Quelques heures après le jugement de la cour d’appel de Paris le condamnant à rembourser les quelque 405 millions d’euros perçus en 2008 à la suite d’un arbitrage privé afin de solder son contentieux avec le Crédit lyonnais, Bernard Tapie a reçu Le Monde, jeudi 3 décembre, dans le cabinet parisien de son avocat Emmanuel Gaillard pour un entretien exclusif.
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Vous attendiez-vous à cette décision ?
Franchement, non. Vraiment pas. Elle est tellement féroce qu’au-delà de la décision elle-même je me pose une question majeure : pourquoi tant de haine ? Parce que, vraiment, quand on lit le jugement, on sent que je leur ai inspiré de la haine, aux magistrats.
La justice vous réclame près de 405 millions d’euros… Mais combien avez-vous touché concrètement, après l’arbitrage de 2008 qui vous avait été favorable ?
Le groupe Bernard Tapie (GBT) a perçu exactement 245 millions. Moi, personnellement, 45 millions, j’en ai donné la moitié à ma femme, j’en ai donc gardé la moitié, c’est-à-dire 22 millions. Et sur cette moitié, j’ai mis 20 millions dans le compte courant de La Provence.
Vous voulez dire qu’il ne vous reste pas grand-chose des 405 millions ?
Mais je n’ai pas touché ces 405 millions d’euros. Sinon, à la limite, il n’y aurait pas de problème ! Sans compter qu’ils me comptent les intérêts, plus le coût de l’arbitrage. C’est ahurissant, la justice me demande de rembourser des sommes astronomiques que je n’ai même pas touchées !
Dans ce cas, vous ne pouvez pas payer ?
Non. Donc ils vont me mettre en liquidation personnelle et vendre tout ce que j’ai, y compris ma maison, que j’ai achetée il y a vingt-huit ans.
Du coup, La Provence est-elle menacée ?
Non, parce que la seule précaution que j’ai prise, c’est à l’égard de La Provence justement. J’ai fait entrer un investisseur institutionnel dans le capital, l’équivalent de la Caisse des dépôts en Belgique. Donc, La Provence n’a pas à s’inquiéter, car tout a été prévu pour qu’elle n’ait pas de souci.
Donc, La Provence n’est pas en danger, mais vous, à titre personnel…
Ah, mais moi, je suis ruiné. Ruiné de chez ruiné. Plus rien. Tout va y passer. Tout.
Comment en est-on arrivé là ?
C’est une succession d’événements qui résultent d’un montage et d’une organisation. Que s’est-il passé en réalité ? On ouvre une information pénale grâce à laquelle on met en examen des gens et dans laquelle la brigade financière fait un rapport intermédiaire qui est, je le dis, un tissu de mensonges… Et la cour d’appel va se servir de ce tissu de mensonges pour dire : l’arbitrage est frauduleux. Et rendre in fine une décision inique.
Vous semblez vraiment K.-O…
Oui, je suis K.-O., je suis très malheureux. […] Mais je me connais, cet état d’abattement ne va pas durer longtemps. J’ai dit tout à l’heure à mon fils : « Je n’ai pas dormi depuis une semaine tellement j’attendais cette décision. Maintenant, on la connaît, très bien : ils veulent la guerre, ils vont l’avoir. »
Qu’attendez-vous de l’Etat ?
C’est à eux, et à eux seuls, que revient la capacité, par l’intermédiaire du CDR [Consortium de réalisation], de corriger la décision invraisemblable des juges. Parce que, si j’avais face à moi une banque normale, ce serait différent, sauf que là, c’est l’Etat, donc M. Macron. C’est M. Macron qui est en face. Si le gouvernement dit « je m’en lave les mains », c’est qu’il est derrière la décision.
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