Sélection officielle – hors compétition – film de clôture
Projeté à la presse samedi 23 mai à 11 h 30, le film de clôture du Festival de Cannes nous fait prendre congé avant même d’être parti, dans l’attente du palmarès qui tombera dimanche soir. Ouverte sur une note sociale avec La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, cette soixante-huitième édition se termine sur un pied écologique et responsable avec La Glace et le ciel, le nouveau documentaire de Luc Jacquet, réalisateur oscarisé en 2006 pour La Marche de l’empereur.
C’est de nouveau en Antarctique (où il avait alors tourné ce dernier film consacré au cycle de reproduction des manchots) que La Glace et le ciel l’a entraîné, et de nouveau sur les traces d’un oiseau qui n'en est pas un : le glaciologue Claude Lorius. Cet homme extraordinaire, médaillé d’or du CNRS et aujourd'hui âgé de 83 ans, fait partie des découvreurs de la datation des climats grâce aux bulles d’air contenues dans la glace. Par voie de conséquence, il est l’un des premiers à avoir fait le lien entre le réchauffement climatique et la production de gaz à effet de serre, pointant la responsabilité de l’homme, depuis cent ans, dans la mutation rapide des grands cycles climatiques de notre planète.
Un Cousteau des glaces
Soit le moment où l’anthropocène (cette ère qui voit les productions humaines influencer son écosystème) bascule dans un possible cauchemar. Le film de Luc Jacquet relate l’itinéraire de ce découvreur, ce Cousteau des glaces parti dès 1957 découvrir le continent antarctique dans des conditions de travail rendues extrêmement pénibles par le climat (jusqu'à - 90 °C dans certaines zones extrêmes et des vents de plus de 200 kilomètres heure). Vingt expéditions de ce type forgeront la réputation méritée de cet aventureux scientifique, mû par la formidable passion de comprendre notre rapport à la planète où nous vivons.
De magnifiques archives des expéditions, aux couleurs aujourd’hui perdues pour le cinéma, films en l’occurrence retravaillés et pour partie sonorisés, permettent au réalisateur d’évoquer cet itinéraire de manière très vivante. Il est d'autant plus rageant de constater que cette très belle facture de l’image est aplatie, façon tapis de bombe, par une musique et un commentaire particulièrement emphatiques.
Brouet dramaturgique
On voit bien l’enjeu du procédé pour l’écologue passé cinéaste qu’est Luc Jacquet : le brouet dramaturgique digne des documentaires d’aventure de Disney est censé valoriser l’or d’une histoire scientifique dont on suppose qu’elle intéresserait moins le chaland présentée dans des atours plus réalistes. Ce faisant, le film perd pourtant en crédibilité et en valeur artistique ce qu’il gagne, sans doute, en impact immédiat. Quelle magnifique histoire à tisser pourtant, façon Proust, autour de cette recherche sur le temps qu’il fait autant que sur le temps qui passe !
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