André Charles Boulle (1642-1732), ébéniste du roi

par Catherine Auguste
ancienne élève des Beaux-Arts de Paris
designe et décore des cabinets de curiosités


André Charles Boulle (1642-1732) et ses fils Médaillier de Jules-Robert de Cotte, Vers 1723. Marqueterie première partie de laiton sur fond d’écaille de tortue. Placage d’amarante, d’ébène, de bois de violette. Bronze doré. Bâti de chêne et de sapin. Dessus de marbre d’Antin Haut. 78,5 cm, Larg. 131,5 cm, Prof. 71 cm Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage
pour l'exposition André Charles Boulle (1642-1732) : Un nouveau style pour l’Europe, 30 octobre 2009-31 janvier 2010, Museum für Angewandte Kunst Frankfurt, Schaumainkai 17, 60594 Frankfurt, Deutschland/Allemagne www.angewandtekunst-frankfurt.de

Suite à l'exposition André Charles Boulle (1642-1732) : Un nouveau style pour l'Europe au musée des arts décoratifs de Francfort (octobre 2009-janvier 2010), nous vous proposons un bref aperçu de la vie et des techniques de marqueterie mise au point par l'ébéniste du roi.

Pour en savoir plus sur l'exposition, trois dossiers à télécharger :
dossier exposition
dossier de presse
dossier images de l'exposition

 

Sa vie

 

10 novembre 1642
naissance à Paris d’André Charles Boulle. Son père, d’origine allemande, s’était installé à Paris comme compagnon menuisier en ébène avant 1637 sur la montagne Sainte-Geneviève. André Charles reçoit probablement sa formation dans l’atelier paternel.

vers 1666
Il est mentionné « maître menuiser en ébène » pour la première fois. Son habileté se manifeste surtout dans la marqueterie de bois de rapport, technique qui lui permet de réaliser de véritables tableaux floraux.
Boulle intègre la Manufacture des Gobelins, dirigée par Charles le Brun, en qualité de décorateur et sculpteur sur bois.


André Charles Boulle (1642-1732) Médaillier de Max Emanuel de Bavière Vers 1694-1695 Marqueterie de bois de rapport, ébène, amarante, érable, noyer, frêne, acajou, palissandre, padouk, étain, laiton et écaille de tortue. Bronze ciselé et doré Haut. 76 cm, Larg. 102,5 cm, Prof. 52,5 cm Munich, Staatliche Münzsammlung
pour l'exposition André Charles Boulle (1642-1732) : Un nouveau style pour l’Europe, 30 octobre 2009-31 janvier 2010, Museum für Angewandte Kunst Frankfurt, Schaumainkai 17, 60594 Frankfurt, Deutschland/Allemagne www.angewandtekunst-frankfurt.de

1672
Colbert, ministre de Louis XIV, lui passe une première commande : l’estrade de la chambre de la reine Marie-Thérèse à Versailles.

mai 1672
La reine lui accorde la jouissance d’un atelier au Louvre sous l’actuelle Grande Galerie. Par ce privilège, il devient commensal du roi et se trouve alors libéré du cloisonnement des règlements corporatifs. Cette exemption permet à Boulle de travailler le bronze ciselé et doré tant pour son mobilier que pour des œuvres exclusivement en bronze (lustres). Malgré l’atelier du Louvre, il garde une partie de son activité dans son atelier de la rive gauche.

1673-1676
Son activité s’accroît très vite, il doit louer d’autres locaux. Il s’initie à la marqueterie de métal et commence à utiliser l’écaille.

1677
Il épouse Anne-Marie Leroux avec laquelle il aura sept enfants dont quatre garçons qui travailleront dans son atelier.
Colbert lui accorde un espace important de trois étages dans le corps principal du Louvre en plus de son logement agrandi également. Durant ces années sa célébrité repose essentiellement sur les tableaux floraux de marqueterie.

Années 1680
Il complexifie ses créations en juxtaposant les techniques sur un même meuble : la marqueterie de métaux (étain, cuivre rouge et laiton) sur fond d’écaille de tortue, tableaux floraux en marqueterie de bois de rapport et figurines de bronze doré aux angles des piétements. Ses œuvres sont réalisées avec perfection. Dans ces années il réalise le cabinet des Miroirs de Versailles pour le Grand Dauphin.
André Charles Boulle se trouve alors au premier sommet artistique de sa carrière.
En 1685, il se dote de sa propre fonderie alors que jusque-là il utilisait les services de fondeurs externes. Parallèlement à son travail de dessinateur et d’ébéniste, Boulle est auteur d’une œuvre en bronze importante (luminaires, chenets, pendules). L’application de bronze doré en forme de mascarons, de feuillages ou de griffes présent sur son mobilier comme sur ses cartels a deux fonctions : une fonction de protection de certaines parties sensibles (arêtes, pieds…) et une fonction esthétique et de décor. C’est une des innovations majeures de Boulle.


Détail - André Charles Boulle (1642-1732) et ses fils ; Paire de baromètre et thermomètre du comte de Toulouse. Vers 1720 Marqueterie de cuivre sur fond d’écaille de tortue. Bronze doré Haut. 151 cm Paris, Banque de France
pour l'exposition André Charles Boulle (1642-1732) : Un nouveau style pour l’Europe, 30 octobre 2009-31 janvier 2010, Museum für Angewandte Kunst Frankfurt, Schaumainkai 17, 60594 Frankfurt, Deutschland/Allemagne www.angewandtekunst-frankfurt.de

Fin 1690-début 1700
Après le traitement des surfaces qu’il a poussé au plus grand raffinement avec les techniques de marqueterie, Boulle s’intéresse à renouveler les formes du mobilier : il introduit dans son dessin des formes courbes détachées de la structure. Les tables pour la duchesse de Bourgogne destinées à l’aménagement de la Ménagerie de Versailles (1701) dévoilent sa nouvelle conception spatiale baroque. Il invente de nouveaux meubles : la commode ou la table sans traverses. Sa commande la plus prestigieuse : la paire de commodes pour la chambre du roi Louis XIV à Trianon ainsi que les grands bureaux plats sans traverse résument toute l’originalité de Boulle : abondance des bronzes, marqueterie d’écaille et de cuivre.

1715
Louis XIV meurt. André Charles Boulle, âgé de 72 ans, passe un acte pour « délaissement de ses biens » en faveur de ses quatre fils qui travaillaient depuis toujours avec lui. Pour connaître l’importance de son atelier, les archives de cette année nous apprennent que 100 meubles et objets de bronze étaient simultanément en construction dans son atelier qui pouvait compter une trentaine d’ouvriers.


André Charles Boulle (1642-1732) Planche 3 des Nouveaux Deisseins Vers 1720-1730 Sanguine Haut. 22,6 cm, Larg. 30,3 cm Paris, musée des Arts décoratifs
pour l'exposition André Charles Boulle (1642-1732) : Un nouveau style pour l’Europe, 30 octobre 2009-31 janvier 2010, Museum für Angewandte Kunst Frankfurt, Schaumainkai 17, 60594 Frankfurt, Deutschland/Allemagne www.angewandtekunst-frankfurt.de

Années 1720
Son atelier du Louvre subit un incendie où une grande partie des meubles ainsi que sa collection d’œuvres d’art disparaissent. Les archives relatives à cet événement nous révèlent que contrairement à la plupart des ébénistes de son temps, Boulle eut les moyens financiers de maintenir un stock de bois important ; les pertes sont évaluées de la façon suivante : « tous les bois, de sapin, de chesne, de noyer, de panneau ou mairin, bois de Norvège, amassés et conservés depuis longtemps pour la bonté et qualité des ouvrages » estimés 12000 livres.
Le délaissement de l’activité en faveur de ses fils n’empêche pas Boulle de poursuivre son influence sur les créations de l’atelier. Il crée ainsi deux médailliers pour le directeur des Monnaies et des Médailles où les bronzes dorés proposent tout un vocabulaire renouvelé (têtes d’Egyptiennes, cartouches frontaux et latéraux.).

29 février 1732
Mort de André Charles Boulle après une carrière de 66 années au service de deux souverains.
Sa clientèle a dépassé le cadre de la famille royale et l’on compte parmi elle notamment le Grand Condé, le roi d'Espagne, les électeurs de Bavière et de Cologne, les ducs de Lorraine et de Savoie, l'Électeur de Bavière.

 

Les techniques de l'atelier de André Charles Boulle, la marqueterie de métaux et d'écaille

 


André Charles Boulle (1642-1732) et ses fils Médaillier de Jules-Robert de Cotte, Vers 1723
Marqueterie première partie de laiton sur fond d’écaille de tortue. Placage d’amarante, d’ébène, de bois de violette. Bronze doré. Bâti de chêne et de sapin. Dessus de marbre d’Antin
Haut. 78,5 cm, Larg. 131,5 cm, Prof. 71 cm
Saint-Pétersbourg, musée d’État de l’Ermitage
pour l'exposition André Charles Boulle (1642-1732) : Un nouveau style pour l’Europe, 30 octobre 2009-31 janvier 2010, Museum für Angewandte Kunst Frankfurt, Schaumainkai 17, 60594 Frankfurt, Deutschland/Allemagne www.angewandtekunst-frankfurt.de

Le programme du Projet Boulle initié par Jean Nérée Ronfort, commissaire de l’exposition André Charles Boulle au musée des Arts Décoratifs de Francfort, a permis de déterminer les techniques mises au point par l’ébéniste du roi à partir de prélèvements exécutés sur quelques meubles reconnus de Boulle. Bien évidemment la marqueterie existait avant lui, on la voit dans les studioli du Quattrocento en Italie, et l’emploi de l’écaille de tortue remonte, quant à elle, à l’Antiquité, cependant André Charles Boulle est sans doute le premier à juxtaposer ces techniques pourtant très différentes sur une seule pièce et dans le plus grand raffinement. Que nous dévoilent les dernières recherches scientifiques ? :

-         La marqueterie Boulle réside dans le principe d’une découpe simultanée d’un motif dans des plaques superposées (bois, étain, laiton…). Il en résulte deux décors identiques mais inversés : le décor en partie, où le décor clair se détache sur un fond sombre et le décor inverse dit en contre-partie ; ce principe conduit à la réalisation de mobilier par paire d’un même motif mais inversé un peu comme un négatif et un positif ; les couches se juxtaposent ainsi :

-         L’application d’un enduit foncé à base de colle animale sur le bâti du meuble puis collage d’un papier blanc ; souvent ce papier a disparu ce laissant alors voir les veines du bois par transparence de l’écaille,

-         Application d’un enduit composé d’une colle chargée de pigments noirs avec parfois un peu de pigments rouges ; ces pigments étaient bleus quand Boulle utilisait de la corne colorée au lieu de l’écaille,

-         Parfois pose de feuillets très fins de laiton ou de poudre de laiton, appelé Or d’Allemagne, sur l’enduit avant la pose de l’écaille,

-         L’étain utilisé en France provenait de la Cornouailles, les impuretés décelées sur le mobilier de Boulle révèlent cette provenance ; quand au laiton, alliage de zinc et de cuivre, il était majoritairement importé d’Angleterre ou de Hollande. Boulle faisait subir des traitements de surface aux métaux par exemple, pour renforcer la blancheur de l’étain et en faire un substitut de l’argent, il employait une mixture à base de sels de mercure,

-         Les surfaces des métaux et de l’écaille étaient regravées pour rendre le détail des motifs ; un enduit noir emplissait le trait incisé dans le laiton ou l’étain, un enduit de poudre d’or dans l’écaille.

 

A lire

 


André Charles Boulle (1642-1732) : Un nouveau style pour l'Europe
Jean Nérée Ronfort, Somogy éditions d'art, 2009, 467 pages
Au XVIIe siècle, apogée du rayonnement de la France, André Charles Boulle donne naissance à une esthétique nouvelle qui combine un raffinement et une virtuosité d'exécution absolument uniques au monde. Le Roi-Soleil lui décerne le titre d'" Ébéniste Ciseleur et Marqueteur du Roi ", ses créations, chefs-d'oeuvre intemporels, devenant aussitôt des objets de convoitise pour les têtes couronnées, princes et riches collectionneurs de l'Europe entière. L'emploi du bronze doré, qu'il fut le premier à allier à une marqueterie particulièrement originale - florale, d'écaille, de laiton s'accompagne des matériaux les plus variés ; écaille de tortue, ébène, cuivre rouge, étain, bois précieux colorés. Fruit de huit années de recherches et de travaux préparatoires par une équipe internationale dirigée par Jean Nérée Ronfort, cet ouvrage somptueusement illustré honore le génie artistique du plus célèbre ébéniste de tous les temps.


L'Estampille/L'Objet d'Art n° 452 Page : 38-49
Le musée des Arts décoratifs de Francfort accueille la première exposition monographique consacrée à André Charles Boulle (1642-1732). Les deux commissaires de l’exposition, Jean Nérée Ronfort et Jean-Dominique Augarde, ont relevé l’ambitieux défi de rassembler en un lieu unique des œuvres qui comptent parmi les plus importantes et les plus représentatives conçues par l’illustre ébéniste de Louis XIV. Grâce aux prêts généreux de vingt-neuf prestigieux musées européens et de nombreux collectionneurs privés, plus de 120 meubles, bronzes, pièces d’orfèvrerie, dessins ou encore gravures forment un panorama entièrement nouveau.
Entretien avec le commissaire général de l’exposition, Jean Nérée Ronfort. Propos recueillis par Benoît Delcourte.
+ André Charles Boulle en quelques dates
+ encart sur la technique de la marqueterie Boulle à la lumière des analyses scientifiques
+ parcours de l'exposition
par Benoit Delcourte - Jean Nérée Ronfort

une biographie de André Charles Boulle par Charles Asselineau datant de 1872
à lire sur le net 

 

 

   

 

 


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