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Jean-Pierre Coffe, le pourfendeur de la malbouffe

Le chroniqueur gastronomique, célèbre pour son franc-parler et ses coups de gueule, est mort à l’âge de 78 ans, a annoncé mardi son employeur RTL.

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Publié le 30 mars 2016 à 03h00, modifié le 31 mars 2016 à 09h55

Temps de Lecture 5 min.

Jean-Pierre Coffe en septembre 2013 à Paris.

Pour la majorité des téléspectateurs, la vie professionnelle de Jean-Pierre Coffe, mort le 29 mars, à l’âge de 78 ans, dans sa maison de Lanneray, en Eure-et-Loir, commença à la télévision en 1984, sur Canal+, où il devait pousser de vigoureux et réguliers coups de gueule contre la « malbouffe ».

Son cri de guerre était né en 1992, sur le plateau de « La Grande Famille » : « C’est de la merde ! » avait-il alors hurlé, les yeux exorbités, en envoyant valser une saucisse de fabrication industrielle à l’autre bout du studio. A ceux qui n’avaient pas compris le message oral, il le renverra sous forme de brûlots écrits, publiant nombre de manifestes pour un retour à une alimentation saine, simple et raisonnée, dont Arrêtons de manger de la merde ! (Flammarion, 2013).

Mais l’homme au crâne ras, aux lunettes hublots à la Sacha Guitry, aux chemises et vestes aux couleurs souvent acidulées, longtemps taillées sur mesure par son ami Nino Cerrutti, avait eu d’autres nombreuses vies avant d’apparaître sur la chaîne cryptée.

« Plein de bonne volonté »

Né le 24 mars 1938 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle), Jean-Pierre Coffe perd son père en 1940, mort au combat. Sa mère, avec laquelle il entretiendra des relations tumultueuses et distendues, le confie à sa marraine, cuisinière, qui lui donnera le goût des bons produits et de la nature. Il entre en pension à Paris et fréquente le dimanche les salles de spectacles où l’emmène parfois sa mère.

Après ses études générales, Jean-Pierre Coffe passe le concours d’entrée au cours Simon, où il sera reçu, sans laisser, écrira-t-il dans son livre de souvenirs Une vie de Coffe (Stock, 2015), « un souvenir impérissable aux professeurs ». Il est engagé par une troupe itinérante pour un petit rôle dans Le Misanthrope, de Molière. Cette tournée lui permet, écrit-il, « de faire connaissance avec la France » et de la « flairer avec avidité ». Il persiste un peu dans le métier d’acteur, sans parvenir jamais à obtenir de rôles de premier plan ni à convaincre. Son service militaire, pendant la guerre d’Algérie — pupille de la nation, il est cantonné au fort de Saint-Cyr —, interrompt cette possible carrière.

Revenu à la vie civile, Jean-Pierre Coffe passe une petite annonce dans Le Figaro : « Ne sait rien faire, mais plein de bonne volonté. » Il est engagé par un papetier, directeur de la société Job, qui fabrique du papier à cigarette, et se spécialise dans le papier couché et l’édition. Il rejoint ensuite les éditions Robert Laffont, dont il devient agent commercial, assisté bientôt du fils du patron, Patrice Laffont, promis lui aussi à un avenir télévisuel.

Lire la chronique : Jean-Pierre Coffe, la provoc

« Le silence, l’éloignement, l’indifférence »

Jean-Pierre Coffe se marie avec une jeune veuve, mère d’une petite fille. Bientôt enceinte, elle avorte, au grand dépit de son époux. Il racontera longuement ce malheureux événement dans Une vie de Coffe, et l’on se souvient de l’avoir vu pleurer à la télévision, alors qu’il narrait ce souvenir. (Marié trois fois, Jean-Pierre Coffe révélera sur le tard sa bisexualité.)

Son métier de représentant l’emmène souvent loin de Paris, où son épouse, qu’il sent « sexuellement libre », l’accueille de plus en plus froidement : « Entre [nos] copulations, le silence, l’éloignement, l’indifférence », écrit Coffe.

Après un grave accident de voiture, qui l’immobilise deux ans, Jean-Pierre Coffe crée une agence de relations publiques, fonde l’association des Grands-Mères au pair, qui place, pendant l’été, des vieilles dames solitaires dans des familles. En faillite, Coffe vit « en autarcie » dans une petite maison de campagne qu’il a acquise dans un village de Seine-et-Marne, où il cultive ses légumes et élève un cheptel.

« Allusion égrillarde »

Déprimé, au bord du gouffre financier, Coffe suit le conseil de son ami le critique gastronomique Henri Gault, qui lui recommande d’ouvrir un restaurant fourni par les animaux et produits de sa ferme. Le touche-à-tout se forme au restaurant Lou Landès, même s’il trouve encore « saugrenu » ce métier qui va pourtant faire sa gloire, mais aussi sa misère : en février 1975, Jean-Pierre Coffe ouvrira Chez Ciboulette, qui changera trois fois d’adresse à Paris, puis Chez Modeste, rue de Miromesnil, fréquentés par le gratin du théâtre et du cinéma — ses deux premiers clients célèbres sont Michel Serrault et Jean Carmet, lequel deviendra son ami. Mais, chaque fois, il met la clé sous la porte, par incapacité à payer le coût rehaussé d’un pas-de-porte ou à la suite de l’escroquerie d’un associé.

Pour renflouer ses caisses, M. Coffe revient à ses amours théâtrales en devenant, en 1985, meneur de revue à l’Alcazar. De 1972 à 2003, il incarne quelques rôles pour le cinéma et la télévision et fait aussi de la publicité.

C’est dans son restaurant Chez Modeste qu’il rencontre Michel Denisot. Séduit par la faconde du restaurateur, l’homme de télévision lui fait passer des essais pour Canal+. M. Coffe glisse une « allusion égrillarde » qui réjouit le journaliste : l’affaire est conclue et M. Coffe fera ses débuts le jour du lancement de la chaîne, le 4 novembre 1984, dans la matinale animée par Denisot. Il restera lié à Canal+ pendant près de dix ans.

« Avec peu, il est possible de faire quelque chose »

En 1992, Jean-Pierre Coffe propose à la chaîne cryptée un projet d’émission éducative à l’adresse des jeunes, que le directeur des programmes, Alain De Greef, « moins ou plus cocaïné que d’habitude » (les vacheries indiscrètes et rancunières de Coffe étaient l’un de ses traits de caractère), refuse pour Canal+, mais dont il accepte que Coffe la présente sur France 3. Ce sera « Comment c’est fait ? » (1992-1993), couronnée de succès. De Greef fait mine de ne pas se souvenir de leur accord et lui « demande de cesser sa collaboration avec France 3 ». Coffe refuse, et c’est la rupture avec Canal+.

En 1994, l’animateur présente, cette fois sur France 2, « C’est tout Coffe » où, dans le rôle du candide, se présente un jeune acteur encore inconnu, Jonathan Lambert. Après un passage sur TF1, dans l’émission « Bien jardiner » (1999), produite par Jean-Luc Delarue, Coffe revient dans le service public : de 2003 à 2012, il est chroniqueur dans « Vivement dimanche prochain », sur France 2, animée par Michel Drucker.

A la radio, Jean-Pierre Coffe présente « Ça se bouffe pas, ça se mange », sur France Inter, de 1998 à 2008. « Mis à la retraite » par la station publique, il participe dès lors régulièrement aux « Grosses Têtes » (1990-2010, puis en 2014, quand son ami Laurent Ruquier en prend les commandes), sur RTL, et à « On va s’gêner » (2010-2011), sur Europe 1, également animée par M. Ruquier.

Cabotin, langue fourchue et grande gueule, victime du personnage public dont il avait grandement contribué à forcer la caricature, Jean-Pierre Coffe n’aura pourtant cessé de défendre une idée simple et valeureuse héritée de sa vieille marraine, qui avait connu la guerre et les privations : « Avec rien, évidemment, on ne peut rien faire ; mais avec peu, il est possible de faire quelque chose, et même quelque chose de pas mauvais du tout. »

Dates clés de la vie de Jean-Pierre Coffe

24 mars 1938 : naissance à Lunéville (Meurthe-et-Moselle)

1975 : ouverture de son premier restaurant, Chez Ciboulette, à Paris

1984 : débuts médiatiques sur Canal+

29 mars 2016 : mort à Lanneray (Eure-et-Loir)

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