COMMERCE Chauffailles : McDo, le géant mal aimé ?

Après Vitry-en-Charollais, le Charolais-Brionnais a son second McDo, à Chauffailles. La pilule reste difficile à avaler pour certains.
Charles-Édouard Bride - 30 mars 2015 à 05:00 | mis à jour le 30 mars 2015 à 10:51 - Temps de lecture :
 | 

Et un steak frites, un ! » 12 h 10, un samedi à Chauffailles. Le coup de feu pour Franck Chatelain, gérant et responsable du Bistrot du marché , restaurant situé en plein cœur des Portes du Brionnais sur la zone d’activités La Bruyère. Un peu plus d’une semaine avant l’ouverture officielle du McDonald’s, juste en face de son enseigne, le cuisinier garde la frite. « Je ne suis pas inquiet. Regardez-donc, le restaurant est encore plein comme un œuf aujourd’hui », sourit-il, en remettant le nez dans ses steaks qui cuisent. « Ma clientèle, ce sont des personnes âgées qui font leurs courses à l’ Intermarché le matin et qui mangent ici le midi, pour éviter de faire la cuisine chez elles. Je ne pense pas qu’elles iront au McDo », analyse-t-il, serein et impassible.

Une ouverture très attendue malgré tout

Et pourtant. L’arrivée du géant du fast-food américain dans la petite ville de Chauffailles, à peine 4 000 habitants, est attendue comme un événement. Depuis la route de La Clayette, d’énormes publicités attrapent l’œil des automobilistes au niveau de La Chapelle-sous-Dun, pour annoncer le jour J, à savoir mardi 31 mars. Une date fatidique que Ludovic Motte attend flegmatique. Le McDo ne fera pas d’ombre Au Soleil de l’Italie , la pizzeria qu’il a ouverte en centre-ville de Chauffailles depuis moins de deux ans.

« Ça durera deux ou trois mois maximum »

« Il va y avoir un effet nouveauté. Mais ça durera deux ou trois mois maximum. Après, ça va se calmer. J’ai déjà connu ça à Poitiers où j’ai travaillé avant », assure cet entrepreneur de 43 ans, originaire d’Amiens. Confiant, le quadragénaire est d’abord sûr de son produit. « Pizzas et hamburgers, ce ne sont pas les mêmes saveurs. Et ce n’est pas les mêmes tarifs non plus… Ma pizza la plus chère est à 9,50 € et elle est énorme. Au McDo, on ressort avec la faim à ce prix-là ! », plaisante-il, en sortant une pizza de ses fourneaux. En même pas deux ans, Laurent a d’ailleurs réussi à fidéliser 480 clients en tout. « J’ai en moyenne une quinzaine de clients par jour. C’est bien », confie-t-il. Quelques pas plus loin, toujours rue du 8-Mai-1945, Nadine Vacheresse, boulangère, a du mal à digérer l’arrivée du McDo.

« Si vous avez un gâteau pour dix personnes et que vous êtes vingt à manger dessus, ça va coincer ! Y’aura des perdants et ce sera forcément nous face à la force de McDo », peste-t-elle. Installée depuis quatre ans à Chauffailles avec son époux, après avoir travaillé dans l’Allier, elle a vu « la situation du petit commerce de proximité se dégrader à Chauffailles, comme ailleurs, qui paye le choix de politiques en faveur des grandes surfaces il y a plusieurs années ».

« À part des clients, ils ne nous prendront rien »

Et elle a une dent contre l’enseigne américaine. « Ils commandent tout à leurs centrales d’achat. Ils ne consommeront aucun produit chez nous. En clair, à part des clients, ils ne nous prendront rien. Et ce n’est pas les quelques emplois partiels et précaires que ça va créer qui vont nous amener des clients. Ce qu’il nous faut, ce sont des vraies entreprises qui s’installent ici durablement avec des emplois stables, des salaires corrects et des familles derrière qui auront du pouvoir d’achat. Des automobilistes de passage qui prennent le Drive et repartent ensuite sans venir voir Chauffailles, c’est inutile. Notre ville est depuis longtemps touchée de plein fouet par la crise économique. Mais bon, d’un autre côté, si vous connaissez des secteurs et des territoires qui sont épargnés par la crise, c’est que vous êtes mieux informés que moi ! », lance-t-elle. Déterminée, Nadine Vacheresse regrette surtout que, « tous les commerçants ne se soient pas plus mobilisés avant, contre cette ouverture du McDo. On a trop laissé faire les choses. Maintenant, c’est trop tard. Chauffailles meurt à petit feu et il ne faudra pas se plaindre, car tous les commerces seront touchés. Pas que les restaurants et les boulangeries ».

Des commerçants plutôt résolus

Pourtant, deux pas plus loin, au Modern’bar , vers la mairie, Ginette Mas, qui tient ce bistrot depuis 31 ans, n’a pas la dent dure contre Ronald. « Oh moi, je fais ce métier depuis tellement longtemps que des commerces, j’en ai vu ouvrir, j’en ai vu fermer, et je suis bin toujours là ! Le McDo, c’est pour les gamins qui mangent du steak. Moi, j’ai des petits pères qui boivent du blanc ! Alors pas de quoi devenir rouge de colère », glisse-t-elle avec humour.

« Il faut bien de la place pour tout le monde »

Sa belle-sœur, qui officie dans la boulangerie d’à côté, est aussi de service ce samedi, entre midi et 14 heures. Elle n’est pas plus effrayée que ça par le méchant clown jaune. « On n’a pas le choix. On ne peut pas aller contre le progrès. Il faut bien de la place pour tout le monde », résume-t-elle. Et effectivement, un peu plus loin, les deux kebabs du centre-ville, n’ont même pas jugé utiles d’ouvrir en ce samedi midi, pourtant propice pour voir venir de la clientèle. Des habitudes qui vont peut-être être amenées à changer dès mercredi 1er avril…

1

2