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Calais : trois mois de prison ferme pour un manifestant

Un homme arrêté avec deux bombes lacrymogènes lors de la manifestation interdite à Calais a été condamné. L’ancien patron de la Légion étrangère, le général Piquemal, ne sera, lui, jugé que le 12 mai.

Par  ((Boulogne-sur-Mer, envoyée spéciale))

Publié le 08 février 2016 à 13h41, modifié le 08 février 2016 à 20h06

Temps de Lecture 5 min.

Christian Piquemal, samedi 6 février.

Le vent, qui soufflait en rafale, lundi 8 février dans l’après-midi à Boulogne-sur-Mer, ne s’est pas arrêté aux portes du palais de justice. A l’annonce du verdict, des cris de « honte à la justice » sont même montés des travées de la salle d’audience, avant de se transformer en huée. Déjà, au moment du réquisitoire du procureur, Jean-Pierre Valensi, contre le premier accusé, la salle avait crié sa colère au point qu’un homme a dû en être expulsé.

Sur le banc des accusés, ils étaient quatre. Quatre hommes arrêtés samedi 6 février à Calais pour port d’arme, lors de la manifestation interdite du mouvement islamophobe Pegida, qui a été marquée par des échauffourées entre forces de l’ordre et manifestants. Bien qu’aucune d’elles ne soit membre d’un groupuscule d’extrême droite, ces quatre personnes étaient soupçonnées d’avoir quelque sympathie pour les « antimigrants ».

A la sortie du tribunal, l’un d’eux, Arnaud P., a crié son écœurement : « J’ai honte de cette justice. C’est à un jugement politique que vous venez d’assister », a-t-il lancé après avoir été condamné à trois mois de prison ferme et à une interdiction de port d’arme pour les cinq ans à venir. Même s’il ne portait que deux bombes lacrymogènes dans son sac à dos, ce jour-là, le passé de l’homme, déjà lourdement condamné, lui a porté préjudice.

Deux des trois autres prévenus ont été condamnés à deux mois (l’un avec sursis) et à une interdiction de port d’arme. Le dernier, le plus jeune, sera jugé au mois d’avril, la procédure de comparution immédiate n’ayant pas été correctement menée.

Les gens étaient là pour le général Piquemal

Mais ces quatre personnes n’auraient pas dû être les « vedettes » du jour. La salle s’était majoritairement déplacée pour un cinquième prévenu : lundi midi déjà, devant le palais de justice, drapeaux déployés et discours véhéments étaient prêts pour la venue du général Christian Piquemal, également arrêté samedi.

Ils étaient quelques dizaines, donc, à attendre l’arrivée de celui qui a commandé la Légion étrangère des années durant et qui, aujourd’hui, préside le Cercle des citoyens patriotes. Ses plus proches avaient même rêvé une belle tribune politique.

Le secrétaire général du Cercle des citoyens patriotes, Jean-Claude Houlné, pariait avant l’audience que le général charismatique entonnerait une Marseillaise sous les moulures du palais de justice. Mais le général n’est pas venu. Désigné comme ayant eu « le rôle principal » dans cette manifestation interdite, poursuivi pour « participation à un attroupement qui ne s’est pas dissous après sommation », il n’a pu être présenté au juge, comme annoncé.

A l’issue de sa garde à vue d’une quarantaine d’heures, l’homme, âgé de 75 ans, a été hospitalisé pour un malaise, et sa comparution a été reportée au 12 mai – il est toutefois sorti de l’hôpital lundi en milieu d’après-midi.

Cette nouvelle, annoncée par un de ses trois avocats, maître Denis Tailly-Eschenlohr, a conforté les dizaines de soutiens dans leur analyse. Depuis samedi, ils étaient nombreux sur les réseaux sociaux à s’émouvoir que cet homme « bardé de médailles », « qui a donné sa vie à la patrie », ait pu être arrêté ainsi.

« Soutenir les petits gars »

Maître Tailly Eschenlohr déplorait, lundi 8 février à midi, n’avoir pas pu rencontrer son client, ni même accéder à son dossier lundi matin. « Selon moi, le gouvernement a fait une énorme bêtise en arrêtant cet homme. A Rennes, on a laissé des extrémistes faire flamber la moitié de la ville sans en arrêter aucun », s’offusquait-il.

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« Voilà le sort que l’on réserve aux gens qui aiment leur patrie », a-t-il ajouté de sa voix de stentor, avant d’entonner une Marseillaise sur le perron du Palais de justice, et de demander la dispersion du rassemblement.

C’était mal connaître la petite foule. Venus de Calais souvent, mais aussi de tout le littoral, ou de plus loin, une soixantaine de sympathisants, dont beaucoup de personnes arborant des décorations militaires et des bérets rouges, sont restés « pour soutenir les petits gars », comme l’annonçait un des proches du général.

Cutter, bombes lacrymogènes, poing américain et taser

Agés de 19 ans pour Florian, le plus jeune, la quarantaine pour Arnaud, le plus âgé, les quatre autres prévenus faisaient un peu pâle figure sur le banc des accusés. Cheveux très courts, vêtus de noir ou de foncé, impassibles en face des policiers qui les surveillaient, ils n’avaient pas tout à fait les médailles et les faits d’armes de leurs soutiens.

Les quatre prévenus avaient été déférés à l’issue de leur garde à vue, l’un pour port de cutter, un autre pour possession de deux bombes lacrymogènes, un troisième pour détention d’un un poing américain et le dernier pour port d’un taser à la ceinture.

Tous se trouvaient aussi, samedi, dans les environs de la manifestation interdite de Pegida, à Calais. Ils ont été contrôlés et arrêtés sans qu’il soit possible de prouver qu’ils se rendaient à la manifestation interdite.

Florian L., 19 ans, jamais condamné au préalable, vit chez sa mère. Il a déclaré avoir besoin de son cutter « pour la formation professionnelle de soudeur qu’il suit » et aurait omis de l’enlever de la poche intérieure de son blouson durant le week-end. Le procureur a requis contre lui deux mois avec sursis, une interdiction de port d’arme pendant cinq ans et une amende de 300 euros – soit un mois de revenu de ce jeune homme. Il sera jugé en avril, la procédure de la comparution immédiate n’ayant pas été correctement menée.

« Pas un tribunal politique »

Romain D., qui lui non plus n’a pas de casier judiciaire, a reconnu avoir acheté un poing américain il y a trois ans. Son avocate, maître Frédérique Jacquart, a tenu à rappeler que « Romain D. était inséré, titulaire d’un CDI, père d’une petite fille ». Les éléments de personnalité ont par ailleurs montré qu’il n’« appartenait à aucun mouvement extrémiste ». Le procureur a requis contre lui deux mois avec sursis, une interdiction de port d’arme pendant cinq ans, ainsi qu’une amende de 300 euros.

Maître Jacquart a estimé que le ministère public souhaitait faire un exemple avec ces comparutions du jour. La présidente du tribunal, Emmanuelle Wattraint, a déclaré qu’il ne s’agissait pas « d’un tribunal politique » au moment où l’un des prévenus, Arnaud P., a commencé à se lancer dans une diatribe sur le « système » et sur « une justice aveugle ».

Au final, le jugement a été légèrement plus clément. Ainsi, le troisième prévenu, Cédric C., 34 ans, poursuivi pour détention d’un taser, a été condamné à deux mois ferme et à cinq ans d’interdiction de détention d’arme. Le procureur avait requis un mois de plus et une amende.

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