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Raphaël Personnaz: "Ce film est un voyage"

Raphaël Personnaz dans "Dans les forêts de Sibérie".
Raphaël Personnaz dans "Dans les forêts de Sibérie". © Paname Distributions
Propos recueillis par Kahina Sekkai , Mis à jour le

Raphaël Personnaz est à l’affiche du film «Dans les forêts de Sibérie», librement adapté d’une œuvre de Sylvain Tesson par Safy Nebbou. Il nous a raconté les trois mois de tournage au bord du Baïkal et les coulisses de ce très beau film.

Paris Match. Comment êtes-vous arrivé sur le projet?
Raphaël Personnaz. Safy Nebbou m’a proposé le rôle, trois semaines, un mois avant de partir. Ce qui n’est pas plus mal, je n’ai pas eu trop le temps de réfléchir à comment ça allait se passer, quelles étaient les conditions climatiques. Il venait de voir «L’affaire SK1», m’a envoyé le scénario à 23 heures, je l’ai lu à 23h30 et le lendemain, on se tapait dans la main et on y allait. Ça s’est fait assez facilement.
Mais j’avais lu le bouquin cinq ans avant et j’avais adoré: pour ses qualités littéraires, parce que Tesson a le sens de la formule, pour capter l’air du temps. J’avais aimé, comme plein d’autres lecteurs, cette possibilité de dire: «Un jour, je peux fuir, aller ailleurs et ne nuire à rien», j’adore ça. J’avais très peur d’être déçu par l’adaptation mais j’ai été surpris car ce n’était pas du tout comme le livre. C’est le même point de départ: un type qui est fatigué, comme ça peut nous arriver à tous, et qui décide de partir loin. 

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Quelle est la préparation à trois mois de tournage en Sibérie?
On ne se prépare pas. On va chez des gens qui sont habilités à ça, qui vous conseillent. On prend des vêtements chauds mais tout ce qu’on peut imaginer à Paris est loin de ce qu’on va voir. Certes il fait froid, mais surtout le gigantisme de l’endroit... Vous avez 800 kilomètres, c’est Paris-Marseille, gelé, avec 50.000 personnes autour. Ça plante un peu le décor. Vous avez cet espace de liberté, de glace énorme.
C’est d’abord une sensation un peu étrange. Vous êtes confrontés à vous tout seul, face à des acteurs qui n’en sont pas, mais qui sont d’une implication totale, qui s’amusent comme des enfants. Si j’en avais fait un rôle de composition, ça aurait été ridicule. Il fallait lâcher prise et ne pas trafiquer, être le plus possible en accord avec moi-même et être en découverte comme le personnage, avoir une frontière assez tenue entre le personnage et soi-même. Je me suis remis à la lecture comme jamais là-bas. Déconnecté de tout, ça angoisse à mort. Fini Facebook, tout ça. Ça angoisse une demi-journée et après on s’en tape. C’est le bonheur. 

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"Tous ces trucs, ces méthodes, ces défis d’acteurs, on les oublie"

Raphaël Personnaz dans "Dans les forêts de Sibérie".
Raphaël Personnaz dans "Dans les forêts de Sibérie". © Paname Distribution

Vous êtes souvent seul face à la caméra. Etait-ce un défi pour vous?
Je me suis dit que si je le voyais comme un défi, ça ne pouvait pas marcher. Et Safy Nebbou, qui est un directeur d’acteurs génial, ne m’a jamais laissé cette possibilité. A chaque fois que je trafiquais, que je faisais un «défi d’acteur», il me cassait. Tous ces trucs, ces méthodes, ces défis d’acteurs qui rendraient bien au retour, on les oublie. On oublie la caméra aussi. Ce qui est assez dingue, c’est que toute l’équipe partage l’expérience : ils ne sont pas vraiment habitués au Baïkal, et du coup tout ce que je faisais, ils le faisaient. Tout ça était assez collectif même si j’étais seul à l’écran. 

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Mais vous partagez une scène avec un ours…
Il est sympa mon ours. Il était mignon. Enfin je ne l’approchais pas trop entre les prises, ça fait quand même un peu peur. Quelle journée bizarre c’était.
C’est un partenaire un peu chiant. Il va où il veut, il faut s’adapter à lui. Je devais être dans l’eau, nu au moment où il est là. Il fallait se mettre dans l’eau du Baïkal qui n’est pas chaude, même si elle est moins froide que l’extérieur (-20° contre 3°).
Quand vous avez un ours en face, vous n’allez pas composer, s’il bouge un petit peu, vous avez peur. On a tout le temps peur de ces petites bestioles là. Ce n’est pas l’ours de «The Revenant». Nous, il est très gentil et il est vrai, il n’est pas en images de synthèse. 

"Maalouf a tout de suite lu le scénario, a adoré l’idée"

"Dans les forêts de Sibérie".
"Dans les forêts de Sibérie". © Paname Distribution

Les images du film, montrant la nature en Sibérie, sont superbes.
On a eu un chef opérateur absolument fantastique, Gilles Porte, qui est réalisateur [«Quand la mer monte», César du Premier film en 2004]. C’est un type qui ne va pas tomber dans l’esthétisant, qui est capable de voir l’important dans le film, l’histoire, les personnages, sans tomber dans le contemplatif. Il a été en permanence au service du film. 

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La musique originale a été réalisée par le trompettiste Ibrahim Maalouf. Comment cela s’est-il passé?
Safy, avant de partir en Sibérie, m’a demandé si je jouais d’un instrument. Je lui ai dit oui, la trompette. Il me dit de la ramener. On fait deux, trois scènes d’impro sur la glace. Impossible de jouer, les pistons gèlent, c’était l’enfer. Sur le Baïkal, j’écoutais souvent de la musique, dont un morceau de Maalouf. Et sur le retour du tournage, à l’aéroport d’Irkoutsk, je l’ai fait écouter à Safy.
En revenant à Paris, il l’appelle. Ils se voient le surlendemain. Entre temps, Maalouf a tout de suite lu le scénario, a adoré l’idée. Safy lui a montré des images du film sur son iPhone. Et il a dit ok. Tout au long du tournage, il y a eu des choses improvisées comme ça.
Maalouf composait un petit peu en improvisant devant les images et Safy validait. Ça faisait marrer Safy de se dire que lui, à moitié algérien, et Maalouf, libanais, qui a priori feraient une musique de désert ensoleillé, faisaient une musique de désert glacé. Tout s’est un peu mélangé et ça fait une belle harmonie. Et la trompette avec la glace, ça va bien ensemble.

"La possibilité de fuir existe, il faut en prendre une bonne bouffée pour supporter le reste"

Raphaël Personnaz et Evgueni Sidikhine dans "Dans les forêts de Sibérie".
Raphaël Personnaz et Evgueni Sidikhine dans "Dans les forêts de Sibérie". © Paname Distribution

Qu’a pensé Sylvain Tesson du film?
Il a dit que la rencontre avec le Russe, il aurait aimé la faire. Le personnage est un peu tiré d’une de ses nouvelles.
Il dit qu’il y a retrouvé l’esprit. Il est allé dans la cabane après le tournage, il y est resté trois semaines, tout seul, il a attendu qu’on ait fini pour venir s’imprégner des lieux. Il y a retrouvé la même chose, l’ouverture.
Il ne réalise pas parfois à quel point les gens se retrouvent dans son parcours de vie. Ce film, c’est un peu une preuve de ça. On essaie de coller à sa pensée. 

D’autant qu’il n’y a pas de leçon de morale.
Ce n’est pas de dire que le monde de la ville, c’est horrible. C’est dire que la possibilité de fuir existe aussi et qu’il faut en prendre une bonne bouffée pour supporter le reste. Le personnage va enfin peut-être avoir une vraie vie, prendre sa vie en main.
Le film n’est pas moralisateur. Je pense que c’est un film à la narration simple, pas de leçon. Il faut le prendre pour ce qu’il est, un voyage.

"Il y a ce besoin de partir en chacun de nous"

Raphaël Personnaz dans "Dans les forêts de Sibérie".
Raphaël Personnaz dans "Dans les forêts de Sibérie". © Paname Distribution

Pourriez-vous, comme Teddy dans le film, tout plaquer et partir à l’autre bout du monde?
Ça dépend de combien de temps. Si c’est pour un mois ou deux, bien sûr. Une vie entière, là ça me paraît un peu plus compliqué. Je ne pense pas que je serais capable.
Un jour peut-être, tout le monde se le dit.
Ce dont parlent le livre et le film participe à un mouvement qui existe aujourd’hui, de gens qui, sans refuser ce monde, se disent que ce n’est pas pour eux, et ce n’est pas plus grave que ça. Il existe une autre voie, celle de la fuite. Quand on arrive à trouver ça, ou à savoir que c’est possible, ça apaise.
Il n’y a pas besoin d’être devin pour voir que les gens sont fatigués, et qu’il y a ce besoin de partir en chacun de nous. Mais après, ça ne peut rester qu’à l’état de rêve et c’est déjà pas mal. 

Vous pensez à la réalisation?
J’avais cette envie depuis longtemps en moi, mais là les choses se sont accélérées. Il faut que j’aie tous les financements et mon casting avant, mais c’est en cours.

Quand on est sur le tournage d’un film pareil, est-ce qu’on pense aux récompenses possibles ?
En Sibérie, really ? Non, non, non, non. A mon jeune âge, si je commence à penser aux récompenses, c’est que je suis déjà vieux. Non. Je trace ma route.

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