Une connaissance qui a fait de très hautes études, vit dans un milieu où les « intellos » surdoués et surdiplômés sont si imbus de leur personne qu’elle ne peut témoigner de sa foi. Cela la rendait fort triste. Alors, l’arbre qui est au milieu du jardin lui a expliqué comment lui, n’avait jamais baissé les bras, oh pardon ! je voulais dire les branches !
« Je suis l’arbre transplanté dans les jardins d’eau
A chaque saison
Voici mes fruits
Mon feuillage est vivant tout ce que je donne est bon
Ps. 1/3
Il était une fois… un pommier mais à y regarder de plus près je crois bien que c’était une « pommière » ou dit-on « pommerelle », pomeresse pomereuse ou pommiertrice ? en tout cas, quel bel arbre ! Dans son champ, tout près de la rivière et parmi tous les siens, fort et croulant sous le poids de ses pommes. Et il faut que je vous dise un secret : les pommiers, il leur arrive de parler ; oh ! pas tout le temps, ni même à tout le monde, mais quelquefois, quand un promeneur prend place sous leur branchage et pour si peu que le courant passe entre eux, alors … alors, ils peuvent devenir si loquaces que même César, peuchère ! il ne pourrait en placer une … quoique, qui verrait César se promener dans un champ de pommiers ? y-a-t-il d’ailleurs des pommiers sur la Canebière ? Mais qu’est-ce que je raconte ? Le pommier donc, parle et les « pommières » aussi, c’est sûr d’ailleurs, à ce sujet, et pour rebondir sur l’histoire des terminaisons féminines... moi, je vous le dis, couper la parole à une de mes compagnes arboricoles c’est pas de la tarte, de la tarte aux pommes, cela va dans dire ! Bon, je reprends.
« Me voilà, là, planté dans ce champ comme l’arbre du Psaume, près de l’eau, avec une terre si fertilisante et riche que j’en suis gavé de sève à n’en plus pouvoir, mais y en-a-t-il jamais assez ? Et mes fruits sont si ronds, et rouges,
luisants de la vie que je leur transmets et si appétissants qu’ils feraient le bonheur des « millions » [le pommier provençal à du lui déteindre un peu dessus] de sangliers qui passent par ici jour et nuit ; si, j’en suis sûr, j’arriverai bien à les dégouter des châtaignes, n’en déplaise à mes voisins du champ de l’autre côté de la rivière. Et bien, le croiriez-vous ? Pas plus tard qu’hier, une troupe d’humains a traversé le champ ; ils avaient une drôle de trombine, et ressemblaient bien peu au brave paysan qui chaque jour, vient prendre soin de moi, me chouchoute, me dorlote, me parle, caresse mes fruits, se pose là, bien campé sur ses jambes, et souffle de plaisir dans ce champ qui va lui offrir une si belle récolte. Pardon ? Non, non, ce n’est pas l’âge et le chemin qui monte jusqu’à moi qui lui font perdre haleine ; c’est moi qui le fait respirer d’aise !
Adonc que, ces humains-là, vous verriez leur accoutrement ! et les humaines ! perchées sur des espèces de hautes et minuscules branches luisantes, dépassant de leur tronc par le bas, ça leur donne une espèce de démarche : un coup je fais un trou dans la terre (pour planter quoi, je vous le demande), un coup je trébuche avec des marmonnements à moitié inexprimés dont je ne vous donnerai pas la teneur, même le vieil homme n’en dit pas de semblables. Tous parlaient avec des mots si compliqués que je n’arrivais pas à suivre leur conversation. Donc, ces humains-là passèrent près de moi ; incontinent, je tendis aussi loin que je pus mes branches les plus belles, mes pommes rougirent de plaisir à la pensée de se voir convoitées et vous savez quoi ? J’entendis des mots bizarres …et certains prononcés avec tant de mépris que je regrettais presque de n’être pas du bois à fouet, bien dur et affûté pour leur en faire voir. Non mais, pommier oui, mais cévenol aussi !
« Tiens, des pommiers ».
« Laisse donc, c’est d’un vulgaire ».
« Le Président ne mange que des kumquats » ( un de ces mots bizarres qui me sont inconnus : quelqu’un à la traduction en cévenol ?)
« Chez moi, il ne rentre que des fruits e-xo-ti-ques » ( je vais t’en faire voir des « exotiques » moi )
« De toute façon, il faudra les arracher ».
Arracher quoi ?????
« Nous pourrions en garder quelques-uns uns au milieu du complexe commercial ».
un complexe commercial ? Est-ce une nouvelle maladie du commerce ?
Je découvris alors avec stupéfaction que mes pommes ne les intéressaient pas. Comment cela est-il possible ? Elles sont si épatantes et il y a tant de façon de les accommoder. Et puis, je sais que d’autres pommiers les font de couleurs et de saveurs différentes, et, qu’à nous tous, et par l’Esprit Inventif qui nous donne la sève, nous pourrions nourrir le monde sans que jamais il ne s’en lasse tant nous sommes à la fois les mêmes et si divers.
Non, ils n’aiment pas les pommiers, ni les pommes. Peut-être n’en ont-ils jamais mangé ? Peut-être sont-ils tombés sur une de ces pommes si acides que même le vinaigre n’en veut pas peuchère ! Peut-être en trouvent-ils le goût trop fade ? C’est qu’ils n’ont pas essayé une des miennes. Qui sait s’ils n’ont pas failli s’étouffer avec un petit morceau quand ils étaient enfants ? Et si la branche qui supportait la balançoire dans leur jardin il y a bien longtemps car ils ont l’air si vieux, n’avait pas supporté leur poids les rendant à la terre d’un grand crac d’agacement ? Et si … et si … et si … va savoir..
Me voilà bien triste. Et que faire ? Je ne suis qu’un pommier. Je vis pour donner des pommes.
Allez, assez d’épanchements. Je sais ce que je vais faire : je vais tendre mes racines encore plus loin dans cette terre qui me nourrit et que j’aime, je vais me fortifier, je vais embellir, je vais faire des pommes magnifiques et qui sait si un jour, repassant dans le coin, l’un de ces humains n’aura pas appris à aimer les pommes ou bien sera dans un jour de fantaisie où l’envie lui prendra d’essayer quelque chose de nouveau, ou bien il se sera lassé des fruits « exotiques » et des
« kumquats » (je ne sais toujours pas ce que c’est…si quelqu’un pouvait éclairer ma lanterne… ), ou bien sa vie trop compliquée lui aura donné envie de se reposer dans du « simple ». Va savoir …
En tous cas, ce dont je suis sûr, c’est que quelque part, un pommier lui est destiné, et quand il passera devant, il tendra la main pour en goûter son fruit. J’aimerais bien que ce soit moi, mais Celui qui nous plante, et nous nourrit, et prend soin de nous, connaît tous les vergers de la planète, chaque pommier planté en Lui et se dressant vers Lui et même ceux d’ailleurs s’il y en a. A propos de planète, je me suis laissé dire que les humains marchent même dans les airs pour aller, ailleurs, chercher leurs fruits « exotiques » : mais le pommier qui m’a raconté ça, c’est un provençal qui doit aimer les blagues. Quand même.. dans les airs … un pommier dans l’air, ça donne quoi ?
Mais Lui, Celui qui offre les pommiers aux humains, (vous voyez de qui je parle) Il l’a dit et Il le fera. Pauvres humains, qui avec leurs « bac + 10 » croient qu’ils sont seuls à diriger leur vie. Et entre nous, « le vieux », quand il arrive pour la récolte, il a bien plus de 10 bacs, lui. Alors, je vous le dis, je vous l’affirme, ces humains-là, bac+10 ou pas, un jour qu’ils seront dans un verger des îles, ou de la montagne où ils vont, paraît-il, se planter sur des bâtons pour glisser sur la neige (encore une galéjade du provençal…), ou peut-être tout simplement chez eux, Il leur dira… et ils entendront… et ils écouteront… Et ils se souviendront de ce pommier qui tout près d’ eux était si beau et avait l’air si joyeux comme planté au milieu de ses branches surchargées de pommes et ils auront envie, oui, ils auront envie, croyez-moi, non pas de manger une pomme mais de devenir pommier à leur tour. Et c’est ce qu’ils deviendront. N’y a t il rien de plus beau qu’un pommier ? Il n’y a rien de plus beau qu’un pommier... »
Sans jamais baisser les branches, oh, pardon, les bras, que ce temps de l’Avent soit temps de force et d’espérance, en Christ, pour chacun de vous.