi-immobiles sont très saisissants aussi, comme au début de la deuxième partie. Quelques solistes comme ceux qui dansent les rôles de Parzival, sa mère ou encore le Roi pêcheur (Carsten Jung) m'ont tout particulièrement fait bonne impression.

Une dernière raison d'apprécier ce spectacle réside dans la musique (enregistrée). Elle fait appel à trois compositeurs : Wagner, Pärt, Adams. Je ne connaissais les deux derniers que de nom. Si Für Alina pour piano d'Arvo Pärt m'a laissé indifférent, j'ai été très enthousiasmé par la musique de John Adams. Je pense que je vais me procurer un enregistrement de Harmonielehre (j'ai un peu moins aimé The Wound-Dresser pour baryton et orchestre). Je m'aperçois avec joie que dans mon abonnement à Pleyel, il y a un concert dirigé par Gustavo Dudamel avec une de ses œuvres au programme. Peut-être ferai-je quelque détour par la Cité de la Musique pour entendre davantage d'œuvres de ce compositeur...

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Paquita à Garnier

2010-10-23 00:35+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-10-22

Édouard-Marie-Ernest Deldevez et Ludwig Minkus, musique, adaptée et orchestrée par David Coleman et adaptée par John Lanchbery

Paul Foucher, Joseph Mazilier, livret

Pierre Lacotte, adaptation d'après Joseph Mazilier (1846) et Marius Petipa (1881)

Luisa Spinatelli, décors et costumes

Philippe Albraic, lumières

Philippe Hui, direction musicale

Marie-Agnès Gillot, Paquita

Karl Paquette, Lucien d'Hervilly

Vincent Chaillet, Iñigo

Guillaume Charlot, Don Lopez de Mendoza

Eve Grinsztajn, Doña Serafina

Emmanuel Hoff, Le Général, Comte d'Hervilly

Béatrice Martel, La Comtesse

Myriam Ould-Braham, Mélanie Hurel, Marc Moreau, Pas de trois

Ballet de l'Opéra

Élèves de l'École de danse de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Paquita, ballet en deux actes

C'est la première fois que je vois un ballet pseudo-narratif. Il y a une bien histoire. Paquita a été enlevée toute jeune par des Gitans, elle tombe amoureuse de Lucien d'Hervilly, qui est venu à Saragosse avec son père le Comte d'Hervilly pour faire poser une pierre en mémoire de son frère assassiné ainsi que sa femme et sa fille. Paquita parvient à sauver Lucien de la tentative de meurtre de son maître Iñigo commanditée par Don Lopez de Mendoza. Ils sont arrêtés alors que les Hervilly célèbrent un bal. En voyant un tableau représentant le défunt frère du Comte, elle reconnait la personne qui figure sur un médaillon qu'elle a toujours gardé. C'est son père. Rien ne s'oppose à ce qu'elle épouse Lucien...

Pourtant, l'action proprement dite occupe une durée très réduite par rapport à la durée du ballet. Le premier tableau du premier acte contient principalement tout un tas de danses espagnoles. On verra notamment des hommes exécuter la danse des manteaux, tels des toréadors. Des danseuses feront tinter des tambourins, etc. Après l'entr'acte, dix minutes à peine s'étaient écoulées que la situation était tout à fait dénouée. La grosse demi-heure restante ne raconte plus rien si ce n'est le bonheur des futurs époux.

On trouve néanmoins de fort beaux passages dansés, solos, pas de deux, pas de trois, ensembles. Dans les deux rôles principaux, Marie-Agnès Gillot (Paquita) et Karl Paquette (Lucien d'Hervilly) sont impressionnants. C'est d'ailleurs la première fois que je vois cette danseuse (étoile) dans un ballet classique (jusques alors, je ne l'avais vue que dans des chorégraphies de Bausch/Millepied/McGregor). En plus de danser très bien et de réaliser une performance physique étonnante, elle se révèle aussi bonne comédienne. Vincent Chaillet est très convaincant en Iñigo.

Plus que d'ordinaire dans les ballets classiques, les applaudissements du public interrompent la (pseudo-)action de façon à pousser les danseurs à faire des saluts. C'est probablement en partie lié au fait que la fin des différents numéros musicaux (et des différentes séquences qui les composent) semble construite de façon à déclencher des applaudissements. Cela dit, à partir du moment où il n'y a pas à craindre de coupure dans l'histoire, je ne vois pas d'inconvénient à saluer l'exploit athlétique des danseurs !

Dans certains passages physiquement très difficiles, je ne dirais pas que j'aie trouvé la chorégraphie très belle, parce que parfois quelque peu répétitive. Mais l'ensemble était saisissant, comme la danse des manteaux, le pas de trois du premier acte (Myriam Ould-Braham, Mélanie Hurel, Marc Moreau) et tout le deuxième acte (où l'en trouve entre autres un ensemble avec de jeunes élèves de l'école de danse).

Je m'aperçois aujourd'hui seulement du fait que les feuillets contenant les distributions donnés par les ouvreuses n'étaient pas fiables à 100%. Ainsi, ce soir, j'ai eu la surprise de voir Mathilde Froustey dans un groupe de huit danseuses lors du grand pas, ce qui n'apparaissait pas dans la distribution.

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Le Ballet royal du Cambodge à Pleyel

2010-10-11 00:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne

Salle Pleyel — 2010-10-10

Ballet royal du Cambodge

Son Altesse Royale la Princesse Norodom Buppha Devi, chorégraphie

La Légende de l'Apsara Méra

C'est un fort beau spectacle que celui donné ces jours-ci en France par le Ballet royal du Cambodge, et ce dimanche Salle Pleyel, il y avait même deux représentations ; je suis allé à celle du soir. Dans le RER A, je devinais déjà que certains visages descendraient l'avenue Hoche jusqu'à la Salle Pleyel pour assister au même spectacle que moi.

De grands rideaux noirs tendus sur la scène cachent la fonction habituelle de cette salle. Une petite estrade est placée au fond de la scène, au centre. Des musiciens s'installent sur les côtés. Sur la droite, une sorte de hautbois et des xylophones. À gauche, quatre chanteurs. Une des deux chanteuses joue aussi des cymbales et un percussionniste utilise des tambours de taille respectable.

Les musiciens à peine installés, la musique commence. La présence de cymbales n'est pas sans rappeler les récitals de danse indienne où on les entend presque systématiquement. Ici, les rythmes seront beaucoup plus simples à reconnaître. Pourquoi se hasarder à une telle comparaison ? Parce que le thème du premier acte Le mythe du barratage de la mer de lait provient de la tradition indienne. Ce mythe est raconté au début du Mahābhārata (pages 173-174 du premier volume au Seuil de la version de Madeleine Biardeau, dont j'ai appris il y a quelques jours le décès en parcourant le catalogue de la BnF : Biardeau, Madeleine (1922-2010)...). On en trouve aussi un récit au huitième livre du Bhāgavata Mahāpurāṇa. Le premier tableau évoque la guerre entre les dieux et les Asura (appelés ici géants plutôt que démons). Le ballet n'est pratiquement constitué que de danseuses. Seuls de très rares scènes mettent en scène des danseurs, comme dans ce combat singulier entre un singe (apparemment du côté des dieux) et un géant. Le dieu Vishnu, paraissant debout sur une tortue dorée, référence à l'avatar de la tortue (Kurma), intervient pour demander aux deux armées de conjuguer leurs forces pour baratter la mer de lait afin qu'en sorte l'amrita, la liqueur d'immortalité. On les voit s'activer autour du serpent Vasuki dont la tête et la queue sont figurées par des accessoires. Des créatures émergent de ce barrattage. Elles sont évoquées par des projections (un peu éblouissantes) sur le fond de la scène. Il me semble reconnaître parmi elles un cheval aux multiples têtes, très-vraisemblablement Ucchaiḥśravas (celui dont la couleur est l'objet d'un pari aux importantes conséquences mythologiques entre Vinatā et Kadrū).

Les démons se sont emparés de l'amrita que le chef des Asura tient dans une sorte de coupe. Vishnu s'incarne sous la forme de l'apsaras (nymphe céleste) Mohini. La version du mythe présentée dans cette chorégraphie s'écarte quelque peu des versions indiennes usuelles. Ici, la nymphe utilise une boule de cristal magique donnée par Vishnu (dont, depuis ma place centrée à l'orchestre, j'ai pu voir une forme à quatre bras réalisée par deux danseuses placées l'une derrière l'autre, les attributs du disque et de la conque étant bien visibles). Elle s'en sert pour éblouir le chef des Asura et récupérer la coupe d'amrita qui reviendra aux dieux. Dans la version du mythe que j'ai lue dans le Bhāgavata Mahāpurāṇa, Mohini n'a besoin de nul accessoire pour obtenir ce résultat, au contraire, elle se défait de quelque vêtement...

Le deuxième acte correspond au titre du spectacle. Il est intitulé La légende de Kambu et de Méra. Elle raconte l'origine légendaire du peuple cambodgien ou khmer, au choix. L'histoire est beaucoup moins intéressante. Il s'agit simplement de la rencontre entre une apsaras et un prince. Pas de méchant en vue, tout va bien. Il s'agit donc essentiellement d'un acte de danse pure. Il procure de très belles images, notamment dans le premier ensemble où les suivantes de l'apsaras lui cueillent des fleurs en son jardin. Le prince débarquera (littéralement) et en tombera immédiatement amoureux. Elle va résister un instant, mais ils seront bientôt unis. Les dieux descendent pour faire la fête. C'est le prétexte d'un nouvel ensemble illustrant la danse céleste des dieux. Dans cette scène, les costumes des déesses ne sont pas sans rappeler les saris indiens. En tout cas, ça brille.

Ce style de danse (qui est rené après le rétablissement de la monarchie, la chorégraphie de ce spectacle est d'ailleurs due à son altesse royale la princesse Norodom Buppha Devi) est très majesteux. Les visages (dont certains sont couverts de masques) manifestent peu d'émotions. Les mouvements des mains sont souples et lents. De nombreuses positions relativement statiques sont dansées avec un seul pied touchant le sol. Parfois, la danseuse tourne tout doucement sur elle-même sur ce pied. Dans le pas de deux entre Mohini et le chef des Asura, on a pu voir des accessoires et un harmonieux petit jeu se mettre en place entre les deux personnages avant que Mohini ne subtilise l'amrita. Des portés spectaculaires se sont fait voir lors de la scène du combat singulier.

Du point de vue musical, tout semble reposer sur le souffle du musicien qui joue d'une sorte de hautbois. Les premières interventions du chœur de quatre chanteurs m'ont un peu déstabilisé, mais je m'y suis habitué assez vite. Le concert étant sonorisé, j'ai tout le temps été perturbé par le fait que ce n'était pas en stéréo : le son des chanteurs semblait venir aussi bien de gauche que de droite, ce qui procure une sensation étrange, inhabituelle pour moi.

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Passion au TCE

2010-10-06 23:18+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Théâtre des Champs-Élysées — 2010-10-06

Barbara Hannigan, Lei

Georg Nigl, Lui

Sasha Waltz, création chorégraphique, mise en scène, décors

Franck Ollu, direction musicale

Thilo Reuther, décors, lumières

Hussein Chalayan, costumes

Thierry Coduys, dispositif électroacoustique

Ilka Seifert, dramaturgie

Sasha Waltz & Guests

Vocalconsort Berlin

Ensemble Modern

Passion, Pascal Dusapin.

La création chorégraphique de l'opéra Passion de Pascal Dusapin par Sacha Waltz & Guests est certainement le spectacle au cours duquel je me suis le plus ennuyé et qui me laisse la plus grande impression d'incompréhension.

L'opéra met en jeu deux personnages Lei (Barbara Hannigan) et Lui (Georg Nigl). La seule chose que l'on comprend, mais c'était annoncé, c'est que cela a un rapport avec Orphée et Eurydice. Il y a quelques autres personnages, mais ils ont une fonction non déterminée.

Du point de vue musical, c'est assez heurté. On entend des effets spéciaux électroacoustiques, la musique étant parfois amplifiée et spatialisée. Des micros servent à donner parfois beaucoup de volume aux respirations saccadées des personnages. Quelques courts passages choraux ravivent parfois mon attention.

Cette Passion, c'est à peu près comme assister à un spectacle de danse contemporaine avec une bande-son qui serait jouée en direct. Ce n'est pas exactement ce que j'attends d'un opéra, d'autant plus que la chorégraphie de Sasha Waltz ne me parle pas du tout.

Le spectacle était annoncé chanté en italien, surtitré en français. En arrivant dans la salle, j'ai remarqué qu'il n'y avait pas de dispositif de surtitrage. La représentation n'a donc pas été surtitrée, ce qui n'a évidemment pas aidé à la compréhension. En sortant, je déplie la feuillette avec la distribution que j'avais rangée sans la lire, et j'y lis avec effroi que c'était fait exprès :

Pour que votre attention ne soit pas dérangée et que vous puissiez pénétrer totalement dans le monde d'émotions créé par Sasha Waltz, nous avons décidé, en accord avec Pascal Dusapin, de ne pas surtitrer Passion, dont le texte en italien vous sera aisément compréhensible.

Ben voyons !

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Le défilé du ballet et Roland Petit à Garnier

2010-09-25 04:33+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-09-24

Yannis Pouspourikas, direction musicale

Orchestre Colonne

Hector Berlioz, musique (Marche, extrait de l'opéra Les Troyens)

Les étoiles, les premiers danseurs, le corps du ballet et les élèves de l'école de danse

Défilé du ballet

Roland Petit, chorégraphie (1974)

César Franck, musique (Psyché)

Camille Saint-Saëns, musique (Symphonie nº3 avec orgue)

Luisa Spinatelli, costumes

Jean-Michel Désiré, lumières

Benjamin Pech

Eleonora Abbagnato

Proust ou les intermittences du cœur, extrait du tableau VII La regarder dormir ou la réalité ennemie

Jacques Prévert, argument

Joseph Kosma, musique originale

Roland Petit, chorégraphie (1945)

Pablo Picasso, rideau de scène

Brassaï, décors

Mayo, costumes

Jean-Michel Désiré, lumières

Jan Broeckx, assistant du chorégraphe

Isabelle Ciaravola, La plus belle fille du monde

Nicolas Le Riche, Le jeune homme

Michaël Denard, Le destin

Hugo Vigliotti, Le bossu

Charlotte Ranson, La fleuriste

Juliette Hilaire, Jenniger Visocchi, Les filles

Pierre Rétif, Le lanceur de tracts

Sophie Mayoux, Neven Ritmanic, Clémence Gross, Ulysse Zangs, Les enfants qui s'aiment

Daniel Stokes, Cyril Chokroun, Alexandre Gasse, Erwan Le Roux, Les garçons

Pascal Aubin, Le chanteur

Anthony Millet, L'accordéoniste

Le Rendez-vous

Jean Anouilh, Georges Neveux, argument

Henri Dutilleux, musique originale

Roland Petit, chorégraphie (1953)

Carzou, décors et costumes

Jean-Michel Désiré, lumières

Jean-Philippe Halnaut, assistant du chorégraphe

Émilie Cozette, La jeune fille

Stéphane Bullion, Le loup

Amandine Albisson, La Bohémienne

Christophe Duquenne, La jeune homme

Alexis Renaud, Le montreur de bêtes

Marie-Isabelle Peracchi, La mère

Le Loup

Jean Cocteau, argument

Johann Sebastien Bach, musique (Passacaille en do mineur, BWV 582, orchestrée par Alexandre Goedicke)

Roland Petit, chorégraphie (1946)

Georges Wakhevitch, décors

Costumes d'après Karinska

Jean-Michel Désiré, lumières

Jan Broeckx, assistant du chorégraphe

Jérémie Bélingard

Alice Renavand

Le Jeune Homme et la Mort

Cela n'a presque l'air de rien quand on en voit des photographies. Par curiosité, j'avais quand même envie de voir le défilé du ballet de l'Opéra. Deux possibilités (en fait trois, en comptant la répétition générale). Payer très cher et mettre un smoking en allant au Gala AROP de mercredi. Ou bien attendre la deuxième représentation, dont les places sont à des prix quelque peu majorés mais pas trop par rapport aux autres représentations du spectacle Roland Petit qui ne seront pas précédées du défilé.

Bref, j'avais tenté ma chance au guichet fin août et avais obtenu un strapontin à l'amphithéâtre. Sachant que le défilé utiliserait toute la profondeur de la scène, il vallait mieux être de face. Je m'inquiétais de ce que mon billet comportât la mention Visibilité réduite, mais il s'est avéré qu'en me penchant un tout petit peu, j'avais une vue dégagée sur toute la scène, et même plus de place pour les jambes qu'aux chaises voisines...

Sur papier glacé, disais-je donc, ce n'est pas particulièrement impressionnant. Pourtant, à vivre, la simplicité géométrique, la musique de la marche des Troyens (Berlioz), les tenues blanches des danseurs qui passent en rangs ou seuls, des plus jeunes élèves de l'école de danse au danseur étoile Nicolas Le Riche, les applaudissements nourris pour tous (mais certains plus que d'autres), quinze minutes durant, c'est un spectacle absolument irrésistible. Je ne m'attendais pas à une telle intensité. (Derrière moi, il y avait une spectatrice qui m'a dit qu'elle ne venait que pour le défilé. Elle est partie juste après !)

Au programme de la série de spectacles Roland Petit se trouvaient trois ballets de ce chorégraphe. Après le défilé, en bonus, nous avons eu un extrait de Proust ou les intermittences du cœur, plus précisément le tableau que j'avais qualifié de superbement esthétique, à savoir celui intitulé La regarder dormir, et qui était dansé ce soir par Benjamin Pech (Proust jeune) et Eleonora Abbagnato (Albertine), une première danseuse que je voyais pour la première fois.

Le programme ordinaire pouvait commencer. Une musique inoubliable de Joseph Kosma (chantée par moments par Pascal Aubin, coryphée), un argument de Prévert, un rideau de scène de Picasso : Le Rendez-vous, avec notamment Nicolas Le Riche, Isabelle Ciaravola (La plus belle fille du monde), Michaël Denard (Le destin), Hugo Vigliotti (Le bossu). Comme celle des deux autres ballets qui vont suivre, l'histoire est franchement triste. Un jeune homme se fait remettre un oracle annonçant sa mort. Il rencontre le Destin et plaide sa cause, prétextant avoir un rendez-vous de prévu avec la plus belle fille du monde. Le Destin lui répond que c'est rigoureusement exact. Quand le jeune homme la rencontre, il danse langoureusement avec elle, mais elle lui tranche la gorge.

Dans Le Loup, un jeune marié (Christophe Duquenne) s'en va avec une Bohémienne (Amandine Albisson), laissant sa jeune épouse (Émilie Cozette) avec un loup (Stéphane Bullion). En effet, avec un montreur d'animaux, les deux lui ont fait croire que son mari s'était transformé en loup par magie. La jeune femme et le loup vont s'apprivoiser l'un l'autre progressivement, au point qu'elle préférera le loup à son légitime quoiqu'inconstant époux quand le simulacre de transformation inverse sera réalisé. Il n'y aurait pas d'histoire si les villageois aimaient avoir un loup dans les parages. Armés de leurs fourches, ils le poursuivent. Bien qu'ils tentent d'éloigner la jeune femme, celle-ci s'interposera lorsque les coups fatals seront assenés. Ils mourront tous les deux. Les costumes de ce ballet sont très colorés, les décors très champêtres. A priori, on est très loin de la noirceur du Rendez-vous, mais d'un autre côté, la musique de Dutilleux est audacieuse, légèrement agressive (au point de choquer quelques oreilles dans le public).

Le dernier ballet de la soirée est Le Jeune Homme et la Mort, dansé par Jérémie Bélingard et Alice Renavand. Une jeune femme pousse un jeune homme au suicide. Elle revient sous les traits de la Mort, et ils s'en vont tous les deux sur les toits de Paris. La version orchestrale de Goedicke de la Passacaille (BWV 582) de Bach semble faite pour illustrer ce ballet... Hormis la musique, ce qui m'impressionne le plus est la fébrilité des personnages. Ce ballet est en effet d'une rare violence. Les chaises fusent. La table tombe. Pourtant, malgré cette agitation, le jeune homme arrive à se tenir en équilibre sur un pied de la table.

À la fin de la représentation, les premiers rôles des quatre ballets présentés viennent tous saluer le public. Premier frémissement quand un homme rejoint le centre de la scène. C'est le chef d'orchestre Yannis Pouspourikas (qui dirigeait l'Orchestre Colonne). Quand un deuxième frémissement se fait sentir, le doute n'est plus permis, c'est bien Roland Petit (86 ans) qui vient saluer ! Avec les danseurs, il recueille des applaudissements qui ne discontinueront pas pendant de longues minutes.

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Kaguyahime (suite)

2010-07-11 18:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2010-07-11

Maki Ishii, musique (1985)

Jiří Kylián, chorégraphie (1988)

Michael Simon, scénographie et lumières

Ferial Simon, Joke Visser, costumes

Elke Schepers, Ken Ossola, Patrick Delcroix, Roslyn Anderson, assistants du chorégraphe

Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lumières

Michael De Roo, direction musicale

Alice Renavand, Kaguyahime

Stéphane Phavorin, Mikado

Muriel Zusperreguy, Céline Talon, Séverine Westermann, Charlotte Ranson, Caroline Robert, Villageoises

Stéphane Bullion, Mathias Heymann, Alessio Carbone, Julien Meyzindi, Florian Magnenet, Adrien Couvez, Nicolas Paul, Marc Moreau, Daniel Stokes, Villageois

Julien Meyzindi, Yvon Demol, Les compagnons du Mikado

Ballet de l'Opéra

Kodō, Gagaku et ensemble de percussions invité

Kaguyahime

Cet après-midi, je suis retourné assister à une représentation de Kaguyahime à l'Opéra Bastille afin d'y voir Alice Renavand dans le rôle de la princesse Kaguyahime. Je ne regrette pas d'être venu, puisqu'elle m'a fait meilleure impression que ne l'avait fait Agnès Letestu. J'ai aussi pu voir la nouvelle étoile Stéphane Bullion dans le rôle du premier prétendant, tout comme Mathias Heymann en villageois, et quelques autres.

La salle était à moitié vide. Pour le premier acte, je suis resté au premier balcon, mais en me replaçant dans des conditions a priori idéales : au milieu du dernier rang qui était déserté. Pour le deuxième acte, comme le parterre était très loin d'être rempli, je suis descendu et ai trouvé une place dans les premiers rangs qui ne soit pas trop excentrée. Bizaremment, le volume sonore et l'effet visuel est moins impressionnant depuis le parterre que d'en haut. L'effet de surprise de la première fois y était peut-être aussi pour quelque chose.

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La petite danseuse de Degas à Garnier

2010-07-10 00:50+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-07-09

Denis Levaillant, musique

Patrice Bart, chorégraphie et mise en scène (2003)

Martine Kahane, Patrice Bart, sujet

Ezio Toffolutti, décors

Sylvie Skinazi, costumes

Marion Hewlett, lumières

Claude de Vulpian, assistante du chorégraphe

Koen Kessels, direction musicale

Dorothée Gilbert, La petite danseuse

Ludmila Pagliero, La danseuse étoile

Mélanie Hurel, La mère de la petite danseuse

Mathieu Ganio, Le maître de ballet

Karl Paquette, L'abonné

Yann Bridard, L'homme en noir

Sabrina Mallem, La chanteuse de caf'conc'

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La petite danseuse de Degas, ballet en deux parties

Dernier ballet de la saison à l'Opéra de Paris : La petite danseuse de Degas de Patrice Bart. Cela raconte la vie de La petite danseuse de quatorze ans, qui s'appelait Marie Van Goethem. Le ballet mêle en fait des éléments de la vie de la danseuse et de ses deux sœurs. Au début du ballet, la petite danseuse (Dorothée Gilbert) descend de la vitrine où la statue est exposée. On voit ensuite différents épisodes de sa vie : elle va à son cours de danse (le maître de ballet est interprété par Mathieu Ganio), elle admire la danseuse étoile (Ludmila Pagliero) dont elle essaie de suivre les pas, elle pose pour un peintre, elle tombe amoureuse d'un abonné lors d'un bal à l'Opéra (Karl Paquette). C'est difficilement compréhensible aujourd'hui, mais la mère de la petite danseuse (Mélanie Hurel), habillée de noir, la suit partout. Dans la deuxième partie, celle-ci se voit dans un miroir changée en femme prête pour aller danser, ce qu'elle va faire avec sa fille au caf'conc' où une autre danseuse (Sabrina Mallem) tient l'affiche. Déçue par le comportement de l'abonné, la petite danseuse vole son portefeuille, ce qui lui vaut de finir en prison où elle voit paraître la danseuse étoile. Finalement, déchue, elle se retrouve parmi les blanchisseuses. Pendant tous ces épisodes, un homme en noir (Yann Bridard) suit la petite danseuse de façon quelque peu menaçante. Il finit par la remettre dans la vitrine.

Pour l'œil, ce spectacle est superbe. Les lumières sont très bien pensées. Grâce à elles, les transformations d'un tableau à un autre s'opèrent comme par magie : un personnage est éclairé, le reste de la scène est dans l'obscurité et tout à coup, le voile est levé sur un nouveau décor. Les costumes sont aussi très beaux. Si les lumières créent des effets saisissants, la manière dont les décors sont conçus y contribue aussi. Pour partie, ce sont de hauts panneaux faits de plusieurs larges bandes d'une sorte de toile épaisse dont certaines peuvent être enroulées ou déroulées. Comme ces panneaux peuvent être déplacés, le décor représentant une rue peut se transformer très rapidement en une salle de répétition pour le ballet. Évidemment, on joue de l'Opéra à l'intérieur de l'Opéra. Pendant la scène du bal, le fond du décor reproduit le rideau de scène du Palais Garnier. Quand des danseuses viennent saluer sous les applaudissements de la salle, ce sont autant les danseuses que les personnages qu'elles interprètent qui viennent saluer.

Ce qui est gênant avec ce ballet et me fait avoir pourtant un avis mitigé, c'est qu'on a l'impression de voir un clip (d'un peu moins de deux heures). C'est très bien dansé (même quand la petite danseuse doit danser gauchement quand elle essaie de reproduire les pas de l'étoile !), c'est très beau à voir, c'est censé être narratif, mais je n'y ai vu qu'une succession de tableaux. La musique de Denis Levaillant m'a aussi un peu gêné. Là encore, même s'il est vrai que la reprise de certaines phrases musicales donne une cohérence à l'ensemble, des styles très différents de musique se succèdent, comme les tableaux. Dans l'ensemble, on dirait de la musique écrite pour le cinéma (il y a d'ailleurs des passages qui ne sont pas loin de ressembler à des parodies de musiques de films ou de séries). L'instrumentation et les techniques de jeu exigées des musiciens sont inhabituelles pour l'Opéra. Dans la fosse, on trouve ainsi un accordéon, un saxophone, des xylophones (et un piano). Les cordes ont un certain nombre de passages pizzicato et un assez impressionnnant numéro où les cordes sont frappées par le bois de l'archet. Cela dit, quand on accepte de regarder ce ballet comme un film ou une suite de clips, l'ensemble n'a rien de désagréable. Un autre élément déroutant de ce ballet est qu'à certains moments, la scène est un peu trop remplie : plusieurs choses se passent en même temps.

Le ballet comporte quelques moments de grâce. Celui que j'ai préféré intervient lors du tableau des blanchisseuses, où la petite danseuse et dix-huit autres blanchisseuses s'activent pour nettoyer des draps blancs. À un moment donné, les blanchisseuses tiennent deux par deux des draps blancs disposés en cercle (vu d'en haut, les draps forment les rayons d'une roue). Et là, Dorothée Gilbert entre dans la roue, tourne autour de l'axe, se jette successivement dans tous les draps jusqu'à devenir invisible.

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Kaguyahime à Bastille

2010-06-18 23:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2010-06-18

Maki Ishii, musique (1985)

Jiří Kylián, chorégraphie (1988)

Michael Simon, scénographie et lumières

Ferial Simon, Joke Visser, costumes

Elke Schepers, Ken Ossola, Patrick Delcroix, Roslyn Anderson, assistants du chorégraphe

Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lumières

Michael De Roo, direction musicale

Agnès Letestu, Kaguyahime

Vincent Chaillet, Mikado

Ludmila Pagliero, Alice Renavand, Aurélia Bellet, Caroline Bance, Christelle Granier, Villageoises

Nicolas Paul, Josua Hoffalt, Alessio Carbone, Florian Magnenet, Julien Meyzindi, Marc Moreau, Villageois

Florian Magnenet, Matthieu Botto, Les compagnons du Mikado

Ballet de l'Opéra

Kodō, Gagaku et ensemble de percussions invité

Kaguyahime

Je viens de voir le ballet Kaguyahime de Jiří Kylián. C'est un spectacle épatant ! (Et sans doute le plus court spectacle que j'aie vu à l'Opéra Bastille : j'étais arrivé à Orsay à 22h !) La princesse Kaguyahime (Agnès Letestu), venue de la Lune, descend sur Terre. Cinq hommes la courtisent ; elle les repousse en leur donnant à passer des épreuves impossibles. On fête son accession à la majorité. Sa beauté attire encore du monde. Les blancs se battent contre les noirs. Finalement, l'Empereur (Vincent Chaillet) se montre aussi intéressé. Mais, Kaguyahime doit retourner sur la Lune et on ne veut pas la laisser partir. Les gardes ayant été éblouis par l'éclat de l'astre, elle arrive à s'en aller.

La première chose qui surprenne dans ce ballet est la musique de Maki Ishii. L'orchestre n'a pas une forme traditionnelle. Il comprend en effet trois parties : un ensemble de percussions occidentales, un ensemble de tambours japonais (Kodō) et un trio d'instruments à vents (Gagaku). Les instruments mélodiques apparaissent principalement pendant les solos de la princesse Kaguyahime, très contemplatifs, faits d'immobiles mouvements. Quand les autres forces sont en présence, les percussions font un bruit démentiel à un rythme effréné, que les danseurs arrivent à suivre tout en faisant des dérapages contrôlés, des figures très rapides à deux ou à trois danseurs. Dans les scènes de combats au début de la deuxième partie, on trouve toutes les configurations : des hommes combattant entre eux, un homme et une femme, deux femmes, etc. C'est très impressionnant, surtout quand la scène est éclairée par un stroboscope.

Visuellement, c'est aussi très esthétique, le plus éblouissant étant la scène entre la princesse et l'Empereur, sur grand fond doré. Superbe !

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La Bayadère à Garnier

2010-05-26 01:25+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-05-25

Ludwig Minkus, musique, réalisée et adaptée par John Lanchbery

Marius Petipa, Sergueï Khoudekov, livret

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa

Ezio Frigerio, décors

Franca Squarciapino, costumes

Vinicio Cheli, lumières

Kevin Rhodes, direction musicale

Emmanuel Strosser, piano

Frédéric Vaysse-Knitter, piano

Agnès Letestu, Nikiya

José Martinez, Solor

Émilie Cozette, Gamzatti

Allister Madin, Le Fakir

Yann Saïz, Le Grand Brahmane

Stéphane Phavorin, Le Rajah

Christine Peltzer, Aiya, servante de Gamzatti

Audric Bezard, L'Esclave

Marc Moreau, L'Idole dorée

Charline Giezendanner, Danse Manou

Sarah Kora Dayanour (sic), Fabien Révillion, Danse indienne

Sabrina Mallem, Première variation

Mathilde Froustey, Deuxième variation

Marie-Solène Boulet, Troisième variation

Ballet de l'Opéra

Élèves de l'École de danse de l'Opéra

Orchestre Colonne

La Bayadère, ballet en trois actes (production créée pour le Ballet de l'Opéra national de Paris le 8 octobre 1992)

Cette année, s'il y a un spectacle du Ballet de l'Opéra que je ne voulais pas manquer — en fait, je suis bien parti pour n'en manquer aucun — c'est bien La Bayadère, dans la version de Rudolf Noureev (1992) d'après Marius Petipa.

La bayadère Nikiya (Agnès Letestu) est aimée du kshatriya Solor (José Martinez), et du grand brâhmane (Yann Saïz). Le rajah de Golconde (Stéphane Phavorin) veut marier sa fille Gamzatti (Émilie Cozette) au-même Solor. Ceci pose problème à Nikiya, ainsi qu'à tout le monde vu qu'avec Solor, ils se sont juré fidélité. On complote contre la bayadère. Alors qu'elle danse pour les fiançailles de Solor et Gamzatti, on lui offre un panier qui contient un serpent venimeux... Plus tard, les deux amants se retrouvent au royaume des ombres.

C'est du grand spectacle. Les décors et costumes sont superbes. Bien sûr, il s'agit plus de montrer une Inde phantasmée, encore plus irréelle que la vision bollywoodienne qu'en donne par exemple Devdas (voir notamment une scène avec Madhuri Dixit Maar Dala pour une idée de ce que cela peut donner), que de présenter une vision conforme à la réalité. En effet, même le temple indien le plus tarabiscoté ne ressemble pas à celui du décorateur. Les femmes indiennes portent tout à fait autrement leur sari. On a jamais vu un grand brâhmane aussi richement paré, etc, etc. Mais, qu'est-ce que ça brille !

On en prend donc plein les yeux, surtout au deuxième acte, avec l'arrivée de Gamzatti en palanquin, celle de Solor sur un éléphant (quoique faux, contrairement à celui de la mise en scène de Padmâvatî par Sanjay Leela Bhansali au Châtelet), et des danses nombreuses et variées, comme celle des perroquets ou celle de l'Idole dorée (Marc Moreau) ; il y a aussi une danse indienne qui fait penser à des danses du Penjab.

L'ambiance de fête se suspend brutalement quand la bayadère Nikiya entame sa danse langoureuse au son des violoncelles. Un moment magique.

Au cours du troisième acte, on peut apprécier le défilé et les alignements d'un groupe de trente deux danseuses lors de la fameuse Entrée des ombres. Ce troisième acte fait bien sûr penser au deuxième de Giselle. Ensemble ou séparément, José Martinez et Agnès Letestu effectuent de nouvelles prouesses, et les trois danseuses Sabrina Mallem, Mathilde Froustey et Marie-Solène Boulet dansent de belles variations.

La musique de Minkus semble présenter en soi moins d'intérêt que d'autres musiques de ballet. Il paraît que c'est la faute des photocopieuses soviétiques : la partition ramenée par Noureev était incomplète.

Ailleurs : Klari.

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Padmini Chettur aux Abbesses

2010-05-04 00:30+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2010-05-03

Padmini Chettur, danse, chorégraphie, décor

Anoushka Kurien, danse

P. Akila, danse

V. Aarabi, danse

Preethi Athreya, danse

Maarten Visser, musique

Jan Maertens, lumières, décor

Vivek Narayanan, texte

Gilles Richard, direction technique

Beautiful Thing 1

Après Paperdoll en 2006 et Pushed en 2008, c'est Beautiful Thing 1, la dernière création de Padmini Chettur que je viens de voir aux Abbesses (première représentation). La pièce dure à peine plus d'une heure. Comme les fois précédentes, les bruits sont de Maarten Visser, mais si ceux de Pushed étaient parfois oppressants, à la limite du supportable, les sons de Beautiful Thing 1 ne font pas mal aux oreilles.

Les trois premiers quarts d'heure (environ) m'ont consterné. Il n'y a absolument aucun contact entre les cinq danseuses. Équipées d'un micro, elles prononcent des mots (left, elbow, hip, etc.) en rapport avec les parties du corps qu'elles mettent en mouvement. Comme dans les pièces précédentes, c'est très lent. Quelques phrases énoncées comme des platitudes, comme I do not like or dislike those who see me... even when I am on stage (ou quelque chose d'approchant).

À un moment donné, les lumières s'éteignent presque totalement. Les cinq danseuses vont réaliser une diagonale à reculons, très, très, len-te-ment. Les mains vont commencer à s'effleurer. C'est à partir de là que je trouve que cela devient un peu intéressant. La musique fait alors penser à des mécanismes en mouvement. Les danseuses se transforment plus ou moins en automates.

Puis, alignées face au public, elles vont prononcer simultanément des mots (comme lotus, bird, death) tout en réalisant avec les mains et les bras des mouvements typiques de la façon dont ces éléments sont traditionnellement codifiés dans le bharatanatyam. On assiste ainsi à une sorte de lecture d'un dictionnaire pendant quelques minutes.

Enfin, les danseuses ayant enfilé un vêtement supplémentaire, elles vont s'amuser à tirer sur le leur, celui de la voisine, ce qui produit de drôles de contorsions (toujours en lenteur). L'une après l'autre, elles se retrouveront à plat ventre. On retrouve un final du genre de celui de Paperdoll avec un long travail au sol, alors que les lumières et les bruits s'évanouissent dans un très long fondu au noir.

Ailleurs : Bladsurb.

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Shantala Shivalingappa aux Abbesses

2010-05-01 00:36+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2010-04-30

Shantala Shivalingappa, chorégraphie, direction artistique

Savitry Nair, conseillère artistique

Nicolas Boudier, lumières

Shantala Shivalingappa, Nicolas Boudier, espace scénique

B. P. Haribabu, natuvangam (cymbales) et pakhawaj (percussions)

J. Ramesh, chant

N. Ramakrishnan, mridangam (percussions)

K. S. Jayaram, flûte

Swayambhu (kuchipudi)

  • Prière chantée à Vani, déesse des arts
  • Ganapati Vandana
  • Tarangam (dédié à Shiva)
  • Tani-Dvayam (duo rythmique)
  • Kirtanam (évoquant la déesse Padmavati)
  • Tillana (dédié à Kumara)
  • Pasayadân (offrande ultime)

Je reviens de la deuxième représentation du nouveau récital de kuchipudi de Shantala Shivalingappa Swayambhu (Celui qui est né de lui-même, un des noms de Brahmâ, mais aussi de Shiva). La première fois que j'ai vu du kuchipudi, c'était en juin 2007 pour Gamaka, un autre spectacle de cette danseuse (vu aux Abbesses et à l'amphithéâtre Bastille). Quelques autres spectacles de ce style de danse ont suivi, en Inde, à Chennai, au cours desquels Radha Prasanna s'était tout particulièrement distinguée.

Le kuchipudi est un peu aux danses indiennes ce que le bel canto est à l'opéra. Les mouvements sont amples, beaux, élégants et semblent moins voués à une forme narrative que peut l'être parfois le bharatanatyam.

Pour la première fois depuis longtemps aux Abbesses, ma place est au tout premier rang, au centre. Les conditions sont donc idéales pour apprécier ce récital.

Le spectacle commence par une invocation de Vani, la déesse des arts. La flûte, puis la voix et enfin les percussions se font entendre. Suit une pièce dédiée à Ganesha, celui qui écarte les obstacles. Sa trompe et ses oreilles sont évoquées avec sobriété par la danseuse.

La pièce la plus importante et la plus éblouissantes de ce récital est le Tarangam, dédié à Shiva. C'est celle que j'ai préférée. Elle commence par la récitation d'un mantra en sanskrit typique du shivaïsme. Quelques aspects et attributs de Shiva sont évoqués : ses cheveux, le croissant de Lune, le serpent, sa fureur. Cette pièce comporte bien sûr des passages pendant lesquels la musique devient purement rythmique. Une des originalités de la danse kuchipudi est représentée brillamment. Il s'agit de la danse sur un plateau en laiton auquel la danseuse impose des mouvements de rotation par à-coup qui lui permettent d'avancer, de reculer, de tourner sur elle-même, tout en présentant une chorégraphie avec la partie haute du corps. Le rythme qu'un des deux percussionnistes dicte aussi bien de la voix (en utilisant un système de correspondances avec certaines syllabes) que du pakhawaj (je n'ai pas très bien vu la différence avec le mridangam), la danseuse le reproduit. La complexité de certains passages semble particulièrement ardue. À partir de là, je suis déjà rassasié et pleinement satisfait par ce que j'ai vu ; le reste, c'est du bonus. (Je ne sais plus si c'est dans cette pièce-là ou dans une autre, mais j'ai été impressionné par la faculté de la danseuse d'incorporer des sauts à sa danse. Il me semble que c'est inhabituel dans les danses indiennes, en tout cas pour des sauts de cette amplitude.)

Les deux percussionnistes enchaînent avec un duo rythmique, à la fin duquel la danseuse interviendra depuis l'arrière de la scène, cachée derrière un voile. La pièce qui suit est narrative. La déesse Padmavati raconte à son époux Venkateshwara un mauvais rêve qu'elle a fait au cours duquel ils se disputaient. Si les premières pièces semblaient tout à fait dans la tradition, certains éléments de la chorégraphie de celle-ci sont probablement originaux. Si la façon de représenter une personne couchée (usuellement Vishnu) est typique, la danseuse me semble avoir intelligemment détourné cette figure pour représenter le sommeil de Padmavati. Certains épisodes sont très picturaux, comme celui où Padmavati s'embrouille entre ses différents produits de beauté, ce qui lui fait une drôle de tartine sur le visage. Cette pièce distrayante se finit par une sortie au son d'un épisode rythmique.

L'avant-dernière pièce est un Tillana : un morceau rapide de danse pure, accompagné de la voix qui répète une succession de syllabes n'ayant pas de sens particulier. Cependant, cette pièce trouve le moyen d'évoquer Kumara (un des fils de Shiva). Je connais mal son iconographie (au-delà de ses représentations à six têtes). Néanmoins, il m'a bien semblé reconnaître le paon, sa monture.

Dans la dernière pièce, on entendra même la voix de la danseuse, puisque dans cette pièce lente (Pasayadân, extrait d'une version de la Bhagavad-Gita en marathi : Dyaneshwari), elle chante le texte tout en dansant !

Je n'ai pas vraiment parlé du décor. Il est minimaliste. Je n'en dis pas plus, mais arriver à créer d'aussi beaux effets avec une telle économie de moyens, c'est une performance qui mérite d'être soulignée. Bref, un très beau spectacle (que je recommanderais vivement s'il restait la moindre place), utilisant quelques éléments apparemment originaux tout en respectant la tradition.

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Hommage à Jerome Robbins à Garnier

2010-04-22 01:16+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-04-21

Maurice Ravel, musique (concerto pour piano et orchestre en sol majeur)

Jerome Robbins, chorégraphie (1975) réglée par Jean-Pierre Frohlich

Erté, décors et costumes

Jennifer Tipton, lumières

Koen Kessels, direction musicale

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Elena Bonnay, piano

Ballet de l'Opéra

Aurélie Dupont

Nicolas Le Riche

En Sol

Nico Muhly, musique originale

Benjamin Millepied, chorégraphie (2008) et costumes

Patrice Besombes, lumières

Kurt Froman, assistant du chorégraphe

Frédéric Lagnau, piano

Bruno Flahou, trombones

Jean Raffard, trombones

Marie-Agnès Gillot

Dorothée Gilbert

Vincent Chaillet

Nicolas Paul

Triade

Frédéric Chopin, musique (quatre nocturnes pour piano, op. 27 nº1, op. 55 nº1 et 2, op. 9 nº2)

Jerome Robbins, chorégraphie (1970) réglée par Jean-Pierre Frohlich

Anthony Dowell, décors et costumes

Jennifer Tipton, lumières

Ryoko Hisayama, piano

Ludmila Pagliero, Jérémie Bélingard

Agnès Letestu, Stéphane Bullion

Delphine Moussin, Nicolas Le Riche

In the Night

Frédéric Chopin, musique (pièces pour piano)

Clare Grundman, arrangements et orchestration

Jerome Robbins, chorégraphie (1956) réglée par Jean-Pierre Frohlich

Rideau de scène d'après Saul Steinberg

Irene Sharaff, costumes

Jennifer Tipton, lumières

Vessela Pelovska, La pianiste

Julien Meyzindi, Un homme (avec écharpe)

Laurène Levy, Clara Delfino, Deux demoiselles

Dorothée Gilbert, La ballerine

Laure Muret, Une fille en colère (avec lunettes)

Béatrice Martel, La femme

Alessio Carbone, Le mari

Simon Valastro, L'étudiant timide

Eric Monin, Le contrôleur

Sébastien Bertaud, Un homme

The Concert ou les malheurs de chacun

Je continue mon intégrale des spectacles de danse de l'Opéra de la saison 2009/2010. Plus que trois. Mes réservations pour la prochaine saison sont en cours de traitement...

Aujourd'hui donc, c'était la première du spectacle Hommage à Jerome Robbins. Je découvre avant de partir que je n'aurai pas une de mes places préférées, mais une place centrale à l'amphithéâtre, peu confortable pour mes genoux.

Cela commence par une pièce légère et littorale En Sol sur la musique du concerto pour piano et orchestre en sol majeur de Ravel. Six couples de danseurs. Un beau pas de deux entre Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche dans le deuxième mouvement.

Puis Triade, chorégraphié par Benjamin Millepied dont j'avais déjà vu le ballet Amoveo en novembre. Le site de l'Opéra annonce à tort qu'il s'agit d'une création. La musique est du jeune compositeur Nico Muhly. C'est plus agréable à écouter que le Philip Glass qu'il fallait supporter dans Amoveo. La danse est aussi intéressante à voir que dans cet autre ballet de Millepied, quoique le début soit déroutant : les quatre danseurs Marie-Agnès Gillot, Dorothée Gilbert, Vincent Chaillet et Nicolas Paul n'arrêtent pas d'entrer et de ressortir de scène presqu'aussitôt.

Les deux derniers ballets de Robbins au programme utilisent de la musique de Chopin. Dans In the night, on entend quatre nocturnes. Pendant les trois premiers, on assiste à des pas de deux successifs de trois couples. D'abord Ludmila Pagliero/Jérémie Bélingard, puis Agnès Letestu/Stéphane Bullion et enfin Delphine Moussin/Nicolas Le Riche. C'est de plus en plus beau à regarder. Dans le dernier nocturne, les trois couples reviennent. Quelques passages malicieux. Ainsi, par exemple, pendant qu'un des couples (sans doute Moussin/Le Riche) évolue, on voit apparaître sur le côté Paglerio/Bélinguard arriver sur scène pour en ressortir aussitôt par la sortie voisine !

Le dernier ballet The Concert ou les malheurs de chacun ferait presqu'oublier tout le reste. Il s'agit d'une pièce comique. La pianiste Vessela Pelovska entre sur la scène où un piano est installé. Alors que le spectacle est déjà commencé, mais pas encore le spectacle dans le spectacle (un rideau de scène d'après Saul Steinberg aura représenté un théâtre), le public se prend au jeu et applaudit la soliste. Celle-ci caricature les tics des pianistes. Elle s'assied, règle longuement son siège, inspecte le clavier, sort un chiffon pour épousseter le clavier... Elle commence à jouer. Des auditeurs arrivent. Des demoiselles, une fille en colère (avec lunettes, précise le programme), une ballerine (Dorothée Gilbert), un couple, etc. s'installent sur un siège. Un ouvreur lance un jeu de taquin quand il est constaté que certains ne sont pas à leur place. On retire le siège de la ballerine qui ne s'en aperçoit pas tout de suite, la position à l'équerre lui étant toute naturelle (voir l'extrait sur le site de l'Opéra). Cela part ensuite dans tous les sens, alors que le récital de piano continue (quoique l'orchestre intervienne aussi parfois, et dans une orchestration qui n'est pas des plus sérieuses). On rit beaucoup, notamment quand le ballet parodie le ballet classique et montre de manière comique des grossières erreurs de danseurs. Quelque danseuse du corps de ballet se retrouve mal positionnée, se meut à contretemps ; dans un mouvement de groupe, deux danseurs trop rapprochés empêchent une danseuse de passer ; une autre fois, la ballerine doit enjamber en ciseaux des mains lacées. On la verra aussi utiliser toutes les ruses pour attirer l'attention sur elle. Tout ceci est très espiègle. Des ailes frou-froutantes leur étant apparues, les danseurs transformés en papillons nous font entrer dans un monde onirique, jusqu'à ce que la pianiste en ait assez !

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Le spectacle de l'école de danse de l'Opéra

2010-04-09 01:49+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-04-08

Élèves de l'école de danse de l'Opéra

Orchestre des Lauréats du Conservatoire (CNSMDP)

Marius Stieghorst, direction musicale

Frédéric Chopin, musique

Ivan Clustine, chorégraphie (1913) réglée par Pierre Lacotte

Amélie Joannidès, Juntaro Coste

Suite de danses

Jean-Michel Damase, musique

John Taras, chorégraphie (1952) réglée par Elisabeth Platel assistée de Wilfried Romoli

Philippe Heriat, livret

Michel Dalens, décors (d'après Félix Labisse)

costumes d'après la production adaptée en 1988 par André Levasseur pour le Ballet du Nord

Emma d'Humières, La Reine des Morphides

François Alu, Un jeune bagnard

Mathieu Contat, Un Iphias

Alexandra Dahms, Le Chef des bagnards

Lou Thabart, Le Vigile

Stéphane Level-Bronnekant, Le Forgeron

Piège de lumière

Mikis Theodorakis, musique (Sept danses grecques pour bouzouki solo et orchestre populaire grec, 1982)

Maurice Béjart, chorégraphie (1983) remontée par Michel Gascard

Sept danses grecques

Après les Démonstrations en décembre, aujourd'hui, j'ai assisté à la première du Spectacle de l'école de danse de l'Opéra. Autant les démonstrations pouvaient paraître imparfaites (mais c'était normal vu que le principe semblait être de montrer les élèves des différentes classes s'exercer sur des figures de plus en plus difficiles), autant ce spectacle semble très réussi.

Trois ballets étaient au programme. Le premier est Suite de danses, ballet en un acte d'Ivan Clustine (1913). Avec l'orchestration de Henri Busser, André Messager et Paul Vidal, j'oublierais presque que la musique est de Chopin. Au début, les plus jeunes danseuses sont allongées sur le sol en rang d'Oignon et elles y restent pendant pas mal de temps. De belles pièces de corps de ballet de style classique, un superbe pas de deux dans lequel se distinguent Amélie Joannidès et Juntaro Coste. La troisième pièce est Sept danses grecques de Béjart, sur une musique (enregistrée) de Mikis Theodorakis : cela commence et finit dans l'onde, et entretemps sept danses pour différents types de formation (dans le désordre : solo, duo de deux garçons, pas de deux, groupe de garçons, groupe de filles, tous ensemble) ; Florent Melac est particulièrement applaudi, tout comme la directrice Elisabeth Platel.

C'est à son initiative que la pièce Piège de lumière (chorégraphiée par John Taras) était présentée ce soir, faisant ainsi son entrée au répertoire de l'école de danse (apparemment, cela n'aurait pas non plus été joué par le ballet de l'Opéra). En lisant le programme dans lequel des éléments sont donnés à ce sujet (Faire revivre un ballet), on se rend compte à quoi tient la conservation d'une œuvre chorégraphique. Ici, ce serait à des enregistrements vidéos de répétitions en 1998 (quand Elisabeth Platel avait elle-même dansé ce ballet), des costumes et partitions conservés miraculeusement. Vu le formidable ballet qui revit ainsi, cela valait le coup de procéder à ces recherches archéologiques.

L'argument du ballet (de Philippe Heriat) et le style de la musique ne sont pas sans rappeler ceux du Festin de l'araignée d'Albert Roussel. Des bagnards vivent à l'écart et tirent quelque profit de la chasse aux papillons et d'autres insectes. Un jeune bagnard fraîchement évadé rejoint la compagnie et est déchaîné (superbe solo de François Alu). Dans le deuxième tableau, les insectes défilent avec leurs costumes à antennes. Un double papillon (deux danseurs tenant chacun deux ailes). Les deux insectes stars sont un Iphias (Mathieu Contat, qui est victime d'une malencontreuse petite chute lors d'une réception) et la Reine des Morphides (Emma d'Humières) qui fait une majestueuse arrivée aérienne en portant une double longue traînée. Les deux ne se déplaisent pas. Au début du troisième tableau, La Reine des Morphides est comme les autres insectes attrapée par le piège de lumière installé par les bagnards. Chacun repart avec une proie. Le jeune bagnard croit pouvoir s'emparer de la morphide. Ils exécutent un merveilleux pas de deux, comportant d'originaux portés (dont un dos sur dos). L'Iphias arrive pour sauver sa belle. Il est occit par le jeune bagnard, qui, alors que la Reine des Morphides a fui, n'a pour se consoler que le souvenir de son étreinte bleutée.

Si les costumes et la danse de ce ballet m'ont plu, c'est avant tout la musique de Jean-Michel Damase (1952) que j'ai adorée, au point que je rouspétais intérieurement contre la partie du public qui semble avoir pour réflexe d'applaudir quand le rideau se baisse. En effet, lors des changements de décors, le rideau est baissé, mais la musique continue ; pourquoi donc applaudir à ce moment-là, le chef ayant préalablement laissé quelques secondes pour ça à la fin des séquences dansées précédentes.

Je reviens à la musique, interprétée par l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire (CNSMDP), dirigé par Marius Stieghorst. C'est au moins autant impressionniste que peut l'être Albert Roussel. Bref, on est véritablement avec les papillons...

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Treemonisha au Châtelet

2010-04-05 01:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Théâtre du Châtelet — 2010-04-04

Adina Aaron, Treemonisha

Christin-Marie Hill, Monisha

Xolela Sixaba, Ned

Stanley Jackson, Remus

Stephen Salters, Zodzetrick

Jacques-Greg Belobo, Simon

Jean-Pierre Cadignan, Luddud

Janinah Burnett, Lucy

Loïc Félix, Cephus

Mlamli Lalapantsi, Andy

Krister St. Hill, Parson Alltalk

Joël O'cangha, Le contremaître

Ensemble Orchestral de Paris

Chœur du Châtelet

Kazem Abdullah, direction musicale

Sergei Pavlov, chef de chœur

Roland Roure, conception scénographique, dramaturgie, décors et costumes

Blanca Li, mise en scène et chorégraphie

Jacques Rouveyrollis, lumières

Robert Nortik, réalisation vidéo

Treemonisha, Scott Joplin (orchestration de Gunther Schuller)

Impossible de rentrer chez soi sans garder en tête le chœur Aunt Dinah has blowed de horn.

S'il est difficile d'avoir vécu au vingtième siècle sans avoir entendu le Maple Leaf Rag ou The Entertainer, il est moins connu que leur auteur Scott Joplin mourût sans avoir pu faire représenter son deuxième opéra Treemonisha (la partition de son premier opéra A Guest of Honor a été perdue).

Le clavier à écran ayant très bien marché, je me suis précipité au lendemain de la première sur le site Internet du théâtre du Châtelet pour acheter des places. Ce soir, j'étais donc à l'avant-dernier rang du parterre pour assister à ce spectacle, dont, fait rare sur les scènes d'opéra, les chanteurs produisent plus de mélanine que la moyenne.

Si l'ouvrage paraît inégal, il s'agit d'un très bon spectacle, qui est sans doute plus susceptible que les autres spectacles lyriques de plaire au plus grand nombre. Le compositeur utilise des rythmes très différents, des récitatifs, de longs airs et de superbes chœurs.

Visuellement, c'est superbe d'un bout à l'autre, grâce aux décors, aux projections vidéo et aux numéros dansés. Au centre du décor du premier acte se trouve un arbre. Celui auprès duquel s'apprête à cueillir des feuilles pour se faire une couronne comme les autres filles. Sa mère adoptive Monisha l'en défend : elle lui révèle que, bébé, elle avait été trouvée auprès de cet arbre et adoptée par elle et son mari Ned. Elle doit aller dans la forêt pour trouver un autre arbre. Elle est enlevée par Zodzetrick, un sorcier abusant de la crédulité de la communauté en vendant des gri-gris. Elle est malmenée lors de la Danse des ours maléfiques, mais elle est sauvée par son ami Remus qui en ayant pris l'apparence d'un épouvantail a été confondu avec le diable. Les cueilleurs de coton se réjouissent de la fin de leur journée. Le retour de Treemonisha fait la joie de ses parents (au fond de la scène, on aperçoit une projection d'une animation très colorée d'une maison). Alors que Zodzetrick se ferait presque lyncher par les villageois, elle demande qu'on lui pardonne. On désigne triomphalement Treemonisha comme chef de la communauté, elle qui a gagné la sagesse par l'éducation (qu'elle avait reçue enfant de la famille qui employait sa mère).

Le livret (du compositeur) n'est pas un sommet de poésie. Cela se fait sentir assez lourdement dans l'air de Remus Wrong is never right. Cela dit, on a déjà vu bien pire (Un ballo in maschera). Au moins, pendant cet air, nul besoin de sur-titres ! Les voix solistes ne sont pas utilisées de façon très spectaculaire dans les deux premiers actes (le plus bel air du premier acte est la sorte de sermon que fait le bien-nommé Parson Alltalk interprété par Krister St. Hill). Cependant, sur la fin, Monisha, Ned, Andy et Treemonisha auront chacun l'occasion de bien faire entendre leur voix. Dans la distribution de ce soir, il y avait Adina Aaron (Treemonisha), Stanley Jackson (Remus), Xolela Sixaba (Ned) qui sont très bons. Dans le rôle de Monisha, Christin-Marie Hill est beaucoup moins convaincante. D'après mon informatrice, Grace Bumbry chante ce rôle mardi soir...

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Siddharta à Bastille

2010-03-21 03:07+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne

Opéra Bastille — 2010-03-20

Bruno Mantovani, musique

Angelin Preljocaj, chorégraphie

Claude Lévêque, scénographie

Eric Reinhardt, dramaturgie

Olivier Beriot, costumes

Dominique Bruguière, lumières

Jérémie Bélingard, Siddharta

Clairemarie Osta, L'Éveil

Marc Moreau, Ananda, cousin et compagnon de route de Siddharta

Wilfried Romoli, Le Roi, père de Siddharta

Alice Renavand, Sujata, une jeune villageoise

Muriel Zusperreguy, Yasodhara, épouse de Siddharta

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Susanna Mälkki, direction musicale

Siddharta

J'ai assisté samedi à la deuxième représentation du ballet Siddharta chorégraphié par Angelin Preljocaj, sur une musique de Bruno Mantovani d'après un livret d'Éric Reinhart, inspiré de la vie du fondateur du bouddhisme.

Je pensais passer en vitesse revoir le plan du temple Jagannath à la BnF, mais un incident du métro 6 m'a fait changer mes plans : quand j'étais à Glacière, on a annoncé qu'un individu courait sur les voies et que le courant était coupé par précaution. J'ai marché jusqu'à Place d'Italie pour rejoindre directement Bastille et ai alors lu une annonce d'un incident voyageur qui interrompait la circulation des métros entre Place d'Italie et Nation.

J'ai pris le programme pour lire le livret : le ballet étant sans entr'acte, il vallait mieux avoir une idée de l'ensemble. On y trouve une première esquisse de livret, celle qui fut donnée au compositeur, mais dont la succession de tableaux (seize !) ne correspond pas exactement au spectacle présenté...

Cela faisait très longtemps que je ne m'étais pas retrouvé au parterre. La dernière fois, cela devait être pour Tristan und Isolde. En arrivant porte une, du jamais vu : une queue se forme pour entrer dans la salle. Après plus de cinq minutes d'attente, j'arrive finalement à m'installer au rang 30, très légèrement de côté.

N'ayant aucune idée de ce à quoi la musique allait ressembler, cela serait forcément surprenant. Les lumières s'éteignent totalement, puis se dirigent sur la fosse et la chef d'orchestre Susanna Mälkki avant que la musique se fasse entendre. Le début fait un peu bizarre, mais finalement, la musique de Bruno Mantovani s'écoute très bien.

Je n'avais vu qu'un seul spectacle d'Angelin Preljocaj avant celui-ci : Le Funambule qu'il interprétait lui-même en septembre dernier au Théâtre de la Ville. Des éléments de style apparaissent immédiatement comme une marque de fabrique, comme ces mouvements coordonnés des bras passant au-dessus de la tête. Dans Le Funambule, on le voyait s'élever dangereusement sur une sorte de passerelle suspendue. Dans ce ballet, Siddharta et son disciple Ananda grimpent sur des plates-formes faisant partie d'un mastodonte apparu d'en haut, à peine moins large que la scène de l'Opéra Bastille et se balançant latéralement. Quelle démesure !

Dans un autre tableau, on verra une maison tourner sur elle-même au-dessus des danseurs. Peut-être est-ce pour bien nous faire voir que ce n'est pas juste un décor en toile, mais un truc en dur. Ce spectacle aura aussi fourni la troisième grosse boule de 2010, après celle, majestueuse, de Norma et celle, de taille plus modeste, de Rheingold.

Dans la succession de tableaux, on verra les forces de l'obscurité représentées par des motards, l'Éveil par une éthérée danseuse en blanc (Clairemarie Osta) et des ermites maniant le baton. Après un parcours semé d'épreuves, Siddharta (Jérémie Bélingard) finira par s'unir à l'Éveil. Quoique produisant quelques belles images (comme celle de l'Éveil se dérobant par en haut aux manœuvres d'approche de Siddharta), la chorégraphie m'a souvent paru peu lisible.

Le gros point noir de ce spectacle, de mon point de vue, est l'éclairage. Pendant l'essentiel de la soirée, l'action est en noir sur fond noir, notamment le début avec les motards. Je me suis dit à un moment que la scène s'illuminerait un peu plus vers la fin quand Siddharta deviendra l'Éveillé ; pas vraiment, vu que seul Siddharta a été mieux éclairé !

Comme j'avais déjà eu une impression semblable pour Tristan und Isolde, peut-être que cette sensation de manque d'éclairage est liée à mon placement au fond de l'orchestre. En tout cas, avec ou sans jumelles, je ne voyais pas très clair (et non, ce n'est pas ma vue qui baisse : elle a été contrôlée très récemment). Pour les ballets, je crois que je continuerai à préférer l'Opéra Garnier où on a une sensation toute différente de proximité avec les danseurs.

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Calendrier des ouvertures de réservations de l'Opéra

2010-03-11 19:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

L'information n'étant apparemment pas trouvable sur le site de l'Opéra de Paris, je reproduis ici le calendrier des ouvertures de réservation sur Internet et aux guichets qui apparaît page 127 de la brochure.

SpectacleInternetGuichets
Concerts, récitals21 juin2 juillet
Le Vaisseau fantôme21 juin2 juillet
L'Italienne à Alger21 juin5 juillet
Eugène Onéguine21 juin2 juillet
Roland Petit21 juin12 juillet
Le Triptyque30 août10 septembre
Paquita30 août13 septembre
Les Noces de Figaro30 août24 septembre
Ballet de Hambourg30 août27 septembre
Mathis le peintre30 août1er octobre
Le Lac des cygnes11 octobre22 octobre
La Fiancée vendue11 octobre18 octobre
Balanchine/Brown/Bausch11 octobre25 octobre
Ariane à Naxos11 octobre19 novembre
Madame Butterfly8 novembre26 novembre
Giulio Cesare8 novembre22 novembre
Francesca Da Rimini8 novembre10 décembre
Caligula8 novembre6 décembre
Siegfried8 novembre14 janvier
Le Crépuscule des Dieux8 novembre14 janvier
Luisa Miller13 décembre21 janvier
Kátia Kabanová13 décembre24 janvier
Coppélia13 décembre31 janvier
Akhmatova13 décembre21 janvier
Spectacle de l'école de danse13 décembre7 février
Roméo et Juliette3 janvier18 mars
Tosca3 janvier25 mars
Mats Ek3 janvier28 mars
Ballet du Théâtre Bolchoï (Flammes de Paris, Don Quichotte)3 janvier4 avril
Rain3 janvier28 mars
Otello7 mars13 mai
Così Fan Tutte7 mars16 mai
L'Anatomie de la sensation7 mars20 mai
Les enfants du paradis7 mars23 mai

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Nouvelles saisons

2010-03-10 20:20+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Je suis allé hier à la présentation de la nouvelle saison de la Salle Pleyel. On montre son carton d'invitation à l'entrée et on peut récupérer les brochures. À part ça, la séance présente peu d'intérêt : les responsables de la salle, de l'Orchestre de Paris et de l'Orchestre philharmonique de Radio-France discutent de leur programmation, des nouveaux-chefs, etc. Heureusement que les éclairages sont suffisants pour faire passer le temps en feuilletant les brochures. Une heure plus tard, un moment musical, le trio pour clarinette, violoncelle et piano de Fauré par Paul Meyer, François Salque (qui est devenu père quelques heures avant) et Eric Le Sage. Je me suis plutôt ennuyé, la faute à fatigue et à Fauré. Croisé Palpatine et Mimy qui se sont laissés entraîner dans un restaurant indien. Je n'ai pas assez de recul pour commenter la programmation en général. Je note juste que le ballet royal du Cambodge viendra donner deux représentations de La légende de l'Apsara Méra.

La programmation de l'Opéra de Paris vient de tomber aussi. Ma première impression, c'est qu'en dehors des deux productions de Luisa Miller et de Tosca que j'ai déjà vues, j'irai bien voir absolument tous les spectacles d'opéra et de danse... Au niveau prix, je vois une petite inflation dans les tarifs des ballet (mes chères places à 21€ passent à 23€), une grosse inflation pour les places à 10€ qui passent à 15€ (on en entendra parler dans les files d'attente), mais les places à 20€ et 35€/40€ ne bougent heureusement pas. Apparemment, il n'y a que les places les plus chères qui baissent : création d'une catégorie Optima à Bastille plus chère que l'ancienne première catégorie, mais baisse assez significative des tarifs des catégories 1—5.

En ce qui me concerne, avant de bloquer des dates, j'attends la programmation du TCE qui sera annoncée samedi, mais le 15 ou le 17 avril 2011 est déjà réservé puisqu'on verra Louis Langrée diriger l'Orchestre de Paris pour un Pélleas et Mélisande en version de concert avec une distribution de rêve (Dessay, Keenlyside, Lemieux, Naouri, Vernhes).

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Je hais le site Internet de l'Opéra de Paris

2010-03-08 18:44+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

C'était mieux avant.

À la fin de la saison 2008/2009, après que j'avais envoyé mon formulaire d'abonnement, l'enthousiasme déclenché par La fille mal gardée me fit me dire que finalement, j'irai voir tous les spectacles de ballet de l'Opéra de Paris cette année. Il restait quelques spectacles à réserver. Comme je vise les places à 21€, la seule option raisonnable pour ce faire était d'attendre les ouvertures de réservations sur Internet.

Les fois précédentes, à savoir le 9 novembre et le 11 janvier, j'avais déjà constaté que le site de l'Opéra malfonctionnait. Aujourd'hui encore, cela m'a exaspéré. Ce n'est écrit nulle part, mais apparemment, l'ouverture des réservation commence à 9h. Dès cette heure-là, le site est inutilisable. Un système rudimentaire de queue a été mis en place. On nous demande de répondre à une question Captcha et on nous indique un temps d'attente qui s'écoule et oscille.

À la première tentative, deux minutes d'attente, mais la connexion est interrompue constamment. Un peu plus tard, le temps d'attente annoncé d'une vingtaine de minute se trouvera multiplié par deux à l'arrivée. Je me retrouve alors avec un accès précaire au site de l'Opéra, dont l'essentiel de la mise en forme a disparu, ce qui rend certaines opérations impossibles. De fait, quand je tape mon numéro de spectateur, puis demande l'accès à la billetterie et sélectionne ballet (ce qui est un marathon en soi, vu que la connexion peut être interrompue à tout moment, ce qui impose de cliquer sur le bouton Retry jusqu'à ce que ça tombe en marche : si on ne fait rien pendant cinq minutes, le site considère qu'on a abandonné...), je peux voir apparaître La petite danseuse de Degas. Là, l'erreur serait de cliquer sur le titre, cela ne ferait en effet qu'afficher la description du spectacle, et il faudrait tout recommencer pour réserver un billet. Non, je ne suis pas un bleu et je clique sur le bouton Réserver. Et là, au lieu de me proposer de choisir entre les différentes dates, on me demande à nouveau de rentrer mon numéro de spectateur. Au bout de la sixième fois que le site m'a demandé mon numéro de spectateur, je me dis que cela ne pouvait pas être moi qui fusse buggé. Le site a planté encore un peu plus et je me suis retrouvé dans la queue. Après le déjeuner, j'ai réessayé et cela a fini par fonctionner.

C'est la troisième fois de suite que la vente sur Internet se passe vraiment mal. Avant le changement de système, ce n'était pas aussi pire. Il faudrait vraiment que quelque chose soit fait. Si ce n'est qu'un problème de charge des serveurs, il suffirait d'espacer un peu plus dans le temps les mise en vente, à savoir ne pas mettre en vente huit séries de spectacles en même temps comme ce fut le cas le 11 janvier.

L'interface est malpratique au possible. Dans l'ancien système, quand on avait sélectionné un spectacle, pour chaque date, on voyait l'intervalle de prix des places encore disponibles. Actuellement, cela affiche de 21.00€ à 87.00€, même s'il ne reste plus que des places de première catégorie. Vu le temps que prend le chargement d'une misérable page Web sur le site, cela fait perdre un temps fou. Une fois la date et la catégorie sélectionnée, on voit normalement une liste des différentes zones dans lesquelles il reste des places, comme Quatrièmes loges de côté, Amphithéâtre, etc. Souvent, rien ne s'affiche et on est obligé de valider pour voir le placement, ce qui bloque temporairement la place et fait encore perdre du temps. Corriger ces défauts de conception de l'interface réduirait sans doute un peu la charge du site...

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La dame aux camélias à Garnier

2010-03-06 20:39+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-03-04

Frédéric Chopin, musique

John Neumeier, chorégraphie et mise en scène (1978)

Jürgen Rose, décors et costumes

Rolf Warter, lumières

Victor Hughes, répétitions

Michaël Schmidtsdorff, direction musicale

Emmanuel Strosser, piano

Frédéric Vaysse-Knitter, piano

Delphine Moussin, Marguerite Gautier

Karl Paquette, Armand Duval

Andreï Klemm, Monsieur Duval

Mélanie Hurel, Prudence Duverney

Laurent Novis, Le Duc

Karine Villagrassa, Nanine, la servante de Marguerite

Simon Valastro, Le Comte de N

Frédéric Vaysse-Knitter, Un pianiste

Ludmilla Pagliero, Manon Lescaut

Mathias Heymann, Des Grieux

Mathilde Froustey, Olympia

Nicolas Paul, Gaston Rieux

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La dame aux camélias, ballet en un prologue et trois actes d'après le roman d'Alexandre Dumas fils

Jeudi dernier, je suis allé à la dernière de La dame aux camélias, ballet de John Neumeier, d'après le roman d'Alexandre Dumas fils. Je recommande à quiconque de lire ce roman, où l'on voit les sentiments des personnages s'exprimer comme rarement on peut le lire.

Suite à un mauvais calcul d'horaires de RER et les retards que ceux-ci accumulent, je suis arrivé à la dernière minute dans ma troisième loge de côté, sans avoir eu le temps d'acheter le programme ni de lire la distribution, l'ouvreuse ayant répondu à ma voix essouflée qu'elle n'en avait plus. Pendant le prologue et le premier acte, je me suis donc amusé à essayer de reconnaître les danseurs.

Si j'ai certainement passé un bon moment (prolongé : trois heures avec deux entr'actes), ce ballet est loin d'être mon préféré. Bien sûr, j'ai apprécié les références explicites aux personnages de Manon Lescaut (comme dans le roman), Des Grieux étant interprété par mon étoile masculine préférée (Mathias Heymann) et par la toute nouvelle première danseuse Ludmila Pagliero. J'ai aussi aimé la mise en scène très cinématographique. Un rideau sépare souvent l'avant-scène de l'arrière, ce qui permet de distinguer plusieurs scènes concommitantes et on voit parfois un personnage sortir d'une pièce pour reparaître dans une autre, dans un flot cohérent d'action continue. J'ai aussi aimé les portés invraisemblables auxquels se livrent la nouvelle étoile Karl Paquette (Armand) et Delphine Moussin (Marguerite). Les costumes sont d'une esthétique quelque peu datée, mais il est plaisant d'admirer les couleurs vives des danseuses, ce qui permet de distinguer Mélanie Hurel (Prudence) et Mathilde Froustey (Olympia) dans certaines danses de groupe.

Bien que je n'apprécie pas beaucoup la musique de Chopin, je n'en ai pas ressenti de déplaisir particulier, si ce n'est une impression de déjà-vu du fait des nombreuses reprises du Largo de la Sonate en si mineur (opus 58), une sorte de leitmotiv du ballet. Non, ce qui m'a un peu déplu, c'est la façon de raconter l'histoire. Si les tableaux en eux-mêmes sont beaux (comme les réjouissances campagnardes du deuxième acte) et si la construction est très intelligente, bien que connaissant l'histoire, j'avais parfois un peu de mal à suivre, surtout pendant les deux premiers actes. De surcroît, le synopsis que contient le programme n'aide pas vraiment à comprendre les rôles respectifs d'Olympia et de Prudence, par exemple.

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Aruna Sairam et Priyadarshini Govind au NCPA

2010-02-27 11:28+0530 (मुंबई) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII

Experimental Theatre, National Centre for the Performing Arts, Mumbai — 2010-02-26

Aruna Sairam, chant

Priyadarshini Govind, bharatanatyam

Brindavani Venu

La personne qui m'invite au TIFR avait suggéré que nous allassions au National Centre for the Performing Arts. J'avais déjà parcouru leur site Web, mais n'avais pas tilté quand j'avais vu Brindavani Venu, Experimental Theatre. Derrière cet intitulé qui évoque la flûte de Vrindavan (celle de Krishna) et le nom de la salle (250 places environ), se cachait un récital conjoint de la chanteuse carnatique Aruna Sairam et de la danseuse de bharatanatyam Priyadarshini Govind que j'ai déjà eu l'occasion de voir deux fois à Paris.

Ma collègue, abonnée au NCPA, s'était fait dire au téléphone qu'il n'y aurait aucune difficulté à acheter des places à l'entrée. Pourtant, il y était écrit House full, thank you.. Heureusement, elle a pris en main la chasse aux places surnuméraires d'autres spectateurs, et nous avons pu racheter trois places (5€), une autre collègue et amie, Supriya, étant aussi de la partie.

Le spectacle durera environ trois heures. Pendant la première moitié, Aruna Sairam chante, accompagnée d'un violon, d'un tampura, d'un mridangam et d'un gattam (sorte de cruche). La performance vocale était remarquable. Un raga mohanam, puis une pièce appelée Kapali (en référence au temple de Mylapore) sur le même raga et un morceau du grand compositeur Muthuswami Dikshitar. La chanteuse étant originaire du Maharashtra, elle a intégré au récital un chant dévotionnel marathi. Son récital s'est terminé par un superbe Tillana en l'honneur de Krishna. Dans chacune de ces pièces, la chanteuse et les instrumentistes laissaient le temps à l'atmosphère particulière de chaque chanson de s'installer, se suspendre et s'éteindre en douceur.

Après un court entr'acte, Priyadarshini Govind et ses musiciens se sont installés sur scène. Elle est accompagnée d'un mridangam, de nattuvangam, d'un violon et d'une voix. J'ai déjà eu l'occasion d'entendre la vocaliste lors de mon récent séjour à Chennai. Apparemment, c'est habituellement elle qui accompagne Priyadarshini Govind. Je n'y avais pas particulièrement fait attention, mais peut-être l'accompagnait-elle déjà pour les deux spectacles que j'avais vus au Théâtre de la Ville. La première pièce est en l'honneur de Muruga/Karthikeya, le deuxième fils de Shiva, celui qui est né pour combattre le démon Mahisha. La deuxième pièce consiste en de la danse pure. La danseuse s'est excusée par avance de ce qu'il n'y aurait pas de Varnam, c'est-à-dire de véritable pièce principale, le durée du récital étant trop brève pour cela. Pendant les passages purement rythmiques, elle n'est pas exactement en rythme.

Viennent ensuite trois pièces de longueur moyenne. Les deux premières mettent en scène les amours illicites de Nayikas. Dans la première, une dévôte de Shiva est tentée par Krishna. Elle a juré de ne servir que Shiva, elle rabroue Krishna en lui disant de ne pas la déranger alors qu'elle prie Shiva, mais ses yeux lui disent oui. Dans la deuxième, une femme mariée fait la valise de son mari qui s'en va à la ville voisine, quand elle a fermé la porte d'entrée, elle ouvre celle de derrière pour laisser entrer son amoureux. La Lune brille pour eux deux seulement, mais la femme s'inquiète. Il devra partir quand l'astre de la nuit sera dominé par celui du jour. L'autre lui demande pourquoi elle s'inquiète sachant que son mari est loin et que son beau-père âgé ne voit plus très clair. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, mais la morale est apparemment sauve à la fin quand on apprend que l'amoureux n'était autre que Venkateshwarar.

La dernière pièce est celle qui a eu le plus de succès. Elle consiste en un dialogue entre Yashoda et le vilain Krishna, son fils adoptif. Yashoda reçoit beaucoup de plaintes des gopis qui se plaignent des espiègleries de Krishna. La seule solution est qu'il reste à la maison. Elle lui promet des sucreries et même du beurre (dont Krishna est friand). Quand il comprend l'enjeu, Krishna s'en détourne, alors Yashoda lui explique que s'il sort, il va rencontrer des bêtes sauvages au mont Govardhan, comme des tigres, des serpents et des éléphants. Krishna n'en a même pas peur, il pense pouvoir les amadouer sans la moindre difficulté.

Cette pièce, tout comme les deux précédentes, est manifestement faite pour plaire immédiatement à un public peu habitué au bharatanatyam. La musique se fait presqu'impressionniste pour évoquer les rencontres de Krishna avec les animaux. Les tigres et les serpents sont facilement reconnaissables, les éléphants sont suggérés par le mouvement de leurs oreilles.

Cette deuxième partie, légèrement décevante, s'achève par un Tillana très connu, où l'on verra la danseuse répondre aux dictées rythmiques.

Après cela, Aruna Sairam et ses musiciens reviennent sur scène et interprètent la chanson qui accompagne la chorégraphie spécialement réalisée pour l'occasion : Brindavani Venu, où il sera question de Krishna, joueur de flûte. Il est rare de voir une aussi belle chorégraphie accompagnée par une vocaliste aussi talentueuse !

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Nethra Gururaj au R. K. Swamy Auditorium

2010-02-17 17:40+0530 (मुंबई) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-13

Nethra Gururaj (disciple de Guru Nagamani Srinivasa Rao), bharatanatyam

Dimanche soir, je suis allé une dernière fois au festival de danse de Sri Parthasarathy Swami Sabha. On a annoncé les récompenses nombreuses déjà reçues par la danseuse, puis après un prélude musical, quelle fut ma surprise quand une jeune fille d'une douzaine d'années à peine entra en scène. Je ne comprends pas grand'chose aux chorégraphiques (les annonces se limitant à indiquer le nom de la chanson, le compositeur, le raga et le tala). Dans la première, il semble qu'il soit principalement question de Krishna et dans la deuxième, le Varnam, de Shiva. Indépendamment de l'âge de la danseuse, c'est très impressionnant de technique et de vitesse. Elle exécute une figure que je n'avais encore jamais vue et qui semble être ce qui se rapproche le plus des pointes de la danse classique européenne parmi ce qu'il se puisse faire pieds nus : les bras tendus vers le haut, une jambe relevée à la hauteur d'un genou, le poids du corps reposant en équilibre sur la pointe d'un pied tendu.

Je devrai malheureusement manquer la fin de ce spectacle en raison d'une quinte de toux qui me fit choisir de m'éclipser discrètement plutôt que de déranger tout le monde.

À la fin du Varnam, une grande dame du bharatanatyam, Padma Shri Sudharani Raghupaty (le bharatanatyam conserve bien, visiblement) a été appelée pour faire un discours dans lequel elle a chaudement félicité la danseuse en devenir, sa guru Nagamani Srinivasa Rao et l'organisateur du festival.

Je suis arrivé à Mumbai mardi après-midi après 28h de train (2h de plus que prévu). J'étais en 2AC, pour la première fois. Par rapport à la 3AC, on a plus de place parce que les couchettes ne sont empilées que sur deux niveaux et elles sont séparées par des rideaux.

Depuis ma chambre, j'ai une très belle vue sur la baie de Mumbai.

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Célébrations de Shivaratri

2010-02-14 12:25+0530 (சென்னை) — Culture — Danse — Danses indiennes — Voyage en Inde VIII

On m'avait prévenu qu'à la veille du mois de Mashi commençant à la nouvelle Lune, il y aurait une fête spéciale se déroulant pendant toute la nuit dans les temples de Shiva (Shivaratri). En arrivant vendredi en fin d'après-midi à Mylapore, il était difficile de circuler vu la densité du traffic. J'achète un camera ticket au temple Kapaleeshwarar en prévision de mon retour d'un spectacle de danse au R. K. Swamy Auditorium (bharatanatyam par Neeraja Srinivasan, un spectacle très bon mais moins marquant que les quelques uns de niveau assez exceptionnel que j'ai eu l'occasion de voir pendant ces deux semaines à Chennai). Les allées à l'intérieur de l'enceinte du temple sont pleines de monde. La queue menant au sanctuaire est très longue. On se prosterne à plat ventre à certains endroits, des petites bougies produisent un peu de lumière à l'entrée de certaines parties du temple. Plus tard, la divinité est montée sur un char, poussé par une sorte de locomotive.

Une des informations qui ont le plus fait l'actualité dans les médias indiens jusqu'à hier soir est liée à une phrase de Shah Rukh Khan à propos de joueurs de cricket pakistanais. Plutôt favorable à leur égard, les abrutis du Shiv Sena (qui s'étaient déjà fait remarquer il y a un an quand ils voulaient empêcher les femmes d'aller seules boire un verre) et d'autres ont considéré que ce discours était antipatriotique. La sortie de son dernier film My Name is Khan a été menacée, des affiches ont été saccagées, divers incidents se sont produits à Mumbai, mais le public est venu en masse voir le film.

Dès l'annonce de l'attentat commis hier à la German bakery à Pune, la polémique fait rage. Elle vise les autorités fédérales qui n'auraient pas tiré les leçons de 26/11 (les attaques de grands hôtels et de la gare VT à Mumbai) et la police du Maharashtra qui aurait alloué trop de forces à la protection des cinémas jouant le film de Karan Johar avec Shah Rukh Khan. Ces critiques me paraissent infondées, parce qu'à mon avis, il est rigoureusement impossible d'empêcher quiconque de déposer un colis piégé dans un endroit très fréquenté sans en même temps annihiler toutes les libertés publiques, celles-là même que l'on protège en prenant des mesures pour empêcher les nuisances du Shiv Sena. Cet attentat intervient précisément au moment où les discussions bilatérales avec le Pakistant étaient relancées.

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Krishna Chidambaram au R. K. Swamy Auditorium

2010-02-11 22:44+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-11

Krishna Chidambaram (disciple de Guru C. V. Chandrasekar), bharatanatyam

Sixième soirée au R. K. Swamy Auditorium. J'y suis aussi allé mardi dernier pour du kuchipudi, mais le spectacle était de qualité très moyenne. Ce soir, le programme était très alléchant vu que le guru de Krishna Chidambaram est C. V. Chandrasekar, un des plus grands danseurs et enseignants de bharatanatyam, aujourd'hui très âgé. Il joue du nattuvangam (cymbales). À ses côtés, une chanteuse, un mridangam, une flûte, un violon. La salle est pleine. J'ai encore trouvé le moyen de m'installer au premier rang, au centre, mais je me suis retrouvé relégué au second quand des chaises surnuméraires ont été disposées devant. La scène est tellement décorée de fleurs qu'il en exhale des parfums.

Cela n'est pas l'habitude dans ce festival, mais pour une fois, les annonces sont faites en tamoul. Il m'est donc significativement plus difficile de saisir de quoi il s'agit d'autant plus que la danse est très technique, trop à mon goût. C'est exécuté parfaitement, tout à fait dans le rythme, mais cela reste très abstrait, presque mécanique. La première pièce est un Pushpanjali dédié à Rama, puis vient un Jatiswaram. Cette deuxième pièce sera la seule à comporter un passage purement rythmique.

Ce spectacle ne comporte pas une partie principale, mais deux ! La première est Siva Astapati. Principalement, il s'agit de Shiva. Le texte répète souvent le mot Shankara et on voit la danseuse prendre révérencieusement la pose Nataraja. Est évoqué le retour de Rama à Ayodha en passant par Rameshwaram où il vénère un lingam de Shiva pour se faire pardonner du meurtre de brâhmane qu'il a commis en tuant Ravana (il ne me semble pas que cet épisode figure dans le Ramayana). Dans un autre tableau, il me semble reconnaître Kama (Amour) frappant Shiva d'une flèche censée le faire aimer Parvati. Shiva le réduit en cendres et Rati son épouse vient implorer le pardon de Shiva, qui le lui accorde.

Dans la deuxième pièce principale, il est aussi question du Ramayana. Les thèmes ressemblent à ceux déjà présentés par Srithika Kasturi Rangam. On verra apparemment la cérémonie qui permet à Dasharata d'obtenir quatre fils. Il y aura aussi la scène où Rama soulève l'arc de Shiva après que d'autres auront raté. Une originalité de cette chorégraphie est d'avoir aussi représenté Sita, anxieuse à l'idée de se retrouver mariée à un autre que Rama. Les caprices de Kaikeyi, responsable de l'exil de Rama, seront ensuite évoqués, puis très furtivement la rencontre de Guha. Une fois dans la forêt, on trouve l'épisode de l'antilope magique à la poursuite de laquelle part Rama à la demande de Sita. Une ellipse, puis on voit arriver des singes, mais la chorégraphie me semble assez confuse.

L'avant-dernière pièce est Javeli. C'est encore très abstrait, tout comme la dernière, un Tillana dédié à Rama.

Si ce spectacle était impressionnant par la technique, je suis néanmoins un peu resté sur ma faim. Si j'avais un dictionnaire des codes du bharatanatyam, j'aurais sans doute davantage apprécié.

Comme la danseuse a resté sur scène pas loin de deux heures, il n'y a plus beaucoup de trains et le suivant étant prévu une demi-heure plus tard, je décide de prendre un bus jusqu'à Indira Nagar. La zone à l'Est de la voie de chemin de fers m'est devenue difficile d'accès parce qu'un petit pont s'est apparemment effondré, ou on l'aura fait tomber. Des travaux sont en cours. Toujours est-il qu'à moins de traverser des maisons, il faudrait faire un détour d'un ou deux kilomètres pour passer à sec. Il m'a pourtant semblé voir un passage praticable. J'ai gagné du temps, mais ma chaussure gauche a fait connaissance avec les immondices du slum...

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Smt. Radha Prasanna au R. K. Swamy Auditorium

2010-02-09 10:47+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-08

Radha Prasanna (disciple de Guru Madhava Peddi Murthy), kuchipudi

Encore un très beau spectacle au festival de danse de Sri Parthasarathy Swami Sabha. Cette fois-ci, il s'agit de kuchipudi. La danseuse Radha Prasanna est aussi spécialiste de bharatanatyam et cela se voit.

Le spectacle commence par une prière puis la danse commence avec une assez longue pièce dédiée à Ganesh, celui qui repousse les obstacles. La pièce suivante évoque le personnage de Satyabhama, la plus belle des soixante mille gopis de Krishna.

Par rapport au bharatanatyam, les mouvements sont beaucoup plus arrondis. On trouve aussi des passages purement rythmiques, qui reviennent d'ailleurs plus fréquemment.

Avant le début de la pièce principale, on rappelle le parcours de Guru Madhava Peddi Murthy (Siva Foundation) lui-même disciple d'un récipiendaire du Padma Bhushan.

La difficuilté des pièces va croissante. La pièce principale, homologue du Varnam, est le Tarangam, qui signifierait ondes. C'est d'ailleurs par des mouvements ondulatoires que commence cette pièce, qui évoque la danse de Krishna à Vrindavan. On voit aussi Vishnu couché et il me semble même que Lakshmi lui masse les pieds. La spécificité du kuchipudi est de comporter des passages dansés sur un plateau de laiton. C'est assez impressionnant. Les orteils pincent les bords. La danseuse avance, tourne, recule en rythme et avec une grande facilité tout en accompagnant les pulsations de mouvements des bras. La difficulté explose sur la fin. La guru réalise avec sa voix et les cymbales une dictée rythmique frénétique que la danseuse reproduit accompagnée des autres instruments : morsing (guimbarde),, vîna, mridangam.

La pièce suivante évoque la danse cosmique de Shiva, sur un texte sanskrit d'Adi Shankara. Du point de vue musical, on entend un mélange harmonieux de passages rythmiques pendant lesquels la mélodie de la vîna et de la voix d'un chanteur reste en suspension.

La pièce qui vient ensuite est un hommage à Venkateshwarar et la grande Unité qui inclut tous les êtres de la Création, qu'il soient rois ou intouchables. Musicalement, c'est une superbe interprétation de la chanson Brahman Okate.

Encore une pièce dédiée à Venkateshwarar sur une composition de Sri Rajaji. Un dévôt s'adresse à la divinité et lui dit Viens et bénis-moi..

Ce spectacle de haut niveau se termine comme il s'est ouvert par une prière.

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Srithika Kasturi Rangan au R. K. Swamy Auditorium

2010-02-05 11:12+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-04

Srithika Kasturi Rangan (disciple de Guru Ambika Kameswar), bharatanatyam

Comme lundi et mardi, en rentrant du Chennai Mathematical Institute en bus, j'ai pris un train local pour la station Tirumailai, la plus proche de Mylapore et de son temple Kapaleeshwarar. Le timing étant plutôt serré pour manger avant de rejoindre le R. K. Swamy Auditorium, je n'ai guère d'autre possibilité que de manger une troisième fois au restaurant Saravana Bhavan du coin. Il n'y a pas que les dosas qui y soient bons : puris, parathas, sambar vada, etc. Leur kulfi est excellente. Ayant un petit peu d'avance, je décide de passer par l'intérieur de l'enceinte extérieure du temple Kapaleeshwarar. On y a construit un passage couvert le long de l'enceinte intérieure. De nuit, les sculptures sont moins visibles, seules luisent les lettres Om Shiva Shiva du gopuram (où l'on pourra aussi voir un lingam et une paonne, symbole du couple Shiva-Parvati). En faisant le tour, les incroyants étant défendus d'entrer dans l'enceinte centrale, je découvre qu'il s'y trouve une étable (un des noms de Shiva est Pashupati, celui qui garde le troupeau, une métaphore que l'on trouve aussi dans le christianisme), ce qui est cohérent avec le fait que mardi soir, traversant le parking en face du gopuram, un moment d'inattention et je me fusse retrouvé encorné par un bovin poursuivi des assiduités de quelque congénère.

Le récital de 17h45 n'est pas encore fini quand j'arrive à la salle après avoir reconnu la rue à prendre au repère olfactif que constitue le grossiste en café qui s'y trouve. Je m'installe entre deux pièces et peux assister au fort déplorable Tillana final. La musique est catastrophique, la chorégraphie maladroite, et la danseuse, non dénuée de possibilités, fait ce qu'elle peut. Dans ce festival, on trouve du bon et du moins bon.

Je me replace au premier rang, dans une place laissée libre au centre. Le récital de Sritikha Kasturi Rangan (30 ans) va commencer. On annonce que ce récital sera un hommage à la grande chanteuse M. S. Subbulakshmi dont on donne quelques repères biographiques. Sa photographie enguirlandée se dresse en dessous de la traditionnelle sculpture du seigneur de la danse.

Le spectacle commence par un Pushpanjali. Vient ensuite une des chansons d'Adi Shankara (un des grands penseurs de l'hindouïsme) : Bhaja Govindam, dédié à Krishna, fameusement chanté par M. S. Subbulakshmi. Le chant est assuré par Guru Ambika Kameswar (qui joue aussi des cymbales et a signé les chorégraphies) et une autre chanteuse. Si elle a parfois du mal à aller chercher les aigus, sa prestation vocale est néanmoins remarquable. Dans ces pièces introductives, la danseuse montre une grande maîtrise dans l'exécution précise de mouvements pourtant rapides.

La pièce principale qui va suivre, le Varnam, est la plus belle pièce de bharatanatyam que j'aie vue. Il s'agit bien d'une pièce ou d'un ballet dont la danseuse jouerait tous les rôles. Le scénario est extrait des six premiers livres du Ramayana de Valmiki. La chanson s'appellerait Bhavayami Raghuramam. Quelques uns des épisodes de l'épopée seront ainsi représentés. Si connaître l'épopée aide beaucoup à identifier les scènes, les différents tableaux parlent d'eux-mêmes. Le public paraît d'ailleurs plus réactif que d'ordinaire ; peut-être est-ce qu'il comprend aussi paradoxalement mieux ce qui se passe sur scène que si on lui avait préalablement introduit les différentes scènes au micro.

La première scène que je reconnais est celle où Rama gagne la main de Sita en soulevant et bandant sans effort l'arc de Shiva qui était en possession de Janaka, le père plus ou moins adoptif de Sita. Avant lui, de grands gaillards se seront fait mal au dos en ratant lamentablement l'épreuve.

Une ellipse et Rama se retrouve en exil (avec Lakshmana et Sita) et traverse une rivière à bord de la barque de Guha, qui est souvent considéré comme un des tout premiers dévôts (bhakta) de Rama.

Le tableau le plus poétique est celui qui met en scène Jatayus. Que ces mouvements évoquant ceux du vautour sont gracieux ! Avant de succomber à ses blessures, il informe Rama de l'enlèvement de Sita par Ravana.

L'armée des singes part ensuite à la recherche de Sita en direction des quatre points cardinaux.

Le singe Hanuman prend avec lui un bijou de Rama. Il retrouve Sita prisonnière et triste. Elle s'illumine quand elle reconnaît l'ornement de Rama qui se réjouit aussi au retour de Hanuman.

Dans le dernier tableau, Rama est face à l'Océan qu'il devra franchir pour rejoindre Sita.

La pièce suivante est rythmée par le mantra (Om) Namah Shivaya sur un texte aussi dû à Adi Shankara. Différents aspects de Shiva sont représentés comme Nataraja, le seigneur de la danse, ou celui qui a les cheveux tressés (superbe évocation de la descente de Ganga).

Vient une chanson de Mirabai dédiée à Hari et enfin un Tillana dédié à la joie cosmique où entre des passages de danse pure, on verra un Vishnu couché sur l'Océan cosmique.

Quel beau spectacle ! Tout, dans la musique, la danse, l'expression du visage, l'attitude, etc, était de très haut niveau, à mon avis aussi bon que les spectacles des danseuses les plus connues qui vont se produire jusqu'à Paris !

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Smt. K. R. Rekha au R. K. Swamy Auditorium

2010-02-03 10:56+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-02

Srimati K. R. Rekha (disciple de Guru Dr. Padma Subramaniam), quatre étudiantes, son fils, bharatanatyam

Mardi soir, je suis retourné au R. K. Swamy Auditorium. On annonce K. R. Rekha, son nom étant précédé du titre Srimati plutôt que Kumari, signe la danseuse sera expérimentée, ce qu'elle montre assez rapidement. Ses parures brillent ostensiblement. Mauvaise surprise : les musiques sont enregistrées. Si le spectacle de la veille m'avait déjà semblé audacieux par ses innovations chorégraphiques qui restaient néanmoins dans la tradition, l'audace de la danseuse de ce soir va s'avérer bien plus grande, quitte à sacrifier la tradition au point qu'après les deux premières pièces, je me demandais s'il s'agissait bien de bharatanatyam, avant que quatre de ses élèves entrassent en scène et exécutassent quelques mouvements correspondant aux codes habituels, et ce avec plus ou moins de réussite. Le style de la danseuse, comme ses formes, est tout en rondeurs, fait d'amples mouvements et de poses évanescentes évoquant furtivement quelques divinitées (en l'occurrence des formes de Shiva). La musique n'est pas très carnatique non plus, encore un peu d'audace et nous eussions entendu des chansons bollywoodiennes. Dans une des pièces, la danseuse interprète le rôle de Yahoda accompagnée du divin Krishna mimé par son fils.

La dernière pièce est le clou du spectacle. Sans que je comprenne les détails d'interprétation, la danseuse représente le moksha, le salut qui se peut obtenir par l'adoration du bienheureux Krishna. La musique qui rythme cette chorégraphie est la marche nuptiale du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn !

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Kumari Pallavi Vijay au R. K. Swamy Auditorium

2010-02-02 11:17+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-01

Kumari Pallavi Vijay (disciple de Guru Meenakshi Chittaranjan), bharatanatyam

Je suis arrivé en Inde dans la nuit de dimanche à lundi. La correspondance à Bruxelles (alors recouverte de neige) a été limite. L'avion d'Europe Airpost avait une bonne heure de retard. À Bruxelles, je dois chagner de terminal, ce qui est assez long en marche et tapis roulants. Enfin, le plus pénible et le plus long est de revoir repasser les contrôles de sécurité, surtout s'il faut d'abord trouver quelqu'un qui entende suivant le cas le flamand, l'anglais ou le français et que la machine se met à bipper sans raison et que l'agent de sécurité réalise des contrôles plus approfondis avec nonchalance. Une employée me dit ensuite de courir pour rejoindre la porte d'embarquement. Une fois dans l'avion, on aura encore une heure d'attente parce qu'un passager a égaré son passeport... Le service sur ce vol Jet Airways est très-convenable. Ce qui l'est moins, c'est la sélection de disques dans la rubrique Western classical des ordinateurs de bord, dans la mesure où elle contient une majorité de trucs dans le genre Vanessa-Mae. Je trouve néanmoins des symphonies de Haydn, ce qui me fait remarquer une ressemblance étonnante entre le premier mouvement de la symphonie nº88 et un des morceaux de Casse-Noisette.

Lundi soir, je me rends au R. K. Swamy Auditorium pour le festival de danse de Sri Parthasarathy Swami Sabha. Dans ce festival que j'ai déjà fréquenté l'année dernière, on ne sait jamais à l'avance de quel niveau sera le récital.

Le deuxième programme de ce jour commence par un morceau chanté, ce qui met aussitôt en valeur les grandes qualités de la chanteuse. Entre ensuite en scène la frêle et rose silhouette de Pallavi Vijay dont j'apprendrai plus tard qu'elle n'a que seize ans. Avec un faux air de nonchalance, elle exécute un Pushpanjali évoquant Natajara, le seigneur de la danse. Le varnam, la partie principale d'un récital de bharatanatyam est dédié à Vishnu aux multiples formes. Les différentes évocations dansées, accompagnées musicalement par une voix, un violon, un mridangam (un type de percussions) et des cymbales choquées par Guru Meenakshi Chittaranjan, qui fait aussi entendre sa voix dans les parties purement rythmiques insérées dans le varnam. L'hommage à Vishnu commence par une pose correspondant à Vishnu couché sur l'Océan cosmique, puis vient un épisode du Ramayana où Rama ranima Ahalya qui avait été changée en pierre. Un exemple des bienfaits de la dévotion est donné par une légende puranique que je ne connaissais pas : un éléphant est sauvé de l'attaque d'un crocodile parce qu'il est un dévôt de Vishnu. Cet épisode est très pittoresque. On a vraiment l'impression de voir l'éléphant et le crocodile que la chorégraphie suggère. La façon de représenter l'éléphant est différente de celles vues jusques à maintenant, cette chorégraphie insistant davantage sur les oreilles que sur la trompe. Un autre avatar, le nain Vamana, vient ensuite, de ses trois pas, mettre un terme à la domination du démon Mahabali. Enfin, c'est Venkateshwar, la forme de Vishnu résidant à Tirumala qui est évoquée.

Après cette partie, quelques minutes de violon tout en vibrato, aux improvisations cependant moins assurées que dans les autres parties.

Plus tard, la danseuse revient pour évoquer la plainte faite par une gopi à Yashoda à propos de son fils adoptif Krishna. Elle lui dit en substance : Votre fils est un vilain garçon. C'est la créature la plus dépravée de l'univers. En pleine nuit, il m'a séduite, je l'ai rejoint et il m'a embrassée, et sans que je m'en rendisse compte, il faisait la même chose à de nombreuses autres que moi en même temps..

Ce très beau récital s'est terminé par un Tillana, lui aussi dédié à Krishna.

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Exposition Les Ballets Russes à Garnier

2010-02-01 14:35+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Expositions — Voyage en Inde VIII

Samedi après-midi, je dépose mes affaires à un hôtel près de la Gare du Nord où j'ai prévu de prendre un bus très tôt le lendemain matin. Je me suis dirigé vers l'Opéra où se tient une exposition sur les Ballets russes. Contrairement à l'exposition du début de saison sur Gounod, elle n'est pas ouverte les soirs de spectacle, ce qui fait que je ne l'ai toujours pas vue malgré les cinq après-midi ou soirées que j'y ai passées depuis la mise en place de cette exposition.

Je rentre facilement grâce à ma carte de la BnF. On peut voir dans cette exposition des dessins préliminaires à la confection de costumes ou de décors, quelques costumes, des photographies, une partition autographe du Prélude à l'après-midi d'un faune, une notation chorégraphique de certains passages du Sacre du printemps, etc.

Je découvre dans cette exposition l'intérêt pour l'Asie du décorateur Léon Bakst. On verra ainsi un bronze de Garuda, la monture de Vishnu qui aurait inspiré L'oiseau de feu et surtout une photographie du superbe Nijinsky prenant la pose caractéristique de Krishna joueur de flûte dans Le Dieu bleu en regard d'un autre bronze issu des collections du musée Guimet. Une danseuse de bharatanatyam ne prendrait pas une pose différente.

Parmi les autres documents présentés, on pourra lire deux pages d'un rapport de Gabriel Astruc destiné aux autorités impériales russes à propos de la troupe de Diaghilev et de ses déboires financiers, dont voici des extraits :

Rapport confidentiel sur la saison russe 1909

M. Serge de Diaghilev a compromis en France le bon renom de l'administration des Théâtres Russes.

Mesures à prendre pour l'avenir

Peut-être y a-t-il lieu dans l'intérêt même de la bonne renommée des Artistes russes et de la dignité des Théâtres Impériaux de Russie, de ne pas sanctionner par des autorisations officielles les faits et gestes d'un impresario amateur dont le crédit est fortement entamé sur la place parisienne.

La sortie est toujours aussi mal indiquée. Je reste une bonne dizaine de minutes à la librairie pour écouter jusqu'au bout la version instrumentale de l'air Ah ! no credea mirarti de La Sonnambula qui s'y fait entendre.

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The Fairy Queen à l'Opéra Comique

2010-01-22 02:05+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Théâtre — Lectures

Opéra Comique — 2010-01-21

Lucy Crowe, Soprano, Juno

Andrew Foster-Williams, Bass, Coridon, Winter, Hymen, Sleep

Claire Debono, Mystery, First Fairy, Nymph, Spring

Miriam Allan, Anna Devin, Claire Debono, Maud Gnidzaz, Fairies

Ed Lyon, Tenor, Adam, Secrecy

Sean Clayton, Tenor, Summer

Callum Thorpe, Bass

Emmanuelle de Negri, Soprano, Night, The Plaint

Robert Burt, Mopsa

Andrew Davies, Phoebus

David Webb, Autumn

Helen Jane Howells, Eve

William Gaunt, Theseus

Robert East, Egeus

Alice Haig, Hermia

Nicholas Shaw, Lysander

Gwilym Lee, Demetrius

Jo Herbert, Helena

Roger Sloman, Starveling

Robert Burt, Flute

Desmond Barrit, Bottom

Paul Mc Cleary, Quince

Brian Pettifer, Snug

Jack Chissick, Snout

Sally Dexter, Titania

Jotham Annan, Puck

Finbar Lunch, Oberon

Laura Caldow, Omar Gordon, Samuel Guy, Anthony Kurt-Gabel, Jarkko Lehmus, Caroline Lynn, Maurizio Montis, Sarah Storer, Danseurs

Adel Aïssani, Riad Ghelazi, Lucien Pech, Indian Boy (en alternance)

Les Arts Florissants

William Christie, direction musicale

Jonathan Kent, mise en scène

Paul Brown, décors et costumes

Mark Henderson, lumières

Kim Brandstrup, chorégraphie

Francesca Giplin, assistante mise en scène

Joanna O'Keeffe, assistante chorégraphie

François Bazola, chef de chœur

Sophie Decaudaveine, conseillère linguistique

The Fairy Queen, Purcell

Les spectacles à l'Opéra Comique qu'il m'a été donné de voir rivalisent d'adresse à m'enthousiasmer. Le dernier en date est The Fairy Queen, semi-opéra de Purcell, dont la partition a été perdue pendant deux siècles ! Je ne m'étais pas renseigné sur cette œuvre. Je découvre ainsi qu'un semi-opéra est un spectacle intermédiaire entre le théâtre et l'opéra. À vrai dire, les musiciens, les comédiens et les chanteurs ne sont pas les seuls à rassasier les sens du spectateur puisqu'on verra aussi évoluer des danseurs !

Le livret est inspiré (vaguement nous dit le metteur en scène Jonathan Kent) de la pièce de Shakespeare Le songe d'une nuit d'été. Tout se passe dans un décor unique mais multiforme. Il commence par figurer l'intérieur du duc Theseus, puis il se déstructure pour représenter la forêt où les amoureux Lysander et Hermia ont promis de se rejoindre, suivis de près par Helena qui n'est point aimée de Demetrius en retour. La reine des fées et Oberon se disputent. Puck, le serviteur d'Oberon, se trompe de destinataire pour les charmes que lui suggère son maître, ce qui fait que la reine des fées se trouvera en amour avec le tisserand Bottom transformé en âne et que Lysander et Demetrius vont fuir Hermia pour se disputer Helena. Quand le jour paraîtra, tout sera rentré dans l'ordre et les personnages auront eu l'impression de faire un songe.

Tout ce spectacle est so British. Par exemple, les artisans jouent une pièce de théâtre inspirée de la légende de Pyrame et Thisbé racontée par Ovide. Les artisans jouent tellement mal leur pièce à l'intérieur de la pièce que c'en est à hurler de rire. Le comédien qui interprète Bottom (Desmond Barrit) est très impressionnant.

Le décor est unique, mais cela bouge beaucoup. Une trappe permet de rapides et multiples apparitions-disparitions de personnages. On a presque peur pour les danseurs qui arrivent à ne pas tomber dans le trou. Certains, comme Phoebus et Juno sont suspendus dans les cieux.

Le spectacle est très long : cela commence à 20h et finit peu avant minuit, avec un seul entr'acte d'une demi-heure. Bref, il ne s'en ai pas fallu de beaucoup pour que j'arrive à prendre le dernier RER B (qui, n'étant omnibus qu'à partir de Massy-Palaiseau, est plus rapide que ceux qui précèdent). Long, mais en rien ennuyeux.

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Biennale de quatuors à cordes à la CdM

2010-01-16 23:10+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Jusques à il y a deux ans, je vivais dans l'idée fausse que la Cité de la Musique n'était que le Temple de la Musique Nouvelle 1. À vrai dire, tous les styles de musique y sont représentés, ce qui la distingue des autres lieux culturels parisiens. Je n'y avais pour le moment entendu que des Râgas et de la musique baroque.

Il n'y avait pas de raison que je n'essayasses point d'entendre aussi de cette musique du vingt-et-unième siècle quand l'occasion se présenta de coupler l'écoute de cette musique avec une partie de programme de l'intégrale Schubert prévue lors de la biennale de quatuors à cordes.

Cité de la musique — 2010-01-13

Quatuor Diotima

Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam

Quatuor à cordes nº4 (Jonathan Harvey)

Quatuor Pražák

Quatuor à cordes nº7 (Schubert)

Jiří Hudec, contrebasse

François-Frédéric Guy, piano

Quintette pour piano et cordes La Truite (Schubert)

Mercredi dernier, j'ai assisté au programme de 20h30. Je m'installe sur mon siège dans la salle que je trouve dans une configuration géométrique inhabituelle. Les deux fois précédentes, les sièges étaient dirigés vers le centre du côté le moins long du rectangle, alors que ce soir, ils étaient tournés de 90°.

Les placeurs de la CdM sont certainement les plus décontractés qu'il se puisse voir. Entre deux spectateurs, combien de ragots sont échangés !

La première partie aurait dû voir la création d'un quatuor de Philippe Manoury. Elle n'aura pas lieu. À la place, le quatuor Diotima joue le quatuor à cordes nº4 (2003) de Jonathan Harvey. Après que le quatuor s'est installé et qu'une annonce bienveillante à destination d'un pays récemment frappé par les destructrices forces sous-terraines, des sons se font entrendre de toutes les directions. Le concert est en effet sonorisé par un dispositif électronique en temps réel opéré par Gilbert Nouno. Parfois, on ne sait plus très bien si ce qu'on entend est du direct, l'écho de ce qui a déjà été entendu ou un tout autre son. En tout cas, le son provient de partout et la localisation change tout le temps. C'est rigolo, mais j'ai du mal à considérer qu'il s'agisse de musique. En effet, le premier son qui se fait entendre est celui d'un archet frottant non pas les cordes mais le bois du violon. Un peu plus loin, l'archet du violoncelle essuie les cordes longitudinalement. Je me demande bien comment ces techniques sont notées sur la partition 2. Plein d'autres techniques zarbi. C'est amusant, c'est indiscutablement original, mais ce n'est pas franchement ce que j'aime entendre.

La deuxième partie laisse la place au quatuor Pražák pour le septième quatuor de Schubert et son quintette La Truite (pendant lequel un violon s'effacera et le trio restant sera rejoint par le contrabassiste Jiří Hudec et le pianiste François-Frédéric Guy). Je n'ai pour le moment que très peu eu l'occasion d'entendre de la musique de chambre. En particulier, c'est la première fois que j'entends ces œuvres en concert. Mon impression est assez mitigée. J'ai en effet souvent eu l'impression que le premier violon couinait. Pendant le quintette, peut-être est-ce de la faute à mon placement près d'un des murs et d'une entrée, mais de ma place, le son du piano me semblait dégradé comme dans un mauvais enregistrement datant d'un demi-siècle. Cela dit, je suis plutôt content d'avoir entendu ces œuvres en concert, tout particulièrement La Truite dont je n'avais entendu que la version Lied chantée par Waltraud Meier.

Cité de la musique — 2010-01-16

Quatuor Arditti

Quatuor VII OpenTime, 21 variations pour quatuor à cordes, Pascal Dusapin (création)

Quatuor Hagen

Douze Microludes (György Kurtág)

Quatuor à cordes nº16 (Beethoven)

Samedi, 17h, je suis de nouveau à la Cité de la Musique pour un autre programme de quatuors. En première partie, le Quatuor Arditti crée le Quatuor VII OpenTime de Pascal Dusapin. Contrairement au truc de Jonathan Harvey évoqué ci-dessus, là, il s'agit indiscutablement de musique. Cela dure une quarantaine de minutes. L'œuvre est dédiée à Anton, né le 29 juin 2009 à 0h31. Cela commence par un coup d'archet de l'alto sur deux notes. À vrai dire, le début est presque un solo pour alto, l'accompagnement du violoncelle étant assez discret. Lors des 21 variations, le quatuor montre un large éventail d'ambiances, de sonorités, de rythmes et de techniques, qui restent néanmoins dans le cadre d'une utilisation standard des instruments à cordes. Le public apprécie. Comme de coutume lors d'une création (si je compte bien, cela doit être la quatrième à laquelle j'assiste), le compositeur vient saluer le public avec le quatuor. Cette création, ainsi que d'autres concerts de la biennale sont disponibles sur Arte Live Web et devraient bientôt l'être sur le site de la CdM.

Pour la deuxième partie, Dusapin regagne sa place et le quatuor Hagen entre en scène. La première œuvre, très courte, est Douze Microludes György Kurtág. Si elle n'était pas désagréable à écouter, elle a déjà fui ma mémoire. Quelques mignons effets de glissando du violon. Pour finir, un charmant quatuor nº16 de Beethoven qui vaut une ovation méritée au quatuor.

C'est probablement l'effectif musical restreint qui accentue cela, mais j'ai trouvé que pendant ces concerts, les nuisances habituelles du public étaient décuplées. Certes, nous sommes en janvier, mais il est invraisemblable qu'autant de gens se mettent à tousser tout au long du concert.

Cette expérience m'incite à augmenter la proportion de musique de chambre dans les concerts auxquels j'assisterai à l'avenir (j'en entends déjà occasionnellement dans des lieux comme l'église des Billettes, mais cela se limite au répertoire baroque). Voir d'aussi petites formations rend aussi l'expérience de la musique moins impersonnelle qu'elle ne peut paraître quand on écoute un orchestre. On peut en effet plus facilement imaginer le type de liens et les vies qui se cachent derrière la musique que l'on entend. À cet égard, le roman Quatuor de Vikram Seth est remarquable.

[1] Veuillez pardonner à cette pulsion terminologique : je viens de lire un roman de Shan Sa (pas très bon d'ailleurs : Les Conspirateurs).

[2] À propos de notations, je me suis toujours demandé comment la chorégraphie d'un ballet ou la mise en scène d'une pièce de théâtre ou d'un opéra était notée, si elle l'est effectivement. Si on peut comprendre qu'il est possible de la communiquer à un interprète simplement en lui montrant comment faire (j'ai même cru comprendre que dans certaines chorales, les choristes non solfégistes apprenaient par cœur la musique en écoutant des enregistrements), cette transmission se heurte aux limites de la mémoire et de la vie. Ce n'est pas tout à fait anodin puisque des ballets du répertoire français du XIXe comme Giselle (1841) ont été oubliés en France à partir de 1868, mais ont continué à être joués en Russie grâce à Marius Petipa, rendant possible des reprises ultérieures à l'Opéra (1910). Certains de ces ballets ont été notés en utilisant des symboles musicaux comme l'avait imaginé Vladimir Stepanov. Le seul document de ce type que j'ai vu est une notation utilisant cette méthode pour La Bayadère. Je me demande quels sont les usages modernes en la matière.

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Béjart Ballet Lausanne à Garnier

2010-01-08 02:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2010-01-07

Jonathan Nott, direction musicale

Maurice Béjart, chorégraphie

Béjart Ballet Lausanne

Ensemble Intercontemporain

Béla Bartók, musique (Sonate pour deux pianos et percussions, premier et deuxième mouvements, 1938)

Bert, décors

Julien Favreau, Daria Ivanova, Luisa Diaz Gonzalez

Sonate à trois (1957), d'après Huis clos de Jean-Paul Sartre

Anton Webern, musique (Cinq mouvements pour quatuor à cordes, opus V, 1909)

Dominique Roman, réalisation lumières

Kathleen Thielhelm, Dawid Kupinski

Webern Opus V (1966)

Pierre Boulez, musique (Dialogue de l'ombre double pour clarinette, clarinette enregistrée et piano résonnant, 1985)

Anna De Giorgi, costumes

Clément Cayrol, costumes

Nicolas Berteloot, régie son

Alain Damiens, clarinette

Kateryna Shalkina, Oscar Chacon

Dialogue de l'ombre double (1998)

Pierre Boulez, musique (Le Marteau sans maître, pour voix d'alto et six instruments, 1954)

Joëlle Roustan, Roger Bernard, décors et costumes

Roger Bernard, lumières

Hilary Summers, contralto

Daria Ivanova, Dawid Kupinski, Johann Clapson, Oscar Chacon, Keisuke Nasuno, Julien Favreau, Arthur Louarti

Felipe Rocha, Adrian Cicerone, Neel Jansen, Juan Sanchez, Valentin Levalin, Juan Pulido, Marco Merenda, Les personnages en noir

Le Marteau sans maître (1973)

Je suis allé ce soir à l'Opéra pour voir non pas le Ballet de l'Opéra, mais la compagnie qui y est invitée, le Béjart Ballet Lausanne. De Béjart, je ne connaissais que la mort. Je savais bien sûr qu'il était chorégraphe et qu'il avait tout particulièrement changé la danse masculine, mais je n'avais jamais vu ses spectacles.

Quatre œuvres sont au programme, créées depuis 1957 jusques à 1998. Dans toutes ces pièces, la musique est du vingtième siècle et parmi les plus bizarres que j'aie entendues (c'est d'ailleurs la première fois que j'entends l'Ensemble Intercontemporain). En tout cas, c'est très dissonnant. Dans la première pièce Sonate à trois, c'est du Bartòk. Il paraît pour la deuxième fois à mes oreilles et cette deuxième occasion ne me donne pas envie de favoriser de nouvelles rencontres. La musique de Webern dans Webern Opus V, cinq mouvements de quatuors à cordes, me déplaît moins, mais les sons produits par le violon sont parfois vraiment curieux. Les deux dernières pièces Dialogue de l'ombre double et Le Marteau sans maître tirent leur musique d'œuvres de Pierre Boulez des mêmes noms. Première fois aussi que j'entends du Boulez. Dans Dialogue de l'ombre double, on entend deux clarinettes, une enregistrée (et à la mouvante spatialisation) et une physique, dont Alain Damiens joue sur scène. Cela paraît quelque peu aléatoire, mais ce n'est pas du tout désagréable à entendre.

Dans les quatre ballets, la chorégraphie est bien sûr contemporaine, pourtant cela ne ressemble aucunement aux spectacles de danse contemporaine que j'avais vu avant. Certes, comme souvent dans ces styles, les décors sont assez abstraits. On trouve par exemple trois chaises dans Sonate à trois. De nombreux mouvements sont saccadés, chose que l'on voit rarement dans le ballet classique. Ce qui est véritablement étonnant, c'est la façon dont ces éléments sont incorporés à des mouvements que manifestement, seuls des danseurs ayant une solide formation classique puissent exécuter. Les danseuses sont d'authentiques ballerines, réalisant des pointes. Les costumes près du corps des messieurs (et aussi des dames) font penser à la tenue des danseurs de ballet. Bref, vus jusques à cinquante ans après la création par quelqu'un qui n'a vu ces différents genres qu'en des lieux différents, jamais en même temps, cela fait drôle de voir réunis ces styles jusques alors opposés. Bref, même si je ne suis pas forcément ému par la musique (et la musique de ballet n'est pas toujours non plus la plus intéressante qui soit), je ne peux qu'admirer les prouesses techniques.

Le choc esthétique et visuel a donc été total pendant la première pièce Sonate à trois. Lors de la deuxième Webern Opus V, j'ai souffert de mon placement qui ne m'a pas autant fait apprécier ce pas de deux en blanc qu'une meilleure place l'eût permis. J'étais en effet au deuxième rang de la baignoire 8, à la place symétrique de celle que j'avais eue et appréciée pour Onéguine. Quand la chorégraphie utilise tout l'espace, bien qu'un peu excentrées, ces places permettent de voir très bien les danseurs sans avoir à utiliser de jumelles ! Le souci, dans cette pièce, est que le quatuor à cordes n'était pas dans la fosse, mais sur scène, côté jardin. La chorégraphie s'était donc réfugiée côté cour, en partie invisible de moi, donc.

La pièce que j'ai inconditionnellement appréciée le mieux est Dialogue de l'ombre double. Deux clarinettes. Un couple de danseurs, un lion (dont je me disais qu'il serait amusant qu'il bouge...). Un passage presque comique montre la duplicité du style, presque jusqu'à l'écartèlement de la ballerine. Au milieu de la pièce, celle-ci déchausse un de ses pieds. Elle exécute ensuite des mouvements indépendants sur chaque jambe. Une sage pointe encore possible avec le chausson qui lui reste tandis que libérée, l'autre jambe se met à faire un peu n'importe quoi.

La dernière œuvre Le Marteau sans maître, la plus longue, a la musique la plus bizarre des quatre. C'est aussi la plus longue : 38 minutes. Pendant les dix premières minutes, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là. La chorégraphie m'indifférait, la musique aussi, d'autant plus qu'il y avait des passages chantés, qui choquent en ce qu'ils n'ont pas grand'chose à voir avec ce qu'on entend habituellement quand on parle de chant. Les paroles, en français apparemment (des extraits des poèmes de René Char du même nom ?), ont été rendues tout à fait inintelligibles par la musique. Progressivement, sans que je comprenne pourquoi, la danse me plaît de plus en plus à mesure que l'on avance. Il s'agit d'une danse de groupe. Six danseurs. De temps en temps, à peu près aux moments où chante la contralto Hilary Summers, la ballerine Daria Ivanova entre sur scène, portée par un des personnages en noir, à vrai dire, un homme recouvert d'un costume ressemblant à une burqa. Dans cette pièce comme dans les autres, la technique est éblouissante. Des portés absolument invraisemblables. À la fin, je suis presque enthousiasmé parce que je viens de voir.

Les entrées des baignoires étant au même étage que les fauteuils d'orchestre, forcément, on ne croise pas les mêmes gens que dans les étages supérieurs et je ne suis même pas surpris de me retrouver à la sortie à côté d'une actrice oscarisée...

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Ballets Russes à Garnier

2009-12-24 02:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-12-23

Vello Pähn, direction musicale

Madjid Hakimi, réalisation lumières

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Jean-Louis Vaudoyer, argument, d'après le poème de Théophile Gautier

Carl Maria von Weber, musique (L'Invitation à la Valse orchestrée par Hector Berlioz)

Michel Fokine, chorégraphie

d'après Léon Bakst, décor et costumes

Delphine Moussin, La jeune fille

Josua Hoffalt, le spectre

Le spectre de la rose

Claude Debussy, musique (Prélude à l'Après-midi d'un faune)

Vaslav Nijinski, chorégraphie

Léon Bakst, décors et costumes

Yann Bridard, Le faune

Émilie Cozette, La nymphe

L'Après-midi d'un faune

Gregorio Martinez Serria, livret d'après la nouvelle El Sombrero de tres picos de Pedro Antonio Alarcón

Manuel de Falla, musique

Léonide Massine, chorégraphie

d'après Pablo Picasso, décors, rideau de scène et costumes

Andrea Hill, mezzo-soprano

Vincent Chaillet, le meunier

Alice Renavand, la femme du meunier

Pierre Rétif, le Corregidor

Le Tricorne

Igor Stravinski, musique et livret

Alexandre Benois, livret

Michel Fokine, chorégraphie

d'après Alexandre Benois, décors et costumes

Nicolas Le Riche, Pétrouchka

Eve Grinstazjn, La ballerine

Stéphane Bullion, Le maure

Michaël Denard, Le charlatan

Pétrouchka

Le ballet de l'Opéra de Paris joue ces jours-ci non seulement Casse-Noisette, mais aussi Ballets Russes, un ensemble de quatre ballets qui furent montés par la compagnie russe de Diaghilev (qui a une place à son nom du côté Nord de l'Opéra Garnier) dans les années 1910.

J'étais déjà venu samedi soir dernier, profitant d'une place à 6€ que Palpatine n'avait plus l'intention d'utiliser. Sur le ticket était inscrit Scène non visible, ce qui était assez largement exact. Néanmoins, c'était en premières loges nº6, une des plus proches de la scène, avec donc une superbe vue sur l'orchestre. Pour le reste, un pilier ne me laissait à voir qu'un tout petit quart de la scène, et encore seulement les parties les plus proches de la fosse. J'aurais au moins vu ce soir-là danser José Martinez, grâce aux talents de chorégraphe duquel je suis devenu un spectateur régulier du ballet de l'Opéra (c'était pour Les enfants du paradis).

J'y suis retourné ce soir avec une place à 10€ (achetée au guichet), malheureusement un deuxième rang de quatrièmes loges, mais cependant pas trop excentré. Le placement n'est pas extraordinaire, mais au moins je verrai l'essentiel des mouvements de danse.

La première pièce est Le spectre de la rose, de Fokine. Cela dure dix minutes. Deux interprètes. Une jeune fille (Delphine Moussin) est assoupie chez elle. Le parfum d'une rose l'envahit et son spectre (Josua Hoffalt) entre dans la pièce. Le costume tout rose ne serait pas parfait si le danseur n'avait pas la tête elle aussi couverte de rose. La jeune fille se lève, et sa danse ainsi que celle du spectre devient de plus en plus enflammée. Enfin, elle se rendort, le spectre sort par la fenêtre (superbe saut). La jeune fille se réveille en se demandant bien ce qui a pu lui arriver.

Vient ensuite L'après-midi d'un faune, adaptation du poème de Mallarmé, sur la musique de Debussy. La chorégraphie de Nijinski avait fait scandale. Esthétiquement et techniquement, c'est très différent de tout ce que j'avais déjà vu. Bien sûr, pas de pointes, vu que les suivantes de la nymphe étaient pieds nus. La nymphe était dansée par Émilie Cozette, le faune par Yann Bridard. Je ne suis pas très convaincu par ce dernier (pas d'opinion sur l'autre), l'expression de son visage m'a semblé grossièrement lubrique, à un point presque clownesque. Même si je ne l'avais qu'entr'aperçu samedi dernier, Jérémie Bélingard m'avait semblé plus subtil.

La troisième pièce avant l'entr'acte est Le Tricorne (Massine). L'action se passe en Espagne. Chose curieuse pour un ballet, la mezzo-soprano Andrea Hill chante parfois sur la musique de Manuel de Falla. Les décors et costumes furent dessinés par Pablo Picasso. L'histoire ne tient pas vraiment la route. Un homme portant le tricorne s'intéresse de près à une meunière, qui le repousse. Il fait enfermer le meunier. À la fin, tout s'arrange, mais ce qui est invraisemblable, c'est le quiproquo qui fait que les soldats prennent plus tard le tricorne pour le meunier. Contrairement à samedi, aucune villageoise n'a chu. Je suis enchanté d'avoir vu danser Alice Renavand, la première fois que je la voyais dans un premier rôle.

La dernière pièce a la même durée que la précédente, trente-sept minutes, nous dit le programme. Il s'agit de Pétrouchka (Fokine) que je revois dans la même distribution que la première fois. Pétrouchka (Nicolas Le Riche), la ballerine (Eve Grinsztajn) et le maure (Stéphane Bullion) sont les trois poupées que présente le charlatan (Michaël Denard, vénérable danseur étoile) lors d'une grande fête populaire pétersbourgeoise. Les poupées s'animent. On découvre leur intérieur lors des deuxièmes et troisièmes tableaux. Pétrouchka et le maure sont tous les deux amoureux de la ballerine. L'un est triste, l'autre exubérant. La musique de Stravinski évolue entre des styles très divers. Pour l'avoir déjà apprécié samedi, j'attendais avec impatience le début du quatrième tableau, dont le son n'est pas sans rappeler celui de Wagner. La fête reprend, danses traditionnelles, ours et autres animaux... et enfin, nos poupées font une entrée fracassante : le maure zigouille Pétrouchka. Il ne s'agit heureusement que d'une poupée. Quoique, alors que le charlatan repart avec un Pétrouchka sans vie, un double fantomatique reparaît au-dessus du théâtre des poupées.

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Andrea Chénier à Bastille

2009-12-19 02:35+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Bastille — 2009-12-18

Marcelo Alvarez, Andrea Chénier

Sergei Murzaev, Carlo Gérard

Micaela Carosi, Maddalena di Coigny

Francesca Franci, La Mulatta Bersi

Stefania Toczyska, La Contessa di Coigny

Maria José Montiel, Madelon

André Heyboer, Roucher

Igor Gnidii, Il Romanziero (Pietro Fléville)

Antoine Garcin, Fouquier-Tinville

David Bizic, Il Sanculotto Mathieu

Carlo Bosi, Un Incredibile

Bruno Lazzaretti, L'Abate

Ugo Rabec, Schmidt

Lucio Prete, Il Maestro di Casa

Guillaume Antoine, Dumas

Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris

Giancarlo Del Monaco, mise en scène

Carlo Centolavigna, décors

Maria Filippi, costumes

Wolfgang von Zoubek, lumières

Laurence Fanon, chorégraphie

Patrick Marie Aubert, chef du chœur

Daniel Oren, direction musicale

Andrea Chénier, Umberto Giordano

C'est un très beau spectacle d'opéra que la production d'Andrea Chénier d'Umberto Giordano qui passe actuellement à l'Opéra Bastille. Le style de la musique de Giordano fait parfois penser à celle de Puccini. Ceux qui aiment le son de la harpe seront servis.

Les décors sont superbes. Le premier tableau représente une fête chez la comtesse de Coigny en 1789. Un sofa est déplacé par des serviteurs (au passage, dans la traduction du livret que j'ai lue, ce mot était orthographié sopha). Les lumières du lustre sont allumées. La fille de la comtesse, Maddalena, entre avec sa servante, la mulâtre Bersi. Elle doit s'habiller avant que les invités arrivent. Ceux-ci ont des costumes d'époque et des coiffures extravagantes. Un mini-spectacle de ballet et de musique se déroule sur une petite scène au fond de la scène. Considérant son sort et celui de son père, le serviteur Gérard se désole du caractère héréditaire de sa condition. Des pauvres viennent manifester leur faim et le décor commence à se disloquer. Entretemps, le poète André de Chénier aura séduit Maddalena par ses vers, qui outre son inclination pour elle décèlent des critiques de la noblesse et du clergé. L'atmosphère révolutionnaire se met en place.

Au cours du deuxième tableau, autant Maddalena que Chénier sont menacés. Nous sommes en 1794, c'est la Terreur. De grands mouvements de foule, des têtes défilent sur des piques, des drapeaux tricolores flottent, plus tard on entendra la Carmagnole et la Marseillaise. Gérard est devenu un leader révolutionnaire. Chénier est trop modéré. Maddalena tente d'entrer en contact avec lui, alors que celui-ci envisage de quitter le pays. Ils sont surpris par un espion. Dans le feu de l'action, Chénier blesse Gérard, qui ne le dénonce pas.

Au troisième tableau, Gérard change d'attitude. Il est lui aussi épris de Maddalena. Il pense à se débarasser de Chénier. Il écrit des accusations pour le tribunal révolutionnaire. Au cours de ce tableau, le bel air de Madelon qui fait enrôler son petit-fils contre les contre-révolutionnaires et les autres ennemis de la Révolution. Marie-Aude Roux, dans Le Monde, semble déplorer que cet air soit statique. Pourtant, Madelon étant censée vivre ses derniers jours, il n'est pas aberrant qu'on la fasse asseoir. Cela dit, que Gérard soit assis pendant son grand air dans ce tableau est plus gênant (certes, il est blessé, mais il tient sur ses jambes). Vient ensuite les procès. Les juges ont les spectateurs dans le dos. Ils font face au chœur qui s'est installé dans une sorte de théâtre à l'italienne (j'aimerais bien savoir quel est le modèle de ce décor ; à moins que les tribunaux révolutionnaires eussent réquisitionnés des lieux insolites, cela paraît curieux). Gérard a été rejoint par Maddalena. Il a encore changé d'avis. Il va prendre la défense de Chénier qui a pour sa part réussi, contrairement à la tradition de 1794, à prendre la parole lors de son propre procès. Le grand'inquisiteur^Waccusateur public Fouquier-Tinville reprend les accusations qu'avaient faites Gérard à son compte. Chénier est condamné à mort malgré les protestations du public.

La fin est un sommet de lyrisme. Maddalena décide de rejoindre Chénier dans la mort. En corrompant son gardien, elle se substitue à une femme condamnée à mort en même temps que Chénier. Après un superbe duo d'amour, il courent littéralement à la mort ensemble.

Cela doit être unde des premières fois que je vois une production d'opéra qui propose des images conforment au cadre historique de l'intrigue (l'autre exception serait Don Carlo). Si cela serait ridicule pour une opéra-comique comme Le Roi malgré lui, pour un sujet aussi unique que celui de la Révolution française, même si ce n'est sans doute pas la seule option (j'ai cru comprendre que ce n'est pas ce qui avait été fait pour la dernière production de Fidelio à l'Opéra de Paris), cela semble un choix tout à fait défendable. Bref, je suis très content du travail de mise en scène de Giancarlo Del Monaco et des décors de Carlo Centolavigna.

Du côté des voix, on est bien servi avec les trois rôles principaux : Andrea Chénier (Marcelo Alvarez), Maddalena di Coigny (Micaela Carosi) et Carlo Gérard (Sergei Murzaev). Je n'ai pas d'éléments de comparaison vu que j'entendais cet opéra pour la première fois. Pour une raison qui m'échappe, le chef d'orchestre Daniel Oren a été la cible de quelques huées, heureusement couvertes par les applaudissements.

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Casse-Noisette à Bastille

2009-12-16 23:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Bastille — 2009-12-16

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, d'après Marius Petipa et Lev Ivanov

Nicholas Georgiadis, décors et costumes

Rui De Matos Machado, lumières

Mélanie Hurel, Clara

Christophe Duquenne, Drosselmeyer/Le Prince

Géraldine Wiart, Luisa

Mallory Gaudion, Fritz

Adrien Bodet, Le casse-noisette

Eric Monin, Le père

Béatrice Martel, La mère

Jean-Christophe Guerri, Le grand-père

Céline Talon, La grand-mère

Muriel Zusperreguy, Charline Giezendanner, Deux flocons

Ballet de l'Opéra

Élèves de l'École de Danse

Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris

Orchestre Colonne

Kevin Rhodes, direction musicale

Casse-Noisette, ballet en deux actes, sujet de Marius Petipa d'après un conte d'E.T.A. Hoffmann, adapté par Alexandre Dumas

Ce soir était la première occasion pour moi d'aller à l'Opéra Bastille pour voir un ballet. Depuis l'avant-dernier rang du deuxième balcon, mais plein centre, il vaut mieux avoir des jumelles pour voir les détails des mouvements de danse. Il vaut mieux aussi faire abstraction du bruit des scolaires qui ennuie tout le monde ; une spectatrice située quelques rangs plus bas utilisera même un blanc dans la musique pour exprimer son exaspération en criant Est-ce que vous pouvez vous taire dans le fond ?.

Je ne dirais pas que ce ballet de Noureev d'après Petipa contienne de grands moments magiques de danse ; on y trouve plutôt une succession de beaux tableaux, notamment pour le corps de ballet comme la danse des flocons au premier acte et la valse des fleurs. Les deux personnages principaux, Clara (Mélanie Hurel) et le Prince (Christophe Duquenne) ont un grand pas de deux au deuxième acte. Christophe Duquenne m'a fait une très bonne impression, qu'eût également fait Mélanie Hurel, que je voyais danser pour la première fois, s'il n'y avait pas eu quelques malheureux petits déséquilibres.

Ce ballet utilise un nombre invraisemblable de danseurs. Les élèves de l'école de danse ont été mobilisés pour jouer les enfants des invités de la soirée de Noël, les rats et les soldats au premier acte. Des costumes très divers aussi, avec la fantaisie que constituent les danses espagnole, arabe, russe, chinoise et française au deuxième acte. Il s'agit d'évocations de rêves de Clara au cours desquels elle verra des personnages de sa famille dans des lieux insolites. La danse qui aura le plus de succès est la danse arabe, le couple qui s'y distingue ayant des costumes et parures qui concurrencent en sonorités l'orchestre Colonne (du coup, cela avait presqu'un côté danse indienne).

Dans cette version, à la fin, Clara se réveille au milieu des invités de la soirée de Noël pendant laquelle le casse-noisette que son parrain Drosselmeyer lui a offert se sera transformé en beau prince et aura combattu le roi des rats. J'ai lu quelques contes d'Hoffmann, mais apparemment pas celui qui a inspiré ce ballet. Il semble que le conte à l'intérieur du conte qui aurait fourni l'explication du nom de Casse-Noisette soit passé à la trappe dans l'adaptation de Petipa. Dans celle de Noureev, la Fée Dragée et Confiturembourg ont aussi disparu.

Je savais Jean Glavany balletomane (il me semble qu'il y avait eu un article à ce propos dans Le Monde il y a quelque temps) ; je viens de découvrir qu'il avait un blog.

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Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra

2009-12-13 23:15+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-12-13

Élisabeth Platel, introduction

Bernard Boucher, professeur

Michèle Mérou, pianiste

Troisième division garçons

Fabienne Cerutti, professeur

Claire Djourado, pianiste

Troisième division filles

Éric Camillo, professeur

Michel Myron Mytrowytch, pianiste

Deuxième division garçons

Francesca Zumbo, professeur

Ellina Akimova, pianiste

Deuxième division filles

Jacques Namont, professeur

Richard Davis, pianiste

Première division garçons

Carole Arbo, professeur

Laurent Choukroun, pianiste

Première division filles

Roxana Barbacaru, professeur

Ellina Akimova, pianiste

Troisièmes divisions filles et garçons danse de caractère

Bernard Boucher, professeur

Laurent Choukroun, pianiste

Premières divisions filles et garçons adage

Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.

D'après mes archives, j'aurai assisté cet après-midi à mon deux-centième spectacle. Une consommation régulière depuis 2002, avec une fréquence qui tend à augmenter vu que le centième était une représentation du Barbier de Séville en avril 2008.

Il ne s'agissait pas du Spectacle de l'École de danse, mais des Démonstrations. Elles ont lieu pendant plusieurs journées en décembre. Aujourd'hui, il y avait un premier programme à partir de 10h et un second, celui auquel j'ai assisté, à partir de 14h30.

Tous les élèves de l'École de danse de l'Opéra y participent. J'ai vu les troisièmes, deuxièmes et premières divisions filles et garçons, c'est-à-dire les élèves les plus âgés (respectivement moins de 16, 17, 18 ans). Accompagnés par des pianistes, ils passent classe par classe faire des exercices avec leur professeur, qui fait des commentaires à destination du public, donne des indications pour corriger les imperfections et les félicite, parce qu'ils le valent bien.

La plupart des exercices présentent des mouvements réalisés simultanément par les élèves, ou successivement par plus petits groupes. Cela paraît logique de travailler et de montrer de la danse de groupe vu qu'a priori seule une élite de ces élèves deviendront solistes. La synchronisation, très importante, n'est pas toujours au rendez-vous. Les professeurs insistent sur ce point comme sur la nécessité de se mettre en accord avec la musique.

Les figures qui sont montrées vont par difficulté croissante, jusqu'à des pas, sauts, pirouettes auxquelles ils viennent seulement de s'attaquer (j'ai bien aimé le tour sur soi avec réception en arabesque). On est bien sûr loin de la quasi-perfection dont font preuve certains danseurs du ballet de l'Opéra. Ces défauts d'exécution, les réceptions ratées, le manque de synchronisation, etc, ne font que mettre en valeur la difficulté extrême de cet art et le mérite de ceux qui sortiront de cette école en maîtrisant les techniques de la danse, malgré les contorsions qu'elle impose aux corps — on serait d'ailleurs un peu plus rassuré si certaines danseuses prenaient quelques kilogrammes. Les professeures expliqueront plusieurs fois qu'il n'y a pas que les garçons qui sautent. Les techniques de pointes sont déjà impressionnantes. Je suis assez mystifié par la figure qui consiste à faire une pirouette sur les deux pieds en pointe. Je ne saisis vraiment pas la géométrie de la chose. On verra aussi des danseuses tourner de façon prolongée sur un seul pied (figure qui m'avait sidéré quand j'avais vu Dorothée Gilbert la faire dans La fille mal gardée). Les garçons ne sont pas en reste. Ils tournent sur eux-mêmes à grande vitesse avec un pied au sol et un pied en l'air.

Après le passage de ces six classes non-mixtes, les troisièmes divisions filles et garçons viendront pour la danse de caractère et les premières divisions filles et garçons pour l'adage. Là, il ne s'agit plus tellement d'exercices, mais de chorégraphies de groupe à part entière, rapides (et ukrainiennes ou russes) pour les troisièmes divisions, lentes pour les premières divisions. Lors de cette dernière partie, on verra aussi de périlleux exercices de portés réalisés sans musique.

L'ambiance est assez différente de celle des ballets de l'Opéra. Le nombre de très jeunes filles fait que la moyenne d'âge du public est beaucoup plus basse que d'habitude. L'assistance applaudit plusieurs fois à la minute, saluant chaque exercice, voire chaque prestation individuelle. Si ce type d'événements n'est sans doute pas ce qu'il faudrait voir en premier pour prendre goût aux ballets, c'est néanmoins très intéressant.

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Platée à Garnier

2009-12-09 01:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Garnier — 2009-12-08

Xavier Mas, Thespis

Marc Labonnette, Un Satyre

Aimery Lefèvre, Momus

Mireille Delunsch, Thalie, La Folie

Judith Gauthier, L'Amour, Clarine

Paul Agnew, Platée

Alain Vernhes, Cithéron

François Lis, Jupiter

Yann Beuron, Mercure

Doris Lamprecht, Junon

Laurent Pelly, mise en scène, costumes

Chantal Thomas, décors

Laura Scozzi, chorégraphie

Joël Adam, lumières

Agathe Mélinand, dramaturgie et collaboration à la mise en scène

Nicholas Jenkins, chef du chœur

Jory Vinikour, responsable des études musicales

Marc Minkowski, direction musicale

Chœur et musiciens du Louvre-Grenoble

Platée, Jean-Philippe Rameau

Je reviens de l'Opéra Garnier où avait lieu ce soir la troisième représentation de la reprise de la production de la comédie lyrique Platée de Rameau mise en scène par Laurent Pelly.

Pour la première fois, je me retrouve à l'amphithéâtre. Si on fait plus d'un mètre soixante, on n'a pas de place pour les genoux. Si on en fait moins, les pieds ne touchent pas le sol. On en ressort tout cabossé. Bref, à éviter. Le seul avantage est que l'on a un des meilleurs rapport visibilité/prix. Depuis le centre de l'avant-dernier rang, j'avais vue sur toute la scène. Ce qui était ennuyeux, c'est que l'écran des surtitres était situé juste derrière le grand panneau supérieur de la scène (où est écrit la date de la fondation de l'Académie Royale de Musique). De là, on ne pouvait lire que la ligne du bas. Seul un effet de parallaxe permettait peut-être aux spectateurs des étages inférieurs de lire les surtitres. Je trouve ce genre de bugs d'organisation tout à fait ahurissants.

Heureusement, je connaissais déjà l'histoire (ayant reçu il y a quelque temps un DVD de cette production en prêt) et les chanteurs arrivaient vraiment à se bien faire entendre. Les décors de Chantal Thomas (à ne pas confondre avec ses quasi-homonymes) sont faits de rangées de sièges de théâtre (peut-être est-ce en relation avec Thespis, un précurseur du théâtre, qui intervient dans le prologue). Platée, interprétée par Paul Agnew, est une grenouille à qui on fait accroire que Jupiter s'est épris d'elle. Celui-ci voit là un moyen de s'amuser de la jalousie excessive de Junon. À la fin, tout le monde aura ri au détriment de la grenouille.

Les costumes de Laurent Pelly sont charmants. Le plus étonnant est celui du personnage de la Folie (Mireille Delunsch) : une robe couverte de partitions plus ou moins flottantes. En pleine folie créatrice, elle en déchirera même quelques unes. Les costumes de la grenouille sont intéressants aussi ; le visage de Paul Agnew est complètement fardé. Jupiter (François Lis) et Junon (Doris Lamprecht) brillent en mauve.

L'ouvrage comporte de nombreuses et variées parties dansées (chorégraphie de Laura Scozzi). Le vent est ainsi figuré par une scène de danse où des danseuses ont les cheveux qui tombent à l'horizontale. On verra aussi des couples faire de la danse assez acrobatique. Les nombreuses suivantes de la Folie ont aussi plusieurs scènes de danse amusantes.

Tout est motif à l'amusement. La musique, le texte et tout le reste. Ainsi, entre le deuxième et le troisième acte, une grenouille descendra d'une baignoire pour rejoindre l'orchestre, embêter les musiciens et même diriger l'orchestre du Louvre-Grenoble ordinairement dirigé par Marc Minkowski.

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Joyaux à Garnier

2009-11-19 22:07+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-11-18

Gabriel Fauré, musique (Pelléas et Mélisande, Shylock)

Igor Stravinski, musique (Capriccio pour piano et orchestre)

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique (Symphonie nº3 en ré majeur, quatre derniers mouvements)

George Balanchine chorégraphie (1967)

Christian Lacroix, décors, costumes

Jennifer Tipton, lumières

Kevin Rhodes, direction musicale

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Isabelle Ciaravola, Christophe Duquenne

Eve Grinsztajn, Stéphanie Phavorin

Sarah Kora Dayanova, Séverine Westermann, Julien Meyzindi

Joyaux / Émeraudes

Dorothée Gilbert, Emmanuel Thibault

Stéphanie Romberg

Christine Lagniel, piano

Joyaux / Rubis

Delphine Moussin, Mathieu Ganio

Joyaux / Diamant

Je suis allé hier à la dernière représentations de Joyaux, un ballet de Balanchine en trois parties Émeraudes, Rubis et Diamants. Le programme nous apprend qu'il voulait évoquer respectivement la France, les États-Unis d'Amérique et la Russie en utilisant la musique de Fauré, Stravinski et Tchaikovski. Autant Fauré est évidemment associé à la France, Tchaikovski à la Russie, pour Stravinski, cela peut paraître quelque peu bizarre, le compositeur ayant vécu successivement en Russie, en Suisse, en France et aux États-Unis d'Amérique.

Les costumes de Christian Lacroix sont superbes. Respectivement vert émeraude, rouge rubis et blanc diamant, cela brille, cela étincelle.

Dans Émeraudes, les danseuses du corps du ballet réalisent en se tenant les mains de furtives figures géométriques qui font penser à des pierres précieuses autant qu'à des molécules. Un pas de trois (dans une distribution différente que celle annoncée sur le site de l'Opéra), deux pas de deux : Isabelle Ciaravola, Christophe Duquenne, puis Eve Grinsztajn et Stéphane Phavorin.

Des trois, ma pièce préférée est Rubis. La musique de Stravinski Capriccio pour piano et orchestre est amusante, très rythmée, un peu folle. Comme d'habitude, Dorothée Gilbert, qui danse seule ou avec Emmanuel Thibault, est superbe. Sa danse est espiègle, aguichante, comique, rafraîchissante.

La dernière pièce est Diamants. J'ai moins aimé que les autres. Peut-être est-ce la faute à la couleur des costumes. Le décor, très applaudi, est spectaculaire : des diamants est suspension dans l'air. C'est la première fois que je vois danser Delphine Moussin et Mathieu Ganio. La fin est un peu interminable, ce n'est pas que la danse ne soit pas belle, loin de là, c'est magnifique, mais c'est cette musique de Tchaikovski dans le dernier mouvement de sa symphonie nº3 et son hydr'avion qui met un temps invraisemblable à amerrir.

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Salomé à Bastille

2009-11-14 17:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Bastille — 2009-11-13

Thomas Moser, Herodes

Julia Juon, Herodias

Camilla Nylund, Salomé

Vincent Le Texier, Jochanaan

Xavier Mas, Narraboth

Varduhi Abrahamyan, Page der Herodias

Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Erster Jude

Eric Huchet, Zweiter Jude

Vincent Delhoume, Dritter Jude

Andreas Jäggi, Vierter Jude

Gregory Reinhart, Fünfter Jude

Nahuel Di Pierro, Erster Nazarener

Ugo Rabec, Zweiter Nazarener

Nicolas Courjal, Erster Soldat

Scott Wilde, Zweiter Soldat

Antoine Garcin, Ein Cappadocier

Grzegorz Staskiewicz, Ein Sklave

Alain Altinoglu, direction musicale

Lev Dodin, mise en scène

David Borovsky, décors et costumes

Jean Kalman, lumières

Yury Visalkov, chorégraphie

Mikhail Stronine, dramaturgie

Valery Galendeev, collaboration à la mise en scène

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Salomé, Richard Strauss

Je viens de relire le texte de la pièce d'Oscar Wilde, Salomé, écrite directement en français. On le trouve sur Gallica et dans le programme de la production présentée à l'Opéra Bastille, en face de la traduction de Hedwig Lachmann. En effet, à quelques modifications et coupes près, c'était essentiellement le texte de l'opéra de Strauss qui j'ai lu en surtitres pendant de la représentation d'hier.

L'opéra raconte l'amour de Salomé pour Jochanaan (Jean le Baptiste), qui la repousse, lui qui est obnubilé par l'arrivée du Messie. Hérode, son beau-père doublement incestueux la fait danser après avoir juré lui donner ce qu'elle voudrait après. Salomé insiste pour obtenir la tête de Jochanaan dans un bassin d'argent. Avant cela, il faut la lui couper, ce que Hérode n'est pas près à faire, craignant le saint homme qu'il a enfermé afin de le protéger des Juifs (qui n'ont l'air d'accord sur rien si ce n'est qu'il faut le leur remettre). Une fois qu'elle a récupéré la tête, Salomé délire et peut faire ce que Jochanaan vivant lui refusait, à savoir l'embrasser. Finalement, Hérode ordonne que l'on tue aussi Salomé.

La musique de cet opéra, avec ses motifs à la Wagner, est envoûtante. Si je ne connais pas suffisamment la langue allemande pour vraiment suivre ce qui se dit, je me suis surpris à en comprendre parfois quelques expressions.

Avant de voir l'opéra, sachant que la voix du jeune syrien (Narraboth) intervient seulement quelques secondes après que la musique a retenti pour dire Wie schön ist die Prinzessin, je me demandais comment l'entrée en scène aurait lieu. En effet, dans beaucoup de productions d'opéra en général, on entend une ouverture, rideau baissé, et quand celle-ci se termine, le rideau est levé, le décor et les personnages apparaissent en pleine lumière. Ce n'était évidemment pas possible ici. Dans cette production, on a coupé toutes les lumières du théâtre pour permettre aux chanteurs de se positionner dans le décor qui sinon était visible. Ainsi, la musique, les lumières et le chant se sont mis en route en même temps. En ce qui concerne les lumières, davantage de luminosité n'aurait pas été un mal : pendant la première demi-heure, entre les personnages secondaires que sont Narraboth, le page de Hérodias (qui comme tous les pages est chanté par une femme) et les soldats, il n'était pas évident de voir qui chantait, même avec les jumelles...

Alors que la Lune auquel le texte fait référence se meut au fond du décor (qui comporte côté jardin un escalier et la cellule métallique escamotable où Jochanaan est enfermé), la situation dramatique se clarifie quand elle se recentre sur Jochanaan et Salomé, puis les mêmes, Hérode et Hérodias. La danse des sept voiles tombe à plat (au passage, la mention des sept voiles apparaît dans le texte de Wilde, mais pas dans le livret de l'opéra). Si un effet comique est créé par le côté lubrique de Hérode et Hérodias qui tente de masquer sa fille à sa vue, la danse de Camilla Nylund n'est guère convaincante.

Les tergiversations qui conduisent à la décapitation de Jochanaan sont peut être un peu longues, Hérodias qualifie même Hérode de ridicule avec les paons qu'il se propose d'offrir à Salomé en remplacement de la tête qu'elle demande qu'on coupe. Cela ne crée qu'une encore plus grande attente pour l'impressionnante scène finale où Salomé soliloque face à la tête inerte.

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Giselle

2009-10-10 19:53+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-10-10

Adolphe Adam, musique

Jean Coralli, Jules Perrot chorégraphie (1841)

Marius Petipa, transmission de la chorégraphie (1841)

Patrice Bart, Eugène Polyakov, adaptation de la chorégraphie (1991)

Alexandre Benois, décors, costumes

Silvano Mattei, réalisation des décors

Claudie Gastine, réalisation des costumes

Koen Kessels, direction musicale

Dorothée Gilbert, Giselle

Mathias Heymann, Albrecht

Yann Bridard, Hilarion

Stéphanie Romberg, Myrtha

Ballet de l'Opéra

Orchestre Colonne

Giselle, ballet en deux actes, livret de Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges

Je suis retourné voir Giselle cet après-midi à l'Opéra de Paris. Cette fois-ci, j'expérimente une place à 7€, quatrième étage, dans les stalles derrière les quatrièmes loges de trois-quarts. La visibilité est meilleure que ce que j'avais imaginé : il n'y a que le tiers de droite qui n'est pas visible. Étant au premier rang, je ne suis pas gêné par les têtes mouvantes des gens de devant. Malheureusement, il y a derrière moi un groupe de touristes chinois bruissant.

Comme cela m'avait étonné lorsque j'étais revenu voir La fille mal gardée, je remarque des détails que je n'avais pas observés lors de l'autre représentation que j'ai vue. Lors du premier acte, j'apprécie beaucoup Dorothée Gilbert et Mathias Heymann dans les rôles de Giselle et d'Albrecht. En Hilarion, Yann Bridard est moins convaincant. On n'a pas l'impression de le voir réagir le moins du monde quand il compare l'épée d'Albrecht qu'il a découverte avec un signe marqué sur une corne laissée par une famille prestigieuse en visite au village, ce qui trahit la haute naissance du rival d'Hilarion. Les solos et pas de deux des paysans sont formidables (en regardant avec mes jumelles, j'ai eu un peu peur pour le paysan sur une réception, mais c'est comme si on n'avait rien vu).

Au deuxième acte, l'entrée en scène de Myrtha (Stéphanie Romberg) sur pointes n'est vue par moi que par intermittences ; ayant une moins bonne vue d'ensemble sur la scène, il est difficile de comparer avec Marie-Agnès Gillot. Une des raisons qui m'ont fait revenir voir ce ballet, outre que j'oubliasse mes jumelles la dernière fois, est que j'avais eu l'impression de manquer la scène de la mise à mort d'Hilarion par les wilis. La chorégraphie met bien en évidence qu'Hilarion est pris au piège par les wilis. Elles tournent autour de lui, l'entourent, s'interposent quand il voudrait s'enfuir. À vrai dire, il ne meurt pas sur scène, on voit juste des wilis le mettre un peu violemment dehors.

Le deuxième acte ne m'a pas fait cesser d'apprécier Dorothée Gilbert et Mathias Heymann. Les deux ont été excellents, mais c'est surtout ce dernier qui m'a fait forte impression. Autant il passe difficilement pour un méchant (par la tromperie qui entraîne la mort de Giselle) dans le premier acte (ce que n'a pas de mal à faire Nicolas Le Riche), autant il est parfait en amoureux, cette fois tout à fait sincère, de Giselle au deuxième acte, quand il se rend auprès de sa tombe, danse avec celle qui est maintenant une wilis. Quel athlète ! Lors d'une succession de sauts sur place et de frétillants mouvements de jambes, le public frémit, une spectatrice s'écrie Bravo ! et une avalanche d'applaudissements se déclenche alors qu'il continue de réaliser des prouesses.

Rien à voir, mais avant le début de chaque acte, au milieu de plein d'autres sons éparpillés, on pouvait entendre certains instruments à vent s'échauffer avec un peu du Boléro de Ravel.

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Surbooking à l'Opéra de Paris

2009-09-28 00:20+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-09-27

Adolphe Adam, musique

Jean Coralli, Jules Perrot chorégraphie (1841)

Marius Petipa, transmission de la chorégraphie (1841)

Patrice Bart, Eugène Polyakov, adaptation de la chorégraphie (1991)

Alexandre Benois, décors, costumes

Silvano Mattei, réalisation des décors

Claudie Gastine, réalisation des costumes

Koen Kessels, direction musicale

Aurélie Dupont, Giselle

Nicolas Le Riche, Albrecht

Karl Paquette, Hilarion

Marie-Agnès Gillet, Myrtha

Ballet de l'Opéra

Orchestre Colonne

Giselle, ballet en deux actes, livret de Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges

Comme hier, j'ai dû faire établir au contrôle un duplicata de ma place d'abonnement pour le ballet Giselle (le ticket d'aujourd'hui est numéroté 61948 contre 49979 hier, je ne sais pas ce qu'il faut en déduire). En effet, il y aurait eu un changement de logiciel à l'Opéra de Paris, et pas mal d'abonnés (longueur de la queue faisant foi) n'ont pas reçu leurs places. Vraisemblablement, comme moi, ils se retrouvent mauvais payeurs malgré eux (il doit y avoir un dead-lock quelque part). Tout s'étant bien passé la veille, je m'attendais à ce qu'il en allât autant aujourd'hui.

M'étant fait placer au premier rang de ma troisième loge nº16, je suis apostrophé cinq minutes avant le début du spectacle par une ouvreuse qui me demande mon billet pour vérification. Une spectatrice aurait un billet avec le même numéro de place. Après s'être enquis de mon nom et utilisé un talkie-walkie, on me demande de céder ma place. Finalement, on me replace ailleurs, et après quelque inquiétude, je suis soulagé de voir que je suis loge 32 au troisième rang, puis, certains faisant profiter les présents de leur absence, je peux rejoindre le premier rang lorsque le chef d'orchestre arrive, m'asseyant à une place valant trois fois le prix de celle que j'ai... pardon que je n'ai pas payée.

Ma nouvelle place est mieux centrée, mais cependant plus éloignée. Je regrette mes jumelles que j'ai oubliées chez moi. En effet, de loin, si elles ne portaient pas des costumes légèrement différents, on aurait du mal à distinguer Aurélie Dupont (Giselle) et Marie-Agnès Gillot (Myrtha).

Je fais probablement là une injure au bout goût, mais ce ballet est celui qui m'a le moins enthousiasmé parmi la poignée de ballets que j'ai vus depuis l'an passé. Onéguine, où Aurélie Dupont (Tatiana) et Nicolas Le Riche (Onéguine) avaient dansé un superbe pas de deux, et Les enfants du paradis sont mes meilleurs souvenirs en la matière. La musique d'Adolphe Adam est tout à fait charmante, les costumes colorés, mais je n'apprécie pas autant ce premier acte qui fait penser au beaucoup plus joyeux ballet La fille mal gardée. L'atmosphère change radicalement au deuxième acte. Giselle est morte d'avoir trop dansé et d'avoir été trahie par Albrecht qui était fiancé à une autre qu'elle. Les Wilis, des créatures démoniques qui se mettent à danser pendant la nuit et tuent les hommes qui les approchent trop, ont envahi la scène dans leurs tutus immaculés (le programme explique que le deuxième acte de ce ballet a fortement contribué à codifier la forme du costume blanc des danseuses classiques ; je préfère les ballets colorés). Myrtha, la reine des Wilis entre sur scène dressée sur ses pointes. Giselle se matérialise non loin de sa tombe. Albrecht la rejoint. Ils dansent follement. Albrecht devrait mourir, mais il est finalement épargné, et après que Giselle a regagné sa tombe, il s'en va alors que le soleil se lève.

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Derniers jours à Delhi

2009-08-29 12:33+0530 (दिल्ली) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VII

Chinmaya Mission Auditorium, Delhi — 2009-08-28

Sharanya Chandran, bharatanatyam

Hier matin, j'ai visité le musée de la Cour suprême. J'ai ensuite fait le tour de l'enceinte d'où je pouvais voir grouiller les avocats et des ouvriers repeindre le dôme blanc. En Inde, tout mur est susceptible de servir d'urinoir ; les murs d'enceinte de la Cour n'échappent pas à la règle.

J'ai déjeuné au restaurant Parikrama qui a la particularité d'offrir un mouvant panorama sur la ville. En effet, il tourne sur lui-même : le temps d'un repas, on a le temps de faire presqu'un tour complet. On peut légitimement se demander comment construire un ascenseur qui conduise à un étage en rotation. En fait, c'est le tapis en forme de couronne qui tourne, la partie centrale, les murs et fenêtres ne bougent pas. La première chose qui frappe, d'en-haut, c'est la verdure dans la ville de New Delhi, noyée sous les arbres dont n'émergent que de hauts bâtiments.

L'après-midi, je suis descendu à Central Secretariat d'où j'ai rejoint le mémorial Indira Gandhi. En chemin, on passe devant des bâtiments du ministère de la défense et tout près, au sommet d'une blanche maison, flotte un anachronique Union Jack. Dans le mémorial, on peut voir de nombreuses coupures de presse liées à l'action d'Indira Gandhi. On peut aussi y observer des décorations dont quelques une furent écrites en français, comme un diplôme de doctorat de l'Université de Paris. Parmi les livres exposés, un livre d'arithmétique en français et quelques uns, en anglais, sur la Révolution française. Ses derniers pas sont recouverts de cristal.

J'ai poursuivi ma marche jusqu'au tombeau de style moghol de Safdarjang, en grès rouge et au dôme blanc. Non loin de là se trouve le jardin Lodi qui semble être un paisible et bel endroit. Je ne suis pas resté très longtemps, juste le temps de m'approcher du mausolée de Muhammad Shah. J'avais en effet une adresse à trouver dans les environs.

J'ai trouvé assez facilement le bâtiment de la mission Chinmaya, un mouvement religieux fondé par un guru mort il y a une quinzaine d'années. Un récital de bharatamatyam était prévu ; il avait été annoncé dans le mensuel First City. L'auditorium est rapidement plein. Le récital de Sharanya Chandran, fille et disciple de Geeta Chandran (directrice de la Natya Vriksha Dance Company) commence. Elle est accompagnée de cinq musiciens : mridangam, cymbales (Geeta Chandran), chant, flûte, violon (la formation typique pour cette danse). Les premières parties, y compris la principale, Varnam, évoquent Krishna, le joueur de flûte, danseur attirant l'amour, la dévotion et la jalousie des gopis. La dernière partie met en scène la danse cosmique de Shiva Nataraja. Le spectacle se révèle d'excellente qualité. À la fin, comme il est de coutume, on remet des guirlandes de gleurs et des cadeaux aux artistes, et c'est Swamini Guru Priyananda, devant qui ils viennent se prosterner qui les leur remet après qu'elle a fait l'éloge de ce récital qui perpétue les traditions de l'Inde et dont les interprètes parcourent le monde pour les mieux faire connaître.

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La Fille mal gardée à Garnier

2009-07-11 13:49+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-07-09

Frederick Ashton, chorégraphie (1960)

Louis Joseph Ferdinand Herold, musique

John Lanchbery, arrengements musicaux

Osbert Lancaster, décors et costumes

George Thomson, lumières

Christopher Carr, Grant Coyle, répétitions

Barry Wordsworth, direction musicale

Dorothée Gilbert, Lise

Mathias Heymann, Colas

Aurélien Houette, Mère Simone

Allister Madin, Alain

Jean-Christophe Guerri, Thomas, père d'Alain

Mickaël Lafon, Un danseur à la flûte

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La Fille mal gardée, ballet en deux actes de Frederick Ashton d'après Jean Dauberval

A priori plutôt réticent sur la base de l'extrait que j'en avais vu, j'avais cependant acheté une place pour La fille mal gardée, ballet de Frederick Ashton, d'après Jean Dauberval. La pièce originale, créée en juillet 1789, est l'un des tout premiers ballets au sens où on l'entend habituellement. Une histoire dansée en musique, sans mots.

Lors de la vingt-septième représentation, Lise est interprétée par Dorothée Gilbert et Colas par Mathias Heymann. Ce ballet raconte leurs amours champêtres, contrariés par la mère Simone (Aurélien Houette) qui voudrait marier sa fille avec le ridicule mais riche Alain (Allister Madin).

La musique est de L. J. F. Herold (1828) avec des arrangements de John Lanchbery introduits lors de la création de la version d'Ashton (1960). Cependant, de larges extraits sont extraits d'autres œuvres. Ainsi, la première scène emprunte la musique du début du Barbier de Séville de Rossini. Le programme nous dit que la musique des poules et du coq vient de Janáček.

Malgré mes a priori, j'ai beaucoup apprécié ce spectacle léger et espiègle. Lors du premier acte, le ruban rose est un accessoire dont se servent merveilleusement bien les interprètes. On se demande comment ils font pour ne pas se perdre dans les nœuds. Dans la deuxième scène, une très pittoresque scène menée par un danseur à la flûte (Michaël Lafon). Quand Alain s'empare de l'instrument, l'orchestre se met à jouer faux. La danse des moissonneurs évoque un manège, chacun tenant un ruban relié à un poteau. Dans une scène voisine, Lise est au centre des villageoises et tient leur ruban tandis qu'elles tournent autour d'elle. C'est complètement inhumain de faire ainsi des pointes sur un seul pied d'appui ! Au cours de ces réjouissances, on aura vu la fameuse Danse des sabots de la Mère Simone.

Un orage force la compagnie à rentrer chacun chez soi. La mère Simone essaie de garder Lise sous clef, mais Colas parvient à entrer par la ruse. Il faut bien le cacher quelque part quand Simone revient à la maison. Lise semblant fiévreuse, Simone la fait se reposer dans sa chambre, où Colas s'est caché. Le père d'Alain viennent signer les papiers du mariage de Lise. Quand Alain ouvre la porte de la chambre de Lise, on voit paraître Lise et Colas enlacés ; il est encore temps de déchirer le contrat et d'envisager un différent mariage. Quand la noce s'est retirée, Alain reparaît pour mettre la main sur l'objet qu'il avait oublié : son inséparable parapluie rouge.

Je suis retourné hier soir pour votre une nouvelle représentation. J'étais persuadé d'avoir choisi deux distributions différentes (j'avais en particulier noté le nom de Myriam Ould-Braham dans le rôle de Lise), mais les deux rôles principaux reviennent aux mêmes interprètes que la veille. Je ne m'en serai rendu compte qu'au lever de rideau. En effet, une désorganisation inadmissible à mon étage fait qu'avec une douzaine d'autres spectateurs arrivés dix bonnes minutes avant le début qui partageront mon sort, la porte de ma loge ne sera ouverte qu'après que les lumières intérieures auront été éteintes, le chef salué et l'ouverture commencée. Deux ouvreuses pour cet étage, ce n'est peut-être pas assez...

Voir le même spectacle sous deux angles différents procure des impressions diverses. Pour ce spectacle, si j'étais un peu moins haut et plus près le lendemain, je ne voyais pas les parties excentrées de la scène. Je n'ai pas non plus fait attention aux mêmes détails. Alors que la première fois j'avais remarqué la distribution de pièces de monnaie aux moissonneurs et la tentative de Lise pour en récupérer une, je n'y ai pas fait attention le lendemain. Jeudi, j'avais été surpris par le coup de théâtre de la ruse de Colas pour rejoindre Lise, le lendemain, il n'y avait plus de surprises, et mon angle de vue ne me permettait pas d'ignorer qu'il était entré avec les moissonneurs.

Ailleurs : Palpatine y a consacré trois billets 1, 2, 3, et cela a totalement bouleversé sa vie à jamais (je serais bien allé voir Mathilde Froustey dans ce rôle, mais il ne restait plus que des places à 65€ quand j'ai regardé.)

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Proust ou les intermittences du cœur à Garnier

2009-06-02 00:50+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-06-01

Roland Petit, chorégraphie, mise en scène (1974)

Beethoven, Debussy, Fauré, Franck, Reynaldo Hahn, Saint-Saëns, Wagner, musique

Bernard Michel, décors

Luisa Spinatelli, costumes

Jean-Michel Désiré, lumières

Jan Broeckx, Jean-Philippe Halnaut, assistants du chorégraphe

Koen Kessels, direction musicale

Isabelle Ciaravola, Albertine

Hervé Moreau, Proust jeune

Josua Hoffalt, Morel

Aurélien Houette, Monsieur de Charlus

Christophe Duquenne, Saint-Loup

Stéphanie Romberg, Madame Verdurin

Christelle Granier, Andrée

Vladimir Kapshuk, Le chanteur (baryton)

Eve Grinsztajn, Odette

Alexis Renaud, Swann

Mathilde Froustey, piano

Daniel Stokes, violon

Stéphanie Romberg, La duchesse

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Proust ou les intermittences du cœur, ballet en deux actes et treize tableaux inspiré du roman de Marcel Proust À la recherche du temps perdu

Avant-dernière sortie de l'année à l'Opéra. Je suis allé voir le ballet Proust ou les intermittences du cœur de Roland Petit (1974). Je n'ai acheté ces places qu'il y a deux semaines, la partie Réservation du site Internet de l'Opéra étant tombée en marche (un peu plus tôt, le bouton Réserver n'apparaissait pas pour ce ballet, j'avais pensé à tort que c'était déjà complet). Au passage, j'ai dû monter jusqu'à un tarif à 40€ : premier rang de troisièmes loges, de côté. Je pense que je continuerai à prendre préférentiellement mes places à 20€ préférées. (La fois précédente, ma place n'était arrivée dans ma boîte aux lettres que quelques jours après le spectacle ; j'avais cependant pu obtenir un duplicata. Cette fois-ci, ce n'est pas passé loin vu que j'ai reçu ma place vendredi dernier, soit deux jours après l'expédition, qui datait d'une semaine auparavant. J'ai comme l'impression qu'il y a des ratés...)

Le ballet s'ouvre sur une musique de Saint-Saëns, Pianistes, extrait du Carnaval des animaux. Suivrons diverses autres musiques de Reynalho Hahn, Wagner, Franck, Fauré, Debussy, Beethoven et Saint-Saëns. La musique qui m'a le plus marqué est celle du quatorzième quatuor à cordes de Beethoven pour le premier tableau du deuxième acte.

Plutôt que de raconter une histoire, ce ballet met en scène diverses impressions inspirées d'À la recherche du temps perdu. Le premier acte s'intitule Quelques images des paradis proustiens et le deuxième Quelques images de l'enfer proustien. Ces images sont très diverses : treize tableaux ! La forme est très variée aussi.

Au premier acte, on trouve en particulier une sonate pour violon et piano de Franck où le violon est interprêté par Daniel Stokes et le piano par Mathilde Froustey, puis Odette (Eve Grinsztajn) et Swann (Alexis Renaud) faisant catleya, de tendres Albertine et Andrée incarnées par Isabelle Ciaravola et Christelle Granier, et enfin, le superbement esthétique tableau concluant le premier acte La regarder dormir, avec Proust jeune (Hervé Moreau) et Albertine.

Le deuxième acte est beaucoup plus sombre, commençant avec une relation compliquée entre Morel (Josua Hoffalt) et Monsieur de Charlus (Aurélien Houette). Le tableau représentant le supplice de Charlus est assez impressionnant. Les deux tableaux qui suivent sont des odes au plaisir ; le deuxième met en scène Morel et Saint-Loup (Christophe Duquenne). Dans le dernier tableau, l'ouverture de Rienzi (Wagner) sonne comme une musique militaire ; La Grande Guerre a passé. Les personnages de la Duchesse de Guermantes et de Proust lui-même viennent clore le ballet.

C'est un beau spectacle, très varié comme je l'ai dit plus haut, à la fois au niveau de la danse et de la musique (cela fait drôle de voir tous les musiciens de l'orchestre sauf quatre s'arrêter pour entendre un quatuor à cordes). Cela dit, j'avais bien davantage apprécié Les enfants du paradis et Onéguine.

Je n'ai pas encore lu Proust. Cela risque d'attendre quelques années : il n'est pas encore dans ma PAL, c'est dire.

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Trois étoiles

2009-05-13 23:08+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-05-12

John Cranko, chorégraphie, mise en scène (1965)

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Kurt-Heinz Stolze, arrangements et orchestration

Jürgen Rose, décors et costumes

Steen Bjarke, lumières

Reid Anderson, Jane Bourne, répétitions

James Tuggle, direction musicale

Nicolas Le Riche, Onéguine

Aurélie Dupont, Tatiana

Mathias Heymann, Lenski

Mathilde Froustey, Olga

Karl Paquette, Le Prince Grémine

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Onéguine, ballet en trois actes de John Cranko d'après Eugène Onéguine d'Alexandre Pouchkine

Si on m'avait dit il y a dix ans qu'en 2009, j'irais régulièrement à l'Opéra, je ne l'aurais pas cru. Qu'on m'eût annoncé que j'apprécierais même de voir des ballets et j'aurais pris le messager du futur pour un fou.

Après avoir apprécié Les enfants du paradis et 希尔薇娅 il y a quelques mois, je me suis décidé à acheter une place pour Onéguine, ballet de John Cranko sur une musique de Tchaïkovski. M'y étant pris un peu tard et n'étant pas encore assez balletomane pour dépenser plus de 20€ dans un ballet, je n'ai pas eu d'autre choix que d'expérimenter un nouveau placement à Garnier : les baignoires. Ces sortes de loges sont situées en dessous de la corbeille. Au prix payé, je n'ai le droit qu'au deuxième rang, ce qui réduit sensiblement l'angle de vue. Plus une baignoire est proche de la scène, plus elle est excentrée et proche d'un pilier. Il était agréable d'être aussi près de la scène, je n'ai pas eu à sortir mes jumelles, mais en contrepartie, la danse sortait parfois de mon champ de vision.

La proportion de Japonaises dans le public est plus élevée qu'à Bastille. Appartenant à cette catégorie, ma voisine a eu un air de terreur à l'idée d'entrependre la folle initiative de se décaler pour rejoindre une moins bonne place, me demandant même l'autorisation de le faire ; je lui ai plutôt suggéré d'avancer sa chaise d'un bon mètre afin de voir mieux (la chaise avait dû être reculée pour permettre aux spectateurs du premier rang de passer).

La musique de Tchaïkovski n'est en rien celle de son opéra Eugène Onéguine ; des morceaux d'autres œuvres ont été assemblés et orchestrés par Kurt-Heinz Stolze pour ce ballet de Cranko en 1965/1967. L'histoire est assez simple : deux sœurs, Olga et Tatiana, s'éprennent l'une du poète Lenski, l'autre d'Eugène Onéguine. L'amour d'Olga est partagé, celui de Tatiana ne l'est qu'en rêve : Onéguine va jusqu'à déchirer la lettre d'amour que Tatiana lui a écrite. Lors d'un bal, Eugène danse un peu trop avec Olga, ce qui provoque l'ire de Lenski qui le provoque en duel. Lenski est abattu d'un coup de pistolet. Des années plus tard, Tatiana est l'épouse du prince Grémine qui organise un bal où se rend Eugène. La situation de départ est inversée : c'est lui, avouant enfin son amour, qui donne une lettre à Tatiana ; la raison finit par l'emporter sur l'amour de Tatiana : elle déchire la lettre.

Les deux rôles principaux étaient hier soir dansés par les étoiles Nicolas Le Riche (Eugène) et Aurélie Dupont (Tatiana). Ils ont deux merveilleux pas de deux, au premier acte dans le rêve de Tatiana et pendant le tumultueux troisième acte. Le programme vendu 10€ date déjà un peu puisque Mathias Heymann y est encore annoncé comment premier danseur : en même temps qu'Isabelle Ciaravola, il a été nommé étoile à l'issue de la première représentation (16 avril). Sa partenaire est Mathilde Froustey (Olga). L'un comme l'autre sont enthousiasmants. Dans un rôle plus martial, Karl Paquette est le prince Grévine.

J'ai commencé mon écoute de la semi-intégrale Brilliant de Haydn il y a un peu plus de deux mois. J'en ai déjà écouté la moitié. Je ne suis vraiment pas mécontent de cet achat. On a peu de chance d'être déçu en tirant au hasard une symphonie ou un quatuor à cordes, par exemple, le quatuor en la majeur opus 20 nº6 (Hob.III:36), qui est le préféré de Michael, narrateur de Quatuor, l'excellent roman de Vikram Seth que je suis en train de lire. Malgré le son du piano-forte, j'ai apprécié le trio pour piano en sol majeur (Hob.XV:25) et surtout son dernier mouvement Finale: Rondo, in the gypsy style.

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La Somnambule ou l'Arrivée d'un nouveau seigneur

2009-04-05 11:06+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Théâtre — Lectures

Dans une entrée précédente, je discutais de mes impressions au sujet d'une retransmission d'une représentation de La Sonnambula, opéra de Bellini, et d'une perplexité qui avait refait surface à propos des liens familiaux supposés ou non entre Amina et le Comte Rodolfo. Entretemps, j'ai retrouvé ce que je cherchais dans les textes d'introduction de la production dont j'ai un enregistrement (Evelino Pidò, Opéra national de Lyon, avec Natalie Dessay, 2007) : la mention du fait qu'Amina était la fille naturelle de Rodolfo se serait trouvée dans une version préliminaire du livret de l'opéra.

Après avoir lu sur Gallica le texte du ballet de Scribe et Aumer, je suis allé hier à la BnF pour consulter d'autres sources littéraires. Ce fut l'occasion d'utiliser pour la première fois un lecteur de microfiches ; un livre tient sur une ou plusieurs fiches (mesurant environ 10 × 15 cm²) que l'on projète sur un écran ; c'est assez confortable à lire, en blanc sur fond noir. J'ai ainsi lu d'une part une analyse du ballet par un certain M. H. (de moindre qualité que le texte de Scribe et Aumer qui décrivait succintement chaque scène) et d'autre part le texte de la pièce de Scribe et Delavigne dont le ballet est inspiré (il est à noter que la pièce contenait des passages chantés). Voici un tableau récapitulatif des correspondances :

Titre La Somnambule La Somnambule ou l'Arrivée d'un nouveau seigneur La Sonnambula
Genre Comédie-vaudeville Ballet-pantomime Opéra
Auteurs Eugène Scribe et Germain Delavigne Eugène Scribe et Jean-Pierre Aumer, musique de M. Hérold Felice Romani, musique de Vincenzo Bellini
Création 1819, Théâtre du Vaudeville, Paris 1827, Opéra de Paris 1831, Teatro Carcano, Milan
Lieu de l'action (Non précisé) En Provence, dans l'île de la Camargue, auprès d'Arles Un village suisse
La Somnambule Cécile Thérèse Amina
Son parent M. Dormeuil, son père Mme Michaud, meunière, sa mère adoptive Teresa, meunière, sa mère adoptive
Son fiancé Frédéric de Luzy Edmond Elvino
L'étranger Gustave de Mauleon M. Saint-Rambert Le comte Rodolfo
L'aubergiste ― (Mauleon est logé dans le pavillon de Dormeuil) Mme Gertrude Lisa

(Je renonce à comprendre la logique des changements de noms d'une œuvre à l'autre, et aussi l'helvétotropisme.)

L'intrigue de l'opéra est presqu'identique à celle du ballet, mais elle diffère de façon très-significative de celle de la pièce. Dans le ballet et l'opéra, un mariage se prépare entre une jeune fille dont on découvrira qu'elle souffre de somnambulisme et un jeune homme. Le contrat de mariage est signé ; la cérémonie religieuse est prévue pour le lendemain. Un étranger arrive au village où il a l'intention de passer la nuit avant de continuer sa route. Il rejoint la chambre qu'il a louée. Il flirte avec l'aubergiste qui laisse tomber son fichu et s'enfuit quand elle entend des bruits de pas. La somnambule rejoint l'étranger qu'elle prend pour son futur mari, ce qui trouble bien sûr l'étranger. La somnambule finit par s'endormir dans sa chambre. Pendant ce temps, au village, on a découvert que l'étranger était en fait le nouveau seigneur et on vient à son réveil lui manifester un joyeux accueil digne de son rang. Le scandale éclate quand on trouve la mariée dans sa chambre. L'étranger défend sa vertu en expliquant qu'elle souffre de somnambulisme. À d'autres. Son fiancé refuse de se marier avec elle et pour se venger, décide aussitôt d'épouser l'aubergiste (qui a un faible pour lui). Alors que la cérémonie se prépare, la mère de la somnambule intervient en brandissant le fichu de l'aubergiste qu'elle avait trouvé dans la chambre de l'étranger. Nouvel émoi, vite surpassé par l'arrivée de la jeune fille en état de somnambulisme. Elle se lamente sur son sort, clame son innocence et pourtant souhaite le bonheur à son ex-futur mari. Ce dernier est ému et quand elle se réveille, il lui dit qu'elle ne rêve pas et qu'elle est bien en train de voir son époux.

Dans la pièce, le personnage de l'aubergiste n'existe pas. Mauleon est hébergé dans un pavillon par Dormeuil. Mauleon est un ancien ami de Frédéric et un ancien prétendant à la main de Cécile. Elle avait refusé sa proposition le lendemain d'un bal où il avait passé la soirée à danser avec une autre ; pourtant ces deux-là s'aimaient sincèrement. Par dépit, elle avait accepté la demande en mariage de Frédéric. Quand elle voit Mauleon débarquer le jour de son mariage (il est là par hasard), elle est troublée. Quand elle le rejoint dans le pavillon en état de somnambulisme, elle semble essayer de dialoguer avec lui et d'apaiser sa conscience à propos du malentendu qui conduisit à ce qu'elle repoussât sa proposition ; bref, elle l'aime et regrette de n'avoir alors pas accepté.

Quand Frédéric entre dans le pavillon au matin, Mauleon essaie d'éviter qu'il ne regarde de l'autre côté du paravent où Cécile s'est endormie. Quand cela se produit enfin, elle a disparu : il ne reste plus que son schall. [...] La deuxième scène de somnambulisme dévoile l'amour de Cécile pour Mauleon. Frédéric, qui a déjà vu quatre de ses projets de mariage échouer, renonce à épouser Cécile et la donne en mariage à son ami. (On peut noter que dans le ballet, une renonciation hétérologue est exprimée par Mme Gertrude qui laisse Edmond épouser Thérèse ; dans l'opéra, Lisa se fait tout simplement oublier.)

Faire de Rodolfo le père d'Amina semblait être une bonne idée, puisque, de même que la passion liant Cécile à Mauleon expliquait que ses rêves et donc son somnambulisme la fît tendre vers lui, cette filiation rendait plausible qu'elle fût attirée vers lui. Cela eût aussi été cohérent avec la nostalgie qu'exprime Rodolfo dans la première scène. Cela dit, on imagine mal comment insérer cette révélation à la fin de l'opéra sans casser l'ambiance et tomber dans le ridicule qu'évoque Beaumarchais en imaginant comment écrire un Barbier de Séville qui plût à la critique :

Ce Figaro, qui pour toute famille avait jadis connu sa mère, est fils naturel de Bartholo. Le médecin, dans sa jeunesse, eut cet enfant d'une personne en condition, que les suites de son imprudence firent passer du service au plus affreux abandon.

Mais avant de le quitter, le désolé Bartholo, Frater alors, a fait rougir sa spatule ; il en a timbré son fils à l'occiput, pour le reconnaître un jour, si jamais le sort les rassemble. [...]

À l'instant, la plus touchante reconnaissance a lieu entre le médecin, la vieille et Figaro : C'est vous ! c'est lui ! c'est toi ! c'est moi ! Quel coup de théâtre.

Dans le genre, Palpatine avait relevé le ridicule des retrouvailles entre Idomeneo et Idamante dans Idomeneo de Mozart.

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Zoroastre à l'Opéra Comique

2009-03-26 08:31+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Comique — 2009-03-25

Anders J. Dahlin, Zoroastre

Evgueniy Alexiev, Abramane

Sine Bundgaard, Amélite

Anna Maria Panzarella, Érinice

Lars Arvidson, Zopire, La Vengeance

Jakob Högström, Narbanor

Gérard Théruel, Oromasès, Une voix souterraine

Ditte Andersen, Céphie

Christophe Rousset, direction musicale

Pierre Audi, mise en scène

Amir Hosseinpour, chorégraphie

Patrick Kinmonth, décors, costumes

Peter Van Praet, lumières

Bo Wannefors, chef des chœurs

Chœur et danseurs du Drottningholms Slottsteater

Les Talens Lyriques

Zoroastre (seconde version), Rameau

Je suis allé hier soir pour la première fois à l'Opéra Comique. Le théâtre est de dimension relativement modeste par rapport à pas mal d'autres salles parisiennes. Les toilettes sont appelées lavabos et sont mixtes, ce qui ne laisse d'étonner (depuis l'École normale, je n'ai pas souvenir d'avoir vu d'autre lieu où ce soit le cas) ; robinets malpratiques (oui, je sais, ce mot n'existe pas, mais depuis que j'ai vu le Figaro qualifier les personnalités issues de l'Outremer d'ultramarines, je ne crains plus rien ; dit-on que les Américains sont ultra-atlantiques ? je dois confondre avec ultra-atlantistes).

Je m'installe à ma place. Troisième et dernier rang de trois quarts du deuxième balcon. Malgré les têtes des deux rangs précédents, l'ensemble de la scène est dans mon champ de vision. Je n'ai qu'une vue partielle sur Les Talens lyriques et il me faut me lever pour apercevoir le chef Christophe Rousset qui va diriger Zoroastre (seconde version) de Jean-Philippe Rameau.

L'opéra compte quatre personnages principaux : Zoroastre (ténor), Amélite (soprano) qui s'aiment, mais qui sont menacés par l'alliance des deux amoureux déçus Abramane (baryton) et Érinice (soprano). Les deux camps font usage de la magie et de pouvoirs divins pour contrer les attaques de l'autre. Happy ending. La divinité invoquée par Zoroastre anéantit ses adversaires aux pratiques sacrificielles.

On apprend dans le programme (élégamment mis en page, avec seulement trois pages de pub'), on apprend que Zarathushtra ne doit pas être traduit en étoile d'or (comme le fait penser Zoroastre, qui est une francisation du nom grec), mais en celui qui a de vieux chameaux.

Les chanteurs, nonobstant l'origine scandinave de la plupart, donnent l'impression d'avoir parlé français toute leur vie tant la diction est correcte et le texte ainsi rendu intelligible, les sur-titres sont presqu'inutiles. Comme toujours avec Rameau, la musique est très belle et on a plaisir à écouter l'orchestre.

J'ai beaucoup apprécié la mise en scène de Pierre Audi, à laquelle la chorégraphie des parties dansées concourt harmonieusement. On l'apprécie d'autant plus que le décor est très dépouillé, à tel point que dans le dernier acte, le théâtre est nu, on se serait cru dans un film de Lars von Trier.

Ayant commencé à 20h et entrecoupée de deux entr'actes, la représentation de cet opéra en cinq actes se termine à 23h30 ; avec le RER A et la correspondance triviale à Châtelet pour le RER B, je suis chez moi à peine une heure plus tard.

Une diffusion en direct est prévue sur Radio classique le 27 mars.

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Mallika Sarabhai

2009-03-24 00:27+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Théâtre — Cinéma — Culture indienne

On n'imagine pas toujours les pépites que l'on peut découvrir parfois en cliquant sur le bouton Play dans Dailymotion.

Docteure, chevalière des arts et des lettres, danseuse de kuchipudi et de bharata-natyam, bouleversante Draupadi dans The Mahabharata de Peter Brook (version longue !), directrice de la Darpana Academy of Performing Arts qui créa Phèdre de Racine en hindi, combattante de la cause des femmes indiennes, opposante au controversé chief ministrer du Gujarat Narendra Modi, divorcée, athée, visiblement passionnée par tout ce qu'elle entreprend, Mallika Sarabhai est impossible à résumer.

Quelques vidéos :

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Nayaki

2009-02-23 11:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VI

Ce week-end, je suis resté à Chennai. J'ai visité la cathédrale St. Thomas, qui est bâtie au-dessus de la tombe putative de l'apôtre du Christ. L'entrée de la tombe est située à l'arrière de la cathédrale ; des photographies montrent le précédent pape visitant la tombe. Un mini-musée expose un morceau de l'arme qui l'aurait tué.

Abirami Chidambaram Community Hall, Kotturpuram, Chennai — 2009-02-21

Revathy Ramachandran, bharatanatyam

Samedi, en fin d'après-midi, je suis allé à l'ouverture du quatorzième festival annuel de danse organisé par l'association Nayaki. La cérémonie a commencé par une prière de Miss V. Deepika, disciple de Sudha Raghunathan. Le Managing director d'Ashok Leyland a fait un discours (en tamoul) ; un prix d'excellence a été remis à la compositrice et interprète Dr. Rukmini Ramani ; diverses personnes se sont succédé au micro pour faire son hagiographie, vantant notamment son travail de thèse de doctorat sur son père Papanasam Sivan, grand compositeur de musique carnatique. Des récompenses ont été données à beaucoup de monde, comme à Mrs Lakshmi Ranganathan pour avoir allumé la flamme au cours de la cérémonie.

Après une heure de congratulations, le spectacle de danse a finalement commencé. La danseuse est Revathy Ramachandran dont j'avais déjà vu une disciple. C'est le premier spectacle payant auquel j'assiste lors de ce séjour, la danseuse est manifestement la plus expérimentée de toutes celles que j'aie vues ; elle a déjà dansé dans de nombreux pays, dont la France. Je n'ai pas saisi le sens de la plupart des parties, le plus souvent consacrées à Shiva. Le varnam, la partie principale du récital, devait raconter une rivalité entre deux dévotes de Shiva. La danseuse était accompagnée de quelques musiciens : mridangam, cymbales, chant et vînâ. La dernière partie était très originale, mais j'en avais déjà vu une similaire par sa disciple. Le joueur de mridangam était à mon avis moins bon que l'autre ; l'échange entre cet instrument et la danse était moins riche.

Abirami Chidambaram Community Hall, Kotturpuram, Chennai — 2009-02-22

N. Vijay Siva, chant

Amritha Murali, violon

Manoj Siva, mridangam

Je suis retourné hier à l'Abirami Chidambaram Community Hall pour le deuxième jour de ce festival qui en compte neuf. Comme pour la plupart des soirées qui vont suivre, il n'était plus question de danse, mais uniquement de musique. Le chanteur N. Vijay Siva était accompagné de la violoniste Amritha Murali et du joueur de mridangam Manoj Siva. Deux jeunes disciples jouaient du tanpura. Des problèmes techniques de sonorisation ont perturbé le début du concert. Le micro du chanteur ne fonctionnait pas pendant les premières minutes ; sa voix ne portait même pas jusqu'au quatrième rang, plein centre, où je me trouvais ! En fait, j'ai trouvé la première demi-heure du concert assez médiocre. Quand la composition principale (environ une heure) a débuté, j'ai commencé à apprécier. Sans être extraordinaire, c'était plutôt bien. La manière d'utiliser le violon est très différente de ce qui se pratique dans la musique occidentale. Une partie importante du travail de la musicienne était de reproduire en écho la mélodie chantée par le maître. La spectacle a duré environ deux heures et demie, sans entr'acte.

Un groupe d'avocats sont devenus complètement fous ces derniers jours. Scènes d'émeutes dans et autour de la Haute Cour de Madras. Le Chief Minister, qui se déplace en fauteuil roulant, annonce qu'il commencera une grève de la faim si les avocats et les policiers ne font pas la paix.

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Encore un peu de bharatanatyam

2009-02-13 15:55+0530 (சென்னை) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VI

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2009-02-12

Shilpa Darshan Kumar (disciple de Guru Revathy Ramachandran), bharatanatyam

Hier soir, je suis retourné au R. K. Swamy Auditorium à Mylapore pour un nouveau spectacle de bharatanatyam, le dernier que je vais voir pour le festival de danse Sri Parthasarathy Swami Sabha. La danseuse Shilpa Darshan Kumar (disciple de Revathy Ramachandran) est sans doute la plus expérimentée de celles que j'aie vues en Inde jusqu'à maintenant. On annonçait au microphone qu'elle s'était déjà produite en Italie, aux États-Unis d'Amérique et à Singapour.

Le public indien n'apprécie pas les spectacles dans le même recueillement que ne le fait le public occidental dans les situations comparables (dans ou musique classique indienne ou européenne). On parle, on bat la mesure un peu bruyamment, on fredonne, on n'a aucune gêne à répondre au téléphone. Hier, un jeune garçon a poussé les limites de la bêtise et du mépris à un point que je n'envisageais pas : courant un peu partout, se rapprochant vraiment très très près de la scène, la gourou s'est même éclipsée de la scène, est passée par les coulisses pour venir lui dire deux mots, ce qui a permis un petit quart d'heure de répit. Je ne comprends pas comment des parents peuvent être aussi peu respectueux pour laisser faire ça.

Le bharatanatyam de la danseuse était très différent de celui de Radhica Giri. Celui de l'une était sobre, solennel, exigeant, ascétique, et malgré tout très gracieux. Celui d'hier était au contraire foisonnant de mouvements complexes de mains, de pieds, exécutés très rapidement. La vitesse était telle que la danseuse a dû perdre en tout cinq ou six clochettes parmi celles accrochées à ses chevilles. À un moment donné, deux ou trois petits mouvements latéraux de pieds ont été nécessaires pour faire table rase de ces obstacles. Après une première pièce, la partie la plus importante du spectacle a été le Varnam, qui était dédié à Subramanian (un des noms de Muruga). Une pièce Om Namah Narayana a ensuite permis à la danseuse de représenter Krishna ou encore Vishnu couché sur l'océan cosmique. Certains exploits de Vishnu devaient aussi être représentés puisqu'un des passages ressemblait à une scène de combat. Ensuite, une autre pièce dont je n'ai pas compris le nom et enfin, un étonnant numéro où les clochettes étaient reines : on a même installé un microphone dédié sur le devant de la scène pour qu'on les entendent mieux. Questions rythmiques du mridangam et réponses de la danseuse.

La gourou, qui jouait des cymbales, a eu un problème sérieux de toux en plein spectacle. Sans que la danse soit perturbée le moins du monde, une jeune femme l'a remplacée et elle s'en est très bien tirée.

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Une drôle de cérémonie

2009-02-11 16:22+0530 (சென்னை) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VI

Narada Gana Sabha, Chennai — 2009-02-09

Disciples de Guru Smt. Vijaya-Lakshmi Chandrasekaran, bharatanatyam

Avant-hier soir, je suis allé dans une autre salle de spectacle de Chennai, la Narada Gana Sabha (plus précisément, son mini-hall), pour assister à un nouveau spectacle de bharatanatyam. Dans le journal The Hindu, les annonces de spectacles en page quatre comportent souvent l'indication All are welcome et parfois la plus énigmatique Rasikas welcome. M'étant renseigné sur le sens de ce mot, j'ai compris que cela pouvait se traduire par mélomane et désigne plus particulièrement qui apprécie la musique carnatique. Bref, je pouvais sans problème aller voir ce spectacle. Comme mes expériences en matière de spectacles gratuits à Chennai le montrent, il n'est pas tout à fait évident de savoir a priori à quoi va ressembler le spectacle. Je suis arrivé un peu avant la fin du spectacle précédent où sept étudiants (dont un très jeune garçon) d'une même gourou dansaient. Les deux danseuses les moins jeunes qui intervenaient dans le final (avant les salutations d'usage) semblaient d'un très bon niveau. Pendant que je me replaçais, l'organisateur félicitait les artistes et des récompenses étaient distribuées.

Dans le spectacle que je venais voir intervenaient les douze disciples de gourou Srimati Vijaya-Lakshmi Chandrasekaran ainsi que quelques musiciens (mridangam, cymbales, chant, flûte). Onze filles ayant environ entre sept et quatorze ans et un garçon. Le niveau était assez disparate. Il y a eu un mouvement amusant où une toute petite fille dansait au milieu de quatre autres plus âgées. Pendant les mouvements les plus complexes réalisés par les autres, elle prenait la position Nataraja, en alternant le pied qui vient se porter à la hauteur de la hanche opposée. Vers la fin, les quatre se prosternent devant la divinité, seigneur de la danse. Une seule danseuse était d'un niveau très inférieur aux autres ; elle manquait complètement d'équilibre quand elle se tenait sur un seul pied et elle n'était vraiment pas loin de s'écrouler. Malgré ces défauts ostensibles, le spectacle était assez intéressant et varié. Quelques mouvements rythmiques, quelques pièces qui profitaient de la multitude des danseurs pour réaliser des sortes de tableaux vivants typiques de l'iconographie hindoue. D'autres pièces racontaient une histoire, comme des légendes liées à Krishna. Certaines jeunes danseuses semblaient assez intimidées, d'autres au contraire avaient des visages faits de détachement et de sérénité dignes de déesses et dansaient remarquablement bien. Parmi les pièces très intéressantes, une était dédiée à Shiva et se déroulait sur une musique qui doit être très connue puisque depuis le début de mon séjour, je l'aurai entendue trois fois : Shiva Shambhu Svayambhu (Svayambhu signifie Qui est né de lui-même ; ce nom est notamment appliqué à Brahma, mais dans la tradition shivaïte, Shiva réalise cinq fonctions dont les trois premières sont celles souvent attribuées ailleurs à d'autonomes Brahma, Vishnu et Shiva alors que dans cette tradition, la fonction destructrice n'est qu'une des formes de Shiva, appelée Rudra-Shiva ; bref, il n'est pas inconsistant de dire que Shiva est aussi un créateur, s'étant engendré lui-même).

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2009-02-10

Radhica Giri (disciple de Guru A. Lakshman), bharatanatyam

Hier, je suis retourné au R. K. Swamy Auditorium où un festival de danse se poursuit. J'ai choisi un jour où un récital d'une unique danseuse était au programme ; j'espérais ainsi voir un spectacle d'un niveau un peu supérieur à la moyenne. Je n'ai pas été déçu. La danseuse, Radhica Giri, est américaine, mais manifestement d'origine indienne. Vu qu'il y avait de la place, je me suis installé au premier rang. Au cours du premier mouvement, Pushpanjali, dédié à Ganesh, elle a intégré une séquence où seule la moitié supérieure de son corps bougeait. Il était saisissant de la voir recueillir l'attention du public par des mouvements aussi simples en apparence et réalisés avec une exquise lenteur. À d'autres moments du spectacle, elle n'utilisait au contraire que ses pieds. La partie principale du spectacle était assez exigeante. Elle racontait une histoire d'amour-dévotion de Venkateshwar et était plus abstraite que bien d'autres pièces sur des sujets similaires que j'aie vues. Le novice que je suis n'y a pas compris grand'chose. Ensuite, une pièce dédiée à Radha et Krishna, un long tillana dédié à Devi et enfin une pièce appelant à la paix universelle.

La salle de spectacle est située à Mylapore, non loin du temple Kapaleeshwar. Étant arrivé un bon quart d'heure d'avance avant le début du spectacle, je suis passé autour du temple qui est exceptionnellement illuminé de toutes sortes de lumières, de même que l'immense bassin qui le jouxte. Vers le centre du bassin, une sorte de mandapam de lumières est dressé. Sur un des côtés, un paon ; sur un autre, un lingam.

En rentrant du spectacle, j'ai été bien inspiré de repasser près de ce bassin. Une curieuse cérémonie s'y déroulait. Le public affluait sur les marches des ghats autour du bassin et de l'autre côté des grillages. Un gigantesque radeau bariolé, guidé par des cordes tirées par des hommes depuis le bord de l'eau flottait au son de Shiva Shambhu Svayambhu. Au centre du radeau, trois minuscules idoles de divinités non identifiées (Shiva, Parvati, Muruga ?). Je l'ai regardé faire deux ou trois tours du bassin et suis rentré par le dernier train.

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Week-end à Chennai

2009-02-01 15:44+0530 (சென்னை) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VI

Vendredi soir, je suis allé à pieds au temple Mahalakshmi que j'avais déjà essayé de visiter. Ce temple est dédié à Lakshmi, l'épouse de Vishnu dans ses différentes incarnations. Un escalier monte sur la gauche au niveau du sanctuaire principal, ce qui permet de monter à l'étage, où d'autres formes de Lakshmi sont visibles. On se retrouve alors au milieu des divinités sculptées en pyramide. Quelques mini-temples se trouvent tout autour. On trouve par exemple une galerie des dix avatars de Vishnu, tous drapés d'un tissu blanc, ou encore une représentation de Hanuman (je présume que c'était lui bien que le nom tamoul soit différent).

Hier, je voulais faire un tour à la société théosophique et éventuellement accéder à sa bibliothèque. Je suis arrivé un peu trop tôt dans l'après-midi, j'ai donc poursuivi mon chemin. Dans les environs de ce lieu, appelés Besant Nagar, toutes les rues s'appelent Besant Avenue, Besant Nagar Road ou quelque chose comme ça, avec éventuellement des numéros, ceci en l'honneur d'Annie Besant, célèbre théosophe. Tout était de toute façon hors la carte de mon guide Lonely Planet. Je me suis retrouvé à nouveau du côté du temple Mahalakshmi et des églises voisines. Le temps était très ensoleillé à Elliot Beach.

Après avoir mangé un masala dosa, je suis retourné à la société théosophique et suis entré dans son parc. Ce lieu est extrêmement paisible. Les noms de quelques pays sont écrits au bord des chemins. On y trouve un temple hindou, une église, et paraît-il d'autres lieux de culte. On peut également s'approcher d'un gigantesque banian. J'ai essayé de rentrer dans l'Adyar Library, mais il s'agit d'une forteresse plus difficile d'accès que la Bibliothèque nationale de France ou la Société asiatique de Kolkata puisqu'il faut deux lettres de recommandation pour y entrer. Je pourrais probablement obtenir la signature d'un récipiendaire récent du Padma Bhushan, mais d'ici à la fin de mon séjour, je n'aurai certainement plus l'occasion de repasser.

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2009-01-31

Étudiantes de la Natyanrit Academy (disciples de Guru Marinalini Thyagarajan), bharatanatyam

Je suis retourné à Mylapore pour visiter le temple universel de la mission Ramakrishna et retourner au R. K. Swamy Auditorium pour voir un nouveau spectacle de bharatanatyam. Cette fois-ci, les danseuses étaient des étudiantes de la Natyanrit Academy. Elles n'avaient pas plus de treize ou quatorze ans et dansaient soit seules soit en groupe. Un Pushpanjali dédié à Ganesh, des épisodes de la vie de Krishna, une pièce intéressante sur la dieu de la danse, Nataraja, et bien d'autres. Les musiciens n'étaient pas tous parfaitement au point. À un moment donné, leur guru Marinalini s'est absentée pendant un passage musical et à tendu ces cymbales au chanteur. Ce dernier n'a pas cessé de tenter de faire coller un rythme 2+2 sur un rythme qui avait l'air d'être à cinq temps. J'étais étonné de la longueur des cheveux qui tombaient dans le dos des danseuses. Une d'entre elles a perdu sa rallonge de cinquante centimètres en cours de route...

Aujourd'hui, j'ai pris le train jusqu'au terminus Chennai Beach. Je suis passé devant la haute cour de Madras, protégée des regards par une envahissante végétation verte. Peu de restaurants sont ouverts en ce dimanche, je n'ai trouvé qu'un restaurant qui s'avère être un repaire de mangeurs de viande. J'ai dû renvoyer mon biryani aux œufs en cuisine vu qu'il contenait de gros morceaux de poulet.

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Bharatanatyam à Mylapore

2009-01-30 12:26+0530 (சென்னை) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VI

R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2009-01-29

Kumari Seetha Lakshmi (disciple de Guru Natya Kalasarathy Malathi Thothadri), bharatanatyam

Un grand festival de danse a eu lieu il y a quelques semaines à la Music Academy de Chennai. Je n'ai pas pu en profiter, mais, tous les jours, dans The Hindu, on peut trouver des annonces de spectacles, souvent gratuits, qui ont lieu à Chennai. Hier soir, je suis donc allé au Sri Parthasarathy Swami Sabha Dance Festival qui se tient pendant un mois au R. K. Swamy Auditorium à Mylapore (près du Temple Kapaleeshwarar).

J'ai eu un peu de mal à trouver le lieu du spectacle, la rue n'étant pas référencée dans Google Maps. Je suis arrivé à l'entr'acte séparant deux spectacles, tous les deux de bharatanatyam. Dans ce festival, tous les spectacles sauf un de kuchipudi qui avait lieu la veille appartiennent à ce style. Je me suis retrouvé au premier rang, plein centre.

La danseuse Kumari Seetha Lakshmi (disciple de Guru Natya Kalasarathy Malathi Thothadri) n'a certes pas l'élégance des toutes meilleures danseuses de bharatanatyam, comme celles que l'on peut voir à Paris, aux Abbesses, mais néanmoins le spectacle était de très bonne tenue. Accompagnée de cinq musiciens (mridangam, flûte, violon, cymbales, chant) et d'un tanpura électronique, la danseuse a présenté un programme en cinq parties. Les deux premières, dont la pièce principale Varnam, étaient consacrées à Krishna. Le langage dansé m'a semblé globalement plus concret que ce que je vois d'habitude. Krishna était représenté en joueur de flûte. Plusieurs épisodes de sa jeunesse étaient évoqués : sa naissance, ses bêtises (le pot de yaourt renversé), son combat contre un serpent. Je ne sais plus si c'était dans le Varnam ou dans la pièce introductive, mais le personnage de Draupadi intervenait aussi, évoquant un épisode de sa jeunesse dont je ne connais pas l'origine, mais qui trouve un écho dans le Mahabharata quand Draupadi, maltraitée par les Kaurava, invoque Krishna qui se porte à son secours.

La troisième pièce était dédiée à Shiva. La danse cosmique de Shiva Nataraja était bien sûr au rendez-vous. La danseuse a pris plusieurs fois la posture caractéristique de cette forme de Shiva (dont une petite sculpture, comme il est de coutume, était visible sur le côté de la scène). Lorsque le pied gauche vient se hisser plus haut que le genou droit, l'équilibre de la danseuse est mis à l'épreuve.

La quatrième pièce était dédiée à Krishna. Elle évoquait la Bhagavad-Gita. Au début, Arjuna tente désespérément de bander son arc, mais il ne peut s'y résoudre. Son cocher Krishna, dont la fonction est mimée par les mouvements de la danseuse, lui livre une partie de son savoir. Krishna apparaît tantôt comme joueur de flûte, tantôt comme une sage divinité, presqu'aussi sereine qu'un Bouddha. Ensuite, on trouve apparemment une histoire à l'intérieur de l'histoire, censée illustrer la véritable dévotion. Le spectacle s'est terminé par une pièce rapide, un Tillana.

Je suis ensuite allé mangé dans un restaurant du Kerala où j'avais déjà mangé en 2006, près de la Music Academy. J'ai fait l'erreur de commander un Nandu Curry, un curry de crabe, puisqu'aucun instrument du type casse-noix n'était fourni pour briser la carapace. Le manager a écouté mes doléances et accueilli avec curiosité l'idée que l'on puisse utiliser un tel ustensile ; jamais quiconque ne s'était ému à ce sujet auprès de lui. Avec la fourchette, quelques minuscules morceaux de chair étaient accessibles, bref, j'ai surtout mangé la sauce rouge curry avec des pains. Elle s'avère très pimentée ; on doit pouvoir souffrir plus facilement ce piquant comme il accompagne une nourriture solide.

Comme il se faisait tard, plus aucun train local ne circulait, mais j'ai trouvé le moyen de monter dans un rickshaw collectif qui pour un prix modique m'a déposé à une distance raisonnable de ma guest house.

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Wiesenland

2009-01-11 21:50+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Photographies

Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2009-01-11

Pina Bausch, mise en scène et chorégraphie

Peter Pabst, décor

Marion Cito, costumes

Matthias Burkert, Andreas Eisenschneider, collaboration musicale

Marion Cito, Irene Martinez-Rios, Jan Minarik, Robert Sturm, collaboration

Vera Bila, Romano Drom, Ghymes und Fanfare Ciocarlia, Peace Orchestra, Elektrotwist, Bugge Wesseltoft, Sidsel Endresen, Hermenia, Caetano Veloso, José Afonso, René Lacaille, Lili Boniche, Rex Stewart, musique

Regina Advento, Rainer Behr, Andrey Berezin, Damiano Ottavio Bigi, Barbara Kaufmann, Nayoung Kim, Daphnis Kokkinos, Eddie Martinez, Melanie Maurin, Dominique Mercy, Pascal Merighi, Helena Pikon, Jorge Puerta Armenta, Julie Shanahan, Julie Anne Stanzak, Michael Strecker, Fernando Suels Mendoza, Kenji Takagi ou Ales Cucek, Aida Vainieri, danse

Wiesenland, Pina Bausch

Cette année, pas de grève de RER pour m'empêcher de me rendre à Paris pour voir un spectacle du Tanztheater Wuppertal (Pina Bausch), une reprise de Wiesenland.

Grâce à mon abonnement acheté très tôt l'an dernier, je collectionne les premiers ou deuxièmes rangs. Cette fois-ci, je suis au premier rang qui, compte tenu des différentes configurations possibles pour l'avant-scène, est aujourd'hui le rang C. Le public du Théâtre de la Ville fait envie au futur ex-directeur de l'Opéra de Paris (Le Monde daté du 2009-01-09), il n'empêche qu'il est moins doué que l'autre pour ce qui est de se placer : avec un numéro de rang et un numéro de place (numéros impairs côté jardin, numéros pairs côté cour), il ne ne devrait pas y avoir autant de problèmes.

Quand les lumières s'allument, on voit apparaître dans le fond le décor vert bosselé recouvert de mousse dressé verticalement et d'où suinte de l'eau. Vers la fin de la première partie, des machinistes le mettront à l'horizontale. Nous verrons de l'eau, crachée, en seaux, en bouteille, un fauteuil, des serviettes, des cigarettes, une brouette, un inquiétant empilement de sept chaises tête-bêche, des flûtes, une table, de la nourriture (Leader Price), une pomme, trois poules, un ballon et une enveloppe, qui a été déposée dans mes mains par Julie Shanahan :

Wiesenland

Pour ne craindre pas d'être accusé de partialité pour avoir été ainsi corrompu, je dirai juste que j'ai autant aimé, sinon plus, que Vollmond.

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希尔薇娅

2009-01-11 01:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2009-01-10

Léo Delibes, musique

Lycette Darsonval, chorégraphie

Philippe Binot, décors et costumes

Han Jiang, lumières

Zhang Yi, direction musicale

Zhu Yan, Sylvia

Aminta, Sheng Shidong

Eros, Hao Bin

Orion, Zing Liang

Diane, Jin Jia

Ballet national de Chine (中国国家芭蕾舞团)

Orchestre Colonne

Sylvia ou la nymphe de Diane (希尔薇娅), ballet en trois actes de Jules Barbier et du Baron de Reinach

Ce soir, je suis allé à la dernière de 希尔薇娅 par 中国国家芭蕾舞团, en français Sylvia ou la nymphe de Diane par le Ballet national de Chine. Les quatrièmes loges de l'Opéra Garnier sont toujours aussi inconfortables, mais j'étais dans un angle idéal pour voir en entier la scène et l'orchestre Colonne dirigé par le plutôt jeune Zhang Yi.

Le sujet de ce ballet, chorégraphié par Lycette Darsonval en 1979 d'après le ballet de Louis Mérante (1876) sur une musique de Léo Delibes, est mythologique : faunes, satyres, naïades, etc. Au premier acte, Aminta est épris de la nymphe Sylvia qu'il espionne. La nymphe Sylvia, associée à Diane, est coiffée d'un croissant de Lune. Sylvia lance une flèche en direction de la statue du dieu Amour, mais Aminta s'interpose et est frappé par ce trait. Amour se venge en visant Sylvia qui se met à aimer Aminta, mais le chasseur Orion enlève Sylvia. Des paysans découvrent Aminta inanimé, mais heureusement, un vieux sorcier en haillons se pointe et le ranime en utilisant une fleur médicinale. Le sorcier est le dieu Amour en personne ; il enlève son déguisement et va tout faire pour qu'Aminta retrouve Sylvia.

Au deuxième acte, Sylvia est dans une grotte, prisonnière d'Orion. Des esclaves dansent. On mange, on danse, on boit. Sous l'effet de la boisson, tout le monde s'endort sauf Sylvia, qui implore Amour de la sauver. Une porte coulissante s'ouvre faisant paraître un bateau ; c'est Amour qui vient chercher Sylvia.

Au dernier acte, les créatures célestes et les paysans sont joyeux, mais Aminta est triste. Pourtant le bateau accoste et un Amour enturbanné relâche de nombreuses jeunes femmes portant toutes le même costume. Pendant cinq ou dix minutes, j'essaie de régler mes jumelles, sans y parvenir : les personnages féminins sont flous. Curieusement, je vois bien les autres. Au bout d'un moment, je comprends qu'elles portent un voile transparent et que c'est une épreuve à laquelle est soumis Aminta : il doit reconnaître Sylvia. Bien entendu, il y parvient. Mes jumelles se remettent à fonctionner, mais Orion revient sur scène et il n'est pas content. Un combat s'engage entre lui et Aminta. Sylvia se réfugie auprès de Diane qui finalement l'abat. Un beau final au premier plan alors qu'au fond de la scène, Amour et Diane montent sur leurs piédestaux respectifs tandis que Sylvia et Aminta sont enfin réunis.

Ailleurs : l'avis de Palpatine.

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Shantala Shivalingappa aux Abbesses

2008-11-29 01:24+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2008-11-29

Shantala Shivalingappa, conception, direction artistique et interprétation

Nicolas Boudier, lumières

Alexandre Castres, vidéo

Namasya

  • Ibuki (chorégraphie et costume d'Ushio Amagatsu)
  • Solo (chorégraphie créée lors d'une résidence au Tanztheater Wupperthal-Pina Bausch)
  • Shift (chorégraphie de Shantala Shivalingappa)
  • Smarana (chorégraphie de Savitry Nair)

Après le récital de bhârata natyam d'hier, je suis retourné cet après-midi aux Abbesses et ai monté les 180 marches du quai de métro à la sortie pour voir un spectacle de Shantala Shivalingappa que j'avais déjà vue deux fois dans le superbe Gamaka (kuchipudi). J'avais acheté une place pour voir Namasya l'an dernier, mais un déplacement au Maroc m'avait contraint à donner ma place. J'avais aussi prévu de la voir dans Bamboo blues, mais cette fois-là, ce fut de la faute de la RATP si je ne pus pas assister au spectacle.

Ce spectacle Namasya n'est pas un récital de danse indienne kuchipudi ; il rassemble quatre soli contemporains issus de collaborations respectives avec Ushio Amagatsu, Pina Bausch, elle-même et sa mère Savitry Nair. Les intervalles permettant à l'interprète de changer de costume sont remplis par des projections de vidéos d'Alexandre Castres montrant la danseuse dans sa spécialité. Bien que le sujet soit très intéressant et photogénique, j'ai trouvé ces images affreuses : floues, mal éclairées, mal cadrées. Il s'est malgré tout trouvé quelques plans réussis.

Dans ces quatre soli, le sens de la danse n'est pas évident. Sans être particulièrement hermétique, la notice du Théâtre de la Ville n'est pas très éclairante non plus à ce sujet.

La première pièce Ibuki est celle que j'ai préférée. Un bien élégant costume blanc, une musique et des mouvements de danse qui pourraient suggérer un cadre naturel dans lequel les plantes et les animaux vivent joyeusement, mais cela pourrait très bien être tout autre chose... Dans cette pièce et dans quelques autres, certains mouvements de mains sont des mouvements de danse kuchipudi. Voir ces mouvements hors contexte est assez troublant.

Dans la deuxième pièce Solo, une danse sensuelle en longue robe noire, peut-être un peu trop longue parce qu'on ne voyait plus les pieds de l'interprète, ce qui est un peu dommage pour de la danse.

Le troisième solo Shift, chorégraphié par l'interprète, m'a fait l'effet d'un ovni. La notice évoque la lenteur de la gestuelle découpée dans l'espace. Et qui n'est pas sans rappeler certains motifs de la statuaire indienne classique. Le début me faisait plutôt penser à une bête féroce à l'affût.

Le quatrième solo Smarana, sur une musique indienne classique, présente la particularité de présenter l'interprète principalement de dos, avec un éclairage assez faible.

Le bilan est globalement positif. À l'avenir, j'irai toujours les yeux fermés voir ses spectacles de danse indienne, et j'irai probablement aussi voir ses spectacles de danse contemporaine, mais par curiosité plus qu'autre chose.

Ailleurs : Bladsurb (2007).

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Alarmel Valli aux Abbesses

2008-11-29 01:45+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2008-11-28

Alarmel Valli, chorégraphie et danse bharatanatyam

Latha Ramchand, chant

C. K. Vasudevan, nattuvangam (chants et cymbales)

Sri Ganesh Ramamoorthy, mridangam

Akkarai Subhalakshmi, violon

G. Raghuraman, flûte

The Forgotten Seed

  • Sunsong
  • Varnam (couleurs du sacré, couleurs du sensuel)
  • Interval musical
  • Poème d'amour et de guerre (Lamentations pour un soldat tombé, La Graine oubliée)
  • Nrittalahari

Ce soir, j'ai assisté à un nouveau récital de bhârata natyam : The Forgotten Seed d'Alarmel Valli. Avant que j'arrive au théâtre, les ennuis RATP s'étaient accumulés. Le RER B s'arrêtait de nombreuses minutes à chaque gare avant de repartir. La ligne 4 était perturbée pour cause de passager malade. On signalait un passager sur les voies de la ligne 1. La ligne 13 n'était pas non plus en reste. Heureusement, il restait la ligne 12 pour rejoindre la station Abbesses.

Le récital s'ouvre sur une pièce dédiée au Soleil. Les mouvements de la danseuse évoquent l'éclosion des lotus, le chant des oiseaux et bien d'autres éléments. Quoique certains mouvements soient très intuitifs, le langage du bhârata natyam m'est encore très largement étranger, mais le problème de langue n'empêche nullement de se laisser enchanter par les mouvements bien plus amples qu'anguleux de cette danseuse.

Comme toujours, les musiciens sont en effectif réduit. Un son de tanpura, un flûtiste, une violoniste, une chanteuse, deux percussionnistes (cymbales et mridangam). La musique, et tout particulièrement le mridangam, concourent admirablement bien à la danse. La variété des sons émis par cet instrument est déroutante.

Avant de commencer le varnam, on prépare un micro afin que la danseuse puisse, dans un français élégant, résumer l'histoire de cette pièce (et plus tard celle des autres) en montrant en même temps les mouvements de mains correspondant aux différentes situations.

Dans ce varnam, l'adoration du dieu prend une double forme : dévotion, amour. Il n'est ni question du Dieu des Juifs, ni de Krishna, mais bien de Shiva, sous la forme du danseur cosmique (Nataraja) ou encore de Nilakantha, celui qui a la gorge bleue (cf. mythe du barattage de la mer de lait). Cette pièce m'a laissé un peu plus perplexe. Si l'action du personnage féminin était parfaitement intelligible, je n'ai pas reconnu les manifestations de Shiva.

Après un entr'acte musical, deux belles pièces. La première s'intitule Lamentations pour un soldat tombé. Elle n'est pas que triste, puisque des moments heureux sont évoqués, quoiqu'avec nostalgie. La deuxième est celle qui donne son nom au récital : La Graine oubliée. À mon avis, c'est la plus réussie. Un jeune couple laisse libre court à son amour sous un laurier. Mais une amie leur dit qu'ils se comportent mal : le laurier fait partie de leur famille, puisqu'ils en ont semé la graine.

Ce très beau récital s'est achevé par un numéro aux rythmes rapides et un court rappel.

Ailleurs : Bladsurb.

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Akram Khan & Juliette Binoche ― In-I

2008-11-23 19:20+0100 (Orsay) — Culture — Danse

Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2008-11-23

Juliette Binoche, codirection et interprétation

Akram Khan, codirection et interprétation

Anish Kapoor, décor

Philip Sheppard, musique

Michael Hulls, lumières

Kei Ito, costumes

Guy Cools, dramaturgie

Nicolas Faure, son

In-I

Mon agenda du mois de novembre est assez chargé en spectacles. Quatre cette semaine et il y en aura encore la semaine prochaine. Pour l'heure, j'avais un spectacle de prévu cet après-midi au Théâtre de la Ville, In-I, conçu et interprété par Juliette Binoche et Akram Khan. Cela faisait plusieurs années que j'essayais d'inclure à mon abonnement des places pour des spectacles de ce dernier, mais à chaque fois, on me disait que c'était plein. Peut-être m'y prenais-je un peu tard ? Cette année, j'ai envoyé mes réservations très tôt, ce qui fait que je me retrouve avec non seulement des places, mais aussi un excellent placement au deuxième rang.

Ce spectacle est à mi-chemin entre théâtre et danse. Juliette Binoche est assurément une excellente comédienne, Akram Khan un excellent danseur et ils le montrent ; nonobstant, leurs possibilités dans la spécialité de leur partenaire semblent tout à fait respectables. Pendant une heure quinze, ils représentent une aventure amoureuse, en commençant par une rencontre inattendue dans un petit cinéma où se projette le Casanova de Fellini. La palette des situations parcourues est diverse : félicité, trivialité du quotidien, union, désunion, violence, réminiscence, réconciliation, etc.

Les textes parlés (en anglais) sont omniprésents au début du spectacle. J'ai été soulagé de les entendre se raréfier par la suite, permettant ainsi aux corps de s'exprimer plus librement.

Ailleurs : l'avis de Palpatine, Bladsurb.

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Les Enfants du paradis à Garnier

2008-10-25 01:52+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Opéra Garnier — 2008-10-24

José Martinez, chorégraphie, adaptation

Marc-Olivier Dupin, musique

François Roussillon, adaptation

Ezio Toffolutti, décors

Agnès Letestu, costumes

André Diot, lumières

Arantxa Sagardoy, assistante du chorégraphe

Licia Lucchese, assistante du décorateur

Pablo Heras-Casado, direction musicale

Eve Grinsztajn, Garance

Bruno Bouché, Baptiste

Karl Paquette, Frédérick Lemaître

Vincent Chaillet, Lacenaire

Alice Renavand, Nathalie

Ghyslaine Reichert, Madame Hermine

Aurélien Houette, Le Comte

Alexandre Gasse, Avril, complice de Lacenaire

Richard Wilk, Jéricho, le marchant d'habits

Alexandre Labrot, Arlequin

Alexis Saramite, Le concierge

Ludmila Pagliero, Rigolette

Christelle Granier, Pamela

Nolwenn Daniel, Desdémone

Sarah Kora Dayanova, La Ballerine

Ballet de l'Opéra

Ensemble Orchestral de Paris

Les Enfants du paradis, ballet en deux actes d'après le scénario de Jacques Prévert

Ce soir, c'était la première fois que j'allais à l'Opéra Garnier pour assister à un ballet. J'y étais déjà allé pour un opéra-ballet, mais sans texte chanté, ce n'est pas du tout la même chose. J'ai vraiment adoré ce spectacle, Les Enfants du paradis, création de José Martinez, d'après le scénario de Jacques Prévert du film du même nom de Marcel Carné, qu'à ma grande honte, j'avoue n'avoir pas vu.

Cela avait failli ne pas commencer du tout. Bien que j'eusse prévu une marge d'une demi-heure, mon RER a été tellement retardé que j'ai craint d'arriver en retard. Il a été transformé en omnibus, s'est trouvé bondé et pour couronner le tout, déguisés en lapins, un petit groupe d'imbéciles étudiants faisaient les zouaves. Changement à Châtelet, direction Pyramides. Je n'avais pas le souvenir que l'avenue de l'Opéra fût si longue. J'arrive tout juste à l'entrée de ma quatrième loge de côté (tout en haut) avant que le spectacle commence. En ayant payé 20€, je ne m'attendais pas à avoir une place aussi satisfaisante. Certes, cela donne un peu le vertige, on est un peu serrés, ce n'est pas très confortable, il faudrait prévoir une genouillère pour ne pas se faire mal en se cognant contre le bord. Pour prévenir l'engourdissement des jambes, il n'y a probablement rien à faire. Malgré ce relatif inconfort, bien calé dans mon siège, je voyais la scène et l'orchestre presqu'en entier. Pour voir le coin qui manquait, il me suffisait de me pencher un peu. M'étant installé au tout dernier moment, je n'ai pas sorti mes jumelles d'opéra pour ne pas faire de bruit. Je me suis bien rattrapé au deuxième acte et ai été agréablement surpris des excellentes conditions de vision que cette place offrait. En comparaison, à Bastille, en six- ou septième catégorie, je ne vois pas aussi bien les visages des artistes.

La musique de Marc Olivier Dupin était belle à écouter. Les décors étaient magnifiques, tout en mise en abyme. Les décors étaient des décors, à l'endroit ou à l'envers. La mise en scène du premier acte était époustouflante, il était impossible de se focaliser sur un point de la scène tant il se passait de choses en même temps : funambules, un bal populaire, du théâtre à l'intérieur du théâtre, etc. Ce n'était finalement pas plus mal de voir ce premier acte sans les jumelles. Bien sûr, l'intrigue se noue autour de Garance et de ceux qui la convoitent : Baptiste, Frédérick, le Comte. Le programme comportait un véritable entr'acte, c'est-à-dire non seulement une pause entre les deux actes, mais aussi un mini-spectacle à part entière. Des tracts ont d'ailleurs été jetés du poulailler pour annoncer une représentation d'Othello au Théâtre du grand escalier. Ainsi donc, sur l'escalier de l'Opéra, Desdémone n'en finissait pas d'agoniser. Sur la scène du théâtre, une répétition du ballet Robert Macaire se tenait.

Le début du deuxième acte se passe toujours dans l'univers du spectacle, avec donc, la création du ballet Robert Macaire de Frédérick Lemaître, qui en est la vedette. À la fin de cette scène merveilleuse, on ne sait plus très bien si on applaudit Frédérick Lemaître et la Ballerine qui viennent saluer ou bien s'il s'agit de Karl Paquette et Sarah Kora Dayanova qui interprètent leurs rôles. Nous sommes à une autre époque qu'au premier acte. Garance a épousé le Comte pour la protection qu'il lui procure et Baptiste a épousé Nathalie qui lui a donné un enfant. En assistant à un spectacle depuis un des fauteuils de l'Opéra (décidément), elle retrouve Baptiste, déguisé en Pierrot, faisant un numéro de pantomime, dont le thème se rapproche curieusement du niveau méta de moins. Il n'a pas d'argent pour acheter un costume au 'chand d'habits, il le poignarde. Quand il débarque au bal du Comte, il porte le costume que son personnage a volé. Garance retombe sous son charme. Le Comte est assassiné par un homme qu'il a humilié. Garance et Baptiste pourraient s'aimer, mais ils sont surpris par un chiffonnier qui est accompagné de Nathalie. Se sentant de trop, Garance part pour ne jamais revenir.

Voilà, c'est superbe, et ça se joue jusqu'au 8 novembre.

Ailleurs : l'avis de Palpatine.

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Pitié !

2008-10-24 01:48+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2008-10-23

Alain Platel, concept et mise en scène

Fabrizio Cassol, musique originale d'après La Passion selon saint Matthieu de J. S. Bach

Hildegard De Vuyst, dramaturgie

Kaat Dewindt, dramaturgie musicale

Peter De Blieck, scénographie

Claudine Grinwis Plaat Stultjes, costumes

Carlo Bourguignon, lumières

Kurt Lefevre, assistant lumières

Caroline Wagner, Michel Andina, son

Moha Zami, régie plateau

Elia Tass, Émile Josse, Hyo Seung Ye, Juliana Neves, Lisi Estarás, Louis-Clément Da Costa, Mathieu Desseigne Ravel, Quan Bui Ngoc, Romeu Runa, Rosalba Torres Guerrero, danse

Laura Claycomb, soprano

Maribeth Diggle, alto/mezzo

Serge Kakudji, contre-ténorj

Magic Malik, chant/flûte

Fabrizio Cassol, saxophone

Michel Hatzigeorgiou, fender bass, bouzouki

Stéphane Galland, tambours, percussions

Airelle Besson, trompette

Krassimir Sterev, accordéon

Michael Moser, violoncelle

Tcha Limberger, violon

Aka Moon

Pitié !

Une des qualités du Théâtre de la Ville est de proposer des prix très modérés, de sorte que l'on en a toujours pour son argent, que le spectacle plaise ou non. Pour 12€, j'aurai donc eu le privilège d'assister depuis le premier rang à un spectacle qui fait davantage rire que pleurer, mais vu le thème censément abordé, ce n'est pas un compliment.

C'est la troisième fois que j'assiste à un spectacle mettant en scène des œuvres de Bach. Ce spectacle était de loin le moins inspiré des trois. La musique de Fabrizio Cassol reprend, déforme et massacre la musique de la Passion selon saint Mathieu de J. S. Bach. Elle est interprétée par un groupe de huit musiciens situés en hauteur en arrière-scène, au cœur du décor Ikea. Le chant est assuré par la soprano Laura Claycomb (que j'avais déjà vue dans le rôle de Gilda), la mezzo-soprano Maribeth Diggle et l'étonnant contre-ténor Serge Kakudji. Des airs, des choraux et mêmes quelques récitatifs se succèdent. Certains sont adaptés de façon non grotesque, mais d'autres sont complètement dénaturés, comme Können Tränen meiner Wangen ou Mache dich, mein Herze, rein. Le plus vilain massacre est celui du chœur final Wir setzen uns mit Tränen nieder. Il est correctement interprété par l'ensemble jazz Aka Moon, mais au moment où s'attend à entendre le chant débutant de belles voix, on entend les dix danseurs gémir de grotesques onomatopées.

Les trois chanteurs ont des costumes noirs, sauf Serge Kakudji qui a un sweat à l'effigie d'un Jésus pourvu de marques sectaires vishnouïstes. Des pansements sur ses mains et pieds semblent figurer les stigmates de la crucifixion. La répartition des voix n'est pas très cohérente puisqu'on a entendu la mezzo-soprano chanter des phrases en principe chantées par Jésus.

Les dix danseurs forment un groupe étonnant. Certains passages sont assez impressionnants, comme le premier solo de type hip-hop. Les corps sont pincés, contorsionnés, s'utilisent les uns les autres de façon bien curieuse, jouissent, se font mal. Ce n'est pas désagréable, mais tout cela n'a pas fichtrement rapport avec l'histoire qu'ils sont réputés illustrer. En outre, je ne vois pas trop l'intérêt de céder à la trivialité qui consiste à faire voir le séant des danseurs.

Un vers de la Bible à été mis en scène de façon indiscutablement spectaculaire :

Matthieu 27:51 : Alors le voile du sanctuaire se déchira en deux, d'en haut jusqu'en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent.

En effet, Laura Claycomb a empoigné une grande hache et en a frappé une table. Au moment précis de l'impact, plusieurs rangées de lumières se sont mises à bouger dangereusement au plafond.

Voilà, c'était Pitié ! d'Alain Platel. Ne pas y aller si on aime trop la musique de Bach pour la voir souffrir ; de toute façon, c'est déjà complet...

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Vingt-quatre heures du râga

2008-09-28 23:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad

Cité de la musique — 2008-09-28

Vingt-quatre heures du râga. L'Inde : le jour.

Sheik Mahaboob Subahani Sheik Meera Saheb, nadhaswaram

Sheik Kale Eshabimahaboob Sheikmahaboob Subhani, nadhaswaram

Govindarajan Rajamannar, tavil

Sankar Manickam, tavil

Musique rituelle des temples (Inde du Sud)

Ensemble Tala Vathyam

Srikanth Venkataraman, violon

Sri Naga Siva Venkata Subbaraya Phal Parupalli, mridangam

Sukanya Ramgopal, gattam

Panwar Koshal Kumar, tabla

Ensemble rythmique

Neena Prasad, danse

Madhavan Nampoothiri Cheerakattu Parameswaran, chant

Satheesan Paliyam Parambil Madhavan, mridangam

Narayanan Muraleekrishnan Pazhangapparambilvadakkemana, vînâ

Krishnakumar Thrikkur Madom Anatharaman, edaka

Danse mohiniattam du Kerala

Shashank Subbu, flûte

Srikanth Venkataraman, violon

Sri Naga Siva Venkata Subbaraya Phal Parupalli, mridangam

Sukanya Ramgopal, gattam

Flûte bansuri (Inde du Sud)

Sudha Ragunathan, chant

Skanda Subramanian Sundarajan, mridangam

Kannan Sadagopan, violon

Raman Ramakrishnan, morsing

Chant carnatique (Inde du Sud)

Divana

Barkat Khan, chant

Anwar Khan, chant

Mehruddin Langa, satâra, sarangui, morchang

Ghewar Khan Manganiar, kamanchiya

Firoze Khan Manganiar, dholak

Gazi Khan Barana, direction, kartâl

Chant du Rajasthan

Kaushiki Chakraborty, chant khyal et thumri

Vijay Gathe, tabla

Hiranmay Mitra, harmonium

Chant khyal et thumri

Ajay Rathore, danse

Aditi Jain, danse

Jyoti Bharti Goswami, tarant

Ramesh Meena, chant, harmonium

Panwar Koshal Kumar, tabla

Danse kathak de Jaipur

Gundecha Brothers

Ramakant, Umakant Gundecha, chant dhrupad

Akilesh Gundecha, pakhawaj

Nirant Gundecha, tanpura

Chant dhrupad

Je reviens des vingt-quatre heures du râga, qui ont commencé hier à 18h. Ce programme audacieux de la Cité de la musique était divisé en deux parties : Nuit, Jour. Sur les neuf spectacles présentés dans chacune des deux parties, sept étaient communs, je n'ai donc pas jugé utile de suivre les deux programmes !

Je me suis donc levé à une heure invraisemblable pour arriver un peu avant 7h à la Cité de la Musique, porte de Pantin, où j'allais pour la première fois. Les alentours de la salle des concerts sont sobrement décorés à l'indienne. J'hallucine un peu en voyant passer devant moi un marchand ambulant de CD ayant quelques difficultés d'expression, ou comment donner aussitôt l'illusion que l'on se trouve sur un autre continent ; en fait, il s'agit d'un musicien d'un groupe rajasthani qui va se produire. Le contrôle est très moderne : l'ouvreur passe un lecteur de codes-barres sur le billet. Évidemment, mon billet fait bugger le système. On n'arrête pas le progrès.

Entre la scène et la première rangée de fauteuils sont disposés des tapis sur lesquels les plus audacieux s'asseyent. Si j'avais su, j'eusse apporté un coussin. Victime du grand ordinateur Shadok, je dois m'installer au deuxième rang. Vu la taille de la salle, dans les configurations usuelles, je suppose qu'à peu près toutes les places doivent être correctes (à moins d'avoir un basketteur devant soi). Les sièges sont très confortables, en tout cas, bien plus que dans un certain nombre d'autres salles parisiennes.

Les groupes se succèdent : musique rituelle des temples (nadaswaram et tavil), ensemble rythmique, danse mohiniattam du Kerala, flûte bansuri, chant carnatique, chant du Rajasthan, chant khyal et thumri, danse kathak de Jaipur, chant dhrupad. Le programme est très chargé : dix heures de spectacles, deux pauses d'un quart d'heure. La première pause d'un quart d'heure a d'ailleurs été quasi-absorbée par le retard accumulé dans la matinée. J'avais à peine fini mon plateau de samosas et mon lassi quand le spectacle suivant commença.

Ne connaissant pas très bien la musique classique indienne, j'appréhendais un peu cette journée, par peur de m'ennuyer. Dans l'ensemble, tout cela était très écoutable. J'ai découvert deux autres styles de danse : le mohiniattam et le kathak. J'avais déjà entr'aperçu un peu de kathak à Allahabad, mais cela ne compte pas. Le mohiniattam semble avoir quelques similitudes avec le bharata-natyam, un autre style de danse du Sud de l'Inde, mais paraît un peu moins compliqué et d'exécution moins rapide. La première différence que j'ai remarquée avec le kathak, c'est que dans cette dernière danse, les danseurs font beaucoup de pirouettes. L'ensemble des danseurs kathak comportait deux danseuses (d'âges très différents) et un jeune danseur. Le peu de cohésion entre les danseurs, leurs manières d'entrer et sortir de scène (ou plutôt de n'en pas sortir quand il conviendrait) ne faisait pas très pro (contrairement aux sept spectacles qui avaient précédé). Ensuite, est venu un entr'acte musical qui s'est achevé par le son de grelots de cheville approchant. Dans leur nouveau costume, les trois danseurs ont présenté une deuxième partie de spectacle bien plus enthousiasmante que la première.

Je n'ai pas encore fait toute la lumière sur le mystère du tampura. Le son de cet instrument est très important dans la musique classique indienne, pourtant, on ne le voit pas si souvent en scène. Il s'agit d'un instrument à cordes. Chacune des cordes est librement actionnée à tour de rôle, ce qui produit un son métallique fluctuant continûment de façon curieuse. Si on faisait la même chose avec un violon, on entendrait quatre notes qui se suivent. Là, toutes les notes se mélangent... Les instrumentistes de tampura joueront la même suite de notes pendant de longues dizaines de minutes consécutives et auront tendance à s'ennuyer ferme. Certains ont eu l'idée de les remplacer par des machines : de fait, beaucoup d'ensembles utilisent un objet électronique qui ressemble de loin à un vieux transistor. Il permet de synthétiser les combinaisons dont ils ont besoin. Ce matin, le joueur de bansuri n'a pas utilisé une de ces machines, mais son ordinateur portable pour ce faire. S'excusant de ce qu'il soit difficile de transporter des tampura, il a utilisé un enregistrement de cet instrument (en insistant pour dire que c'est du real sound). Le dernier ensemble de la journée comprenait deux joueurs de tampura, et pourtant, le leader a utilisé au début une machine, semble-t-il pour accorder les instruments, mais il me semble qu'il ne l'a jamais éteinte, bizarre.

Dans l'ensemble, les spectacles étaient bons voire très bons. Un d'entre eux m'a semblé excellent. C'était celui de Sudha Ragunathan, qui était accompagnée d'un violon, d'un mridangam (percussion) et d'un morsing (guimbarde). Avant chaque pièce, elle a fait l'effort d'expliquer sa structure et le sens du texte (ce n'était pas le cas par exemple du groupe de chanteurs du Rajasthan, je n'ai pas le début du commencement d'une idée sur ce que signifiaient leurs chansons). Plutôt que d'essayer de décrire de la musique carnatique de Sudha Rahunathan, je renvoie à YouTube.

Vers 17h, il ne restait plus qu'un seul spectacle d'une heure. Je me disais que j'y étais presque, qu'il ne restait plus qu'une heure. La mise en place du dernier ensemble (chant dhrupad) a pris pas mal de temps. Les maestros ont mis un temps fou à accorder les deux tampuras. Une gorgée de thé. Ensuite, ils ont eu un petit problème technique. Nouvelle gorgée de thé. Le machiniste intervient. Gorgée de thé. Pendant ce temps-là, le public cache son impatience. Il ne sait peut-être pas encore que ce dernier spectacle est le plus exigeant et austère de tous et que pour tenir jusqu'au bout, il faudra faire des efforts. Pendant plus de trois quarts d'heure, les deux chanteurs ne sont accompagnés que par le son des tampuras. Le chant évolue tout doucement, quand on croit que l'on va avancer un petit peu, non, on revient en arrière, une petite gorgée de thé au passage (il doit être froid maintenant, mais est-ce bien du thé ?). Tiens, le joueur de pakhawaj (percussion) se dégourdit les doigts, jouera, jouera pas ? allez encore dix minutes à attendre. Je commence franchement à m'ennuyer et à la fin de chaque phrase musicale désespère de constater que ce n'est pas une fin. Ce n'est pas que ce soit désagréable à entendre, non, mais c'est juste trop long pour moi. 18h25, le groupe a très largement dépassé son temps. Applaudissements du public qui a réussi à tenir jusqu'au bout. Applaudissements un tout petit peu trop enthousiastes, parce que, profitant de ce que nous sommes arrivés à la fin du programme, le groupe a le champ libre pour sacrifier à la tradition des rappels. Quand j'ai vu que les tampuras en étaient à se faire réaccorder (ce qui prendrait bien cinq minutes par instrument), j'ai lâchement fui.

PS: (2 octobre) Les vingt-quatre heures du râga ont été diffusées en direct sur Internet. Je viens de recevoir un mail de la Cité de la Musique m'informant que l'on peut revisionner ce programme en intégralité jusqu'au 30 octobre. Apparemment, il faudrait un système d'exploitation de la firme de Redmond pour ce faire, mais c'est assez facilement circumambulable... Enjoy!

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Padmini Chettur aux Abbesses

2008-05-05 23:55+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Culture indienne

Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2008-05-05

Padmini Chettur, danse, chorégraphie

Krishna Devanandan, danse

Anoushka Kurien, danse

Akila, danse

Preethi Athreya, danse

Divya Rolla, danse

Maarten Visser, musique

Zuleikha Chaudhari, lumières

Metaphor, Chaitanya Rao, costumes

Pushed

Comme il y a deux ans, je suis allé voir un spectacle de danse de Padmini Chettur au Théâtre de la Ville (Abbesses). Je n'ai pas grand chose à ajouter par rapport à la description très succinte que j'avais faite de Paperdoll. Au moins, cette fois-ci, je savais un peu mieux à quoi m'attendre, malgré les toujours aussi tordants descriptifs de spectacle fournis par le Théâtre. Pour le spectacle Pushed de ce soir, les titres des cinq paragraphes sont une approche contemporaine, une méditation souveraine, une communion des sens finit par hypnotiser celui qui regarde, infinie délicatesse et force quasi tellurique, l'épure de la danse devient hymne à la vie 1. Le spectacle était loin d'être déplaisant. Toutefois, la musique avait été confiée au même artiste que pour Paperdoll : Maarten Visser. Si cela se laissait écouter sans souffrance pendant l'essentiel du spectacle, vers le milieu, tout est devenu très dissonant, pire que d'entendre une quinte du loup pendant un quart d'heure non-stop. Cela a d'ailleurs fait fuir de nombreux spectateurs. Curieusement, parmi les fuyards, il s'est trouvé quelques téméraires à souffrir cette dissonance pour ne s'échapper de la salle qu'après que la musique est redevenue écoutable : pourquoi donc ne pas couronner ce déplaisir de la glorieuse satisfaction d'avoir vu le spectacle en entier ?

[1] À ce propos, Bladsurb (dont on peut lire la chronique sur ce spectacle) me disait il y a quelques jours qu'il trouvait injuste l'incompréhension que suscitent les descriptifs de spectacles de danse du Théâtre de la Ville (cf. le générateur automatique de critiques), affirmant que dans le cas de l'exemple authentique de loc. cit., il trouvait qu'a posteriori, la critique correspondait plutôt pas mal au spectacle qu'il avait vu. Pour le spectacle de ce soir, si après avoir vu le spectacle, je comprends que l'on puisse dire qu'il allie infinie délicatesse et force quasi tellurique, le problème est que pour le commun des mortels, cela ne laisse de susciter l'incompréhension, au mieux l'étonnement en découvrant le spectacle, et pourquoi pas la colère de voir ses attentes déçues.

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Divers

2007-07-01 14:17+0200 (Grigny) — Culture — Danse — Danses indiennes — Expositions — Lectures — Culture indienne — Voyage en Inde IV — Mathématiques — Photographies

Le jour de la Fête de la Musique, c'est à dire il y a dix jours, j'ai été confronté à un grand contraste entre le spectacle auquel j'assistais et puis ce que j'ai entendu en sortant du théâtre. À l'intérieur du Théâtre de la Ville, aux Abbesses, Shantala Shivalingappa offrait un très harmonieux spectacle de danse kuchipudi. Je ne connaissais pas du tout cette danse, originaire de l'Andhra Pradesh. Je fus très agréablement surpris par les mouvements très arrondis de cette danse, semble-t-il plus facile d'accès que le bharata natyam. Une partie du spectacle comporait une danse sur un plateau : la danseuse en pinçait les bords avec les orteils et pouvait se déplacer en donnant l'impression de flotter sur la scène tout en dansant avec la moitié haute du corps. Divers bracelets de chevilles étaient utilisés au cours du spectacle, parfois ils étaient laissés de côté et la musique se faisait très discrète. L'atmosphère sonore de Montmartre en ce jour particulier pouvait alors se laisser entr'apercevoir : Boum ! Boum !. Je sortais de la salle, conquis par cette danse (qui sera malheureusement absente de la saison 2007-2008 du Théâtre de la Ville), et que découvris-je : un spectacle de fin du monde avec l'illusion que des hordes de jeunes descendaient la rue Ravignan sur de la musique du troisième millénaire. Un peu plus loin, une atmosphère imprégnée des effluves des stands de frites-saucisses, et une station de métro salvatrice.

À la Fondation Henri Cartier-Bresson, j'ai vu deux expositions du travail de Fazal Sheikh. Loin des splendeurs des Gupta, ces expositions, terribles, frappent par les aspects les moins reluisants de l'Inde qu'elles révèlent. La plupart des photographies (noir et blanc) sont des portraits. La première partie s'appelle Moksha (libération du cycle des renaissances) et est consacrées aux femmes, pour la plupart veuves et abandonnées par leur belle-famille (qui, après leur mariage, était devenue leur famille tout court), qui viennent à Vrindavan, tout près de Mathura (que j'ai prévu de visiter en août), pour se consacrer entièrement à l'adoration du dieu Krishna, qui est réputé avoir passé son enfance dans cette région, y avoir séduit des milliers de vachères et y avoir vaincu le démonique Kamsa. Chaque portrait est accompagnés par un résumé de la vie de la femme représentée. L'autre exposition, Ladli, présentait le sort réservé à de nombreuses jeunes filles, jugées indésirables par leurs parents qui auraient préféré avoir des fils, et qui se retrouvent dans des situations sordides : mariées très tôt, exploitées par des maris coureurs de dot ou par des proxénètes, assassinées par leur belle-famille...

Je viens de passer trois jours dans la charmante ville de Münster en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, pour y parler avec un jeune chercheur et y faire un exposé au colloquium. La ville est vraiment remarquable par les aménagements prévus pour les cyclistes. Dans le centre-ville, je n'ai pas vu une seule voiture. On voit régulièrement d'énormes parkings à vélo. Les pistes cyclables rouges sont larges, très bien conçues, de sorte qu'on n'a pas d'acrobatie à faire pour réaliser des virages, passer de la chaussée au trottoir et inversement. J'ai donc testé un tout petit peu les vélos allemands. Leur pédalier présente la singularité de ne pas pouvoir tourner à l'envers : cela actionne un frein. Cela impose de bien calculer son coup lors des arrêts aux feux pour disposer les pédales de façon à pouvoir repartir facilement (alors qu'avec un tour de pédalier en sens inverse, on pourrait toujours s'en sortir sur un vélo français). La personne qui m'invitait parlant très bien français, elle a insisté pour qu'on discute en français pour entretenir son niveau dans notre langue. En dehors, j'ai dû pratiquer un peu l'allemand, en tout cas infiniment plus que lors de mes précédents brefs séjours en Allemagne. J'arrive à suivre quand les hôteliers, serveurs, etc. me posent des questions, mais j'ai beaucoup plus de mal à leur répondre. Néanmoins, pour acheter des gâteaux à la boulangerie, cela allait très bien... Il était censé y avoir une grande exposition de sculptures dans les rues de Münster, mais tout ne devait pas encore être installé, parce que je n'en ai vue qu'une.

Je viens de lire un roman étonnant : Le grand roman indien de Shashi Tharoor. Il faut imaginer l'épopée du Mahabharata transposée dans l'Inde du vingtième siècle, à moins que ce ne soit l'inverse. On y trouve les personnages historiques de la période de la lutte pour l'indépendance de l'Inde, sa partition, et les aléas du pouvoir jusque vers le début des années 1980. Les noms des personnages sont tirés de l'épopée. Jawaharlal Nehru est Dhritarashtra, Gandhi est Bhishma (un des fils de la déesse Ganga, appelé ici Gangaji). La fratrie de Duryodhana est remplacée par la seule Priya Duryodhani (Indira Gandhi). La grande bataille du Kurukshetra est l'élection de 1977 où elle fut battue. De nombreuses libertés sont prises, à la fois avec l'épopée, et avec l'histoire. C'est ce que je trouve toujours ennuyeux avec les romans historiques, c'est qu'on ne peut pas toujours bien distinguer l'Histoire des faits imaginés par l'auteur. C'est un bon roman, plein d'humour, mais qui n'est sans doute vraiment intéressant à lire que si on connaît déjà l'histoire du Mahabharata (la manière la plus plaisante d'y remédier si ce n'est pas le cas étant de lire la version de Jean-Claude Carrière).

Les résultats du Prix Biblioblog du Roman que j'avais évoqué ici viennent de tomber. Il a été décerné à Passage du gué de Jean-Philippe Blondel. À mon avis, tous les livres sélectionnés étaient très bons, mais ce livre-ci faisait parmi de mes préférés, donc je suis très content qu'il ait été choisi.

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Sculpture, danse

2007-06-18 00:56+0200 (Grigny) — Culture — Danse — Danses indiennes — Expositions — Culture indienne

Il y a quelques jours, je suis allé voir l'exposition L'âge d'or de l'Inde classique — L'empire des Gupta aux Galeries nationales du Grand Palais. L'empire Gupta se situe en Inde du Nord, autour du cinquième siècle. L'exposition commence par des sculptures en grès, pour la plupart étonnament bien conservées, provenant de sites principalement bouddhiques. Puis, les lieux d'origine, les styles et les types d'œuvres se diversifient, avec notamment Vishnu couché sur l'océan cosmique, Shiva ascète, Arjuna recevant l'arme Pashupata de Shiva, Sita dans l'ermitage de Valmiki, l'armée des singes construisant un pont sur l'Océan vers Lanka, etc. C'était très bien, mais je hais les visites guidées : il y avait un groupe d'une vingtaine de personnes qui s'agglutinaient toujours précisément là où je voulais aller... Heureusement pour eux, leur guide avait vraiment l'air de connaître son sujet.

Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2007-06-15

Maria-Kiran, danse bharatanatyam, conception, chorégraphie

Guru Jamuna Krishnan, chorégraphie, chant et nattuvangam

Ragini Chandershekar, nattuvangam

M. V. Chandershekar, mridangam

Viju Sivanand, violon

La Face cachée

  • Pushpanjali
  • Varnam (dédié au dieu Shiva)
  • Padam
  • Padam (dédié à Krishna)
  • Tillana

Avant-hier, j'ai assisté au spectacle La Face cachée de Maria-Kiran au Théâtre de la Ville (Abbesses). La dernière fois que je l'avais vue, la musique et les thèmes étaient chrétiens. Cette fois-ci, la musique était indienne et le récital, respectant toujours la structure voulue par le bhârata natyam, comportait comme partie principale un un varnam dédié à Shiva, inspiré par neuf strophes d'un poème de K. N. Dandayudhapani (les organisateurs ont pensé à utiliser les possibilités de sur-titrage de la salle, qu'ils en soient remerciés). Vers la fin, on a eu droit à un petit intermède pédagogique sur le sens de certains mouvements de danse. En effet, avant d'entamer un padam dédié à Krishna, elle disait quelques phrases en rapport avec les amours de Radha et Krishna tout en exécutant les mouvements correspondants. Dans ce contexte, la pose correspondant à Krishna était celle de l'iconographie hindoue : une position décontractée avec une jambe fléchie passant devant l'autre et reposant sur les orteils et les doigts disposés comme sur une flûte traversière (curieusement, il m'a semblé que la jambe gauche passait devant la droite alors que sur la statuette qui se trouve devant moi, c'est le contraire). C'était très clair. Cela m'intéresserait bien de connaître plus de détails sur les codes de cette danse pour mieux la comprendre, mais je ne saurais pas très bien par où commencer.

Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2007-06-17

Pina Bausch, mise en scène et chorégraphie

Peter Pabst, décor

Marion Cito, costumes

Matthias Burkert, Andreas Eisenschneider, collaboration musicale

Marion Cito, Daphnis Kokkinos, Robert Sturm, assistants à la mise en scène

Amon Tobin, Alexander Balanescu, avec le Balanescu Quartett, Cat Power, Carl Craig, Jun Miyake, Leftfield, Magyar posse, Nanad Jeliç, René Aubry, Tom Waits, musique

Rainer Behr, Silvia Farias, Ditta Miranda Jasfi, Dominique Mercy, Nazareth Panadero, Helena Pikon, Jorge Puerta Armenta, Azusa Seyama, Julie Anne Stanzak, Michael Strecker, Fernando Suels Mendoza, Kenji Takagi, danse

Vollmond (Pleine Lune), Pina Bausch

Cette après-midi, j'allais pour la première fois au Théâtre de la Ville (Place du Châtelet) pour assister au spectacle Vollmond de Pina Bausch. Un décor réduit à une énorme pierre à cheval sur un couloir d'eau peu profond. Douze danseurs qui rentrent et sortent de scène par toutes les issues possibles. Des bouteilles en plastique, des chaises, des verres, un ballon gonflable, et surtout beaucoup d'eau. Pour moi, c'est assez impossible à décrire, mais ce spectacle de deux heures était absolument fascinant.

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Propagande protestante, musique concrète, simplicité

2006-10-26 21:38+0200 (Grigny) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Lectures — Mathématiques

Jusques à l'année dernière, à chaque fois que je passais à Jussieu au début de l'année universitaire, je me faisais accoster par diverses personnes qui prêchaient pour telle ou telle mutuelle étudiante. Ne voulant pas leur faire perdre leur temps, je disais tout de suite que je n'étais pas concerné, mais on ne me croyait pas, alors je devais expliquer que bien que je fusse étudiant, j'étais déjà affilié à une mutuelle. Cette année, je ne dois plus avoir une tête d'étudiant pour eux ; cela tombe bien, je ne le suis plus.

À l'entrée de ce lieu très fréquenté, il y a toujours autant de personnes distribuant divers papiers. Le plus souvent, il s'agit de publicité, parfois de tracts politiques. Mardi dernier, en sortant d'un TD, je me suis vu remettre une petite carte (format carte de crédit) un peu bizarre : dessus, on peut lire cliquez, découvrez, expérimentez ! en-dessous du nom d'un site ConnectezVotreVie.com, avec en fond une étudiante sans doute charmante écrivant sur son cahier tout en regardant ailleurs. Bref, sans trop y faire attention, on pourrait prendre cela pour de la publicité pour un fournisseur d'accès à Internet, un fabricant d'électro-ménager, etc. Mais, en petits caractères, on peut cependant lire Site interactif étudiant pour explorer la foi chrétienne. Ce matin, je suis repassé au même endroit, on m'a tendu un nouvel exemplaire de cette carte ; je l'ai rendue en disant que je l'avais déjà. Je discute un peu avec la jeune femme qui faisait la distribution. Oui, j'étais allé voir le site. Non, cela ne m'avait pas fait croire en Dieu. Non, je ne donnerais pas cette carte à quelqu'un d'autre 1. Bien que je m'intéressasse un petit peu aux religions, j'étais incroyant. Je suis parti peu après qu'elle m'eut dit Mais vous savez, Dieu, il vous aime. Comment peut-on vivre sans ? Dieu vous bénisse.. C'est à mon avis un aspect peu reluisant d'une religion, celui de conduire certains à se sentir investi de la mission d'attirer de nouveaux fidèles. Cependant, il y a un mérite que je peux leur reconnaître, celui de conforter mon incroyance. Ce n'est vraiment pas ce court-métrage qui me fera changer d'opinion.

Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2006-10-25

Krishna Devanandan, danse

Preethi Athreya, danse

Ashwini Bhat, danse

Anoushka Kurien, danse

Padmini Chettur, danse, chorégraphie

Maarten Visser, musique

Sumant Jayakrishnan, décors

Paperdoll

Hier soir, je suis allé voir un spectacle de danse. C'était mon baptême de danse contemporaine. J'avais remarqué par une occurrence de bharata natyam dans la description de ce spectacle (Paperdoll, de Padmini Chettur) dans le programme du Théâtre de la Ville ; voilà pourquoi je me trouvais dans cette salle hier. C'était incontestablement de l'art, mais je suis assez déstabilisé. L'accompagnement musical était très étrange, lui aussi très contemporain. Je ne connais rien à cette musique, mais cela devait être un exemple de musique concrète : une sorte de mélange aléatoire (sans rythme particulier) de sons bizarres. Pendant le premier quart d'heure, j'essayais d'imaginer des gouttes de métal liquide coulant d'un robinet que quelqu'un s'amuserait à ouvrir et à couper. Après, je n'ai plus cherché à donner un sens aux sons... Dans des tenues approximativement blanchâtres, cinq danseuses se mouvaient avec extrême lenteur. Bref, au début, je me demandais un peu ce que je faisais là. Il y avait néanmoins une cohésion assez intéressante dans ce groupe : dans les mouvements que j'ai trouvés les plus remarquables, plusieurs danseuses (voire toutes les cinq) étaient liées les unes aux autres par les mains, assurant l'équilibre harmonieux de l'ensemble, ou mettaient délicatement leur main en contact avec le visage de la voisine.

J'ai passé le début de mon après-midi à retrouver comment montrer que le groupe alterné sur au moins 5 lettres est un groupe simple. Je prévois en effet de l'enseigner en TD la semaine prochaine. Après m'être convaincu que je savais faire, je suis monté à la bibliothèque pour aller voir comment c'était fait dans les livres canoniques d'algèbre de niveau licence/maîtrise/CAPES/agrégation. Le Perrin n'était pas dans les rayons (il y a un gros trou dans la rangée de livres à cet endroit, je suppose qu'il y a toujours des hordes d'agrégatifs, capessiens, TD-persons qui en ont besoin en même temps). Les livres étant rangés thématiquement, je regarde les livres avoisinants. Combien grande fut ma déconvenue lorsque je vis les horreurs que contenaient certains ouvrages. Dans un livre de cours de l'algèbre, la démonstration me sembla comporter des erreurs béantes. Dans un autre qui se montrait assez agréalablement mis en page, je suis tombé sur une erreur grossière dans un paragraphe qui paraissait se vouloir synthétique. J'ai également échoué sur un ouvrage en roumain de la période communiste ; les mathématiques y avaient l'air aisément déchiffrables, mais je n'ai pas poussé l'ascétisme jusqu'à y chercher le théorème que je voulais. J'ai vu un autre livre à la typographie trahissant une époque reculée où dans le premier chapitre d'analyse, on expliquait la notion de nombre variable infiniment petit ! Après ces tâtonnements, j'ai consenti à ouvrir une valeur sûre (le Tauvel), pour y découvrir finalement ce que je voulais. La démonstration qui s'y trouve est un peu plus directe que celle que j'avais reconstituée.

En rentrant chez moi en RER, je n'ai pas vraiment pu me mettre à la lecture du roman en cours, ne parvenant pas à évacuer les groupes symétriques de ma tête...

Pense-bête : il va falloir que je réorganise les catégories (ou plutôt tags) que j'associe aux entrées de blogs, puisqu'en l'état, ce n'est pas satisfaisant du tout.

[1] Prétérition. Je ne pensais pas en parler sur ce blog.

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J-2

2006-08-01 16:58+0200 (Grigny) — Culture — Danse — Lectures — Voyage en Inde II

Je suis pour ainsi dire prêt pour partir en Inde du Sud après-demain. J'ai déjà préparé une liste exhaustive de choses à apporter, histoire de ne rien oublier. J'espère que tout va rentrer dans mon sac à dos. Je savoure mes derniers thés chinois avant un bon moment et vais me lancer dans une nouvelle séance de repassage/pliage. Mes conditions de vie se sont déjà rusticisées depuis hier puisque je n'ai plus d'eau chaude à cause de travaux dans mon immeuble.

Il faut aussi que je choisisse quelques livres à emporter, en plus du Rāmāyaṇa que je compte finir sur place. À propos de listes d'achats, mon panier Amazon vient de se vider après trois mois d'inactivité, dommage... Aujourd'hui, j'ai également eu le plaisir de me replonger dans la brochure du Théâtre de la Ville et écouter pendant de longues minutes leur musique d'attente au téléphone pour remplacer un des spectacles de mon abonnement qui était déjà complet ; les textes de présentation de ces spectacles sont excessivement spécieux (cf. le pastiche suivant), mais cependant, tous les spectacles que j'y ai vus étaient excellents.

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Bhâratî

2006-03-05 01:20+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne

Palais des Congrès — 2006-03-04

Bhavna Pani, Bharati

Gagan Malik, Siddharta

Rahul Vohra, Le narrateur

Nikam Mangesh, Domraja

Yusuf Kinnu Khan, Raj

Jojo Khan, mise en scène, chorégraphie

Shirili Deshe, mise en scène

Roni Sinai, mise en scène

Kamlesh Pandey, histoire

Gashash Deshe, conception

Bhâratî, il était une fois l'Inde

Je reviens du spectacle Bhâratî (site). Ce n'était pas mal du tout, les danses étaient plutôt réussies (une bonne soixantaine de danseurs en tout). Je regrette cependant que ce fut essentiellement une juxtaposition de passages dansés (ou seulement chantés) sans réelle organisation. En fait, c'était comme un opéra baroque : récitatif, air, récitatif, air... Le récitant était plutôt sympathique, il parlait de quelques coutumes indiennes et de la pseudo-histoire, expédiée en quelques phrases : Bharati rencontre un charmant indien ayant vécu à l'étranger : Siddharta, mais son père Domraja la fiance avec un autre, Raj ; puis Siddharta va voir Domraja, et finalement il se marie avec Bharati.

Ce n'était pas désagréable, mais j'hésiterais à conseiller ce spectacle : le prix était très élevé (les places les moins chères étaient à 50 €) et puis le programme du spectacle avait un prix absolument indécent (15 €, là où en des endroits chics au possible comme le Théâtre des Champs-Élysées on se contente le plus souvent de nous faire payer au maximum 5 ou 6 €).

Les chansons étaient issues de films indiens (dont le programme n'indique pas les titres, grrr...). J'ai au moins reconnu des chansons des films suivants :

Bref, je préfère donc voir une danseuse exceptionnelle plutôt que de voir des dizaines de personnes faire de la danse synchronisée autour de danseurs leaders. Cependant, je ne regrette nullement d'avoir fait le déplacement, ces occasions étant trop rares.

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Bhârata/Bach

2006-02-14 21:43+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2006-02-14

Maria-Kiran, danse bharatanatyam

Claudio Brizi, claviorganum

Gianfranco Borrelli, violon, alto

Milena Salvini, conception et réalisation

Vidyà, chorégraphies

Bhârata/Bach

  • Ouverture Invocatoire, prélude 552 A
  • Choral BWV 584
  • Confession, choral BWV 622
  • Choral BWV 699
  • Alleluya, extrait de la cantate BWV 51
  • Choral BWV 721
  • Culte de la parole, extraits de la Partita BWV 766
  • Choral BWV 731
  • Offertoire/Élévation, extrait de la cantate BWV 78
  • Choral BWV 559
  • Sanctus, extrait de la Messe en si mineur BWV 232
  • Consécration, choral BWV 727 et choral BWV 140-4
  • Communion, extraits de la cantate BWV 140
  • Choral extrait de la cantate BWV 140 (final)
  • Conclusion, triple fugue BWV 552 B
  • Post-Conclusion, choral extrait de la cantate BWV 147

Je reviens d'un spectacle au thème original : de la danse classique indienne (bhârata natyam) sur de la musique religieuse chrétienne de Bach. Vous imaginez bien qu'avec un tel programme, je ne pouvais pas manquer cela 1.

C'était pour ainsi dire le premier spectacle de danse auquel j'assistais ; je suis assez impressionné. Il y a dans cette danse peu de mouvements spectaculaires ; elle est exécutée avec une certaine solennité, les mouvements de mains semblant assez complexes et codifiés ; malgré cette majesté, des émotions très fortes jaillissaient de l'expression du visage de la danseuse Maria-Kiran. Difficile de résister pendant les évocations de certains épisodes de la Passion 2, en particulier les instants pendant lesquels la Cène était évoquée, je n'avais jamais ressenti cela pendant un spectacle.

L'instrument utilisé par le musicien Claudio Brizi était aussi très original : il s'agissait du claviorganum, une sorte de mélange entre le clavecin et l'orgue. Je n'ai reconnu que peu de morceaux de musique, qui étaient principalement des chorals. Je suis même tout perturbé de n'avoir pas reconnu le Sanctus de la Messe en si mineur...

[1] Au cas où, j'ai mis les mots importants en gras.

[2] Il n'y avait pas d'extraits de la Johannes-Passion ni de la Matthäus-Passion.

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